Fiche Délocalisation Web1

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Comprendre la délocalisation des emplois … pour mieux agir CiS centre international de solidarité ouvrière

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  • Comprendrela dlocalisation des emplois

    pour mieux agir

    CiScentre international de solidarit ouvrire

    565, boul. Crmazie Est, bureau 3500Montral (Qubec) H2M 2V6Tlphone : 514 383-2266Tlcopieur : 514 [email protected]

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    CiScentre international de solidarit ouvrire

  • 2La dlocalisation des emploisCette publication vise amliorer notre comprhension du phnomne des dlocalisations pour mieux cerner les implications des diffrents mouvements de production sur les conditions de travail. Elle vise galement prciser les stratgies que les organisations syndicales et les gouvernements peuvent mettre de lavant afin de protger lemploi et faire face cette menace des plus droutantes.

    Une petite mise au point Sil semble simple priori, le phnomne des dlocalisations sinscrit pourtant dans un contexte complexe de mondialisation et didologie nolibrale. Pour mieux saisir la ralit idologique qui se cache derrire ce phnomne, une clarification de certains termes simpose. Le phnomne de mondialisation, pour lequel certains auteurs privilgient la terminologie de globalisation1, a pris son essor pendant les annes 80. Le terme de globalisation suggre lexpansion plantaire dun march transnational drglement, qui tend englober sans distinction dans la sphre marchande toutes les ressources de la plante (eau, forts, minerai, etc.) et toutes les activits humaines (culture, sant, ducation, etc.) . Cest dans ce contexte de globalisation que sinscrit le phnomne des dlocalisations.

    1 GLINAS, Jacques B. (2000), La globalisation du monde : Laisser faire ou faire?, les ditions cosocit, 340 p.

  • 3Le terme de dlocalisation nest pas nouveau. Entendu au sens large, ce concept transcende lacception commune de transfert de la production dune entreprise ltranger. Au sens intgral, la dlocalisation2 signifie quune organisation transfre sa production dun tablissement vers un autre, que celui-ci appartienne ou non la mme firme et quil soit ou non situ ltranger. Cela implique donc une transgression des frontires organisationnelles ou gographiques. Entendue ainsi, la dlocalisation inclut le recours aux diffrentes formes dexternalisation que sont les sous-traitances domestique, nationale et internationale.

    Lorsque les dirigeants dentreprise dcident du lieu physique ou organisationnel de production dun bien ou dun service, ils envisagent diffrentes options de localisation de la production (Jalette, 2008). Sils dcident de transfrer certaines activits lextrieur de leur tablissement, ils procderont ce quon appelle dans le jargon des relations industrielles, de lexternalisation. linverse, le processus de rapatriement et de transfert dactivits vers ltablissement se nomme internalisation.

    Il arrive effectivement, lorsque lexternalisation dactivits ne savre pas rentable, soit en raison des cots de revient (cots de production) soit cause dinsatisfactions lies la qualit du produit ou du service, que les dirigeants dentreprise rapatrient des activits prcdemment dlocalises ou envoyes des sous-traitants. Le rapatriement dactivits sera galement envisag aprs quune entreprise ait amlior lefficacit de son usine ou encore pour remdier au manque de fournisseurs qualifis ou des problmes avec les termes dun contrat.

    2 JALETTE, Patrice (2008). Les dlocalisations : dfinition du phnomne, porte relle au Qubec et rponses syndicales, octobre, 37 p.

  • 4Les firmes invoquent galement le manque dconomies et une surveillance problmatique du contrat pour justifier les dcisions de rinternalisation. Il est possible, en agissant de faon prventive sur les causes des dlocalisations, dviter ces mouvements de va-et-vient de la production.

