Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique...

8
POSITIONS OCT 2019 _ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 1/8 Fiscalité de production : approfondir l’analyse Note technique Le rapport sur la fiscalité de production (Dubief – Le Pape) présenté dans le cadre des travaux du Conseil national de l’industrie soulève de nombreux problèmes de méthode et interroge quant à ses conclusions. A le suivre, le creusement de la balance commerciale française et la destruction d’emplois industriels en France au cours des dernières décennies seraient principalement imputables à des considérations fiscales et à des problèmes de compétitivité-coût. C’est évidemment réducteur tant sont nombreux les paramètres qui expliquent cette désindustrialisation 1 . Depuis la parution du document, certaines fédérations font de la réduction de la fiscalité de production l’une de leurs revendications principales. Il convient d’apporter des réponses à des questions soulevées mais sans doute affiner le diagnostic en analysant mieux la fiscalité et les cotisations sociales qui reposent sur le secteur marchand dans son ensemble et, plus spécifiquement, sur les entreprises industrielles exposées à la compétition internationale. Il est important de ne pas répandre le sentiment que la France serait un « enfer fiscal ». Ce n’est pas ce que disent les rapports les plus sérieux. 1 Les entreprises ont besoin pour investir de marges suffisantes. C’est incontestable. Mais la faiblesse des marges n’est pas liée aux seuls coûts de production. Elle peut provenir d’une montée en gamme insuffisante des produits, une valeur ajoutée produite affaiblie par absence d’investissement (recherche, design, process…). Une stratégie fondée sur la seule réduction des coûts peut être une stratégie « low cost » qui ne nous permettra jamais de nous situer au niveau des pays à très bas salaires. Il est possible de dire que la France ne s’est pas assez préparée aux effets des accords de l’OMC de 1999 et de l’euro (suppression des risques de change…). Nos secteurs les plus exposés n’ont pas pu lutter à armes égales. La stratégie allemande du début des années 2000 a été d’accepter la relocalisation des activités les moins qualifiées dans les pays d’Europe centrale et orientale, en se recentrant sur des activités à plus forte intensité technologique. Cette stratégie a été accompagnée il est vrai par une politique de très forte modération salariale et une baisse des consommations intérieures (dont l’investissement public qui s’est effondré). De fait, le principal partenaire économique de la France a moins tiré les exportations françaises. Il est à noter que l’insuffisance des coordinations économiques en Europe a été très défavorable à la France, celle-ci a maintenu ses consommations intérieures quand d’autres Etats-membres les bridaient fortement. C’est essentiellement avec ses partenaires européens que la France « creuse » son déficit commercial. Le maintien de son haut niveau de consommation, notamment après la crise avec le plan de relance, a profité surtout à ses partenaires. Rien qu’avec l’Allemagne, la France a creusé son déficit commercial de 20 milliards d’euros depuis le début des années 2000.

Transcript of Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique...

Page 1: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

POSITIONS OCT 2019

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 1/8

Fiscalité de production : approfondir l’analyse

Note technique

Le rapport sur la fiscalité de production (Dubief – Le Pape) présenté dans le cadre des travaux du Conseil national de l’industrie soulève de nombreux problèmes de méthode et interroge quant à ses conclusions. A le suivre, le creusement de la balance commerciale française et la destruction d’emplois industriels en France au cours des dernières décennies seraient principalement imputables à des considérations fiscales et à des problèmes de compétitivité-coût. C’est évidemment réducteur tant sont nombreux les paramètres qui expliquent cette désindustrialisation1. Depuis la parution du document, certaines fédérations font de la réduction de la fiscalité de production l’une de leurs revendications principales. Il convient d’apporter des réponses à des questions soulevées mais sans doute affiner le diagnostic en analysant mieux la fiscalité et les cotisations sociales qui reposent sur le secteur marchand dans son ensemble et, plus spécifiquement, sur les entreprises industrielles exposées à la compétition internationale. Il est important de ne pas répandre le sentiment que la France serait un « enfer fiscal ». Ce n’est pas ce que disent les rapports les plus sérieux.

