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ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN BOURGOGNE & FORÊT Dossier thématique – Septembre 2012 Crédit photo : ONF - SAVIER

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    ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN BOURGOGNE

    & FORÊT Dossier thématique – Septembre 2012

     

    Crédit photo : ONF - SAVIER

  • Table des matières Avant - propos............................................................................................................................. 3 I. La forêt en Bourgogne....................................................................................................... 4

    1) Localisation, essences et structure de peuplement......................................................... 4 2) Propriété et exploitation ................................................................................................... 5 3) Evolution et enjeux actuels .............................................................................................. 6

    II. Les Impacts observés et pressentis ................................................................................ 8

    1) Des changements phénologiques liés à l’augmentation de température........................ 9 2) Une augmentation de la vitesse de croissance............................................................... 9 3) Vers une augmentation des risques liés aux évènements extrêmes ? ......................... 12 4) Extension de certaines maladies ................................................................................... 13 5) Changement de répartition des essences ..................................................................... 16

    III. Pistes d’adaptation .......................................................................................................... 18

    1) Adaptation des espèces ................................................................................................ 18 2) Mesures d’adaptation sylvicoles .................................................................................... 19 3) La transformation........................................................................................................... 22

    Experts Régionaux ................................................................................................................... 23 Bibliographie ............................................................................................................................. 25

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    Avant-propos Cette synthèse, réalisée à partir d’enquêtes auprès d’experts régionaux (passages en italique) et de données bibliographiques (passages en caractères normaux), est par essence non exhaustive. Elle a pour but d’esquisser les principaux impacts du changement climatique sur la forêt bourguignonne et des pistes d’adaptation à travers divers exemples parfois régionaux, parfois nationaux, voire internationaux. La biodiversité forestière sera très peu traitée, une synthèse spécifique à la biodiversité étant déjà disponible. Pour cela, elle est structurée en trois grandes parties, traitant respectivement :

    ‐ des caractéristiques de la forêt en Bourgogne, ‐ des impacts observés et pressentis du changement climatique sur la forêt

    bourguignonne1, ‐ des pistes d’adaptation des modes de gestion de la forêt aux impacts présentés.

    Pour des informations complémentaires, vous pouvez consulter les ouvrages recensés dans la bibliographie (cf. page 25), contacter Alterre Bourgogne (www.alterre-bourgogne.fr) ou des experts régionaux (cf. page 23). Vous pouvez également télécharger les fiches et dossiers sur les thématiques suivantes : la biodiversité, la forêt, la vigne, l’élevage, la santé, les risques naturels, l’urbanisme et l’aménagement sur www.bourgogne.ademe.fr et www.alterre-bourgogne.org. Dossier rédigé dans le cadre du Projet régional 2010–1012, copiloté par l’ADEME et Alterre, intitulé « Adaptation au changement climatique en Bourgogne : contribution à l’élaboration des stratégies régionales et territoriales » et financé par le Programme Énergie Climat Bourgogne.

    1  Les impacts sur des types de forêt qui ne sont pas présents dans la région ne seront donc pas étudiés (méditerranéenne, tropicale etc.)

    http://www.alterre-bourgogne.fr/http://www.bourgogne.ademe.fr/http://www.alterre-bourgogne.org/

  • I. La forêt en Bourgogne

    1. Localisation, essences et structure de peuplement La Bourgogne compte environ 960 000 hectares de forêts, soit plus de 30 % du territoire régional, ce qui la met au 6e rang des régions françaises (DRAAF Bourgogne, 2007). La forêt est inégalement répartie sur le territoire : très présente sur le Morvan, elle est beaucoup moins dense dans les plaines péri-morvandelles ou la dépression bressane (cf. Figure 1).

    Figure 1 Les régions bourguignonnes à

    dominante forestière (vert foncé) à gauche et les ensembles

    géomorphologiques correspondants à droite

    (à partir des cartes de la DIREN et de la DRAAF de Bourgogne)

    On constate sur la Figure 2 que la région est particulièrement dominée par le chêne (64 % contre 36 % en moyenne nationale). En effet, plus de 80 % de la forêt bourguignonne est en feuillus soit 780 000 ha avec plus des trois quarts en chêne et près de 10 % en hêtre. C’est pourquoi la Bourgogne est la 2e région française pour sa surface en feuillus et en chênes (DRAAF Bourgogne, 2007).

    Figure 2 : Les principales essences présentes

    en Bourgogne et en France (DRAAF Bourgogne, 2010)

    Les conifères représentent 165 000 ha dont 40 % consacrés au douglas (second rang français) et 35 % aux pins. Le douglas, d’implantation récente (seconde moitié du XXe siècle), est principalement implanté au centre de la région, sur le Morvan et ses annexes cristallines, essentiellement en Saône-et-Loire. En ce qui concerne les structures de peuplement, le taillis sous futaie est encore très présent avec plus de 40 % non encore converti en futaie en 2008 (ONF, 2010). Les plantations résineuses récentes sont, quant à elles, traitées en futaies régulières.

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  • 2. Propriété et exploitation

    a. Une forêt en majorité privée Plus des deux tiers de la forêt appartiennent à 166 000 propriétaires privés. La moitié de cette forêt privée est constituée de propriétés d’au moins 25 ha d’un seul tenant (DRAAF Bourgogne, 2007). Cependant on compte aussi beaucoup de petits propriétaires : plus de 111 000 ont moins d’1 ha de forêt (CRPF). Parmi les 300 000 ha de forêt publique, 100 000 ha sont des forêts domaniales et 200 000 ha sont des forêts communales (ou d’autres types de propriété publique). Pour des raisons historiques, il est intéressant de noter que la Côte-d’Or a plus de forêts publiques que privées, contrairement aux trois autres départements. Les forêts publiques bourguignonnes sont généralement de grande taille comparées aux forêts privées, ce qui implique une organisation différente (ONF) :

    ‐ Les forêts domaniales couvrent en général quelques milliers d’hectares (jusqu’à 10 000 ha pour la forêt de Châtillon sur Seine),

    ‐ Les forêts communales font plusieurs dizaines à centaines d’hectares (notamment dans le nord de la Côte-d’Or).

    b. Avec une production importante de bois de chêne et de douglas

    La Bourgogne est la 1re région de production de bois brut à partir de feuillus et de douglas et la 2e région pour la production de plants forestiers dans les pépinières (15 % du marché national), loin cependant derrière l’Aquitaine (DRAAF, 2007).

    Figure 1 : Récolte de bois par essence en Bourgogne

    (DRAAF Bourgogne, 2010a)

    Figure 2 : Production de bois rond en Bourgogne en 2008 (DRAAF, 2010b)

    Le volume sur pied, estimé à 157 millions de m3 en 2005 en Bourgogne, s’accroît chaque année de 6,3 millions de m3. La récolte de bois rond en Bourgogne est dominée par les résineux (dont plus de la moitié par le douglas) et le chêne (cf. Figure 3). Le bois bourguignon est principalement à destination de la filière « bois d’œuvre » (cf. Figure 4), mais aussi du « bois d’industrie » notamment pour le papier, et dans une moindre mesure, du bois de chauffage (CRPF). Un débouché particulier est celui des chênes à merrains (de bonne qualité) qu’on retrouve dans la plaine de Saône et la Nièvre pour la fabrication des tonneaux de vin. Les peupliers ne représentent que 1 % de la surface forestière privée bourguignonne mais environ 30 % de la récolte de bois d’œuvre avec comme débouché la production de contre-plaqué et de cagettes (CRPF).

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  • c. Associé à un tissu d’entreprises et d’emplois En Bourgogne, la filière bois au sens large emploie entre 14 500 et 18 500 personnes (2 à 2,6 % de la population active de Bourgogne) dans plus de 2 800 entreprises et ateliers qui récoltent et transforment le bois (Aprovalbois, 2008). Le tissu d’entreprises est très diversifié et assez hétérogène avec de nombreuses petites et très petites entreprises. Notons que les entreprises de transformation des résineux sont généralement plus industrielles que celles pour les feuillus (Aprovalbois). On dénombre (CRPF Bourgogne, n.d. ; Aprovalbois, 2008) notamment :

    ‐ 21 pépinières dont 3 représentent 90 % de la production, concentrée sur les départements de l’Yonne (58 %) de la Saône-et-Loire (23 %) et de la Nièvre (19 %),

    Figure 3 : Localisation des scieries en Bourgogne (DRAAF, 2007)

    ‐ Plus de 530 établissements de sylviculture et d’exploitation forestière,

    ‐ Une trentaine d’établissements de transport,

    ‐ Environ 150 entreprises de première transformation dont 115 scieries (chiffre en diminution régulière), trios unités de fabrication de panneaux, quatre entreprises de déroulage (essentiellement du hêtre) dont certaines de dimension internationale et le 1er producteur européen de charbon de bois (le procédure utilisé donne une pureté de produits utilisés en acierie),

    ‐ 2 000 entreprises de seconde transformation liées à la construction (en mutation), à l’ameublement (en crise), à l’emballage et à la fabrication d’objets divers en bois. Aucune industrie de pâte à papier n’est présente sur le territoire.