    Quest-ce qui a favoris la dlocalisation des emplois ?La dlocalisation des emplois vers les pays bas salaires a t favorise par de nombreux facteurs, dont les plus notables ont t la libralisation et la drglementa-tion des marchs. La redfinition des rgles de lconomie mondiale par le biais de la signature de traits de libre-change ou daccords bilatraux et multilatraux entre les gouvernements a cr une interdpendance des conomies nationales. La cration de cet espace conomique commun nest pas due au fonctionnement des marchs conomiques. Elle est plutt le fruit dune volont politique de certains individus et gouvernements soucieux de satisfaire les intrts des investisseurs et des firmes multinationales au dtriment des citoyennes et citoyens et des travailleuses et travailleurs. Au Canada par exemple, les deux paliers de gouvernement se sont montrs trs friands de ce type daccords pour favoriser les exportations et liminer les barrires qui nuisent au commerce et la mobilit de la main-duvre (droits de douane, quotas aux importations, etc.). Or, ces accords nont pas eu pour seul effet daugmenter les exportations.

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    Chaque anne, les importations en provenance des marchs en croissance occupent une place grandissante dans lconomie canadienne et, mesure que gonfle la balance commerciale de pays exportateurs comme la Chine et lInde, le Canada accrot son dficit commercial et sa dpendance conomique vis--vis de ceux-ci. Louverture de certains pans de lindustrie la concurrence internationale nest pourtant pas sans consquence pour le secteur manufacturier notamment qui peine survivre une concurrence mondiale trop vive.

    Par ailleurs, la qute excessive de rentabi-lit incite les dirigeants dentreprise rduire les cots de production, ce qui a favoris la cration dune vritable industrie mondiale de la sous-traitance. Les entreprises se livrent entre elles une comptition froce pour obtenir des investissements et sduire les consommateurs. plus grande chelle, ce sont les pays, les villes et les rgions qui se font concurrence en vue dobtenir des investissements trangers, une lutte parfois lourde de consquences sur la viabilit conomique de certaines rgions mono-industrielles.

    Enfin, les moyens technologiques de coordination de la production, la rduction des cots de transport, amorce il y a une cinquantaine dannes et la prsence dun bassin important de main-duvre qualifie salaires rduits dans les pays mergents ont fortement facilit les mouvements de production lchelle plantaire.

    La dlocalisation : un phnomene en perptuelle mouvanceLvolution rapide du phnomne des dlocalisations ne permet pas de prsumer de son impact long terme sur lemploi. Cela dit, on observe dj une mtamorphose i nquitante du phnomne depuis son apparition. Alors quau dbut les emplois taient principalement dlocaliss vers le Mexique et lAmrique latine, ce sont maintenant les pays asiatiques tels que la Chine et lInde qui bnficient de ces mouvements de production.

  • 6Changement plus notable encore, le phnomne des dlocalisations ne constitue plus dabord une menace pour les emplois requrant un taux de qualification peu lev et pour les travailleurs et travailleuses faiblement rmunrs comme ce fut le cas au dbut. En raison de lamlioration de la formation de la main-duvre dans les pays bas salaires, la ralit est aujourdhui tout autre.

    La dlocalisation des services touche dsormais davantage les emplois re-qurant un niveau de scolarit lev. Qui plus est, ce sont les personnes salaries ayant une rmunration suprieure 20 $ de lheure qui sont les plus susceptibles dtre touches par ces mouvements de production.

    Externalisation des services publics Les restructurations des secteurs et services publics sont frquemment prsentes par nos gouvernements comme une ncessit dcoulant de la mondialisation dune part, et de la crise des finances publiques dautre part. Ceci tant dit, lanalyse critique des choix effectus par les gouvernements rvle plutt que les restructurations sinscrivent dans le courant nolibral qui prne une intervention minimale de ltat, et lorsque le retrait de ltat nest pas possible, lintroduction de mthodes dorganisation et de prestation des services publics fortement inspires des modles en vigueur dans le secteur priv.

    Les dlocalisations dans le secteur des servicesDiffrentes tudes ont dmontr que les emplois susceptibles dtre dlocali-ss ont un dnominateur commun, celui dutiliser de faon intensive les nouvelles technologies de linformation et des communications. Cette ralit fait des services un domaine particulirement risque de subir des dlocalisations. De fait, les services sont en voie de devenir le secteur le plus touch par ce phnomne. Lexternalisation des services ne date pas dhier, mais la menace quelle reprsente a pris de lampleur alors quau Qubec, cest dans ce secteur que sont concentrs dsormais 74 % des emplois. tant donn quelles occupent une part importante des emplois dans les services, les femmes sont plus concernes que les hommes par les menaces de dlocalisation.

