maq délocalisation -...

30
Téléchargez l'intégralité des supports du programme technique du congrès 2007 sur www.experts-comptables.org/62/ De l'0rdre des Experts-Comptables Europe & Entreprises Opportunités pour l'Expert-Comptable

Transcript of maq délocalisation -...

Page 1: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Téléc

harg

ez l'

intég

ralit

é de

s su

ppor

ts du

pro

gram

me

techn

ique

du

cong

rès

2007

sur

ww

w.e

xper

ts-c

ompt

able

s.or

g/62

/

De l'0rdre des Experts-Comptables

Europe & EntreprisesOpportunités pour l'Expert-Comptable

Page 2: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Délocalisations des activités comptables, bien réfléchir avant d’agir

Même si la profession vise un haut niveau de qualité de ses prestations, les cabinets d'expertise comptable doivent optimiserleurs coûts de production pour le traitement comptable. Il existe pour cela plusieurs solutions : délocaliser à l'extérieur de laFrance [on est alors tenté d'utiliser le terme délocalisation], mutualiser les activités entre plusieurs cabinets pour abaisser lescoûts, refondre les processus internes de traitement comptable ou pourquoi pas relocaliser les activités comptables en Francemais dans des zones géographiques où le coût de la main d'oeuvre est plus faible [zones franches par exemple ou zonesrurales].Les entreprises cherchent également à externaliser leur fonction comptable pour abaisser leurs coûts de revient pour tout oupartie des processus comptables et financiers. L'opérateur le mieux à même de répondre à cette attente est l'expert-comptable.L'externalisation comptable est déjà une réalité pour les TPE : l'enjeu actuel est la conquête des PME, un marché à conquérir.Toutefois sur le chemin, il y a les SSII ou certains grands opérateurs, concurrents des EC pour le middle market et les grandscomptes. Histoire de compliquer la lecture du jeu, il est possible qu'à moyen terme des groupes d'entreprises ayant des fonctionscomptables centralisées dans des centrales ou groupements, s'aperçoivent qu'ils peuvent aussi vendre leurs services comptablesà d'autres entreprises.

De plus en plus, le rôle des entreprises est d'assembler des modules et processus en optimisant la création de valeur. Lescabinets d'expertise comptable peuvent aussi avoir cette même problématique d'assembleur de compétences internes etexternes à moyen terme. De toutes les manières la tendance à la concentration de tous les secteurs d'activités, va amenerla profession à revoir sa copie en matière de production et de savoir comment les cabinets vont pouvoir générer de la valeurdans le futur.

A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène peu répandu pour le secteur des activités comptables aussi bien côtécabinet que parmi les entreprises. Les expériences sont très limitées et les acteurs sont dans une phase d’observation.Toutefois, cela doit nous inciter à entamer une réflexion globale sur de nouvelles modalités des process de traitement comptableen tirant parti des technologies, avec peut-être des solutions collaboratives en réseaux [par exemple des hubs avec d’autrescabinets d’expertise comptable] tout en respectant les normes de qualité de la profession comptable. En 2007, des gisementsde gains de productivité sont accessibles immédiatement dès lors que l’on remet en cause nos process de travail habituels,sans avoir besoin de délocaliser.

Au-delà d’un horizon de 3 à 5 ans, il est possible que ce constat change, en fonction de la vitesse de propagation de l’innovationdans les entreprises et dans ce cas, la délocalisation sera peut-être à nouveau à l’ordre du jour avec de nouveaux arguments.

Thierry LorotPrésident de la Commission développement des cabinets et des pratiques innovantes du CSOEC

Ce Livre blanc résulte d'une enquête d'investigation menée par Robert Mauss afin d'identifier les expériences et visionsde quelques acteurs. Nous avons voulu faire cette radiographie 2007 loin de tout dogme ou toute polémique afin quechacun puisse se faire son propre jugement sur ce phénomène. Les propos recueillis sont placés sous la responsabilitédes différents auteurs interviewés. Ce document est né de la volonté de Jean-Pierre Alix, président du CSOEC, d'éclairer la profession sur les impacts etopportunités potentielles de ce phénomène. La conduite de ce projet a été confiée à Thierry Lorot, président de la commissiondéveloppement des cabinets et des pratiques innovantes au CSOEC.L'architecture pédagogique du livre blanc a été élaborée par René Duringer, directeur de la prospective et du congrès auCSOEC. Bérengère Bézier, chargée de mission congrès & prospective a coordonné et complété la matière rédactionnelleen s'assurant de son intelligibilité.En l'état actuel ce document de réflexion ne peut traduire une position du CSOEC.Ce document résulte de travaux arrêtés fin juillet 2007.

EDITORIAL

AVERTISSEMENT

Page 3: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Avant-Propos 2

Facteurs clés de succès d’une opération de délocalisation d’activités comptables / Sondage flash 3

I - La délocalisation dans tous ses états 4

1/ Les champs multiples d’une définition 4

2/ Quelles entreprises pour quelles délocalisations de services 5Techniques des délocalisations 5Qui délocalise ? 5Potentiel de délocalisation dans les services opérables à distance 6Les services délocalisables 6Catégories de fonctions externalisées par les entreprises 6Top Ten des fonctions externalisées 6La menace pour l’emploi 7

3/ Centres d’appels : le grand départ 7Huit mille postes délocalisés 7Délocalisations : aux Etats-Unis, même les informaticiens flippent 7

4/ “Il n’y a aucune fatalité aux délocalisations” 8

5/ “L’offshore est une nécessité” 9

6/ Les services informatiques, précurseurs des délocalisations de services 10Délocalisations : les estimations du Syntec Informatique 11Offshore : quelques données clés 11

II - Regards 12

1/ ”Depuis septembre 2005, je propose des missions de tenue comptable externalisée et de participation aux travaux de clôture” 12

2/ Délocalisation : la prudence s’impose 13

3/ Un cabinet qui procède à l’externalisation interne 13

4/ “L’externalisation est une réponse à la pénurie de personnel.” 14

5/ Cap sur la Roumanie 14

6/ “Nous sommes capables d’assurer l’ensemble des prestations qui entrent dans le domaine de l’expertise comptable” 15

7/ “La délocalisation a répondu à un besoin précis” 16

8/ Les charmes de la grande île de l’Océan Indien 17

9/ “Pour parvenir à un résultat efficient, il faut non seulement délocaliser un grand nombre de dossiers, mais pas uniquement sur la tenue comptable…” 17

10/ Les délocalisations des cabinets ne sont plus un fantasme, mais pas encore une réalité et encore moins une menace 18

III - Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès “Et si on parlait de comptabilité ?” - Paris 2005 20

Focus 1/ Atelier de la Profession/La délocalisation : Enjeux, risques et perspectives 20

Focus 2 / La délocalisation va-t-elle séduire les experts-comptables ? 21

Focus 3/ Délocalisations des industries en Europe : la course déflationniste en marche 22

ANNEXES 26

Annexe 1/ Bibliographie 26

Annexe 2/ Questionnaire de l’enquête sur les délocalisations des activités comptables des cabinets d’expertise comptable en Europe auprès de la profession - Avril 2007 27

Sommaire

Page 4: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Les grands mouvements de développement économique ont toujours été liés aux progrès des techniques de

transport. Les Caravelles de Christophe Colomb profitent de leur haut bord et de leur grand-voile carrée pour traverser

l’Atlantique. Les Grandes Découvertes sont à l’origine du fabuleux développement économique de l’Europe.

L’invention de la machine à vapeur, avec la création des chemins de fer et des bateaux à vapeur, porte littéralement

la Révolution Industrielle au XIXe siècle. L’arrivée de l’électricité, fondement du télégraphe et du téléphone

raccourcit encore les distances. La radio, le cinéma et la télévision participent également à ce mouvement de village

planétaire. L’aviation moderne réduit encore les distances. Aujourd’hui, c’est Internet qui les abolit. Le développement

d’Internet est l’un des plus prodigieux de l’histoire de l’Humanité. Il n’y a pas une invention qui ait connu un dévelop-

pement aussi phénoménal. En 1996, on dénombrait quelques happy fews à disposer d’une adresse électronique

Aujourd’hui, la moitié des ménages français est équipée d’un ordinateur relié à une connexion à haut débit. Les

études dénombrent 1,2 milliard d’Internautes dans le monde. Ce n’est pas en vain que l’on parle de réseau des

réseaux…

Naissance de l’économie dématérialisée

Les Technologies de l’Information et de la Communication réunissent trois grands types d’outils : les instruments de

télécommunication, les serveurs informatiques qui permettent de collecter et archiver l’information et les systèmes

dits télématiques qui sont positionnés entre les serveurs informatiques. La montée en puissance de ces techniques

est littéralement exponentielle. Plus moyen de se plaindre de la lenteur de communication. Il suffit de quelques

secondes pour transférer des contrats, des documents, des fichiers toujours plus volumineux. Cette rapidité et

cette efficacité du média permettent de revoir les méthodes de travail, c’est l’économie dématérialisée. Les

grands groupes ont organisé des groupes de travail autour de systèmes de messagerie et d’applications dites

de travail collaboratif. Les entreprises peuvent ainsi s’affranchir des distances et des horaires pour regrouper leurs

meilleures compétences autour d’un projet.

La création de places de marché virtuelles a favorisé l’externalisation des projets en structurant de manière nouvelle

les relations entre un donneur d’ordre et ses fournisseurs. Les entreprises ont ainsi pris l’habitude des mises

en concurrence systématiques. Les Acheteurs sont devenus des personnages redoutés. Et surtout, les chefs

d’entreprise ont pris l’habitude de regarder systématiquement au-delà de leurs frontières ou de leurs zones de

chalandise, les TIC abolissent les frontières. Elles font quasiment disparaître les coûts de communication et les

technologies suppriment souvent les besoins de déplacement. Les TIC permettent de mettre en concurrence des

prestataires éloignés avec leurs propres ressources. Elles font aussi quasiment disparaître les coûts de transaction.

Le chef d’entreprise peut alors se livrer aux joies du benchmarking qui permet de comparer sa compétitivité, étape

par étape de production, usine par usine, service par service. Et mettre en compétition ses propres ressources

avec celles que le marché lui propose. Progressivement, nous voyons se dessiner sous nos yeux une entreprise

qui privilégie la coordination entre partenaires au détriment de son mode d’organisation militaire traditionnelle. Voilà

pourquoi, les Technologies de l’Information et de la Communication, nous font passer de l’ère de la sous-traitance

à celle de l’externalisation et des délocalisations.

AVANT-PROPOS

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 2

Page 5: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Les délocalisations, une menace pour l’expert-comptable ?

Les cabinets d’expertise comptable peuvent-ils échapper au phénomène ? Oui, dans une large mesure. L’expert-

comptable délivre d’abord un conseil de proximité. Il est souvent l’homme de confiance du chef d’entreprise. A ce

titre, l’expert-comptable est difficilement délocalisable. Mais progressivement, il voit poindre des menaces nouvelles.

