Financement des entreprises

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Financement des entreprises Cours Prof. Jean-Louis BESSON Sommaire /( ( ((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( .( " ((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( /( ( (((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( 0( ! + *(((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( .( ) ,- ((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( /( (((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( 1( # ( ((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( .( ,-((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( /( %( (((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( 2( ( (((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( .( ))) $ * ((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((( /( (((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((((

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Financement des entreprises

Cours

Prof. Jean-Louis BESSON

Sommaire

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Il y a finance parce que les flux de trésorerie entrants et sortants ne coïncident

pas.

Les trois premiers chapitres sont consacrés au financement à moyen-long

terme, en référence à la décision d'investissement. Un investissement décidé à une

date t0 portera ses fruits jusqu'à son terme. Alors, l'entreprise sera remboursée de

sa dépense initiale mais c'est à t0 qu'elle doit payer celle-ci. Aussi rencontre-t-elle

un problème de financement. Si elle recourt au financement externe, des

investisseurs financiers vont avancer le montant de l'investissement et le porter

jusqu'à l'échéance en échange de tout ou partie des flux qu'il génère.

Le chapitre central (CH3 "Equivalence dette/capital") doit être précédé de

développements sur la dette et le capital. J'ai choisi de commencer par la dette

(CH1), tout en sachant bien qu'il aurait été plus attractif de faire passer le capital

en premier. Mais le chapitre sur le capital s'appuie sur la problématique de

l'actualisation qu'il est commode d'exposer à partir de la dette qui offre les

instruments nécessaires au "voyage dans le temps" que nécessite la temporalité

différente des flux de trésorerie engendrés par un actif financier : ces flux futurs

ont un calendrier et il faut ramener leur date au temps t0 où se prend la décision

financière.

La construction des deux premiers chapitres n'est pas symétrique car

l'incertitude affectant les actions n'est pas réductible à celle qui affecte les dettes.

Sur cette base, le CH3 expose et discute le théorème de neutralité financière de

Modigliani-Miller qui constitue le cœur d'un cours de Corporate Finance.

A cette approche de moyen-long terme, le CH4 ajoute le court terme

(trésorerie) : indépendamment de tout investissement, le cycle de production

consiste à acheter des inputs à les transformer et à vendre les outputs. Le décalage

entre les paiements aux fournisseurs et les règlements des clients fait surgir un

problème financier dont la période est brève mais dont l'incidence sur la

rentabilité et même la survie de l'entreprise peut être grande.

Enfin, dans la mesure où la plupart des entreprises sont de taille petite et

moyenne, il m'a paru souhaitable d'ajouter des développements spécifiques sur le

financement des PME qui, utiles en eux-mêmes, concrétisent la problématique de

la relation de financement.

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CH 1. La dette. Dans le financement par endettement, l'emprunteur, en contrepartie de l'usage

des fonds jusqu'à l'échéance, prend l'engagement juridique de payer les intérêts

convenus selon les modalités convenues et de rembourser sa dette selon les

modalités convenues. Cet engagement est contraignant et son exécution est

garantie par les tribunaux. La sanction est la liquidation des actifs de l'entreprise

qui constitue une expropriation légale (partielle ou totale) des actionnaires par les

créanciers.

Pour les très petites, petites et moyennes entreprises et les entreprises jeunes

qui n'ont pas accès aux marchés financiers, le choix est entre financement interne

et endettement bancaire. Les grandes et très grandes entreprises elles-mêmes n'ont

pas toujours accès au marché du capital et au marché de la dette dans les mêmes

conditions : d'un côté, une conjoncture boursière baissière rend peu attractives les

augmentations de capital et, de l'autre, les primes de risque sur les marchés de

dette dépendent de la perception (variable) du risque par les investisseurs et de la

conjoncture financière.

Comme tout instrument financier, la dette "marche sur deux jambes" : on

emprunte à des prêteurs, on prête à des emprunteurs. Le contrat de dette fixe les

droits et les devoirs réciproques des deux côtés.

La section 1 se situe plutôt du côté des emprunteurs : la dette est, avec le

capital (CH 2) une modalité de financement à moyen/long terme. La section 1 est

consacrée aux types et modalités d'endettement.

La section 2 se situe plutôt du côté des investisseurs financiers (prêteurs) : la

dette est un actif financier qui, au moment de la décision d'investissement, est en

concurrence avec d'autres actifs. C'est le rendement qui conditionne la décision.

1. La dette comme financement (moyen/long terme)

Deux possibilités s'offrent à une entreprise qui a un besoin d'investissement : la

première consiste à louer le matériel au lieu d'emprunter pour l'acheter, c'est le

crédit-bail (leasing), souvent qualifié d'endettement-loyer (§1.1). La seconde est

de s'endetter, soit auprès d'une banque (crédit), soit en émettant des obligations.

Nous verrons d'abord les caractéristiques générales d'un tel contrat de dette (§1.2)

et examinerons ensuite les clauses spéciales ou modalités particulières qui peuvent

y être ajoutées (§1.3).

1.1. Le crédit-bail (leasing)

Traditionnellement, le leasing est présenté au chapitre "endettement" quoiqu'il

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s'y substitue : l'entreprise, n'achetant pas l'actif d'exploitation, n'a pas à le financer.

Le leasing remplace l'endettement mais, étant un contrat à moyen long terme dont

la dénonciation demande des formalités et entraîne des coûts, il oblige l'entreprise

à des paiements récurrents contractuels semblables aux charges financières nées

de l'endettement.

Le crédit-bail consiste à obtenir la disposition d'un actif (avions, bateaux,

camions, automobiles, machines, matériels de bureau etc.) sans l'acheter. Tous les

actifs susceptibles d'une immobilisation matérielle peuvent faire l'objet de tels

contrats de location de longue durée (de 2 ans à 7/8 ans), assortis ou non d'une

option d'achat à l'échéance (LOA). Le leasing s'étend aujourd'hui aux applications

informatiques (en mode SaS "software as a service"), notamment pour la paie, la

relation client, la comptabilité ou la gestion et pilotage d'entrepôts ou de flottes.

a) Présentation

La location est caractérisée par la séparation entre le propriétaire (crédit-

bailleur) et l'utilisateur (crédit-preneur).

L'entreprise ("crédit-preneur") utilise l'actif dont l'institution de crédit-bail est

propriétaire. Celle-ci peut être le fournisseur de l'actif (par exemple, elle possède

une flotte d'avions offerts en leasing) ou ne pas l'être (leasing financier) : il y a

alors report de l'endettement, le crédit-bailleur empruntant pour acheter le bien et

le louer. Le bailleur emprunte à la place de l'utilisateur, ce qui est avantageux

puisqu'il bénéficie de conditions financières meilleures. Le crédit-bailleur est une

société financière, généralement filiale d'une banque : celle-ci lui procure ses

ressources en ajoutant une commission au coût de la liquidité bancaire, soit

beaucoup moins cher que le coût du financement pour l'entreprise.

L'alternative pour l'entreprise (resp. pour l'institution de crédit) est donc : ou

bien emprunter (resp. prêter) pour acheter l'actif et le revendre ultérieurement à sa

valeur résiduelle, ou bien le prendre en location (resp. donner en location) et le

rendre (reprendre) ultérieurement. Dans le premier cas, l'entreprise paie des frais

financiers, dans le second elle paye un loyer. En pratique, le paiement du loyer est

tout aussi obligatoire que le paiement des intérêts puisque, en cas de défaillance,

les garanties et l'actif sont saisis, ce qui ampute ou perturbe l'activité de

l'entreprise. La location a donc le même effet sur le résultat que l'endettement.

Néanmoins, le crédit-bail peut être considéré comme un moyen de financement

alternatif à l'emprunt. Le montant des loyers mensuels dépend de la valeur

résiduelle, i.e. la valeur de revente du bien à l'échéance du contrat. Du côté du

loueur, il équivaut à un prêt collatéralisé : en cas de non paiement d'un loyer, le

bien est récupéré sans avoir besoin de formalités puisqu'il est resté la propriété du

bailleur.

A l'échéance, si l'actif loué a encore une valeur résiduelle positive, deux cas

peuvent se présenter : ou bien le contrat prévoit que le crédit-preneur restitue le

bien au crédit-bailleur qui le vend ou le loue à nouveau ; ou bien le contrat

accorde une option d'achat (LOA) à l'entreprise.

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Les contrats de LOA prévoient souvent un premier loyer très élevé (apport

initial important) et le rachat à l'échéance d'un actif usé ou obsolète n'est pas

toujours intéressant.

La location de longue durée (LLD), sans rachat, annexe généralement une série

de services (maintenance, assistance, assurance). Elle coûte moins cher à

l'entreprise et reporte le risque résiduel sur le bailleur : ainsi, les crédit-bailleurs

automobiles américains ont dû récupérer des 4 4 et autres monstres énergivores

invendables.

Cette différence est également importante du point de vue comptable : si, dans

les deux cas, l'entreprise récupère la TVA, les normes IFRS traitent différemment

le crédit bail selon qu'il s'agit d'une location simple ou d'une location-achat

explicite. Dans ce dernier cas, l'opération est considérée comme une acquisition

d'actif par l'entreprise et les loyers traités comme des frais financiers. L'actif peut

alors être amorti (puisqu'il est réputé acheté par l'entreprise), ce qui génère une

économie d'impôt additionnelle.

S'il s'agit d'une location simple, les loyers payés viennent bien en déduction du

résultat imposable mais l'actif ne peut pas être amorti de sorte que l'économie

fiscale est plus faible.

b) Avantages et inconvénients

Du point de vue financier, le crédit-bail est à peu près équivalent à un achat à

crédit. Il présente cependant un avantage significatif pour les entreprises dont

l'accès à l'emprunt est limité ou trop coûteux : ces entreprises disposent des actifs

productifs nécessaires qu'elles payent au fur et à mesure qu'ils engendrent des flux

de trésorerie. Les prêteurs potentiels pourraient refuser le risque de crédit ou le

faire payer cher mais le risque est moindre pour le bailleur puisqu'en cas

d'incident de paiement il lui suffit de récupérer l'actif, sans être en concurrence

avec les autres créanciers. Le problème du financement est simplifié.