    Les entreprises sont assez dispersées sur le territoire régional avec quelques grands secteurs de production et de transformation qui sont (Aprovalbois) :

    ‐ le Morvan, spécialisé dans les résineux, ‐ le Châtillonnais avec des entreprises leader (pépiniériste, charbon de bois et

    déroulage), ‐ le sud de la Saône-et-Loire, département avec un grand nombre d’entreprises liées à la

    forêt. Au-delà de son rôle de production, la forêt bourguignonne est aussi un lieu de biodiversité avec 70 % de la surface couverte par des inventaires écologiques et 20 % prise dans une zone Natura 2000 (ONF, 2010). Elle a également un rôle social : chasse, promenade, loisirs, cueillette…

    3. Évolution et enjeux actuels La filière forestière fait partie des priorités de la Région (avec l’agro-alimentaire et la pierre) car tous les éléments de la filière sont présents en Bourgogne, des forêts aux transformateurs secondaires, jusqu’aux consommateurs. Il y a donc un fort potentiel pour créer de la valeur ajoutée (CRB). Actuellement, la filière connaît un phénomène de concentration, avec la disparition de petites exploitations forestières et de scieries au profit de plus grandes (CRB). En parallèle, l’arrêt progressif des plantations d’épicéa souvent (car mal adapté aux conditions stationnelles) pourrait poser quelques problèmes car les résineux blancs comme les sapins ou l’épicéa sont généralement préférés aux résineux rouges comme le douglas pour la construction. Il existe toutefois des solutions techniques qui permettent de pallier ce problème. Il y a également des difficultés de commercialisation du hêtre qui a beaucoup été exporté en grumes vers la Chine, ce qui s’est traduit par la disparition d’entreprises spécialisées. Par ailleurs, cette essence a beaucoup souffert de la sécheresse et de la canicule de 2003. Il existe actuellement des recherches pour utiliser le hêtre comme bois de structure et pour l’agencement (Aprovalbois).

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  • Cependant, la forêt bourguignonne continue de croître avec, entre autres, un développement du douglas (environ 80 % des plantations aujourd’hui) qui permet de mettre en valeur des sols relativement pauvres et de répondre aux investissements industriels lourds déjà réalisés dans la filière (CRPF). De plus, la Bourgogne connaît un développement régulier du bois énergie avec l’installation de 25-30 petites et moyennes chaudières par an ces trois dernières années. Si ce débouché se développe davantage, cela pourrait poser des conflits d’approvisionnement avec le bois d’industrie (Aprovalbois). De manière générale, la filière doit faire face à deux grands défis en Bourgogne (Conseil régional de Bourgogne) :

    ‐ Trouver de nouvelles sources de revenus pour réaliser des investissements car le Fond Forestier National (alimenté par une taxe) n’existe plus depuis 2000, les budgets de l’Etat et des collectivités sont en baisse et les recettes liées au bois sont plus ou moins stables, sans réelle augmentation. Une idée serait de faire payer pour les services environnementaux rendus par la forêt, à travers, par exemple, le marché international du carbone.

    ‐ Mieux valoriser les bois locaux car une grande partie des bois d’œuvre est importée

    d’Allemagne, d’Autriche, de Suède ou de Finlande, notamment pour la construction (charpentes et ossatures). En France, alors que la production annuelle est de 60 millions de m3, on estime le déficit de grumes à environ 2 millions de m3 par an. Une forte valeur ajoutée pourrait ainsi être créée ainsi que des emplois. Les transports de grumes pourraient diminuer.

    A ces deux défis s’ajoutent deux autres défis relatifs à la ressource, le renouvellement des peuplements de résineux et la valorisation des feuillus de qualité secondaire.

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  • II. Impacts observés et pressentis NB : Les impacts pressentis peuvent être qualifiés de risques futurs. Après chaque évènement de sécheresse sévère (1976) ou récurrente (1989-1990, 2003-2006), il y a eu des vagues de dépérissement. Ces aléas posent la question du lien avec le changement climatique : s’agit-il des premiers signes du changement climatique (ONF, 2009) ? Cependant, il a été mis en avant que les cernes annuels ne se resserraient pas mais au contraire s’élargissaient depuis 1950 (INRA, 2009 ; Cacot et Peyron, 2009) : mis à part la tempête de fin 1999 et les effets des fortes sécheresses, la forêt française a vu sa productivité moyenne s’accroître continuellement depuis 40 ans (de l’ordre de 30 à 40 %). Cette tendance devrait se poursuivre, avec un maximum de production nette entre 2015 et 20452045 en raison de l’entrée en production des plantations résineux, puis celle-ci diminuerait ultérieurement en raison de l’augmentation des contraintes climatiques (INRA, 2009). L’impact du changement climatique sur la productivité des forêts françaises se manifesterait donc en deux temps (ONERC, 2009) :

    ‐ Dans un futur proche (jusqu’à 2030 ou 2050 selon le scénario), l’impact des évolutions graduelles du climat sur la production de bois serait plutôt positif (cf. II.1 et II.2). Néanmoins, les évènements extrêmes tels que sécheresses, canicules et incendies pourront fortement atténuer les effets positifs au niveau national.

    ‐ Dans un futur lointain (jusqu’à 2100), les effets seront clairement négatifs avec un remplacement progressif d’un type de forêt (septentrional) par un autre (méditerranéen) moins productif (cf. II.6) et une répétition d’évènements défavorables tels que les sécheresses, les canicules (cf. II.3 et II.4) et le développement de pathogènes (cf. II.5). On pourrait voir une augmentation du risque d’incendies, ainsi que d’érosion.

    Par ailleurs, l’impact du changement climatique sera variable selon les régions françaises, non seulement du fait de la variabilité géographique de l’aléa climatique, mais aussi du type de forêts. Un zonage de la France s'inspirant des cartes d'évolution des aires potentielles ainsi que de celle des variations de bilan hydrique a été proposé par Roman-Amat (2007) afin de différencier les principaux types d’impacts du changement climatique sur les forêts selon les régions (cf. Figure 6).

    Figure 4 : Zones géographiques et impacts du changement

    climatique sur la forêt (Roman-Amat, 2007)

    La Bourgogne fait partie du zonage « Atlantique Nord » qui serait peu impacté par l’augmentation du risque incendie, ce qui a été confirmé par le rapport (Chatry et al., 2010) de la mission interministérielle sur le changement climatique et l’extension des zones sensibles aux feux de forêts. En revanche, la région serait concernée par la substitution d’espèces et le changement de rythme de croissance des arbres. Pour le moment, il semble que le changement climatique ne soit pas réellement perçu par les acteurs de la filière, notamment au niveau de la transformation. Il s’agit surtout de préoccupations de chercheurs et, au mieux, de gestionnaires (Aprovalbois)…

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    1. Des changements phénologiques liés à l’augmentation de température

    Les changements de phénologie sont parmi les indices les plus remarquables de l’impact du changement climatique sur la biologie des espèces. Les observations sur le réseau RENECOFOR confirment que le réchauffement climatique avance la date de débourrement (éclosion des bourgeons) et retarde la chute des feuilles. En France, il a été observé puis modélisé qu’une augmentation de 1 °C de la température annuelle se traduit en moyenne par un débourrement plus précoce de 6 jours et un jaunissement retardé de 5 jours induisant une augmentation de la durée de la saison de végétation d’une dizaine de jours (Lebourgeois et al., 2006b). Ceci correspond aux observations européennes (Lebourgeois et al., 2006a) qui montrent que, depuis les années 1950, la durée d’activité photosynthétique a augmenté de 10 à 15 jours tandis que la température a augmenté d’environ 1 °C. L’avancement des stades phénologiques de printemps est dû à l’augmentation des températures qui accélère la croissance des bourgeons après que leur dormance ait été levée pendant l’automne/ hiver. Les causes climatiques du retard des stades d’automne sont en revanche encore mal identifiées car plus complexes du fait de l’interaction entre augmentation des températures estivales et automnales et augmentation du stress hydrique (INRA, 2009 ; Chuine et Morin, 2007). Ce décalage permet donc d’accroître la période de croissance des forêts, mais il n’a pas que des avantages. Par exemple, un débourrement plus précoce des plantes, du fait de l’augmentation des températures moyennes, peut induire un risque accru de gel printanier (Lebourgeois et al., 2006a).

    2. Une augmentation de la vitesse de croissance Une étude (Cemagref, 2000) dans les Pays de Loire, dans le Centre et le nord-est de la France sur des peuplements de chênes, dont l’âge variait de 50-60 ans à 180 ans, a montré qu’en dix ans les arbres étaient plus hauts d’un mètre. La biomasse aurait augmenté de 62 % entre 1811 et 1993 en passant de 10,4 kg/m3 à 16,8 kg/m3. Bien que sa traduction soit différente selon les espèces, les régions et les types de gestion sylvicoles, cette accélération de la croissance des arbres a en réalité été observée dans tout l’hémisphère Nord (Vennetier et al., 2005).