Son statut monopolistique est réellement menacé. Les banques ou les sociétés de services en informatiques louchent

dangereusement sur ses activités. L’expert-comptable est donc contraint au minimum à un effort de réflexion sur

ses activités, ses missions, les services rendus à ses clients et les attentes à venir de ces mêmes clients. A ce

titre, l’externalisation en France ou ailleurs, d’une partie de ses tâches, apparaît comme une solution possible.

Nous rencontrerons au fil des pages de ce livret des confrères qui ont choisi cette méthode pour des raisons souvent

différentes. Nous en rencontrerons d’autres qui, après avoir poussé la réflexion assez loin, ont préféré renoncer

à cette tentation. Aujourd’hui, les délocalisations ne concernent qu’une poignée de cabinets. L’offre existe, mais

elle est émiettée et encore peu significative. Les prestataires affirment vouloir se concentrer sur une partie seulement

des missions actuelles de l’expert-comptable. Ils prétendent le décharger de ses tâches les plus ingrates afin qu’il

puisse se concentrer sur le conseil aux entreprises, la partie noble du métier. Le discours est attrayant, mais

l’expert-comptable ne doit pas oublier que d’autres l’ont entendu avant lui, avec les résultats que l’on connaît.

Facteurs clés de succès d’une opération de délocalisation d’activités comptables

Sondage flash

1. Coût de la main d’œuvre locale

2. Infrastructures technologiques du pays d’accueil

3. Compétences comptables du personnel local [tenue, révision]

4. Volume d’écritures à traiter

5. Sécurité politique + climat social du pays d’accueil

6. Professionnalisme, productivité, organisation du management ou comportement du personnel local

7. Maîtrise de technologies avancées pour le cabinet qui va externaliser

8. Référentiel comptable local et notamment proximité par rapport au système comptable français

9. Acceptation des collaborateurs français

10. Capacité des collaborateurs français à réaliser d'autres missions

11. Maîtrise de la langue française du personnel local

12. Facilité d’accès par les transports du pays d’accueil

13. Viabilité du nouveau modèle économique basé sur de nouvelles missions

14. Niveau d’éducation du pays d’accueil

15. Eloignement géographique [par rapport à la France]

16. Capacité du cabinet qui externalise à piloter la qualité des prestations rendues

Source : sondage flash avril 2007 auprès d’un mini panel d’experts-comptablesQuestionnaire en annexe 2

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 3

Page 6: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Derrière le vocable générique de délocalisation, il existe denombreuses situations. Une entreprise peut être tentée de seséparer d’une partie de ses activités, mais elle peut aussi vouloirles externaliser, les sous-traiter, les partager, les déplacer oules superviser. Chacune de ces actions recouvre une stratégieadaptée à des circonstances différentes. Dans certains cas,l’entreprise désire faire briller son cours de bourse. Mais, ellepeut vouloir aussi confier une activité à des spécialistes pluscompétents, conquérir des parts de marché à l’exportation ougagner en souplesse dans son mode de fonctionnement.Délocalisation, externalisation, offshore, nearshore, sous-traitance,infogérance… petite revue lexicale.

DélocalisationTransfert en bloc d’activités existantes du territoire nationalvers le territoire d’un autre pays [Sénateur Jean Arthuis - Rapportsur les délocalisations]. Le Syntec définit par offshore, ou délocalisation les travaux vendus et facturés en France par descentres implantés à l’étranger.

Les six grands types de délocalisation [Source El Mouhoub Mouhoud “Mondialisation et délocalisation des entreprises” La Découverte 2006].

Délocalisation défensive : Afin de se défendre contreune concurrence toujours plus vive, l’entreprise estcontrainte de rétablir sa compétitivité par le transfert àl’étranger de ses centres de production, et maintientsur le territoire d’origine les activités de recherche etdéveloppement, le marketing, les bureaux de style.

Délocalisation d’accompagnement : Les fournisseursdélocalisent en masse pour se contraindre aux obligationsde leur donneur d’ordre.

Délocalisation avec comportement de marge : Lesentreprises délocalisent sans répercuter sur leurs prix labaisse des coûts de production.

Délocalisation d’efficience et de rentabilité :Délocalisation de parties d’activités non compétitivesafin de se renforcer sur son propre marché.

Délocalisation de recentrage sur son métier debase : Délimitation des frontières et recentrage sur lescompétences de base dans une logique de dynamiqued’innovation et d’apprentissage.

Délocalisation itinérante : Délocalisation successiveen fonction des hausses des coûts salariaux et de production.

ExternalisationTransfert répété ou continu de la gestion d’une activité vers unprestataire extérieur.

Les principaux motifs d’une externalisation

Moins Meilleure Stratégie Flexibilitécher qualité d’orga- etqu’en qu’en nisation souplesseinterne interne

Production +++ + ++ +Distribution/logistique/

+++ + + ++transportInformatique/

++ + ++ ++télécommunicationsRessources humaines ++ ++ ++ ++Administration et finances +++ + ++ +Services généraux ++ ++ + ++

Importance des critères pour l’externalisation : +++ 40 % etplus, ++ de 20 à 39 %, + moins de 20 %.Source Ernst & Young “Baromètre Outsourcing 2005”

Externalisation offshore : Qualificatif savant pourdélocalisation.

Externalisation nearshore : Délocalisation vers unpays proche. Les entreprises françaises considèrentcomme nearshore, les pays d’Europe et du Maghreb.

Externalisation à valeur ajoutée : Cette méthodeconsiste à rémunérer le prestataire selon le chiffre d’affaires que l’activité va générer. Par exemple, l’entrepriseA confie à B le soin de mettre au point un produit. A secharge de la distribution et rétribuera B en fonction desrésultats des ventes.

Coexternalisation : Variante de la précédente. Leprestataire est rémunéré en fonction des résultats de lapremière.

Externalisation avec prise de participation : Enéchange d’une délégation d’activité de l’entreprise Avers l’entreprise B, A prend une participation au capitalde B.

Externalisation à choix multiple : Afin de ne pasdépendre d’un prestataire unique, une entreprise varépartir l’activité dont elle se sépare entre plusieursfournisseurs. C’est souvent le cas dans les transfertsd’activités liées à l’informatique ou aux télécommunications.Inconvénient, la méthode fait grimper les coûts de gestion.

IDE ou Investissements Directs à l’EtrangerSelon une étude du MEDEF, 39 % des PME ont déjà réalisé uninvestissement à l'étranger. La moitié des entreprises déjàimplantées hors de nos frontières ont un nouveau projet d'investissement à l'étranger. La motivation de ces projets estla croissance sur de nouveaux marchés pour 73 % des cas etla délocalisation de la production pour 20 %

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables La délocalisation dans tous ses états4

I LA DÉLOCALISATION DANS TOUS SES ÉTATS

1/ Les champs multiples d’une définition

Page 7: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Autres qualificatifs

Downsizing Opération qui vise à améliore la productivité et la compétitivitéd’une entreprise par la réduction de ses effectifs. Contrairementà l’externalisation, il n’y aura pas de transfert de personnel versun prestataire, mais une séparation pure et simple avec unepartie des employés.

FilialisationTransformation d’un département en entreprise à part entière.A cours des années 1980 et 1990, de nombreux grands grou-pes ont ainsi filialisé leur département informatique.

InfogérancePrise en charge contractuelle de tout ou partie de la gestiond'un système d'information d'un organisme par un prestataireextérieur. [Commission ministérielle de terminologie informatique].

Outsourcing Procédure consistant à confier à un fournisseur une partiecomplète de ses activités. Les informaticiens parlent aussi deBPO ou Business Process Outsourcing.

Sous-traitanceOpération par laquelle une entreprise confie à une autre le soind’exécuter pour son compte et selon un cahier des chargesdes missions de production ou de services dont elle conserve laresponsabilité économique finale. [Conseil Economique et Social].

TMA ou Tierce maintenance applicativeMission confiée à un prestataire extérieur [le tiers] de mainteniren état de fonctionnement une application informatique. Leprestataire supervise la sécurité, il corrige les erreurs, et améliorele fonctionnement en fonction de l’avancée de l’état de l’art.

On a longtemps pensé que le mouvement de délocalisationconcernait essentiellement le secteur manufacturier, avant deconstater que les services étaient eux aussi externalisables àl’étranger. Comme pour les usines, les entreprises qui délocalisentdans le secteur des services, le font d’abord pour profiter dunemain d’œuvre de qualité à moindre coût. Mais elles sont égalementanimées par d’autres motivations comme le besoin decontourner les rigidités de notre législation sociale. Elles peuventaussi vouloir s’implanter sur des marchés émergents richesd’opportunités.

Par ailleurs, il ne s’agit plus seulement de transférer des activitésà faible valeur ajoutée comme les centres d’appels téléphoniques.Les délocalisations menacent tous les secteurs, y comprisceux de la haute technologie. Si l’on excepte les purs services deproximité [services à la personne, restauration, réparation…] iln’y a pas un pan de l’activité qui ne soit menacé. Entre la montée en gamme des activités et la diversité desmotivations, les salariés ont parfaitement le droit de se sentirmenacés. N’oublions pas que le secteur tertiaire représente lesdeux tiers de l’emploi privé.

Techniques des délocalisations

Il existe plusieurs formes de délocalisation. La presse [et c’estbien normal] braque ses projecteurs sur les plus spectaculaires,ceux qui entraînent la fermeture pure et simple de sites entiersavec transfert complet de l’activité vers un pays étranger. Ilarrive même parfois que l’entreprise propose à ses employésde rejoindre le site délocalisé, aux conditions légales et salarialeslocales. Ces délocalisations se traduisent par une perte netted’emplois, immédiatement quantifiable. Pourtant, il s’agit d’unegoutte d’eau dans la mer. L’institut Katalyse, auteur pour laCommission des Finances du Sénat d’un rapport sur les délocalisations de services, estime que pour un emploi perdupar un transfert brutal d’activité, il faut en compter cinq pour desdécisions nettement moins spectaculaires dites de délocalisationdiffuse ou de non localisation. Dans le premier cas, une entreprise regroupe à l’étranger uneactivité jusque là répartie sur plusieurs sites de son territoirenational. Il n’y pas de fermetures à grande échelle, ni de

mouvements sociaux. Mais il y a bien des pertes d’emplois.Axa envisage ainsi de regrouper d’ici à 2012 sur ses plates-formesde Chine, d’Inde et du Maroc quelques 70 000 personnes.L’assureur reconnaît que ces postes remplaceront des emploisen Europe et en Amérique du Nord. Axa compte déjà 2 200employés en Inde. Et pour compenser le départ en retraite d’ici2012 de 4 500 employés, Axa compte recruter 1 500 personnesen France et autant de Marocains qui auront pour mission deplacer par téléphone des contrats d’assurance simples auxconsommateurs français. Alcatel a ainsi ouvert des sites derecherche et développement en Chine. Des pans entiers del’activité informatique bancaire mondiale sont maintenantregroupés en Inde. D’après l’association indienne des sociétésde services en informatique, 8 % des transactions bancairesaméricaines sont gérés depuis l’Inde, avec une perspective de30 % en 2010.

