Focus#10 - Journal semestriel de la Vignette - Saison 2015-2016

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ÉDITO LA SAISON 2015-2016 CONTINUE DANS UNE ÉNERGIE CRÉATRICE AVEC DU THÉÂTRE, DE LA DANSE, DU CIRQUE ET DE LA MUSIQUE ! NOUS SOMMES D’ORES ET DÉJÀ IMPATIENTS : - DE VOUS FAIRE DÉCOUVRIR LES NOUVELLES CRÉATIONS DES METTEURS EN SCÈNE, LAURENT CHÉTOUANE, FRÉDÉRIC FERRER, JONATHAN CAPDEVIELLE ET DE LA CHORÉGRAPHE PORTUGUAISE MARLENE MONTEIRO FREITAS. - D’ACCUEILLIR LA COMPAGNIE CRIDACOMPANY DANS LE CADRE LA NOUVELLE ÉDITION DE LA SEMAINE DE CIRQUE. - D’ACCOMPAGNER LES PIÈCES ÉTUDIANTES PROGRAMMÉES DANS L’ÉDITION 2016 DU FESTIVAL LEHRSTÜCK! ET FIERS D’ÊTRE DEVENUS “SCÈNE CONVENTIONNÉE POUR L’ÉMERGENCE ET LA DIVERSITÉ”, LABELISATION QUE NOUS DEVONS AUSSI À NOTRE PUBLIC QUI CONTINUE À ÊTRE PRÉSENT ET CURIEUX DE NOTRE PROGRAMMATION ! MERCI ENCORE ! ET CONTINUONS À DÉCOUVRIR ENSEMBLE... SOMMAIRE p2-3 CONSIDERING p4-7 KYOTO FOREVER 2 p8-9 MOTOR HOME p10-12 SAGA p13 JAGUAR p14 24H SHAKESPEARE JOURNAL SEMESTRIEL - FÉV 2016 / MAI 2016 FOCUS#10 Saga - Jonathan Capdevielle, les 29, 30 & 31 mars 2016

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ÉDITO

LA SAISON 2015-2016 CONTINUE DANS UNE ÉNERGIE CRÉATRICE AVEC DU THÉÂTRE, DE LA DANSE, DU CIRQUE ET DE LA MUSIQUE ! NOUS SOMMES D’ORES ET DÉJÀ IMPATIENTS : - DE VOUS FAIRE DÉCOUVRIR LES NOUVELLES CRÉATIONS DES METTEURS EN SCÈNE, LAURENT CHÉTOUANE, FRÉDÉRIC FERRER, JONATHAN CAPDEVIELLE ET DE LA CHORÉGRAPHE PORTUGUAISE MARLENE MONTEIRO FREITAS. - D’ACCUEILLIR LA COMPAGNIE CRIDACOMPANY DANS LE CADRE LA NOUVELLE ÉDITION DE LA SEMAINE DE CIRQUE. - D’ACCOMPAGNER LES PIÈCES ÉTUDIANTES PROGRAMMÉES DANS L’ÉDITION 2016 DU FESTIVAL LEHRSTÜCK! ET FIERS D’ÊTRE DEVENUS “SCÈNE CONVENTIONNÉE POUR L’ÉMERGENCE ET LA DIVERSITÉ”, LABELISATION QUE NOUS DEVONS AUSSI À NOTRE PUBLIC QUI CONTINUE À ÊTRE PRÉSENT ET CURIEUX DE NOTRE PROGRAMMATION ! MERCI ENCORE ! ET CONTINUONS À DÉCOUVRIR ENSEMBLE...

SOMMAIRE

p2-3 CONSIDERING

p4-7 KYOTO FOREVER 2

p8-9 MOTOR HOME

p10-12 SAGA

p13 JAGUAR

p14 24H SHAKESPEARE

JOURNAL SEMESTRIEL - FÉV 2016 / MAI 2016

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Tandis que je passais l’hiver 1801 à M..., je rencontrai un soir dans un jardin public M. C..., depuis peu engagé comme premier danseur à l’Opéra de cette ville, et qui connaissait auprès de l’assistance un succès extraordinaire.Je lui dis avoir été étonné de le retrouver à plusieurs reprises dans un théâtre de marionnettes qui avait été monté sur le marché et amusait la populace par de petites pièces dramatiques et burlesques agrémentées de chants et dedanses.Il m’assura que la pantomime de ces poupées était pour lui un vrai délice et me fit remarquer sans détourqu’un danseur souhaitant progresser pouvait apprendre d’elles bien des choses.

C’est sur une rencontre entre le narrateur et le danseur M. C... que s’ouvre l’essai Sur le théâtrede marionnettes écrit en 1810 par le poète, dramaturge et essayiste allemand Heinrich von Kleist. Le texte prend la forme d’un dialogue didactique qui voit donc se confronter deux points de vue sur la grâce. Et plus spécifiquement de la thèse de la supériorité en la matière de la marionnette sur l’homme défendue par le danseur et discutée par un narrateur qui ne cache pas sa perplexité. L’idée même qu’un danseur puisse apprendre des marionnettes lui apparaît en effet

d’emblée comme une affirmation « incongrue ».Mais, désireux de connaître les arguments qui l’appuient, il décide d’interroger M. C... à ce sujet.

Chaque mouvement a un centre de gravité, me dit-il, il suffit de commander celui-ci au sein même du pantin ; les membres, qui ne sont rien d’autre que des pendules, suivent d’eux-mêmes, mécaniquement, sans une quelconque action extérieure.Il ajouta que ce geste était d’une simplicité élémentaire ; chaque fois que le centre de gravité est mis enmouvement en ligne droite, les membres décrivent des courbes ; quand il est ébranlé de façon purement accidentelle, l’ensemble entre dans une sorte de mouvement rythmique semblable à une danse.

Selon M. C..., une activité mécanique n’est pas nécessairement dénuée de sensibilité. S’il convient de la simplicité technique de la ligne décrite par le centre de gravité, il adjoint à cette dernière un caractère mystérieux. La voyant comme le « chemin de l’âme du danseur », il pense que c’est par une projection du machiniste dans le centre de gravité de la marionnette « ce qui signifie, en d’autres termes, par l’acte de danser » qu’elle peut être reproduite.

Il sourit et dit qu’il osait affirmer que si un mécanicien voulait bien créer une marionnette en suivant lesinstructions qu’il pensait lui donner, il lui ferait exécuter une danse que ni lui, ni aucun autre danseur talentueux de son temps, Vestris lui-même ne faisant pas exception, ne serait en mesure d’égaler.

