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    SAINT IRNEE T L A

    P R I M A U T D U P A P E

    LEON FAITE J*A SORIiONSK EN 1S60

    P A R M. L 'ABB F R E P P E L

    DOYEN DE S. t o GEXEYIYE, PROFESSEUR LA SOEBOME

    ACTUELLEMENT

    EVQUE D'ANGEES

    Extrait des oeuvres de Mgr. Freppel Tome IV,S. rne et P loquence chrtienne dans la Gaule pendant

    les deux premiers sicles*

    ROME

    Imprimerie de la Givilt Cattolica1870.

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    VINGTIME LEON

    Saint Irne et la primaut du Pape. Nouveaut des hrsies compares F glise. Le maintien de la vraie foi est attach la succession desvoques. Caractre apostolique de l'glise. Ncessit pour les glisesdu monde entier de s'accorder dans la foi avec l'glise de Rome, causede sa principaut suprieure. Examen critique du texte de saint Irne. Consquences logiques qui en dcoulent: la suprmatie du Saint-Sigeet son ndfectibilit ainsi que 1"infaillibilit du Pontife romain en matirede foi. Efforts des critiques protestants pour luder le sens du passage. Explications de Saumaise., de Grabe, de Nander, etc. Rsum etconclusion.

    Messieurs,

    C'est par le double canal de l'cri ture et do la Tradition quo larvlation chrtienne est arrive aux hommes. Entre la parole deDieu crite et la parole de Dieu non crite la diffrence n est quedans la forme: l'une et l'autre, drivant d'une mme source, ontdroit une gale vnration. Confie l'glise, ce dpt sacre seconserve au milieu d'elle dans son intgrit. Elle seule transmetsans altration Yenseignement qu' elle a reu des aptres, commeelle maintient le canon des Livres saints sans addition ni retranchement. Investie d'une autorit divine, elle propose la croyance

    de tous et interprte dans son vritable sens la doctrine rvle.Par l, elle sauvegarde l'unit de foi p^rmi ses membres, en facedes variations et des contradictions qui sont le partage invitabledu schisme ou de l'hrsie. En se laissant guider par elle, on necourt nul risque de s'garer; car l o est l'glise, l est l'Espritde Dieu, c' est--dire la vrit. Telle est, en rsum, la thse que

    saint Irne soutient et dveloppe contre les gnostiques dans sa rfutation gnrale des hrsies.

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    En parcourant ce vaste plan de dmonstration cathol ique, il est

    facile de voir que l'voque de Lyon assigne l 'glise les vrita

    bles caractres qui la distinguent des sectes dtaches d'elle. Nous

    avons vu avec quelle pompe cl quelle nergie de langage il clbre

    l'unit et l'universalit de l'Eglise. Bien que dissmine sur toute

    l'tendue de la terre, dans les Gcrmanics, parmi les Ibres, chez

    les Celtes, en Orient, dans l'Egypte, dans la Lybic et en tous lieux,

    elle n'en professe pas moins une seule et mme croyance, tandis

    que les diffrentes sectes, resserres chacune dans d'troites limi

    tes , ne s'accordent pas plus entre elles qu'elles ne sont d'accordavec elles-mmes 1. A ces deux marques qui la font reconnatre fa

    cilement, l'glise ajoute le privilge de la saintet. Elle est sainte

    dans sa doctrine qui a pour rsultat de conduire l'homme la sain

    tet par la pratique des vertus qu'elle recommande, tandis que les

    gnosliques regardent les bonnes uvres comme inutiles au salut.

    El le est sainte dans les sources de grces toujours ouvertes au milieu d'elle, dans les dons surnaturels que Dieu ne cesse de lui con

    frer, dc'.ns les miracles qui s'accomplissent par l'effet de sos pri

    res , pendant que le pouvoir des sectaires se rduit tromper les

    simples par de vains artifices cl par de faux prestiges. Enfin elle

    est sainte dans ses membres dont la vie exemplaire contraste avec

    les drglements des hrtiques: ceux-ci ne peuvent citer qu'un ou

    deux martyrs depuis rtablissement de la religion chrtienne, en

    regard de celle foule de tmoins hroques que l 'g lis e a envoys

    de tout temps vers le Pre cleste; ils vont mme jusqu' enseigner

    qu'il n' est pas ncessaire de confesser la foi au pril de la vie. La

    vritable socit de Jsus-Christ est l o se trouvent les mar tyrs ,

    les vrais thaumaturges, les hommes d'une verlu hroque 2. Mais, si

    nous pouvons la discerner sans peine ce triple signe de l'unit, de

    l'universal it cl de la saintet, il est un moyen encore plus simple

    et plus facile de la reconnatre, c'csl le caractre apostolique de l'-

    1 Saint Irne, adv. Jlaer., 1. i, c. x; 1. v, c. xx.2 Saint Irne, adv, Ilaer., ni , 25; n, 31, 32; v. 33; i, 6.

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    glise. Aucune secte ne peut y prtendre. Toutes sont plus rcentesque l'glise qui, seule, remonte jusqu'aux aptres par une succession non interrompue d'vques et de pasteurs. C'est l'argumentque saint Irne fait valoir avec le plus de force et d'insistance contre les hrtiques de son temps. Il commence par tablir que toutes les sectes sont postrieures 1' glise:

    Avant Valentin il n 'y avait pas de valcnlinicns, avant Marcionil n'y avait pas demarcionites. fs'ous pouvons en dire autant de tou

    tes les hrsies que nous venons d'numrcr: aucune d'elles n'existait avant ceux qui l'ont invente. Valentin vint Rome sous Ilygin;il y dveloppa ses erreurs sous Pie et y demeura jusqu' l'avne-ment d'Anicct. Ccrdon, le prdcesseur de Marcion, vivait du tempsde Hygn, qui fut le huitime voque de Eonic depuis les aptres:admis dans l'glise aprs une premire confession publique de ses

    erreurs , il se mil les enseigner en secret toujours picl les dsavouer ouvertement, jusqu ce que, reconnu coupable d'hrsie , il s'abstint de reparatre dans Yassemble des frres. Marcion, qui lui succda, fil des proslytes sous Anicet, le dixime vo-que partir des aptres. Quant aux autres hrtiques, connus sousle nom de gnosliques, ils reconnaissent pour chef Mnandrc, disci

    ple do Simon, comme nousYavons dj montr; du reste, chacund'eux prend pour patron Yhomme dont il partage les principes.Tous ceux-l n'ont donn dans l'apostasie que plus tard, vers lesecond ge de l'glise... Il rsulte de l que les hrtiques sontde beaucoup postrieurs aux voques auxquels les aplres avaientremis le gouvernement des glises 1.