Du point de vue économique, le crédit-bail répond à une logique

d'externalisation. L'autre option est d'acheter l'actif, de l'entretenir et de le réparer

éventuellement et de le revendre à sa valeur résiduelle lorsqu'il n'est plus utile ou

lorsqu'il devient moins efficace. Cela met à la charge de l'entreprise, non

seulement des coûts supplémentaires, mais des tâches pour lesquelles elle n'est pas

toujours la plus performante.

Un bailleur spécialisé (par exemple une entreprise dont l'activité consiste à

acheter des automobiles et à les louer aux entreprises pour leur flotte) a une

expertise particulière relative à l'actif et, grâce à sa clientèle, est mieux placé sur le

marché secondaire (revente) que l'entreprise utilisatrice. En cas de défaut du

crédit-preneur, il n'aura pas de difficulté à trouver un nouveau client, de même

qu'à l'échéance. Plus encore, la location apporte une garantie de qualité à

l'entreprise utilisatrice pour des biens que leur complexité ou leur âge rendent

difficiles à évaluer. L'entreprise loue un bien pour le faire fonctionner et, en cas de

problème, le bailleur devra le réparer ou remplacer.

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Du fait de sa spécialisation, le bailleur a une efficacité supérieure pour la

maintenance de l'actif et, parfois même, pour son utilisation, les équipements

spécialisés étant alors loués avec leur opérateur. Il est souvent plus raisonnable

pour une entreprise de faire appel à des loueurs plutôt que d'acheter les actifs,

souscrire des contrats de maintenance et de supporter les coûts de réparation et, in

fine, les coûts de revente.

Mais, d'un autre côté, le crédit-bail peut permettre aux dirigeants de contourner

le contrôle des dépenses d'investissement et d'acquérir durablement l'usage de

machines ou de biens inutiles ou peu utiles (par exemple, des voitures de fonction

disproportionnées). En effet, la location simple est un engagement hors-bilan (à la

différence de la location-achat qui, en IFRS, dans certains cas, est retraitée pour

figurer au bilan) : alors que l'achat à crédit se voit et se traduit dans les ratios

financiers de l'entreprise par une augmentation du taux d'endettement, la location

simple n'apparaît pas alors même qu'elle constitue un engagement. Il est donc

facile d'en abuser.

1.2. Le contrat d'endettement

Crédit bancaire et titres de dette sont des contrats semblables qui ne diffèrent

que par leur liquidité.

Le crédit est accordé par une banque ou par plusieurs banques agissant

ensemble derrière une banque leader (crédits consortiaux ou "syndiqués"). Les

prêteurs le "nourrissent" jusqu'à l'échéance, en portent les risques et assurent, pour

le compte de leurs propres créanciers, la surveillance de l'emprunteur. Lorsqu'il

s'agit d'entreprises n'ayant pas accès au marché et diffusant peu d'information

financière, les banques procèdent à l'évaluation et à la tarification du risque de

crédit que les investisseurs ne pourraient pas effectuer. Pour cela, elles utilisent

l'information interne dont elles disposent si l'entreprise est leur cliente,

l'information financière de l'entreprise et les classements établis par des agences

spécialisées, privées (par exemple, Euler Hermes) ou publiques.

Au contraire, lorsque les entreprises ont accès au marché et choisissent

d'émettre de la dette, celle-ci est fragmentée en parts, souscrites anonymement par

une multitude d'investisseurs : ces derniers peuvent revendre sur un marché

secondaire les titres de créances négociables (TCN) qu'ils reçoivent et doivent

surveiller et gérer eux-mêmes le risque qu'ils prennent. De ce fait, la dette a une

valeur nominale (fixe) et une valeur de marché (variable) qui dépend des

conditions de marché (facteur systématique) et des conditions particulières de

l'emprunteur (qualité de la dette).

Toutefois, une partie des émissions de titres de dette ne passe pas par des

appels publics à l'épargne mais est placée auprès d'investisseurs "qualifiés" qui les

négocient sur un marché de gré à gré. Et, dans l'autre sens, une partie des crédits

bancaires est transformée en instruments de marché à travers la titrisation.

Les émissions de dette longue d'entreprise (dette Corporate) ont une durée

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initiale d'au moins 5 ans et prennent la forme d'obligations ou de BMTN (bons à

moyen terme négociables). Si la dette fait l'objet d'une émission publique, elle

s'accompagne d'un "prospectus" visé par l'autorité de marché, donnant les

caractéristiques techniques et juridiques du contrat de dette. La dette est mise sur

le marché par l'intermédiaire d'une banque introductrice (avec ou non garantie de

placement) et il est désigné un représentant des créanciers obligataires qui est

chargé de défendre leurs intérêts en s'assurant que les termes du contrat sont

respectés par l'émetteur (ou en approuvant les modifications) et d'agir pour leur

compte en cas de défaut. Ce "représentant de la masse obligataire" a un droit

d'information et assiste aux AG.

Surtout lorsqu'il prévoit des garanties (collatéralisation d'actifs de l'entreprise),

le contrat de dette doit préciser le rang des créanciers. En effet, tous les créanciers

de l'entreprise sont potentiellement en conflit sur la répartition des flux et le seront

effectivement en cas de défaut puisqu'ils devront alors se partager le produit de la

liquidation des actifs. Dans chaque pays, le droit de la faillite définit des priorités

et fixe les règles de partage des actifs liquidés : les dettes fiscales et sociales

viennent généralement en premier, ainsi que les dettes à l'égard des salariés. Les

créanciers non privilégiés sont a priori équivalents et leur hiérarchisation n'est pas

du domaine du droit mais du domaine des contrats. Ceux-ci distinguent deux

types de dettes : les dettes "senior" dont le paiement est prioritaire et les dettes

"junior" (on dit aussi "equity" ou dette subordonnée) dont le remboursement passe

après (ce qui est rémunéré par une prime de risque). Entre les deux, toute une

gradation est possible. Le contrat de dette doit donc préciser le "rang de séniorité"

des créanciers concernés.

Les principales caractéristiques d'une dette concernent a) son émission, b) son

remboursement, et c) les intérêts.

a) Emission

La première caractéristique est la valeur nominale (valeur de remboursement).

Il faut préciser la date de jouissance (habituellement date de règlement par

l'investisseur) et la date d'échéance.

Par exemple, le 1er septembre, on annonce une émission de 100 mions à 10 ans en parts de 5000, date de règlement 21 septembre 2011, échéance 21 septembre 2021.

Si la dette est émise sur un marché, son prix de marché initial correspondra à la

valeur nominale si les conditions de marché ont été correctement anticipées ou

sera inférieur (décote) ou supérieur (surcote) à cette valeur selon que la demande

sera, respectivement, inférieure ou supérieure aux prévisions.

L'attractivité de la dette peut être renforcée au moyen d'une prime d'émission

ou d'une prime de remboursement : s'il y a une prime d'émission, le titre est

émis au-dessous du pair ; symétriquement, s'il y a une prime de remboursement, le

remboursement se fera au-dessus du pair.

- soit une prime d'émission de 0,5% : le prêteur paye 99,5% de la valeur nominale au lieu de 100%. Avec notre obligation à 5000, il paye 0,995 5000=4975 un titre qui

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sera remboursé 5000 et gagne 25 n, n étant le nombre de titres acquis.

- soit une prime de remboursement de 0,5% : le prêteur apporte 5000 et, à l'échéance, est remboursé 5025. Il gagne 25 n

b) Remboursement

La modalité la plus simple est le remboursement à l'échéance (in fine), ce qui

est assez clair pour ne pas demander d'explication : un emprunt de 100 à 10 ans

entraîne le paiement périodique d'intérêts et, à l'échéance, le remboursement de

100. Précisons seulement le principe de nominalisme des contrats : un emprunt

doit être remboursé franc pour franc, indépendamment des variations de la valeur

externe (taux de change) ou interne (pouvoir d'achat) de la monnaie.

Deux autres modalités sont envisageables : remboursement en totalité avant

l'échéance ou remboursement progressif.

la clause de remboursement anticipé

Une telle clause doit être prévue dans le contrat de dette (par défaut, la dette ne

s'éteint qu'à l'échéance). Elle prévoit la possibilité de mettre fin au contrat avant

l'échéance, à l'initiative de l'emprunteur ou à celle des créanciers. La dette étant

alors remboursée, les intérêts ne courent plus et n'ont plus à être payés.

Même si les effets sont semblables, il ne faut pas confondre le rachat des titres

par l'emprunteur et le remboursement anticipé. Lorsque la dette a été émise sur le

marché, les titres font l'objet de ventes/achats secondaires. L'emprunteur peut

racheter sa dette. Il y aura avantage si le prix de marché est suffisamment inférieur

à la valeur nominale (valeur de remboursement). En quelque sorte, le débiteur

devient son propre créancier ce qui ne lui coûte plus rien. La faculté de procéder à

de tels rachats n'a pas à être stipulée dans le contrat de dette, elle résulte de la

propriété de négociabilité des titres.

Le remboursement anticipé peut adopter une multitude de formes (avant une

certaine date, à partir d'une certaine date, à une certaine date, pendant une certaine

période, etc.) : il constitue un rachat à prix garanti, c'est-à-dire un call (s'il est au

bénéfice de l'émetteur) ou un put (s'il est au bénéfice du souscripteur) sur les titres

de dette. Le call est exercé par l'entreprise si le prix d'exercice est inférieur au prix

de marché. Il est donc intéressant quand le taux d'intérêt baisse : l'entreprise peut

s'endetter au nouveau taux pour rembourser l'emprunt antérieur tandis que les

investisseurs devront placer les fonds reçus à un taux inférieur. Le remboursement

anticipé joue ici en faveur de l'emprunteur et non du prêteur.

