Gauthier La Théorie Des Nombres Chez Herbrand Et Lautman

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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Article « La théorie des nombres chez Herbrand et Lautman » Yvon Gauthier Philosophiques, vol. 37, n° 1, 2010, p. 149-161. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/039716ar DOI: 10.7202/039716ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 22 juin 2015 01:40

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    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

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    La thorie des nombres chez Herbrand et Lautman Yvon GauthierPhilosophiques, vol. 37, n 1, 2010, p. 149-161.

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  • PHILOSOPHIQUES 37/1 Printemps 2010, p. 149-161

    La thorie des nombres chez Herbrand et Lautman

    YVON GAUTHIERUniversit de [email protected]

    RSUM. Dans cet article, je compare les vues de Lautman et Herbrand sur la thorie des nombres et la philosophie de larithmtique. Je montre que, bien que Lautman et avou avoir t marqu par linfl uence de Herbrand, les pos-tures fondationnelles des deux amis divergent considrablement. Alors que Lautman versait dans un ralisme platonicien, Herbrand est rest fi dle au fi ni-tisme hilbertien. Il est vrai que Lautman tait philosophe et que Herbrand tait avant tout arithmticien et logicien, mais il demeure que luvre de Herbrand a une porte philosophique mieux accorde la logique et aux mathmatiques contemporaines.

    ABSTRACT. In this paper, I am contrasting Lautmans and Herbrands views on number theory and philosophy of arithmetic. It is argued that despite the fact that Lautman had acknowledged Herbrands major infl uence on his own work, their foundational stances diverge profoundly. Lautman defended a variety of Pla-tonism and Herbrand advocated a personal version of Hilbertian fi nitism. Of course, Lautman was a philosopher while Herbrand dealt mainly with number theory and logic. It remains though that Herbrands work is more in tune with contemporary logic and mathematics from a philosophical perspective.

    1. Introduction

    Lautman est un fi ls spirituel de Brunschvicg, le pre de la philosophie fran-aise des mathmatiques, et il a t lami de Herbrand le premier logicien franais au sens de la logique mathmatique, n aussi en 1908. Brunschvicg salliera Poincar dans son refus du logicisme des Frege et Russell : son idalisme, quil appellera constructif, est immanent, et le progrs de la conscience quil dcrira dans Les tapes de la philosophie mathmatique de 1912 [5] obit une logique interne la dmarche mathmatique qui demeure rfractaire la logique formelle. Herbrand, de son ct, optera pour le formalisme, ou plutt pour le fi nitisme hilbertien, et sattaquera au problme de la consistance de larithmtique avec un succs partiel, mais sans jamais aller au-del dune thorie des dmonstrations fi dle lesprit hilbertien.

    Dans la prface quil a crite pour la rdition des thses de Lautman, Maurice Loi insiste sur le platonisme de Lautman, mais il y a plus. Outre la thse principale Essai sur les notions de structure et dexistence en mathma-tiques [20] et la thse secondaire Essai sur lunit des sciences math matiques dans leur dveloppement actuel [19], on trouve un texte intitul Nouvelles recherches sur la structure dialectique des mathmatiques , o assez curieu-sement Lautman veut mettre profi t certains concepts heideggriens, comme

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    lavait fait Oskar Becker dans son ouvrage de 1927, Mathematische Exis-tenz [3], et comme il la fait plus tard dans ses Grundlagen der Mathematik in geschichtlicher Entwicklung de 1954 [4] Becker va jusqu invoquer les niveaux de la rfl exion infi nie dans la philosophie transcendantale de Schelling pour tenter de justifi er les paliers de la hirarchie des ordinaux transfi nis de Cantor. Mais je ne veux pas marrter aux intrts existentia-listes de Lautman, mais plutt aux soucis logiques qui tiraillent, dit-il, les mathmatiques et les modes de liaison des concepts mathmatiques. Les dialectiques mathmatiques du fi ni et de linfi ni, du discret et du continu, du local et du global, ne sont que des copies dune ralit idale qui domine lactivit mathmatique ([19] p. 143 et ss.). On trouve alors chez Lautman des expressions comme monte vers labsolu , achvement, perfection dune fi gure mathmatique qui, si elles tmoignent dun univers transcen-dant, ne nous instruisent gure sur les mathmatiques relles et leur pra-tique. Que nous apprend en effet une pistmologie qui nous dit par exemple que la thorie de Galois pour les corps fi nis (compltions du corps de base K) constitue une monte vers labsolu ([19] p. 68 et ss.), ou encore que le tho-rme duniformisation pour les courbes algbriques (d Poincar et Koebe) est un achvement ([19] p. 6 et ss.), ou enfi n que cest une imperfection pour une surface que dtre simplement connexe un tore serait-il plus parfait quun cercle ?