    En tudiant, l'anne prochaine, le Trait desprescriptions deTertullicn, nous verrons avec quelle verve irrsistible l'loquentprtre de Carlhage a repris et dvelopp l'argument que s:dnt Irne tirait de la nouveaut des hrsies par rapport l'glise. Je me

    1Saint Irne, adv. Daer.j 1.m, c. iv;1.v. c. xx.

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    l nu,

    Voil, Messieurs, ce qu'crivait un vque des Gaules vers lafin du II e sicle; et je ne crois pas qu'un vque franais, parlantau XIX e , aprs les luttes nombreuses qui ont oblig la langue ecclsiastique plus de prcision et de clart, je ne crois pas, dis je,qu'il puisse s'exprimer sur la suprmatie de l'glise romaine dansdes termes plus justes ni plus nergiques. Aussi ce clbre passagea-l-il cl regard de tout temps comme une preuve premploirc dusentiment de l'glise primitive sur la primaut du Pape. Avant del'examiner de prs, permettez-moi de suivre jusqu'au bout le rai

    sonnement do saint Irne. Apres avoir rduit toute la question savoir ce que l'on croit et enseigne Rome, il dresse le cataloguedes Evoques de celle ville depuis la mort des Aplres jusqu' lafin du II e sicle. Il commence par Lin dont saint Paul fait mentiondans ses plrcs Timothe. De l, il passe Anaclct auquel succde Clment dont l'Evoque de Lyon rappelle la puissante interven

    tion dans le schisme de Corinlbc. Viennent ensuite varisle, Alexandre, Sixlc, Tlcsphorc, Hygin, Pie, Anicct, Solcr cl lculhre.La liste s'arrte ce dernier sous le pontifical duquel Irne rdigeait le troisime livre do son Trait contre les hrsies. Puis,aprs avoir cit les noms des douze premiers \qucs qui ont occup le sige do Rome partir de saint Pierre, l'auteur ajoute ces

    remarquables paroles:

    . C'est dons cet ordre et par celte succession qu est arrivejusqu' nous la Tradition des aplres dans l'Eglise et la prdication do la vrit. Par l nous dmontrons pleinement que la foi conserve jusqu' nos jours et transmise en toute vrit est la foi une

    et vivifiante confie l'glise par les Aplres I.

    Cela pos, discutons la valeur do ce tmoignage. El d'abord, je

    ne me servirai pas des dclarations si formelles cl si explicites do

    saint Irne pour dmontrer que les aplres saint Pierre et saint

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    Paul ont fond l'glise de Rome. Dans les premires ardeurs de la

    controverse, il avait bien pu chapper quelques crivains prote

    stants de dire, en dsespoir de cause, que saint Pierre n'est jamais

    venu Rome ou qu'il n'y est pas mort; mais c'est l un thme us

    depuis longtemps et que les hommes srieux du parti ont compl

    tement abandonn. En prsence du tmoignage universel de l'an

    tiquit chrtienne, un pareil dire no saurait prtendre aux hon

    neurs de la discussion: c'est une plaisanterie qui ne mrite pas

    qu'on s'y arrte. Autant vaudrait soutenir que Napolon I e r n'a ja

    mais vu l'in trieur de Paris. Aussi le dernier historien protestantde l'gl ise, Nandcr, est-il oblig de convenir que la difficult de

    concilier quelques dates, en l'absence de renseignements plus d

    taills sur cette poque primitive, n'est pas une raison valable pour

    s'inscrire en faux contre une attestation aussi ancienne que gn

    rale 1. Ce n'est donc pas sur ce point que je veux invoquer .l'auto

    ri t de saint Irne, quoiqu'elle soil de nature faire reculer quiconque serait tent de recommencer une vieille manoeuvre qui n'a

    plus aucune chance de succs. 11 s'agit plutt de la suprmatie

    que l'Evoque du II e sicle attribue au sige de Rome: l est Y im

    portance du texte que nous examinons. Nandcr s'en console par

    la pense que le sentiment d'un seul homme ne saurait porter un

    coup mortel au protestantisme: c'est dplacer le point de la question.L'argument que fournit ce passage ne tire pas sa force de l 'opi

    nion personnelle de saint Irne, bien qu'elle soit d 'un grand

    poids, en raison du caractre lev et de la science que toute l'an

    tiquit chrtienne s'est plu reconnatre dans l'crivain le plus

    considrable qui et surgi jusqu'alors depuis le temps des aplres.

    Mais enfin, ce n'est ni le savant, ni le saint, ni le martyr qui figure

    ici en premire ligne; c'est le tmoin de la foi chrtienne pendant

    les deux premiers sicles. Rappelez-vous, Messieurs, ce que je di

    sais dans mes dernires leons sur la position toute particulire que

    1 JNandcr, Alhjemeine Gcschichte, der chrhtUchen Religion und Kir-che. Erster Band, erste Abtheilung, p. 111. Golhn, 1836.

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    la jeunesse de saint Irne, son ducation, ses relations, ses voya

    ges, ses luttes pour la foi lui assurent au milieu de l'g lise pr imi

    tive. L'Orient et l'Occident, les Gaules et l'Asie Mineure, les deux

    grandes parties du monde chrtien se rencontrent dans cet voque

    de Lyon qui, aprs avoir t 1'lve de Polycarpo et de Papias,

    aprs avoir convers avec les disciples immdiats des aptres, fi

    nit par rsumer en un grand ouvrage la tradition de ses matres

    qu'i l oppose aux novateurs. Dire d'un tel homme qu il ignorait la

    croyance de son temps sur le point 'fondamental de la constitution

    do l'glise, serait une folie; prtendre que, la connaissant, il l'aittravestie ou dfigure, serait une calomnie odieuse que repoussent

    galement son zle pour la vraie foi, son caractre moral et les

    loges que les Pres do l'glise lui ont dcerns d'un accord una

    nime. Donc, en l'coulant proclamer avec tant d'nergie la supr

    matie du sige de Rome, c'est en ralit l'glise primitive tout en

    tire que nous entendons par sa voix. Nos adversaires l'ont biencompris: aussi n ont-ils rien nglig pour luder un tmoignage si

    imposant. Voyons donc s'il y a moyen pour eux d'chapper celte

    condamnation porte par l'g li se des deux premiers sicles contre

    les socits chrtiennes spares du sige de Rome.