• amortissement

Ici, le remboursement n'attend pas l'échéance mais se fait progressivement par

tranches.

Le plus simple est l'amortissement par annuités constantes. La valeur nominale

est divisée par le nombre d'années et la dette diminue peu à peu. Evidemment,

pour l'année suivante, les intérêts ne sont dûs que sur le montant restant. Toutes

les modalités sont envisageables : l'amortissement peut être par annuités

constantes à partir d'une certaine année ou par annuités inégales selon une formule

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dégressive ou progressive.

Dans les crédits bancaires, les flux annuels (ou mensuels) réglés par

l'emprunteur sont constants et incluent habituellement, à chaque période, une

proportion décroissante d'intérêts et une proportion croissante de remboursement.

Pour notre titre de 5000 à 10 ans, si l'amortissement est constant et commence dès la 1ère année, 5000/10 donne un remboursement de 500 chaque année. Dans ce cas, les intérêts courent sur 5000 la 1ère année, 4500 la 2ème etc.).

Le premier flux est donc de 500+0,05 5000=750.

Le second 500 + 0,05 4500= 725

Autre cas : si le remboursement est prévu par annuité constante à partir de la 6ème année, il est de 1000 par ans. Les 5 premiers flux sont des paiements d'intérêt sur toute la somme due et les intérêts diminuent à partir de la 7ème année.

L'avantage de l'amortissement pour le prêteur est que son exposition au risque

de crédit diminue avec le temps (alors qu'il est totalement exposé lorsque le

remboursement est in fine). La conséquence est un taux d'intérêt inférieur puisque

le risque est plus faible.

c) Intérêts : taux du coupon et modalités de paiement

Le "coupon" est le montant périodique des intérêts. Cette dénomination vient

de l'époque où les obligations avaient la forme de documents papier imprimés sur

lesquels figuraient des vignettes à détacher à chaque date de paiement des intérêts.

Le paiement du coupon est généralement annuel mais peut être semestriel,

trimestriel, voire mensuel.

Dans le cas d'un titre coupon zéro, aucun coupon périodique n'est payé : les

intérêts annuels sont capitalisés et payés en un seul flux, soit à l'échéance, avec le

remboursement, (intérêts postcomptés), soit, plus rarement, à l'émission, sous la

forme d'une décote (intérêts précomptés).

Pour un titre de valeur nominale 100 à 5% sur 5 ans, le flux final sera de 127,63, correspondant au remboursement + les intérêts de la 1ère année capitalisés pendant 4 ans + les intérêts de la 2ème année capitalisés pendant 3 ans + etc.

Dans l'autre sens (intérêts précomptés), le montant à payer en t0 est celui qui, au taux d'intérêt convenu 5%, correspond à un paiement à l'échéance de 100 (principal et intérêts), soit 100/1,2763=78,35. L'investisseur paye 78,35 un titre de valeur nominale 100 qui lui sera remboursé 100 à l'échéance.

Le taux d'intérêt (taux du coupon) peut être fixe, variable, révisable ou indexé :

- taux fixe (TF), c'est le cas standard : le montant du coupon est fixé à l'avance,

c'est le taux d'intérêt contractuel multiplié par la valeur nominale du titre. Si un

emprunt de 100 millions à 5% est fragmenté en parts de 5000, chaque titre reçoit

un coupon annuel de 5000 0,05=250. Le montant total des intérêts annuels dûs

par l'emprunteur est évidemment 100m 0,05=5 millions.

- taux variable (TV) : les intérêts dûs sont périodiquement calculés à partir

d'un taux de référence de marché (généralement un taux monétaire comme le

LIBOR) auquel s'ajoute une prime fixe. Le TV est favorable à l'emprunteur quand

les taux du marché baissent et au prêteur quand ils montent. Des couvertures

peuvent alors être nécessaires (swaps ou dérivés de taux).

LIBOR 3 mois + 200 bp sur une base annuelle. Les intérêts de l'année écoulée sont

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calculés en faisant la moyenne du LIBOR en fin de journée au cours de la période écoulée, auquel on ajoute 200 points de base (2%).

Soit 4,27% pour la moyenne du LIBOR + 2,00% de prime, le taux est 6,27% qu'on applique à la valeur nominale (0,0627 5000=313,50).

- taux révisable : à tel moment, ou pendant telle période, ou si tel événement

survient, le taux peut être modifié à l'initiative de l'emprunteur ou à l'initiative du

prêteur selon des modalités convenues à l'avance. Pour notre obligation 5000/5%/10 ans, à chaque anniversaire de l'obligation, si le

taux d'intérêt à 10 ans du marché, s'établit 100 points de base (1%) au-dessus (au-dessous) de celui de l'année précédente, le taux d'intérêt pour l'année à venir est majoré (minoré) de 50 bp par l'emprunteur. Un tel contrat diminue le risque de taux (la différence entre le taux fixe et le taux de marché).

- taux indexé : c'est un TV qui n'est pas calculé à partir d'un taux d'intérêt de

référence mais d'une autre variable pertinente, par exemple, le taux d'inflation.

Les obligations indexées sur l'inflation (à ce jour, émises principalement par des

emprunteurs publics) assurent un taux d'intérêt réel fixe en payant un intérêt

nominal selon une formule du type x% (fixe) + taux d'inflation moyen de l'année.

N'importe quelle indexation est possible, dès lors qu'elle est acceptée, par

exemple, les intérêts dûs sur les crédits immobiliers peuvent être indexés sur un

indice des prix immobiliers.

1.3. Clauses spéciales

Ces clauses ont pour effet de donner à la dette certaines caractéristiques des

actions, soit en termes de droits de contrôle (clauses de sauvegarde), soit en

termes financiers.

a) Clauses de sauvegarde

Lors d'un endettement, les créanciers peuvent exiger des clauses de sauvegarde

contractuelles (covenants) qui interdisent ou punissent des comportements

contraires à leurs intérêts.

Créanciers et actionnaires se partagent les flux de trésorerie générés par

l'entreprise (et, en cas de liquidation, les actifs) : les engagements de l'entreprise à

l'égard des créanciers sont prioritaires par rapport aux droits des actionnaires.

Ceux-ci ou les dirigeants qui les représentent peuvent alors être tentés par des

actions frauduleuses (dilapidation des actifs sous forme de dividendes exagérés)

ou imprudentes (endettement excessif et/ou stratégies à haut risque). Les

covenants permettent de surveiller ce "risque moral" (moral hazard). Aussi fixent-

ils souvent des limites à certains ratios financiers (notamment les ratios

d'endettement : dette/EBE ou dette/EBITDA, dette/cash flow consolidé, ratio de

couverture des frais financiers...).

Le non respect de ces clauses est sanctionné par une renégociation coûteuse et

conditionnelle (waiver), des suppléments d'intérêts, voire, en cas de désaccord,

l'exigibilité immédiate de la totalité de la créance.

Ces clauses protègent les créanciers au détriment des actionnaires. Néanmoins,

ceux-ci les acceptent car, en diminuant le risque des créanciers, elles réduisent le

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coût de la dette.

Outre les engagements "de faire" (comme informer les créanciers des décisions

ou événements importants) et de "ne pas faire" (comme ne pas dépasser les

valeurs limites des ratios financiers), les covenants comportent fréquemment deux

clauses standard :

- la clause pari passu (égalité de traitement des créanciers) : si, dans l'avenir,

l'entreprise octroie des garanties supplémentaires à d'autres créanciers de même

rang, elle s'engage à en faire bénéficier les premiers ;

- la clause de cross default (égalité de traitement des créances) : si l'entreprise

fait défaut sur une autre dette, la présente créance deviendra immédiatement

exigible.

Ces covenants peuvent avoir des effets dangereux : lorsqu'ils ont été négociés

dans des périodes d'expansion sur la base de projections en hausse du chiffre

d'affaires, du résultat d'exploitation ou de la capitalisation boursière, ils prennent

l'entreprise au piège si la situation se retourne.

Le cas typique en 2009 a été celui de Lafarge (ci-dessous) mais, avec la crise,

peu d'entreprises respectaient leurs covenants (selon Bucephale Finance) et les

dérogations obtenues après renégociation leur ont coûté en moyenne 300bp

d'intérêt supplémentaire.

Le cas Lafarge (d'après les articles de Les Echos au 1er sem. 09) Lafarge, avec un endettement net déjà important, s'était lourdement endetté pour

racheter Orascom en Décembre 2007 et devenir ainsi le n°1 mondial de son secteur,

avec le soutien enthousiaste des investisseurs. L'endettement net atteignait alors 17mm pour 7mm de capitaux propres (243%).

Les 7 mm de dette Orascom auprès d'un consortium bancaire venaient à échéance par tranches : 1,8mm en 2008 ; 2,3 en 2009 ; 3,1 en 2012.

Mais la dégradation de son marché faisait buter l'entreprise sur une clause de sauvegarde qui rendait la dette Orascom immédiatement exigible si le ratio endettement net/EBITDA passait au-dessus de 3,75.

En réduisant les dividendes de 400m, en lançant un plan interne d'économies de 600m et en empruntant 1000m pour régler l'échéance de juin de la dette Orascom,

Lafarge serait arrivé péniblement à un ratio de 3,72 (hors cessions à effectuer dans le futur pour 1000m). Dès janvier 2009, la note de Lafarge est dégradée à BBB-, dernier stade avant la catégorie "spéculative" qui renchérirait outrageusement l'endettement et, dans les conditions troublées de cet hiver, la prime sur son CDS était multipliée par 6.

L'alternative était : renégocier la clause de sauvegarde ou faire une augmentation de capital. Pour obtenir une dérogation au covenant ("waiver"), l'entreprise aurait dû accepter une majoration d'intérêt et la suppression des dividendes aux actionnaires.