M.C... justifie la supériorité de la marionnette par un premier

argument qui est le fait qu’elle « neferait pas de manières ». Alors que le machiniste ne peut instiller l’âme que dans le centre de gravité de la marionnette, abandonnant les membres restants à la loi de la pesanteur, l’âme de l’humain se déplace. (L’âme est ici à comprendre en tant que vis motrix, c’est-à-dire force de mouvement.) Citant à l’appui les cas de la P... et du jeune F..., respectivement interprètes de Daphné et Pâris, M. C... dit de la première que son « âme se situe dans les vertèbres lombaires » et du second que « son âme se situe même (c’est épouvantable à voir) dans son coude. » Et c’est « depuis que nous avons goûté à l’Arbre de la Connaissance » que ces erreurs sont inéluctables.

Le second argument de M.C...pour justifier la supériorité de la marionnette est qu’elle a « l’avantage d’échapper à la gravité ». Il se désole en effet de l’emprise sur l’humain de l’inertie de la matière faisant obstacle à la danse et prend pour exemple l’aide que soixante livres en moins ou un contre-poids équivalent apporteraient à G... pour « exécuter ses entrechats et ses pirouettes ».Le danseur a besoin du sol pour y « reposer » et se « rétablir de l’effort de la danse » alors que lamarionnette n’a besoin du sol que pour « l’effleurer » et « ranimer l’envolée des membres parcette résistance d’un court instant ».

Je lui dis que malgré toute l’adresse avec laquelle il menait son paradoxe, jamais il ne me ferait croire qu’on puisse trouver plus de grâce dans un pantin aux membres mécaniques que dans la construction d’un corps humain.Il rétorqua qu’il était tout simplement impossible à l’homme ne serait-ce que d’égaler le pantin

SUR LE THÉÂTRE DE MARIONNETTES

ParJennifer Ratet

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LE THÉÂTRE LA VIGNETTE ACCUEILLANT LE SPECTACLE DE LAURENT CHETOUANECONSIDERING / ACCUMULATIONS INSPIRÉ DE SUR LE THÉÂTRE DE MARIONNETTES DE KLEIST, UN RETOUR AU TEXTE S’IMPOSE.

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articulé. Seul un dieu pourrait, sur ce point, se mesurer à la matière ; et là se trouvait le point où les deux extrémités du monde circulaire se rejoignaient.

Assurant « savoir parfaitement quels désordres génèrent la conscience dans la grâce naturelle del’homme », le narrateur confie à M.C... avoir assisté à la perte d’innocence d’un jeune homme desa connaissance « dont la silhouette rayonnait alors d’une grâce merveilleuse ». Jetant un regarddans un miroir au moment où il posait le pied sur un tabouret pour l’essuyer après une baignade, ce dernier rapprocha sa pose de celle d’un éphèbe se retirant une épine du pied (vraisemblablement la statue Le tireur d’épine), vu peu de temps auparavant. Lorsqu’il fit part de ce rapprochement au témoin, celui-ci, qui avoue pourtant à M.C... avoir fait le même, se mit à rire et lui affirma qu’« il devait avoir des visions ». Et le garçon de lever le pied une deuxième, une troisième, une quatrième fois et ainsi jusqu’à dix de plus sans parvenir à reproduire le même mouvement. Après quoi il passa des journées entières devant le miroir à essayer de le retrouver.Et « lorsqu’une année se fut écoulée, on ne décela plus en lui aucune trace de cette grâce qui avait ravi autrefois les yeux de son entourage. »

M.C... relate ensuite à son tour une expérience. Après avoir croisé le fer avec le fils d’un gentilhomme sur qui il emporta le duel, ce dernier reconnu avoir trouvé en lui son maître mais le conduisit auprès du sien. C’est ainsi qu’il fut amené à affronter en combat singulier l’ours que le père du garçon faisait élever. Mis au défi de « faire mouche ne serait-ce qu’une fois », M.C... fondit

sur l’animal, rapière en main. Mais toutes ses tentatives échouèrent. « Non seulement l’ours, tel le meilleur escrimeur au monde, parait toutes mes attaques, dit-il, mais il ne répondait à aucune de mes feintes (ce dont aucun tireur d’épée au monde n’était capable) ».

Ainsi, dis-je un peu étourdi, nous devrions goûter à nouveau à l’Arbre de la Connaissance pour retomber dans l’état d’innocence ?Assurément, répondit-il, et c’est l’ultime chapitre de l’histoire du monde.

Heinrich von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes, traduit par B.Germain, Paris, Éditions Sillage, 2010, 48p.

SUR LE THÉÂTRE DE MARIONNETTES

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MAR. 09 FÉV. 20:30 MER. 10 FÉV. 19:15

CONSIDERING / ACCUMULATIONSd’après SUR LE THÉÂTRE DE MARIONNETTES DE HEINRICH VON KLEISTChorégraphie et mise en scène LAURENT CHÉTOUANE

Qu’est-ce que la grâce ? Comment la rendre sensible depuis notre état d’imperfection en tant qu’être humain ?Inspiré de Sur le théâtre de marionnettes d’Heinrich von Kleist, Laurent Chétouane confronte la danse au texte.Un mélange de volonté utopique, d’idéal inatteignable et de réalisations inabouties.

DURÉE 1H30

SPECTACLE CO-ACCUEILLI AVEC LA SAISON MONTPELLIER DANSE 2015-2016

Considering/Accumulations ©Benoite Fanton

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KYOTO FOREVER 2

« Ils reviennent, ils sont déterminés, et ils ont deux heures pour sauver le monde. » Telle est la devise de l’auteur et metteur en scène Frédéric Ferrer pour cette pièce, la suite de Kyoto Forever. Si la première avait pour objet la conférence sur le climat à Kyoto en 1997, cette deuxième est créée au moment même où se déroule la COP21 de l’ONU à Paris (2015). Les yeux du monde seront tournés vers la France. Avec Kyoto Forever 2, on peut assister à un sommet international où se joue l’avenir de l’humanité. «  Ils  », ce sont neuf acteurs dans la peau d’experts et de représentants gouvernementaux. Neuf acteurs internationaux qui, parlant chacun dans sa langue mais aussi en français, montreront combien la recherche d’un accord international visant à limiter la hausse des températures sur le globe terrestre est longue, difficile, intense, burlesque, mouvementée… et chaude.