Enfin, une “non localisation” fait qu’une entreprise choisit telpays plutôt que tel autre pour implanter un site ou un siège.Pas de licenciements secs, mais un immense manque àgagner. Ainsi, on estime que 8 000 positions de centres d’appelsont été délocalisées, alors que les call centers marocainsemploient 22 000 personnes à eux seuls. En 2005, Saint-Gobaina fait de Shanghai son quatrième pôle de recherche, en plusde ses deux centres français et de son unité américaine. Biensûr, l’expansion prodigieuse de l’économie chinoise justifie detels investissements, mais c’est autant de débouchés qui seferment aux étudiants français.

Qui délocalise ?

Les premières entreprises qui réfléchissent à un éloignementde leurs activités sont celles qui ont le moins à voir avec leurancrage territorial. Notre expert, l’économiste Jean-Louis Levetrappelle d’ailleurs que plus les liens sont étroits entre uneentreprise et son terroir, moins l’entreprise aura la volonté dedéplacer ses activités. L’institut Katalyse, dans un rapport réalisépour la Commission des Finances du Sénat, constate que ladépendance des entreprises du secteur “eau” envers les collectivités locales, les incite à maintenir en France des servicespourtant externalisables à l’étranger comme les services généraux.

La délocalisation dans tous ses états Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 5

2/ Quelles entreprises pour quelles délocalisations de services

Page 8: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

La taille de l’entreprise, son organisation historique constituentun second facteur favorable à une délocalisation. Ainsi, unesociété trouvera rationnel de fusionner au sein d’une mêmeentité des activités ou des services jusque là éclatés entrediverses filiales. A noter que dans certains cas, la délocalisationpeut être favorable à l’économie nationale. Le pétrolier Total aainsi rapatrié en France ses fonctions de support mondial. Plusune entreprise est importante, plus elle compte de filiales, plusle volume de ses tâches administratives augmente, plus elletrouvera naturel de regrouper certains services au sein d’uncentre dédié. D’après l’étude Katalyse conduite pour le Sénat,sur 39 000 emplois “susceptibles d’être délocalisés en 2006”,79 % seront initiés par des entreprises de plus de 500 personnes,alors qu’elles ne représentent que 35 % des emplois de services.Bien entendu, la taille de l’entreprise n’explique pas tout. Onconstate que des PME du secteur des technologies n’hésitentabsolument pas à sous-traiter et même à créer des implantationsà l’étranger, même très petites. Comme le souligne Katalyse “lesparamètres de taille et de rayon d’action doivent donc êtrepondérés à la fois par le facteur culturel propre à chaque entreprise,lui-même dépendant dans une certaine mesure du secteurd’activité de l’entreprise concernée et de la nature même desmétiers de services concernés par la délocalisation.”

Potentiel de délocalisation dans les servicesopérables à distance.

Selon l’étude conduite par Katalyse pour le compte du Sénat,la taille de l’entreprise pondère ces tendances. Dans un grandgroupe, aucun service, aucune activité, ne peut se sentir à l’abrid’une délocalisation.

PME Moyenne Grande Entreprise Entreprise

Gestion transactionnelle + ++ ++et systèmes d’informationRecherche et Développement + + ++Gestion de la Relation Client o + ++Front Office o + ++

++ potentiel très important+ potentiel importanto potentiel faible

Les services délocalisables

Les délocalisations de services deviennent courantes quandl’ancrage territorial de l’entreprise n’a rien d’assuré, que cesactivités sont banales et répétitives et que par une informatiquebien conçue, ces activités peuvent être réalisées à distance sanseffets apparents. C’est le cas des systèmes d’information oude gestion transactionnelle. Les départements de Recherche etDéveloppement figurent également parmi les services à “hautpotentiel” de délocalisation. Le développement des technologiesde communication et la montée prodigieuse du savoir dansdes pays comme la Chine ou l’Inde sont les deux facteurs cléspour de tels mouvements. La Société Générale a ainsi ouvertà Bangalore, la Silicon Valley indienne, SG Software une filialede 350 personnes avec comme objet d’en faire un centre d’excellence en matière d’informatique et de développement.Les activités de services qui [aujourd’hui] apparaissent commepeu délocalisables sont étroitement liées à la proximité avec leclient. Manuel Jacquinet, directeur de Colorado, spécialiste des

opérations téléphoniques nous rappelle ainsi que les centresd’appels emploient 280 000 personnes en France pour moinsd’une dizaine de milliers de positions délocalisées essentiellementau Maghreb. Selon le cabinet Accenture, le secteur du crédit à laconsommation est aujourd’hui mûr pour être délocalisé. Les orga-nismes de ce secteur envisagent de regrouper au Maroc ou enRoumanie les plateaux de recouvrement de créances et de scoring.Une telle opération devrait engendrer des économies salariales del’ordre de 30 %. Pour l’instant, la proximité est considérée commeun enjeu stratégique que l’on hésite à externaliser à l’étranger.C’est le cas des activités de Gestion de la Relation Clients etdes services de Front Office, qui en plus sont considéréscomme partie prenante du cœur de l’activité de l’entreprise.

En scrutant les entreprises qui ont procédé à la délocalisationd’une partie de leurs activités, Katalyse constate que “l’essentieldes mouvements de transfert observés provient du secteurservices aux entreprises”. Autrement dit, la nature même dumétier explique la délocalisation. Un call center ou la gestion d’unservice informatique peuvent passer les frontières d’autant mieuxqu’il s’agit d’activités qui ont déjà quitté le giron de l’entreprise.

Dans certains cas, les observateurs soulignent que l’opérationde délocalisation succède à l’externalisation d’un service versune autre entreprise française. Afin de ne pas perdre son client enrépondant à ses exigences financières, le prestataire implanterale service qu’il gère dans un pays à moindre coût salarial.

Catégories de fonctions externalisées par les entreprises

Les résultats du tableau concernent des services externalisésessentiellement en France. Le mérite de ce tableau est d’indiquerles fonctions qui sont le plus menacées par une délocalisationpure et simple.

2003 2005Les services généraux 86 % 95 %La distribution, la logistique et le transport 78 % 83 %L‘informatique et les télécommunications 77 % 73 %Les ressources humaines 72 % 72 %La production 55 % 62 %L‘administration et les finances 55 % 62 %La vente, le marketing et la communication 26 % 28 %

Source Ernst & Young “Baromètre Outsourcing 2005”

Top Ten des fonctions externalisées

2003 2005Restauration 66 % 74 %Transport 63 % 57 %Flotte automobile 53 % 61 %Maintenance applicative 59 % 57 %Stockage et entreposage 31 % 50 %Gestion de la paye 48 % 49 %Logistique 39 % 45 %Gestion des réseaux et serveurs 33 % 45 %Gestion des documents 42 % 41 %Formation 34 % 41 %Téléservices, accueil et secrétariat 28 % 40 %

Source Ernst & Young “Baromètre Outsourcing 2005”

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables La délocalisation dans tous ses états6

Page 9: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

La menace pour l’emploi

Il est difficile de comptabiliser précisément le nombre d’emploisdétruits ou menacés par les délocalisations. En effet, les déloca-lisations directes sont facilement comptabilisables, contrairementaux emplois perdus à la suite d’une décision de non localisation.Les instituts estiment que pour un emploi disparu à la suited’un transfert d’activité à l‘étranger, il faut en compter cinq dansle second cas. Katalyse estime ainsi à 39 000 le nombre d’emploisperdus par l’économie nationale en 2006, 8 000 à la suite dedélocalisations directes et 31 000 par une non localisation. Ramené à une population active de 28 millions de personnes,on se place à la marge. Mais, les chiffres montent. Katalyseprévoit la perte de 202 000 emplois de services sur la période2006-2010, soit sur cinq ans “22 % de la création nette del’emploi salarié sur les cinq années de la période 1993-2003”.

Les prestataires en externalisation [ingénierie, centres d’appels…]représentent 45 % des emplois qui seront délocalisés jusqu’en2010. Les postes d’informaticiens ou de chercheurs perduss’élèvent à 57 000, dont 52 000 non localisés. Même par rapportaux 13,8 millions de personnes du secteur tertiaire, il s’agitencore d’une goutte d’eau. Mais, il convient de prendre encompte les effets induits par ces pertes d’emploi. 202 000 c’estl’équivalent de la population d’une ville comme MontpellierC’est autant de personnes qui consommeront moins, qui verrontleur période de chômage encore prolongée ou de cadres quidevront se satisfaire d’emplois peu satisfaisants. Et surtout, latendance est là. Pour beaucoup les départs massifs en retraitedes baby-boomers donneront le signal d’un mouvement dedélocalisation de services autrement plus massif.

La délocalisation dans tous ses états Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 7

S’il existe un service qui pratique depuis longtemps l’externalisa-tion, c’est bien l’activité téléphonique. A la fin des années 1980,quand les entreprises ont voulu “se recentrer sur leur cœur demétier”, elles ont commencé par sous-traiter leur standardtéléphonique à des fournisseurs spécialisés. L’activité a pris del’ampleur en bénéficiant largement des progrès des technologies.Les centres ont été déplacés selon les intérêts des entreprises.

“On dénombre plus de 2 500 centres d’appels en France quiemploient 280 000 personnes” affirme Manuel Jacquinet,directeur associé de Colorado, l’une des principales sociétésde conseil pour les centres d’appels. Et malgré sa jeunesse, laprofession s’est bien structurée. Il existe aujourd’hui plusieursformations comme Accueil Conseil et Vente à Distance dispen-sées dans certains lycées professionnels [diplôme de niveau IV],des licences professionnelles Métiers des Télé-Services,Management des Centres d’Appels ou Superviseurs en Centresd’Appels. Ces cursus sont ouverts justifiant d’un diplôme typeDEUG ou BTS. Et certaines écoles supérieures de commerceproposent à leurs étudiants un Mastère Spécialiste enManagement de la Relation Client.

Huit mille postes délocalisés

Ces efforts sont le prix à payer pour maintenir l’emploi dansl’Hexagone. Car le phénomène que tout un chacun se plait àsouligner c’est bien le développement des délocalisations.“Pour l’instant, rappelle Manuel Jacquinet, on estime à 8 000 lenombre de positions externalisées à l’étranger, mais ce nombreaugmente de 50 % par an”. Le mouvement a démarré en 2000avec l’installation d’une filiale de SR. Téléperformance en Tunisieet de Phone Assistance au Maroc. Aujourd’hui, les principalesdestinations sont toujours le Maroc et la Tunisie, talonnés parl’île Maurice, le Sénégal, Madagascar et la Roumanie. Bienentendu, les donneurs d’ordre veulent profiter de tarifs trèsattractifs. Selon Colorado, un centre français facture 28 eurosune heure d’appel en B to B, 25 euros en B to C, contre 15 eurosen moyenne pour un plateau au Maroc. Ajoutons que pour unjeune Marocain ou Sénégalais, un emploi dans un centre d’appelconstitue une véritable opportunité professionnelle. Le prix nefait pas tout. Les délocalisations permettent d’élargir les plageshoraires de travail. Manuel Jacquinet souligne l’effet pervers dela Réduction du Temps de Travail : “alors que les entreprises

ont besoin de répondre sans discontinuer à leurs clients entre8h du matin et 20h le soir, ces lois ont créé de véritables goulots d’étranglement, alors que la tendance historique est àl’amélioration de la disponibilité.”