    Elle a notamment été constatée pour les principales essences présentes en Bourgogne (sapin, épicéa, hêtre, chênes à feuillage caduc…) ; c’est pourquoi il semble que la production de bois de la région ait effectivement augmenté (CRPF) du fait d’une meilleure croissance (GEBF ; ONF) comme l’illustre la Figure 7.

    Comment alors expliquer ce phénomène ? Le changement climatique est souvent identifié comme le principal responsable de cette accélération de la croissance des arbres, augmentant ainsi les rendements sylvicoles. En effet, la croissance des arbres est influencée par plusieurs facteurs climatiques (la température, le rayonnement, les précipitations, la teneur en CO2 atmosphérique…) qui ont différents impacts selon les espèces. Il est clair que l’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique a stimulé la croissance des arbres (ONF ; CRPFSL ; Vennetier et al., 2005). Cependant, on s’attend à ce que cette augmentation de fixation de CO2 trouve ses limites : disponibilité en eau des sols, limitation par les enzymes. Cela semble d’ailleurs être le principal facteur climatique explicatif de cette croissance soutenue. Des études expérimentales menées dans des serres ont montré que pour

    0,3

    0,5

    0,7

    1980

    1990

    Côte-d'Or

    Nièvre

    Saône-et-Loire

    Yonne

    m3/ha/anFigure 5 : Augmentation de la

    productivité des forêts bourguignonnes

    (Source : V. Godreau, ONF)

  • un doublement de la teneur en CO2, on observerait une augmentation de croissance à 40 % pour certaines espèces (INRA, 2009). Par ailleurs, l’allongement de la période de végétation et donc de croissance renforcerait cet effet (ONF, 2009). Cependant, la croissance ne peut pas s’accélérer de manière indéfinie : elle finira par atteindre un palier (CRPF). Par ailleurs, il faut que l’alimentation minérale et en eau suive. En effet, il existe au moins deux grandes limitations à l’effet fertilisant du CO2 atmosphérique : l’alimentation en eau et la disponibilité en nutriments (Bréda et Granier, 2007). L’effet fertilisant des dépôts azotés (liés à la fertilisation agricole et aux pollutions industrielles) a pour le moment permis de suivre le rythme de croissance (ONF, 2009 ; Vennetier et al., 2005) mais on peut se demander jusqu’à quand et sur quels sols cela sera le cas. De plus, l’augmentation de la température induit une augmentation de l’évapotranspiration et donc des besoins en eau. L’évolution des précipitations étant incertaine, il se peut donc que l’effet de l’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique soit contrebalancée par un manque d’eau (augmentation des sécheresses), ne modifiant quasiment pas l’épaisseur des cernes. Ce sera forcément au détriment de la productivité (Aprovalbois). Ainsi, on observerait potentiellement deux grandes tendances pour la croissance des peuplements (Roman-Amat, 2007) en France :

    ‐ Une augmentation là où la température est le facteur limitant principal (en particulier dans le Nord-Est et en montagne) du fait de l'allongement de la saison de végétation et de la stimulation de la photosynthèse par la plus grande disponibilité du CO2 atmosphérique (sous réserve que la disponibilité en eau et en azote ne devienne pas contraignante),

    ‐ Une diminution là où la contrainte hydrique aggravée par de fortes températures est trop limitante. ). Une plus grande irrégularité de croissance, liée à l’augmentation de la variabilité interannuelle du climat, pourrait aussi impacter la qualité.

    Pour le moment, il n’y a pas de consensus ou d’observation claire sur les conséquences de cette croissance accélérée sur la qualité du bois. Cela n’a, a priori, peut-être pas d’impacts sur la qualité du bois mais jusqu’à un certain seuil (ONF). On peut se poser la question notamment pour le chêne car, à l’inverse du hêtre, plus sa croissance est lente, meilleure est la qualité du bois (CRPF), notamment pour la fabrication de tonneaux et de charpentes (ONF). Certains (CRB) pensent que cette augmentation de croissance pourrait induire une fragilisation de l’arbre entrainant une mortalité plus précoce. Enfin, d’autres (Aprovalbois) observent une baisse générale de la qualité du bois, mais invoquent des explications autres que le changement climatique, notamment le type de sylviculture. Les scientifiques évoquent généralement, deux conséquences négatives possibles (INRA, 2009) :

    ‐ Un accroissement de la sensibilité des arbres aux contraintes du milieu (déséquilibres nutritionnels) notamment sur les sols pauvres,

    ‐ Une dégradation des propriétés technologiques du bois (propriétés mécaniques, composition chimique) comme une densité du bois plus faible, mise en avant dans l’étude du Cemagref (2000).

    3. Sécheresse et températures élevées : deux phénomènes qui se renforcent l’un l’autre

    On observe sur le Tableau 1 que l’augmentation des températures a des impacts indirects différents sur la croissance selon les essences et les critères considérés. En réalité, les épisodes de fortes températures estivales ont probablement une incidence limitée sur la physiologie des arbres. Différentes expérimentations montrent que la température ne provoque des effets irréversibles sur le fonctionnement foliaire (dégradation des pigments ou d’activités enzymatiques clés…) qu’à partir de seuils supérieurs à 40-45 °C. Toutefois, lorsqu’il y a interaction avec la sécheresse, il est démontré que les feuilles peuvent être portées à des températures supérieures à celle de l’air (de l’ordre de 5 à 7 C), à cause de la réduction voire de l’arrêt de la transpiration foliaire et donc de la diminution du refroidissement par le processus d’évaporation de l’eau (Bréda et Granier, 2007).

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  • Tableau 1 : Quelques impacts du changement climatique sur la croissance des arbres (Roman-Amat, 2007) De plus, une forte sécheresse agit sur l’ensemble des processus primaires (transpiration, photosynthèse, respiration) et secondaires (croissance, développement, mises en réserve) (Bréda et Granier, 2007). Des sécheresses printanières, lors du débourrement, fragilisent fortement les arbres notamment si le sol a une faible réserve utile. Si celles-ci se produisent de manière répétée ou sont accentuées par de fortes chaleurs, comme cela s’est passé en 2003, alors le peuplement risque de dépérir (ONF). Le projet CLIMATOR a montré que l’effet global de la hausse des températures sur les forêts françaises est négatif via une augmentation de la sécheresse atmosphérique (Bréda et al., 2010). Cela a été le cas en 2003, année de sécheresse combinée à des fortes chaleurs, qui se reflète parfaitement à travers un cerne beaucoup plus fin que les autres (FCBA). La croissance des arbres est non seulement affectée l’année même de la sécheresse, mais aussi les années suivantes (Bréda et al., 2010). Si des évènements similaires à la canicule de 2003 se reproduisent, on peut alors s’attendre à de nouvelles embolies et des dépérissements décalés dans le temps (CRPF). C’est le cas de la sécheresse de 1976 dont les conséquences ont porté sur une dizaine d’années (INRA, 2009).

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    4. Vers une augmentation des risques liés aux évènements extrêmes ?

    Les impacts du changement climatique les plus craints sont surtout les évènements extrêmes : tempêtes, grosses chaleurs, fortes sécheresses (FCBA)… Les arbres peuvent résister à quelques évènements extrêmes tant qu’ils ne sont pas trop rapprochés (CRPF). Ces derniers ont des conséquences désastreuses (pertes, chute des cours…) pour la région et les pertes induites sont non seulement économiques mais aussi psychologiques pour les propriétaires (FCBA). De plus, leurs effets peuvent se faire sentir sur plusieurs années : en Bourgogne, les conséquences de la tempête de 1999 ont été ressentis jusqu’en 2003.

    VULNÉRABILITÉS  Essences déjà inadaptées aux conditions stationnelles Des évènements, comme la canicule de 2003, montrent que certaines essences ne sont pas adaptées aux stations dans lesquelles elles ont été implantées : ce sont alors les premières à souffrir. Cela a notamment été le cas pour l’épicéa (ONF) et le chêne pédonculé. Ce dernier est une espèce pionnière par rapport au chêne sessile ; du fait du traitement en taillis-sous-futaie, son développement a été favorisé par les éclaircies alors qu’il n’était pas toujours en station (CRB). Peuplements déjà fragilisés La vulnérabilité des forêts au changement climatique varie en fonction des essences présentes qui, par ailleurs, peuvent être fragilisées par les attaques de ravageurs ainsi que par les pratiques sylvicoles. Une des questions centrales est ensuite de savoir si les espèces actuellement en équilibre avec leur milieu sont suffisamment plastiques pour résister à une évolution vers des sécheresses plus longues et plus intenses. Essences ayant des besoins en eau importants Les essences ont des besoins en eau différents et une sensibilité au stress hydrique différente. Certaines espèces présentes en Bourgogne pourraient être particulièrement touchées comme le douglas (dépérissement, mortalité), plutôt exigeant en eau et qui est d’autant plus exposé à l’aléa sécheresse sur des sols à faible réserve utile, le chêne pédonculé ou encore le hêtre, qui a besoin d’humidité (CRB ; CRPFSL). De plus, des différences intra-spécifiques sont aussi observées (CRPF). Une plus grande vulnérabilité des résineux ? On peut montrer que, pour un climat donné, les peuplements de résineux sont soumis à des sécheresses plus précoce et plus longue que les feuillus. En effet, les espèces à feuilles persistantes, contrairement aux espèces décidues*, peuvent continuer à intercepter les précipitations, transpirer de la fin de l’automne au début du printemps et puiser dans les réserves hydriques du sol (Bréda et al., 2010). A contrario, l’augmentation du CO2 atmosphérique, en réduisant l’ouverture des stomates, peut ainsi diminuer la sensibilité de certaines espèces à la sécheresse (INRA, 2009). Pour des espèces comme le chêne, la réduction d’ouverture des stomates est importante, ce qui diminue les pertes d’eau par la transpiration foliaire de l’arbre. Pour d’autres, comme la plupart des conifères et le hêtre, cette réduction n’est pas significative. Ainsi l’effet du CO2 pourrait accentuer la différence de sensibilité entre les espèces. Différences géographiques Il faut aussi tenir compte des conditions environnementales et physiques des peuplements (CRPF ; ONF) : le type de sol, sa profondeur et sa réserve utile, l’exposition (différence d’humidité et de température entre adret et ubac), l’altitude (différence d’humidité et de température)…   *décidue : très grands arbres aux feuilles caduques