    Vous n'avez pas oubli le but que se propose saint Irne aucommencement de son troisime livre contre les hrsies: il im

    porte de ne pas le perdre de vue, car rien n'est plus propre faire

    dcouvrir le vritable sens d'un passage que de le saisir dans son

    enchanement avec ce qui prcde et ce qui suit. Le docteur catholi

    que veut indiquer aux novateurs un moyen aussi facile que sur de

    trouver la vraie foi. A cet effet, leur dit-i l, vous n'avez qu ' par

    courir la liste des voques qui se sont succd dans les diffrentes

    glises partir des aplres. Qu'ont-ils cru et enseign? Tout se

    rduit ce point. Mais, je le conois, une telle opration est lon

    gue, et moi-mme je ne veux pas commencer une numration qui

    ne serait pas en rapport avec la brivet de mon livre . Eh bien,nous pouvons suivre une voie plus simple et plus courte. Parmi

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    ces diffrentes glises il en est une, la plus grande et la ptas an

    cienne de toutes, celle qui&t fonde Borne par les glorieuxaptres Pierre et Paul. Voyons ce qu'elle enseigne, quelle tradition

    elle a reue des aptres, quelle doctrine elle a prche aux hom

    mes jusqu' nos jours. Par l nous confondons tous ceux qui, pourun motif ou pour un autre, forment des convcnliculcs illicites. El

    pourquoi les confondons-nous par ce simple fait que nous leur

    montrons la foi de l'glise romaine? Parce que toutes les glises,

    c'est--dire les fidles do tous les pa\s doivent ncessairement

    s'accorder avec cette glise, cause de sa principaut suprieure,propler poliorem principalitalem. Ls'est toujours fidlement con

    serve la tradition apostolique. C'est par la succession des voques

    de Rome que la prdication de la vrit est arrive jusqu' nous.

    Nous n'avons pas besoin d une autre dmonstration : celle-ci suffit

    pleinement pour tablir que notre foi est la foi uno et vivifiante

    transmise l'glise par les aptres 1.

    1 Sed quoniam valde longum est in hoc tali volumine omnium Ecclesia-Tum enuvnerare successioues, maximae elantiquissimac, et omnibus cognitae,et gloriosissanis duobus apostolis Petro el Paulo Ilomae fundalac et-constitu-tac Eccleslae, eam quara Label ab apostolis iradilionem et amiunliatam ho-

    miiiibus lidcm, per successiones episcoporum provenientem usque ad nos in-dicantes, confundimus omnes cos, qui quoquu modo, vcl per sibi placenlia,vel vanam gloriam, vcl per caeci latent et malam sentcnliam, praeterquamoportet colligunt. Ad banc enim Ecclcsiam propter poliorem principalitatemnecesse est omuem convenirc Ecclesiam, Loc est, cos qui suut, undique Mles, in qua semper ab bis, qui sunt undique, conservala est ca quae est abapostolis traditio (I. ni, c. m). Au lieu depoliorem principalitatem, quel

    ques manuscrits portent potentiorem principalitatem; le sens est absolument le mme de part et d'autre. Saumaisc pense qu'on lisait dans le textegrec iSxfiTflv TJWTOV;dom Massucl,wrfprsjw TT^MTOV:locutions qui exprimentgalement une primaut relle. Ce qu'il y a de certain, c1est que le mot prin-cipntitas ne saurait avoir d'autre signification, car le traducteur de saint Irne remploie ailleurs pour dsigner le pouvoir divin (1. n, c. i). Ce sont lesdeux seuls endroits de l'ouvrage o nous ayons remarqu cette expression

    qui appartient au vocabulaire de la basso latinit dans lequel il a d'ordinaire le sens de primaut. Voyez Ducange,Glossarhtm mediae et fn/Emae totf-nitatis.

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    Je le rpte, Messieurs, il serait difficile de mieux exprimer laprimaut de l'glise de Rome et le pouvoir d'enseignement qui luiappartient par-dessus toutes les autres. A moins de vouloir fermer

    les yeux l'vidence, on est oblig de convenir que rvoque deLyon lui attribue une prrogative toute particulire et unique; sinon, que signifierait celle expression de.principaut plus puissan-

    te qu'il lui rserve elle seule? Saint Irne n a pu entendre parce mol que la supriorit du pouvoir. Ce qui le prouve sans rplique, c'est qu'il parle immdiatement aprs des glises de Smyrne

    et d'phse, l'une, dit-il, gouverne par saint Polycarpe, l'autrefonde per saint Paul et devenue la rsidence de saint Jean jusqu'aurgne de Trajan; et tout en constatant que, par le fait, la foi s'estconserve pure cl intacte dans ces deux illustres glises, il ne ditnullement que les fidles de tous les pays soient tenus de s'accorder avec elles cause d'un pouvoir spcial dont elles auraient t

    investies. Lui, qui a puis sa foi dans l'glise do Smyrne auprsdu disciple de saint Jean, ne s'exprime de la sorte que pour l 'glise do Rome. C'est avec celle-ci que les fidles du monde entier, eos qui sunt undique fidles, sans excepter ceux de Smyrneou d'phse, de Jrusalem ou d'Anliochc, doivent ncessairementconvenir dans la foi, et cela en vertu de sa primaut. Voil qui

    est clair, net, sans restrictions ni ambages. Saint Iine fonde lancessit de cet accord dans la foi avec l'glise de Rome sur lepouvoir qu'a reu celte dernire de conserver et de transmettre laTradition apostolique dans son intgrit. Loin de faire la moindreviolence au texte, je me renferme le plus strictement possible dansla lettre mmo du passage que je viens de placer sous vos yeux.

