François Pérol devant la Commission des finances

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    Compte renduCommission des Finances,

    de lconomie gnrale et du Plan

    Audition, ouverte la presse, de M. Franois PROL,Prsident du groupe Caisses dpargne/Banques populaires

    Mercredi25 mars 2009Sance de 9 heures 30

    Compte rendu n 74

    SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

    Prsidencede M. Didier MigaudPrsident

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    M. le prsident Didier Migaud. Mes chers collgues, nous accueillons aujourd'huiM. Franois Prol, dont la nomination en qualit de directeur gnral a t approuve par leconseil d'administration des Banques populaires le 25 fvrier dernier et en qualit de prsidentdu directoire par le conseil d'administration de la Fdration des Caisses d'pargne le

    26 fvrier. La fusion des deux groupes bancaires mutualistes est en cours. Elle devrait treeffective d'ici l't.

    Avant d'voquer la situation du nouveau groupe, ses perspectives, ses relations avecl'tat, il mapparat ncessaire, monsieur le prsident, de revenir sur les conditions de votrenomination qui ont pu faire dbat. La Commission des lois de notre assemble a entendu, le12 mars dernier, Olivier Fouquet, prsident de la Commission de dontologie. Je rappellequ'une loi avait t adopte en 1993 l'initiative de Michel Sapin, alors ministre delconomie, afin de prvenir notamment les phnomnes de collusion d'intrts. Ce texte,remani en 2007, a institu une commission de dontologie qui doit tre saisie pour lesagents chargs soit d'assurer la surveillance ou le contrle dune entreprise prive, soit de

    conclure des contrats de toute nature avec une entreprise prive ou de formuler un avis sur detels contrats, soit de proposer des dcisions relatives des oprations effectues par uneentreprise prive ou de formuler un avis sur de telles dcisions , charge pour ces agents ouleur administration deffectuer la saisine : La Commission peut tre saisie par tout agententrant dans ce champ ou par l'administration dont il relve.

    Dans une lettre du 23 fvrier communique par le secrtaire gnral de llyse,Claude Guant, Olivier Fouquet, vous avez crit, monsieur le prsident : J'estime n'avoirpas exerc de surveillance ou de contrle sur la Caisse nationale des caisses d'pargne, sur laBanque fdrale des banques populaires ou sur leur rseau. Je n'ai pas davantage conclu ouformul d'avis sur des contrats passs avec ces entreprises, ni propos l'autorit comptente

    de dcisions relatives des oprations effectues par elle, ni formul d'avis sur de tellesdcisions. Il m'apparat dans ces conditions que je pourrais exercer des fonctions dans cesentreprises s'il tait dcid de me les confier, sans mconnatre l'article 87 de la loi de 1993 oul'article 432-13 du code pnal .

    De son ct, Olivier Fouquet a rappel, au cours de son audition, les termes ducommuniqu de presse de la commission de dontologie, prcisant qu'elle n'avait pas tsaisie en tant que telle, et a fait le commentaire suivant : S'agissant du cas de M. Prol, je nepeux pas rpondre mais, quand la commission prcise : Il appartient ceux-ci et l'administration dont ils relvent, si un doute intervient ce propos, de saisir la Commissionafin que, dans l'intrt de tous, commencer par celui des personnes en cause, les rgles

    dontologiques soient respectes. Les motifs de leur dpart, fussent-ils d'intrt gnral, ne lesen dispensent pas. Il me semble que tout est dit.

    Beaucoup ont considr que doute il y avait et que vous auriez d saisir laCommission de dontologie. Aux yeux de nombreux observateurs cest ce qui ressortnotamment des nombreux articles de presse consacrs cette fusion , vous avez participactivement la conception et l'instruction du dossier de fusion des Caisses d'pargne et desBanques populaires. Dans de telles conditions, peut-on suivre d'aussi prs que vous l'avez faitun tel dossier sans donner son avis . Ma question est donc : Qu'est-ce qui fait que vousn'avez pas saisi la Commission de dontologie ?

    En ce qui concerne la situation des banques et du futur groupe, parmi les nombreusesquestions que pose la fusion des Caisses d'pargnes et des Banques populaires, celles qui

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    viennent les premires lesprit sont les suivantes : quelle est la situation financire exacte deNatixis, des Caisses d'pargne, des Banques populaires ? Quelles sont les motivations de cettefusion : de quelles synergies s'agit-il ? Au niveau des organes centraux ? Des rseaux ? Lessalaris seront-ils concerns par la restructuration ? Quelles en seront les consquencesd'ordre fiscal, partir du moment o les rsultats du groupe seront consolids ? Actuellement,

    les Caisses d'pargne ont une structure centralise alors que les Banques populaires font unelarge place au fdralisme et au pouvoir des banques rgionales. Quel type d'organisation seraretenu ? Comment va tre dirig ce groupe ? Comment sera compos le conseild'administration ? Quelle sera la place des reprsentants de l'tat, et quels seront leurspouvoirs ? Ce groupe bancaire va-t-il revoir sa stratgie, concernant notamment ses activitsde banque d'investissement ?

    Que reprsentent les aides de l'tat aux deux groupes depuis que la loi de financesrectificative pour le financement de l'conomie, vote en octobre 2008, a autoris leGouvernement apporter sa garantie la SFEF et la Socit de prises de participation del'tat, la SPPE ? Quel en est le volume ? Quelle en est la nature ? Quelles sont les

    contreparties inscrites dans les conventions signes avec l'tat, en ce qui concerne ladistribution de crdit ? Quiddu mode de gouvernance du groupe ?

    Autant de questions importantes auxquelles nous souhaitons, monsieur le prsident,que vous apportiez des rponses la reprsentation nationale.

    M. Franois Prol, prsident du groupe Caisses dpargne/Banques populaires.Je remercie la Commission des finances de lAssemble nationale de me donner loccasion demexprimer sur la mission dont jai la charge aujourd'hui et dexpliquer certains points quilme parat important de garder lesprit lorsque lon parle du rapprochement de deux grandsgroupes bancaires franais. Jen viendrai ensuite aux conditions de ma nomination, la

    saisine de la Commission de dontologie et lirrgularit allgue de mon arrive la ttedes fonctions excutives de ces deux groupes.

    Mon propos introductif se concentrera sur cinq points.

    Premirement, et mme sil sagit dune vidence, il faut la garder en tte, nousvivons la crise financire et conomique la plus brutale et la plus profonde que la France et lemonde aient connue depuis de trs nombreuses dcennies. Ainsi, depuis le 5 dcembre 2006,date de son introduction en bourse, la valeur boursire de Natixis a diminu de 84 %, celles deDexia de 83 %, de la Socit gnrale de 69 %, du Crdit agricole de 57 %, de BNP-Paribasde 61 % et dAxa de 67 %. ltranger, les ordres de grandeur sont les mmes, et une banque

    comme Citigroup, dont on disait il y a deux ans que ses rsultats sur une seule anne luipermettraient de soffrir la Socit gnrale sa capitalisation boursire tait alors de250 milliards de dollars , ne vaut plus aujourdhui, selon le march, quun peu plus de10 milliards de dollars. Le contexte est donc proprement exceptionnel, et il a conduit tous lesgouvernements du monde, le gouvernement franais comme les autres, venir en soutien leurs tablissements bancaires, pour viter que la dfaillance de lun ne provoque celle delensemble du systme, ce qui aurait t synonyme de difficults encore plus lourdes pour lespargnants, les emprunteurs et, partant, pour le fonctionnement de lconomie.

    Deuximement, le rapprochement entre les deux banques est n dans lurgence,mais pas de lurgence. Les dirigeants des Caisses dpargne et des Banques populaires en

    dbattaient entre eux depuis des annes. Ce nest pas une ide nouvelle. En rgion, lesresponsables se connaissent, se parlent. plusieurs reprises, des discussions ont eu lieu au

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    plan national sur lopportunit de runir les Banques populaires, dont la part de march de labanque de dtail tourne autour de 8 ou 9 %, et les Caisses dpargne, qui reprsentent entre10 % et 12 %, c'est--dire deux challengers dont les clientles sont fondamentalementcomplmentaires. Cette ide, ce nest pas ltat qui la conue, pas plus quil nen a assur lapromotion et la conception. En octobre dernier, ce sont les dirigeants des deux groupes qui ont

    annonc le rapprochement parce que le contexte cr par la crise financire ncessitaitdacclrer le mouvement.