1Les entreprises ont besoin pour investir de marges suffisantes. C’est incontestable. Mais la faiblesse des marges n’est pas liée aux seuls coûts de production. Elle peut provenir d’une montée en gamme insuffisante des produits, une valeur ajoutée produite affaiblie par absence d’investissement (recherche, design, process…). Une stratégie fondée sur la seule réduction des coûts peut être une stratégie « low cost » qui ne nous permettra jamais de nous situer au niveau des pays à très bas salaires. Il est possible de dire que la France ne s’est pas assez préparée aux effets des accords de l’OMC de 1999 et de l’euro (suppression des risques de change…). Nos secteurs les plus exposés n’ont pas pu lutter à armes égales. La stratégie allemande du début des années 2000 a été d’accepter la relocalisation des activités les moins qualifiées dans les pays d’Europe centrale et orientale, en se recentrant sur des activités à plus forte intensité technologique. Cette stratégie a été accompagnée il est vrai par une politique de très forte modération salariale et une baisse des consommations intérieures (dont l’investissement public qui s’est effondré). De fait, le principal partenaire économique de la France a moins tiré les exportations françaises. Il est à noter que l’insuffisance des coordinations économiques en Europe a été très défavorable à la France, celle-ci a maintenu ses consommations intérieures quand d’autres Etats-membres les bridaient fortement. C’est essentiellement avec ses partenaires européens que la France « creuse » son déficit commercial. Le maintien de son haut niveau de consommation, notamment après la crise avec le plan de relance, a profité surtout à ses partenaires. Rien qu’avec l’Allemagne, la France a creusé son déficit commercial de 20 milliards d’euros depuis le début des années 2000.

Page 2: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 2/8

L’instabilité des règles fiscales est davantage mentionnée comme point négatif dans les comparaisons internationales. Le rapport pose les problèmes suivants :

- La définition de ce que l’on appelle « impôts de production » et du sens qu’on leur prête,

- La mesure précise de la part de la fiscalité reposant sur le seul secteur marchand concurrentiel,

- L’absence de distinction entre les différents types d’activités (inégalement exposés à la concurrence internationale),

- La surestimation manifeste de la part des taxes et cotisations foncières impactant les activités de production.

Définition des impôts de production

Le rapport de l’IGF cite à de nombreuses reprises des études comparées de l’OCDE ou de la commission européenne, en utilisant des définitions très larges de ce qu’est la « fiscalité de production ». La définition employée est très problématique pour la France. Elle reprend il est vrai celle de l’INSEE. Selon celui-ci, les impôts de production « englobent tous les impôts que les entreprises supportent du fait de leurs activités de production, indépendamment de la quantité ou de la valeur des biens et des services produits ou vendus ». L’INSEE détaille : « Les autres impôts sur la production peuvent être dus sur les terrains, les actifs fixes, la main-d'œuvre occupée ou certaines activités ou opérations. Ils recouvrent pour l'essentiel la taxe sur les salaires, les versements compensatoires lié au transport, la contribution économique territoriale (qui remplace la taxe professionnelle depuis 2010), les taxes foncières et la contribution sociale de solidarité des sociétés ». De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même que l’entreprise n’ait produit un quelconque résultat. Or on peut s’étonner que la contribution économique territoriale (CET) soit incluse à 100% dans la fiscalité de production. En fait, la CET n’existe pas réellement en tant qu’impôt puisqu’elle est composée de deux impôts très différents ; c’est une « fiction fiscale » qui n’a pas d’avis d’imposition en tant que tel ni de recensement. La composante principale est la CVAE, qui est un impôt assis sur un solde intermédiaire de gestion. Son assiette n’est pas le bénéfice, certes, mais il est impossible de considérer qu’elle est indépendante de la quantité ou de la valeur des biens et services produits ou vendus. La valeur ajoutée correspond au chiffre d’affaires minoré des consommations intermédiaires. Elle est donc bien liée à un résultat, donc à une production effective de biens et services. Comment l’INSEE peut-il la faire figurer dans les impôts de production ?

Page 3: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 3/8

De même, les impôts et cotisations assis sur le chiffre d’affaires ne sont pas indépendants de l’activité (même si le chiffre d’affaire est, du point de vue de l’AdCF, une assiette qui n’est en rien représentative de la capacité contributive). Il est par conséquent très important de mieux cerner ce que l’on appelle fiscalité de production, et savoir si l’on ne regarde que ce qui pèse sur l’entreprise avant même qu’elle ait produit. C’est ce que l’on appelle la taxation ex ante. Mais il n’est pas possible, dans cette hypothèse, d’intégrer la CVAE, ni même les taxes assises sur le chiffre d’affaire comme la cotisation minimale de CFE (liée au chiffre d’affaire), ou la C3S. 1ere conclusion : redéfinir ce que l’on entend par impôts de production et ne pas laisser croire que la CVAE, la C3S, la cotisation minimale de CFE voire les assiettes valeur ajoutée et chiffre d’affaire frappent la production ex ante. Cela est faux. Il est possible de minorer d’environ 20 milliards les impôts de production si l’on raisonne fiscalité ex ante.