    Ceci une fois tabli, examinons rapidement les consquences logiques qui dcoulent du principe pos par saint Irne. Si toutesles glises particulires sont obliges s'accorder dans la foi aveccelle de Rome cause de sa primaut, il s'ensuit ncessairement

    que la croyance do l'glise romaine est la. rgle souveraine de lafoi universelle. Tout ce qui dvie de cet enseignement normal

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    s'carte de la vrit, et nous n'avons pas besoin d'autre critriumpour distinguer Terreur. Par l, dit l'voque de Lyon, nous confondons tous ceux qui, de quelque manire que ce soit, par vainegloire, par aveuglement ou par malice, se laissent entraner auschisme et l'hrsie. Nous leur disons: vos doctrines sont contraires celles de l'glise romaine, donc elles ne sont pas conformes la Tradition des aptres. Ce raisonnement coupe court toutes les controverses qui menacent l'unit de la foi : est plenissima

    haec ostensio. Or, que faut-il conclure de ce sentiment si ferme et

    si explicite de l'glise primitive? L'indfcctibilil du Sige apostolique. Car, si l'glise de Rome pouvait errer dans la foi, commeil est ncessaire, d'aprs saint Irne, que toutes les autres glises, sans en excepter une seule, se conforment son enseignement,il en rsulte videmment qu'elles se trouveraient dans l'obligationd'embrasser l'erreur. La conclusion est rigoureuse. D'autre part,

    nous avons entendu dire saint Irne que l o est l'glise, l estl'Esprit de Dieu, c'est- dirp la vrit * : formule magnifique pournoncer le dogme de rinfaliibilil de l'glise. Donc il faut quel'Esprit de vrit prserve l'glise romaine de toute erreur dansla foi; sinon clic entranerait dans sa dfection toutes les autresglises obliges, suivant les paroles de l'voque gaulois, rgler

    leus foi d'aprs la sienne. Vous le voyez, sans forcer le texte desaint Irne le moins du monde, nous sommes autoris conclureque l'glise des deux premiers sicles admettait comme consquence rigoureuse de ses principes l'indfeclibilil du Saint-Sige.

    Il y a plus, Messieurs: en disant que toutes les glises du mondedoivent s'unir et s'accorder avec celle de Rome, cause de sa primaut, quel est le sujet auquel saint Irne attribue ce pouvoir central et rgulateur? Est-ce une personne morale ou un individu? Est-ce l fglise de Rome prise collectivement avec tous ses prtres etses fidles? Non, c'est son chef, l'voque charg du soin do la

    1 Saint Irne, adv. aer., I. ni , c. xxiv.

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    gouverner. L-dessus, ses paroles ne sauraient donner lieu aucune

    quivoque. Nous venons de l'entendre: c' est uniquement la suc

    cession des voques qu il attache le pouvoir de Yenseignement et

    la conservation de la vraie foi. Voil son principe fondamental dans

    la rfutation des hrsies. Aussi, aprs avoir rappel l'obligation

    qu'o nt les lidlcs du monde entier do s'accorder avec l'g li se de

    Rome o la Tradition apostolique s' est toujours conserve pure et

    intacte, il dsigne par leurs noms ceux aux mains desquels ce dpt

    a t confi: il produit la liste des douze voques de Rome qui se

    sont succd sur ce sige depuis le temps des aplres, et il conclutainsi: C'es t dans cet ordre et par cette succession qu' est arr ive

    jusqu' nous la Tradition apostolique et la prdication de la vrit.

    Donc, ce sont les voques do Rome qui, d'aprs saint Irne, ont

    t constitus les gardiens, les dpositaires de la vraie foi; et com

    me toutes les autres glises sont tenues de s 'accorder avec celle

    do Rome, il s'ensuit ncessairement qu' elles doivent se conformer renseignement de l'voque de celte ville, car c' est lui qui a reu

    de ses prdcesseurs et qui transmet ses successeurs la vrit tra

    ditionnelle. D' o il rsulte galement que, si l'g li se de Rome a

    un droit de primaut sur toutes les autres glises, poliorem princi-

    palitalcm, son chef esl le pr imai de tous les autres voques; car

    c 'est aux voques, dit saint Irne, que les aptres ont confi lespouvoirs qui s'exercent dans l'glise. El si l'glise de Rome- ne

    peut pas dfaillir dans la foi, parce que loules les autres glises

    ont l'obligation de s'accorder avec elle, ce privilge ne peut tre

    attach qu' son chef auquel a t confi le dpt de la Tradition :

    en d'autres termes, Yinfaillibilit du Pontife romain en matire de

    foi dcoule rigoureusement de l'indfeclibilil du Sainl-Sigc et de

    l'Eglise entire. Ici,. Messieurs, je ne crains pas d'user de rpti

    tions, alin d'expliquer clairement tout ce que renferme le passage

    de saint Irne. L o est l'glise, l est l'Esprit de Dieu, cl avec

    lui la vrit: ce qui revient dire que l'glise, assiste de l'Esprit

    Saint, est prserve par l de toute erreur dans son enseignement,ou qu elle est infaillible. Tel est le grand principe que pose ailleurs

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    l'Evque de Lyon. Or , dit-il, dans l'endroit qae nous examinons,Il faut que les fidles de tous les pays conviennent dans la foi aveeY glise de Rome cause de sa primaut:11 est denc de toute ncessit que la foi se conserve pure et inaltrable dans Yglise romaine, autrement tous les fidles seraient obligs s accorder avecl'erreur, et c' en serait fait du principe de saint Irne ou de l'infaillibilit de l'glise. Mais quel est le gardien et le dpositaire dela foi dans l'glise romaine? C est l'Evque, rpond saint Irne.Consquemment le dpt do la foi ne peut ni se perdre ni s'altrer

    entre les mains de l'voque de Rome: sinon, il serait perdu oualtr pour l'glise romaine qui le reoit de son chef,cl, par suite,pour toutes les autres glises dont le devoir indispensable est des'accorder avec celle de Rome. L'infaillibilit doctrinale du Pontiferomain assure l'indfeclibilil du Sige apostolique et, par l, cellede l'glise universelle: c' est la clef de vote qui soutient cl couron

    ne tout l'difice chrtien. Voil pourquoi, aprs avoir affirm la primaut de l'glise romaine, la ncessit d'un accord unanime desautres glises avec elle, le privilge qu' elle possde de conservertoujours saine et intacte la Tradition des aplres, le docteur catholique du II e sicle nomme l'un aprs l'autre les douze voques deRome qui se sont succd depuis saint Pierre et rsume toute son

    argumentation par ces paroles que je ne me lasse pas de rpter:

    C'est dans cet ordre et par celle succession des Evoques deRome qu' est arrive jusqu' nous la Tradition des aptres dansl'glise et la prdication de la vrit. Par l nous dmontrons plei

    nement que la foi conserve jusqu' nos jours et transmise en toutevrit est la foi une cft vivifiante confie l'glise par les Aptres .

