Fiche peda Le Miracle de Th

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1 | 14 FICHE PEDAGOGIQUE LE MIRACLE DE THEOPHILE Un Faust médiéval Par l’ensemble Obsidienne Les 18 et 19 décembre 2017 au Théâtre d’Auxerre Fiche réalisée par Véronique Poinsot, professeure missionnée au service éducatif du Théâtre - scène conventionnée d’Auxerre [email protected] Le Théâtre – Scène conventionnée d’Auxerre 54 rue Joubert – 89000 Auxerre téléphone 03 86 72 24 24 [email protected] / www.auxerreletheatre.com / novembre 2017

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FICHE PEDAGOGIQUE

LE MIRACLE DE

THEOPHILE Un Faust médiéval Par l’ensemble Obsidienne

Les 18 et 19 décembre 2017 au Théâtre d’Auxerre

Fiche réalisée par Véronique Poinsot, professeure missionnée au service éducatif du Théâtre - scène conventionnée d’Auxerre [email protected]

Le Théâtre – Scène conventionnée d’Auxerre 54 rue Joubert – 89000 Auxerre téléphone 03 86 72 24 24 [email protected] / www.auxerreletheatre.com / novembre 2017

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Conception et direction Emmanuel Bonnardot Mise en espace Pierre Tessier Réalisation générale des images François Demerliac (prises de vue, montage et effets spéciaux) Lumières Christan Mazubert Florence Jacquemart : Mademoiselle Méliès / Pinceguerre Hélène Moreau : Madame Méliès / Notre Dame Camille Bonnardot : le jeune cocher / Théophile Emmanuel Bonnardot : le soldat troufion / l’Évêque Pierre Bourhis : le boucher / le Diable Pierre Tessier : Monsieur Méliès / Salatin Florence Jacquemart : chant, flûtes doubles, vèze, flûtes droites, cornemuses, chalumeau, Hélène Moreau : chant, psaltérions, tambour à corde, coquilles St Jacques et autres sonnailles Camille Bonnardot : chant, cornet, cistre Emmanuel Bonnardot : chant, rebec, crwth, vièles à archet, cornet, cistre Pierre Bourhis : chant Pierre Tessier : chant

AVERTISSEMENT

La question se pose toujours avant une saison : quels spectacles est-il le plus pertinent et le plus utile de retenir pour les fiches et dossiers pédagogiques ? Comme je suis professeure de Lettres et missionnée en tant que telle, les choix relèvent en général du « théâtre » au sens strict.

Quelle mouche m’a piquée, ou plutôt quel diable m’a tentée quand j’ai décidé, alors que personne ne m’avait rien demandé, de m’intéresser au Miracle de Théophile ? Le goût de la littérature médiévale, la qualité des « Fantaisies musicales » de l’ensemble Obsidienne, le défi de travailler sur une création, la référence au mythe de Faust ? Sans doute, tout cela à la fois.

« Musique médiévale et vidéo », comme le précise le programme du théâtre, sont complètement en dehors de mes compétences. Qu’à cela ne tienne ! Que les professeurs de musique n’aillent pas plus loin dans leur lecture ! Je n’ai rien à leur apprendre. Mais comme le propos d’Obsidienne est justement d’attirer vers la musique médiévale le plus large public possible, je vous invite à entrer dans cette fiche pédagogique atypique.

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UNE FANTAISIE MUSICALE C’est un aspect original de la création d’Obsidienne de monter des spectacles qui placent la musique médiévale dans un ensemble convoquant d’autres formes artistiques. Le Miracle de Théophile est une pièce de théâtre de Rutebeuf (XIIIème siècle) dont de larges extraits seront joués dans une traduction en français moderne. De nombreux airs du Moyen Âge, ou composés selon l’esthétique et les principes de la musique médiévale, s’incrusteront dans l’action à la manière d’une comédie musicale. Le tout sera mis en abyme car lorsque le rideau s’ouvre, nous sommes chez Georges Méliès qui s’apprête à tourner Le Miracle de Théophile, adapté de Rutebeuf. Selon son habitude, il fait jouer les rôles du film à sa famille et ses amis. POUR ENTRER DANS LE SPECTACLE L’enseignant montre aux élèves la fiche technique du spectacle. Il est intéressant de la dévoiler progressivement en utilisant un vidéoprojecteur.1