Cependant l'augmentation de capital n'était pas souhaitée par les actionnaires de

référence qui ne voulaient pas être dilués (Bruxelles-Lambert et NNS Holding représentant le tiers des droits de vote). Ils ont dû néanmoins y consentir et, en avril, Lafarge a procédé à une augmentation de capital de 1,5mm (pour une capitalisation boursière de 7mm) avec DPS aux anciens actionnaires et garantie de placement. Pour cela, il lui a fallu consentir à une décote de près de 50% par rapport au cours de bourse, compte tenu de la volatilité du marché. A ce prix, la société réduit son endettement, préserve sa note BBB- et respecte le ratio de 3,75.

b) Les financements structurés

Envisageons d'abord un cas simple, celui des obligations dont le

remboursement n'est pas automatiquement en cash mais peut se faire en actions :

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le créancier est alors un actionnaire potentiel de l'entreprise. Une telle Obligation

peut être (totalement ou partiellement) Convertible En Actions Nouvelles

(augmentation de capital) ou Existantes (OCEANE), le taux de conversion étant

fixé à l'émission. Cela revient à accorder aux créanciers un call sur les actions de

l'entreprise dont le prix d'exercice est déterminé par le rapport entre la valeur

nominale et taux de conversion. Par contre, si l'action ne progresse pas ou baisse,

le créancier est protégé puisqu'il sera remboursé à la valeur nominale.

Pour notre titre de dette de valeur nominale 5000, supposons un taux de conversion de10 actions pour une obligation.

Le prix d'exercice est déterminé par le taux de conversion, ici : 5000/10=500. Si, quand le droit à conversion est ouvert, l'action cote 550, il est intéressant pour les

créanciers de convertir : ils payent 500 ce qui vaut 550 sur le marché.

Si cette faculté de conversion n'est ouverte qu'à l'échéance, l'obligation est

remboursable en actions (ORA) à un taux de conversion déterminé. Le résultat

final dépendant de l'évolution de l'action, de telles obligations se comportent, sur

les marchés, comme les actions sous-jacentes. La seule différence pour

l'investisseur est que, pendant leur durée, elles rapportent des intérêts contractuels,

ce qui en fait partiellement un produit de taux. L'ORA est un hybride qui tient

davantage de l'action que de l'obligation.

Au moment de l'émission d'une dette à 10 ans de nominal 5000, l'action vaut 300 et le taux de conversion fixé pour le remboursement est de 8,5 actions pour une obligation.

Le point mort est : 5000/8,5=588.

La perspective de conversion est attractive si l'on anticipe à l'échéance une valeur de l'action suffisamment supérieure à 588.

Si le taux de progression attendu pour les 10 prochaines années est de 8%, la valeur par action à l'échéance est attendue autour de 650. En convertissant 5000 de dette en 8,5 actions, on obtiendra 5525. On peut donc espérer un gain de 525 n.

Une variante est constituée par l'obligation remboursable en cash mais

accompagnée de bons de souscription d'actions (OBSA) : à telle date ou à telle

période ou à l'échéance, les investisseurs peuvent exercer un call sur les actions de

l'entreprises, en payant les actions au prix garanti (et non plus en convertissant

leur créance en actions). Cet avantage accordé aux souscripteurs se paie par un

taux d'intérêt moindre. Comme l'ORA, une telle obligation est un hybride mais

elle tient davantage de l'obligation que de l'action.

Plus généralement, on parle de financement "structuré" (ou "produit structuré")

dès lors que les conditions résultent d'une "formule", d'une règle de calcul (plus ou

moins complexe) reposant sur des éventualités : les effets ne sont connus qu'a

posteriori ...et ils sont parfois ravageurs, pour l'emprunteur (ou pour le prêteur

final).

Même les crédits classiques des banques de détail aux petites et moyennes

entreprises ont fait l'objet ces dernières années d'innovations qui n'ont pas toujours

été favorables aux emprunteurs appâtés par l'espoir, ou parfois la promesse, d'un

endettement moins cher. Le crédit inclut une ou plusieurs options qui impliquent,

en cas de franchissement du seuil par le sous-jacent, des pertes importantes sur

l'option. Ainsi, la minoration initiale des taux expose l'emprunteur à un important

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risque de nature spéculative à moyen terme.

Les taux variables ont des effets "toxiques" pour les emprunteurs lorsque les

taux montent, ce qu'ils essaient de limiter en "capant" leur taux (de fait, une

première modalité de structuration). Dès la fin des 90', les banques ont offert des

"taux fixes à barrière" qui ont des effets plus incertains : le taux est fixe et moins

élevé que les taux fixes classiques tant que le taux de référence (Euribor, Libor)

ne dépasse pas une barrière consistant en un taux déterminé.

Avec un taux fixe classique à 5%, le taux du crédit est fixé à 4% tant que l'Euribor ne dépasse pas 2%. Si la barrière est franchie, le taux passe au-dessus ou très au-dessus du taux classique.

Avec les "produits de pente", le taux est fonction de l'écart entre les taux

courts et les taux longs. Le taux du crédit est faible tant que l'écart entre le taux

fixe long et le taux fixe court est inférieur à un certain seuil et il devient très

nettement supérieur s'il dépasse ce seuil.

Par exemple : le taux du crédit est limité à 2,5% tant que l'écart entre le taux fixe à 10

ans et le taux fixe à 2 ans est inférieur à 0,2 et il bascule à 10% s'il dépasse ce seuil.

Plus risquée encore (et totalement opaque), l'indexation peut être basée sur des

taux d'intérêt "exotiques" (taux d'intérêt néo-zélandais, polonais, suédois, sud-

africain, japonais, etc.) ou sur des taux de change concernant des devises

similaires. Il est évidemment impossible au responsable financier d'une petite

entreprise (et, dans une large mesure, à quiconque) de comparer le gain immédiat

de l'abaissement de taux aux risques futurs. En dehors de l'univers des entreprises,

les collectivités locales françaises se sont laissées massivement piéger par ces

produits.

A côté des banques de détail, les banques de financement et d'investissement

(BFI) ou la division BFI des banques universelles, offrent aux grandes entreprises

des services de conseil et d'ingénierie financière. Nous ne parlerons pas des

instruments de transfert du risque sur les taux de change et les taux d'intérêt qui

permettent de structurer des financements (par ex en couplant un crédit à un swap

ou à un CDS).

Plus simplement, la structuration peut consister à fabriquer un financement

hybride intermédiaire entre dette et capitaux propres, ce sont, en particulier, les

financements "mezzanines" que les BFI sont très intéressées à proposer aux

entreprises : au passif du bilan, ils s'intercalent (d'où leur dénomination) entre la

base des fonds propres et l'étage des fonds de tiers. Parmi les principaux outils de

financement mezzanine, on compte les prêts de rang subordonné, les prêts

partiaires (crédits remboursés en fonction des résultats), les participations latentes,

les droits de jouissance. Les emprunts sous forme d’obligations convertibles et les

emprunts à option (warrants) que nous avons présenté supra sont, en effet, des

hybrides qui, d'un certain côté ressemblent à de la dette et, d'un autre, à des

capitaux.

L'entreprise peut émettre directement de la dette subordonnée : le contrat de

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dette prévoit alors que la créance passe après les autres, ce qui en fait du "quasi"

capital. En cas de liquidation de la société, la dette subordonnée n'est remboursée

que s'il reste quelque chose après le règlement de toutes les autres dettes. Les

créanciers subordonnés passent avant les actionnaires mais sont à l'avant-dernier

rang.

La subordination peut porter aussi sur les intérêts dont le paiement sera alors

subordonné au résultat de l'entreprise : en cas d'exercice déficitaire, l'émetteur

peut décider de ne pas payer d'intérêts.

Concernant le remboursement, il peut intervenir à date fixe ou être subordonné

à la décision de la société émettrice (titres subordonnés à durée indéterminée). Le

contrat de dette peut prévoir des options : par exemple, la dette est émise avec une

échéance déterminée ; à cette échéance, si elle n'est pas remboursée, elle est

automatiquement transformée en une nouvelle dette payant un taux d'intérêt

supérieur.

Nous sommes ici devant des passifs que l'entreprise et les autres créanciers

peuvent considérer comme de quasi fonds propres mais qui, étant néanmoins des

dettes, concurrencent les droits des actionnaires. Les créanciers subordonnés sont

"juniors" par rapport aux autres mais "seniors" par rapport aux actionnaires.

Lorsqu'une entreprise peut difficilement lever des fonds propres additionnels,

ce financement (naturellement plus coûteux que la dette senior) constitue une

solution utile (et rémunératrice pour la banque). Il convient mal aux micro

entreprises et ne peut être appliqué dans les PME que si la banque pense assumer

un risque rentable, ce qui présuppose une base financière déjà solide des

entreprises et une stratégie convaincante d’adaptation aux changements du

marché.

Mentionnons encore les financements à effets de levier, notamment les LBO,

massivement utilisés pour les rachats "spéculatifs" d'entreprises. L'opération

(souvent faite par un Hedge Fund) a pour base le constat que la valeur de marché

de l'entreprise cible est inférieure à sa valeur réelle (dans le cas de conglomérat à

démembrer) ou à sa valeur potentielle (dans le cas d'une société mal gérée). La

cible est achetée au prix du marché dans le but de la revendre à la "vraie" valeur

que révélera la séparation des activités ou la réorganisation de la société.

Schématiquement, l'opération consiste à faire acheter les actifs par une société

holding dont les fonds propres sont très inférieurs à la valeur des actifs, le reste

des fonds étant obtenu par endettement (crédits bancaires "seniors" et émission de

titres subordonnés).

Pour acheter une cible de 1md, le fonds mobilise 200m de capital, 400m de crédits bancaires et 400m d'émission de titres, ce qui donne un levier de 1000/200=5. Si tout se passe comme prévu, les emprunts seront remboursés par les dividendes (et surtout les plus values) générés par les actifs achetés et le fonds gagnera la différence. Mais si les repreneurs échouent à créer toute la valeur prévue ou si les conditions de marché (qui conditionnent la revente de la cible) se détériorent, leur dette deviendra insupportable.

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2. La dette comme actif financier.