    Vous ne m'accuserez pas, Messieurs, d'avoir rien ajout au texte

    de saint Irne dont je me suis born reproduire les propres ex-

    1 Saint Irne, adv. Dacr., L m, cap . m.

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    pressions, en marquant la liaison intime des ides et les consquences logiques qui en dcoulent. Nous allons maintenant faire la contre-preuve, en examinant les explications de nos adversaires. La persvrance et T insuccs de leurs cflbris pour luder un tmoignagesi embarrassant prouvent la fois l'imporlanco du passage et ladiflicull qu'on prouve le dtourner de sa vritable signification.

    Je commence par l'explication do Saumaise, critique calvinistedu XVIIe sicle 1. Il avoue d'abord qu' il n' y a pas moyen do

    prter aux paroles de saint Irne un autre sens que celui d'unaccord dans la foi avec l'glise de Rome, accord qui est une ncessit et un devoir pour loulcs les autres glises. De plus, il reconnat que rvoque de Lyon regarde l'Eglise romaine comme laprincipale et la premire de loulcs; mais pour carter du protestantisme le crime de rbellion, il s'efforce d'attnuer la porle du

    texte. l'entendre, saint Irne se contenterait de proposer l'Eglisede Rome comme un modle suivre, un exemple de vigilance cl desincrit dans la conservation de la loi. La croyance de tous les fidles doit concorder avec la sienne, car c' est elle qui, par le fait,a su maintenir dans toute sa puret la Tradition apostolique. Saumaise s'imaginait sans doute que personne aprs lui ne lirait atten

    tivement le passage en question. Saint Irne ne dit nullement quetous les fidles ont l'obligation de s'accorder dans la foi avec l'Eglise de Rome, par le seul cl unique motif que celle-ci a gard dansson intgrit la Tradition des aplres, mais cause de sa principaut suprieure, propler poliorem principalitatem: c' est sur la

    supriorit du pouvoir ou sur la primautqu* il base la ncessit docet accord. Et, en effet, lcz ce pouvoir suprme ou celte primaut,il n' tait pas plus ncessaire de se mettre d'accord avec l'glisede Rome qu' avec celles de Smyrne et d'phse, dans lesquelles,par le fait, la vraie foi s'tait conserve jusqu'alors non moinsqu' h Rome, comme saint Irne le constate lui-mme. Il s'agit

    1 De primat. Pap., c. v, p. 05, dit. Lugd, Bat., 1C45.

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    donc bien d 'une prminence relle et effective, d* une prrogative

    spciale qui oblige tous les fidles du monde entier conformer leur

    croyance celle de l'glise romaine, prrogative dont cette der

    nire jouit toute seule, et laquelle ne participent ni les glises

    de Smyrne et d'phse, ni aucun autre sige fond par les aptres.

    Yoil ce que Saumaise affecte de mconnatre, mas ce qu'une tude

    tant soit peu attentive du texte fait ressortir avec vidence.

    Frapp de l'insuffisance d'une explication qui laissait au texte de

    saint Irne toute sa force, Grabe, critique anglican, en proposaune autre qui, vous allez en juger, dfaut de tout autre mrite,

    possde du moins celui de l'originalit 1. Saumaise n'avait pu s'em-

    pecher d'avouer, avec beaucoup de loyaut, que saint Irne admet

    l'obligation qu' ont les fidles du monde entier de s'accorder avec

    l'glise romaine dans la foi; il ne s 'agit pas d'autre chose, en ef

    fet, dans une argumentation dont le but unique est de montrer ose trouve la vritable doctrine de Jsus-Christ. Eh bien, le croirait-

    on? Grabe ne dcouvre pas un mot de tout cela clans l'endroit que

    nous tudions. Il n' y est pas question pour lui de la primaut do

    l'glise romaine, ni de la communion de foi et de charit des fid

    les avec elle; le sens du passage est tout diffrent. Le voici: cette

    phrase, toutes les glises, c esl--dire les fidles du monde entier, doivent ncessairement converger vers l'glise romaine cause

    de sa principaut suprieure, dsigne le concours de ceux que les

    diffrentes glises envoyaient Rome pour dfendre la cause des

    chrtiens auprs des empereurs, en raison du pouvoir suprme dont

    ceux-ci taient revtus 2. J'en demande pardon un critique aussi

    1 dition de saint Irne par Jean-Ernest Grabe, Londres, 1702.2 Ce qu'il faut remarquer en passant dans cette singulire explication,

    c 1est que le critique anglican attache au motpoiior princtpalitas Yide d'unesouverainet vritable, puisqu'il y voit le pouvoir imprial qui, certes, taitrel et mme absolu. On voit par l combien nous avons raison de dire quesaint Irne attribue au sige de Rome un pouvoir souverain sur toute l'gli

    se;car appliquer l'expression aux empereurs romains, dont il n' est nullementquestion dans le texte, c'est une pure factie.