  • Notons que des évènements extrêmes (tempêtes, sécheresses…) survenant dans d’autres régions françaises voire européennes ont des conséquences sur l’activité forestière bourguignonne. Par exemple, lors de la tempête Klaus qui a touché l’Aquitaine, les entreprises bourguignonnes ont quasiment annulé toutes les coupes d’arbres et envoyé du personnel et du matériel dans cette région. Ces effets ont duré presque deux ans en Bourgogne (Aprovalbois). Cependant, il n’y a pas de tendance claire d’évolution des évènements extrêmes liée au changement climatique si ce n’est l’augmentation du nombre moyen de jours très chauds… En hiver, les épisodes de gel risquent d’être moins fréquents, le passage des machines dans les forêts pourrait alors être plus difficile (Aprovalbois ; GEBF), ce qui provoquerait des problèmes d’exploitation du fait de la difficulté de débardage (ONF, 2009). A l’inverse, la hausse des températures moyennes pourrait s’accompagner d’une augmentation des risques de gel de printemps : les feuilles apparaissant plus tôt en saison, le peuplement présente alors plus de risques de subir un gel tardif (SFCD, 2011). Enfin la question reste entière concernant les tempêtes. Si d’après certains enquêtés, elles semblaient avoir un cycle de 12-15 ans et « donnent l’impression de se rapprocher », il s’agit d’évènements difficiles à prévoir (FCBA). Si la fréquence des tempêtes augmente, cela pourrait provoquer de nombreuses perturbations de la filière forestière (CRB) : Rappelons que la tempête de 1999 a mis à bas 8 % des volumes sur pied (Cacot et Peyron, 2009). Au-delà de l’incertitude sur cette variable climatique, il semble que les peuplements soient généralement plus sensibles du fait de l’accroissement des hauteurs et de volumes sur pied (ONF, 2009).

    5. Extension de certaines maladies

    a. Des changements dans les dynamiques des espèces nuisibles Le développement de nombreux parasites est fortement influencé par les conditions de température et d’humidité, que ce soit pour la dissémination, l’infection ou la multiplication (Desprez-Loustau et Marçais, 2007). C’est pourquoi, il a été possible de pronostiquer l’extension de certaines maladies comme l’encre du chêne ainsi que certains ravageurs comme la chenille processionnaire du pin, dont la limite au Nord et en altitude a déjà évolué (Seguin, 2010). Le Tableau 2 donne quelques exemples de maladies émergentes et des explications possibles de ces phénomènes. Tableau 2 : Emergence de certaines maladies et explications possibles (Desprez-Loustau et Marçais, 2007)

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    Une extension des zones géographiques du fait de l’augmentation des températures hivernales :

    La distribution de la majorité des insectes forestiers des zones tempérées est restreinte par les températures hivernales : jusqu’à maintenant, les insectes présentaient une aire de répartition plus limitée que celle de leurs arbres hôtes. Une augmentation, même minime, des températures hivernales est donc susceptible d’augmenter de manière notable la survie dans des zones a priori défavorables à ces insectes ainsi que de lever les seuils thermiques létaux bloquant les possibilités d’installation d’espèces exotiques d’origine subtropicale voire tropicale (Nageleisen et Roques, 2007). L’exemple le plus connu est celui de la chenille processionnaire du pin qui a étendu son aire de répartition au Nord (27 km par décennie dans le bassin parisien au cours des 30 dernières années) et dont les larves survivent désormais à l’hiver (Nageleisen et Roques, 2007). En comparant les données disponibles, il semble bien qu’il y ait un développement des maladies thermophiles entre 1970 et aujourd’hui comme l’encre du châtaignier et du chêne ou encore l’oïdium du chêne (Desprez-Loustau et Marçais, 2007). En Bourgogne, certaines observations confirment cette tendance, qui reste cependant peu claire car difficile à dégager d’autres facteurs explicatifs notamment anthropiques. Il est possible que l’on n’ait pas le recul nécessaire pour attribuer l’apparition ou la disparition de tel ou tel ravageur au changement climatique (ONF). Certains professionnels déclarent que le changement climatique ne semble pas avoir d’impact flagrant sur les ravageurs pour le moment (CRPF) tandis que d’autres concèdent que des hivers plus doux favorisent a priori leur survie (ONF). Une augmentation du nombre de générations d’insectes par an du fait de

    l’augmentation des températures printanières : L’augmentation des températures printanières va accélérer les processus physiologiques. Cela peut faciliter les déplacements des adultes, augmenter leurs performances reproductrices et conduire à un développement plus rapide des différents stades larvaires, se soldant, pour les espèces multivoltines2, par une augmentation du nombre de générations dans l’année. Ce phénomène a déjà été observé en 2003 chez des coléoptères des écorces qui ont produit une génération de plus. Chez les pucerons (bons indicateurs des changements de température en raison des seuils de développement souvent très bas et de la courte durée de chaque génération), avec une augmentation des températures hivernales et printanières de 2 °C, on prévoit d’observer 4 à 5 générations supplémentaires par an pour certains (Nageleisen et Roques, 2007). Chez d’autres espèces ayant un cycle de développement sur plusieurs années, ce dernier serait devenu plus court voire annuel. Une diminution de certains pathogènes dans les zones les plus chaudes du fait de

    l’augmentation des températures estivales : Il existe des seuils létaux maximaux de température. En 2003, les œufs des chenilles processionnaires du pin ont connu une surmortalité. Il est admis que ces chenilles doivent éviter les températures supérieures à 30 °C, et donc se nymphoser dans le sol pour y échapper. On pourrait donc supposer que l’augmentation des températures estivales est susceptible de se traduire par une rétraction au Sud de l’aire de distribution de certaines espèces d’insectes forestiers, en effet balancier de l’expansion vers le Nord et en altitude (Nageleisen et Roques, 2007).

    2 Ayant plusieurs générations par an

  • Quelles modifications des dispersions et des infections du fait des variations d’hygrométrie ?

    De nombreux parasites foliaires sont fortement dépendants de l’humectation des feuilles pour l’infection ou des éclaboussures provoquées par la pluie pour la dispersion (rouilles ou marssonina sur peupliers, oïdium sur chênes). L’élévation du taux de CO2 atmosphérique tend à augmenter la densité du feuillage des plantes, ce qui aurait pour conséquence une modification du microclimat de la canopée, avec une hygrométrie de l’air plus élevée. Ceci serait globalement favorable aux parasites foliaires tels que les rouilles ou les agents de nécroses (Desprez-Loustau et Marçais, 2007).

    b. Perturbation des relations de coévolution et modification de la sensibilité des arbres aux maladies

    Au cours de l’évolution, la sélection a permis à de nombreuses espèces de phytophages de s’adapter au stade phénologique de leur hôte le plus favorable à leur développement (au moment du débourrement de leur hôte préférentiel par exemple). Or le déterminisme des stades phénologiques des insectes et des arbres peut être différent. Par exemple, ce peut être la température pour l’éclosion des œufs des insectes et un couplage température-photopériode pour le débourrement de l’arbre. Les seuils de début de développement peuvent aussi être différents. Un réchauffement peut alors provoquer un développement accéléré pour un des éléments du couple arbre-insecte et un découplage de synchronie entre l’insecte et son hôte se soldant soit par une baisse soit par une augmentation du nombre d’attaques des insectes sur les arbres. Cependant actuellement peu d’éléments documentés fournissent des exemples européens où ces mécanismes sont déjà mis en évidence et certains auteurs pensent que le pouvoir d’adaptation des insectes compensera rapidement les changements dans la phénologie de l’hôte pour retrouver une bonne coïncidence phénologique (Nageleisen et Roques, 2007).