    La dcision a t prise, jinsiste, par les dirigeants des deux groupes, non par leGouvernement.

    En octobre dernier, un incident grave a eu lieu la Caisse nationale des caissesdpargne, entranant une perte de lordre de 750 millions deuros et la suite duquel lesdirigeants dalors ont dmissionn. Les nouveaux dirigeants ont confirm le projet derapprochement. lpoque, les autorits publiques, le rgulateur bancaire, le ministre desfinances, le Premier ministre et le Prsident de la Rpublique leur ont conseill, si tel tait leur

    choix, que le rapprochement se fasse vite. Pour une raison simple : rien lpoque nepermettait de penser que le contexte financier allait samliorer rapidement.

    Troisimement, ce rapprochement est fond sur un projet industriel, sur une vision cinq ou dix ans. Il repose au fond sur lide que les deux rseaux sont prsents danslensemble des rgions franaises, quils sont solides grce leurs clientles respectives lesartisans, commerants et PME pour les Banques populaires ; les particuliers et les mnages,souvent modestes, pour les Caisses dpargne , quils ont des parts de march importantes,mais pas suffisantes pour rester isols. Il sagit de deux groupes coopratifs, anciens, avec desvaleurs communes, mme si leurs cultures sont diffrentes.

    Dans le monde de demain, il faudra tre capable non seulement de proposer desservices de proximit, mais aussi toute une gamme de produits fabriqus par des usines assurances, gestion dactifs, services financiers spcialiss comme le crdit laconsommation, notamment et les deux groupes seront plus forts ensemble que sparment.Dj, sur le march domestique, la BNP et la Socit gnrale trouvent leurs parts de marchinsuffisantes, et elles seraient prtes engager des mouvements stratgiques pour lesrenforcer.

    Fond avant tout sur la banque de dtail et de proximit que reprsentent les vingtBanques populaires rgionales et les dix-sept Caisses rgionales dpargne, et qui dgagent70 % du produit net bancaire de lensemble du groupe, ce projet a un sens du point de vue

    industriel. Les deux rseaux resteront indpendants, autonomes, puisque les deux marquesreprsentent des actifs trs importants car leur image est forte, mais ils pourront mutualisercertaines fonctions tout en profitant des bonnes expriences et des bonnes pratiques de lun etde lautre. Ancrs sur le territoire, ils reprsenteront plus de 8 000 agences et prs de 20 % depart de march, au service du financement de lconomie.

    Autre enseignement, un grand groupe bancaire ne peut se dvelopper sans avoir desoutils, c'est--dire des filiales, qui sont dtenues aujourd'hui par les organes centraux des deuxgroupes, la Caisse nationale des caisses dpargne dun ct, la Banque fdrale des banquespopulaires de lautre. Ces filiales, commencer par Natixis, devront tre mises au service desclients des rseaux, mais aussi des grandes entreprises franaises et europennes puisque

    Natixis assure peu prs 10 % du financement des grandes entreprises franaises. Cettablissement, qui intgre une banque de financement et dinvestissement, devra tre recentr

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    sur des activits utiles au financement des entreprises. En dcembre 2008, Natixis a annoncun plan de recentrage de ses activits sur le cur de mtier. Il mappartient dsormaisdvaluer sil est suffisant, sil est excut correctement, et sil permet de dvelopper unmodle de banque de financement et dinvestissement durablement rentable.

    En ce qui concerne les organes centraux, vous lavez relev, monsieur le prsident,lun des deux groupes a une culture plus centralisatrice que lautre, mais les deux groupessont construits de la mme manire : les actionnaires sont respectivement les Caissesrgionales dpargne et les Banques populaires rgionales, et ils contrlent un organe centralqui, en application de la loi, dtient certaines prrogatives de puissance publique car celle-cilui confie, sagissant dun secteur rglement, un rle de pilotage financier et stratgique,lagrment des dirigeants, la gestion de la liquidit. Le Gouvernement vous soumettra unprojet de loi pour dfinir les missions du nouvel organe central, qui devra en outre grer lesfiliales, actifs communs des deux groupes.

    Pour rsumer, le projet repose sur la banque de dtail et de proximit, la gestion des

    filiales au service des clients, et un organe central centr exclusivement sur ses missionsrgaliennes. Il engage deux groupes coopratifs qui ont dvelopp des valeurs propres et quisont, mme sils ont eu tendance les oublier dans un pass rcent, porteuses davenir. Aucur du projet se trouve lide que seuls des rsultats durables et la performance conomiquepourront garantir la prennit de lensemble.

    Quatrimement, les deux rseaux emploient 110 000 salaris. La Caisse nationale descaisses dpargne, avant mon arrive, avait lanc un plan de dparts volontaires qui devraitconcerner environ 200 personnes. Il est ncessaire compte tenu des rsultats enregistrs par legroupe. Les rseaux seront maintenus, et les statuts des personnels ne seront pas modifismme sil faut crer, au niveau de lorgane central, un statut commun. Il ny aura pas de

    fusion des rseaux o se concentre lessentiel de lemploi, parce que la force dune banque,cest sa capacit de distribution. En loccurrence, cette force repose sur ces deux marquesquil faut maintenir sans les spcialiser, et dvelopper ensemble tout en les articulant entreelles. Le calendrier a t fix par le conseil dadministration des Banques populaires et leconseil de surveillance des Caisses dpargne, pour que les oprations de rapprochementsoient approuves par les organes sociaux aux alentours du 30 juin. Cela suppose que leParlement se soit prononc sur un projet de loi, et que les consultations ainsi que lesinformations des instances reprsentatives du personnel aient t menes dans les dlais.

    Cinquimement, sagissant des conditions de ma nomination, monsieur le prsident,vous mavez demand pourquoi je navais pas saisi la Commission de dontologie, et si

    javais donn des avis sur ce dossier.

    Je nai pas saisi la Commission de dontologie. La nomination devait intervenir le25 fvrier aux Banques populaires et le 26 aux Caisses dpargne. Nous sommes dans uncontexte durgence : les deux groupes et leur filiale commune sapprtent annoncer despertes importantes 2,8 milliards deuros pour Natixis, 2 milliards pour le groupe des Caissesdpargne, 500 000 millions environ pour les Banques populaires. Natixis reprsente unrisque systmique : son bilan dpasse les 300 milliards deuros, ses encours de financementplus de 270 milliards. La liquidit de ltablissement est un enjeu considrable et la crise nousa appris que les banques, y compris les plus grandes dentre elles, taient mortelles et que,parfois, il ne fallait gure plus de vingt-quatre heures pour les emporter. Nous sommes donc

    dans une situation durgence.

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    Jai propos de saisir la Commission de dontologie. Son prsident, M. Fouquet, quia t auditionn par la Commission des lois de lAssemble nationale, a indiqu que sacommission ne pouvait pas rendre un avis en un mois en tout cas, mme en allant trs vite,pas avant le 11 mars. Selon lui, dans le cas dun conseiller du Prsident de la Rpublique, lasaisine, en application de la loi de 2007, ntait pas obligatoire. Au surplus, a-t-il ajout, la

    jurisprudence traditionnelle de la Commission de dontologie, sagissant des conseillers decabinet, tait de considrer quils ne relevaient pas des cas prvus par larticle 432-13 du codepnal. Cette analyse, le prsident de la commission de dontologie a propos de la faire dansle cadre dun avis rendu titre personnel. Je lai donc saisi en ce sens. Elle tait la mme quecelle du secrtaire gnral du Gouvernement et que celle dun conseil que javais consult titre personnel.

    Jai donc pris mes responsabilits. En conscience, jai dcid, compte tenu desfonctions que javais exerces, de la manire dont je mtais occup du dossier, des textes, dela situation des deux groupes, de lurgence quil y avait dsigner un homme neutre qui nesoit issu daucun des deux groupes, que je pouvais ne pas saisir la Commission de dontologie

    en me fondant sur lanalyse du secrtaire gnral du Gouvernement, sur celle du prsident decette commission et, titre accessoire, sur celle de mon conseil personnel. En outre, le conseilde surveillance des Caisses dpargne et le conseil dadministration de la Banque fdrale desbanques populaires se sont prononcs en connaissance de cause, en sappuyant sur lavispersonnel du prsident de la Commission de dontologie. Ils ont, eux aussi, sollicit les avisde leurs propres conseils juridiques et ont conclu quil leur tait parfaitement possible deprocder ma nomination.