Qui paie l’impôt et combien ?

Le rapport calcule le poids cumulé des différents impôts reposant sur les activités de production. Il n’isole pas spécifiquement la charge fiscale pesant sur l’industrie. De fait, il additionne l’ensemble des taxes qui concernent toutes les entreprises et parfois même au-delà en incluant des contribuables qui ne sont pas des entreprises mais des employeurs ou des personnes morales du secteur non marchand (hôpitaux, administrations, associations…). En évaluant à 13,34 milliards le poids de la CVAE en 2016, le rapport a pris soin de ne retenir que la seule CVAE acquittée par les entreprises, et non le produit perçu par les collectivités (environ 17 milliards). Les dégrèvements ont donc été bien « neutralisés » (contrairement à certaines études). Cela est donc correct. Le poids de la CFE est également conforme à ce qui est acquitté par les entreprises, tous secteurs confondus. On notera en revanche que ne sont pas pris en compte dans les calculs les effets du plafonnement à la valeur ajoutée de la CET (CVAE + CFE). Ce dégrèvement réduit d’un milliard d’euros la charge fiscale. C’est oublié du décompte. Lorsque le document de consultation présente les impôts à travers les types d’assiettes, il est clair que les deux composantes les plus lourdes des impôts de production (cf. tableau figurant page 7 dans le rapport) sont les impôts sur la masse salariale ou les effectifs employés (26,17 milliards) et les impositions liées au foncier (24,57 milliards). Ces deux composantes représentent 70% du total selon le rapport. Si l’AdCF n’est pas à même de vérifier les chiffres relatifs à la fiscalité nationale (impôts et cotisations affectés à la protection sociale), on formulera les remarques suivantes : Parmi les impôts reposant sur les salaires figure un seul impôt local : le versement transport. Celui-ci a augmenté avec l’émergence de nouvelles autorités organisatrices intercommunales (qui l’ont institué), des extensions de périmètres et les nouveaux taux en Ile-de-France pour financer le Grand Paris express. Le produit du VT en 2015 était de 7,7 Mds (source : GART). La moitié du produit environ est perçu en Ile-de-France.

Page 4: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 4/8

Le document IGF omet néanmoins de rappeler une chose : c’est l’ensemble des « employeurs » qui l’acquittent et pas les seules entreprises du secteur marchand. Administrations publiques, hôpitaux, associations… paient le VT. Le produit reposant sur les entreprises du secteur marchand ne représente que les deux tiers environ du produit global, soit plutôt 5 milliards. Il convient de rappeler également que seules certaines entreprises acquittent le VT, à savoir les entreprises de plus de 11 salariés. De fait, cet impôt ne frappe pas toutes les activités de production.

Il faudrait vérifier qu’il n’y a pas d’autres interprétations trop « extensives » concernant les impôts et cotisations reposant sur la masse salariale. La taxe sur les salaires (11 milliards d’euros) ne frappe que certaines activités, notamment financières (banque, assurance) mais aussi le secteur santé (hôpital) et associatif. La taxe sur les salaires est une taxe due par les employeurs établis en France qui ne sont pas redevables de la TVA ou qui le sont sur moins de 90 % de leur chiffre d’affaires. Elle est là pour compenser un régime spécifique de ces activités. Mais faut-il vraiment la comptabiliser dans les « impôts de production » ? Elle ne frappe pas l’industrie. Elle concerne également des secteurs non marchands (santé, associatif). Il est donc étonnant que le document comptabilise la taxe sur les salaires à 100% en impôts de production et n’évoque pas une piste d’allègement « statistique » (en requalifiant cet impôt en équivalent TVA). Il est en tout cas tout à fait contestable de placer la taxe sur les salaires dans un document sur la fiscalité de production. De même figurent des contributions à la protection sociale qui reposent sur l’ensemble des employeurs et qui sont gérées par les partenaires sociaux : contribution au FNAL, taxe d’apprentissage… Peut-on vraiment parler d’impôts de production ? Selon l’OCDE (https://data.oecd.org/fr/tax/impot-sur-les-salaires.htm), la charge fiscale (impôts) sur les salaires est passée en France de 1% du PIB environ en 2000 à 1,55% en 2016. L’Allemagne, mais aussi la Belgique, l’Espagne, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon n’ont aucune charge fiscale sur les salaires. En revanche, la Suède présente des impôts sur les salaires à 4,6% du PIB, l’Autriche à 2,96% en 2016. Les moyennes de l’OCDE ne signifient pas grand-chose de fait puisque ce sont les systèmes de financement qui divergent très fortement d’un pays à l’autre. Si l’on retient les cotisations de sécurité sociale, la France détient le record avec 16,73% du PIB suivie par l’Autriche (14,85%), les Pays-Bas (14,83%) et l’Allemagne (14,14%) et des petits pays (Slovénie, République Tchèque, Slovaquie). Des pays comme l’Australie ou la Nouvelle Zélande sont à 0% ! Là encore les moyennes OCDE ne sont pas très significatives compte tenu des différences de financement des régimes assuranciels. Faut-il placer le financement de notre protection sociale dans les impôts de production ?