    L’épicéa est souvent victime de scolytes (insectes qui creusent des galeries à l’intérieur du bois) qui se développent rapidement suite à un stress hydrique (CRPFSL). La sécheresse affecte alors la physiologie de l’épicéa, le rendant plus vulnérable aux attaques des scolytes, ses capacités de défense étant amoindries. Enfin, ces agents pathogènes qui remontent vers le Nord pourraient alors se retrouver en contact avec des hôtes avec lesquels ils n’ont pas co-évolué. Or ces nouvelles interactions hôte-agent pathogène se caractérisent souvent par une forte sensibilité de l’hôte qui, n’ayant pas co-évolué avec le parasite, n’a pas développé de résistance (Desprez-Loustau et Marçais, 2007). Une croissance plus rapide des arbres pourrait leur permettre de mieux tolérer l’infection par des parasites lents tels que les pourridiés, en améliorant leur capacité à remplacer les racines tuées par de nouvelles racines. A l’inverse, les sécheresses affaibliraient leurs capacités de

    résistance (ONF ; Desprez-Loustau et Marçais, 2007). Il est très difficile de prévoir quelle peut être la conséquence des changements attendus sur la pression globale des agents pathogènes forestiers (Desprez-Loustau et Marçais, 2007).

    Figure 6 : Facteurs climatiques et

    interactions déterminant la distribution des ravageurs et

    des essences (Nageleisen et Roques, 2007)

    N’oublions pas que les facteurs expliquant la répartition géographique des ravageurs comme des espèces sont nombreux comme l’illustre la Figure 8, ce qui rend la plupart des pronostics difficiles à établir.

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    6. Modification de la répartition des essences

    Les espèces sont en général capables de vivre sous une gamme assez large de conditions climatiques, grâce à la plasticité individuelle et à la diversité génétique intraspécifique.

    Un déplacement altitudinal (statistiquement significatif) de certaines espèces herbacées de près de 30 m en moyenne par décennie depuis 1905 a déjà été mis en évidence dans différentes régions montagneuses de France. Il est cependant difficile d’attribuer de manière univoque ces déplacements à des seuls effets thermiques, en raison de confusion avec des facteurs anthropiques (pollution, dynamique de paysage). En revanche, le déplacement latitudinal des essences semble encore peu visible (Cacot et Peyron, 2009).

    Avec les données du modèle ARPEGE de Météo France en 2100 et selon les scénarios B2 et A2, des cartes de répartition potentielle de groupes d'espèces dont la présence est liée aux conditions climatiques ont été établies (cf. Figure 9). En 2100, une augmentation de la température moyenne de 2 °C entraînerait un triplement des surfaces des espèces méditerranéennes comme l’olivier, le chêne vert (cf. Erreur ! Source du renvoi introuvable.) et diverses espèces de pins (ONERC, 2007). A l’inverse, l’aire climatique potentielle d’espèces du groupe continental comme le hêtre (cf. Erreur ! Source du renvoi introuvable.) serait en forte régression et confinée au quart Nord-Est et aux zones montagneuses (Badeau et al., 2004).

    Ces cartes, publiées en 2004, laissent supposer qu’en Bourgogne il y aurait une forte régression des l’aires climatiques potentielles du hêtre, ainsi qu’une du chêne pédonculé et de certains résineux (cf. Figure 10). Cependant ces résultats sont fortement discutés, cette représentation schématique de l'évolution de la répartition spatiale des essences forestières est à nuancer.

    A2

    A2

    Figure 9 : Niche climatique potentielle des

    groupes d'espèces en France (Roman-Amat, 2007)

    B2Répartition actuelle 

    Répartition en 2100

    Figure 10 : Modélisation de l’aire de répartition

    actuelle (en haut) et extrapolée pour 2100 (en bas) du chêne vert (à

    gauche) et du hêtre (à droite) (Badeau et al., 2005)

  •  

    Figure 7 : Représentation de deux

    visions du changement de répartition des espèces

    (Roman-Amat, 2007)

     Le déplacement de l'aire des essences est également contrôlé par la concurrence des essences en place et par la fragmentation des espaces. La possible migration des essences forestières sous l'influence de l'évolution climatique se réalisera donc plutôt selon le schéma « réaliste » de la Figure 11 (Roman-Amat, 2007). Un autre facteur interviendra bien évidemment, la réintroduction par plantation d’essences sélectionnées par les gestionnaires.

    En Bourgogne, il est donc probable qu’il y aura une migration des essences. Par exemple, on ne retrouverait le hêtre que sur les versants exposés Nord et en altitude (CRPF). Aujourd’hui, la remontée d’espèces méditerranéennes est limitée par le gel printanier typique de la Bourgogne (à certains endroits, il gèle en moyenne onze mois sur douze). Il existe bien des peuplements de chênes pubescents (espèce méditerranéenne) sur certains versants par exemple mais ils ne sont absolument pas exploitables (ONF).

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    Ainsi, malgré la stimulation de la croissance par la teneur en CO2 atmosphérique, les dépérissements forestiers pourraient prendre une ampleur nouvelle dans un contexte de sols à faible réserve hydrique, soumis à des sécheresses fortes, répétées et aggravées par l’augmentation des températures et en conséquence de la plus grande vulnérabilité des arbres aux bioagresseurs. Le type de sylviculture et d’autres facteurs, tels que la fertilité des sols, pourraient moduler l’effet des contraintes hydriques. Le changement climatique pourrait également entraîner dans certains cas de très fortes modifications dans l’extension géographique des essences ainsi que des maladies, certaines voyant leur importance diminuer tandis que d’autres pourraient émerger.

    Si elle se produisait, la substitution d'essences actuelles par des essences plus méridionales, en général de productivité plus faible, aurait à terme des conséquences importantes sur la production de bois des forêts françaises (Seguin, 2010). A titre d'exemple, l'Inventaire forestier national fournit les ordres de grandeur suivants pour la production moyenne, calculée sur l'ensemble du territoire, des principales essences forestières françaises en 2005/2006 (Roman-Amat, 2007) :

    - hêtre : 6 m3/ha/an - chêne vert : environ 1 m3/ha/an - chêne sessile : 5 m3/ha/an - chêne pubescent : 2 m3/ha/an

    En utilisant ces valeurs moyennes de production, le remplacement sur la moitié de sa surface actuelle du hêtre par le chêne sessile entraînerait, à long terme, une baisse de la production de bois d'environ 670 000 m3/an.

  • III. Pistes d’adaptation Le principal problème de l’adaptation des forêts est que le changement climatique est plus rapide que le développement d’un peuplement, notamment de feuillus. Si l’on plante un arbre pour les conditions de 2100, il ne se plaira pas aujourd’hui et vice-versa. Il n’existe pas une solution unique et parfaite aujourd’hui, il faudra sans doute s’adapter en temps réel (GEBF) en combinant plusieurs stratégies…

    1. Adaptation des essences Les arbres actuels ont-ils la capacité de surmonter les changements climatiques jusqu’à la prochaine régénération ? Le réservoir de variabilité génétique est-il suffisant localement pour permettre une évolution génétique adaptative ? Le potentiel adaptatif d'un peuplement est la capacité d'évolution de ses caractéristiques génétiques d'une génération à l'autre. Cette dernière peut être naturelle ou organisée par l’Homme. Il est généralement difficile d’estimer la capacité des arbres en place à répondre aux changements qu'ils vont subir dans les années à venir. En revanche, on sait que les arbres forestiers se caractérisent en général par une grande diversité génétique (variable d'une espèce à l'autre) au sein de chaque peuplement : cette diversité est indispensable pour que la sélection naturelle (correspondant à une adaptation « naturelle ») puisse fonctionner (CRGF, 2008). Les travaux sur la génétique des principales espèces forestières tempérées ont récemment mis en évidence une capacité d’adaptation génétique importante et rapide du cortège d’espèces « chênes tempérés ». Elle a été observée au cours de la dernière colonisation post-glaciaire (modification climatique cependant beaucoup plus lente que celle attendue ici), et est aussi consécutive à l’introduction d’espèces comme le chêne rouge. A l’inverse, la plupart des essences résineuses ont un potentiel génétique adaptatif beaucoup plus faible du fait d’une vitesse de migration réduite et d’une diversité génétique moindre (Seguin, 2010). Les exemples historiques de transfert de matériel forestier ont montré que cette diversité génétique était souvent suffisante pour permettre des évolutions adaptatives fortes en une ou deux générations seulement (CRGF, 2008). La question est posée de savoir si ce potentiel d’adaptation pourra effectivement s’exprimer dans le contexte de la forêt européenne majoritairement morcelée et partiellement artificialisée (Seguin, 2010). Le maintien et l’amélioration des capacités adaptatives (diversité génétique, plasticité…) des populations et des espèces seront primordiaux dans l’adaptation au changement climatique (Commission européenne, 2008). Pour cela, il faut avoir un double objectif : choisir une sylviculture qui maintienne la diversité génétique sur le long terme et favoriser les processus évolutifs (CRGF, 2008). Par ailleurs, la préservation des ressources génétiques endémiques et la sélection des éléments du patrimoine génétique les mieux adaptées aux conditions de culture auxquelles on peut s'attendre à l’avenir (dont de nouvelles variétés et espèces) sera indispensable (Commission européenne, 2010). Le FCBA (Institut Technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement) tient une banque génétique de différentes espèces sur pied et en graines, volontairement conservée pour faire face à l’inconnu : il s’agit là d’une adaptation face à l’incertitude liée non seulement à l’évolution du marché et aux risques sanitaires mais aussi au changement climatique (FCBA). Par ailleurs, les arboretums et les divers tests de survie et de performances d’espèces ou de provenances déjà installés en limite de leur aire de distribution actuelle pourraient fournir des informations précieuses (Seguin, 2010).