Conception et direction Emmanuel Bonnardot

Mise en espace Pierre Tessier

Réalisation générale des images François Demerliac (prises de vue, montage et effets spéciaux)

Lumières Christan Mazubert

Ce début permet de faire préciser le sens de certains mots : « direction » pour direction d’orchestre, direction musicale. On peut s’interroger sur la « mise en espace » au lieu de « mise en scène », sans doute car le travail de « direction » d’acteurs, qui est au théâtre celui du metteur en scène, est partagé ici avec directeur musical. On fait remarquer la place de la vidéo et les différentes sources d’images car les « prises de vue » supposent des images originales, mais le « montage » indique l’utilisation d’autres images qui s’y mêlent peut-être pour créer des « effets spéciaux » qu’on découvrira le jour du spectacle. On peut rappeler l’importance des « lumières » au théâtre. Par contre, l’enseignant attirera l’attention sur l’absence de « son » qu’on trouve dans d’autres spectacles puisque la musique est vivante et non enregistrée.

Puis l’enseignant dévoile la suite, en laissant de côté pour l’instant les spécialités musicales de chaque artiste.

Florence Jacquemart Mademoiselle Méliès / Pinceguerre Hélène Moreau Madame Méliès / Notre Dame Camille Bonnardot le jeune cocher / Théophile Emmanuel Bonnardot le soldat troufion / l’Évêque Pierre Bourhis le boucher / le Diable Pierre Tessier Monsieur Méliès / Salatin

Il apparaît que chaque artiste joue deux rôles. Même si les élèves ne connaissent pas Méliès, ils repèrent dans la colonne du milieu une famille, Monsieur, Madame et Mademoiselle Méliès et des personnages plutôt modernes même si le « cocher » a disparu depuis l’invention de l’automobile. Par contre, dans la colonne de droite, ils peuvent reconnaître des personnages religieux, Notre Dame, l’Évêque, le Diable. Certains penseront peut-être au Moyen Âge. L’enseignant précise l’étymologie de Théophile (théo : dieu ; philo : ami). Ainsi la mise en abyme d’une scène médiévale dans une époque plus moderne apparaît et selon le niveau et la culture des élèves, le nom de Méliès évoquera peut-être un tournage de film.

1On peut utiliser la page précédente, volontairement présentée de manière à pouvoir faire cette présentation.

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LA MUSIQUE LES INSTRUMENTS

Commençons par-là, puisqu’Obsidienne est un ensemble vocal et instrumental, en lisant la suite de la distribution avec les élèves.

Florence Jacquemart : chant, flûtes doubles, vèze, flûtes droites, cornemuses, chalumeau,

Hélène Moreau : chant, psaltérions, tambour à corde, coquilles St Jacques et autres sonnailles

Camille Bonnardot : chant, cornet, cistre

Emmanuel Bonnardot : chant, rebec, crwth, vièles à archet, cornet, cistre

Pierre Bourhis : chant

Pierre Tessier : chant

Les élèves constatent que tous les artistes sont chanteurs. Par ailleurs, les noms « flûte, cornemuse, tambour, archet » sont connus d’eux. Le nom de « vièle » peut leur rappeler le violon. On peut deviner ce que sont les « sonnailles » et se demander comment faire de la musique avec des coquilles Saint-Jacques, et proposer aux élèves de faire un essai avec deux coquilles, la partie bombée évidemment. Mais les autres instruments sont plus mystérieux et ne ressemblent guère à ce qu’ils peuvent connaître d’un orchestre classique.