    Telles sont les raisons pour lesquelles je nai pas saisi la Commission de dontologie.

    Contrairement ce que je lis ou entends, et au risque de vous dcevoir, je ntais pas

    en charge de lensemble des affaires conomiques et financires de ce pays. Jai toujoursexerc ma fonction avec lide que jtais un conseiller, que mon rle tait dinformer lePrsident de la Rpublique, de lui donner mon opinion et de laider conduire la meilleurepolitique conomique et financire au service du pays. Je sais que ce nest pas limage quenont certains dentre vous, mais cest pourtant ce que jai fait au cours de ces deux annes auservice du Prsident de la Rpublique et de mon pays.

    Je ne suis pas le dpositaire des secrets de lensemble des banques franaises. Leplan de recapitalisation bancaire a t instruit et conu par le ministre des finances et par lergulateur bancaire. Le projet de fusion entre les Caisses dpargne et les Banques populairesest venu des entreprises je ne lai ni imagin, ni organis, ni conduit. Je nai exerc ni

    contrle ni surveillance sur lun ou lautre des deux groupes. Je nai pass aucun march aveceux, et nai pas donn davis sur des marchs quils auraient passs. Je nai pas donn davis lautorit comptente, sagissant des oprations concernant ces deux groupes. Jai donnmon opinion au Prsident de la Rpublique, en tchant de lclairer au mieux. Jai essay delui apporter ma comprhension des choses.

    Oui, jai reu les dirigeants de ces deux groupes jai lu que je les avais reus mondomicile : non, je nai pas pouss mon zle professionnel jusque-l comme ils ont t reuspar dautres. Je les ai reus pour pouvoir informer le Prsident de la Rpublique sur lesbanques cest un sujet important, ces temps-ci , pour exercer mon rle de conseiller. Je naipas outrepass mes fonctions : jai essay loyalement, sereinement, dinformer le Prsident de

    la Rpublique, qui nest pas lautorit comptente en la matire.

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    Je ne joue pas sur les mots. Les mots ont un sens. La loi a un sens.

    En conscience, jai pens, et je continue de penser, que je pouvais exercer mesnouvelles fonctions. Les deux conseils ont bien voulu me faire confiance. Et, depuis le 2 mars,

    jessaie de mener bien ce que je conois comme une mission. Quitte paratre bizarre vos

    yeux, cest pour moi une mission, un projet. Jai lu ici ou l que jtais lhomme non de ltat,mais de Rothschild. Je ne suis pas lhomme de Rothschild. Jai servi ltat pendant quinzeans, loyalement. Jai en tout cas essay de le faire avec conscience professionnelle, aveccomptence, avec ouverture desprit, et aussi en coutant. Oui, jai travaill la banqueRothschild, et je nen ai pas honte, mais cela ne fait pas de moi l homme de Rothschild .Ensuite, jai travaill pour le Prsident de la Rpublique, l aussi loyalement.

    Voil ce que je voulais vous dire. Jai srement t trop long, mais je devais vousfournir certaines explications.

    M. Gilles Carrez, rapporteur gnral. Monsieur le prsident, je minterroge

    surtout sur la place de ltat dans le futur groupe. La crise financire pousse intervenir dedeux faons diffrentes : dabord en garantie de refinancement et par apport en fonds propressous forme de titres subordonns, ensuite la manire dont Dexia a t sauv. Nous sommesaujourd'hui, semble-t-il, dans une situation intermdiaire.

    Vous navez pas rpondu la question du prsident Didier Migaud sur les comptes. propos des Caisses dpargne, vous avez voqu une perte sur lactivit de trading de750 millions deuros, laquelle sajoutera celle de plusieurs milliards due la participation de35 % au capital de Natixis. Certaines acquisitions, comme Meilleurtaux.com, ou Nexity, ontt faites un prix survalu, et sont survenues aprs une sortie en cash de 7 milliards deurosil y a trois ou quatre ans. De leur ct, les banques populaires vont enregistrer une perte de

    500 millions deuros, et comptabiliser la dprciation dans Natixis, mme si elle est moinsleve que celle des Caisses dpargne. Dans ces conditions, 5 milliards deuros suffiront-ils ?Comment le nouveau groupe dgagera-t-il des marges si les deux rseaux restent distincts ?Mme si les clientles sont diffrentes, les agences sont souvent situes les unes ct desautres. Comment envisagez-vous damliorer les comptes alors que la situation financire estextraordinairement difficile ?

    Dans le montage, ltat intervient pour 2 ou 2,5 milliards deuros par souscriptiondactions de prfrence qui se transformeront, le cas chant, en actions ordinaires dans lalimite de 20 % du total du capital. Quenvisagez-vous au terme des cinq ans ? Undsengagement de ltat ? Ou bien cette premire intervention nest-elle que le prlude une

    nationalisation qui ne dirait pas son nom ?

    Le nouvel organisme, dont vous serez sans doute appel prsider le directoire,contrlera, dune part, la Banque fdrale des Banques populaires et, dautre part, la Caissenationale des caisses dpargne. Le conseil de surveillance devrait compter vingt membres,dont deux reprsentants du personnel, et les dcisions importantes seraient apparemmentprises une majorit qualifie. Quels seront les pouvoirs confrs au prsident ? Commeltat compterait quatre reprsentants, cette majorit qualifie lui confrerait-elle de fait uneminorit de blocage ? Comment les intrts de ltat seront-ils protgs et la gouvernanceorganise ? Comment concilier lautonomie locale avec une gestion centrale ? Quels serontvos pouvoirs, en particulier sur les participations qui ne seront pas apportes la structure

    centrale, par exemple le Crdit Foncier ou Foncia ?

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    Nous sommes ici pour dfendre les intrts de ltat, qui sont de trois ordres. Il doitdabord veiller au financement de lconomie, notamment par le biais des conventions qui ontt signes en octobre dernier. Comment comptez-vous les mettre en uvre ? Par ailleurs, il ya un volet dontologique, dont on parle beaucoup. Enfin, sagissant du cas particulier queconstituent les Banques populaires et les Caisses dpargne, comment seront dfendus les

    intrts de ltat actionnaire dont les apports en fonds propres auront t beaucoup plusimportants que dans les autres banques, lexception de Dexia ?

    M. Jrme Chartier. Alors que la fusion des deux groupes soulve des questionsstratgiques, notre audition est ouverte la presse, votre demande, monsieur le prsident.Nous comprenons bien lobjectif politique qui se cache derrire cette dcision, et nousvoulons marquer notre dsapprobation car les enjeux pour les deux groupes, notamment entermes demplois, sont trop importants. Il nous aurait sembl plus adapt de conduire uneaudition dans un cadre plus classique.

    M. le prsident Didier Migaud. Cela ne nous empchera pas de le faire galement.

    Mais personne naurait compris quil en soit autrement concernant cette audition. Et M. Prolna soulev aucune difficult, je tiens le prciser.

    M. Jrme Chartier. Mais sans avoir lassentiment du rapporteur gnral, je tiens en faire tat.

    Vous conserverez, monsieur Prol, les deux marques pour un mme mtier. Outre leplan de dparts volontaires, envisagez-vous dautres suppressions demplois, notamment dansles back offices, pour raliser des conomies dchelle ? Natixis, depuis son introduction enbourse, a perdu les quatre cinquimes de sa valeur et elle affiche cette anne des pertesconsidrables. Une enqute prliminaire est en cours. Un plan de licenciements est-il prvu

    dans cet tablissement ? Dautres mesures sont-elles en prparation pour le faire renouer leplus rapidement possible avec les bnfices ? Comptez-vous fusionner les structures centralesde chacun des deux groupes ? Si oui, dans quel dlai ? La constitution du nouveau grouperemet-elle en cause les projets dimplantations nouvelles et les ramnagements dagencesexistantes ?