  • Bien que la littrature foisonne de termes comme ltat-stratge, ltat-flexible, ltat-partenaire, qui font rfrence la modernisation des services publics et une prise en charge par les communauts, force est de constater que derrire ces mots se cache le dsengagement de ltat. On assiste, au Qubec comme ailleurs, lmergence dun modle dorganisation du travail et de prestation des services publics qui sinspire fortement du modle de la production allge ou flux tendus (aussi connu sous le vocable modle Toyota) mis en uvre, avec peu de rsultats concrets, dans le secteur manufacturier dans les annes 1990 et plus rcemment dans celui des services privs (centres dappels, restauration rapide, institutions financires, secteur de la vente au dtail). Ce modle repose sur plusieurs jalons :

    4 laustrit envers les syndicats reprsentant les salaris de ltat ;4 le refus de la dlibration dmocratique avec lensemble des groupes sociaux ;4 la ringnierie des processus ;4 lexternalisation des activits vers un ensemble dorganisations prives, communautaires et sans but lucratif.

    Le modle de ltat allg tend donc vers la dtrioration des conditions de travail des agentes et agents publics (fonctionnaires, ducation, sant et services sociaux) alors quil recourt de plus en plus des entreprises prives, des organismes sans but lucratif et des organismes communautaires pour offrir les services quil assumait autrefois.

    Lexternalisation peut prendre plusieurs formes :

    4 privatisation ;4 sous-traitance ;4 impartition ;4 concessions ;4 franchisation ;4 partenariats public-priv ;4 ou encore la cration dagences qui sont places hors fonction publique.

    Les enjeux pour le mouvement syndi-cal et les mouvements sociaux sont que

    lexternalisation cr une concurrence entre les agents publics et les personnes au service de ltat employes par len-tremise dorganismes communautaires, dentreprises prives ou dorganismes sans but lucratif et dont les conditions de travail sont plus prcaires. Ainsi, il y a concurrence entre les employes et employs de ltat et les groupes qui sont leurs allis historiques. On voit se dessiner une dynamique de concurrence entre deux secteurs et groupes qui normalement devraient partager les mmes objectifs.

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  • 8Implications des mouvements de production sur lconomie et lemploi

    Bien que le phnomne des dlocalisations au Qubec soit rel, il reste difficile quantifier en raison du caractre approximatif des donnes de Statistique Canada sur le sujet. Les donnes de lagence fdrale rvlent un cart significatif entre le nombre demplois menacs par les dlocalisations et le nombre de ceux rellement dlocaliss. Plusieurs tudes rvlent que les dlocalisations reprsentent entre 1 % et 4 % de la totalit des emplois perdus, soit une infime fraction du march global. Cet cart prouve que lexternalisation est davantage une ralit idologique quconomique. De plus, cette disparit entre le nombre demplois susceptibles dtre dlocaliss et le nombre rel de dlocalisations tmoigne de la faon dont le patronat se sert des questions de localisation de la production pour exercer un contrle sur les travailleuses et les travailleurs.

    Plus quun dplacement important de main-duvre, les dlocalisations sont dabord une stratgie patronale visant faire baisser les conditions de travail et les salaires des tra-vailleuses et des travailleurs dans les pays industrialiss. (Hurteau 2008, p.36)

    Emplois affects par les dlocalisations, en % de lemploi total, Canada, 2001

  • 9Recul de la cration demploisLes impacts socio-conomiques de ces mouvements de production sont multiples. En plus de restreindre la capacit tatique rguler lconomie, le processus de libralisation de lconomie et le recours lexternalisation ont pour consquence de freiner la cration demplois au pays. Le dveloppement des secteurs manufacturier et des services dans les pays mergents draine lui seul une part importante de la cration demplois dans le monde. On estime que lintgration conomique du Canada au march chinois aurait cot la cration de quelque 146 460 emplois au Canada entre 1995 et 2004 (Hurteau 2008, p.36). Le fait que la dlocalisation des emplois se fasse souvent vers des pays qui contreviennent aux conventions internationales fondamentales sur les droits du travail a pour effet de niveler vers le bas les normes en vigueur lchelle mondiale. En plus daccorder des avantages concurrentiels dloyaux certains pays, cela nuit considrablement la promotion du travail dcent, lapplication et au respect des conventions fondamentales relatives au droit du travail dfinies par lOrganisation internationale du travail (OIT) dans le monde. Les dlocalisations peuvent galement avoir des effets rgionaux dvastateurs lorsque le principal centre dactivits conomiques de la communaut est touch par la fermeture dune usine.