Cornemuses et flûtes

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Le Psaltérion

Les vièles

sur la photo en haut, à gauche, le deuxième instrument en partant du haut, le plus petit, est un rebec. sur la photo en haut, à droite, Emmanuel Bonnardot joue du crwth

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Les instruments2 : de gauche à droite en avant-plan : psaltérion, cornemuse, flûte double, flûtes et vièles. On voit au fond un organetto.

L’ensemble Obsidienne ne joue pas sur des instruments d’époque, qui n’ont pas survécu, mais sur des instruments reconstitués avec beaucoup de science pour ressembler de la manière la plus exacte possible à de vrais instruments du Moyen Âge.

2voir notamment la vidéo de l’ensemble Obsidienne, « Anges musiciens », sur le site de l’ensemble

http://www.obsidienne.fr/crbst_21.html

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LES AIRS

« La musique, vocale et instrumentale, improvisée, composée ou tirée du répertoire médiéval, ponctue, illustre ou souligne l’action théâtrale en gardant toujours un rythme alerte et festif. »3

Musique médiévale

Depuis sa création l’ensemble Obsidienne s’est composé un vaste répertoire de musiques du Moyen Âge et de la Renaissance, mais aussi de chansons. C’est dans ce répertoire qu’Emmanuel Bonnardot a puisé les musiques du spectacle. La plupart d’entre elles sont du XIIIème siècle comme le texte de Rutebeuf.

Les XIIème et XIIIème siècles forment une époque riche en créations artistiques qu’on a parfois qualifiée de première renaissance : l’art gothique transforme l’architecture, Paris regorge d’étudiants depuis qu’Abélard4 y a fondé le premier collège sur la montagne Sainte-Geneviève5, l’École Notre-Dame6 est un laboratoire musical, les trouvères et les troubadours7 font assaut de virtuosité et la polyphonie détrône le chant grégorien.

Ces œuvres sont souvent restées anonymes car l’usage, à l’époque, est de ne pas signer : les mélodies circulent, comme les textes, et se combinent parfois différemment. Le spectacle est conçu selon ce principe de collage d’airs préexistants, à la manière dont procédaient les trouvères.

Nous entendrons ainsi une chanson de Thibaut de Champagne, roi de Navarre et un rondeau d’Adam de la Halle, extrait du Jeu de Robin et de Marion8.

Des airs religieux à la gloire de la vierge Marie, comme un conduit9 de l’Ecole de Notre-Dame, en français des airs de Gautier de Coinci10, un poète virtuose, auteur lui aussi d’un Miracle de Théophile et même, en espagnol, des Cantigas de Santa Maria11 d’Alfons el Sabio (XIIIème siècle).

Les musiques profanes seront aussi présentes avec le motet Freses nouvelles12, la Pavane de l’âne ou la Vadurie, une chanson du trouvère Moniot.

3dossier de présentation de l’ensemble Obsidienne 4Pierre Abélard rendu célèbre par sa tragique histoire d’amour avec Héloïse 5là où s’élève aujourd’hui le lycée Henri IV 6Durant la construction de la cathédrale Notre-Dame, entre 1163 et 1245, le cloître de Notre-Dame devient un foyer

intellectuel et artistique. 7rappelons que les troubadours sont en langue d’Oc ce que les trouvères sont en langue d’Oil, des poètes et des musiciens. 8pièce de théâtre écrite dans les années 1270-1280, entrecoupée de chansons ; Adam de la Halle, comme Thibaut de

Champagne, Gautier de Coinci et de nombreux autres artistes, est à la fois poète et compositeur. 9air de procession 10Royne celestre, voir la vidéo 9 des vidéos de l’ensemble Obsidienne sur You tube

https://www.youtube.com/watch?v=wWulzqUZSRs&index=9&list=PLWVI9rez87XKvOPp8Jh_-51e9miQ7awZ6 et Hui enfantez 11voir sur le site de l’ensemble Obsidienne http://www.obsidienne.fr/crbst_7.html et la vidéo Cantiga como somos

http://www.obsidienne.fr/crbst_21.html 12on peut l’entendre sur You tube en suivant la partition https://www.youtube.com/watch?v=1JFE-G_tQRs

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Arrangements, contrefaçon, composition

Certains morceaux, comme la chanson traditionnelle Dedans la ville de Plaisantement, ont été spécialement arrangés par Emmanuel Bonnardot pour les musiciens du spectacle.