Dans les comparaisons internationales relatives aux prélèvements obligatoires, un biais provient très souvent du fait que l’on intègre pour la France son mode de financement de la protection sociale. C’est toujours désavantageux en analyse comparée car nous disposons d’un système de protection sociale très généreux, fortement socialisé et public, et qui repose depuis 1945 principalement sur le travail (le poids des prélèvements obligatoires liés à la protection sociale n’a eu de cesse de croître depuis 1960 cf. graphique ci-dessous). En revanche, et c’est le paradoxe, c’est ce mode de financement qui justifie le rôle éminent des « partenaires sociaux » dans le pilotage de la dépense publique-sociale. Sauf erreur, le poids de la fiscalité de production en Allemagne apparaît plus faible car

Page 5: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 5/8

il n’y aucun impôt assis sur les salaires. La Suède présente une fiscalité de production plus élevée que la France, suivie de l’Autriche, car elles disposent d’impôts importants sur les salaires (en plus des cotisations de sécurité sociale). Cela n’empêche pas ces deux pays d’avoir un socle industriel solide et très compétitif. De fait, le débat sur la « fiscalité de production » peut s’avérer compliqué avec les partenaires sociaux car, en tant que co-gestionnaires des régimes de protection sociale mais aussi de fonds spécifiques comme le FNAL ou la formation professionnelle, ils privilégieront les allègements de la fiscalité locale. C’est pourtant en poursuivant le basculement d’une part du financement de la protection sociale sur d’autres assiettes (environnement, consommation, ensemble des revenus) que l’on pourra alléger le plus les prélèvements obligatoires (cotisations et impôts) pesant sur les activités productives.

A la suite du document de consultation, il serait en tout état de cause utile de demander aux auteurs de recalculer correctement le poids des impôts et cotisations sur les salaires qui reposent réellement sur les entreprises du secteur marchand (en excluant les autres employeurs).

Identifier les déséquilibres de niveaux d’imposition entre secteurs « exposés » et « abrités »

Il convient également de regarder ce qui pèse réellement in fine sur les activités industrielles. On verra notamment que certains impôts (comme la taxe sur les salaires) ne concernent pas ou très peu les secteurs industriels. En revanche, on constatera que nos systèmes de cotisations sociales, comme le versement transport et la CVAE pèsent davantage sur les entreprises industrielles.

Page 6: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 6/8

Les secteurs industriels sont caractérisés par des tailles d’entreprises en moyenne supérieures, des chiffres d’affaires plus élevés, des rémunérations moyennes plus importantes. Les travaux récents (cf. Fabrique de l’industrie) montrent que l’industrie a moins profité des allègements de charges sur les bas salaires comme du CICE. De même, elle a moins profité que d’autres secteurs de la réforme de la taxe professionnelle (car la CVAE est payée en fonction du chiffre d’affaires). Elles paient également le VT car les entreprises industrielles font souvent plus de 11 salariés. De fait, il faudrait aller plus loin que l’analyse globale de la fiscalité de production pour regarder plus finement ce qui repose in fine sur l’industrie. Il est évident que notre système fiscal et de cotisations obligatoires tend à la défavoriser. Les réformes fiscales justifiées pour améliorer la compétitivité des entreprises industrielles françaises ont en fait souvent profité à d’autres.

Quid des impositions foncières ?