    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Prol, vous avez des formules tonnantes : lanouvelle entit avait besoin dun homme neutre , avez-vous dit, assurant quil y avait urgence le nommer ! Je souhaiterais que vous rpondiez prcisment mes questions.Elles vous ont dj t poses, mais vous ny avez jamais rpondu.

    La Commission de dontologie ne sest pas runie. Seul son prsident a donn unavis titre personnel. Je comprends la raction des membres de cette commission car lasituation est tout de mme incongrue. Mais une commission, cest une commission : elle ne serduit pas son prsident.

    Auparavant, je vous remercie du dveloppement que vous avez consacr la crise la Commission des finances en avait sans doute besoin

    Je rappelle que le Prsident de la Rpublique, dont vous tiez le conseiller il y aencore quelques jours, fait de longs discours Toulon, et hier encore Saint-Quentin surla gravit de la crise, justement. Nous avons eu droit, deux reprises, un cours de morale sur

    le capitalisme, appelant la rgulation, la transparence. Et voil que M. le secrtaire gnraladjoint de llyse se retrouve patron dune banque !

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    Monsieur Prol, pouvez-vous nous confirmer que vous avez travaill sur le dossierde la banque Ixis durant les annes 2002, 2003 et 2004, quand vous tiez Bercy, auprs deM. Francis Mer ? Pourquoi navez-vous pas respect la dcision de la Commission dedontologie quand vous avez quitt le cabinet du ministre des finances pour rejoindre labanque Rothschild, qui na pas elle-mme respect les rgles thiques en conseillant dans le

    mme temps la Caisse des dpts et les Banques populaires ?

    Vous venez de dclarer que vous ntiez pas en charge de lensemble des affairesconomiques et financires de ce pays . Vous non, mais le Prsident de la Rpublique, lui,lest. Et vous tiez son conseiller, c'est--dire que vous tiez inform. Pouvez-vous affirmerque vous navez pas donn davis au Prsident de la Rpublique sur le dossier des Caissesdpargne et des Banques populaires ? Serait-ce crdible, alors que vous avez convoqu lespatrons de ces deux banques dans votre bureau et que vous avez travaill au plan de sauvetagedu systme bancaire franais, mme si vous dites que le Prsident de la Rpublique nest paslautorit comptente ? Certes, le Prsident de la Rpublique nest pas ministre des finances,ni Premier ministre, mais tout le monde sait comment cela marche ! Jai moi-mme t invit

    llyse avec les autres prsidents de groupes pour la prsentation du plan de sauvetage dusystme bancaire franais : ctait bien le Prsident de la Rpublique qui, non seulementprsidait, mais qui animait et conduisait la runion. Il revendiquait davoir pris lui-mme lesdcisions pour Dexia. Sur le plan juridique, lautorit comptente nest peut-tre pas lePrsident de la Rpublique, mais cest lui le patron ! En plus, vous ne dites pas la vritpuisque vous avez t associ pleinement la prparation du projet de sauvetage desbanques !

    Je souhaite, au nom de mon groupe, avoir des rponses prcises ces questions,monsieur Prol. Sinon, comment voulez-vous que les citoyens aient confiance ? Derrire lesintrts de ltat que nous dfendons, il y a les contribuables et des citoyens qui sinterrogent

    sur ce qui spare un discours cynique, et mme hypocrite, dune ralit de plus en plusinsupportable.

    M. Nicolas Perruchot. Je me rjouis, quant moi, que cette audition soit ouverte la presse. Il est important que, sur un sujet qui intresse un large public, le contrle que nousexerons et la rflexion que nous menons aujourd'hui se fassent en toute transparence.

    Pour revenir votre nomination, monsieur Prol, je dirai que rares sont ceux quicontestent vos comptences. Mais pourriez-vous nous rappeler prcisment la chronologie desvnements ? Comment vous est venue lide dtre candidat ce poste ? Ce qui suscite nosinterrogations, cest le sentiment que vous tiez le candidat unique. Avez-vous fait acte de

    candidature une date prcise ? Auprs de qui ? Ou bien est-on venu vous chercher ?

    En ce qui concerne lavenir du groupe, les pertes que vous avez annonces sontinquitantes et les proccupations sont fortes en rgion, en particulier chez les employs.Quelles sont les mutualisations envisages ? Par ailleurs, le nouveau groupe prendra-t-il terme un autre nom ?

    M. Franois Prol. La question, monsieur le rapporteur gnral, de la place de ltatest double, selon quon parle des fonds propres du nouvel ensemble ou de sa gouvernance.

    Comme vous le savez, le risque de march auquel les deux groupes sont exposs,

    comme le sont tous les tablissements bancaires, sest considrablement accru depuis dix-huitmois. En tant que banque de financement et dinvestissement, Natixis y est expose

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    frontalement et doit le grer conformment aux rgles comptables et prudentielles quisimposent elle. Or ces rgles gnrent des besoins en fonds propres la hauteur du risque.

    tant donn lincertitude qui prside lvaluation de ce risque, Natixis prsente unprofil de risque marqu. cela sajoutent les risques existant dans le rseau rgional des

    Caisses dpargne, auxquels la Caisse nationale des caisses dpargne a d faire face. lesautorits prudentielles et le rgulateur ont jug que lensemble de ces risques rendaitncessaire de consolider la structure de fonds propres de ces banques, afin de garantir leursolidit financire aux yeux des observateurs et de ceux qui financent ces banques tous les

    jours. Cest ce qui justifie lapport de 5 milliards deuros, qui vient sajouter un apport de 2milliards deuros de fonds propres 1 milliard venant des Caisses dpargne et 1 milliard dugroupe Banques populaires.

    Le deuxime problme tait un problme de gouvernance, les discussions entre lesdeux groupes ayant fait apparatre un risque de ce point de vue. Cest notamment lagouvernance de Natixis qui risquait de ptir des dsaccords ventuels entre les deux

    actionnaires. Cest une des raisons, en dehors des raisons industrielles, pour lesquelles lesautorits prudentielles ont jug que le rapprochement tait utile.

    En pratique, il est prvu quune fois lopration de rapprochement ralise, ce quisuppose le vote dune loi, sagissant de crer lorgane central dun groupe coopratif dtenantdes prrogatives de puissance publique, ltat apportera 5 milliards deuros au nouvelensemble : 2 milliards en titres subordonns dure indtermine, et 3 milliards sous formedactions prfrentielles, convertibles en actions ordinaires au bout de cinq ans. Ces actions deprfrence donneront Ltat les droits stratgiques dun actionnaire minoritaire important :il sera reprsent par deux administrateurs au conseil de surveillance du nouveau groupe etproposera en sus la dsignation de deux administrateurs indpendants qui prsideront les

    comits daudit et des rmunrations du nouvel organe central. Il disposera donc au conseil desurveillance de quatre administrateurs sur dix-huit ayant une voix dlibrative. Une liste desdcisions devant tre prises la majorit qualifie a t arrte : il sagit de toutes lesdcisions de nature porter atteinte aux droits patrimoniaux de ltat, telles que les oprationsdacquisition ou de cession importantes, ou portant sur le capital du nouvel organe central, ouencore la nomination du prsident du directoire. Par ailleurs, sa prsence au conseil desurveillance garantit ltat laccs lintgralit de linformation dispense en conseil sur lasituation, la stratgie et lensemble des projets de ltablissement. Tout cela est de nature protger les intrts de ltat.

    En outre, les titres de ltat seront rmunrs conformment aux recommandations

    de la Commission europenne : hauteur de 8 % pour les titres subordonns, et au-del pourles actions prfrentielles, ltat ayant considr que le montant apport tant plus important,les droits stratgiques navaient pas tre plus valoriss que loption de conversion en actionsordinaires.

    Enfin, la rmunration de ltat sera garantie sur le primtre total du groupe,incluant notamment lensemble des banques et des caisses rgionales, et non pas seulementsur le primtre du seul organe central.

    Ces fonds propres apports par ltat sont certes dun cot relativement lev, mais ilny a pas dans ltat actuel des marchs dautres sources de fonds propres. En cas

    damlioration de la situation conomique et financire, la rmunration de ces fondscroissant avec le temps, le nouveau groupe aura intrt rembourser ltat en levant des

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    fonds propres un cot moins important : tel est la logique qui sous-tend ce dispositif, commeceux mis en place par tous les gouvernements pour soutenir les systmes bancaires. Je croisquen outre les deux groupes auront cur de retrouver lautonomie quils craignent deperdre dans cette opration.