    Ces analogies ou mtaphores ne peuvent tre utiles que dans la mesure o elles dcrivent lactivit mathmatique, elles sont infcondes si elles visent dcalquer le ciel intelligible des ides mathmatiques dans la pratique mathmatique. cet gard, la dialectique au sens o lentend Lautman na rien voir avec la dialectique au sens de Hegel, elle renvoie plutt la dia-lectique platonicienne qui comporte deux mouvements, lun ascendant , synthse, et lautre descendant , division analy-tique, comme lenseigne le dialogue Parmnide de Platon. Lautman dit par exemple :

    Il existe ainsi une descente du tout vers la partie comme une monte vers le tout, ce double mouvement sclairant la lumire de lide dachvement.

    Les conditions dachvement, comme le note encore Lautman, sont des gnralisations conceptuelles qui ont valeur ontologique.

    Jai dit que lentreprise de Lautman tait en bonne partie issue de lpistmologie historique de Brunschvicg et de son rationalisme idaliste. Mais Lautman donnera un tour transcendantal ou platonicien ce rationa-lisme, et cest l-dessus que je voudrais insister pour montrer les carences de lpistmologie lautmanienne en thorie des nombres.

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    2. Logique et thorie des nombres

    Lautman sinspire de Ingham dans The Distribution of Prime Numbers [15] pour discuter du thorme sur les nombres premiers qui nonce

    Lim = 1

    ou

    (x) x / log x

    qui est une loi asymptotique pour la distribution des nombres premiers avec (x) le nombre de nombres premiers x. Le thorme a fait lobjet de conjec-tures chez Legendre et Gauss au dbut du xixe sicle, et ce nest quen 1896 que Hadamard et de la Valle Poussin en ont donn une preuve analytique. Ingham lui-mme, inspir par Hardy (et Littlewood), avait suppos que les mthodes transcendantes (de lanalyse complexe ici) taient inhrentes au problme arithmtique et quelles ne sauraient tre limines. Un autre tho-rme important en thorie des nombres est le thorme de Dirichlet sur linfi nit des nombres premiers dans toute progression arithmtique a + nb o a et b sont relativement premiers, c.--d. sans dnominateur commun 1. Le thorme rcent de Green et Tao lequel vient dobtenir la mdaille Fields pour ses travaux l-dessus stipule quil y a des progressions arith-mtiques de longueur arbitraire dans la suite des nombres premiers le thorme utilise la thorie ergodique et les sries de Fourier, mais on tra-vaille aujourdhui en extraire le contenu combinatoire ou constructif, bien quil faille entendre constructif dans un sens large puisquon admet des mthodes logiques infi nitaires (cf. les travaux rcents de Avigad, Gerhardy et Townsner [2]). Mais mme Terence Tao reconnat que la mthode de Herbrand pourrait permettre de constructiviser encore davantage les rsul-tats analytiques.

    Voici en bref la formulation de Herbrand. Soit A une formule en forme prenexe, par exemple

    avec R sans quantifi cateur. On introduit deux nouvelles lettres de fonc-tions, f unaire et g binaire avec les termes U1...Un, W1...Wn, alors est dmon-trable dans le calcul des prdicats sous la forme

    .

    Cette disjonction est drivable dans un calcul propositionnel et peut servir de critre de rfutabilit dans une interprtation ngative (voir Hilbert et Bernays [14], II, pp. 170 et ss).

    La ngation de A est

    ( )A x y z t B x y z t, , ,

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    ou

    ( ) ( )( )A B x f x z g x y, , , ,et si Herbrand a vu la consistance dans la rfutabilit sur un champ

    infi ni ou indfi ni, Kreisel a pens linterprtation sans contre-exemple comme une interprtation fonctionnelle sur les types suprieurs ; les fonc-tionnelles rcursives sont de la forme

    avec B ouverte. Pour une formule vraie A, nous avons

    o les F et les G sont videmment nos nouvelles fonctionnelles rcur-sives sur les types.