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  • 2. Mesures d’adaptation sylvicoles Les mesures d’adaptation peuvent concerner toutes les étapes de la gestion forestière : la sélection et la reproduction des arbres en pépinière, les dépressages et les éclaircies, la récolte, les reboisements, la gestion des risques. Cependant, « il n’y a pas de solution clé en main », cela dépend du type de sol, de la pente, de l’essence… (FCBA)

    a. La sélection d’espèces La révision du choix des essences peut apparaître comme la mesure d’adaptation la plus concrète au changement climatique. Rappelons que, de manière plus ou moins « spontanée », les essences ont déjà tendance à remonter vers le Nord du fait du réchauffement (cf. page 16). Que se soit pour un reboisement suite à une coupe ou dans l’éventualité de mortalité massive à la suite d’aléas climatiques ou biotiques, il convient de réfléchir dès maintenant aux choix d’essences pour le reboisement. Une telle approche soulève cependant de nouvelles questions posées par Cordonnier et al. (2007) :

    - Quand mettre en œuvre cette transformation des peuplements ? Dès maintenant, à l’occasion des mises en régénération, ou lorsque se manifesteront des signes de souffrance ?

    - Dans quel panel d’essences potentielles rechercher les essences substitutives ? Faut-il envisager à nouveau l’emploi d’espèces exotiques de reboisement, comme le cèdre de l’Atlas, particulièrement résistant à la sécheresse, voire en rechercher de nouvelles ?

    - Faut-il installer des essences adaptées aux cartes climatiques de 2050 ou de 2100 ? - Faut-il garder les essences en place, mais aller rechercher des provenances plus

    aguerries à la sécheresse ? - Ne risque-t-on pas de sous-estimer les facultés d’adaptation des espèces et des

    écosystèmes et d’intervenir de façon maladroite, voire néfaste ? Le transfert de provenances versus l’adaptation in situ des peuplements en place Une idée séduisante pourrait être de mettre à profit la variabilité des espèces au sein de leur aire pour remplacer à terme nos peuplements inadaptés, par des provenances du Sud. En pépinière, il est recommandé d’utiliser des plants provenant de différentes sources de graines régionales ou de régions avoisinantes (Commission européenne, 2008). L’ONF déconseille les plantations d’essences exotiques non maîtrisées à la faveur d’espèces autochtones ou acclimatées (2009). Cependant il ne faut pas sous-estimer la grande diversité génétique intra-spécifique des espèces forestières (CRB) et la vitesse à laquelle certains peuplements transférés ont pu s’adapter aux conditions de leur station d’accueil. La régénération naturelle des espèces adaptées à leur contexte stationnel permettrait une adaptation progressive des essences et le maintien d’un couvert lors du renouvellement du peuplement (ONF, 2009). Le choix de la régénération naturelle permet d’exploiter au mieux la diversité génétique disponible dans le peuplement (CRGF, 2008). Remplacer les espèces déjà mal-adaptées au contexte pédo-climatique actuel Une mesure « sans regret » serait le remplacement des surfaces plantées d’essences actuellement mal adaptées à la station. En effet, dans bien des cas, cette inadaptation va s’accroître sous l’effet du changement climatique. Mais cela doit se faire au fur et à mesure, lorsqu’ils montrent d’eux-mêmes des signes manifestes d’inadaptation (Cordonnier et al., 2007 ; ONF, 2009). En Bourgogne, il est clair qu’il ne faudra pas favoriser les essences en limite édaphique comme l’épicéa (CRPF), ni le chêne pédonculé ou le hêtre, espèces sensibles au stress hydrique estival, au profit du douglas ou du chêne sessile par exemple (ONF, 2010 ; CRB). La Société forestière de la Caisse des dépôts souhaite privilégier des essences dites « de transition » (chêne sessile, robinier, tilleul, pins maritimes, laricio et sylvestre, douglas, cèdre, sapin de Nordmann...) qui soient à la fois plutôt adaptées au climat actuel et au climat du futur proche français (SFCD, 2011). Pour certains, le climat n’est pas suffisamment stable, pour le moment, pour permettre l’installation d’essences méditerranéennes en Bourgogne. En effet, il y a encore des risques de gelées en hiver et au printemps. Cependant, des tests sont réalisés sur différentes essences à petite échelle comme pour le Cèdre (CRPF).

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  • L’ONF, dans son projet de SRA (Schéma régional d’aménagement) et de DRA (Directives régionales d’aménagement), ne conseille pas d’implanter de nouvelles essences mais plutôt de favoriser les mélanges et d’être attentifs à l’adéquation entre la station et l’essence choisie (ONF). Cette idée est reprise par d’autres professionnels (CRB). Pour les grandes zones de production, il s’agit de (ONF) :

    - Privilégier des chênaies mixtes au niveau de la plaine de Saône et du Nivernais (où l’on produit du chêne de qualité) du fait de la plus grande sensibilité du chêne pédonculé au stress hydrique que le chêne sessile (moins productif).

    - Pour le hêtre des plateaux calcaires, privilégier la régénération naturelle plutôt que sa replantation car les sols sont généralement superficiels (< 30 cm) avec une réserve en eau faible. Une sécheresse de printemps comme cela s’est produit en 2003, 2011 et 2012, provoque des fragilisations voire des dépérissements. Le hêtre ne disparaîtra sans doute pas totalement, mais la qualité du bois sera réellement moindre et la production se tournera plus vers le bois de chauffage que vers le bois d’œuvre…

    - Ne favoriser l’épicéa qu’à partir de 700 m d’altitude dans le Morvan (le point culminant du massif étant à environ 900 m).

    - Développer le douglas (qui a globalement bien résisté à la canicule de 2003) en évitant les versants Sud, favoriser sa diversification en l’associant à d’autres essences de résineux.

    Favoriser le mélange des essences dans les peuplements En général, il est préférable d’établir et de maintenir des écosystèmes forestiers avec une forte diversité au niveau de leur composition, de leur structure et de leur âge (Commission européenne, 2008 ; CRPF). Cela permet de « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ». Les peuplements mélangés sont généralement plus résistants aux maladies et aux évènements climatiques (CRPF ; GEBF). Par exemple, lors d’une tempête, les arbres de la canopée ne présentant pas tous le même type d’enracinement ni les mêmes formes de houppier, leur sensibilité à la brisure, au déracinement, ou à la prise au vent est modifiée (Duchiron et Schnitzler, 2009). Les peuplements mélangés peuvent généralement être considérés comme plus résilients, ne serait-ce que par la possibilité de conserver un couvert forestier partiel lors d’un dépérissement (CRB), et donc un potentiel séminal, grâce à la résistance d’une partie des composants du mélange. Le mélange peut être également une façon d’introduire progressivement dans les peuplements des espèces plus adaptées aux conditions futures, sans trop anticiper la disparition des espèces actuellement dominantes. Enfin, la présence de bouquets feuillus dans les peuplements résineux améliore leur bilan hydrique, notamment en favorisant une meilleure pénétration des pluies hivernales à travers le couvert jusqu’au sol (Cordonnier et al., 2007 ; Bréda et al., 2010). Cependant, il demeure un blocage économique car il est plus cher à exploiter (CRPFSL ; GEBF). La création de peuplements « améliorés » Des pistes d’adaptation pourraient résider dans la recherche génétique d’espèces ou d’individus résistants à la sécheresse ou à de fortes températures. Cependant, obtenir des résultats nécessite beaucoup de temps étant donné le temps de croissance des arbres (CRPF). Le FCBA conduit actuellement un programme d’amélioration génétique sur le pin maritime en Aquitaine et souhaite faire la même chose sur le douglas en Bourgogne et d’autres régions frontalières. Il s’agit de créer une « population d’amélioration » adaptée au changement climatique grâce à des plants testés sur un réseau d’essais, de l’évaluer et d’en faire une caractérisation moléculaire afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués. Des exemples de critères d’adaptation pourraient être la faible demande en eau (résistance à la sécheresse) ou encore un développement racinaire important (résistance aux tempêtes). Il faut garder en tête que ces « populations d’amélioration » devront aussi correspondre aux besoins des industriels présents sur le territoire (FCBA).

    b. La gestion et le suivi forestiers : Dynamisation la sylviculture Une piste d’adaptation pourrait être de pratiquer une sylviculture plus dynamique avec des rotations plus courtes, pour trois principales raisons :

    - Statistiquement, cela permet de diminuer la probabilité que le peuplement subisse des évènements extrêmes comme des tempêtes lors de sa croissance (Aprovalbois ; ONF).

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  • - Cela correspond à l’augmentation de croissance des arbres due à l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère (ONF) et cela répond à la demande en bois (ONF, 2010).