    Je pensais avoir dj rpondu la question de la conciliation entre centralisation etdcentralisation. Il sagit fondamentalement de deux groupes dcentraliss, de deux rseauxdtablissements financiers autonomes au niveau rgional : les Banques rgionales populaireset les Caisses rgionales dpargne sont des banques de plein exercice, tablissementsautonomes disposant de fonds propres et dune politique propre de distribution, mene par desdirigeants selon une logique conomique qui les rend comptables de leurs rsultats et de leurbilan. Cependant, sagissant de banques sous statut coopratif, la loi bancaire impose quunorgane central assure la scurit financire de lensemble du dispositif, en mettant en uvre lemcanisme de solidarit financire. Cet organe central dispose pour ce faire de capacits dedtermination des orientations stratgiques, de pilotage financier, de la liquidit et de latrsorerie. Ces pouvoirs attribus par la loi lorgane central limitent lautonomie des

    tablissements rgionaux, sans autoriser celui-ci simmiscer dans leur gestion.

    Cest cette logique conomique que je souhaite voir luvre : trente-septtablissements autonomes, dont les dirigeants seront comptables des rsultats, laresponsabilit tant la contrepartie de lautonomie, affilis un organe central exerantlintgralit des pouvoirs de contrle et de pilotage.

    Les degrs de centralisation diffrents des deux groupes sexpliquent par la jeunessedu rseau des Caisses dpargne, o lorgane central y est plus fort, alors que lestablissements du groupe Banques populaires ont acquis au fil du temps une plus grandeautonomie. Jai pu constater tout dernirement encore Nantes, monsieur Ayrault que les

    dirigeants des tablissements des deux rseaux adhrent 100 % ce projet : cest quilsconnaissent la ralit du terrain et se vivent comme les dirigeants dtablissements autonomes.

    Les plans de dparts volontaires, lancs indpendamment du projet derapprochement, monsieur Chartier, la Caisse nationale des caisses dpargne, et chezNatixis, dans le cadre du recentrage de la banque sur ses activits, correspondent auxrductions deffectifs ralises par toutes les banques de financement et dinvestissement dumonde.

    Quant la plainte relative aux conditions dintroduction en bourse de Natixis, jenignore le contenu.

    Il ny aura pas, monsieur Perruchot, de fusion des deux rseaux et des deux marques,la force dune banque de dtail rsidant dans sa distribution et sa marque. Il faudra bien enrevanche donner un nom lorgane central, la question de savoir si ce nom pourra tre utiliscomme marque tant encore lexamen.

    Il y aura bien rapprochement des organes centraux, mais sur le terrain, la politiquedes agences restera dfinie par chaque tablissement rgional. Si les Caisses rgionalesdpargne comme les Banques rgionales populaires ont cr beaucoup dagences cesdernires annes, le rythme devrait nanmoins se ralentir, tant donn le niveau de couverturedu territoire.

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    Jai utilis la formule d homme neutre , monsieur Ayrault, pour signifier que jenappartenais aucun des deux groupes : il ne sagissait pas pour moi de nier que je suisproche de M. Sarkozy : je le suis et jespre le rester.

    M. Jean-Marc Ayrault. Dautant quil vous a nomm !

    M. Franois Prol. Ce sont les conseils dadministration des deux groupes quimont nomm.

    Par ailleurs, monsieur Ayrault, jai parfaitement respect les recommandationsformules en 2004 par la Commission de dontologie, dont la saisine tait obligatoire avant laloi de 2007. Celle-ci mavait enjoint de ne pas travailler sur des dossiers dont javais eu connatre en tant que haut fonctionnaire. Or je navais pas eu connatre dans lexercice demes fonctions de dossiers relatifs la Banque fdrale des banques populaires, pour laquelle

    jai travaill comme conseil pour le compte de la banque Rothschild.

    Il est galement inexact daffirmer comme vous le faites que la banque Rothschild acontrevenu lthique dans cette affaire. Confronte un risque de conflit dintrtssemblable ceux que toutes les banques daffaires connaissent quasi quotidiennement, labanque Rothschild a dcid de trancher au bnfice de la Banque fdrale des banquespopulaires plutt qu celui de la Caisse des dpts et consignations. De tels choix simposentaux tablissements qui travaillent bien et sont de ce fait trs sollicits.

    En tant que directeur adjoint de cabinet de Francis Mer, jai effectivement eu connatre de lopration de rachat dIxis, tablissement de financement et dinvestissementauparavant dtenu par la Caisse des dpts et consignations, par la Caisse nationale descaisses dpargne. Cela ne veut pas dire que jaie enfreint la rserve pose par la Commission

    de dontologie.La thse selon laquelle je serais en situation de prise illgale dintrt est purement

    politique. Jai certes donn mon avis au Prsident de la Rpublique, mais cela ne signifie pasque je sois en situation de prise illgale dintrts car, contrairement ce que vous pensez, lesinstitutions fonctionnent : cest la Commission bancaire qui est charge du contrle desbanques ; cest le ministre des finances qui est charg de la rgulation du systme bancaire.Cest la Commission bancaire et la direction gnrale du Trsor qui instruisent les dossiers, etce sont elles, et non pas moi, qui ont calibr le plan de recapitalisation bancaire. Pour ma part,

    jai donn mon avis sur la politique conomique et financire quil convenait de suivre. Aumoment de la faillite de la banque Lehman Brothers, par exemple, jai prn, mon avis

    utilement, lintervention des gouvernements.Ce nest pas parce que la ralit que je dcris ne correspond pas votre thse que je

    serais cynique ou hypocrite. Je ntais pas lhomme omniscient que dcrit la presse ; je suis unhomme raisonnable, pondr et qui agit rarement la lgre.

    Il ne mtait pas venu lide dtre candidat ce poste, monsieur Perruchot. Demme je navais pas sollicit la fonction de secrtaire gnral adjoint de la Prsidence de laRpublique, mais jai pens quil tait de mon devoir de remplir cette tche, par conviction etpar estime pour le Prsident de la Rpublique. Je nai pas un apptit effrn pour le pouvoirou les satisfactions personnelles. Mais il fallait dans cette affaire un homme neutre, qui

    incarne aussi de quelque faon la puissance publique. Il tait donc de mon devoir daccepter.

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    Conscients de cette ncessit de nommer un homme neutre, les dirigeants des deuxgroupes nont pourtant pas propos de candidats. Ils se sont dit quil tait judicieux, tantdonn la situation o tait leurs groupes, que jassume la responsabilit excutive de cesderniers afin de mener bien le projet qui tait le leur. Je considre cela comme une mission,et non comme un avantage.

    Vous avez raison, monsieur Perruchot : les chiffres sont inquitants, mais ilsdcrivent la situation que jai trouve. Si les banques de dtail sont fondamentalement saines,le stress financier et conomique gnr par lexposition au march et la monte des risquesde crdit est dune brutalit exceptionnelle. En outre, les rgles comptables et prudentiellesactuelles imposent aux banques de disposer de toujours plus de fonds propres et de provisions,et mme si cette logique nest pas saine sur le plan conomique, telle est la rglementationque jai la responsabilit dappliquer.

    M. Michel Bouvard. Nous avons dj consacr beaucoup de temps aux questions dedontologie. Dailleurs, jai le souvenir que la Commission de dontologie avait t cre

    pour examiner le cas des fonctionnaires qui avaient eu en charge des dossiers de privatisation.Nous sommes l dans un cas plutt inverse

    Venons-en au fond ! On connat le rle majeur du groupe Banques Populaires et desCaisses dpargne dans la distribution de crdit aux PME. Quelles seront lavenir lescapacits des tablissements rgionaux en la matire ? Devront-ils faire remonter des fondsdans la structure fatire au dtriment de leur action sur le terrain ?

    Quelle a t lincidence de la gnralisation du Livret A sur la stratgie des Caissesdpargne ? Il semble que ces dernires ont t un peu moins dynamiques que La Poste enmatire de diversification des dpts.