    La dernire formule A est vraie sil ny a pas de contre-exemple de la forme

    ( ) ( ) B x f x z g x y, , , ,avec f et g comme arguments des fonctionnelles rcursives F et G de type

    suprieur ; F et G sont continues et peuvent donc tre associes des poly-nmes de degr arbitraire : nous pouvons dfi nir la composition de F et G

    F G F x G x F G xii

    i jj

    j i ii j

    ji= ( )( ) +( ) .

    Puisque nous ne pouvons quantifi er sur toutes les fonctionnelles par diagonalisation il y a une fonctionnelle rcursive qui est distincte de toutes les fonctionnelles rcursives nous devons nous restreindre aux polynmes de degr fi ni et utiliser la descente sur les degrs et les hauteurs de polynmes pour retrouver une version fi nitiste (voir l-dessus [13] pour cette construc-tion).

    Remarquons que les fonctions rcursives primitives peuvent se tra-duire aisment en fonctions polynomiales. La chose est vidente pour les fonctions constantes initiales ; la composition et la rcursion sont traites comme un produit de convolution G H pour G et H de telle sorte que

    F x G H a H an n n p n

    ( ) = ( ) ( )( ) 1 , ,avec H G G H xi i

    i jji

    =+ ( ) .

    Loprateur comme lquivalent au principe du plus petit nombre est remplac par la descente (fi nie) infi nie sur les puissances dcroissantes dun polynme de degr fi ni

    F x f x f x f x fn

    n nn n( ) = + + + + 0 1 1 1 .

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    Selon lide de Hilbert dune suite terminale de prdcesseurs pour un n donn, la descente fermatienne autorise un processus de rduction fi ni la faon dun ordre linaire dcroissant de puissances pour un polynme donn.

    Les deux thormes sur la distribution asymptotique des nombres pre-miers et le thorme de Dirichlet sur linfi nit des nombres premiers dans toute progression arithmtique, on le sait maintenant, ont des versions l-mentaires obtenues par Selberg et Erds en 1949 et en 1950. lmentaire signifi e ici que lon nutilise que des mthodes arithmtiques constructives ou combinatoires comme les sommes fi nies, sans recours aux mthodes transcendantes comme le prolongement analytique de sries infi nies en ana-lyse complexe.

    Je ferai remarquer que Dirichlet, dans son texte de 1836, avouait que :

    Es fehlt noch an gehrigen Principien, unter denen transzendente Verbindungen, welche unbestimmte ganze Zahlen enthalten, verschwinden knnen (Werke I [21], p. 326).

    notant donc quil manque encore les principes appropris en vertu desquels les relations transcendantes (obtenues par les sries infi nies) entre des entiers indtermins pourraient tre limines. Ce nest donc pas sans rticence que Dirichlet avait introduit la mthode analytique des sries infi -nies en thorie des nombres. Kronecker, qui a dit les Werke de Dirichlet, a propos dans ses Vorlesungen ber Zahlentheorie [17] dtendre arithmti-quement un intervalle fi ni () pour les entiers et afi n dy loger au moins un nombre premier hm + r pour m et r relativement premiers. On pourrait voir l une anticipation des ides de Selberg, qui utilise des for-mules asymptotiques pour la fonction logarithmique sur des segments ou intervalles fi nis de Z voir de nouveau [11] p. 36.

    Pour Lautman, dans le cas du thorme sur les nombres premiers associ lhypothse de Riemann pour les zros de la fonction (s) sur la droite relle , il sagit de la dialectique du continu (analyse) et du dis-continu (arithmtique) ([19] p. 233). Je noterai encore que lhypothse de Riemann est ne dune remarque marginale dans le texte de 1859 ber die Anzahl der Primzahlen unter einer gegebenen Grsse [22], et que Riemann la laisse de ct bei Seite gelassen puisquil sintressait dabord au pro-blme de la distribution des nombres premiers. Cette remarque en appelle une autre, aussi marginale, de Fermat sur son dernier thorme ! Dans son expos, Lautman privilgie lanalyse et va jusqu dire que limpossi-bilit dliminer lanalyse de larithmtique ([19] p. 214) dans le thorme sur les nombres premiers est comparable au thorme de Gdel sur les preuves de non-contradiction (deuxime thorme dincompltude de Gdel) : lhistoire lui a donn tort l-dessus, et il est facile dexpliquer pour quelle raison. Labsence dun point de vue fondationnel ne lui a pas permis