Kyoto Forever 2 ©Baptiste Klein

création

Mise en scène FRÉDÉRIC FERRER COMPAGNIE VERTICAL DÉTOUR Avec BEHI DJANATI ATAI, KARINA BEUTHE, CHRYSOGONE DIANGOUAYA, GUARANI FEITOSA, MAX HAYTER, CHARLOTTE MARQUARDT, DÉLIA ROUBTSOVA, HAINI WANG

MERCREDI 9 MARS 20:30JEUDI 10 MARS 19:15

DURÉE 1H30

PITCHC’EST LE DERNIER ROUND DE NÉGOCIATIONSATMOSPHÈRE TENDUETRACTATIONS DE COULOIRSMOTS CHUCHOTÉSPRESSE AUX AGUETSQUEL NOUVEAU PROTOCOLE POUR L’APRÈS KYOTO ?QUEL SCÉNARIO POUR LE XXIÈME SIÈCLE ?QUELLE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT METTRE EN ŒUVRE ?CHINE, ÉTATS-UNIS, EUROPE, PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT, OU DÉJÀ DÉVELOPPÉS, PETITS ÉTATS INSULAIRES, ATTÉNUATION, ADAPTATION, FOND VERT ?DISCUSSIONS FEUTRÉES. DÉSACCORDS. RÉSISTANCES. BLOCAGES. AVANCÉES,LES VENTS SE LÈVENT ET LES EXPERTS TOURBILLONNENT SUR LE GLOBE

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KYOTO FOREVER 2

Jennifer Ratet / Vous développez depuis 2005 les Chroniques du Réchauffement, un cycle qui interroge les effets du changement climatique. En quoi ce sujet vous apparaît-il intéressant d’un point de vue théâtral ?

Frédéric Ferrer / J’ai commencé à traiter du climat sur scène avec Mauvais temps en 2005. Ce spectacle répondait alors à une envie que j’avais de questionner au théâtre la géographie et la climatologie que j’avais étudiées quelques années auparavant. Je souhaitais effectuer une traversée intime du changement climatique, dans un dispositif théâtral et géographique, qui mettait en scène un conférencier à la dérive, et ses assistants pas très coopératifs. Je n’imaginais pas alors que c’était le début d’un cycle artistique, mais ce premier spectacle en a appelé un second, puis un troisième etc… À chaque fois, le travail en cours m’a donné l’envie des projets suivants. Les rencontres avec les scientifiques et « connaisseurs » des sujets abordés, la possibilité de se rendre sur les terrains des bouleversements, l’évidence des évolutions, tout cela excitait mon désir de nouvelles scènes. Le changement climatique est un facteur de profondes modifications du globe terrestre et des rapports que les hommes entretiennent avec la vie et le monde. Et ces modifications renouvellent complètement nos façons de

penser notre présence sur terre et notre devenir. Elles nourrissent de nouveaux questionnements et aussi de nouvelles narrations possibles du monde. Elles changent la donne. Elles bouleversent la Terre. Elles se déplient dans tous les champs, politiques, économiques, sociétaux et culturels. Et je crois que le théâtre peut être un endroit privilégié et précieux pour expérimenter, et partager ensemble, de manière politique et sensible, ces nouveaux récits du monde en train d’advenir.

J.R. / Kyoto Forever 2 fait suite à Kyoto Forever, pourriez-vous nous parler de ce premier opus ?

F.F. / Kyoto Forever, créé en 2008, a été mon deuxième spectacle sur le climat. Les conférences de l’ONU sur le changement climatique qui ont lieu chaque année sont un véritable théâtre du globe. Elles témoignent d’une grande difficulté des négociateurs à s’entendre sur un accord permettant de limiter les émissions de CO2 dans le monde. Cela fait en effet plus de 20 ans que l’on se réunit pour baisser les températures et plus on se réunit, plus elles augmentent… cet échec pose question forcément. Une question passionnante, que j’ai envie de poser sur une scène. Pourquoi l’humanité n’arrive-t-elle pas à s’entendre ? Quels sont les blocages ? Les enjeux ? Le premier Kyoto Forever s’inspirait du déroulé de la COP13 de Bali en 2007, qui avait été particulièrement

Entretien avec Frédéric Ferrerpar Jennifer Ratet

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Portrait de Frédéric Ferrer ©Jérôme Lemonnier et Julien Monie

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« théâtrale », et mettait en scène le jeu diplomatique entre les différentes nations, pour tenter de se mettre d’accord sur une feuille de route, qui visait elle-même à se mettre d’accord pour la COP15 de Copenhague en 2009. Il annonçait aussi, à sa façon, l’échec de cette tentative.

J.R. / Quelles sont les raisons qui vous ont amené à considérer l’idée de réaliser un second opus ?

F.F. / Lorsque j’ai su il y a trois ans que la France allait accueillir la COP21, qui devait aboutir à un nouvel accord international destiné à remplacer celui de Kyoto (et conjurer l’échec de Copenhague), j’ai tout de suite eu envie de faire un autre Kyoto Forever. Je voulais aller plus loin dans le questionnement de ces conférences de l’ONU et tenir compte des évolutions observées ces dernières années, avec entre autres, la nouvelle place de la Chine. Il y a dans ce théâtre de l’ONU, une telle concentration des enjeux… Se jouent en permanence dans ces assemblées à la fois le devenir du monde et les passions des hommes et des femmes qui y participent, l’universel et l’intime. Ce sont des lieux de pouvoir passionnants,

terrifiants, et si absurdes et drôles aussi. J’aime les tordre et les réinventer sur scène.Et puis il y avait en même temps l’envie de se confronter au réel au moment même où il advient. Mettre en scène la COP, quand la COP a lieu. Questionner par le théâtre et le sensible, le politique en train de se faire. Faire théâtre du « théâtre des négociations », sans recul, au cœur de l’événement, au même moment, et au même endroit pratiquement où il a lieu (à quelques stations de RER près).

J.R. / Vous avez écrit et mis en scène Kyoto Forever 2 dans un rapport direct avec la COP21, comment cette proximité a-t-elle impacté la conception et la réalisation du spectacle ?

F.F. / Le processus de création a été particulièrement riche et stimulant. Car le réel de la COP était omniprésent et hyperpuissant. C’était donc un pari énorme pour l’équipe de création de s’immiscer dans l’immensité de ce qui se produisait chaque semaine. L’écriture a été plus difficile que d’habitude. Mais aussi tellement plus riche ! Tellement plus passionnante. Le réel était tous les jours en bas de chez

nous, partout, dans la rue, dans le journal, à la télévision, au Bourget, sur internet, et toutes nos répétitions commencaient par des réunions sur l’actualité et sur les positions des différents États, leur évolution, la manière dont les choses étaient vécues dans différents endroits du monde, selon les cultures, les histoires, les sociétés… Le fait d’avoir une équipe internationale sur ce projet a renouvelé complètement nos manières de voir et d’appréhender les réalités de chacun. L’écriture a été mouvante, s’est adaptée en permanence aux soubresauts du réel, jusque dans les derniers jours de répétition, et aussi après, lors de l’exploitation du spectacle pendant la COP.