    La participation des Caisses dpargne dans CNP-Assurances restera-t-elle dans lastructure fatire ?

    Enfin, quadviendra-t-il de Natixis-Assurance et des banques HSBC qui avaient trachetes par le groupe Banques populaires ?

    M. Franois Prol. Les tablissements rgionaux HSBC vont devenir proprits 100 % des Banques rgionales populaires des rgions concernes, chaque banque devantmener la politique de cette enseigne. mon avis, les enseignes en question, qui sont desmarques rgionales connues, seront maintenues.

    La participation des Caisses dpargne dans CNP-Assurances sera cde au nouvelorgane central en tant quactif stratgique du nouveau groupe, appel jouer un rle essentielen matire dassurance-vie.

    La collecte du Livret A par les Caisses dpargne, trs dynamique en 2008, a baissen 2009, du fait de la baisse des taux. En outre, les Caisses dpargne doivent dsormais faireface la banalisation de ce produit.

    Les Caisses rgionales dpargne ont investi une part importante de leurs fondspropres dans la Caisse nationale des caisses dpargne. Il faudra donc veiller au redressementdes comptes du futur organe central, qui devra en consquence tre plus conome et plusefficace que ne ltait la CNCE. Il faudra de plus que la performance conomique soit au cur

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    des proccupations du rseau des Caisses dpargne : cest ce qui garantira vritablement lasolidit financire de lensemble.

    M. Pierre-Alain Muet. Vous avez invoqu lurgence pour expliquer pourquoi vousnaviez pas saisi la Commission de dontologie. Ne pensez-vous pas que, si vous laviez fait,

    vous seriez aujourdhui dans une situation plus satisfaisante au regard de vos fonctions ? Vousencourez en effet le risque de voir votre nomination faire lobjet dun recours.

    Le terme neutre est-il pertinent pour qualifier un homme auquel ses fonctionsantrieures ont donn loccasion de participer la prparation de lopration derapprochement entre les deux groupes ?

    Si vous avez reconnu avoir suivi le dossier Ixis en tant que directeur adjoint decabinet de Francis Mer puis de Nicolas Sarkozy, vous prtendez vous tre occup, pour labanque Rothschild, uniquement de la Banque fdrale des banques populaires. Cela signifie-t-il que vous ne vous soyez absolument pas occup, dans ces fonctions, du mariage de Natexis

    avec Ixis ?Ma dernire question est dun ordre plus personnel. En tant quinspecteur gnral des

    finances, vous auriez pu choisir de vous mettre en disponibilit pour exercer cette fonction.Est-il vrai que vous lavez envisag, provoquant mme la runion dune commission paritaire,avant de changer davis ? Si tel est le cas, pourquoi ?

    M. Franois Prol. Je vous ai dj rpondu que javais conseill la Banque fdraledes banques populaires sur lopration Natixis.

    Je vous ai donn la dfinition du qualificatif neutre . Vous pouvez en avoir une

    autre.Ce nest pas ma situation qui est difficile, mais la tche que jai mener. Pour le

    reste, jai agi en conscience et pris mes responsabilits, comme jai toujours cru devoir lesprendre tout au long de ma carrire.

    En ce qui concerne ma dmission, je vous sais gr de votre sollicitude. Il est vrai que jai hsit entre la mise en disponibilit et la dmission. Cela a pris quelques jours. Si jaifinalement dcid de dmissionner de la fonction publique, cest que cette dcisionpersonnelle me semblait plus cohrente et plus claire.

    M. Charles de Courson. Pourquoi ltat apporte-t-il 5 milliards deuros au nouvelensemble ? Ny avait-il pas dautre solution que de recourir largent du contribuable et defaire de ltat un actionnaire du futur groupe hauteur denviron 20 % du capital ?

    Une telle organisation du futur groupe est-elle compatible avec sa ncessaireinternationalisation ?

    M. Franois Prol. La constitution de fonds propres constitue actuellement lapriorit de toutes les banques et de toutes les autorits prudentielles du monde, ces derniresimposant des ratios extrmement contraignants en la matire. Nous navons pas le choix :toute la rgulation financire est fonde sur ces critres ! Tant que cette rglementationprvaut, nous sommes obligs de renforcer la structure de fonds propres de ces deux groupes,qui seraient sinon tombs au-dessous du niveau rglementaire. Or il ny a aujourdhui queltat qui puisse fournir des fonds propres aux banques. Je mets au dfi de trouver aujourdhui

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    sur le march, un prix qui ne soit pas prohibitif, des fonds propres pour financer les Caissesdpargne et le groupe Banques populaires.

    Le dveloppement du nouveau groupe devra se faire en deux temps : il faudradabord consolider les mtiers fondamentaux, et ce nest quensuite que ce groupe pourra

    songer se dvelopper linternational. Les groupes coopratifs doivent se montrer plusprudents que les autres en matire de dveloppement international, celui-ci devant treaccept et port par leurs actionnaires, cest--dire les tablissements rgionaux.

    M. Herv Mariton. tes-vous, en tant que citoyen, favorable une volution de laloi qui rendrait obligatoire la saisine de la Commission de dontologie dans un cas comme levtre ?

    Vous vous tes prsent comme un homme neutre , incarnant aussi la puissancepublique. En tant que futur prsident dun groupe dont ltat sera un actionnaire important,dans quelle mesure pourrez-vous avoir une vision diffrente de celui-ci ? Je remarque en effet

    que vous navez encore jamais dit nous pour parler des entreprises que vous prsidez.Vous avez mme t jusqu voquer, propos des dirigeants de ces groupes, lautonomie quils craignaient de perdre , manifestant ainsi une distance sur laquelle je me permets devous interroger.

    quelle hauteur valuez-vous les risques bilanciels du nouveau groupe, notammentdu point de vue de votre activit assurancielle ?

    M. Franois Prol. Je nai pas davis en ce qui concerne lopportunit de rendreobligatoire la saisine de la Commission de dontologie. Cest au lgislateur de se prononcer.

    En tant que responsable excutif de ces deux groupes, je nentretiens gure dedistance avec eux : je suis comptable des intrts sociaux de ces deux entreprises, commeltat le sera en tant quactionnaire.

    En ce qui concerne les risques bilanciels, chaque arrt trimestriel des comptes estune tape.

    M. Henri Emmanuelli. Alors que vous avez pass beaucoup de temps nousexpliquer quil ny avait pas de mlange des genres, jai cru nanmoins vous entendre nousexposer le projet de loi qui va tre soumis au Parlement. Je suppose que cest, l encore, unepreuve dune sparation stricte des fonctions !

    Jai travaill pour Rothschild comme vous, et je nen ai pas plus de honte que vous.Jaimerais savoir cependant si vous tes intervenu sur le dossier Natixis et pour quellermunration. Quelles sont par ailleurs votre rmunration actuelle et celle de M. Milhaud,votre prdcesseur, cens avoir t sanctionn, mais dont je me suis laiss dire quil occupaitun poste agrable ?

    M. Franois Prol. En tant que prsident des deux groupes, il est lgitime que jaieun avis sur le projet de loi qui dfinit les missions de lorgane central du futur ensemble.

    Lallgation selon laquelle jaurais peru des honoraires fabuleux pour le dossierNatixis contrevient la connaissance la plus lmentaire des pratiques conomiques etfinancires. Les associs-grants des banques daffaires ne sont pas rmunrs par affaire,mais sur le rsultat dgag sur lanne par la banque, la part de chaque associ-grant tant

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    dtermine ex ante. La rmunration de la banque Rothschild pour ce dossier tait la hauteurdes pratiques de la place : non pas 30 millions, mais 9 millions deuros, quoi sajoutait1,8 million deuros pour lopration de march.

    Jai demand que ma rmunration soit gale celle de mon prdcesseur, soit

    550 000 euros bruts annuels, et partage entre les deux groupes. Jai demand aussi quelle necomporte pas de part variable au titre de lanne 2009.

    On oublie que M. Milhaud a rendu de grands services au groupe des Caissesdpargne, mme sil a commis des erreurs. Depuis sa dmission, le 19 octobre dernier, ilnexerce plus de fonctions excutives au sein de ce groupe. Il demeure cependant prsident duconseil de surveillance dOcor, et peroit ce titre des jetons de prsence. Cest une situationquil conviendra de rgulariser dans un avenir proche, mais je prfre en discuter dabordavec lui.