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    de voir que le vritable enjeu se situait au niveau des mthodes de preuve, comme lavait soulign lintuitionnisme et comme lavait reconnu Herbrand. Dans ses travaux sur la consistance de larithmtique, Herbrand adopte le point de vue fi nitiste de Hilbert. Herbrand, par-del Hilbert, revient la posture fondationnelle de Kronecker, et ce quil appelle argument intuition-niste est en fait une procdure constructive quand il dclare quil ne suppose pas quun objet existe sans quon puisse trouver un moyen de le construire ; de mme ce quil appelle un champ infi ni nest quune abrviation pour la construction itrative du < pas pas > (< Schritt zu Schritt >) dun champ ou domaine dobjets illimit ou effi ni , comme je prfre le dire. Son tho-rme fondamental porte sur lidentit a = a ou la non-identit a a, ce que Hilbert dsignait par quation ou inquation. Si P est une identit, une preuve de P va nous permettre de trouver un nombre h tel que P ne puisse tre vraie dans tout domaine dordre h ; de mme, si P nest pas une identit, pour tout h on peut construire un domaine dordre h dans lequel P est vraie. Lide de Herbrand dans sa preuve de consistance est de se servir dune induction sans quantifi cateurs (sans variables lies) et de laisser libre cours des fonctions rcursives gnrales obtenues par substitution et rcur-sion. Herbrand est bien conscient quil ny a pas de procdure gnrale ou dalgorithme pour dfi nir toutes les fonctions rcursives et que cest la seule mthode diagonale qui permet Gdel de passer outre pour dmontrer lin-compltude de larithmtique. Larithmtique rcursive de Herbrand peut elle aussi se traduire facilement en termes de polynmes o lon remplace la notion dordre dun domaine par celle de degr, et il saute aux yeux quun polynme de degr fi ni obtenu par composition rcursive (substitution et rcursion) est soumis la diagonale de Cauchy (ou produit de convolution) et chappe la diagonale de Cantor qui suppose une quantifi cation sur len-semble des nombres naturels, ce que refuse Herbrand dans sa dmarche intuitionniste ou constructiviste. Cest cependant dans sa thse de 1930 quil formule son thorme sur la consistance du calcul des prdicats importants aussi en informatique thorique, comme je lai annonc plus haut. Je ne reviendrai pas l-dessus, si ce nest que pour insister sur le fait que le pro-gramme de Herbrand, si on peut lappeler ainsi, a donn naissance linter-prtation sans contre-exemple de Kreisel ( partir de lexpos de Hilbert et Bernays dans Grundlagen der Mathematik) et son programme du < proof mining > ou extraction du minerai constructif des thormes classiques de lanalyse. Programme qui est relanc aujourdhui surtout par Ulrich Kohlen-bach Darmstadt. Ce qui importe nos yeux dans la dmarche de Herbrand, cest son insistance sur les mthodes fi nitaires et le point de vue fondationnel qui sy rattache. Ainsi, Herbrand formulera lhypothse suivante, que jai appele il y a plusieurs annes la conjecture de Herbrand :

    Les mthodes transcendantes ne peuvent permettre de dmontrer en arithm-tique des thormes quon ne puisse dmontrer sans leur aide (crits logiques [12] p. 152).

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    Dans un article rcent Number Theory and Elementary Arithmetic [1], Jeremy Avigad, sans mentionner Herbrand, attribue Harvey Friedman la conjecture suivante, quil appelle Grand Conjecture :

    Every theorem published in the Annals of Mathematics whose statement involves only fi nitary mathematical objects (i.e. what logicians call an arith-metical statement) can be proved in elementary arithmetic.

    Cela inclut videmment le dernier thorme de Fermat dont la preuve par Andrew Wiles a occup tout un numro des Annals of Mathematics en 1995 : il faudrait donc dgager cette preuve de sa gangue analytique ! Le logicien contemporain entend par lmentaire un sous-systme de larithm-tique de Peano du premier ordre ou encore larithmtique rcursive primi-tive avec induction borne. Pour ma part, je soutiens que mme larithmtique rcursive primitive ne capture pas larithmtique classique, et jai propos dans mes travaux de substituer la descente infi nie de Fermat linduction complte que traduit le postulat dinduction de Peano en montrant que les deux principes ne sont pas quivalents du point de vue constructiviste, ce que mme les intuitionnistes nont pas vu puisquils identifi ent la descente infi nie linduction transfi nie, et donc linduction complte sur les ordi-naux de la deuxime classe de nombres de Cantor