J.R. / Pourquoi avoir fait de la conférence théatro-scientifique à tonalité comique votre forme de prédilection ?

F.F. / J’aime les conférences au théâtre, car elles jouent sans cesse avec le réel et la fiction. Elles brouillent les pistes, elles déroulent et enroulent en permanence l’espace et le temps, et sont des merveilleux outils de fabrication de nouvelles histoires du monde. Cependant un projet comme Kyoto Forever 2 est très différent de mes cartographies. Dans Kyoto je mets en scène une conférence (au sens de réunion) internationale où les acteurs jouent des experts diplomates, et représentent certains États. Dans mes cartographies, la conférence est très différente : je suis seul en scène, et je fais un exposé devant un public en travaillant sur l’oralité (elles ne sont pas écrites) et en utilisant une sorte de « dramaturgie du Powerpoint ». Mon but est alors d’utiliser tous les moyens qui sont à ma disposition pour tenter de répondre très sérieusement, et en toute liberté, à une question initiale qui se pose réellement, et d’opérer par ce dispositif, un glissement progressif, un déplacement, au fur et à mesure

Kyoto Forever 2 ©Baptiste Klein

KYOTO FOREVER 2

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des slides, afin que le raisonnement et le récit puissent dévisser, et inventer de nouveaux territoires.Quant à l’humour, c’est une question de rapport au monde, de type de regard que l’on peut porter sur les choses. J’aime les « situations », en particulier celles où le réel fraye avec l’absurde et le dérisoire. Je cherche le second plan, ce qui échappe. Quand je le perçois, ou arrive à le créer, je suis heureux. Je revois encore dans ce vieil amphi de l’Institut de géographie ce vieux mandarin de la Sorbonne, « pape » de l’École française d’Extrême-Orient, nous décrire les pêcheurs du Tonlé Sap, puis tout en parlant, ré-enrouler sa carte du Cambodge, tandis que sa cravate se prend dans le rouleau des espaces naturels, et remonter ainsi jusqu’au cou, sans jamais cesser de parler sérieusement des techniques de pêche, la carte coincée sous le menton. Tout est là.

J.R. / Quels sont vos prochains projets ?F.F. / Je commence à travailler sur une sixième cartographie en suivant des morues depuis Saint-Pierre et Miquelon. Et j’ai un projet aussi avec le chorégraphe Simon Tanguy. Nous voulons poursuivre le travail que nous avons commencé l’année dernière dans le cadre des « Sujets à Vif » au Festival d’Avignon, autour du corps affecté, en partant de la machine à influencer et des descriptions de James Tilly Matthews au 18ème siècle.

Propos recueillis par Jennifer Ratet

Conférence de Bonn 2008 ©Frédéric Ferrer

NOTE D’INTENTION DE FRÉDÉRIC FERRER

« Kyoto Forever » est le nom d’un scénario scientifique d’évolution du globe terrestreJ’ai découvert, il y a 7 ans, dans une revue scientifique, une étude qui décrivait plusieurs scenarii de développement des sociétés humaines au vingt-et-unième siècle. Deux des critères pris en compte étaient le degré de réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation de la température terrestre.Dans un scénario, les chercheurs supposaient un arrêt des progrès dans les engagements internationaux et leur gel aux niveaux atteints dans le protocole de Kyoto. Les objectifs de réduction définis à Kyoto étaient ainsi étendus à tout le siècle et se traduisaient par une élévation rapide des températures et une accélération des phénomènes du réchauffement.Les chercheurs ont donné un nom à ce scénario : Kyoto Forever.

« Kyoto Forever » est aussi le nom d’un premier spectacle créé en 2008Huit experts - conférenciers étaient réunis autour d’une table de négociation et tentaient d’élaborer une « feuille de route permettant de se mettre d’accord sur le procédé à mettre en œuvre pour se mettre d’accord » en vue d’avancer dans la rédaction d’un nouveau protocole contraignant concernant les émissions de gaz à effet de serre.

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MOTOR HOME

En quoi consiste cette Semaine de cirque ?Réunissant les programmes de recherche « Cirque : histoire, imaginaires, pratiques » dirigé par Philippe Goudard** en collaboration avec Alix de Morand** et « Écrans, représentations, mémoire » dirigé par Guillaume Boulangé** et Delphine Robic-Diaz**, cette édition, qui a pour titre Le cirque du cinéma aux nouveaux médias, rassemblera de nouveau chercheurs, artistes et étudiants autour de colloques, programmations de films, spectacles et rencontres professionnelles.Des précédentes manifestations Une semaine de cirque en novembre 2011 et Femmes de cirque en février 2014, la nouvelle reprendra la forme hybride d’un double volet scientifique et artistique mais sera cette fois dédiée aux relations entre cirque et cinéma. Elle explorera ainsi les modalités de présence du cirque au cinéma et de l’image animée au cirque à travers leurs liens et échanges dans une perspective interdisciplinaire.Les organisateurs de cette troisième édition ont déterminé quatre thématiques de réflexion.Seront donc abordées les questions liées aux formes d’enseignements et circuits de production et diffusion du cirque sous forme audiovisuelle mais également les représentations du cirque dans les œuvres cinématographiques qui en ont fait leur source d’inspiration, les déclinaisons de la fonction et des figures clownesques transposées au cinéma, et les mutations qui accompagnent l’intérêt des artistes de cirque pour le développement numérique et technologique.

À qui s’adresse cette manifestation ?Aux artistes, chercheurs et étudiants. Mais aussi aux amateurs éclairés, novices passionnés ou simples curieux.

Pourquoi s’y rendre ?Pour soutenir la recherche universitaire. Découvrir la créativité et l’innovation artistique des arts du cirque à travers le cinéma et les nouveaux médias. Profiter de la programmation d’œuvres circasiennes et audiovisuelles mises en dialogue. Et si jamais vous manquez l’événement, vous pourrez toujours vous rattraper grâce à la publication en 2017 de l’ouvrage collectif Le cirque du cinéma aux nouveaux médias.