D’autres, comme la Vadurie déjà évoquée, ont fait l’objet de contrefaçon. Ce procédé, qui consiste à reprendre une chanson existante mais en changeant les paroles, était très pratiqué au Moyen Âge puisque les œuvres circulaient et que chaque trouvère ou jongleur y puisait librement. L’ensemble Obsidienne se situe donc dans cette liberté d’appropriation en chantant sur la Vadurie les incantations de Salatin pour appeler le Diable, texte savoureux dans une langue imaginée par Rutebeuf.

Bagahi laca bachabé Lamac cahi achabahé

Karrelhyos Lamac lamec bachalyos Cabahagi sabalyos

Baryolas Lagozatha cabyolas Samahac et famyolas

Harraya

Enfin des morceaux ont été spécialement composés pour le spectacle, notamment pour accompagner les films muets de Georges Méliès : Camille Bonnardot a composé des airs pour Les Lutteurs et Le Chaudron infernal.

AUX ELEVES DE CREER LEUR CONTREFAÇON

On peut proposer aux élèves de créer à leur tour une contrefaçon. On peut évidemment choisir une chanson bien connue de tous comme Au clair de la lune ou Il était une bergère ; on peut aussi prendre un morceau de musique classique, déjà chanté, c’est plus facile pour caler de nouvelles paroles, L’Hymne à la joie de la Neuvième Symphonie de Beethoven par exemple. L’enseignant qui veut rester dans l’esprit médiéval peut utiliser aussi le Questo nobil bambino du CD Stella Serena d’Osidienne.13Ce morceau a une mélodie facile à retenir.

13à écouter sur la page http://www.obsidienne.fr/crbst_35.html du site de la troupe ; on trouve même sur Internet une

version Karaoké au tempo plus lent que celle enregistrée par Obsidienne, https://www.youtube.com/watch?v=HbH4Z-q44Wo

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LE TEXTE LA LEGENDE DE THEOPHILE : UN SUCCES DU MOYEN ÂGE Selon la légende, Théophile (VIème siècle ap. J.C.) était économe d’une église de Cilicie, une province romaine aujourd’hui située en Turquie. Son évêque étant mort, il refusa de lui succéder, et le nouvel élu priva Théophile de ses fonctions. Réduit au désespoir, l’homme autrefois si pieux se résolut à faire un pacte avec le diable et retrouva sa situation. Mais, torturé de remords, il s’adressa à la Saint Vierge qui eut pitié de lui et lui restitua le pacte diabolique.

La légende fut d’abord rapportée en grec par un certain Eutychianos, clerc dans l’église de Théophile et témoin oculaire, dit-il, des événements. Paul, diacre de Naples, la traduit en latin au IXème siècle et elle devient si populaire qu’il en existe de nombreuses versions en latin et en français (Gautier de Coinci avant Rutebeuf) et dans d’autres langues européennes.

ÉTUDE D’IMAGES AVEC LES ELEVES

UN VITRAIL DE LA CATHEDRALE DE CHARTRES

Une verrière du transept représente les miracles de Notre-Dame (voir https://www.vitraux-chartres.fr/vitraux/index.php#nef, verrière n° 38) dont le miracle de Théophile (médaillons 16 et 17). Le médaillon 16 représente Théophile suppliant Notre-Dame ; le médaillon 17 montre la vierge devant un diable cornu et visiblement impressionné qui lui rend la lettre signée par Théophile.