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    Dprciation des salairesPar ailleurs, laugmentation du bassin de main-duvre qualifie et meilleur march ltranger conjugue la possibilit de dlocaliser des emplois dans le secteur des services ont eu pour effet de dprcier les salaires rels des travailleuses et travailleurs qualifis dans les pays qui dlocalisent.

    Dtrioration des termes de lchange sur les marchs internationauxParalllement cela, on a assist la dtrioration des termes de lchange sur les marchs internationaux. En conomie, on parle de dtrioration des termes de lchange dun pays ou dune conomie lorsque le prix des exportations dun bien baisse, alors que celui des importations demeure identique ou augmente. Le pays en question doit alors exporter davantage de biens pour pouvoir en importer autant quavant, ce qui pousse continuellement revoir les cots de production la baisse. Par ailleurs, larrive de produits faibles cots dans nos marchs a permis aux consommateurs daccrotre leur pouvoir dachat court terme, mais elle a eu pour consquence moyen terme de niveler vers le bas la valeur des produits sur le march. Pour rester comptitifs et russir couler leur marchandise, les producteurs locaux ont donc t contraints dajuster leurs prix ceux des produits provenant des conomies mergentes. Cela a cot un prix considrable aux travailleuses et aux travailleurs : le recours la sous-traitance, la dlocalisation et la diminution des salaires et des conditions de travail des employs et employes qubcois.

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    Pertes fiscalesLes pertes de recettes fiscales encourues par les dlocalisations constituent un autre impact important de ces stratgies patronales. Lorsque des firmes multinationales transfrent leurs socits mres ou leurs siges sociaux dans dautres pays, par le fait mme, une partie des bnfices est transfre et taxe dans dautres pays. La dprciation des salaires occasionne par le chantage de dlocalisation se traduit galement par des rductions des revenus dimpt au pays.

    Impacts environnementauxDe nombreuses firmes multinationales dlocalisent certaines de leurs activits vers des zones o les normes environnementales sont plus souples pour contourner les lgislations plus contraignantes de leur pays, ce qui a de graves rpercussions sur lenvironnement.

    Moins de financement dans la sphere socialePar ailleurs, en raison de la concurrence froce qui se joue entre les pays pour lobtention dinvestissements trangers et nationaux, les tats sont contraints de fournir aux entreprises un environne-ment fiscal des plus comptitifs et des moins contraignants. Ce financement de crdits dimpt et de cadeaux fiscaux aux multinationales se fait au dtriment de linvestissement dans les missions sociales comme la sant et lducation.

    Moins dinnovationLes dlocalisations se traduisent ga-lement par un certain affaiblissement de la capacit novatrice des entreprises locales. Bien que les pays industrialiss conservent encore une certaine avance technologique sur les conomies en croissance, ces dernires rattrapent rapidement leur retard mesure que sont dlocaliss les budgets lis la recherche dans lindustrie.

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    Rpercussions des dlocalisations sur le pouvoir daction syndicaleLa possibilit de dlocaliser la production a galement de nombreuses rpercussions sur le pouvoir daction des syndicats et sur les relations du travail. Les personnes salaries et les syndicats sont videmment proccups par la prcarit et linscurit demploi engendres par lexternalisation dactivits. Les syndicats assistent leffri-tement de leur pouvoir de ngociation. La perte de membres et la rduction de leur marge de ngociation sont des facteurs qui concourent affaiblir les organisations syndicales. Les gouvernements ny trouvent pas non plus leur compte puisque les dlocalisations sont synonymes de pertes dappuis pour les politiciens.

    Rduction de linfluence nationale dans les relations du travail Ajoutons cela que les entreprises sont de plus en plus fragmentes en raison de ces mouvements de production. On assiste ce quon appelle la modularisation de la production, cest--dire que la chane est de plus en plus divise, lensemble des tapes du processus de production ntant plus effectu dans un mme tablissement.