La dette financière contractée par une entreprise à une date t0 entraîne dans le

futur des flux de trésorerie (flux entrants pour les prêteurs, flux sortants pour

l'entreprise).

Nous examinerons d'abord les facteurs qui, à t0, déterminent le taux d'intérêt

contractuel (§2.1).

Ensuite, ni la valeur de remboursement (valeur nominale) ni le taux d'intérêt

(taux du coupon) ne changent mais la valeur et le rendement varient en continu

(§2.2).

2.1. Détermination du taux d'intérêt contractuel (à t0)

Le taux d'intérêt proposé lors de l'émission est basé sur le taux du marché à ce

moment. S'il était inférieur, personne ne s'y intéresserait : supposez que, sur le

marché secondaire, les obligations rapportent 5% et qu'un nouvel émetteur

propose 4%, l'émission ne serait pas souscrite et l'émetteur devrait accepter une

décote qui ramène le rendement à celui du marché.

Prenons pour simplifier un titre à 1 an qui propose 4% alors que le taux du marché est 5%. Pour des parts de 5000 le titre donne au bout d'un an 5000 + 5000 0,04=5200.

Pour obtenir un rendement de 5% avec un taux nominal de 4%, il faut payer 4952. En recevant 5200 dans un an contre 4952 maintenant, on gagne (5200-4952)/4952=5%. Cette décote entraîne que l'émetteur, au lieu de 500m, n'obtient que 495,2m alors qu'il devra rembourser 500. En fin de compte, même si le nominal est 4%, l'emprunt lui coûte

bien 5%.

Mais les dettes ont des caractéristiques et des qualités différentes. Elles

diffèrent par leur échéance, par le risque de défaut (non paiement des intérêts ou

non remboursement) et par la liquidité. Moins la dette d'une entreprise donnée est

attractive, plus le taux d'intérêt devra être élevé pour attirer les investisseurs. Il y a

ainsi une échelle des taux d'intérêts : des dettes équivalentes offriront le même

taux, des dettes de meilleure qualité un taux plus bas, des dettes de moins bonne

qualité un taux plus élevé.

Quel est le benchmark ? comment se fixe la hauteur du premier barreau de

l'échelle ? C'est le taux sans risque qui constitue la référence (a). Le taux d'intérêt

que doit proposer un émetteur quelconque est le taux sans risque, augmenté de

primes qui compensent la moindre attractivité de son émission en termes

d'échéance, de liquidité et de risque (b). Nous le verrons plus tard (CH 3), à

l'équilibre (hypothétique), tous les actifs doivent offrir le même rendement net : si

les actifs de qualité inférieure ne sont pas assez rémunérés, ils seront délaissés,

leur prix baissera jusqu'à ce que le rendement ait assez augmenté ; s'ils sont trop

rémunérés, ils seront recherchés, leur prix haussera jusqu'à ce que le rendement ait

assez baissé. Quand tous les rendements sont équilibrés, il n'y a plus d'opportunité

d'arbitrage. Il ne faut jamais oublier que un émetteur offre des actifs à des

investisseurs qui ne recherchent pas un actif particulier mais composent leur

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portefeuille à partir de tous les actifs présents sur le marché.

a) Taux sans risque

Le principal danger auquel s'expose l'acheteur de titres de dettes est celui de la

défaillance de l'emprunteur pour le paiement des intérêts et le remboursement du

principal, qu'elle prenne la forme de retards de paiement, de paiements partiels ou

de non paiement. Certes, alors, le créancier fera valoir ses droits et pourra

poursuivre le débiteur éventuellement jusqu'à sa liquidation. Mais une telle

procédure est longue et incertaine et ne permet pas toujours de récupérer la totalité

des droits.

Aussi la référence en matière de dettes est-elle constituée par l'emprunteur sans

risque. Où le trouver ? La question est essentielle puisque le taux sans risque est la

base des stratégies financières. Un actif sans risque est caractérisé par son

insensibilité à l'information.

On a coutume de prendre pour proxy de l'emprunteur sans risque la dette

publique. En effet, pour sa dette en monnaie nationale, un Etat souverain est, par

construction, en capacité de payer puisqu'il jouit du pouvoir de lever des impôts

sur l'économie et que sa durée de vie est présumée infinie, de sorte que c'est la

totalité de la richesse privée présente et future qui garantit la dette publique.

Toutefois, la crise des finances publiques dans la zone euro nous rappelle que

ce n'est pas si simple : lorsque le poids de la charge de la dette (intérêts et

remboursements à l'échéance) est excessif par rapport aux recettes publiques, la

dette devient insoutenable. Ce n'est pas directement le niveau de la dette qui est en

cause mais la capacité de l'Etat à assurer le service de la dette. Dans les

démocraties, le pouvoir fiscal du gouvernement est soumis au consentement à

l'impôt, à travers les mécanismes représentatifs (vote du budget par le parlement),

le jeu politique (élections) et les conflits sociaux. Augmenter les impôts et/ou

diminuer les dépenses (notamment sociales) pour assurer le service de la dette est

une stratégie impopulaire qui peut mettre en péril le gouvernement et, dans les cas

limites, la survie même de l'Etat. Au cours des premières années de l'union

monétaire, un effet d'agrégation (et une illusion collective) a conduit les

investisseurs à ne plus distinguer entre les dettes publiques nationales libellées en

euros, alors même que chaque Etat restait responsable de sa propre dette (no bail

out). Aussi les taux d'intérêts sur les dettes publiques ont-ils convergé alors que la

situation des finances publiques et des macro-économies nationales divergeait. Il

s'en est suivi des comportements laxistes dans maints Etats membres qui n'ont pas

profité des périodes de croissance pour réduire les déficits et se sont

réciproquement exonérés de la surveillance instituée par le Pacte de stabilité. A la

suite de l'aversion au risque provoquée par la crise des subprime et surtout la

faillite de Lehman, ces déséquilibres ont enfin été perçus, ce qui a provoqué une

sur-réaction des marchés et des effets de contagion que l'incapacité des

gouvernements à accepter un réel contrôle multilatéral sur leur solde budgétaire a

conduit jusqu'à une crise ouverte. Logiquement, les investisseurs ont vendu les

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titres publics des Etats périphériques, ce qui a fait plonger leur prix (et,

inversement, envoler leur rendement). Par défaut, les investisseurs se sont repliés

sur les titres publics les moins mauvais et les plus liquides (Bund allemand,

T Bonds américains) dont il est difficile à présent de penser qu'ils sont absolument

sans risque, même si, à long terme, la pérennité de l'Etat les garantit. La baisse des

taux de la dette publique française (tombés au-dessous de 2% à 10 ans fin 2012)

ne s'explique pas par les fondamentaux qui restent mauvais : le rendement trop

bas des Bunds allemands pousse les investisseurs vers des substituts. Les seuls

titres publics aujourd'hui sans risque, comme la dette de la Confédération, sont

émis par de petits Etats peu endettés ; pour cette raison, les montants disponibles

sont faibles et ces titres ne suffisent pas à satisfaire la demande des investisseurs.

Dans ces conditions, les taux d'intérêt sur les dettes publiques n'ont plus

beaucoup de signification. Il s'établit une relation vicieuse entre les taux publics et

les taux privés : les banques et institutions financières dont l'Etat est implicitement

ou explicitement le garant ou les entreprises dont l'activité dépend de la demande

publique voient leur risque (et leur taux) augmenter avec celui de leur Etat. Mais

même les entreprises privées "indépendantes" sont affectées puisque la pression

grandissante sur les finances publiques se traduit par des mesures d'austérité qui

réduisent la demande. Seules les entreprises ayant une forte activité internationale

peuvent espérer échapper à la contagion.

Le seul emprunteur absolument sans risque est la banque centrale pour sa dette

libellée dans sa propre monnaie puisque la banque centrale a une capacité illimitée

à assurer le service de sa dette. En effet, dans le régime monétaire international

actuel (post Bretton Woods), le pouvoir monétaire de la BC ne connaît aucune

contrainte. L'ajustement se fait par les prix (taux de change) et non plus par les

quantités (réserves). Les interrogations actuelles sur le danger de faillite des BC

ne sont pas justifiées : même si elles ont énormément augmenté la taille de leur

bilan en réponse à la crise et si, en se substituant au marché interbancaire

défaillant pour apporter de la liquidité aux banques, elles ont accumulé des actifs

risqués, l'absence de contrainte de liquidité leur permet d'attendre aussi longtemps

que nécessaire.

Toutefois, l'usage de la dette de la BC pour étalonner le taux sans risque

rencontre différents obstacles. Quel taux d'intérêt considérer ? du fait de sa

centralité, la BC a le privilège (et, dans une certaine mesure, la mission) de faire le

prix. Le taux directeur est justement dénommé policy rate : c'est l'instrument

discrétionnaire de la politique monétaire. En outre, il porte sur des opérations à

très court terme (généralement une semaine), pas sur toute la courbe des taux et

c'est le taux reçu par la BC, non le taux payé. Le taux significatif serait celui de la

dette de la banque centrale. Principalement, cette dette prend la forme de dépôts

des banques à la BC (comptes de virement) qui leur permettent de stocker de la

liquidité sans risque lorsque la paralysie du marché interbancaire et la défiance à

l'égard des contreparties les dissuadent de prêter cette liquidité aux autres

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banques. Mais la rémunération (lorsqu'il y en a une) n'est pas un taux de marché,

c'est un policy rate fixé par la BC. Le seul taux adéquat serait donc celui des bons

émis par la BC sous forme de titres de créances. Mais, en général, cet instrument

est peu utilisé et l'encours est faible et, surtout, il ne s'agit pas d'un financement

(encore une fois, la BC ne saurait éprouver aucun besoin de financement en

monnaie nationale) mais d'une opération de "pompage" de liquidité, même si

l'adjudication est entièrement libre.