Pour retrouver le programme de la manifestation :http://rirra21.upv.univ-montp3.fr LA SEMAINE DE CIRQUE se tient du 17 au 25 mars 2016 à Montpellier et Alès. En partenariat avec la Verrerie d’Alès / Pôle National des Arts du cirque Languedoc Roussillon. * Représenter, inventer la réalité, du romantisme à l’aube du XXIème siècle - Unités de recherche Université Paul-

Valéry Montpellier 3

** Enseignants-chercheurs du département Cinéma et Théâtre de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3

Un spectacle de et avec GABRIEL AGOSTI, HENRI DEVIER, JESSICA DALLE , ANICET LEONE, JULIEN VITTECOQMise en scène JULIEN VITTECOQ

MER. 23 MARS20:30JEU. 24 MARS 19:15

DURÉE 1H

CRIDACOMPANY

SPECTACLE DE CIRQUE PROGRAMMÉ DANS LE CADRE DE LA « TROISIÈME SEMAINE DE CIRQUE » ORGANISÉE PAR LE LABORATOIRE RIRRA 21* DE L’UNIVERSITÉ PAUL-VALÉRY MONTPELLIER 3 AUTOUR DU THÈME « LE CIRQUE : DU CINÉMA AUX NOUVEAUX MÉDIAS ».

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MOTOR HOME EN IMAGES

Photographies extraites de la série photographique du spectacle Motor Home ©Julien Vittecoq

« On le sait, leur univers est absurde et parfois burlesque. Dans Motor Home il tourbillonne, tissant avec facilité des liens entre images accrochées, images filmées et un plateau où spectateurs et performers se côtoient au plus près. Une figure acrobatique ou un motif du quotidien passe de la photo au plateau, de la salle au désert. Un personnage peut circuler de la vidéo à un contact physique entre performers et spectateurs. Car ce barbu de la Lozère ou du Gers, qui fait valser quelques spectatrices, a bien quelque chose à voir avec l’Américain aux longs cheveux grisonnants, chantant la liberté dans son mobile home. Mais quoi, au juste ? Il n’y a pas de Cridacompany sans une part d’énigme ! Et tout finit par un autre saut dans le vide... Motor Home scelle la rencontre entre deux aventures parfaitement imprévisibles. D’une part, un voyage à travers les USA en toute liberté et d’autre part, une nouvelle création de la Cridacompany. Quand en plus, chacune traverse l’autre, l’idée même de spectacle se réinvente et les artistes visuels qu’ils sont lancent un défi nouveau à leurs âmes de circassiens, ainsi qu’aux habitudes du public. »

Extrait du dossier artistique de la compagnie

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SAGA

EXTRAIT DE PRESSE [Libération - Didier Péron - 9 mars 2015]

Le metteur en scène et comédien ventriloque revient avec Saga, une autobiographie fictionnée.

Que faire de la masse confuse des souvenirs et traumas de l’enfance ? Les jeter, les mettre en forme… les jeter dans une forme. Le comédien et metteur en scène Jonathan Capdevielle, né à Tarbes, a grandi dans le village pyrénéen de Ger, passant beaucoup de temps avec sa sœur et son copain dans une boulangerie qui s’est révélée être un abri à trafics (d’armes, de faux chéquiers…). Après Adishatz / Adieu créée en 2009, cette nouvelle pièce réinvestit l’autobiographie fictionnée d’un provincial qui comprend que sa différence (sa sensibilité artistique, son homosexualité) doit à la fois s’affronter aux puissances de la norme mais surtout, et plus encore, à l’ensemble des phénomènes, sentiments, actions plus ou moins déraillants qui constituent la trame de son quotidien.

[...] Dans Saga, la truculence d’un univers pagnolesque se retrouve soudain intégralement revisitée par des idées de découpages laconiques, de raccourcis conceptuels qui donnent la couleur particulière de la représentation - ce qui aurait pu finir en impasse devient Saga. Une certaine immobilité menaçante gagne les personnages et pourtant la formidable polymorphie gestuelle et vocale de Jonathan Capdevielle invente une trépidante légende personnelle qui est la dynamique même qui l’a sorti de son trou et fait maître du jeu.

Conception et mise en scène Jonathan Capdevielle

Texte Jonathan Capdevielle avec la participation de Sylvie Capdevielle et Jonathan Drillet

Traduction en occitan Joseph Fourcade

Interprétation Jonathan Capdevielle, Marika Dreistadt, Jonathan Drillet, Franck Saurel

MARDI 29 MARS 19:15MERCREDI 30 MARS 20:30JEUDI 31 MARS 19:15

DURÉE : 1H50

SPECTACLE CO-ACCUEILLI AVEC LA SAISON MONTPELLIER DANSE 2015-2016

Saga ©Estelle Hanania

« DURANT UNE PÉRIODE CHARNIÈRE ENTRE L’ENFANCE ET

L’ADOLESCENCE, L’ENVIRONNEMENT FAMILIAL A ÉTÉ LE THÉÂTRE OÙ

JOUR APRÈS JOUR SE JOUAIT UNE PIÈCE, DONT LES SCÈNES AUSSI

DRÔLES QUE DRAMATIQUES, ME HANTENT ENCORE AUJOURD’HUI. »

création

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SAGA

Jennifer Ratet / Votre précédente pièce « Adishatz / Adieu », créée en 2009, était déjà développée autour d’un matériel autofictionnel. Vous avez voulu poursuivre ce travail sur l’autofiction avec « Saga ». Pour-quoi un tel intérêt pour ce genre ? Jonathan Capdevielle / L’autofiction me touche au cinéma, je pense à Jacques Nolot et son film « L’arrière pays ». Les racines, l’enfance, l’ado-lescence, la question de l’identité, sont des thèmes qui me sont chers. Le matériel autofictionnel permet de naviguer dans des zones sensibles, souvent à partir du vécu. Dans Saga l’écriture est empirique, je me suis amusé à partir de souvenirs flous et précis à élaborer un texte original écrit à partir de multiples événements puisés dans le passé et le présent. L’intérêt est de mettre mon expérience du plateau au service d’une œuvre personnelle qui tend vers l’universel.Mettre en scène sa vie ne me paraît justifiée que si le plateau devient l’endroit de la transformation du discours et du matériel brut, afin de tendre vers une forme fictionnelle qui se détache du nombril et se

démultiplie pour explorer d’autres corps, d’autres voix, d’autres es-paces. Dans « Saga » par exemple je ne suis pas le seul porteur de l’auto-fiction. Les acteurs, la scénographie, la lumière et le son, en sont aussi les interprètes.