    La mise en concurrence froce des sites pour les investissements, que ce soit entre pays, villes, tablissements ou sous-traitants, constitue une menace constante la survie des usines, des emplois, des communauts, des

    syndicats et, finalement, de tout le systme de relations du travail, car les rgles du systme de relations industrielles nationales diffrent dun pays lautre. Les entreprises choisissent un lieu de production en fonction des conditions de travail en vigueur dans les pays trangers, ce qui a pour effet de rduire linfluence des normes de relations du travail en vigueur lchelle nationale. Les menaces de dlocalisation ont donc mis en vidence certaines limites de laction syndicale, dont lancrage se situe principalement aux paliers local et national, plutt quinternational.

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    Des solutions existent3 Sil est vrai que les questions de localisation de la production dfavorisent lourdement les travailleurs et les travailleuses dans la ngociation de conditions de travail, ils ne sont pas pour autant compltement dsarms pour lutter contre les menaces de dlocalisation. Il est difficile de dterminer quelles sont les pratiques les plus percutantes pour freiner les mouvements de production, car peu dtudes srieuses ont t menes sur la question. Chose certaine, il est essentiel dagir la fois sur les causes et sur les consquences de la dlocalisation afin den contrer la menace.

    Prvenir les dlocalisationsDe faon prventive, travailler sur les causes de la dlocalisation permettra de mieux saisir les raisons qui incitent les dirigeants dentreprise recourir lexternalisation dactivits. Ce travail se fera par la ngociation de rencontres dinformation avec lemployeur afin que les travailleurs soient plus au fait de la situation conomique et de la sant globale de leur entreprise et quils saisissent davantage les politiques de gestion de lentreprise. Les syndicats devront galement procder une analyse exhaustive de leur milieu de travail et du secteur dans lequel uvre lentreprise pour mieux comprendre les enjeux derrire les menaces de dlocalisation et poser un bon diagnostic de la situation.

    3 JALETTE, Patrice (2008). Les dlocalisations : dfinition du phnomne, porte relle au Qubec et rponses syndicales, octobre, 37 p.

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    Cela leur permettra de renforcer leur pouvoir de ngociation et leur capacit stratgique proposer des alternatives la dlocalisation, et ce, ds les premiers signes de difficult. Ils devront par ailleurs ngocier un processus de consultation avec lemployeur et des clauses prventives visant protger leurs membres et minimiser les impacts dune ventuelle dlocalisation. La prvention inclut la rvision du projet initial de lemployeur par la recherche dalternatives, comme celle de procder une comparaison des sites actuels et potentiels pour dterminer ce qui motive procder une externalisation de la production.

    Les campagnes dducation sur les dlocalisations auprs des travailleuses et des travailleurs permettront de mieux les armer afin quils dpartagent les risques rels de transfert demplois des menaces patronales visant des concessions de leur part.

    Une des stratgies syndicales mettre de lavant pour tenter de freiner le phnomne des dlocalisations consiste entamer des ngociations avec lemployeur.

    Dvelopper une stratgie face a lemployeur

  • 15 4 LEVESQUE C., MURRAY G. (2003), Le pouvoir syndical dans lconomie mondiale : cls de lecture pour un renouveau. 28p.

    Dvelopper des alliances avec dautres syndicats et avec la communautLes syndicats doivent galement dvelopper des rseaux entre eux, lchelle nationale et internationale ou avec des groupes communautaires. La cration dalliances entre syndicats dune mme entreprise transnationale permettra de mieux connatre les conditions de travail tablies dans dautres pays par lentreprise. Lalliance avec des fdrations professionnelles internationales ou avec des travailleurs dun mme secteur conomique permettra aux travailleuses et aux travailleurs dtendre leur reprsentativit en plus dlargir le cadre de leur lutte aux fournisseurs et aux sous-traitants. Les syndicats pourront ainsi se runir pour ngocier des accords cadres avec des entreprises multinationales afin dencadrer les pratiques de ces dernires ltranger. Ces accords permettront dassurer un plus grand respect des droits des travailleurs au sein des pays o sont implantes lesdites entreprises et dinciter ces dernires se montrer socialement responsables indpendam-ment des rgles et des lois de protection des travailleurs en vigueur dans ces pays.