En délocalisant leurs centres d’appels, les entreprises peuventimaginer des plateaux ouverts sept jours par semaine, et 24heures par jour. Il s’agit d’un argument fort pour les activités desupport informatique, ou pour les Fournisseurs d’Accès àInternet dédiés au monde professionnel. Et puis, comme lereconnaît Manuel Jacquinet, les personnels étrangers sont demieux en mieux formés. Le patron de Colorado sait de quoi ilparle. Son entreprise intervient partout dans le monde, jusqu’enAustralie et au Pakistan pour des missions d’optimisation pourle compte d’opérateurs de télécommunication. La délocalisationd’un plateau téléphonique peut-elle se heurter à des freins linguistiques ou culturels ? La réponse de Manuel Jacquinetest sans nuance : “Non, je ne vois aucune mission qui nepuisse pas être traitée depuis l’étranger.”

Pays Loyer €/m2/an Salaire mensuel Durée de travail moyen d’un hebdomadairetéléconseiller

Roumanie 200 380 40Tunisie 100 450 48Maroc 150 350 48Sénégal 15 250 NCIle-Maurice NC 450 NDMadagascar NC 100 ND

Source Colorado

Délocalisations : aux Etats-Unis, même lesinformaticiens flippent

Tout le monde se souvient de Michaël Moore piégeant PhilKnight, le patron de Nika qui jurait mordicus que les Américains nevoulaient pas travailler dans une usine de chaussures [“The BigOne” 1997]. Mais même la high-tech est menacée… De manièremoins humoristique, l’IEEE-USA tire le signal d’alarme. JohnSteadman, le président du syndicat des ingénieurs informaticiensaméricains a pu exposer son inquiétude sur le phénomène au coursd’une rencontre organisée par l’Atelier BNP-Paribas en 2004.

3/ Centres d’appels : le grand départ

Page 10: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Selon John Steadman 540 000 emplois high-tech ont été perdusaux Etat-Unis en 2003 et 234 000 en 2004. Selon lui, le taux de chômage des informaticiens s’élevait en2004 à 6,7 % et “d’ici à 2015, ce sont 3,3 millions d’emploisqui pourraient être délocalisés, dont une majorité de postesd’ingénieurs informaticiens ou de scientifiques”. Et lorsque sesinterlocuteurs lui rappellent que les dirigeants des entreprisesdes secteurs high-tech affirment que les délocalisations sont

bénéfiques pour les Etats-Unis, John Steadman a beau jeu demettre en avant les inconvénients : pertes d’emplois qualifiés,dépendance accrue vis-à-vis de l’étranger, aggravation du déficit commercial, transferts d’investissements. “Il reste à prouverque les économies réalisées par les entreprises et le consom-mateurs résultant de la délocalisation peuvent contrebalancerces effets négatifs.”

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables La délocalisation dans tous ses états8

Directeur de l’IRES depuis décembre 2006, Jean-Louis Levet estdocteur d’Etat en Sciences Economiques. Il a exercé différentesresponsabilités, notamment au sein du ministère de l’industrie,au cabinet du Premier ministre, à la présidence de la Caisse desdépôts et consignations, à la direction générale d’un groupeindustriel et au Commissariat Général au Plan. Jean-Louis Levetest l’auteur de nombreux ouvrages qui animent régulièrementle débat public, dont “Sortir la France de l’impasse”, couronnépar l’Académie des sciences morales et politiques [2000],“Localisation des entreprises et rôle de l'Etat : une contributionau débat” publié en 2005 par la Documentation Française, et“Pas d'avenir sans industrie” chez Economica, en octobre 2006.

Comment définissez-vous les délocalisations ?Je reprends la définition communément admise. Une délocali-sation consiste à produire à l’étranger ce que l’on faisait jusquelà chez soi, avant de réimporter la production sur son propremarché. Une opération de délocalisation peut donc se traduirepar la fermeture des sites de production. Voilà ce qui distingueune délocalisation d’une externalisation. Lorsque Airbus ouvreune usine en Chine, c’est d’abord pour servir les compagniesaériennes. Il s’agit d’une stratégie de prise de parts de marché.Bien entendu, les événements sont parfois plus compliqués.Les industriels peuvent combiner délocalisation et prise departs de marché extérieur. Ainsi quand Renault a décidé deconstruire la Logan en Roumanie, c’était d’abord pour servirdes marchés émergents avec un modèle robuste et bon marché. Ce n’est qu’ensuite que Renault a décidé d’importeret distribuer la Logan en France.

Existe-t-il d’autres causes pour expliquer ledépart d’une partie de la production à l’étranger ?Bien entendu, toutes les délocalisations ne répondent pas aumême objet. Certaines sont utiles. Elles permettent de baisserles coûts de revient et de maintenir une grande partie de la production en France. D’autres formes de délocalisation peuventêtre destructrices. Par exemple, de grands industriels imposentà leurs sous-traitants des quotas de pièces fabriquées à bas coûtà l’étranger. Et si cela ne suffit pas, ces industriels substituerontdirectement des fournisseurs étrangers à leurs partenaireshabituels ; si l’on peut encore parler de partenariat dans cescirconstances. L’arrivée au capital de sociétés de “privateequity” avec leurs exigences de rentabilité se traduit par desdélocalisations. Ajoutons aussi la confrontation des zoneseuro/dollar qui provoque des ajustements constants des sitesde production.

Que représente réellement le phénomène économique des délocalisations ?Toutes les études [INSEE, Banque de France,…] nous disentque les délocalisations représentent entre 5 % et 7 % des

importations. Elles sont à l’origine de moins de 10 % desemplois détruits et représente moins de 4 % de la productionglobale. Sous l’angle macroéconomique, il s’agit donc d’unphénomène marginal. Mais il faut dépasser ces chiffres brutspour prendre la mesure véritable du phénomène, et analyserplus finement l’angoisse qu’elles suscitent dans la population.Il faut déjà constater que les délocalisations n’affectent pastous les secteurs de la même manière. Il y a dix ans, l’industrietextile avait délocalisé sa production à hauteur de 45 %. Cetteproportion s’élève aujourd’hui à 65 %. La part de biens délocalisésdans des secteurs comme l’électroménager ou le jouet a doublé,sinon triplé depuis dix ans. Ce qui ajoute aux tourments de nosconcitoyens réside dans le lien souvent intime entre la géographieet la spécialisation industrielle. La disparition de pans entiersde l’industrie provoque une désertification de certaines régions.

Selon vous, les délocalisations d’industries ou deservices sont-elles un phénomène irréversible ?Il n’y a pas de déterminisme en matière économique, sauf dansles systèmes parfaitement clos ou totalitaires, donc les déloca-lisations n’ont rien d’irrémédiables. Ce qui compte vraiment, c’estla volonté politique : voulons-nous que la France et l’Europeconservent leur tissu industriel ? La question est cruciale.Toutes les projections à 25 ou 30 ans affirment que si nousmaintenons les orientations actuelles, l’Europe va se retrouvercoincée entre un pôle de très haute technologie USA/Japon etun pôle formé de pays émergents comme l’Inde ou la Chinequi profitent de leurs structures de production à bas coût, maisqui investissent massivement dans l’éducation, la formation etla recherche. Derrière la question des délocalisations, c’est enréalité celle de la désindustrialisation qui est posée. Elle peutinduire une perte de substance technologique et de nos capacitésd’innovation. A ce rythme, l’Europe deviendra une sorte deparadis touristique avec les services de proximité qui endécoulent, et quelques pôles d’excellence.

Quelles sont selon vous les bonnes réponsesaux délocalisations ?Le cadre de cet entretien est trop restreint pour décrire lesmesures à prendre. Il faudrait une stratégie de Lisbonne puissance deux à mettre en œuvre vraiment et orienter massi-vement les budgets européens et français vers l’économie dela connaissance dans une perspective de développementdurable. Investir au niveau européen dans les grands besoinsdu futur [santé, énergie] et les enjeux de souveraineté [espace,défense], tout en remettant en cause la concurrence fiscale etsociale. Nous devrions aussi engager une véritable stratégieEuro Méditerranée, et, cesser de laisser le champ libre auxChinois en Afrique. De même, parallèlement aux négociationsOMC, l’Europe doit construire une vraie stratégie commercialeà l’égard de l’Asie. Au niveau national, il s’agit de favoriser la

4/ “Il n’y a aucune fatalité aux délocalisations” Jean Louis Levet, directeur général de l’IRES [Institut de Recherches Economiques et Sociales]

Page 11: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

croissance des PME, source d’emplois et d’ancrage dans lesterritoires. Les leviers d’action ne manquent pas [commandespubliques, aides existantes…]. Les régions doivent devenir desacteurs à part entière capables de déployer des outils de déve-loppement économique, ce qui nécessite de redéfinir un vraipacte entre l’Etat et les territoires.. Autre possibilité, la politique deformation professionnelle devrait être orientée massivementvers ceux qui en ont vraiment besoin, les salariés peu qualifiés,premières victimes des restructurations et de la financiarisationde l’économie.

Pouvez-vous nous citer les secteurs économiquesles plus menacés ?Je ne vais pas être très original. Ces secteurs sont ceux quiconsentent depuis de nombreuses années le minimum enmatière de formation et en recherche et développement. Sanssurprise, sur longue période, les industriels du textile sont ceuxqui ont le moins investi dans la formation de leur personnel.Lorsqu’il a fallu affronter la concurrence de pays à bas coût, etce, dès les années 70, ils n’ont pu résister pour la plupart, audétriment des femmes et des hommes qui y travaillaient.. Biensûr, l’arrivée de la Chine et de l’Inde accélère le phénomène,mais fondamentalement, il faut d’abord balayer devant saporte. D’ailleurs, si nous procédons à une analyse plus fine, ycompris dans les secteurs fortement concurrentiels comme letextile, l’électroménager, la mécanique, nous voyons bien qu’ilexiste des entreprises prospères qui embauchent, se développentet gagnent des parts de marché à l’international. Ces entreprisessont celles qui investissent dans la formation de leurs personnelset qui conduisent des efforts permanents de créativité, d‘inno-vation, de connaissance de leurs marchés, de partenariats, etc.Ce qui est valable pour les industries, vaut aussi pour les entreprises du tertiaire, d’autant qu’industrie et services sont

désormais très liés et complémentaires.. Un expert-comptablepeut délocaliser une partie de son activité, mais il doit se direqu’il s’agit d’un choix parmi d’autres possibles. Comme tout chefd’entreprise, l’expert-comptable doit d’abord réfléchir sur sonmétier, ses missions, la structure de ses coûts, et sur l’évolutionde son métier dans les années à venir. Je vous l’assure, lesdélocalisations ne sont pas une fatalité. Si le mouvement s’amplifie, c’est aussi à cause de notre incapacité collective à agir.