On peut voir aussi les vitraux de l’église Saint-Julien du Sault : https://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/SaintJulienDuSault/Saint-Julien-Du-Sault-Saint-Pierre.htm#VitrailStTheophile

UNE SCULPTURE DE NOTRE-DAME DE PARIS

La légende est représentée sur le tympan du portail nord de la cathédrale Notre-Dame de Paris, appelé aussi portail du cloître14 : au niveau inférieur des scènes de la vie de la Vierge, au niveau intermédiaire et supérieur la légende de Théophile. Le niveau médian montre quatre scènes de la vie de Théophile, de gauche à droite : la rencontre avec le diable, grâce à un entremetteur ; Théophile dans le faste de sa charge, soutenu par le diable derrière lui ; Théophile supplie la Vierge dans une petite chapelle ; enfin Notre-Dame menace le diable de son épée. Au-dessus, l’évêque, avec Théophile à sa droite, montre la charte du pénitent.

14belle photo sur la page Wikipedia de la cathédrale :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Notre_Dame_Paris_portail_du_Clo%C3%AEtre_tympan.jpg

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LE MIRACLE COMME GENRE LITTERAIRE Le miracle est-il un genre théâtral ? Le théâtre au Moyen Âge pose problème dans la mesure où si c’est « le lieu où l’on voit » d’après son étymologie, il n’existe pas de lieu dévolu à la représentation théâtrale au Moyen Âge. Mais certains textes se distinguent du narratif ou de l’épique dans la mesure où ils montrent bien l’action en cours de réalisation. Le miracle appartient à la fois au genre narratif et au genre dramatique.

Le théâtre médiéval (la première pièce connue date du IXème siècle) est d’abord liturgique, écrit en latin et lié aux thèmes de la chute et de la rédemption. Ensuite, il se charge d’éléments profanes, devient bilingue et sort de l’église pour être joué sur le parvis. Jean Bodel écrit Le Jeu de Saint Nicolas dans les années 1200, entièrement en Français : la pièce a encore un sujet religieux puisqu’elle relate un « miracle » de Saint Nicolas, mais elle a aussi une tonalité épique en débutant dans un contexte de guerre, et les nombreuses scènes qui se déroulent dans une taverne d’Arras où boivent les trois voleurs convertis par Nicolas sont écrites en picard et truffées de jargon et de grossièretés. La pièce se définit elle-même comme un miracle même si la critique l’a caractérisée comme « jeu ».

Les « miracles » proprement dits ont été des récits avant d’être des œuvres dramatiques. Les Miracles de Notre-Dame de Gautier de Coinci (1177-1236) comportent une soixantaine de récits de miracles, mais aussi des poèmes pieux et des chansons dans une langue virtuose comme celle des trouvères, alors que Gautier de Coinci était un moine qui finit grand-prieur de Saint-Médard de Soissons. Le Miracle de Théophile de Gautier de Coinci est un long récit de 2092 octosyllabes dans lequel Rutebeuf va élaguer pour en faire une pièce de 663 vers et resserrer l’action dramatique. Rutebeuf crée un texte véritablement théâtral dans lequel alternent « les moments dynamiques, qui font progresser l’action, et les moments statiques, qui permettent à Théophile de délibérer »15. RUTEBEUF Son nom est peut-être un pseudonyme, c’est un trouvère et son dialecte est celui de l’Île-de-France. Son œuvre est écrite dans les années 1250-1285, elle est abondante et variée : poèmes satiriques et allégoriques, fabliaux, chansons lyriques, pièces dramatiques. On ne connaît sa vie que d’après ce que lui-même en dit dans ses vers : il se présente comme besogneux, malheureux, aimant le jeu et la bonne chère ; il se dit croyant et honnête ; il vante les Croisades, mais se fait l’adversaire de certains ordres religieux ; il défend l’Université.

Le Miracle de Théophile fait écho à des poèmes lyriques de Rutebeuf, ce qui permet de dire qu’il y a une certaine identité entre Théophile et le poète.