    - Exploiter des arbres moins âgés, c’est favoriser le choix d’arbres sains car les peuplements âgés sont plus sensibles à certains ravageurs (ONF 2009).

    Les très courtes rotations pourraient notamment être utilisées pour le bois énergie par exemple (GEBF). Cependant, il ne faut pas oublier les désavantages que cela pourrait occasionner comme l’épuisement des sols (il existe des seuils au-delà desquels, il y a une perte irréversible de nutriments) (CRB). Il faudra donc faire attention aux exportations de matière minérale et veiller aux restitutions après les coupes. Ce danger pourrait être réel dans le cas où la demande en bois énergie augmenterait fortement, poussant à l'exploitation des rémanents laissés actuellement au sol. (CRPF). Accroître la stabilité des peuplements Il est important de ne pas surexploiter les stations fragiles et de mener des actions de protection et de prévention pour augmenter la stabilité des peuplements. Par exemple, la présence de lisières structurées offrira une meilleure protection de la forêt contre les vents violents. Il est également recommandé de pratiquer des éclaircies précoces et fortes afin de réduire la compétition pour l’eau et d’accroître la stabilité des peuplements (ONERC, 2007). Il faut aussi repenser certaines pratiques sylvicoles, tester différentes densités de plantation, regarder si des amendements peuvent rendre les peuplements plus stables et donc moins sensibles à des évènements climatiques extrêmes (FCBA)… Préserver la qualité des sols et conduire une sylviculture économe en eau Les sols seront sans doute un élément important dans les stratégies d’adaptation du fait de leur rôle nutritif et de réserve d’eau. La mécanisation forestière qui s’est développée depuis 50 ans provoque certains problèmes (ONF). Les dégâts au sol occasionnés par certaines exploitations après tempête témoignent du risque de tassement. Celui-ci, en particulier pour les sols limoneux et les sols saturés en eau, réduit la porosité du sol, asphyxie le système racinaire des arbres et diminue donc leur capacité à extraire l’eau du sol en période de sécheresse (Cordonnier et al., 2007). Par ailleurs des éclaircies trop brutales provoquent un stress hydrique au niveau du sol (Duchiron et Schnitzler, 2009). Cette sécheresse superficielle occasionne la mortalité des racines fines du hêtre, qui, comme pour beaucoup d’autres espèces de mêmes strates, se développent dans les premiers horizons du sol (Cordonnier et al., 2007). Il existe des solutions techniques comme le cloisonnement mais il y a sans doute encore des voies inexplorées (ONF). La nécessité de développer des méthodes d’exploitation respectueuses des sols est ainsi renforcée. Par ailleurs, une exportation raisonnée des rémanents permettrait de préserver la fertilité des sols (ONF, 2010). Enfin, afin d’économiser l’eau disponible, les connaissances de la réserve en eau des stations forestières est primordiale afin d’adapter la densité des arbres des peuplements (SFCD, 2011). En effet, on pourrait sans doute jouer sur celle-ci (la diminuer) mais cela resterait limité, car il faut une densité minimale pour que les arbres soient exploitables (CRB). Favoriser l’irrégularisation ? L'une des techniques préconisée par le CRPF est d’irrégulariser les peuplements, c’est à dire avoir au sein d’un même peuplement des arbres de grande, moyenne et petite taille, ainsi que de favoriser la régénération naturelle (CRPF). Les structures verticales étagées ont de nombreux atouts car elles permettent (Duchiron et Schnitzler, 2009) :

    - de conserver le microclimat des sous-bois et ainsi faire tampon aux écarts de températures et aux sécheresses du macroclimat,

    - une meilleure occupation verticale de l’espace aérien et souterrain, en limitant la concurrence pour les ressources en eau et en éléments minéraux,

    - une meilleure résistance aux tempêtes et, s’il se produit des chablis conséquents, une meilleure reprise de la croissance végétale après tempête… Notons cependant, qu’à partir d’une certaine force, une tempête détruit tout sur son passage, quelle que soit la structure du peuplement (CRB),

    - de ne jamais avoir le sol nu, les plus grands arbres pouvant protéger la régénération (CRPF).

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  • Ce type de gestion est plus difficile techniquement. Economiquement il peut se révéler plus cher si l’on fait appel à un prestataire. Toutefois, elle présente également un avantage économique : elle permet d’avoir des revenus plus réguliers et des dépenses étalées du fait des récoltes plus fréquentes. Généralement, elle permet aussi d’obtenir des bois de bonne qualité (CRPF, Aprovalbois). En revanche, l’irrégularisation est plus délicate à appliquer pour les petits propriétaires ayant moins d’un hectare de forêt pour des raisons économiques, car il faut des quantités minimales commercialisables (CRPF). Elles ne sont pas non plus réalisables à de grandes échelles : cela demande une forte technicité, du temps d’observation et une organisation différente de la commercialisation. Il s’agirait donc d’un traitement intéressant pour des forêts privées de quelques dizaines d’hectares (ONF). Ce type de gestion est actuellement en place dans certaines forêts de feuillus (facilité du fait du traditionnel taillis-sous-futaie) et commence à être développé pour les résineux pour lesquels cela semble plus difficile du fait du caractère très industriel de la filière (CRPF, Aprovalbois). En forêt publique, cette gestion est mise en place à certains endroits mais cela reste sporadique (ONF). Un suivi des pathogènes à renforcer Le suivi de la santé des forêts, des nuisibles et des maladies sera crucial dans l’avenir, afin d’identifier rapidement les espèces nuisibles et les dommages secondaires pouvant fragiliser le système (Commission européenne, 2008). Développer une culture de crise Il faut se préparer à mieux gérer les crises, depuis le dispositif d’alerte, jusqu’à l’exploitation et la valorisation des produits forestiers récoltés suite à l’évènement, sans oublier le retour d’expérience dans une démarche de progrès continu (Bréda et Granier, 2007 ; ONF, 2009). Vers une sylviculture d’écosystème ? Certains auteurs prônent une sylviculture « d’écosystème » visant à respecter le plus possible le fonctionnement des forêts afin d’utiliser leurs capacités à tamponner les stress et les perturbations induits par le changement climatique (Duchiron et Schnitzler, 2009).

    c. La récolte

    D’une façon générale, les activités de récoltes devront avoir lieu sur des surfaces de forêts plus réduites et dans la mesure du possible respecter les principes de la régénération naturelle. Une plus grande attention sera nécessaire afin d’éviter l’augmentation de la sensibilité aux perturbations lors des opérations de récoltes telles que l’ouverture de lisières de peuplement soumis aux vents dominants ou aux rayonnements solaires directs (Commission Européenne, 2008).

    3. Adaptation de l’aval de la filière

    Certaines adaptations sont déjà en place. Par exemple, suite à la tempête de 1999, les scieries ont été obligées de mettre en place des parcs à grumes avec arrosage permanent en été pour protéger le bois des ravageurs et de l’empêcher d’évoluer. Ce système a été ensuite maintenu. Par ailleurs, le marché du bois étant de plus en plus mondialisé, les entreprises s’approvisionneront sans doute ailleurs dans un premier temps en cas d’évènement extrême (Aprovalbois). En parallèle à la réflexion sur les essences et les variétés adaptées au changement climatique, il faut aussi, au niveau industriel, penser à s’adapter aux futures caractéristiques des bois qui seront à disposition (FCBA, Aprovalbois). Des investissements seront sans doute nécessaires. Actuellement certains industriels se posent déjà la question de la diversification en bois d’approvisionnement (sans lien direct avec le changement climatique). Par exemple, un papetier a demandé au FCBA de conduire des recherches sur des pâtes à papier réalisées avec du bois autre que de l’épicéa dont il est actuellement dépendant (FCBA)

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    En termes d’adaptation, l’idée dominante est de ne pas mettre ses œufs dans le même panier, c’est à dire « ne pas faire la même chose partout en termes d’essences ou de traitements ». Les messages portés par le CRPF ou l’ONF sont accueillis de différentes manières selon les stratégies des propriétaires : ceux qui veulent transmettre un patrimoine ou ont des considérations environnementales sont plutôt réceptifs, d’autres souhaitant voire leur investissement fructifier rapidement le sont moins. Enfin, de nombreuses techniques sont invoquées au nom du changement climatique qui est alors parfois instrumentalisé au profit d’autres objectifs (rentabilité économique…). L’Etat, étant non seulement un grand propriétaire avec ses forêts domaniales, mais aussi gestionnaire à travers son office, l’ONF, pourrait donner l’impulsion dans la mise en place de mesures d’adaptation au changement climatique. En Bourgogne, les deux tiers de la surface forestière privée sont détenus par de grands propriétaires (possédant plus de 25 ha) : les mesures prises dans les forêts domaniales et/ou communales pourraient aussi concerner ces forêts privées.