Les dix leviers de la performance globale

Les leviers Hier Aujourd’hui DemainCréativité + ++ +++Maitrise du savoir-faire ++ +++ +++technologiquePersonnels formés et polyvalents o +++ +++Force de la marque + ++ +++Maitrise de la production ++ +++ +++Dialogue social o/+ ++ +++Maitrise de la distribution + ++ +++et de la logistiqueGestion de l’information o ++ +++Actionnariat stable o +++ +++Etroitesse des liens avec son terroir ++ ++ +++

o = relativement neutre ++ = très important + = important +++ = déterminant

Source Jean-Louis Levet “Localisation des entreprises etrôle de l’Etat : une contribution au débat”, La DocumentationFrançaise, Avril 2005

La délocalisation dans tous ses états Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 9

En janvier 2006, l’organisation syndicale Syntec Informatique afait paraître une “Etude sur l’impact des délocalisations” sur lessociétés de service en informatique [SSII]. Elle ne prend pas encompte les éditeurs de logiciels qui ont souvent délocalisé unepartie de leurs services de recherche et développement auxEtats-Unis. Le Syntec définit par offshore, ou délocalisation lestravaux vendus et facturés en France par des centres implantésà l’étranger. A l’origine de cette étude, Cyrille Meunier nous enrappelle les principaux enseignements.

Le phénomène de délocalisation, que vous préférez appeler Offshore a-t-il une incidencesur l’emploi des informaticiens en France ?L’offshore en France est encore un phénomène marginal, maisson potentiel est important. Nous estimons que les sociétés deservice françaises ont délocalisé 2 % de leur production en 2005,et 3 % l’an dernier. Les volumes sont faibles, mais la croissancese situe à 40 % par an. Fin 2008, l’offshore représentera 5 % dutotal du chiffre d’affaires des SSII. Mais il ne faut pas s’emballer.Nos études affirment, et nos adhérents le confirment, quel’offshore est structurellement plafonné. Je ne crois pas quel’offshore dépassera 1 % de l’activité totale des SSII.

Qu’est-ce qui vous rend si optimiste ?Nous constatons déjà qu’aux USA où les habitudes de déloca-lisation sont autrement plus anciennes et importantes que chez

nous, l’offshore ne dépasse pas 10% du marché. Par ailleurs,des pans entiers des projets informatiques ne peuvent pass’envisager loin du client. Je dirais même qu’un nombre croissantde projets est interdit aux centres de production délocalisés.En effet, le client estime que la réussite d’un déploiement supposeune compréhension intime de son cœur de métier. Sa directiondes Services Informatiques explique à son prestataire les réalitésde l’entreprise. Cette volonté implique la mise à disposition dedéveloppeurs et de chefs de projets réactifs, capables de saisirles inflexions et les tendances au quart de tour. Par définition,la proximité est nécessaire pour entretenir et cultiver cette formede compréhension. Une large partie des services en informatiqueimplique également la proximité. Par essence, le conseil ne sedélivre pas à distance. Les contrats de maintenance imposentquant à eux une résolution des problèmes dans les deux heuresqui suivent l’alerte. Les infrastructures sont constamment renforcées. La sécurité est devenue un sujet crucial et il estimpossible de déléguer ces matières à un prestataire indien ouautre.

Voyez-vous d’autres freins au développementde l’offshore ? Dans certains cas, la délocalisation est carrément inconcevable.C’est le cas notamment du secteur public français qui pourl’instant confie ses projets à des SSII installées en France [cequi n’est pas le cas de l’administration britannique, soucieuse

5/ “L’offshore est une nécessité” Cyrille Meunier, responsable du Département Economie, Marché et Affaires Européennes du Syntec Informatique

Page 12: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

d’économie NDLR]. Les PME n’ont pas forcément intérêt àdélocaliser. Leurs projets sont nombreux mais souvent de taillemodeste, ce qui interdit les allers et retours.

Alors selon vous, quels sont les projets qu’uneentreprise a intérêt à confier à un prestataireéloigné à l’étranger ? Quelles sont les conditionsde réussite ?Un projet offshore suppose une très grande rigueur, le cahierdes charges doit être parfaitement formalisé et livré sous la formed’un package à suivre à la lettre. La délocalisation a horreur del’approximation, sinon, c’est l’échec assuré. Le Syntec Informatiquea d’ailleurs constaté que les projets de délocalisation impliquentparadoxalement des services et des centres de liaison et d’information de proximité. On peut dire que le recours à l’offshoreest possible pour les projets longs très formalisés : télémainte-nance, tierce maintenance application [TMA].

Comment expliquez-vous que les entreprisesfrançaises recourent moins que leurs concurrenteseuropéennes ou américaines à la délocalisationde leurs projets ? L’offshore se heurte à des réticences culturelles particulièrementvives dans notre pays. Ainsi, pour des raisons de sécurité, lesecteur de la Banque/Assurance préfère développer ses propreslogiciels, conduire ses propres développements plutôt que derecourir à des solutions packagées : plus la distance est impor-tante, plus les risques augmentent. Les sociétés françaisesrenouvellent souvent moins leurs logiciels que leurs concurrentesétrangères, aussi leurs besoins sont moindres. Autre problèmeculturel, les meilleurs centres de traitement sont en Inde, paysanglophone. La langue est un obstacle supplémentaire audéveloppement des délocalisations de services informatiques. C’est un sujet vraiment sensible chez nous, nous avons le sentiment que l’offshore menace l’emploi de nos ingénieurs et lessyndicats montent immédiatement au créneau. Un projet de

délocalisation, même limité, même justifié, a un impact négatifsur l’image de l’entreprise.

Certains parlent d’échec des délocalisations etmême de relocalisation des projets informatiques.Partagez-vous ce point de vue ?Un mouvement de relocalisation ? Il s’agit d’entreprises qui ontessuyé les plâtres, avec tous les risques et désagréments quecela suppose. On ne peut d’ailleurs pas dire que cette ques-tion concerne les entreprises françaises, moins précurseursque les anglo-saxonnes. Il y a eu des dégâts surtout aux USA,mais les problèmes sont réglés et les habitudes sont prises.Aujourd’hui, les directions achats des groupes anglo-saxonsexigent carrément qu’une part des travaux confiés à une SSIIsoit réalisée en Inde. Il s’agit de réduire la facture, sans aucuneconcession sur la qualité.

Pensez-vous que le recours à des sous-traitantsbasés à l’étranger doive toujours être écarté ?Absolument pas. Le Syntec affirme même que cette attitude estune erreur. Il s’agit d’abord d’un problème de ressources car iln’y a pas assez d’informaticiens en France. Le chômage n’affecteque 2,5 % d’entre eux. En plus, les directions informatiquesont pris l’habitude de débaucher les ingénieurs des SSII. Noussommes également très inquiets devant la désaffection des jeunespour les filières et les professions scientifiques et d’ingénieurs.Les “forts en math” s’orientent aujourd’hui vers des professionsplus rémunératrices : actuaires, traders, analystes financiers…Les Ressources Humaines éprouvent de plus en plus de difficultés pour recruter du personnel en période de croissance.Et comme il est difficile de faire venir des ingénieurs d’Inde, ilfaut recourir à l’offshore. Face à ce véritable problème, le SyntecInformatique encourage les pouvoirs publics à intensifier lesefforts de formation d’informaticiens, et à conduire une politiqueaudacieuse de co-développement avec les pays du pourtourméditerranéen.

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables La délocalisation dans tous ses états10

Le transfert en Inde de la comptabilité de la compagnieaérienne Swissair avait fait couler beaucoup d’encre à la fin desannées 1980. L’opération n’avait pourtant pas empêché l’entreprise de disparaître, malgré des économies avouées de45 millions d’euros par an, mais elle avait marqué les esprits.L’Inde est le paradis des délocalisations informatiques. Le paystire profit d’un système universitaire hyper sélectif mais capablede sortir chaque année plus de 200 000 ingénieurs de trèshaut niveau. Le sous-continent s’accapare quasiment la moitiéde ce marché. Selon la Nasscom [India's National Associationof Software and Service Companies], les sociétés de servicesindiennes ont réalisé un chiffre d’affaires de 17,2 milliards dedollars en 2004, contre 12,6 pour le Canada, 1,9 pour la Chine,1,8 pour les pays d’Europe de l’Est et 0,9 pour les Philippines.Les sociétés indiennes ont enregistré une croissance de 34,5 %en 2004, et devrait progresser d’autant en 2005. Pour 2008, laNasscom mise sur des revenus de 48 milliards de dollars, surun total mondial attendu de 94 milliards de dollars. Les grands noms de l’informatique emploient des armées d’informaticiens indiens. IBM compte plus de quarante milleemployés en Inde, EDS 3500, et Cap Gemini vient de débourser1,25 milliard de dollars pour reprendre la SSII locale Kambay etses 6 900 salariés. Cap Gemini dirige aujourd’hui l’activité de12 000 informaticiens indiens. Ce mouvement ne devrait d’ailleurs

pas s’arrêter là. Bien entendu, les entreprises voient dans lesdélocalisations un moyen de réduire leurs coûts informatiquesd’environ 30 %. Il leur suffit de comparer les salaires : 2 500 eurosen France pour un jeune informaticien, 750 euros en Pologne,400 en Inde pour un ingénieur débutant et 1 800 pour un confirmé,ou 350 en Chine. Mais dans la pratique la délocalisation d’unprojet informatique s’avère une opération complexe, et donc …plus onéreuse. Le donneur d’ordre doit missionner des chefsde projet capables de formaliser la commande. Ils devront sedéplacer fréquemment, dominer les inconvénients du décalagehoraire et se montrer capables de surmonter les différencesculturelles et linguistiques. Pas si simple pour les déploiementscomplexes type ERP ou CRM. Il est certes possible de confier cescontrats à des SSII maghrébines ou européennes, mais malgréleurs progrès ces entreprises sont loin d’avoir atteint le niveaude leurs consoeurs indiennes, et bien sur occidentales. Autreobstacle, les donneurs d’ordre en ont parfois “pour leur argent”.La course aux économies limite le choix des prestataires.Selon une étude d'Unilog et d'IDC réalisée en 2006 auprès de200 entreprises européennes, 27 % des sociétés ayant externalisétout ou partie de leur système d'information ont rencontré desdifficultés. Les entreprises se heurtent à des difficultés techniques,qui sont encore aggravées par l’opacité des prestataires quis’engagent médiocrement sur les moyens engagés.