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    distingu que Grabe, mais je dots dire qu' il est difficile d'tre plusplaisant dans un sujet plus srieux, Qu' est-ce que les empereursromains ont voir ou faire dans le texte de saint Irne? Ya-t-il

    une syllabe qui motive une pareille intrusion? Qu'avait de communle pouvoir de Commode ou de Seplimc-Svrc avec la rgle de foicatholique que l'voque de Lyon se propose de tracer? On croitrflvcr en lisant des interprtations do ce genre. 11 s'agirait, d'aprsGrabe, de l'afllucnce des chrtiens qui venaient Rome prsenterdes requtes aux empereurs paens. Yoil donc les fidles de tous

    les pays,eos qui sunt undique fidles, obligs de se rendre Romepour adresser des ptitions aux Csars! Il faut convenir que c' estl une obligation toute neuve, dont personne n' avait jamais entenduparler avant Grabe. Mais, du reste, il n' y a pas trace de toutes cesimaginations dans le passage que j * ai plac sous vos yeux. SaintIrne no parle nullement d'un concours matriel ou d'un voyage

    de tous les fidles vers la ville de Rome, mais d 'un accord moralavec l'Eglise romaine; c' est cette dernire qu' il applique le mot principaut plus puissante, et non aux empereurs romains auxquels il ne songe pas le moins du monde. En vrit, Messieurs, ilfaut que le texte de saint Irne pris en lui-mme soit d'une clartirrsistible, pour qu on se trouve rduit le tourner ainsi par des

    explications bizarres qui n' ont aucun rapport avec le sujet que traiteI'-voque de Lyon.

    -le regrette, pour la rputation de Nandcr, qu'il n'ait pas cnidevoir abandonner plus franchement l'hypothse de Grabe. Rien

    dplus indcis, ni de plus embarrass que son interprtation dutexte de saint Irne. D'abord il laisse de ct ce qu'il y a d'essentiel dans le passage pour se rejeter sur une proposition incidente laquelle il ne trouve pas de sens bien naturel 1. 11glisse avec plusd'adresse que de sincrit sur la raison qu'allgue l'crivain du i*sicle pour motiver la ncessit d'un accord des autres glises avec

    1Nandcr,Allgemcine Geschiclde,etc., t , p.111et112.

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    celle de Rome, savoir la primaut, potior principalitas. Ce quiattire de prfrence son attention, c'eest un membre de phrase quenous pourrions mme retrancher sans affaiblir l'argument: Enelle a toujours t conserve par les fidles de tout pays la Tradition qui provient des aptres l. L'historien de Berlin se demande ce que peut signifier celte proposition. Nous allons satisfaire son dsir. Elle signifie que les fidles de tous pays ont toujoursconserv la tradition des aptres dans YEglise de Rome, commedans l'glise centrale, qui en a la garde et le dpt ; absolument

    comme l'on dirait: G' est dans la royaut, dans le pouvoir central,que la France a conserv pendant des sicles ce qui a fait son unitet sa force. A coup sr, voil un sens trs-raisonnable; et l'on n' anul besoin de souponner, avec Nandcr, une de ces interpolationsque la critique protestante est toujours prte imaginer lorsqu' elleveut se dbarrasser d'un tmoignage qui la gene. Aprs avoir ha

    sard cette premire attaque, le professeur allemand essaye d'attnuer la porte des paroles de saint Irne. Il ne craint pas de reprendre en partie la malheureuse explication do Grabe, en soutenant que rvoque do Lyon veut parler de l'afllucnce des fidles quivenaient de tous les pays pour se rencontrer dans la capitale del'empire: un concours si nombreux, dit-il, devait avoir pour rsultat

    naturel d'y maintenir la Tradition des aptres plus fidlement quepartout ailleurs, car la moindre dviation y et clat aussitt auxyeux de tout le monde. A l'appui de cette supposition, Nander ci-

    1 In qua semper ab his qui sunt undique, conservata est ea quae est al)

    apostolis traditio. Le docteur Gieseler propose de lire:En elle a toujourst conservepour les fidles de tous pays la tradition des aptres. 11pense que l'interprte latin a mal rendu le datif grec par l'ablatif abAi*. Cetteconjecture de l'crudit protestant, appuye par Nander, est fort plausible etfortifie meneille notre sentiment. L'glise de Rome conserve, en effet

    pour les fidles de tous les pajs la foi dont elle a le dpt, lia is nous ne demandons pas la critique prolestante d'ajouter une nouvelle force noire

    thse par les corrections qu' il lui plat de faire: le texte latin offre un senssuffisamment clair.

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    te avec complaisance un texte d'Athne qui appelle Rome le rsu

    m de l' un iv er s, la ville dans laquelle s' tabl issent , pour ainsi

    dire , toutes les autres 1 . Mais la question n' est pas de savoir ce

    qu Athne a pu dire de la Rome paenne, mais ce que saint Irne

    a dit do la Rome chrtienne; or il ne parle pas d'un voyage de tou

    tes les glises vers Rome: c' es t lui prter gratuitement une absur

    dit palpable. Si c'est la prsence des empereurs paens et l'im

    portance politique de Rome qu* il attribuait la prminence de Y -

    glise de celle vill e, il aurait d, ce semble , produire la liste des

    Csars, au lieu de dresser le catalogue des voques de Rome, auxquels il rapporte la conservation de la vraie foi, et non pas un con

    cours de fidles venus de toutes les parties du monde. Bien loin de

    tirer des arguments de la grandeur sans gale de Yglise romai

    ne , de son antiquit, de sa renomme universelle , de sa fondation

    par les glorieux aplres Pier re et Paul , cl enfin de sa principaut

    suprieure, il aurait d faire valoir les privilges qu'assuraient laville de Rome son rang de capitale du monde, ses empereurs, sa

    cour, son snat... Encore une fois, Messieurs, ce sont l de pitoya

    bles raisons imagines pour couvrir une dfaite qu' on no veut pas

    avouer. Aussi Nandcr est-il oblig de convenir que son explica

    tion fonde sur l'afllucnce des fidles vers Rome est sujette des

    difficults; et il n'est pas loign de reconnatre comme nous qu ils'agit bien de la ncessit d'un accord moral des autres glises

    avec celle de Rome 2. Enfin, aprs avoir contourn le texte de saint

    1 Athne, Deipnosoph., 1.1, . 36: cixvj^vr.; Sry.ov TY.V 'Pwy.y,v, TT.V 'PoW/*oXtv TUTOW.Y.V TA;01V.cuu.ev7i;, v r, ouvi^&Iv anv G J T M ; T i aa ; T a ;TroXet; ifyjp.va;. Nftn-

    dern'apasvu que le rapprochement quMI veut tablir entre les textes desaint Irne et d'Athne dtruit toute sa thse. 11ne peut pas nier que la Rome impriale fut la capitale de l 1empire et le sige du gouvernement; si doncc' est celte prrogative qu'elle devait de pouvoir tre appele Yabrg dumonde, il faut eu dire autant de la Rome chrtienne. Elle aussi rsume enquelque sorte toutes les autres glises parce qtf elle en est le centre ou la tte . Nous acceptons de grand cur la similitude.