    lim = 0

    mais il y a l une double ngation sur lensemble infi ni des nombres naturels N. La conjecture de Herbrand chappe donc Lautman, et Dieudonn a mal valu les dons de prophtie de Lautman, comme il le prtendait dans lavant-propos critique de lEssai sur lunit des sciences mathmatiques [19]. On pourrait dailleurs minimiser la comparaison que Lautman tente dtablir avec le deuxime thorme dincompltude de Gdel ou thorme sur les preuves de consistance, puisque Gdel lui-mme ncarte pas la pos-sibilit dune preuve fi nitaire de la consistance de larithmtique dans une remarque de son texte de 1931 sur laquelle il reviendra plus tard on peut penser quil a tent de formuler une telle preuve dans son interprtation Dialectica ber eine noch nicht bentzte Erweiterung des fi niten Stand-punktes o lon a des fonctionnelles de type fi ni au lieu de linduction transfi nie de Gentzen et Ackermann.

    Mais on ne doit pas jeter le bb avec leau du bain, disait dj Rie-mann das Kind mit dem Bade ausschtten dans un autre contexte il sagissait de la priori formel kantien quil voulait remplacer par un a priori matriel, comme son matre en philosophie Johann Friedrich Herbart len-seignait. Si on ne peut nier lutilit des mthodes analytiques, tous les math-maticiens sentendent pour accorder un statut particulier aux preuves constructives directes, effectives qui donnent plus dinformation que les mthodes transcendantes souvent plus lgantes, parce quelles empruntent un dtour via les objets idaux, dirait Hilbert. Cest en ralit une thorie

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    des preuves, constructives ou autres, qui aura manqu lentreprise de Lautman.

    3. Dialectique et thorie des nombres algbriques

    Sa dialectique des genses et des structures, Lautman aurait voulu lenrichir par une thorie des mixtes au sens platonicien des genres composs, dyades ou mlanges dessence et dexistence, ou encore par un principe de dualit entre le continu et le discontinu. Je voudrais donner un autre exemple, cette fois en thorie des nombres algbriques, et montrer comment la dialectique des concepts est certains gards superfi cielle ou artifi cielle. Il sagit de la distinction entre corps de nombres algbriques et corps de fonctions algbri-ques que Lautman voudrait dissocier dans la dualit du continu et du dis-continu.

    Prenons Q[x] lanneau des polynmes en une indtermine avec coef-fi cients dans le corps Q des nombres rationnels. Un corps de fonctions alg-briques une variable dans Q est une extension de degr fi ni de Q[x]. Les corps de fonctions algbriques dfi nis sur Q[x] sont les analogues par-faits des corps de nombres algbriques dfi nis sur lanneau des entiers Z. Le sous-corps des quotients Q(x) de Q[x] est par exemple le corps des fonc-tions rationnelles avec coeffi cients dans Q. La gomtrie algbrique rcente fait son pain quotidien de ces sous-corps. La thorie des schmas de Gro-thendieck, par exemple, cest Dieudonn lui-mme qui la reconnu, est la descendante de la thorie des domaines de rationalit Rationalittsbe-reiche de Kronecker, qui, soit dit en passant, prfrait ce terme celui de corps Krper employ par Dedekind et quil trouvait trop charg de matire ce qui aurait sans doute plu lidaliste Lautman sil avait connu Kronecker et sa thorie des formes ou polynmes homognes. Kronecker se contentait des extensions simples par ladjonction dun seul lment la fois, alors que lon a maintenant des extensions infi nies, algbriques ou transcendantes, celles-ci tant adjointes en bloc densembles, peut-on dire.

    Je remarquerai en plus que la gomtrie algbrique que lon renomme aujourdhui gomtrie arithmtique a pris acte de lintime connexion des deux corps, le corps des nombres algbriques et le corps des fonctions alg-briques, dans le programme de Langlands notamment. Langlands sinspire directement du < Jugendtraum > de Kronecker (voir Langlands [18]), pour qui lanalyse tait le point de dpart et lalgbre le moyen datteindre la cible qui est larithmtique. Pour Kronecker, cest bien larithmtisation de lal-gbre qui est la fi n ultime. Pour le programme motivique ou thorie des correspondances algbriques de Grothendieck, on le considre encore trop spculatif, mais ce sont les rsultats de fi nitude (de points rationnels sur les courbes elliptiques) de Faltings sur la conjecture de Mordell et de Deligne sur la conjecture de Weil pour lhypothse de Riemann sur les varits rationnelles qui ont t le point focal de lattention dans cette direction en gomtrie arithmtique contemporaine. Il y a l un fi l directeur : Poincar a