J.R. / Conception, mise en scène, texte et interprétation, votre impli-cation dans ces deux pièces est totale. Est-ce d’autant plus impor-tant ici que celles-ci sont de nature personnelle ?

J.C. / Cela n’est pas plus important, c’est juste une autre manière de travailler. La difficulté est de trouver l’endroit juste, et de savoir gérer la double casquette. Les acteurs, la scénographie, la lumière et le son, sont les interprètes de la pièce.Lorsqu’on est directeur d’un projet, qu’il soit personnel ou fictionnel, on ne peut pas être impliqué à moitié, on est responsable de toute une équipe qui par principe vous fait confiance.

J.R. / Comment et selon quels critères avez-vous choisi les sou-venirs à la base de votre récit ? Et

Entretien avec Jonathan Capdeviellepar Jennifer Ratet

Portrait de Jonathan Capdevielle ©Estelle Hanania

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pourquoi avoir voulu y juxtaposer la vision de votre sœur ?

J.C. / La base du récit est « une vie parallèle » à la vie que je menais avec mes parents.Pendant quelques années, j’ai vécu des mois avec ma sœur et mon beau frère. Dans un autre contexte, un autre espace, avec des règles différentes.Les films de famille comme les souvenirs, ont servi de matériel principal pour écrire la pièce. J’ai visualisé 60heures de VHS, en anno-tant ce qui me paraissait important de travailler. Ensuite, je me suis mis à la table et j’ai laissé travailler la mémoire, sans contrainte. J’ai rédigé plusieurs versions en fonction des thématiques suivantes : l’enfance, la sexualité, l’érotisme, le danger, l’euphorie, l’accident, le paranormal, la mort. J’ai modifié l’ensemble en fonction des comédiens et de la mise en scène. Aujourd’hui encore l’écriture bouge, je pense qu’elle bougera à l’infini, il y a dans tout ça une petite part laissée à l’improvisa-tion.Le fait d’impliquer ma sœur a permis d’avoir deux versions de l’histoire.Le regard de l’enfant et de l’adulte se distinguent et se confondent. Le double récit est aussi un moyen de me positionner à l’extérieur de l’his-toire et d’en devenir à la fois l’acteur et le témoin. Surtout, ma sœur est à sa manière une actrice quand elle vous raconte les choses. Elle ne peut s’empêcher de les revivre. Elle est d’une théâtralité consternante, d’ail-leurs le monologue final je l’ai laissé tel quel. C’est elle de A à Z, on y perçoit sa personnalité, son émotion, son humour, sur un sujet plutôt sombre.

J.R. / En réagençant situations, lieux, personnages et témoignages tirés d’« épisodes de vie passée », avez-vous cherché à reconstituer une sorte de « feuilleton documen-taire » ?

J.C. / La forme met en touche le côté feuilleton documentaire. C’est

un conte plus qu’un documentaire. Je dirais que la partie documentaire pourrait être le film qui porte à un moment l’histoire. On y découvre un enfant et un adulte qui jouent, ou pas, à un drôle de jeu. Il représente mon premier souvenir de théâtre, mon premier rôle d’acteur.

J.R. / Comment avez-vous procédé pour organiser les textes, vidéos, dialogues et chansons qui consti-tuent la matière du récit ?

J.C. / J’ai construit la pièce en tableaux avec la scénographie de Nadia Lauro qui est un élément fixe se transformant au gré des mouvements de la lumière et de la présence réelle ou fantomatique des corps au plateau. Cette tension avec l’objet modifie la perception du spectateur en terme d’espace et de temporalité. Le comportement des corps ou des figures ainsi que leurs rythmes sont régis par la présence de cette bête montagne.Elle est paysage, installation, grotte, tas de fumier, animal fantastique, support pour la projection du film, la voix d’un esprit malin ou d’un guide de musée.Le texte, dans ce qu’il décrit, est organisé de manière non chronolo-gique, il est porté par les interprètes à l’aide de micros, ce qui lui confère une qualité radiophonique. Les chan-sons jouent leur rôle de mélodie nostalgique au service de l’histoire ou en rupture avec la narration.

J.R. / La partition physique de la pièce s’organise autour de poses statiques et autres placements en décalage avec un jeu vocal à carac-tère réaliste. Que recherchez-vous dans cette tension ?

J.C. / Je cherche la marionnette, les corps deviennent figures en mouve-ment, ancrés dans le récit ou extraits du texte. Les dialogues se déclinent sous différentes formes, comme une partition solitaire, au rythme du déroulement de la pensée, de la mémoire.

J.R. / En quoi votre parcours de marionnettiste influence-t-il votre approche de la mise en scène ?

J.C. / L’école a été un terrain d’ap-prentissage et d’expérimentations assez riche. J’y ai éprouvé la mise en scène. Le marionnettiste est à l’image du poète, souvent seul avec son art. Une solitude étrange propice à la création d’objets de théâtre faits à partir d’éléments tout à fait person-nels. On construit sa marionnette un peu à son image. En tout cas elle est porteuse de ce qui nous consti-tue. Elle est l’expression du tabou, elle peut à l’inverse de l’acteur ne pas avoir de limite physique. Elle a de multiples moyens d’expressions comme le mouvement et la voix.La voix a été un point fort dans l’apprentissage, et c’est à partir de là que j’ai développé différents travaux allant de l’imitation en passant par le chant et la ventriloquie. La question du mouvement est aussi au centre des deux pièces, l’acteur est traversé par différentes figures imposées, et un travail précis de dissociation s’organise alors, laissant planer une étrangeté que l’on peut comparer à la marionnette.

J.R. / Dans quel état d’esprit êtes-vous lorsque vous réinterprétez, dans les deux sens du terme, vos souvenirs sur scène ?

J.C. / Je suis comme un enfant dans un corps d’adulte. Qui navigue au gré de ses souvenirs en ayant le regard aiguisé et l’oreille aux aguets du metteur en scène sur ce qui se passe au plateau. Une étrange sensa-tion de n’être pas pleinement acteur de sa vie et d’avoir le statut de celui qui observe.

J.R. / Y aura-t-il une suite à ce « Roman Familial » ?

J.C. / Une fiction.