ÉTUDE DE TEXTE

Le Mariage Rustebeuf, v 54 - 64 Le Mariage de Rutebeuf Je cuit que Diex li debonaires Je crois que le très bon Dieu M’aime de loing : m’aime de loing : Bien l’ai prové a cest besoing. je l’ai bien éprouvé dans ce malheur. La sui ou le mail met le coing : Me voici où le marteau enfonce le coin, Diex m’i a mis. et c’est Dieu qui m’y a mis. Or faz feste a mes anemis, Je suis un sujet de joie pour mes ennemis, Duel et corouz a mes amis. de chagrin et de tristesse pour mes amis. Or du voir dire ! Pour dire vrai, Se dieu ai fet corouz ne ire si j’ai provoqué la colère de Dieu, De moi se puet jouer et rire il peut se jouer et rire de moi Que biau s’en vange. car il se venge bien.

traduction Jean Dufournet, édition Poésies-Gallimard Les accents de Rutebeuf dans l’extrait ci-dessus rappellent ceux de Théophile dans le premier monologue du Miracle quand il exprime son désarroi d’avoir été injustement privé de ce qu’il méritait.

15Jean Dufournet, introduction à l’édition GF Flammarion

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RESUME

Le spectacle reprend le texte de Rutebeuf avec quelques coupures et en l’insérant après un prologue écrit pour les besoins du spectacle.

Prologue : affolement dans le studio de Méliès, la famille et les amis s’apprêtent à jouer le Miracle de Théophile.

Ici commence le texte de Rutebeuf qui sera entrecoupé de musiques.

Monologue de Théophile, déçu d’avoir été rejeté par le nouvel évêque ; il s’en prend à Dieu d’avoir tout perdu. A Théophile qui se plaint, Salatin propose de renier Dieu et de devenir vassal du Diable. Théophile lui promet de revenir le lendemain matin. Monologue de Théophile, entre la crainte de brûler aux enfers et l’envie de devenir riche. Salatin appelle le Diable, qui finit par venir : il promet de recevoir Théophile. Salatin conseille à Théophile d’aller voir le Diable, sans implorer Dieu ! Le Diable reçoit Théophile, lui promet de le rendre riche, prend la lettre qu’il a signée et lui donne beaucoup de conseils pour devenir vraiment mauvais. L’évêque envoie Pinceguerre chercher Théophile car il regrette de l’avoir écarté. Théophile ne réserve pas un bon accueil à Pinceguerre. L’évêque vient à la rencontre de Théophile et lui rend sa charge en s’excusant de lui avoir fait du tort. Théophile va narguer son ami Pierre qui lui dit combien il est heureux de lui voir retrouver sa fortune. Théophile rend ensuite visite à son voisin Thomas pour lui chercher querelle, en vain. Monologue de Théophile qui se rend compte de ce qu’il fait et prie Notre-Dame (la fin du monologue est coupée ainsi que la prière). Notre-Dame apparaît à Théophile en prière et lui promet de lui rendre la charte qu’il a signée avec le Diable. Victoire de Notre-Dame sur Satan. Notre-Dame rapporte la charte à Théophile. Théophile va rendre la charte à l’évêque afin qu’elle soit lue pour l’exemple aux fidèles (coupure dans la fin remplacée par des chants)16.

16C’est cette fin, qui n’est pas dans toutes les versions de la légende, qui est représentée dans le niveau supérieur du portail

nord de la cathédrale de Paris, voir plus haut.

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LES IMAGES POURQUOI MELIES ?

A cause de la rencontre de l’ensemble Obsidienne avec le vidéaste François Demerliac : c’est lui qui a réalisé un documentaire sur Obsidienne dans lequel il a incrusté les artistes dans des enluminures17. Or l’ensemble Obsidienne apprécie d’associer à ses spectacles des talents variés.

Par ailleurs, Emmanuel Bonnardot aime l’univers de Méliès depuis longtemps. Georges Méliès (1861-1938) avant d’être cinéaste était magicien et prestidigitateur. Alors que les Frères Lumière voient dans le cinématographe une source de documentation et d’information, Méliès comprend vite les possibilités narratives de ce nouvel art et notamment les trucages qu’il permet. Méliès écrivait également la musique de ses films et les paroles des bonimenteurs qui animaient la projection. Pour Emmanuel Bonnardot, la parenté est réelle entre le foisonnement dans l’invention musicale du XIIIème siècle et le foisonnement d’idées à l’aube du XXème siècle avec l’invention du cinéma. L’univers de Méliès est souvent peuplé d’images gothiques et de diables.