    2 II importe peu que le mol latin convenire ad Ecceslam ait eu pourquivalent dans le texte grec T J ; J#3UV*W, comme le prtendent Gieseler et

    http://01v.cuu.ev7i/http://01v.cuu.ev7i/http://01v.cuu.ev7i/http://01v.cuu.ev7i/
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    Irne, retranch de-ci de-l, tortill un membre de phrase aprsl'autre, essay de toutes les interprtations sans se prononcer pouraucune, l'historien de Berliu finit par dclarer que le protestantismen'est nullement intress dans la question. C'est une consolationque nous ne voulons pas lui enlever.

    Sans doute, Messieurs, nous aussi nous admettons que les chrtiens orthodoxes et les hrtiques mmo affluaient vers Rome dotoutes les parties du monde, dans les deux premiers sicles de

    l'glise, bien qu'il ne s'agisse nullement de co fait dans le texte desaint Irne ; mais c'est l prcisment ce qui confirme le sentimentuniversel de l'glise primitive louchant la primaut du Sige apostolique. Car, quel autre motif aurait pu les attirer au milieu d'uneville o les fidles taient contraints do se rfugier dans les cala-combes, o la perscution svissait avec plus de force que partout

    ailleurs? Ce n'est certes pas le pouvoir imprial, ni leurs sympathiespour la Rome paenne. Les terribles maldictions do l'Apocalypsecontre la ville qui s'enivrait du sang des martyrs taient prsentes tous les esprits; et le nom de Babylonc, qu'elle recevait quelque-

    Nitzsch, ou cmf/*8a:, comme le suppose Kandcr. Ces deux expressionssignifient galement, au sens figur, tre

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    fois dans la langue chrtienne, indique assez la rpulsion qu en

    prouvait gnralement pour la capitale de l'idoltrie. 11 serait tout

    aussi draisonnable de vouloir expliquer l'aillucnce des fidles vers

    Home par l'hypothse que celte ville aurait t le centre intellectuel

    de l'ancien mond e: Alexandrie Ttait bien davantage; lbnes,

    Marseille mme, avaient des coles plus florissantes que ltome.

    Qu'est-ce donc qui attirait vers celte ville, thtre principal de la

    perscution, vers celle glise opprime entre toutes, qu'est-ce qui

    attirail dans son sein les hommes les plus illustres du monde chr

    tien, les Polycarpo, les Irne, les llgsippe, les Justin, les Ta-lien? Et d'un aulre ct, pourquoi les chefs des sectes primitives,

    les Cerdon, les Marcion, les Valentin quittaient-ils la Syrie et l'Asie

    Mineure pour venir rpandre leurs erreurs parmi les chrtiens do

    Home? La raison en est toute simple. Les uns savaient fort bien,

    comme dit sainl Irne, que toute glise a l'obligation de s'accor

    der dans la foi avec celle de Home, cause de sa primaut. Les autres comprenaient, pour la mme raison, que leurs efforts n'abouli-

    raienl aucun rsultat, aussi longtemps qu'ils n'auraient pas russi

    faire partager leurs sentiments l'Eglise principale, celle que

    tous les fidles appelaient la gardienne et la dpositaire de la vraie

    foi. Aprs cela, que leur importait, ceux-ci comme ceux-l, que

    Rome lut la cnpilalo de l'empire, que les Csars y eussent tabli leur rsidence, qu'on y AI, selon l'expression de Pline cl

    d'Alhnoc, le rsum, l'abrg du monde? Tout cela n'tait pour

    eux d'aucun intrt. Ce qui leur importait, c'tait de puiser la do

    ctrine la source la plus authentique cl la plus pure, ou bien de se

    couvrir d'une autorit reconnue par tous cl dont la complicit vra

    ie ou prtendue pt servir leurs desseins. Voil, ce qui amenait Rome, avec des intentions bien diverses, les dfenseurs de l'ortho

    doxie et les hrsiarques : cette affluenec de chrtiens dont parlent

    nos adversaires, et que nous tenons pour un fait cortain, n'est pas

    un des moindres tmoignages rendus la primaut du Sige apo

    stolique.

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    Le dernier critique protestant qui se soit occup du texte de saintIrne n'a pas cru pouvoir nier que l'voque de Lyon proclame lancessit d'un accord dans la foi avec l'Eglise romaine; mais, pourchapper la consquence qui dcoule de l contre les communionsdissidentes, il s'estappuy sur un fait que Nandcr et Grabe avaient galement allgu dans le mme but l . Ce qui prouve, dit-il,que saint Irne n'attribue pas l'voque de Rome un pouvoir de

    juridiction sur l'glise universelle, c'est son altitude en face du pape saint Victor dans la question des quarto-dcmans, dans la con

    troverse cnlrcle pontife romain et quelques voques do l'Asie Mineure touchant le jour o Ton devait clbrer la Pque. 11faut tre doud'une audace peu commune pour chercher une objection dans cequi fournit au contraire une preuve irrcusable de la prrogativedu Sige apostolique. Nous avons dmontr, l'an dernier, en analysant les premires lettres des papes, que ce dbat liturgique sur

    la clbration de la Pque fait ressortir l'autorit souveraine qu'exeraient les successeurs de saint Pierre, au II* sicle, en Orient aussi bien qu'en Occident 2. C'est pourquoi nous ne reviendrons l-dessus que pour dterminer le rle de saint Irne dans cette mmorable discussion. Or, l'vquc de Lyon ne conteste nullement ausouverain Fonlife le droit d'excommunier les Orientaux; dplus,

    il partage son sentiment sur le fond mme de la question. Seulement, il estime que la gravit de celle sentence comminatoire n'estpas en rapport avec le peu d'importance du point en litige. A sonavis, au lieu de dployer une si grande sveril dans une affaire depure discipline, qui ne louche pas au dogme, il vaudrait mieuxuser de la tolrance qu'avaient montre les prdcesseurs de Vi

    ctor. Voil toute la substance de sa lettre au pape, dont Eusbenous a conserv un fragment 3 . C'est une remontrance respecteu-

    .1Die chrislliche Kirche an der Schwelle des lrcnaeischen Zeilaltcrs, vonD.Graul; Leipzig, 1860, p. 138.