Idéalement, c'est le taux d'intérêt de la dette de marché de la BC qui constitue

le benchmark ultime mais, en pratique, on utilise comme taux sans risque celui de

la dette publique de première qualité qui présente l'avantage supplémentaire de

couvrir un large éventail d'échéances et d'être très liquide. Il sera prudent de

considérer que, dans la phase actuelle de la crise, cet indicateur est fortement

perturbé. Dans des circonstances normales et pour des Etats normaux, la dette

publique en monnaie nationale, comme celle de la BC, n'expose pas l'investisseur

au risque de défaillance à la différence de toutes les dettes privées, même les

meilleures, pour lesquelles la probabilité de défaut peut être faible mais non nulle.

Cependant, toutes ces dettes (même celle de la BC) ont en commun un type

insidieux de risque, le risque monétaire. Rappelons-nous le nominalisme des

contrats : ce sont les valeurs nominales qui doivent être payées. En présence

d'inflation, la valeur réelle des flux de trésorerie fixes engendrés par la dette

diminue. Si le taux d'inflation p est supérieur au taux d'intérêt fixe r, le taux

d'intérêt réel (qu'on approxime par r-p) devient négatif.

Si vous empruntez 100 à t0, vous devez rembourser 100 à l'échéance. Admettons

que, entre les deux dates, les prix aient doublé, vous avez reçu 100 dont la valeur réelle était 100 et vous rendez 100 dont la valeur réelle est 50. C'est comme si le créancier vous avait fait cadeau de la moitié de la dette (ce qui, pour lui, représente une perte équivalente).

Si vous empruntez à 5% et si, au cours des années où vous payez les intérêts, le taux d'inflation moyen est de 10%, votre taux réel est : 5%-10%=-5%.

Que signifie un taux réel négatif ? que la valeur réelle des montants payés par

le débiteur au créancier est inférieure à celle que le premier a reçu du second.

Vous empruntez 1000 à 5% pour 5 ans, vous devez payer 50 d'intérêts par an. Avec

10% d'inflation, les intérêts à la fin de la 1ère année valent 45,5 (50/1,10); ceux de la 2ème année 41,3 ; ceux de la 3ème année 37,5 ; ceux de la 4ème année 34,1; ceux de la 5ème année 31,0 ; le remboursement final de 1000 vaut 621. Au total la somme des valeurs réelles de ce que vous avez payé est 810 alors que vous aviez reçu 1000. Le débiteur a gagné, le créancier a perdu.

Formellement, le débiteur honore ses engagements mais, en réalité, les

paiements effectués équivalent à un défaut partiel (ou total en hyperinflation).

Nous ne développons pas ici les dérèglements qui en résultent pour le système

financier.

Il est clair que la situation financière de tout débiteur net (dettes>créances) est

améliorée par l'inflation puisque celle-ci allège le poids de la dette. L'Etat est le

plus grand débiteur net. Plus la charge de la dette d'un Etat est élevée, plus le

gouvernement a intérêt à l'inflation qui le dispensera de prendre des mesures

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d'ajustement impopulaires. En inflation, les revenus, les patrimoines, le PIB

progressent en termes nominaux, et avec eux le produit des impôts : la charge de

la dette restant fixe, son poids relatif diminue.

Cette tentation inflationniste est l'une des principales justifications de

l'indépendance de la banque centrale à l'égard du gouvernement : à l'époque et

dans les pays où la BC était un instrument du gouvernement, l'insouciance à

l'égard de l'inflation (voire la pression en faveur de l'inflation) étaient habituelles.

Aujourd'hui, l'indépendance des BC a un caractère fonctionnel : les BC ne sont

pas libres de faire ce qu'elles veulent, elles ont la mission d'assurer la stabilité des

prix (= des valeurs réelles) et ne sont soustraites à l'influence du gouvernement

que pour être libres d'atteindre cet objectifs par tous les moyens appropriés.

Néanmoins, aucune BC au monde n'a un objectif de 0% d'inflation, c'est-à-dire

de stabilité absolue du niveau général des prix. D'une part, il y a des facteurs

exogènes (prix des matières premières) ou endogènes (cycle économique). D'autre

part la contrainte qui pèserait sur l'économie serait trop forte. Les BC se donnent

l'objectif de contenir l'inflation et d'éviter que s'enclenche un processus

inflationniste (une augmentation des prix cumulative auto-entretenue). Elles

définissent généralement la stabilité monétaire comme une inflation tendancielle

inférieure à 2% par an.

Il en résulte que le risque monétaire est sous contrôle mais non pas annulé.

Avec 2% d'inflation par an, un taux d'intérêt nominal de 2% se traduit par un taux

réel de 0%.

Aussi le taux sans risque inclut-il une prime d'inflation qui est basée sur les

anticipations d'inflation. Une banque centrale crédible stabilise les anticipations

d'inflation, ce qui empêche qu'une perturbation des prix (eg hausse des prix

énergétiques) se transmette aux anticipations. Cette réduction de l'incertitude se

traduit par la constance de la prime d'inflation à toutes les échéances.

Le taux sans risque qui étalonne tous les taux débiteurs peut ainsi varier, soit

sous l'effet de changement des conditions de l'équilibre financier ou économique,

soit sous l'effet d'une variation des anticipations d'inflation à telle ou telle

échéance.

b) Primes

La principale est la prime de risque (spread). Elle dépend de la probabilité de

défaut et du taux de recouvrement anticipé dans cette hypothèse (quel pourcentage

du passif on peut espérer récupérer à la suite de la liquidation des actifs du

débiteur). Idéalement, la prime égalise le rendement probable du placement risqué

à celui du placement sans risque : si, par exemple, on peut gagner 5 sans risque ou

X avec une probabilité de 0,8 ; pour que, en probabilité, les deux résultats soient

équivalents, il faut : X=5/0,8=6,25. Soit un montant M, p la probabilité de défaut. Le taux de recouvrement (prévisionnel)

TR limite la perte probable à : M.(1-TR).p. Dans l'autre cas, le prêteur gagne les intérêts, M.r.(1-p). Pour un même montant, le placement sans risque aurait rapporté M. rf. Il faut donc que : M.r.(1-p) - M.(1-TR).p = M. rf

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Soit une prime de risque (r- rf )= p/(1-p) { (1 -TR) + rf}. Sans surprise, elle est liée

positivement à la probabilité de défaut et négativement au taux de recouvrement. Pour un montant de 1000, un taux sans risque 2%, une probabilité de défaut à 1 an de 0,5% et un taux de recouvrement nul : r-rf=0,005/0,995. 1,02=0,0051= 51 bp.

Avec la même probabilité de défaut et un taux de recouvrement anticipé de 60%, la prime serait de 26 bp.

Comme le montre le graphique ci-après, de 2003 à 2007, la prime moyenne est

restée longtemps faible (trop faible), à environ 1,5% (150 pb) aux Etats-Unis. Elle

augmente avec l'incertitude en période de crise (plus de 300 pb après

l'effondrement des valeurs technologiques, plus de 600 pb après la faillite

Lehman).

2 moyenne

hebdomadaire

des obligations

notées BBB

(indice Merrill Lynch) par

rapport au

rendement de

l'obligation d'Etat

10 ans en

centièmes de %

(pb).

Source : BRI,

Rapport Annuel

2010, Gr III.2.

En pratique, rien n'est plus difficile que d'estimer les probabilités de défaut à

1 an ou à long terme ainsi que les taux de recouvrement. Si, faute de mieux, on

utilise les données historiques, leur extrapolation est problématique.

Les investisseurs non équipés pour ces analyses utilisent les notes données par

les agences de rating (Moody's, S&P, Fitch) qui, à un instant donné, sur la base

des informations disponibles, classent les emprunteurs en catégorie

"investissement", "spéculatif", "très spéculatif". Historiquement (1979/2001), la

fréquence de défaut à 1 an pour les notes de Moody's est : Aaa 0,00% ; Aa

0,02% ; A 0,01% ; Baa 0,15% ; Ba 1,21% ; B 6,53% ; C 24,73% (source

Moody's).

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JLBesson – Financement des entreprises

© JLB 2013 -21-

A la prime de risque peut s'ajouter une prime de liquidité. Il n'y a pas un

marché de la dette mais autant de sous-marchés qu'il y a de dettes qui diffèrent par

les émetteurs, les échéances, les taux et autres clauses. Les dettes publiques des

grands pays représentent de très gros montants et sont négociées sur des marchés

très organisés et très liquides : les transactions se font sans perturber les prix. Au

contraire les dettes dont le gisement est petit sont plus difficiles à négocier, les

variations de cours à attendre soit plus fortes et le risque en valeur plus élevé. Il

n'est pas donc pas équivalent de détenir de la dette publique allemande, de la dette

publique estonienne, de la dette corporate émise par une grande entité ou par une

petite. Ce désavantage doit être compensé par un supplément d'intérêt.

2.2. Variation de valeur et de rendement à t / t t0 ,T] ]

a) Actualisation

A l'équilibre, le prix auquel est émis et payé un actif est égal à la valeur des

flux futurs qu'il génère. Si le prix est supérieur à cette valeur, l'investisseur

recevrait moins qu'il a payé (et, de ce fait, n'investit pas). Si le prix est inférieur à

cette valeur, l'émetteur paierait plus qu'il ne reçoit (et, de ce fait, n'émet pas).

Toute décision financière fait intervenir le temps et demande de ramener à une

même date des flux décalés.

Lorsqu'on cherche la valeur future d'un flux présent, il faut le capitaliser au

taux d'intérêt courant. Un flux de trésorerie F0 aujourd'hui est placé jusqu'à

l'échéance de calcul T au taux d'intérêt r, les intérêts annuels étant eux-mêmes

réinvestis chaque année au même taux : F0 VT. Dans l'autre sens, lorsqu'on

cherche la valeur présente d'un flux futur FT, il faut l'actualiser au taux d'intérêt

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JLBesson – Financement des entreprises

© JLB 2013 -22-

courant, c'est-à-dire déterminer le montant à placer maintenant au taux d'intérêt

courant qui, par capitalisation, sera, à l'échéance T, égal à FT : FT V0.