    Cette stratgie de ngociation reprsente un dfi considrable pour les syndicats afin dviter autant que faire se peut daccorder la partie adverse des concessions importantes.

    Pour dissuader lentreprise de recourir la dlocalisation de sa production et ainsi viter des pertes demplois, chaque syndicat devra mobiliser ses ressources en travaillant troitement avec ses membres, en les informant et en les sensibilisant sur les enjeux de la dlocalisation et de la mondialisa-tion. Faute de loi contraignant un employeur divulguer de linformation ses travailleuses et travailleurs ou

    leur accorder du temps de ngociation lorsquune dlocalisation de la pro-duction dactivits est envisage, les membres des syndicats devront tenter dobtenir ce type dinformation par la voie de la ngociation. En disposant de suffisamment de temps et dinformation, les syndicats seront ainsi en meilleure posture pour ngocier des indemnits de dpart, des clauses de licenciements collectifs et des pravis de licenciement, qui sont autant de mesures susceptibles de protger leurs membres en cas de dlocalisation et de dissuader une entreprise de recourir lexternali-sation de ses activits. (Lvesque et Murray, 2005).

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    Faire entendre notre opposition!Les travailleurs et travailleuses syndiqus disposent de plusieurs moyens pour clamer leur opposition la dlocalisation et exercer de la pression sur le patronat. Sensibiliser la clientle de lentreprise et la population aux implications de la dlocalisation, mener une action politique, faire du lobbying, recourir des manifestations reprsentent diffrentes mthodes mettre de lavant pour exercer des pressions incitatives sur lemployeur.

    Dautres actions syndicales plus tradi-tionnelles, comme celles dappuyer les organisations syndicales ltranger et de mener des campagnes de pression lchelle mondiale, de refuser les heures supplmentaires, de faire des griefs et des grves sont des recours traditionnels qui ont plus de poids. Dans certains cas, des contestations judiciaires pourront tre engages.

    Archives CSN

    Archives CSN

    De tels accords reprsentent des mcanismes efficaces de rgulation des pratiques des entreprises afin dinciter ces dernires offrir de la formation aux employs, respecter lexercice des droits syndicaux, promouvoir la sant et la scurit au travail, permettre laccs de linformation sur lentreprise, etc. Ltablissement dalliances durables avec des groupes sociaux de la communaut est essentiel pour renforcer lappui que recevront les travailleurs et travailleuses dans leur mobilisation et pour fortifier leur capacit daction. Cette coopration doit donc se faire tant lchelle nationale quinternationale.

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    Ltat a galement un rle cl jouer afin de freiner les mouvements de production et den limiter les consquences sur les conditions de travail. Il est primordial de trouver des alternatives qui permettront de protger lemploi plutt que dexiger indfiniment plus de flexibilit de la part de la main-duvre qubcoise. Plusieurs tats amricains ont dj commenc rglementer le march laide de lois anti-dlocalisations pour limiter linfluence ngative de la concurrence internationale sur lemploi. Cest le cas par exemple du New Jersey qui exige des entreprises quelles divulguent lemplacement de leurs centres dappels. La Californie, Washington et le New Hampshire quant eux obligent les firmes prvenir le gouvernement avant de procder des dlocalisations. Ces alternatives sont applicables condition quil y ait une volont politique dagir et que ltat sassure que les syndicats, par leur prsence et leur implication, demeurent des interlocuteurs lgitimes

    dans le processus de ngociation. Les provinces et les tats pourraient saccorder sur linstauration dun plancher fiscal commun afin de ne pas favoriser certaines rgions dans lobtention dinves-tissements. Cela limiterait la concurrence froce et dloyale laquelle les tats et les rgions sadonnent et favoriserait plutt un climat de coopration. Plusieurs ractions politiques permettent de limiter les impacts ngatifs des dlocalisations. Un certain nombre de mesures peuvent tre mises de lavant par ltat pour faire en sorte que le recours la dlocalisa-tion savre couteux pour les entreprises. Hausser les cots de la dlocalisation et ceux de la transaction en allongeant la dure du pravis de licenciement, facturer aux entreprises tous les frais de reclasse-ment, exiger delles quelles remboursent les prts gouvernementaux octroys pour favoriser la cration demplois sont autant de mesures qui dissuaderont les entre-prises dexternaliser la production ou du moins les freineront dans leur lan.