6/ Les services informatiques, précurseurs des délocalisations de services

Page 13: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Ces obstacles expliquent largement que l’offshore des servicesinformatiques soit un phénomène encore marginal. Mais qui sedéveloppe rapidement. Selon une étude conduite par PierreAudoin Conseils [PAC], la sous-traitance informatique offshoredevait toucher 2,5 % à 3 % du marché français contre 1 % en2002. Et le Syntec informatique enfonce le clou : l’offshorereprésentera 5% de l’activité des SSII françaises en 2009. Carles délocalisations répondent à une véritable nécessité aumoins pour pallier les besoins en main d’œuvre. On compte enFrance environ 300 000 informaticiens [dont 71 % de cadresselon l’APEC], les créations de postes compensent à peine lesdéparts en retraite, soit une trentaine de milliers de personneschaque année. Le Syntec informatique sonne d’ailleurs l’alarmeen pointant la génération d’informaticiens “baby boomers” quis‘apprête à partir à la retraite. La mission “Prospective desmétiers et qualifications” [PMQ] du Commissariat Général duPlan estime que chaque année 600 000 informaticiens vontprendre leur retraite, alors qu’à peine 150 000 informaticiensarrivent sur le marché dans le même temps. Par ailleurs, la croissance du secteur est largement supérieureà celle de l’économie nationale. Le Syntec Informatique retient

une hypothèse de croissance de 2 % par an pour l’économiefrançaise, mais de 6 % à 8 % pour l’informatique. PAC estimeque la croissance du marché “Logiciels et Services” devrait sesituer à 7 % par an d’ici 2009. Il faut donc bien trouver ailleursla main d’œuvre que l’économie recherche. Selon les analystesde Katalyse, mandaté par la Commission des Finances duSénat [Documentation Française, juin 2005 pour cerner l’impactdes délocalisations de services] l’offshore devrait provoquer laperte de 37 000 emplois d’ici 2010. Mais rassurons-nous, il nes’agira pas d’un pur et simple transfert de main d’œuvre.Simplement de postes qui auraient pu être créés en France, maisqui pour diverses raisons sont délocalisés en Inde ou ailleurs.Pour reprendre la conclusion du Syntec Informatique “l’offshoreest une tendance lourde pour le secteur de l’informatique. Cephénomène est structurellement plafonné. L’enjeu clé est lacompétitivité des employeurs et des salariés en France. Piloterla transformation du secteur plutôt que la subir est le défimajeur auquel sont confrontés les entreprises du secteur, leurscollaborateurs et leurs clients, avec le soutien nécessaire despouvoirs publics.”

Délocalisations : les estimations du Syntec Informatique

Selon l’organisme patronal de la profession le potentiel des délocalisations est loin d’être atteint : 2 % aujourd’hui pour 15 % possible.

Le CA offshore France 2005 - de 2 % du CA total ServicesLe nombre d’emplois offshore en France en 2005 3000 à 5000La part offshore des prestations réalisées en centre de services en 2005 20 à 25 %Le pourcentage des prestations réaliséesen centre de services en France en 2005 6 à 8 %Le pourcentage des prestationsoffshore réalisées en Europe + 50 %La taille des sociétés du secteur utilisant l’offshore + de 90 % du CA réalisépar des sociétés dont le CA > 100 MLe CA offshore France 2009 Autour de 5 % du CA total ServicesLe taux de croissance annuel 2005-2009 de l’offshore en France + 30 à + 40 %Le plafond théorique de l’offshore en France 15 % du CA services

Offshore : quelques données clés

Source ChiffreCabinet d’analyse IDC Marché mondial “offshore” 2005 = 12 milliards de dollars

[2,8 % du marché des services] dont 9,15 milliards pour les USA et 2,12 milliards pour l’Europe.

Cabinet d’analyse Forrester Research 4 % des 500 premières entreprises mondiales délocalisent plusde 10% de leur budget informatique

Cabinet d’analyse Forrester Research La Grande-Bretagne représente 70 % du marché “Europe de l’Ouest”Pierre Audoin Conseil Principaux pays pour les délocalisations depuis la France : Europe du Sud

30 %, Inde 25 %, Afrique du Nord 18%, Europe de l’Est 15 %, autres 12 %.Pierre Audoin Conseil Principaux pays pour les délocalisations depuis l’Allemagne : Asie 50 %,

Europe de l’Est 25 %, autres 25 %.Cabinet A.T Kearney [novembre 2005] Top 5 des destinations offshore : Inde, Chine, Malaisie, Philippines,Singapour.

Salaires bruts comparés des informaticiens diplômés en France et en Inde [€]Jeune informaticien indien 4 000 – 5 000 Jeune informaticien français 27 000 – 30 000 Manager confirmé indien 10 000 – 15 000 Manager confirmé français 50 000 – 70 000

Source Syntec informatique

La délocalisation dans tous ses états Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 11

Page 14: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

La délocalisation ouvre un champ de développement aux cabinetsd’expertise comptable marocains. Abdelatif Boulaid, dirigeantdu cabinet Boulaid Abdelatif [CBA] basé à Casablanca a d’ailleurspris des locaux dans “Casashore” un vaste complexe immobilierconsacré à l‘offshore. Pour le confrère marocain, les délocali-sations constituent une nouvelle industrie qui se développe demanière considérable grâce notamment à l’appui de l’Etat.

Pouvez-vous nous présenter votre groupe ?Je suis engagé dans deux structures. La première est particuliè-rement destinée à l’offshoring, la SARL Maroc Corporate Patnersdont je suis l’associé unique. La deuxième entité est dédiée auconseil. C’est le cabinet Boulaid Abdelatif [CBA] où j’exercecomme consultant indépendant. Je dirige les activités de cinqcollaborateurs, et s’il le faut je peux recourir à la délégation depersonnel en demandant à des confrères l’appui de certains deleurs collaborateurs. Il s’agit toujours de personnes bien formées.

Depuis quand proposez-vous des missions de délocalisation aux EC et aux entreprises françaises ?Depuis septembre 2005, je propose des missions de tenuecomptable externalisée et de participation aux travaux de clôture.

Vous adressez-vous également aux directionsadministratives et financières des entreprises ?Nous proposons des prestations d’externalisation pour lesentreprises marocaines spécialement en audit interne. Nousenvisageons également de développer des prestations dédiéesà la gestion externalisée du reporting pour les entreprises françaises.

Comment vous faites-vous connaître auprès desexperts-comptables et pouvez-vous nous donnerune idée du nombre et du type de clients quevous servez ?Je passe des annonces dans des sites Internet spécialisés.Notre portefeuille actuel est constitué de trois cabinets françaisd’experts-comptables, ce qui représente une soixantaine dedossiers.

Pouvez-vous lister et expliquer les principauxavantages d’une délocalisation ?La délocalisation de la tenue comptable entraîne bien entendu ladiminution des coûts de traitement. Mais il me semble réducteurd’assimiler systématiquement délocalisation et baisse des charges.En délocalisant la tenue comptable, l’expert-comptable estbeaucoup mieux en mesure de se concentrer sur des missionsà plus forte valeur ajoutée. Au Maroc, nous employons plusvolontiers le vocable d’offshore que celui de délocalisation. Il s’agitd’une activité qui se développe de manière considérable dansnotre pays, grâce notamment à l’appui de l’état. Nous-mêmesavons réservé des espaces de travail dans “Casashore” unnouveau parc immobilier, totalement dédié à l’offshoring, prèsde Casablanca, qui doit ouvrir ses portes fin 2007. Aujourd’hui,le Maroc en est aux prémices de cette nouvelle industrie. Jecrois vraiment que le courant est en train de passer.

Quelles sont les tâches et les missions que vousproposez qui intéressent vos clients ?L’accompagnement pour les missions d’externalisation de l’auditinterne et la surveillance comptable sont parmi les missions lesplus appréciées de nos clients marocains. Pour nos clientsfrançais de la sous-traitance comptable, nous constatons uneappréciation très positive des experts-comptables sur la qualitéde notre travail, et surtout sur notre bonne réactivité.

Quelles sont les compétences de vos collabora-teurs, et quels sont vos critères de recrutement ?Nos collaborateurs sont tous issus de l’enseignement supérieurprofessionnel ou universitaire avec spécialisation en finances etcomptabilité. Ils justifient de diplômes au moins bac plus 4. Nousleur assurons en interne au moins deux sessions de formationpar mois, orientées vers le domaine fiscal et comptable. Pource qui est des nouveautés dans la législation fiscale françaisenous recevons de nos clients experts-comptables des notesqui listent les décisions qui impactent le dossier comptable deleurs clients.

Le recours à la sous-traitance suppose une réorganisation du donneur d’ordre. Quelles sont lesprocédures de collaboration que vous instaurezavec vos clients ?Comme nous traitons actuellement uniquement avec desexperts-comptables, les implications organisationnelles del’externalisation sont minimes. Nous avons cependant mis àl’étude un package pour la délocalisation administrative etcomptable à l’attention des PME françaises en collaborationavec des experts-comptables.

Quelles garanties qualitatives pouvez-vousassurer à vos clients ? Sécurité, bonne saisie,respect des délais, etc.En plus de nos procédures internes de contrôle des traitements[lettrage, réconciliations, analyses …] nous définissons avecnos clients des contrôles spécifiques en cas de besoin.

En cas de problèmes, de quels recours disposentvos clients contre vous ?Les contrats types que nous proposons prévoient le recours àl’arbitrage international. Nous sommes également couverts parune assurance RC.

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Regards12

II REGARDS

1/ “Depuis septembre 2005, je propose des missions de tenue comptableexternalisée et de participation aux travaux de clôture” Abdelatif Boulaid, cabinet CBA

Page 15: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Pour Michel Bohdanowicz, vice-président délégué du Conseilde l’Ordre les délocalisations ne sont pas une panacée pourl’expert-comptable. Non seulement, elles n’apportent aucun béné-fice mais en plus elles sont carrément une source de problèmes.

“Aujourd’hui, les délocalisations sont rendues possibles par lamontée en puissance de technologies de l’information et descommunications Mais il s’agit d’un phénomène parfaitementrécent. Les procédures d’externalisation, et pire de délocalisationà l’étranger d‘une partie de la production se traduisait par lamise en place d’une logistique infernale, avec des envois postauxplus ou moins sécurisés. Entre les pertes de documents et leserreurs de traitement, surtout avec l’étranger, l’externalisationrelevait d’une mission impossible. Avec l’Internet et le hautdébit, la Terre s’est contractée. Un document parcourt des mil-liers de kilomètres en quelques secondes. Lors du derniercongrès de l’Ordre à Paris, deux cabinets ont exposé des solutions de délocalisation, le premier au Maroc et l’autre enRoumanie. Ils ont pu s’exprimer sereinement, sans que personne ne leur apporte la contradiction. Pourtant, la questionest sensible. Elle touche à de nombreux domaines comme lestechnologies, les finances, mais également à la moralité. Il nes’agit pas pour moi de me placer sur un terrain, propre à desdébats sans fin. Je pense simplement qu’avant d’entamer uneopération de délocalisation, l’expert-comptable doit réfléchir à l’organisation de son cabinet et aux différentes manièresd’améliorer son fonctionnement. Incidemment, si l’organisationde base est déficiente, on ne fera que délocaliser les problèmessans rien régler. Au contraire, un process d’externalisationrequiert une vraie rigueur, sinon on multiplie les procédures desaisie et l’on court à sa perte.