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JAGUAR

Adepte des déformations et des créatures hybrides, son travail s’oriente autour des questions de l’étrangeté et de l’animalité : « derrière la dimension carnavalesque de mes pièces, il y a certainement un désir de transgresser les limites de l’esthétiquement correct, d’essayer autre chose », confie-t-elle. Pour Jaguar, ses sources d’inspiration hétéroclites vont du groupe d’artistes expressionnistes allemands Le Cavalier bleu à l’artiste suisse d’art brut Adolf Wölfli, en passant par le personnage de carnaval capverdien Mandinga ou encore les contes d’Hoffmann... Jaguar est à la fois une pièce de danse et le théâtre de manipulations dans lequel les interprètes sont des marionnettes qui s’abandonnent aux mains des autres. En travaillant sur les affects et les émotions plutôt que sur le sens, Marlene Monteiro Freitas donne forme à des mots, des images et des gestes qui relèvent plutôt de l’inexprimable. L’imaginaire est ouvert...

Source Programme de Saison 2015-2016 Tandem - Théâtre d’Arras

Chorégraphie Marlene Monteiro Freitas en collaboration avec Andreas Merk (PORTUGAL / ALLEMAGNE)

Interprétation Marlene Monteiro Freitas, Andreas Merk

Scénographie João Figueira, Marlene Monteiro Freitas

LUNDI 4 AVR. 20:30MARDI 5 AVR. 19:15

DURÉE : 1H

SPECTACLE CO-ACCUEILLI AVEC LA SAISON MONTPELLIER DANSE 2015-2016

Jaguar ©Giulio Romano

« JAGUAR IS THE NAME GIVEN TO SOME HORSES, A DANCE PIECE

AND A MARIONETTE SHOW. IN JAGUAR WE ARE PUPPETS AND IN THIS

MANIPULATED THEATRE, WE ENTRUST OURSELVES TO OTHERS AND

TO THEIR HANDS: MANDINGA D’ SONCENT, WOLFLI, BLAUE REITER,

PRINCE, HOFFMAN, AMONG OTHERS. WHILE THEY ARE RADICALLY

DIFFERENT, THEY ALSO ARE OUR OWN EXTENSION. JAGUAR IS AN

EXCERPT, A HUNTING SCENE, OR INDEED A HAUNTED-HUNTING

SCENE. » – MARLENE MONTEIRO FREITAS

création

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24H SHAKESPEARE

Le projet est né d’une collaboration entre les centres de recherche RIRRA 21* et IRCL**. L’idée était de proposerun événement marquant dans le cadre du quadri-centenaire de la mort de Shakespeare, le 23 avril 2016. Nous avons imaginé un projet qui soit aussi démesuré que l’œuvre de Shakespeare : offrir au public, aussi bien de spécialistes que non-spécialistes, la possibilité d’entrer en contact avec tout le répertoire shakespearien, donc lestrente-huit pièces qu’a écrites Shakespeare et en 24 heures, c’est-à-dire la durée de la journée de son anniversaire.Cette expérience sera le seul moment où on pourra appréhender véritablement l’œuvre dans sa densité. C’est un format expérimental où chaque pièce a une durée d’à peu près une demi-heure, ce qui demande un travail de concentration des pièces qui peut partir d’un point de vue dramaturgique, d’un dispositif scénique ou du déplacement de la pièce vers une autre discipline qui peut être la danse, le théâtre d’objet, le cirque, la vidéo, le film.Une fois qu’on a proposé ce projet, qui est très enthousiasmant et en même temps très vertigineux, on s’est dit que c’était aussi le moment de faire travailler ensemble plusieurs départements au sein de notre université. Il y a donc une multitude de connexions qui sont en train de se faire, soit sur des pièces ponctuelles, soit sur l’ensemble du projet. Avec, évidemment, le département d’études anglophones. Mais également : le département Arts plastiques, qui va faire une exposition sur le répertoire shakespearien et collaborer au niveau de la création numérique sur plusieurs projets ; le département de musicologie, qui va nous aider sur certaines pièces qui vont être chantées ; la partie cinéma du département Cinéma et Théâtre, qui

va prendre en charge, accompagner ou collaborer à la réalisation de moyens métrages qui vont être insérés dans ces 24 heures. Qui seront donc multidisciplinaires, même si le centre reste quand même la scène. Ce projet permet aussi des collaborations croisées avec l’extérieur : avec des institutions comme le cours Florent, des élèves en option théâtre de lycée et, avec l’aide de la DRAC, des compagnies professionnelles qui vont nous proposer deux ou trois formats.Ce sont les étudiants qui prennent entièrement en charge le projet. Évidemment encadrés par des enseignants-chercheurs et des artistes professionnels, tant au niveau de la dramaturgie que du jeu d’acteur, que de la scénographie, que de la vidéo. Et puis pareil pour les autres départements. Les Licences 3 Théâtre sont en charge d’environ vingt-cinq pièces. Il y a treize pièces qui sont offertes à nos collaborateurs, par exemple, les enseignants-chercheurs de l’IRCL vont faire des conférences spectacles et un groupe d’étudiants en charge du montage de Roméo et Juliette en danse pourra demander éventuellement aux étudiants en arts plastiques de faire un format vidéo en arrière-plan en collaboration avec l’équipe de scénographie du département théâtre. C’est exactement comme l’œuvre deShakespeare, c’est multidisciplinaire, ça travaille à plusieurs niveaux, ça s’entrecroise. C’est la complexité de la vie qui est en œuvre. Aucun d’entre nous ne maîtrise véritablement toute l’énergie qui va être en jeu et c’est le but de ce projet pédagogique expérimental que d’apprendre le métier tout en étant dans une démarche principalement expérimentale. Il ne s’agit pas d’appliquer des recettes ou juste des méthodes mais d’inventer nos propres processus sur un projet comme cela, qui est démesuré. C’est pour les étudiants une source de motivation sans précédent dans leurs études.C’est un projet universitaire mais à vocation professionnelle. On souhaiterait que soient représentés les