    M. Franois Bayrou. Deux sujets sont traits dans cette audition : celui de

    lopportunit des dcisions en cause, que je naborderai pas, et celui de la lgalit de votrenomination, qui fait lobjet de maintes critiques, portant tant sur le pass que sur la situationactuelle. Vous navez pas rpondu pour ce qui concerne le pass. Vous prtendez en effetavoir respect strictement les recommandations formules par la Commission de dontologie.Or, dans sa dcision du 22 dcembre 2004, celle-ci vous autorisait travailler en tantquassoci-grant dune banque daffaires, sous rserve que [vous vous absteniez] de traitertoute affaire dont [vous avez] eu connatre dans [vos] fonctions la direction du Trsor et aucabinet du ministre . Or vous avez bien trait le dossier Natixis alors que vous vous tiezoccup dIxis dans vos fonctions antrieures. Vous navez donc pas respect lavis de laCommission de dontologie.

    Et puis il y a la situation actuelle. Trouvez-vous normal quun ancien secrtairegnral adjoint de llyse, et non pas un simple conseiller du Prsident de la Rpublique,puisse devenir prsident dun tablissement quil a contribu crer toute la presse sest faitlcho des runions qui se sont tenues dans votre bureau pour prparer la fusion alors quunancien ingnieur de lquipement est poursuivi sil travaille pour la socit charge dugoudronnage des routes quil avait eu la charge de surveiller ?

    M. Franois Prol. La rserve dont la Commission de dontologie avait assorti sonavis de 2004 minterdisait dintervenir propos de la privatisation dEDF, par exemple,dossier dont jai eu connatre, ou sur tout dossier que jaurais initi. Elle ne minterdisait pasdintervenir dans la cration de Natixis pour le compte de la Banque fdrale des banques

    populaires.

    Je rappelle que la loi que vous voquez vise viter quun fonctionnaire naccorde, raison de ses fonctions, des avantages une entreprise dans lobjectif dtre recrut par celle-ci. En conscience, je ne pense pas tre dans la situation que vous dcrivez.

    Ce que rapporte la presse nest pas forcment la ralit. Je nai ni imagin, ni conu,ni conduit cette fusion.

    M. Franois Bayrou. Vous avez au moins exerc une pression pour lacclrer.

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    M. Franois Prol. La seule pression qui sest exerce est celle des autoritsprudentielles, car cest la seule qui compte dans le domaine bancaire : cest la seule loiirrfragable.

    M. Jean-Franois Lamour. Vos fonctions passes auprs du Prsident de la

    Rpublique vous placent dans les meilleures conditions pour sauver ces deux rseauxbancaires. Je prfre cette situation aux grands discours politiciens, mme si cela ne dispensepas de faire ses preuves, sous notre contrle.

    Dans quel but allez-vous placer certains actifs dans une holding : sagit-ildquilibrer les actifs entre les deux groupes, ou de cantonner les actifs dprcis dans unestructure qui jouerait le mme rle que le Consortium de ralisation pour le Crdit lyonnais ?

    M. Franois Prol. Laccord intervenu entre les deux groupes prvoit en effet quecertains actifs feront lobjet dune revue stratgique dans les dix-huit mois pour dcider silsseront apports lorgane central. Ils seront dans lintervalle dtenus par des holdings elles-

    mmes contrles, par les banques rgionales populaires pour les actifs issus du groupeBanques populaires, notamment Foncia, et par les Caisses rgionales dpargne, notammentpour le Crdit foncier, la participation dans Nexity et les actifs en extinction du compte proprede la CNCE. Beaucoup sont de trs beaux actifs immobiliers, qui prsentent de grandespotentialits.

    M. Michel Sapin. Vous avez invoqu lurgence pour justifier le fait que vous nayezpas saisi la Commission de dontologie, alors que celle-ci a exprim dans un communiqu sonsouhait dtre saisie de votre nomination. Or, dans quelques mois, une loi crera une nouvelleentit, qui bnficiera des 5 milliards deuros de ltat, et la prsidence de cette entit serapourvue par une nouvelle nomination. Pourquoi ne pas saisir alors la Commission de

    dontologie ?M. Franois Prol. Saisir ainsi la Commission de dontologie a posteriori naurait

    pas plus de sens que de caractre obligatoire.

    M. Michel Sapin. Ce ne serait pas a posteriori puisquil sagirait dune nouvellenomination la tte dun nouvel ensemble : ce serait donc a priori,et hors de toute urgence.

    M. Franois Goulard. Jai t frapp que vous nayez pas voqu la ncessit pourltat dintervenir dans le capital du nouvel ensemble ds votre long expos liminaire, maisseulement dans votre rponse au rapporteur gnral, invoquant alors les exigences du

    rgulateur. Voulez-vous dire que cest la Commission bancaire qui a exig unerecapitalisation hauteur de 5 milliards deuros ?

    Vous avez invoqu lurgence cre par le risque dune crise des liquidits pour justifier labsence de saisine de la Commission de dontologie. Cet argument est l encoretonnant, le Parlement ayant dj lpoque adopt, linitiative du Gouvernement, undispositif permettant de parer efficacement ce risque.

    Vous reconnaissez vous-mme que votre nomination posait un problme puisquevous en avez saisi le secrtaire gnral de llyse et le prsident de la Commission dedontologie, avant de consulter votre propre conseil. Ny avait-il donc quun seul candidat

    neutre sur la place de Paris, voire sur une autre ?

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    Lavis de la Commission de dontologie est une chose, le code pnal en est uneautre. Or, si vous cartez dans votre cas lapplication de larticle 432-13, ce nest pas que vouscontestiez avoir donn, dans lexercice dune autorit publique, un avis sur le sujet dont nousparlons. Tout ce que vous contestez finalement dans les arguments quon oppose votrenomination, cest la comptence du Prsident de la Rpublique en ce qui concerne le plan de

    sauvetage des banques. Vous tes pourtant lauteur dune tribune dans Les chos o vousdtailliez de faon limpide les grandes dcisions prises en matire financire par le Prsidentde la Rpublique et ses conseillers pour parer la crise financire, la ministre de lconomieet des finances tant charge des mesures dapplication. Il y apparaissait clairement que lePrsident de la Rpublique tait lautorit comptente, au sens du droit pnal, sinonadministratif, la ministre nagissant que secondairement. En tout tat de cause, les avis quevous dispensiez au Prsident de la Rpublique ltaient aussi la ministre, puisque voussuiviez le dossier du dbut la fin.

    Enfin, pensez-vous quun prsident dont la nomination est entache de suspicion soitle dirigeant idal pour un groupe de 110 000 salaris ?

    M. Franois Prol. Le futur groupe aura un ratio de tier one de lordre de 9 %.

    Il y a videmment eu un avis de la Commission bancaire, affirmant la ncessit derecapitaliser lensemble.

    M. Franois Goulard. Pour quel montant ?

    M. Franois Prol. Ce sont des informations privilgies. Le rgulateur prudentielnagit pas la lgre.

    Votre citation de larticle des chos est incomplte : jy faisais tat du travail duPremier ministre et de lensemble du Gouvernement.

    En ce qui concerne la saisine de la Commission de dontologie, jai dj expliqudans quel cadre javais sollicit ces avis, et rappel la jurisprudence constante de laCommission en la matire.

    Quant votre dernier point, je nai pas, en tant que dirigeant des deux entreprises,dinquitude particulire.

    M. Dominique Baert. Le nouveau groupe suscite beaucoup dinquitudes socialesparmi les 110 000 employs. Il est une pratique franaise, que le Prsident de la Rpubliquelui-mme a approuve et selon laquelle, quand la nation apporte de largent dans uneentreprise, la reprsentation des salaris est assure au sein des organes de gestion. Jai crucomprendre que le conseil de surveillance du nouveau groupe compterait sept membres issusde chacun des deux rseaux et quatre reprsentants de ltat, dont deux personnalitsindpendantes. Quelle place entendez-vous faire aux salaris ? Et comment les associerez-vous un avenir qui fait natre chez eux beaucoup dinterrogations ?