    Exercer une pression sur lEtat et sur les entreprisesLes tats ont la responsabilit de rgir lenvironnement institutionnel afin que les entreprises se montrent plus responsables socialement et quelles soient moins enclines se servir des questions de localisation de la production pour faire baisser les conditions de travail des personnes salaries. Les tats se doivent de prserver un espace politique favorisant un dveloppement conomique durable en mettant fin la ngociation daccords internationaux nfastes tant pour leur conomie que pour leur autonomie politique.

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    Encadrer la sous-traitanceLadoption de politiques dapprovisionnement responsable par les entreprises et les institutions publiques peut galement contribuer mieux encadrer le phnomne de la sous-traitance. Cependant, un encadrement rel de la sous-traitance ne pourra se faire que par le respect, dans toute la chane de production, des droits humains, notamment des conventions internationales sur la libert syndicale, de la reconnaissance du droit dassociation et de ngociation collective, de labolition du travail des enfants et du travail forc.

    Loctroi daide gouvernementale sous certaines conditions clairement dfinies, notamment le maintien de lemploi au palier rgional, assurerait que laide verse aux entreprises serve rellement crer des emplois au pays ou tout le moins protger ceux existants. Ces conditions permettraient aux gou-vernements dexiger des firmes qui dlocalisent quelles remboursent les subventions reues.

    Dans le cas de transnationales ou dentreprises qui dlocalisent en faisant fi des droits humains, ltat peut les exclure des contrats publics. Sil est vrai que cela contrevient aux lois de la concurrence et aux engagements internationaux existants, il est tout fait justifiable politiquement de prioriser les entreprises locales dans loctroi de contrats publics et ainsi participer au dveloppement conomique du pays.

    Il convient toutefois de souligner que de nombreuses questions restent en suspens quant aux moyens dont les syndicats et les

    gouvernements entendent se doter afin de prserver lemploi lchelle locale, rgionale ou nationale et favoriser le dveloppement conomique du pays. Faut-il taxer les importations lies aux dlocalisations de certaines firmes qui ne respectent pas les rgles environnementales pour empcher lexternalisation dentreprises polluan-tes? Une telle mesure permettrait-elle de forcer les entreprises dlinquantes adapter leur systme de production aux rgles des pays plus avancs en matire denvironnement et mettre un frein lavantage concurrentiel des pays au sein desquels les normes environnementales ne sont pas ou peu appliques? Faut-il imposer des quotas de fabrication locale aux propritaires de marques dposes dans un pays et attribuer le droit exclu-sif dutilisation de cette marque avec la disposition sine qua non que ces quotas soient respects? Ces questions se posent aujourdhui aux organisations syndica-les et plusieurs dbats incontournables restent faire.

  • Agir sur les consquences des dlocalisations Lamlioration de la protection sociale, des rgimes dassurance chmage, des rgimes de retraite permettrait doffrir aux travailleurs touchs par les dlocalisations un accs des protections sociales satisfaisantes.

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    Rdaction et coordinationFeyla Kbir

    Recherche Jean-Nol GrenierPhilippe HurteauPatrice JaletteHugues Rondeau

    Comit de coordination et de lectureIsabelle Coulombe, FTQKarine Crpeau, FIQJohanne Gagnon, SFPQJose Lamoureux, CSNAndr Marcoux, AREQFrancine Nmh, CISOHugues Rondeau, CCMM-CSN

    IllustrationsBoris

    Design graphiqueMarlene-b.com

    Rvision linguistiqueAndre Brub, CSQ

    RemerciementsLe CISO remercie tous les syndicats qui ont particip la cration de cette fiche.

    Soutien financierNous tenons remercier le Fonds autonome dengagement du public (FADEP) de lAgence canadienne de dveloppement international (ACDI) pour sa contribution la ralisation de ce document.

    cette publication a t rendue possible grce la collaboration de :

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