Pas de délocalisation pour 50 factures

Ma seconde objection à la délocalisation de la production provient de la technique comptable pure. La plupart des dossiersclients se situent entre 1 000 et 1 500 lignes. C'est-à-dire que pour

saisir cinquante factures, je ne vois pas où se place l’intérêt derecourir à une tenue externe. Le gain de productivité est tropfaible. Je ne parle pas bien entendu des grands comptes mais despetites entreprises qui font le quotidien des experts-comptables.Troisième réflexion, nous sommes loin d’avoir exploité les ressources délivrées par les technologies. Je pense ainsi à la reprise automatique d’informations, comme les données bancaires. Le portail de la profession, Jedeclare.com négociedes accords en ce sens avec la profession bancaire, afin desimplifier nos missions. Il est vrai que ces négociations sonttoujours en cours. Mais dans les années à venir, les travaux denormalisation lancés par la profession auront abouti : messagesfinanciers, liasse fiscale, documents électroniques… Lorsquele projet de jeton comptable sera effectif, l’expert-comptablepourra incorporer les documents et les informations directementdans ses logiciels. Les problèmes de saisie et de normes dediffusion seront définitivement réglés. Par ailleurs, on peut estimer à moins de deux jours, le tempsconsacré par un collaborateur à la saisie d’un millier de lignes.C’est vrai que ce sera sensiblement moins cher au Maroc,mais si l’on arrive à convaincre le client d’adopter un logiciel defacturation, le gain sera encore plus sensible. Je vous assureque même depuis le tableur Excel, il est possible de lancer desprogrammes d‘exportation d’informations sur des logicielscomptables. Et il existe de nombreux outils sur le marché.Enfin, je ne suis pas certain que le niveau d’exigence soit forcé-ment le même à l’extérieur du cabinet, sans parler d’opérateursde saisie installés à l’étranger. Nous ne pouvons pas noussatisfaire d’un taux de qualité moyen, même si nos partenairessont sérieux et nous garantissent un niveau supérieur à ce quel’on obtient en moyenne dans leur pays.

Et puis, les délocalisations posent encore d’autres soucisredoutables comme la formation des gens, la culture générale,la langue, etc. Mais le tableau serait incomplet si l’on omet dedire qu’elle résout, il est vrai, des problèmes considérables derecrutement de collaborateurs.”

La presse a cité l’expérience conduite par le cabinet Fleuretcomme une “relocalisation”. Pourtant d’après Christian Fleuret,fondateur d’un cabinet de cinquante personnes [1 500 dossiers]“contrairement à ce que certains articles ont pu faire croire, nousn’avons pas rapatrié depuis un pays étranger quelconque unepartie de notre activité. Nous avons simplement procédé voici18 mois à une externalisation en interne de certaines missions.”Le cabinet s’est doté en interne d’un centre de traitementcomptable, précisément calé sur ses critères de qualité. Lanomenclature est particulièrement précise : transfert des pièces,ordres de traitement figés, traitement des dossiers par entrée,vérification et contrôle.La démarche est plutôt novatrice. Le centre emploie une douzainede personnes, pour l’instant exclusivement au service des col-laborateurs du Cabinet Fleuret. L’intérêt de cette externalisationest double. D’une part, les collaborateurs sont dégagés destâches de saisie. Ils gèrent la relation client, en conduisant desmissions de conseil et de prévision. Et de l’autre le cabinet

recrute pour son centre des jeunes en formation. “Nous repéronsainsi dans ce vivier ceux qui pourront suivre une carrière à partentière dans notre cabinet. Les jeunes du centre sont des étudiants en contrat d’alternance. Ils préparent un BTS oud’autres diplômes” explique Christian Fleuret.

Ce n’est pas la première fois que le cabinet Fleuret procède àl’externalisation “interne” d’une partie de ses missions. Le traite-ment des fiches de paie de ses clients est maintenant confié à uncentre de traitement à part, entièrement spécialisé, fort d’uneéquipe de sept personnes. Progressivement, ces centres serontouverts à d’autres cabinets d’expertise comptable qui désirentexternaliser certaines tâches. Quant aux délocalisations propre-ment dites, Christian Fleuret est échaudé par les expériencesde délocalisation auxquelles il a participé. Il s’était ainsi impliquédans un projet à Madagascar avant de faire machine arrière :“Les procédures étaient trop compliquées. La sécurité n’étaitpas assurée, et je ne vous parle pas de l’instabilité politique.”

Regards Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 13

2/ Délocalisation : la prudence s’imposeMichel Bohdanowicz, expert-comptable, vice-président délégué de L’Ordre des Experts-Comptables

3/ Un cabinet qui procède à l’externalisation interneChristian Fleuret, expert-comptable, fondateur du cabinet Fleuret

Page 16: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Depuis cinq ans, Jean-Marc Guilly propose les services d’externalisation de comptabilité de sa société Gestavision.Après avoir fait de la sous-traitance pour le compte de cabinetsd’expertise comptable, Jean-Marc Guilly a orienté ses activitésvers les entreprises. Son opinion est bien sûr subjective, maisil l’exprime clairement : il n’y a pas vraiment d’intérêt à transférerses dossiers vers un pays étranger.

Pourquoi avez-vous cessé de collaborer avec lescabinets d’expertise comptable ? Nous avons constaté que l’externalisation pose de gros problèmeschez les confrères. Du coup, ces problèmes se sont cristalliséset nous arrivaient de manière parfois exagérée. Nous avonsconstaté que nous portions le chapeau pour des erreurs oudes problèmes propres à nos donneurs d’ordre. Nous avonségalement souffert du manque de considération de certains ànotre égard, et Gestavision a souvent préféré stopper une relation contractuelle, avant qu’elle ne dégénère. Je ne veuxpas minimiser nos erreurs et nos propres problèmes, maisnous avons su les surmonter pour proposer une prestation dequalité.

Qui sont alors les clients de Gestavisionaujourd’hui ?Nos vrais clients sont les entreprises. Il s’agit de grosses PMEet même de grandes entreprises. Nous sommes ainsi missionnéspar les directions financières de 250 entreprises. Nous leurproposons une méthode de gestion fiable et rapide. Notre outilrepose sur la numérisation des documents qui sont ensuite classésautomatiquement, archivés, avec des fonctions d’intégrationbancaire et de lecture automatique de documents. Avec desmasques de saisie, le client peut corriger et valider les écrituresque nous lui proposons.

Estimez-vous que les experts-comptables doiventexternaliser une partie de leur travail ?Les cabinets doivent s’organiser pour contrer une concurrencequi monte. Je pense notamment aux banques. Il existeaujourd’hui deux types de cabinets. Les premiers, les moinsnombreux, que l’on peut qualifier de “haut de gamme” seconsacrent surtout au conseil et font très peu de travaux desaisie et de fiches de paye. Les seconds, la grande masse,consacrent leur énergie à la tenue des comptes. Pourtant, denombreux problèmes peuvent être gérés par un expert-comptable.Je pense à la fiscalité ou à la gestion patrimoniale. Il faut despersonnes compétentes pour les tâches de saisie et de tenue,et les experts-comptables éprouvent des difficultés pour recruteret surtout conserver du personnel compétent. Nous constatonsdéjà une situation de blocage à Paris et en Ile-de-France. Ildevient difficile de trouver des aides-comptables. L’externalisationconstitue donc une réponse à ce problème.

Les délocalisations peuvent-elles aussi constituerune réponse à ce problème ?On se fait des idées fausses sur les délocalisations. Si l’oncompte bien, les coûts sont souvent supérieurs aux nôtres ! Ily a toujours des coûts cachés pour ne pas dire inattendus,avec des intermédiaires aussi inutiles qu’obligatoires, et qu’ilfaut bien rémunérer. Nous constatons aussi des problèmesd’incompréhension d’ordre culturel, y compris avec des paysfrancophones comme ceux du Maghreb, d’Afrique Noire, l’IleMaurice… Nous avons-nous-même procédé à des tests enRoumanie. La qualité du personnel est bonne, mais les prixmontent déjà. Ils finiront par nous rattraper. Et puis attention !En Afrique, on emploie souvent du personnel très qualifié pourqui la saisie n’est pas qu’un simple petit boulot. On risque doncde délocaliser des missions toujours plus complexes commeles arrêtés de comptes, à la limite du contrôle de gestion. Voilàle danger.

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Regards14

4/ “L’externalisation est une réponse à la pénurie de personnel.”Jean-Marc Guilly, directeur de Gestavision

Le cabinet BM & Associés [du nom de ses fondateurs RogerBerdougo et Gilbert Métoudi] a été créé en 1985. Aujourd’hui,le cabinet est déployé sur deux sites parisiens avec une cinquantaine de personnes pour ses missions d’expertisecomptable et de commissariat aux comptes. Et comme prolongement de ses activités, BM & A a ouvert un bureau enRoumanie dont les effectifs varient entre sept et douze personnesselon la charge de travail. BM & A gère 1 200 mandats pour unchiffre d’affaires de 4,8 millions d’euros.

“Début 2000, mes associés et moi-même étions inquiets del’évolution du métier, explique Gilbert Métoudi. Nous privilégionsla croissance organique et les performances de la structuredoivent suivre. Nous avons été confrontés en 2000 à la fois àun départ massif de collaborateurs et à l’instauration de laréduction du temps de travail [RTT]”. Le cabinet a voulu réfléchirsur des solutions alternatives propices à l’expansion de sesactivités, mais qui ne se traduisent pas par de nouvelles complications dans la gestion des ressources humaines. “Nousavons voulu créer des centres de compétences qui cassent lesschémas d’organisation habituels des cabinets, affirme Gilbert

Métoudi. C’est d’ailleurs l’une de mes convictions profondes,ce mode de fonctionnement est conduit à disparaître. Il fautcréer et diversifier les compétences, avec un pôle social, unpôle juridique, un pôle informatique. Et la tenue de comptes’inscrit dans ce schéma d’organisation.” Pour BM & Associés, au vu de leurs compétences et de leursrevenus, les collaborateurs doivent se placer entièrement auservice du client. La création de tels pôles de compétence permetaussi de créer des équipes homogènes.