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    tudi dabord les proprits arithmtiques des courbes algbriques en utili-sant une version de la descente infi nie dans lexpression un nombre fi ni dhypothses , Mordell a ensuite dmontr la conjecture de Poincar sur la gnration fi nie des points rationnels sur une courbe elliptique en dfi nissant la descente infi nie comme mthode partant dun entier n donn pour des-cendre fi niment ; enfi n la conjecture de Mordell sur le nombre fi ni de points rationnels sur une courbe elliptique de genre > 1 a t dmontre par Faltings qui a eu recours une forme de descente gnralise. Quant Andr Weil, qui a jou un rle majeur dans toute cette histoire, on sait que sa mthode de preuve privilgie tait la descente fi nie dans les corps fi nis . Rcemment le mathmaticien franais Laurent Lafforgue, mdaill Fields, a russi montrer la correspondance exacte de Langlands entre morceaux de lespace modulaire (ou varit algbrique) et points rationnels (dnombra-bles) laide dune technique ditration des chtoukas de Drinfeld du russe vient de lallemand Stcke , morceaux. Le corps de base de la correspondance de Langlands est un corps fi ni F avec groupe de Galois G. Ici, Lautman parlerait plutt dimperfection du corps de base ([19] p. 65) et dirait quil faut engendrer un sur-corps par monte vers lachvement, alors quil ne sagit que dune extension du corps de base, et le corps Q des rationnels nest quun sous-corps du corps R des rels, lui-mme sous-corps de C des nombres complexes. Mais ici, dans la thorie des corps fi nis, la descente infi nie de Fermat sapplique parfaitement, comme la bien montr Andr Weil dans son ouvrage Number Theory. An approach through history. From Hammourabi to Legendre [23], et comme il la fait dans sa pratique1. Ce que Lautman ne pouvait voir videmment. Ni Cavaills dailleurs, qui assez navement disait que toute thorie contenant larithm-tique des entiers tombait sous le coup de lincompltude de Gdel, et il ajoutait que cest peu prs toute thorie mathmatique qui tait ainsi atteinte voir Sur la logique et la thorie de la science ([6] p. 70). Lautman et-il caractris la descente infi nie comme descente vers limparfait sil lavait connue ? Et la thorie du corps de classes didaux qui relve de la

    1. Je pourrais faire remarquer ici que les thoriciens des modles contemporains sinspi-rent largement de la thorie des corps fi nis, comme le notait Ehud Hrushovski dans une conf-rence plnire du dernier congrs de Logique, mthodologie et philosophie des sciences Beijing en aot 2007. La confrence de clture de Hrushovski portait sur lhritage de Gdel, et Hrushovski a insist avec justesse sur le fait que le thorme de compltude tait plus impor-tant pour la thorie des modles que les rsultats dincompltude ; pour lui, les rsultats dAndr Weil en thorie des corps fi nis jouaient un rle encore plus important en thorie contemporaine des modles. L-dessus, je lui ai fait remarquer que justement loutil privilgi de Weil en thorie des corps fi nis tait la mthode de la descente infi nie (en ralit fi nie) de Fermat et que Weil nadmettait pas la mthode diagonale de Cantor comme mthode de preuve valide en thorie des nombres, et on sait quelle est cruciale dans le premier thorme dincompltude de Gdel ; ce que Hrushovski aurait d relever, comme je le lui ai suggr. Jai ajout que le ph-nomne dincompltude affectait moins de 20 % des mathmatiques actuelles ce quil a reconnu aussi.

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    thorie algbrique des nombres et que Lautman a aborde aprs que Her-brand leut pratique avec des mthodes arithmtiques repose sur lide que le nombre de classes didaux est fi ni