La valeur aujourd'hui (VA=valeur actuelle) d'une somme S à recevoir dans un

an est le montant x qu'il faut placer aujourd'hui au taux d'intérêt d'aujourd'hui r0

pour que, avec les intérêts, il soit égale à S dans un an.

Soit : x (1 + r0) = S = > x= VA = S

(1+ r0)

Il est clair que, le taux d'intérêt nominal ne pouvant pas être négatif (r 0), la

valeur actuelle est toujours inférieure aux montants des flux futurs. Elle en est

d'autant plus proche que le taux d'intérêt est plus bas et d'autant plus éloignée que

le taux d'intérêt est plus élevé.

Si le taux d'intérêt aujourd'hui est 5%, la valeur actuelle de 1000 dans 1 an est 1000/1,05= 952,38 952

Cela signifie que, au taux d'intérêt courant 5%, il est indifférent d'avoir 952 maintenant ou 1000 dans un an. Il n'y a pas d'opportunité d'arbitrage (F0 - VF1=0). Par

contre, si le choix est entre 952 maintenant et 1050 dans un an, cela revient à prêter, non plus au taux d'intérêt courant 5% mais à r' = 1050/952 – 1 = 10,3%, et cette opération rapporte un profit d'arbitrage.

Avec r=1%, V= 1000/1,01 = 990,1

Avec r =5%, V= 1000/1,05 = 952,4 Avec r = 10%, V = 909,1. Etc.

Si une somme S est prêtée aujourd'hui pour deux ans, les intérêts étant

capitalisés et réglés en bloc avec le remboursement la deuxième année, il n'y a

qu'un flux de trésorerie et il a lieu la 2ème année, soit F2 ce flux.

F2 = {S (1 + r)} (1 + r) = S (1 + r)2 et VA = S

(1+ r )2

En amont des calculs mathématiques, se pose la question du taux d'intérêt à

utiliser : puisque les fonds sont immobilisés pour deux ans, le taux d'intérêt

courant à prendre pour le calcul du taux d'actualisation n'est pas le taux d'intérêt à

1 an, c'est le taux d'intérêt à 2 ans car il doit y avoir coïncidence entre

l'échéance de l'opération envisagée et le taux d'actualisation utilisé.

Nous avions un taux d'intérêt à 1 an (désormais noté r1) = 5%. Si le taux à 2 ans r2

est 5,5% : VA=S/(1,055)2=1000/1,113=898,45.

Revenons à présent à l'expression générale : V = VF1 + VF2 +...VFt...+ VFT

La valeur de l'actif est égale à la somme des valeurs actuelles des flux de

trésorerie futurs, chacun d'entre eux étant actualisé au taux d'intérêt correspondant

à son échéance :

V = F1

(1+ r1)+

F2(1+ r2)

2 + ...+Fi

(1+ ri )i + ...

FT(1+ rT )

T

Si l'actif entraîne le paiement d'intérêts annuels avec remboursement in fine, les

flux successifs de F1 à FT-1 sont des paiements d'intérêts alors que le dernier flux

FT comprend la dernière annuité d'intérêts et le remboursement. Pour clarifier

l'écriture et la rendre homogène, on a l'habitude de "démembrer" l'actif et de

considérer que sa valeur est la somme des flux de trésorerie liés au paiement des

intérêts et du flux de remboursement.

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JLBesson – Financement des entreprises

© JLB 2013 -23-

Ainsi, pour une dette d'un montant S à 7 ans dont le taux d'intérêt nominal fixe

est de r, les intérêts annuels (coupon) sont de Sr et la valeur actuelle, avec chaque

flux annuel de date i actualisé au taux correspondant ri. :

V= Sr

(1+ r1)+

Sr

(1+ r2)2 + ...+

Sr

(1+ r7)7 +

S

(1+ r7)7

On peut simplifier l'écriture :

V = Sr1

(1+ ri )i

i=1

7

+S

(1+ r7)7

et, plus généralement :

(1.1) V = Sr1

(1+ ri )i

i=1

T

+S

(1+ rT )T

S = 1000, r = 6,25%. Pour simplifier le calcul, nous supposons que nous sommes à 3 ans de l'échéance et que les intérêts viennent d'être payés. Il y aura 3 flux d'intérêts (dans 1 an, 2 ans, 3 ans) et le remboursement dans 3 ans.

r1 (taux à un an) = 5% ; r2=5,50; r3=5,65

V= 62,5 1

1,05+

1

(1,055)2+

1

(1,0565)3

+

1000

(1,0565)3 = 168,68 + 847,99 = 1016,67

Les taux aux différentes échéances ne sont pas identiques. La prise en compte

de la structure par terme des taux d'intérêt complique le calcul d'actualisation

puisqu'il faut disposer de taux de référence pour toute la gamme des échéances

concernées et utiliser chaque taux pour l'échéance correspondante.

Or il n'y a pas de relation fonctionnelle entre les taux des échéances

successives et le sens même de la relation n'est pas constant. Normalement, la

structure par terme est croissante car, toutes choses égales d'ailleurs, l'incertitude

(donc le risque) croît avec le temps : les taux sont d'autant plus élevés que

l'échéance est plus lointaine. La pente de la courbe des taux traduit les

anticipations d'inflation et la perception de l'incertitude.

Il arrive que cette structure tendancielle soit perturbée par la politique

monétaire ou les conditions de marché. La politique monétaire (taux directeur) ne

se transmet pas homothétiquement à toutes les échéances. Elle agit directement

sur les échéances courtes et indirectement (et conditionnellement) sur les taux des

échéances longues qui sont influencés par la perception du risque et les arbitrages

entre actions et obligations. Si le taux directeur et les taux à court terme

augmentent au moment où les investisseurs préfèrent les obligations aux actions,

les taux à long terme diminuent ou n'augmentent pas et l'écart se réduit ou devient

négatif. Les déterminants de la courbe des taux sont multiples et il n'est pas aisé

de déduire des taux à court terme les taux à échéance, ni fréquent d'observer une

courbe "normale". Dans la période précédant 2008, la désinflation et l'abondance

de liquidité se sont traduits par des écarts relativement faibles ou même des

courbes inversées : les taux longs et sont trouvés inférieurs aux taux courts, et le

durcissement de la politique monétaire ne s'est pas transmis aux échéances plus

éloignées (le "conundrum" de Greenspan). A partir de 2008/2009, la courbe s'est

"repentifiée" (l'écart "taux long - taux court" a augmenté), sans, pour autant,

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JLBesson – Financement des entreprises

© JLB 2013 -24-

redevenir normale : l'écrasement des taux de la politique monétaire (en vert) ne

s'est pratiquement pas transmis aux taux à long terme (en rouge). On parle

"repentification par le bas".

BRI, Rapport annuel 2011, Gr I.4

b) Sensibilité et duration

Le type de dette le plus commode pour le calcul est constitué par la dette zéro

coupon à intérêts postcomptés et remboursement in fine qui n'entraîne pas de

paiement périodique d'intérêts : ceux-ci sont capitalisées et, à l'échéance, le

débiteur paye en bloc le principal, les intérêts, et les intérêts sur les intérêts. L'actif

délivre alors un flux unique à l'échéance et le taux d'actualisation à utiliser est le

taux correspondant à l'échéance.

Soit une obligation de 1000 à 10 ans au taux d'intérêt nominal de 5% (intérêts annuels 50). Les intérêts de la 1ère année portent intérêt pendant 9 ans, ceux de la 2ème année pendant 8 ans etc.

Les intérêts postcomptés sont : 50 [ (1,05)9 + (1,05)8 + (1,05)7 +...+(1,05)0] = 628,9

auxquels s'ajoute le remboursement. L'actif délivre donc à 10 ans un flux unique de 1628,90 dont l'actualisation se fait bien sûr au taux à 10 ans.

S'il reste 8 années à courir, avec r8=3%, VA= 1628,90/(1,03)8 = 1285,87.

Cette simplicité mathématique fait de ce type d'obligation un standard,

notamment pour l'émission de dérivés de taux. En effet, le flux final est

S. 1+ r (1+ r)T 1

i=1

T

. Sa valeur actualisée t années après l'émission (à la date

anniversaire pour simplifier) : S. 1+ r (1+ r)T i

i=T t

T

(1+ rT )T t

Mais, avec ce type d'actif, les créanciers sont entièrement exposés au risque de

crédit jusqu'au dernier moment. Ils peuvent le gérer si les titres sont liquides mais

la liquidité diminue lorsque le risque augmente et, dans cette hypothèse, des pertes

sont à attendre.

L'amortissement permet de limiter ce danger, en divisant le remboursement

dans le temps, soit par parties égales, soit progressivement soit dégressivement. A

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JLBesson – Financement des entreprises

© JLB 2013 -25-

quel taux actualiser les flux aux différentes dates ? si la courbe des taux est plate

ou à peu près plate, on ne fait pas une grosse erreur en approximant l'éventail des

taux par un taux unique. Par contre, si la pente est sensible (qu'elle soit

normalement croissante avec le terme ou anormalement décroissante),

l'approximation conduit à des résultats inexacts.

L'erreur commise en actualisant au taux de l'échéance dépend, d'une part, de la

pente de la courbe des taux et, d'autre part, de la répartition des flux dans le temps.

Lorsque l'actif délivre un unique flux à l'échéance, la courbe des taux est

indifférente, le taux à l'échéance étant le seul à considérer. Si intérêts périodiques

et remboursement in fine, le dernier flux étant beaucoup plus important que les

autres, l'erreur d'approximation faite en actualisant tous les flux au taux d'intérêt à

l'échéance de la dette est négligeable, même si la pente de la courbe des taux est

forte. Si amortissement linéaire, les flux étant égaux de période en période, c'est

seulement si la courbe est assez plate qu'on peut utiliser le taux à l'échéance

comme taux unique. Ainsi, dès lors qu'il y a amortissement (et plus encore si

celui-ci est dégressif), la structure par terme importe. Or il n'est pas toujours

possible de trouver des valeurs significatives des taux d'intérêt adéquats pour

chaque année.