Georges Méliès, Le chaudron infernal, 1903, film colorisé

17 voir la vidéo déjà indiquée à la note 11

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LECTURE D’IMAGES

> Décrire la scène, définir les personnages, le diable, son serviteur et la victime, remarquer les poses très significatives des personnages > Décrire le décor, ce qui évoque le Moyen Âge à côté de ce qui évoque un univers fantastique > Le noir et blanc et la colorisation : les éléments colorisés, les costumes, le chaudron, les éléments de décoration

RECHERCHE SUR L’UNIVERS DE MELIES

On peut demander aux élèves une recherche afin de faire la typologie du diable chez Méliès : son allure, son costume, ses attributs, ses pouvoirs ; on trouvera qu’il est prétexte à trucages et escamotages ; le diable est un peu magicien... > Des films de Méliès dans lequel le diable est présent : Le Diable au couvent, 1899 ; Le diable géant ou le miracle de la Madone, 1901 ; Les Trésors de Satan, 1902 ; Le Cake-walk infernal, 1903 ; Le Chaudron infernal, 1903 ; Le Diable noir, 1905 ; Les Quatre cents farce du Diable, 1906, etc. > Des films de Méliès qui ont un rapport avec le mythe de Faust : Faust et Marguerite, 1897 ; La Damnation de Faust, 1898, Faust aux enfers, 1903 ; La Damnation du Docteur Faust, 1904

THEOPHILE ET FAUST : LA BEAUTE DU DIABLE Après Théophile, Faust sera le plus célèbre des personnages ayant pactisé avec le Diable. Théophile est-il un Faust médiéval, comme le suggère le sous-titre du spectacle ? ou Faust est-il un Théophile qui n’aime plus Dieu, comme son prédécesseur ? Afin de comparer, Ciné au Théâtre vous convie à la projection gratuite du film de René Clair, La Beauté du Diable, 1950, Jeudi 7 Décembre à 19 h 30 avec Gérard Philippe, Michel Simon, Simone Valère ; noir et blanc ; 95 minutes Le mythe de Faust revisité dans les décors somptueux d’un pays imaginaire à une époque indéfinie, un film sur l’insatisfaction humaine et le rapport au temps. http://auxerreletheatre.com/spectacle/la-beaute-du-diable/

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RESSOURCES Le site de l’ensemble Obsidienne : http://www.obsidienne.fr/ Libre Vermell de Montserrat, livre et CD de l’ensemble vocal et instrumental Obsidienne Moyen Âge entre ordre et désordre, édition Cité de la Musique, Réunion des Musées Nationaux, 2004, catalogue d’exposition ; de très belles photos d’œuvres d’art médiévales montrant des musiciens, des instruments ; des reproductions de manuscrits, textes et partitions (disponible à la Bibliothèque d’Auxerre) Nelly LABERE, Littératures du Moyen-Âge, éditions Presses Universitaires de France, collection Licence Lettres, 2009 (disponible à la Bibliothèque municipale d’Auxerre) RUTEBEUF, Le Miracle de Théophile, édité par Grace FRANK, Librairie Honoré Champion, 1983, texte en ancien français, riche introduction RUTEBEUF, Le Miracle de Théophile, édition bilingue, présentation et traduction par Jean Dufournet, GF Flammarion, 1987 RUTEBEUF, Poèmes de l’infortune et autres poèmes, édition Jean Dufournet, collection Poésie / Gallimard, 1986 La plupart des films de Georges Méliès sont libres de droit, on les trouve sur le site en anglais : https://www.fandor.com/filmmakers/director-georges-melies-123 et on en trouve également beaucoup sur Youtube. MELIES : Le Cinémagicien, un film de Jacques Mény, Le Grand Méliès, un film de Georges Franju, et quinze film de Georges Méliès, double DVD Arte Vidéo (disponible à la Bibliothèque municipale d’Auxerre)