C’est sur ce sujet que le document de consultation mériterait d’être le plus approfondi. Les cotisations et impôts assis sur des assiettes foncières peuvent tout à fait répondre à la définition INSEE d’impôts qui frappent avant toute production réelle. Il reste maintenant à voir quelles sont les impositions qui constituent selon le document près de 34% des impôts de production, soit 24,5 milliards ! L’AdCF a beau refaire ses calculs, elle ne trouve pas d’où vient cette estimation. La CFE est évaluée à 6,5 milliards de produits, ce qui est correct (mis à part l’effet plafonnement valeur ajoutée de la CET). Mais il reste 18 milliards d’impositions foncières supposées entrer dans la fiscalité de production. Le document doit comptabiliser certains impôts indirects ou les taxes sur les bureaux (qui ne concernent que l’Ile-de-France). La grande composante de la fiscalité foncière est la taxe foncière sur les propriétés bâties que les entreprises acquittent lorsqu’elles sont propriétaires de leurs locaux. Le document de consultation affecte néanmoins 12 milliards de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux « impôts de production » ce qui est très surestimé au sein des 32 milliards de produits (38% !). A fortiori si l’on devait restreindre le champ aux impôts fonciers pesant sur l’industrie. La part des locaux professionnels dans l’ensemble des taxes foncières, ainsi que leur part dans l’impôt payé, situent plutôt la taxe foncière « entreprises » autour d’un quart des taxes foncières. Pour y voir plus clair il serait utile de voir ce que l’on considère relever de la taxe foncière en tant qu’impôt de production. La taxe foncière est acquittée par le propriétaire. Mais ce n’est pas le statut de ce dernier qu’il faut regarder ; certaines entreprises détiennent des immeubles qu’elles louent à des particuliers (cf. organismes de logements sociaux, foncières…) et il serait aberrant de considérer ces taxes foncières comme relevant de la fiscalité de production. D’un point de vue économique, il faudrait davantage regarder la fiscalité foncière qui repose sur des immeubles affectés à des activités économiques concurrentielles. Il faut ainsi regarder les seuls locaux modèle U (industries) et les locaux professionnels dont les valeurs locatives ont été révisées.

Page 7: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 7/8

Ce sujet est important car ce sont les impositions foncières qui ont le plus augmenté depuis la suppression de la TP et qui sont contestées par les entreprises. Celles-ci confondent néanmoins parfois les augmentations de produits liées à des politiques de taux (notamment les hausses départementales des dernières années) avec les augmentations de produits liées à la construction d’immeubles (croissance physique des bases) ou aux revalorisations forfaitaires des bases. On notera également que le rapport IGF ne mentionne guère les impositions résiduelles sur les immobilisations (réseaux, investissements), quasiment disparus avec la suppression de la taxe professionnelle (pour ne pas taxer le capital productif). Il reste néanmoins à traiter du statut des IFER qui atteignent 1,5 milliards d’euros de produits.

Page 8: Fiscalité de production : approfondir l’analyse...De fait, le document de consultation explique que la fiscalité de production rassemble les impôts que l’on paie avant même

_ AdCF – 22, rue Joubert 75009 Paris 8/8

Conclusion :

En synthèse, le document de consultation et les chiffrages diffusés largement dans la presse doivent être approfondis et revus. Il faudrait en premier lieu « retraiter » les données pour n’évoquer que les seules fiscalités et cotisations reposant sur les entreprises du secteur marchand (et non tous les employeurs). Cela concernerait surtout les assiettes « salaires » (VT, cotisations diverses des employeurs…). Il faudrait idéalement mieux cerner la fiscalité qui repose sur les activités en concurrence internationale (secteurs exposés) pour voir dans quelle mesure celles-ci sont pénalisées par les allégements et dégrèvements centrés sur les petites entreprises et les faibles chiffres d’affaires. Des mesures de rééquilibrage pourraient être proposées (convergence du taux de CVAE vers un taux unique intermédiaire, allègements de charges sur le travail moins concentrés sur les seuls bas salaires…). Une réflexion devrait être conduite, à produit fiscal constant, pour mieux équilibrer la répartition inter-sectorielle des prélèvements obligatoires. Il faudrait totalement réévaluer le poids des différentes taxes et cotisations foncières sur les activités productives en s’entendant tout d’abord sur l’incidence finale de l’impôt : celui qui l’acquitte ou celui qui utilise le bien assujetti ? A notre sens, ne doivent être comptabilisées que les seules taxes ou cotisations reposant sur les locaux professionnels, et non les logements et locaux administratifs/associatifs éventuellement détenus par des entreprises (cf. entreprises sociales de l’habitat)

CONTACTS TECHNIQUES

Nicolas Portier T. 01 55 04 89 00 [email protected] r