différents corps de métiers auxquels les étudiants aspirent. Il y a évidemment des comédiens, des chanteurs, des danseurs et des performeurs. Mais il y a aussi des techniciens lumière, son, vidéo et plateau. Il y a des dramaturges,des metteurs en scène. Il y a des gens qui s’occupent de la production, de l’administration et de la communication.Chacun peut se confronter à sa propre vocation ou justement à son interrogation sur ses désirs de métier et trouver dans ce projet une manière de cristalliser ses envies, de voir la limite de ses désirs et au contraire, de découvrir certains métiers dont il ignorait presque l’existence et qui le révèlent complètement. Avec les compagnies professionnelles qu’on va inviter, ce projet permet aux étudiants de tisser des liens avec la profession et surtout de comprendre véritablement ce que c’est que l’exigence professionnelle. Ils sont depuis début décembre 2015 dans une situation, dans un mode de travail, qui s’approche plus du monde artistique que du monde de l’enseignement.On est dans une expérience humaine que l’on ne peut pas totalement appréhender, contrôler. [..] Mon expérience de recherche autour de l’œuvre de Shakespeare m’a plutôt poussé à comprendre qu’il était pratiquement impossible de définir ce désir de l’auteur dans une œuvre aussi complexe et multiple. Et qu’il n’y avait pas du tout à y être asservi. C’est aussi dans ce sens aussi que travaillent nos collègues de l’IRCL et les étudiants anglicistes qui participent à l’adaptation des pièces. [..] Je crois que le fait d’embrasser le répertoire shakespearien entièrement nous libère totalement d’une responsabilité ponctuelle justement. Puisqu’on est peut-être, je ne dis pas les premiers, mais on fait certainement partie des rares groupes qui disent « on monte tout », quelque part, ça nous autorise à tout nous permettre. -> la suite sur FOCUS# Blog du spectateur ou sur www.theatrelavignette.fr

Rencontre avec Laurent Berger,

enseignant-chercheur en études théâtrales

au département Cinéma et Théâtre de

l’Université Paul-Valéry Montpellier 3

À L’OCCASION DU QUADRICENTENAIRE DE LA MORT DE WILLIAM SHAKESPEARE & DANS LE CADRE DU FESTIVAL ÉTUDIANT LEHRSTÜCK! 2016

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* Représenter, inventer la réalité, du romantisme à l’aube du XXIème siècle - Unités de recherche Université Paul-Valéry Montpellier 3 ** Institut de recherches sur la renaissance, l’âge classique et les lumières - Unités de recherche Université Paul-Valéry Montpellier 3

SAM. 23 AVR. AU 24 AVR. DE 9:00 À 9:00

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INFOS PRATIQUES

// OÙ, QUAND ET COMMENT ACHETER VOS PLACES ?

- En journée : à la Boutique de l’université (devant la bibliothèque) Lundi au jeudi : 10h00 à 12h30 - 13:30 à 16:30Vendredi : 10:00 à 12:00 (fermé l’après-midi)

- Par téléphone : 04 67 14 58 06

- Le soir des représentations : à l’accueil-billetterie du théâtre 1h avant le début du spectacle (bâtiment H - 1er étage)

- Sur le site internet du théâtre www.theatrelavignette.fr

// MODES DE RÈGLEMENT

CB, espèces, chèque

// TARIFS GÉNÉRAUX

Tarif plein : 15 €Tarif réduit* : 10 €Tarif super réduit** : 5 €Concerts - tarif unique : 5 €Projections : gratuit

* Tarif réduit sur présentation d’un justificatif

de -3mois : étudiants, moins de 25 ans,

personnel UPV, demandeurs d’emploi,

bénéficiaires des minima sociaux, abonné

d’un des 5 théâtres de Montpellier

Méditerranée Métropole, de la Scène

Nationale de Sète et du Bassin de Thau,

groupes de + 10 personnes

** Tarif super réduit : scolaires, professionnels

du spectacle : nous contacter

// LE LAISSEZ-PASSER VIGNETTE ! ENCARTEZ-VOUS !

Avec le Laissez-Passer Vignette, venez voir tous les spectacles, concerts pour seulement 2 € et accédez au Pass’Festival Lehrstück! à 5€!

Profitez du tarif réduit dans tous les théâtres partenaires.

// QUAND ET COMMENT S’ABONNER ?

- à la Boutique de l’université en face de la Bibliothèque (ex-kiosque Pass Culture)

- sur notre billetterie en ligne

- les soirs de spectacle dès l’ouverture de la billetterie du théâtre

(La carte Laissez-Passer est strictement

nominative et une photo d’identité vous sera

demandée).

LPV - Tarif plein : 30 € + 2 € par spectacleLPV - Tarif réduit* : 20 € + 2 € par spectacleLPV - Tarif étudiant : 10 € + 2 € par spectacle

* Tarif réduit : personnel UPV, moins de 25

ans, demandeurs d’emploi, bénéficiaires

des minima sociaux, sur présentation d’un

justificatif de -3mois

// LES AVANTAGES DU LAISSEZ-PASSER VIGNETTE

- Bénéficiez de tarifs bas et du Pass’Festival Lehrstück! - Recevez des informations régulièrement !- Recevez le FOCUS – Journal du théâtre dans votre boite aux lettres !- Bénéficiez de tarifs réduits dans les théâtres partenaires ! (Domaine d’O, hTh CDN de Montpellier L-R., Théâtre Jacques Cœur - Lattes, Théâtre Jean Vilar, Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau)- Faites bénéficier à la personne qui vous accompagne d’un tarif réduit !

ET AUSSI

PROJECTION- NORA [MAISON DE POUPÉE] THOMAS OSTERMEIER LUN. 15 FÉV.18:15 entrée libre

CHŒURS DE L’OPÉRA ORCHESTRE NATIONAL DE MONTPELLIER L-R. JEU. 18 FÉV.19:15 tarif unique 5€ / 2€ avec le LPV

RENCONTRE JOURNÉE D’ÉTUDE :LE THÉÂTRE IRANIEN CONTEMPORAIN MAR. 16 MARS09:00 À 17:00 entrée libre / Site St-Charles UPV

CONCERT DE L’ORCHESTRE DE L’UNIVERSITÉ PAUL-VALÉRY ET DU CONSERVATOIRE À RAYONNEMENT RÉGIONAL MAR. 12 AVR.20:30tarif unique 5€ / 2€ avec le LPV

L! 2016 FESTIVAL ÉTUDIANTDU 23 AVRIL AU 25 MAI

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Théâtre la Vignette Université Paul-Valéry Montpellier 3Route de Mende 34 199 Montpellier Cedex 5

Info / AccueilT 04 67 14 55 98 bâtiment H – bureau [email protected] www.theatrelavignette.fr

Kyoto Forever 2 - Frédéric Ferrer, les 09 & 10 mars 2016 ©Baptiste Klein

Impression : Imp’act Imprimerie - février 2016 Licences d’entrepreneur de spectacle : 1-1063683 / 2-1006318 / 3-1006319

JOURNAL SEMESTRIEL - FÉV 2016 / MAI 2016

FOCUS#10

/ Le Journal Focus est édité par le Théâtre la Vignette Université Paul-Valéry Montpellier 3 Directeur de publication : Nicolas DubourgRédaction : Jennifer RatetCoordination et mise en page : Denise Oliver Fierro Conception graphique : T2bis