    Les quelques rsultats de Herbrand en thorie des nombres sont clas-siques : ils tablissent une relation entre les nombres de Bernoulli, valeurs numriques des coeffi cients x2/2 !, x4 / 4 !, , dans lexpansion de x/(1 e x), avec la structure de groupe des classes didaux de Q (p) pour la fonction sur les nombres premiers voir K. Ireland et M. Rosen, A classical Intro-duction to Number Theory [16]. Dailleurs, Herbrand a aussi travaill la thorie des corps cyclotomiques quil appelle circulaires en sinspirant du 12e problme de Hilbert sur Lextension de la proposition de Kronecker sur les corps abliens dans un domaine de rationalit algbrique ; le tho-rme de Kronecker-Weber stipule que toute extension ablienne de Q appar-tient au corps cyclotomique des racines de lunit, comme lavait dcrit Kummer cf. louvrage de Herbrand Le dveloppement moderne de la thorie des corps algbriques. Corps de classe et lois de rciprocit, [13] publi en 1936 par son ami Claude Chevalley. Dans ce contexte, la dialec-tique de Lautman est sinueuse, puisquil voque en les approuvant ([19] p. 189) les rsultats arithmtiques pour la fonction sur les corps fi nis (de nombres rationnels) ; il reconnat aussi que les mathmatiques classiques avant Cantor sont dessence constructiviste ! Mais il ne faut pas accabler Lautman l-dessus. Mme des philosophes des mathmatiques contempo-rains comme David Corfi eld, dans son essai rcent Towards a Philosophy of Real Mathematics [8], lequel parle de disanalogy ou fausse analogie entre corps de nombres et corps de fonctions, alors que le mathmaticien parle danalogie profonde ou de correspondance exacte ou encore dune thorie unifi e comme Harold Edwards dans sa Divisor Theory [9]. Enfi n, je pour-rais ajouter ici avec un brin dironie que la distinction entre gomtres et arithmticiens tient (peut-tre) au fait que les gomtres nont lu que la pre-mire partie des Livres dEuclide sur la gomtrie, alors que les arithmti-ciens les ont lus jusquau bout en incluant les Livres arithmtiques. Et les arithmticiens, ce sont eux qui font aujourdhui de la gomtrie arithm-tique !

    4. Conclusion

    Je voudrais terminer en commentant quelques remarques de Lautman sur la logique. Je cite Lautman ([19] p. 39) :

    La vritable logique nest pas a priori par rapport aux mathmatiques, mais il faut la logique une mathmatique pour exister.

    Il ajoutait que si la logique nadmet pas les dfi nitions imprdicatives, les mathmatiques sen nourrissent. Cette conception brunschvicgienne et poincarenne, nous la partageons, et elle est commune chez les mathmati-ciens, mais elle ne justifi e pas pour autant les preuves dexistence, vritables

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    preuves ontologiques de lexistence des tres mathmatiques dans lesprit de Lautman. Pour Lautman, lide de parfait prcde lide dimparfait, comme chez Descartes qui pensait que lide dinfi ni ne pouvait tre injecte dans un esprit fi ni que par un tre infi ni mais Descartes, comme Leibniz, comme Gauss, comme Cauchy, rejetait lide dinfi ni mathmatique. La logique ou la dialectique interne des constructions mathmatiques na pas besoin de recourir aux relations logiques entre lessence et lexistence ([19] p. 80) pour rendre compte de lobjectivit des mathmatiques. Poincar, avant Herbrand, dans ses Dernires Penses pensait que linfi ni nest quune abr-viation du fi ni, cest--dire que linfi ni est une approximation du fi ni, une ide reprise par Y. Gurevitch, un des crateurs de la thorie contemporaine des modles fi nis. Si Lautman parle de lindpendance de la logique dialec-tique au sens o il lentend et des mathmatiques ([19] p. 139), cest quil se fonde sur un platonisme des relations entre les thories mathma-tiques et le ciel didalits qui les domine. Lautman voque volontiers la nature imparfaite de certains tres mathmatiques plutt que des construc-tions dobjets dfi cientes. Il dit de la thorie des dmonstrations que cest une thorie structurale alors que le point de vue ensembliste est extensif ; pour lui la notion de ralisation dans un champ infi ni, en ralit potentielle-ment infi ni, chez Herbrand est la cration dtres mathmatiques hybrides ou mixtes entre deux genres de ltre ([19] chap. III).