Quoi qu'il en soit, pour un titre donné dont les flux de trésorerie ont été fixés à

l'émission, la valeur actuelle et le taux d'intérêt vartient en sens inverse. Dans

quelle proportion ? On appelle sensibilité d'un titre le rapport entre la variation de

sa valeur et la variation du taux d'actualisation.

A première vue, la sensibilité dépend de la durée du titre : un titre qui a 10 ans

à courir sera plus sensible qu'un titre de mêmes caractéristiques qui serait à 1 an

de l'échéance.

Exemple soit un titre délivrant des flux annuels (supposés égaux) de 100. S'il est à 10 ans de l'échéance : V= 100 1/(1+r)t Et à un an : V'=100/(1+r)

Si r=5%, V=772 et V'=95,24 Quand r passe de 5% à 6% (+100 bp), la valeur des titres diminue : V=736 et V'=94,34. Le 10 ans a perdu 4,66% de sa valeur; le 1 an 0,94%. Le 10A

réagit cinq fois plus que le 1A.

Mais deux titres ne diffèrent pas seulement par la durée jusqu'à l'échéance, ils

diffèrent aussi par la répartition des flux dans le temps. La durée résiduelle

importe moins que la répartition dans le temps des flux de trésorerie. Le concept

qui rend compte de ce calendrier des flux est la duration.

La duration (D) mesure le délai moyen de versement des flux ou, en d'autres

termes, l'âge moyen des retours : elle est définie comme la somme des années,

chacune étant pondérée par la part de la valeur actuelle du flux de trésorerie

correspondant dans la valeur actuelle totale (Vt / Vt).

(1.2) D = tVtVt

=

t.Ft(1+ r) t

Ft(1+ r) t

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JLBesson – Financement des entreprises

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Un titre à 2 ans délivre un flux F1 de 500 et un flux F2 de 1000. Avec r1=3% et r2=3,5%, V= 1419.

Sa duration est : t.Vt/V= 1 500/1,03/1419 +2 1000/1,0352/1419=1,66 an.

Il est clair que la duration ne peut pas être supérieure à la durée résiduelle T

(D T). Dans le cas général ( t, Ft #0), D<T. Pour les obligations "zéro coupon",

la duration coïncide avec la durée : D=T.

Ainsi, des actifs de même durée résiduelle, de même valeur nominale et de

même taux nominal n'ont pas la même sensibilité si leur calendrier des flux est

différent.

Soient deux obligations à 3 ans de l'échéance, de valeur nominale 300 et taux norminal 5%. Le taux à 1A est 3%, 2A 4%, 3A 5%.

L'obligation A est amortie linéairement tandis que l'obligation B est à coupon zéro. Pour A, V1=(100+15)/1,03, V2=(100+10)/1,04

2, V3=(100+5)/1,05

3, V=304,05

Pour B, V3= 300+15.(1,052+1,05

1+1,05

0)/1,05

3=347,2875/1,05

3=300

La duration de A est: DA = [1.115/1,03 + 2.110/1,04

2 + 3.105/(1,05)3]/304,05 = 1,93

Evidemment DB=3.300/300=3=T

Plus la duration est élevée, plus la sensibilité est grande. Noter que la duration

est un facteur stratégique des opérations de couverture puisque l'exposition au

risque de taux d'un portefeuille ne dépend pas de sa durée résiduelle moyenne

mais de sa duration moyenne.

On définit la sensibilité comme la semi-élasticité de la valeur par rapport au

taux d'intérêt. dV et dR étant toujours de sens inverse, elle est négative :

(1.3) s =

dV

Vdr

< 0

C'est une "semi-élasticité" et non une élasticité car si au numérateur figure la

variation relative de la valeur (dV/V), au dénominateur on a la variation absolue

(dr) du taux d'intérêt (une élasticité est le rapport entre deux variations relatives).

Il n'est pas utile de donner la démonstration qui conduit à :

(1.4) s = D

1+ r ou s =

D

1+ r

- pour un taux d'intérêt donné, la valeur absolue de la sensibilité est

proportionnelle à la duration ;

- pour une duration donnée, la valeur absolue de la sensibilité est une fonction

inverse du taux d'intérêt : elle est plus faible quand le taux d'intérêt est plus élevé

et plus élevée quand le taux d'intérêt est bas. Intuitivement : si le taux d'intérêt est

bas, par exemple 2%, une variation de ±100bp a une plus grande importance

relative (50%) que si le taux d'intérêt est à 4% (25%) et donc elle a davantage

d'impact sur la valeur actuelle.

c) Valeur et taux

Lorsqu'on doit arbitrer entre différents placements, on calcule la valeur actuelle

des flux de trésorerie futurs à partir du taux d'intérêt correspondant. De même,

lorsqu'on cherche à jouer (pour se couvrir ou pour spéculer) une variation de taux

d'intérêt, il faut prendre position sur des titres et, pour cela, savoir comment leur

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JLBesson – Financement des entreprises

© JLB 2013 -27-

valeur réagit aux variations de taux. Le taux est la variable explicative, la valeur

l'inconnue.

Dans l'autre sens, lorsqu'on détient un portefeuille de dettes, leur prix de

marché varie en fonction des conditions financières et du rapport offre/demande.

On s'intéresse alors à l'impact des variations de prix sur le rendement.

Pour cela, on utilise le taux de rendement actuariel (TRA) ou rendement à

l'échéance. Il est défini comme la valeur du taux d'intérêt qui, utilisée pour

actualiser tous les flux futurs, donne une valeur actuelle égale à la valeur de

l'obligation.

Le problème est de trouver r à partir de la valeur Sr1

(1+ r) ii=1

T

+S

(1+ r)T

Exemple 1 : soit une obligation valant 1100 pour un actif délivrant un flux unique de 1500 la 8ème année, chercher r tel que : 1100 = 1500/(1+r)8

(1+r) = (1500/1100)1/8 => r = 3,953%. Exemple 2 : soit une valeur de 1044,50 pour un actif de valeur nominale 1000 et

remboursement in fine, délivrant un flux d'intérêt annuel de 5%, avec une durée résiduelle de 5 ans. V=1044,50=50/(1+r)+50/(1+r)

2+50/(1+r)

3+50/(1+r)

4+1050(1+r)

5. Par

approximations successives, on trouve que la valeur de r est 4%.

L'usage du TRA soulève deux difficultés indépendantes : il suppose connue la

valeur de l'actif (i) et il ne tient pas compte de la répartition des flux dans le temps

(ii).

i) Si on cherche à comparer différentes obligations dont on a calculé la valeur

actuelle en appliquant à chaque flux le taux d'intérêt correspondant, le TRA est un

indicateur synthétique de ce que, avec les taux au comptant d'aujourd'hui, chaque

obligation rapporterait à l'échéance.

Mais ce n'est pas l'usage le plus courant : les mathématiques financières

égalisent le prix de marché de l'actif à sa valeur et en induisent le taux de

rendement. Cela revient à annuler la valeur nette : acheter l'actif maintenant coûte

P0 ; l'actif acheté délivrera jusqu'à l'échéance des flux de trésorerie entrants F1,

F2...FT qu'il faut actualiser pour les confronter au flux sortant. La valeur nette est

nulle si : -P0 + Ft/(1+r)t = 0

On oublie trop souvent l'hypothèse sous-jacente qui n'est pourtant pas triviale :

hypothèse de marchés parfaits sur lesquels tous les actifs sont pricés à leur valeur,

sans opportunité d'arbitrage à l'équilibre. S'il y a des viscosités (et donc des primes

de liquidité) ou si les variations de l'appétit pour le risque conduisent à rechercher

ou à fuir les dettes ou tel type de dette, on ne peut plus admettre que le prix traduit

la valeur du titre et le TRA induit est parasité.

ii) A l'équilibre de marchés parfaits, le TRA se présente comme une moyenne

des taux d'intérêt au comptant des différentes périodes. Cette moyenne est

complexe.

La moyenne arithmétique des taux ne convient pas, même en pondérant chaque

taux par la part du flux correspondant dans le total (le taux d'une période compte

proportionnellement à l'importance du flux qui y est attaché). Employée comme

taux d'actualisation unique, elle ne donne pas la valeur.

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JLBesson – Financement des entreprises

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Le TRA ne se calcule pas à partir des taux mais de la valeur. Il représente une

synthèse indirecte des différents taux d'intérêts. Lorsque ces taux varient, le TRA

varie dans le même sens et la valeur de l'actif en sens inverse puisque

V= Ft/(1+r)t. Il faut cependant se rappeler que la moyenne ne donne pas toujours

des informations suffisantes. Si les différents taux d'intérêt sont homogènes, les

taux par échéance varient homothétiquement : ces déplacements de la courbe des

taux sont bien traduits par le TRA. Par contre, si la courbe des taux se déforme

(aplatissement, repentification, inversion) ou si la variabilité (risque de taux) des

différentes échéances est différente, le TRA est trompeur.

Une obligation à 3 ans délivre des flux égaux de 100. Initialement, le taux à 1 an est 2%, le taux à 2A 3%, le taux à 3A 5%, V=279 et TRA=

3,7%. Le marché étant supposé efficient, le prix est 279. Une hausse de prix intervient à 284. Le TRA correspondant est 2,8%. Que traduit

cette baisse de 90 bp? On ne sait pas. Cela peut correspondre à plusieurs situations : par exemple, une baisse de tous les taux de 100bp (à 1, 2 et 4%) ou un retournement de la courbe des taux initiale (5,3,2% au lieu de 2,3,5%).

=> si on ne connaît pas les taux par échéance, on est incapable d'interpréter la variation du TRA et de prendre les mesures qui s'imposent.

Il ne faut non plus jamais oublier que la démarche qui induit le TRA du prix de

marché a des fondements hypothétiques peu solides (marchés parfaits).