    M. Franois Prol. Premier lment : les instances reprsentatives du personnelseront, comme la loi le prvoit, informes et consultes sur le projet de rapprochement.Second lment : les salaris seront reprsents au conseil de surveillance, mais ils naurontpas voix dlibrative.

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    Les deux cultures sont diffrentes : dans les Caisses dpargne, les salaris ont voixdlibrative mais pas dans les Banques populaires. Au sein des grands groupes franais, voustrouvez toutes les pratiques. Au demeurant, ce qui importe aux reprsentants des salaris, je lesais pour en avoir discut avec eux, ce nest pas tant davoir une voix dlibrative quedassister lensemble des travaux du conseil et de pouvoir prendre la parole. La question

    aujourd'hui en dbat est de savoir si seront reprsents au conseil de surveillance de lorganecentral non seulement les salaris de lorgane central, mais aussi ceux des rseaux.

    M. Philippe Vigier. Proccup du sort des petits actionnaires de Natixis, qui ontperdu prs de 95 % de leur investissement, je trouve parfaitement justifi que cette auditionsoit ouverte la presse. Natixis dtenait une participation dans CIFG, un rehausseur de crditamricain. Il a t rachet ensuite par les organes centraux des Banques populaires et desCaisses dpargne, qui ont dbours 1,5 milliard deuros. Au cours dune audition, le20 fvrier 2008, il nous a t indiqu que les encours de CIFG taient de 70 milliards deuros.Dans de telles conditions, quelle prennit Natixis peut-elle avoir ? Quelle confiance peut luiaccorder son actionnariat ? Quelle stratgie allez-vous dvelopper pour redresser la barre ?

    M. Franois Prol. La socit CIFG a t reprise parit par la Caisse nationale descaisses dpargne et la Banque fdrale des banques populaires. Elle a fait, aux tats-Unis,lobjet dune restructuration sous le contrle du rgulateur des assurances, baptisecommutation, et qui porte sur lensemble de ses engagements.

    En ce qui concerne Natixis, un plan de recentrage a t adopt en dcembre 2008,recentrage sur les activits les moins risques. Il mappartient de vrifier quil est suffisant,quil est excut correctement et quil permet de construire des activits de financement etdinvestissement qui aient, dans la dure, une rentabilit suffisante.

    M. Louis Giscard dEstaing. De mmoire, nous en sommes la quatrime auditiondun dirigeant des Caisses dpargne en dix-huit mois. Je relve ce fait pour montrer que laCommission des finances sy est intresse bien avant la nomination de Franois Prol leurtte. Dautres auditions publiques ont eu lieu, conformment notre rle.

    Depuis le 1er janvier, quelle est lvolution de la part de march du Livret A desCaisses dpargne, et de la collecte en valeur absolue ? Nous anticipions que louverture dumarch ferait globalement grimper les encours.

    Les provisions passes par Natixis lui permettront-elles de rebondir ?

    Dans le nouvel ensemble, o sera loge la participation de la COFACE ?M. Franois Prol. Sagissant du Livret A, je nai pas en tte les chiffres de la

    collecte pour les mois de janvier et de fvrier. Elle est en forte diminution dans lensemble desgroupes bancaires du fait de la baisse des taux, aprs avoir t extraordinairement dynamiquependant lanne 2008 : le groupe des Caisses dpargne a collect lanne dernire plus de8 milliards deuros.

    Les comptes de Natixis ont t arrts et certifis par les commissaires aux comptes.Les banques de financement et dinvestissement tant exposes des risques dynamiques,chaque arrt trimestriel est loccasion de revoir la situation.

    La participation dans la COFACE est aujourd'hui dtenue par Natixis et elle lerestera.

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    M. Jean-Pierre Balligand. Vous tes, monsieur le prsident, la tte de ce qui serale dernier groupe mutualise franais. En 1981, nous navons pas voulu nationaliser lesmutualistes. Dailleurs, du fait de limbrication entre la Caisse des dpts et les Caissesdpargne, ltat tait tout de mme prsent. Mais, aprs la rupture du pacte dactionnairesdue, selon moi, aux Caisses dpargne, la gestion a perdu de vue les valeurs caractristiques

    du monde mutualiste, commencer par une certaine prudence, et sest aventure trs loin dela banque domestique. tous ceux, nombreux, et dont je suis, qui ont choisi dtresocitaires, il faut dire ce quil adviendra du portage de ltat. un moment, il devra biensortir. Sur les 5 milliards quil aura apports, 3 milliards le seront sous la forme dactionsconvertibles. Est-ce dire que nous irons sur le march ? Le Crdit agricole a pu recapitaliserCalyon parce quil est une fausse socit anonyme. Les socitaires, dans les rgions, avaientdes moyens pour intervenir et recapitaliser. Ma question est grave car nous sommesnombreux, et pas seulement parmi les socialistes, nous interroger sur lissue du soutienapport par ltat.

    M. Lionel Tardy. Au-del des polmiques, le but de votre nomination est de donner

    naissance un poids lourd bancaire franais. Cest un pralable indispensable au traitement deNatixis qui naura plus ainsi quun seul actionnaire.

    Comment sera structur le ple immobilier du groupe qui regroupera, du ct rougedes Caisses dpargne, Nexity et le Crdit foncier et, du ct bleu des banques populaires,Foncia ?

    M. Franois Prol. Les deux groupes sont coopratifs, et ils le resteront, jen suisconvaincu, parce que cest leur raison dtre.

    Dans cinq ans, ltat aura accs 20 % du capital. Mais, dans lintervalle, il est

    loisible lorgane central, sil en a la capacit, et sous le contrle des autorits prudentielles,de racheter la participation de ltat. Dans un environnement qui ira en samliorant, la foislaccs aux fonds propres deviendra moins cher et les capacits financires du groupe serontrestaures. Seulement, il faudra viter de refaire lerreur de la Caisse nationale des caissesdpargne, qui a rachet sa participation la Caisse des dpts en dcaissant 7 milliardsdeuros de fonds propres. Ce sont eux qui manquent aujourd'hui au groupe. Le rachat est unobjectif, sans tre pour autant un totem. Un environnement conomique et financier meilleurdevrait permettre au groupe de prlever sur ses rsultats les ressources ncessaires pourrembourser en priorit les actions de prfrence et lever tout doute sur les ventuelles vellitsde ltat.

    Jen viens au ple immobilier. Nous allons conduire une revue stratgique delensemble des actifs immobiliers afin de les structurer. Certaines participations sontmajoritaires, dautres minoritaires, comme Nexity, mais lensemble est de qualit. Il est troptt aujourd'hui pour dvelopper davantage.

    M. Frdric Lefebvre. Je regrette que certains membres de la Commission desfinances aient cru bon de sautoproclamer procureurs staliniens dun procs dintention. Ils sesont relays pour tayer des thses dplorables un moment o lenjeu est de sauver desgroupes bancaires qui sont importants pour nos concitoyens.

    M. Prol a fait preuve de beaucoup de scrupules. En effet, faute de pouvoir consulter

    temps la Commission de dontologie, il sest tourn vers son prsident. Dans le pass, tous

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    nont pas fait preuve de la mme attitude, alors mme quils donnaient des leons :M. Huchon au Crdit agricole, M. Schweitzer chez Renault, et lon pourrait en citer dautres.

    Parce que M. Prol est proche du Prsident de la Rpublique, daucuns seconsidrent habilits mettre en cause sa nomination. M. Prol faut-il le rappeler ? a t

    dsign par les deux groupes bancaires, et non par le Prsident de la Rpublique ou le Premierministre. Personne ne sest interrog lors de la nomination de M. Jouyet lAMF ou deM. Strauss-Kahn au FMI. Nous avons donc assist une dmarche extrmement politicienne.

    Aujourdhui, ce qui compte, cest dagir et de se mobiliser contre la crise. En casdaudition publique, ne vaut-il pas mieux poser des questions de fond plutt que de secomporter comme si nous sigions dans une commission denqute ?

    Ce matin, certaines limites ont t franchies.

    M. le prsident Didier Migaud. La parole est libre, monsieur Lefebvre, pour chacun

    des membres de la Commission des finances.Je vous remercie, monsieur Prol.