    Je ninsisterai pas davantage sur ces remarques disparates de Lautman, si ce nest pour conclure que si sa culture logique tait mince, sa culture mathmatique en menait large, trop large peut-tre pour ne pas demeurer superfi cielle dans bien des cas. Quoi quil en soit, le ralisme platonicien de Lautman est impuissant dfi nir une option fondationnelle. Si Lautman possdait sans doute parmi les philosophes la plus vaste rudition mathma-tique, Cavaills, qui ntait pas aussi savant, tait cependant un philosophe plus pntrant. Cavaills tente de penser plus concrtement le mouve-ment des liaisons intellectuelles dans leur dveloppement dialectique , selon lexpression de Lautman ; cest le lien entre la superposition intuitive et la dialectique des concepts qui reste le problme fondamental de la phi-losophie mathmatique, crit Cavaills dans sa Philosophie mathmatique ([7] p. 273). Il entendait par superposition intuitive une sorte de mta-intui-tion, comme on dit mtalangage, qui sappuie sur une intuition premire, laquelle est toujours en procs de dissolution. Quentendait-il par dialec-tique du concept ? Il refusait la primaut de la conscience transcendantale dans la thorie husserlienne sur lenchanement dialectique des concepts. Linteraction des gestes constructeurs et des objets construits nest pas dfi nie une fois pour toutes, elle est la reprise indfi nie du jeu dialectique dans une histoire dont la seule ncessit est interne. On pourrait reprocher Cavaills davoir trop peu exemplifi son propos : lhistoire de la thorie des ensem-bles quil a surtout privilgie nest quun petit chapitre dans lhistoire des mathmatiques. Il navait pas le vaste horizon de Lautman. Le mrite de

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    Cavaills est davoir indiqu que les idalits les constructions math-matiques jouissent de lautonomie dun texte continu unifi par le concours dactes dont on peut dire quils convergent uniformment si lon tient compte de la continuit historique des thories mathmatiques. Il ny pas dhistoire mieux enchane, plus lie que lhistoire des mathmatiques, et pourtant, chacun de ses moments, elle nest que la suite alatoire des concepts nou-veaux, rptition du mme dans lautre et reduplication des possibles dans un langage neuf.

    Un Desanti qui sinspire de Cavaills et de Husserl na pas su retenir tous les lments de cette synthse presque brunschvicgienne de lintuitif et de laxiomatique (Brunschvicg disait vrifi cation), synthse que la logique mathmatique contemporaine a retrouve par dautres moyens voir l-dessus mon article Lpistmologie franaise des mathmatiques , dans la revue Critique, paru en 1979 ([10], pp. 3-36). Cest lgologie transcendan-tale de Husserl qui est mise entre parenthses chez Desanti comme chez Cavaills, mais ce sont les idalits mathmatiques comme chez Lautman que Desanti veut ranimer, cette fois dans la dialectique objective dune pro-cession abstraite des concepts. Mais Desanti perptue en quelque sorte la mfi ance lgard de la logique hrite de Poincar et de Brunschvicg, relaye par Lautman et Cavaills, et il faudra attendre les travaux de Lacombe et Frass, puis ceux de Poizat et Girard parmi dautres pour reprendre la logique mathmatique l o lavait laisse Herbrand en France. Seul Herbrand aura eu une descendance, et son ami Lautman naura pas eu dhritiers dobdience platonicienne en philosophie mathmatique ou en fondements des mathmatiques, ou encore en recherche fondationnelle, comme on doit dire maintenant2.

    Rfrences bibliographiquesAvigad, J. Number Theory and Elementary Arithmetic , Philosophia Mathematica

    XI, 2003, pp. 257-284.Avigad, J., P. Gerhardy et A. Townsner. Local Stability of Ergodic Averages ,

    paratre dans Trans. of A.M.S.

    2. P.S. Sur une note personnelle. Brunschvicg a t la premire infl uence et peut-tre la plus durable jai rdig un mmoire de matrise sur Brunschvicg au dpartement de philoso-phie de lUniversit de Montral il y a prs dun demi-sicle ! L. Brunschvicg avait dj utilis dans son ouvrage Les tapes de la philosophie mathmatique de 1912 les termes darithm-tisme et de logique interne, mais dans un sens diffrent du mien que jai rintroduit dans un ouvrage rcent sur larithmtisation de la logique. Pour lui, larithmtisme ou le pythago-risme sopposait ce quil appelait lpoque logistique il emploie mme le terme < logisti-cisme > pour logicisme , mais ctait un dogme rigide qui npousait pas la dialectique interne de la cration mathmatique, une terminologie qui voque cette fois la longue ligne des hritiers de Brunschvicg, Lautman, Cavaills ou Desanti qui, en se dtachant de Husserl pour les deux derniers, ne sloignent pas pour autant de Brunschvicg et de son constructivisme ou idalisme immanent, dont je me rclame aussi librement

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