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    Liste des Experts Enquêtés : Le 24/03/2011 : Marie-Cécile DECONNINCK, Directrice-adjointe du Centre Régional de la

    Propriété Forestière de Bourgogne (CRPF) Le 25/03/2011 : Vincent GODREAU, Responsable du Pôle d'Appui Naturaliste de la

    Direction territoriale Bourgogne – Champagne Ardenne de l’Office national des forêts (ONF) Le 29/03/2011 : Arnaud ROCHOT, Directeur de l’Association pour la promotion et la

    valorisation des activités du bois en Bourgogne (Aprovalbois) et Christelle ROUSSELET Le 06/04/2011 : Jean CROISEL, Direction de l'agriculture et du développement rural du

    Conseil régional de Bourgogne (CRB) Le 21/04/2011 : Nathalie MIONETTO, Directrice de la Station Nord-Est de l’Institut

    technologique forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA) Autres experts enquêtés par des étudiantes3 d’AgroSup Dijon lors d’une étude apparentée : Le 21/01/2010 : Henri BONIAU, Directeur de la Galerie européenne du bois et de la forêt

    (GEBF) Le 27/01/2010 : Francis PAUQUAI, Ingénieur Saône-et-Loire du CRPF Bourgogne

    (CRPFSL) Autres experts conseillés (n’ayant pas pu être enquêtés) : Nathalie BREDA, Coordinatrice du projet DRYADE, Ecologie et écophysiologie forestière,

    INRA Nancy Jean-Denis NOIROT, Pôle « Forêt bois et biomasse » du Service de l’économie forestière

    agricole et rurale de la DRAAF (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) de Bourgogne

    Olivier PICARD, CNPF Jacques DUCERF, Industriel (transformation des feuillus en Bourgogne) Bruno CHOPARD, ONF (aspects recherche) Louis-Michel NAGELEISEN (ravageurs)

    Experts forestiers, coopératives forestières.

    3 Emmanuelle Bordon, Perrine Dupas, Emmy-Louise Durbecq, Marion Hervé et Kateryna Pidorenko

  • Bibliographie Aprovalbois, 2008. Contrat Interprofessionnel de progrès pour la filière forêt-bois en Bourgogne 2009-2013 ; 73 p. Badeau V., Dupouey J.L., Cluzeau C., Drapier J., Le Bas C., 2004. Modélisation et cartographie de l’aire climatique potentielle des grandes essences forestières françaises – Rapport final ; Projet CARBOFOR Séquestration de carbone dans les grands écosystèmes forestiers en France, Tâche D1, ECOFOR n °2002.17, INRA n °4154B, Juin 2004 ; 49p. Badeau V., Dupouey J.L., Cluzeau C., Drapier J., 2005. Aires potentielles de répartition des essences forestières d’ici 2100. In La forêt face aux changements climatiques ; Forêt-entreprise, no. 162, Avril 2005 ; pages 25-29 Bréda N., Bosc A., Badeau V., 2010. Eléments sur le changement climatique et la forêt métropolitaine. In Brisson N., Levrault F. (eds) Livre vert du projet CLIMATOR - Changement climatique, agriculture et forêt en France : simulations d’impacts sur les principales espèces ; ADEME, Juin 2010 ; pages 225-236. Bréda N., Granier A., 2007. Ecophysiologie et fonctionnement des écosystèmes forestiers. In Forêts et milieux naturels face aux changements climatiques ; Rendez-vous techniques de l’ONF, hors-série n ° 3, Décembre 2007 ; pages 81-87. ISSN : 1776-7717 Cacot E., Peyron J.L., 2009. Actions COST FP0703-ECHOES Expected Climate change and Options for European silviculture – Rapport national France – Première version ; Juillet 2009 ; 46p. Cemagref, 2000. L’impact du climat sur la croissance des arbres en France [en ligne] ; Cemagref, Info Médias n °45, Novembre 2000, [réf. du 2 mai 2011]. URL : Chatry C., Le Quentrec M., Laurens D., Le Gallou J.Y., Lafitte J.J., Creuchet B., Grelu J., 2010. Rapport de la mission interministérielle "Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts" ; Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, Paris, Juillet 2010 ; 190p. Chuine I., Morin X., 2007. Réponse des essences ligneuses au changement climatique : Modification de la phénologie, des risques de gel et de la répartition des essences ligneuses nord-américaines. In Forêts et milieux naturels face aux changements climatiques ; Rendez-vous techniques de l’ONF, hors-série n ° 3, Décembre 2007 ; pages 15-20. ISSN : 1776-7717 Cordonnier T., Legay M., Mengin-Lecreulx P., Mortier F., 2007. La gestion forestière face aux changements climatiques : tirons les premiers enseignements. In Forêts et milieux naturels face aux changements climatiques ; Rendez-vous techniques de l’ONF, hors-série n ° 3, Décembre 2007 ; pages 95-102. ISSN : 1776-7717 Commission Européenne, 2008. Etude des impacts du changement climatique sur les forêts européennes et mesures possibles d’adaptation – Résumé ; Direction Générale de l’Agriculture et du Développement Rural, Novembre 2008 ; 10p. Commission Européenne, 2010. Livre vert concernant la protection des forêts et l’information sur les forêts dans l’Union européenne : préparer les forêts au changement climatique ; Bruxelles, 2010 ; 26p. CRGF, 2008. Préserver et utiliser la diversité des ressources génétiques forestières pour renforcer la capacité d’adaptation des forêts au changement climatique ; Commission Ressources Génétiques Forestières, Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, DGPAAT, Sous-direction de la forêt et du bois, Juin 2008 ; 4p. CRPF Bourgogne, n.d.. La Forêt privée de Bourgogne.

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  • AdCC & Forêt – Dossier thématique Page 26

    Desprez-Loustau M.L., Marçais B., 2007. Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur les maladies forestières ? In Forêts et milieux naturels face aux changements climatiques ; Rendez-vous techniques de l’ONF, hors-série n ° 3, Décembre 2007 ; pages 47-52. ISSN : 1776-7717 DRAAF Bourgogne, 2007. Portrait de la forêt en Bourgogne, pays du chêne et du douglas ; Agreste Bourgogne, no. 85, Juin 2007 ; 4p. DRAAF Bourgogne, 2010a. Activité des exploitations forestières et des scieries en Bourgogne en 2008 ; Agreste Bourgogne, no. 111, Juin 2010 ; 6p. DRAAF Bourgogne, 2010b. Mémento de la statistique agricole ; Agreste Bourgogne, Septembre 2010 ; 24p. Duchiron M.S., Schnitzler A. ; 2009. La forêt face aux changements climatiques : de la gestion productiviste à une sylviculture de l’écosystème. In Courrier de l’environnement de l’INRA n °57 ; Juillet 2009 ; pages 35-52. INRA, 2009. Réchauffement climatique et forêt : résultats de recherche [en ligne]; Mission communication & mission transversale "Changement climatique et effet de serre", Juin 2009, [réf. du 11 mars 2011]. URL :. Lebourgeois F., Chuine I., Ulrich E., Cecchini S., Lanier M., 2006a. Observations phénologiques des arbres forestiers : concepts, intérêts et problématiques actuelles. In Rendez-vous techniques de l’ONF n °13 ; été 2006 ; pages 19-22. Lebourgeois F., Pierrat J.C., Godfroy P., Ulrich E., Cecchini S., Lanier M., 2006b. Phénologie des peuplements du réseau RENECOFOR : Variabilité entre espèces et dans l’espace, et déterminisme climatique. In Rendez-vous techniques de l’ONF n °13 ; été 2006 ; pages 23-26. Nageleisen L.M., Roques A., 2007. Impact du réchauffement global sur les populations d’insectes forestiers. In Forêts et milieux naturels face aux changements climatiques ; Rendez-vous techniques de l’ONF, hors-série n ° 3, Décembre 2007 ; pages 40-46. ISSN : 1776-7717 ONERC, 2007. Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique ; La Documentation française, Paris, 2007 ; 97p. ISBN : 978-2-11-006618-0 ONERC, 2009. Changement climatique – Coûts des impacts et pistes d’adaptation ; Rapport au Premier ministre et au Parlement, La Documentation française, Paris, 2009 ; 195p. ISBN : 978-2-11-007803-2 ONF, 2009. L'adaptation de la gestion forestière face au changement climatique: premières orientations ; Office National des Forêts, Paris, Instruction n °09-T-66, Mars 2009 ; 5p. ONF, 2010. Directive Régionale d’Aménagement de Bourgogne ; Projet en cours d’approbation, Office National des Forêts, Direction territoriale Bourgogne - Champagne Ardenne, Février 2010 ; page 2. Roman-Amat B., 2007. Préparer les forêts françaises au changement climatique : Rapport à MM. les Ministres de l'Agriculture et de la Pêche et de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement Durables ; Décembre 2007 ; 125p. Seguin B., 2010. Le changement climatique : conséquences pour l’agriculture et la forêt. In Rayonnement du CNRS ; Juin 2010, no. 54 ; pages 36-47. SFCD, 2011. Agir plutôt qu’attendre [en ligne] ; Société Forestière de la Caisse des Dépôts, [réf. du 3 mai 2011]. URL : Vennetier M., Vila B., Liang E.Y., Guibal F., Ripert C., Chandioux O., 2005. Impact du changement climatique sur la productivité forestière et le déplacement d’une limite bioclimatique en région méditerranéenne française. In Ingénierie n °44 ; Décembre 2005 ; pages 49‐61.