    $ Les Apologistes chrtiens aun*sicle, Tatien, Bcrmias etc.,leonxix

    p. 397 et suiv.3 Eusbe,Hist. eccls., v, 24.

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    re prsager la part qui devait revenir l'glise de France dansle respect et la dfense du Saint-Sige. 11 y a de ces missions providentielles qui naissent avec un peuple ou un pays, qui les suivent travers l'historie et qu'ils ne peuvent plus mconnatre sansrenier avec leur pass ce qui a fait leur grandeur et leur gloire.Lors donc qu' dix-sept sicles de l'poque que nous ludions, jeretrouve le clerg de France au premier rang de ceux qui dfendent les droits immortels du Sige apostolique, je ne puis m'empcher de conclure que l'exemple de saint Irne n'a pas t perdu

    pour ses successeurs: ils ont tous noblement gard les traditionsde fidlit el de dvouement que le grand voque de Lyon leur avaitlgues.

    Depuis le moment o saint Irne opposait aux gnosliques la liste des douze premiers successeurs de saint Pierre, comme le ca

    nal vivant de la Tradition chrtienne, l'auguste dynastie apostolique a travers bien des sicles. Deux cent soixante noms sont venus s'ajouter ceux que citait e contemporain des lculhre etdes Victor. Et quelle histoire, Messieurs, que celle de ces deuxcent soixanlc-lreizc hommes qui se sont succd dans un espacede dix-huit cents annes, la veille encore obscurs pour la plupart,

    el le lendemain les reprsentants du Christ ici-bas, les gardiensde sa doctrine sur la terre! Lutter pendant trois sicles avec toutesles puissances de l'ancien monde, sans autre arme que la foi, larsignation, la conscience; profiter del victoire achete au prixdu sang pour produire au grand jour de l'histoire l'uvre prparelentement dans le silence des catacombes; fortifier la hirarchie,dfinir le dogme, dfendre la morale, rgler la discipline, fixer laliturgie, opposer tous les novateurs de l'Orient et de l'Occidentcelle immulabilil qui ne cde ni ne plie; puis entreprendre l'ducation de l'Europe, convertir les nations barbares, envoyer desaptres chez les Gaulois, les Germains, les Anglo-Saxons, les Sla

    ves, les Scandinaves : cl, aprs avoir fond et organis la rpublique chrtienne, la gouverner, intervenir avec l'aulorit d'une me-

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    gres bondissaient dans l'amphithtre Flavien. Les plus fires maisons royales ne datent que d'hier, compares cette succession dessouverains pontifes, laquelle, par une srie non interrompue, remonte du pape qui a sacr Napolon dans le xix e sicle au pape quisacra Ppin dans le vm e . Mais bien au del de Ppin, l'auguste dynastie apostolique va se perdre dans la nuit des res fabuleuses.La rpublique de Venise qui venait aprs la papaut, en fait d'origine antique, tait comparativement moderne. La rpublique de Venise n'est plus et la papaut subsiste. La papaut subsiste, non en

    tat de dcadence, non comme une ruine, mais pleine de vie etd'une jeunesse vigoureuse. L'glise catholique envoie jusqu'aux extrmits du monde des missionnaires aussi zls que ceux qui dbarqurent dans le comt de Kent avec Augustin, des missionnaires osant encore parler aux rois ennemis avec la mme assuranceque montrait le pape Lon en face d'Attila. Le nombre do ses en

    fants est plus considrable que dans aucun des sicles antrieurs.Ses acquisitions dans le nouveau monde ont plus que compens cequ clic a perdu dans l'ancien. Sa suprmatie spirituelle s'tend surles vastes contres situes entre les plaines du Missouri et le capHorn, contres qui, avant un sicle, contiendront probablementune population gale celle de l'Europe. Les membres de sa com

    munion peuvent certainement s'valuer cent cinquante millions,et il est facile d'tablir que toutes les autres sectes runies ne s'lvent pas cent vingt millions d'mes. Aucun signe n'indique quele terme de celte longue souverainet soit proche. Elle a vu le commencement de tous les gouvernements et do tous les tablissements ecclsiastiques qui existent aujourd'hui, et nous n'oserionspas dire qu'elle n'est point destine en voir la fin. Elle tait grande et respecte avant que les Saxons eussent mis le pied sur Je solde la Grande-Bretagne, avant que les Francs eussent pass le Rhin,quand l'loquence grecque tait florissante Antioche, quand les idoles taient encore adores dans le temple de la Mecque. Elle peut

    donc cire grande et respecte encore alors que quelque voyageurd la Nouvelle-Zlande s'arrtera au milieu d'une vaste solitude,

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    contre une arche brise du pont de Londres, pour dessiner les rui

    nes de Sainl-Paul 1.

    Messieurs, je n'irai pas aussi loin que l'historien anglican. Je ne

    TOUX pas, comme lui , supposer le cas o, en face de la papaut

    grande et respecte, quelque voyageur de la Nouvelle-Zlande vien

    dra s'arrter au milieu d'une vaste solitude, contre une arche bri

    se du pont de Londres, pour dessiner les ruines de Saint-Paul. Ce

    coup d'oeil mlancolique, jet par le grand crivain sur l'avenir du

    protcslafmsmc, et qui forme un contraste si frappant avec l'inbranlable confiance de l'glise romaine, ne fait natre en nous aucune

    joie hostile. Nous ne souhaitons, ni que les arches du pont de Lon

    dres se brisent, ni que Sainl-Paul tombe en ruines. Ce que nous

    dsirons, c'est qu'il arrive un jour o l'tranger, dont parle M. Ma-

    caulay, pourra, debout sur le pont de Londres, dessiner le temple

    de Sainl-Paul converti en glise catholique. Ce que nous esprons,c'est que les communions spares du Sige apostolique, compre

    nant enfin que toute croyance positive, tout reste de vie chrtienne

    leur chappe peu peu, se retourneront vers celte Eglise dont

    saint Irene disait au n a sicle : C'est avec elle que toutes les au

    tres glises doivent s'accorder dans la foi cause de sa puissante

    principaut.