Une culture commune, un plan comptablecommun, une formation commune

Mais pourquoi avoir délocalisé en Roumanie la saisie descomptes ? Gilbert Métoudi préfère parler d’externalisation, carBM & Associés est partie prenante dans l’entité ouverte àBucarest. “En 2002, un client nous a parlé de la Roumanie. Initialement,nous avions pensé au Maghreb ou à l’Afrique Noire. Nousavions d’ailleurs rencontré des confrères et même envisagé

5/ Cap sur la RoumanieGilbert Métoudi, cabinet BM & associés

Page 17: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

une collaboration avec un cabinet français implanté au Maroc.Mais, leur organisation était assez archaïque et nous avonssenti qu’ils ne pourraient pas assumer nos dossiers.” Le client français de BM & Associés était implanté à Bucarest.Il a su trouver les mots justes pour valoriser la culture locale etla qualité de la main d’œuvre. Nombre de Roumains sont francophones et surtout, à la chute de la dictature communiste,le pays a adopté le plan comptable français. L’Ordre a assuréla formation des confrères roumains et la comptabilité desentreprises est quasiment identique à la notre. Roger Berdougo et Gilbert Métoudi ont passé une semaine surplace pour rencontrer des experts-comptables avec des critèresprécis : taille du cabinet, culture et vision partagée du métier. Lescollaborateurs roumains justifient d’une formation équivalente à un DUT, et ajoute Gilbert Métoudi “nous nous déplaçons régulièrement à Bucarest pour rencontrer nos associés, superviserl’activité et monter les plans de formation nécessaires. Le fonctionnement du centre de traitement roumain reposeentièrement sur les technologies de l’information et de la communication qui permettent selon l’expression de GilbertMétoudi “de disposer d’une structure intégrée, mais déplacée”.Le système repose sur une application de gestion électroniquedes documents qui assure la transmission [en haut débit]des pièces. BM & Associés améliore constamment son outil de communication, avec une messagerie, des webcams, la téléphonie IP avec Skype, etc. La liaison est assurée par une lignedédiée en boucle. En cas de cataclysme, le cabinet ne perd

ainsi aucune information. “Nous avons à Paris, une personne àplein temps dédiée à l’envoi des documents, complète GilbertMétoudi, qui effectue des missions de formation et s’occupede notre pôle bureautique.”

Qui dit délocalisation, dit réduction des coûts. Gilbert Métoudireconnaît bien volontiers qu’un collaborateur local revient deuxfois moins cher que son équivalent français. “Mais, dit-il, je necompte pas les frais cachés comme nos voyages, le tempspassé à faire de la formation”. Par ailleurs, depuis que laRoumanie est entrée dans l’Union Européenne, elle connaît uneexpansion économique sans précédent. Certes, BM & Associésest heureux de s’impliquer dans les échanges franco-roumainsen plein développement, mais cette croissance pèse sur sonactivité. Les salaires montent, le droit du travail est contraignant,mais surtout le cabinet est pénalisé par un véritable turn-over.Gilbert Métoudi reconnait que ce problème risque de poser laquestion du maintien de BM & Associés en Roumanie. “Maispour l’instant tout va bien. La Roumanie n’est pas loin et pastrop chère Les collaborateurs sont sérieux et opérationnels.Mais j’insiste. La délocalisation n’est pas une fin en soi.L’efficacité de BM & Associés est la pierre angulaire de cettedémarche. Aujourd’hui, nos collaborateurs français travaillentdifféremment, et dans le sens que nous souhaitions. A l’exceptionde quelques dossiers bien spécifiques, les travaux de tenuesont entièrement délocalisés.”

Regards Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 15

Expert-comptable toujours inscrit à l’Ordre, Hassan Lasri estinstallé à Casablanca. Son propos est aujourd’hui de mettre àla disposition de ses confrères français une main d’œuvrecompétente et bien formée, pour des tarifs compétitifs. Soncabinet IL Consulting collabore aujourd’hui avec trois cabinetsfrançais.

Pouvez-vous nous présenter votre groupe ?Je suis moi-même titulaire d’un diplôme d’expertise comptablefrançais, et j’ai exercé en France de 1995 à 2002. Je maintiensd’ailleurs toujours une activité en France, et je suis toujours inscrità l’Ordre. Mon cabinet, IL Consulting emploie outre moi-même,quatre collaborateurs et deux stagiaires que je forme aux arcanesde la comptabilité française. Nous avons par ailleurs un dépar-tement de conseil juridique.

Depuis quand proposez-vous des missions dedélocalisation aux EC et aux entreprises fran-çaises ?Depuis 2002, c'est-à-dire au moment de l’ouverture du cabinetau Maroc. Plusieurs de mes clients français m’ont maintenuleur confiance lorsque j’ai ouvert mon cabinet à Casablanca,ce qui me permet de justifier d’une véritable expérience de collaboration avec des entreprises et des partenaires étrangers.Aujourd’hui, je réserve mes propositions de collaborations àmes confrères français. Nous n’avons engagé aucune actionde prospection sur les directions financières des entreprisesfrançaises. Nous nous faisons connaître auprès des confrèresfrançais essentiellement par des annonces.

Quelles prestations proposez-vous aux experts-comptables français ?Nous pouvons assurer toutes les prestations qui rentrent dansle domaine de l’expertise comptable, notamment celles qui sonten rapport avec la mission de présentation des comptes ; lasaisie, le rapprochement bancaire et l’analyse des comptes.Nous pouvons aussi aller jusqu’à la plaquette. Notre mandantfrançais peut simplement éditer la liasse.

Quels sont selon vous les principaux avantagesd’une délocalisation ?Il faut soulager l’expert-comptable des tâches de saisie, etmême de révision afin qu’il puisse se consacrer à ses missionsde conseil. Les autres atouts de ce type de délégation résidentdans la réduction des coûts et la qualité du travail.

Quels sont vos tarifs ?Nos tarifs varient bien entendu selon les tâches [saisie simple,lettrage, rapprochement bancaire ou révision] et du nombre dedossiers. La facturation se fait soit par ligne soit par dossierselon le cas. Disons que pour un dossier annuel de 100 000 lignes,je vais facturer entre 0,06 et 0,08 euros par ligne. Vous pouveztrouver moins cher, mais IL Consulting recrute du personnel debon niveau, qui profite d’une formation professionnelle continue.Ces efforts ont un coût, celui de la qualité.

Quelles sont les compétences de vos collabora-teurs, et quels sont vos critères de recrutement ?Nous embauchons des jeunes diplômés au niveau Bac + 4 encomptabilité et en gestion ayant déjà étudié le plan comptable

6/ “Nous sommes capables d’assurer l’ensemble des prestations qui entrent dans le domaine de l’expertise comptable”Hassan Lasri, cabinet IL Consulting

Page 18: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

français. J’enseigne moi-même dans plusieurs établissements etinstitutions du supérieur. Et comme je vous l’indiquais, le cabinetassure une formation complémentaire en interne permanente.Nous suivons l’évolution des textes et des lois en France pardes abonnements à des revues spécialisées et à des sites WEB.Je vous rappelle aussi que je suis moi-même expert-comptableinscrit en France et que le cabinet reçoit régulièrement les infor-mations sur la profession, comme le programme de la formationannuelle

Le recours à la sous-traitance suppose une réor-ganisation du donneur d’ordre. Quelles sont lesprocédures de collaboration que vous instaurezavec vos clients ?Les progrès des technologies de la communication nous permettent de traiter des volumes importants. Nos clients sont

abonnés à un service Internet à haut débit. Ils sont équipésd’un scanner rapide et d’un logiciel comptable afin que nouspuissions récupérer et intégrer simplement les informations. Eninterne, nous leur recommandons de dédier une personnepour gérer la transmission des données.

En cas de problèmes, de quels recours disposentvos clients contre vous ?Nous avons souscrit une assurance professionnelle en France etbien entendu, les clients peuvent toujours recourir à la médiationde l’Ordre.

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Regards16

Féru de technologies, Michel Louchard cherche en permanenceà innover afin d’améliorer le fonctionnement de son cabinet. Ilest ainsi l’auteur du logiciel de comptabilité en ligne Itool.com,aujourd’hui distribué par l’éditeur EBP.

“Nous avons conduit une réflexion approfondie sur les déloca-lisations en 2004 et 2005, avec des expériences comparées surdeux cabinets étrangers au Maroc et à l’Ile Maurice. Le premierfacturait 15 euros de l’heure, le second 8 euros pour la saisieet 15 euros pour la supervision. Il faut admettre que le cabinetmauricien a produit un travail de qualité, avec outre la saisie, larévision des comptes tiers et des comptes généraux. Ils se sontmontrés capables de signaler les problèmes, comme l’absencede documents. Aujourd’hui, le cabinet va externaliser au Marocun gros dossier de saisie. Il s’agit d’un fabricant et distributeurimportant de meubles qui désire ouvrir un second point de venteet modifier ses procédures comptables. Le dossier de ce clienttotalise déjà 7 000 lignes et devrait donc rapidement doubler, cequi nous pose des problèmes de personnel. Jusqu’ici, le client sechargeait de la saisie via Itool, et nous récupérions les informationspour consolider le dossier. Aujourd’hui, il nous demande deprendre en charge ce travail. Notre charge de travail est tellequ’il est difficile d’absorber ce dossier. Et je ne peux pas recruterun collaborateur supplémentaire pour ce seul dossier. Via le réseau Itool, j’ai rencontré Régis Barse, expert-comptabledans le sud-ouest qui pilote un cabinet au Maroc, et j’aidécidé, avec l’accord de mon client, de lui confier le dossier.

Le cabinet Louchard, précurseur en technologies

La chaîne de production s’appuie sur une maîtrise plutôt raredes nouvelles technologies au cabinet Louchard. Le système estbasé sur l’exploitation de solutions virtuelles car je préfère recourirà des applications en mode ASP, afin de laisser au prestatairele soin de gérer et de faire évoluer la partie informatique. Lecabinet a sélectionné la solution de gestion électronique dedocuments fournie par Google, qui outre sa gratuité, permetd’archiver jusqu’à trois giga octets de données. La partie messagerie est également fournie par Google avec Gmail quiaccepte les documents traditionnels produits sous Word ouExcel. Une partie des documents arrive au cabinet sous forme

numérisée, comme les fichiers de vente du client, ou les documentsbancaires. Les documents “papier” sont numérisés via unscanner de production Canon IR 3570. Le système numériseles documents, les indexe et les expédie automatiquement àl’adresse e-mail que nous lui avons indiquée. La répartition desdocuments s’effectue par mots clés. Le destinataire n’a plusqu’à récupérer les documents sous forme de fichiers pdf dans saboite mail. Il n’a plus qu’à saisir ou à imprimer les informations.Depuis Lille, nous suivons à volonté l’évolution des travaux. Deplus, le bureau virtuel permet de conserver l’historique completdu travail.

Le back-office peut être décentralisé

J’estime que l’on peut délocaliser la totalité du back-office. Pourle client, l’opération est totalement transparente. Les processde communication permettent de suivre en permanence l’étatd’un dossier, avec notamment une vision en double écran. Onpeut relancer le client sans perte de temps.

Je désire ajouter qu’il était parfaitement possible de profiter àbon compte de solutions externalisées en France. Si l’on comptebien, une personne employée dans une entreprise située dansune zone franche revient moins chère. Mais le véritable intérêt dela délocalisation réside dans le contournement des contraintesde la législation du travail. En fonction de l’évolution de lacharge de travail, il est possible de monter en puissance etd’adapter les effectifs aux besoins de l’entreprise. C’est pourcela que certains dossiers clients devraient être délocalisés. Jepense notamment aux entreprises de distribution qui ont de fortsvolumes, de nombreuses références et des marges serrées.

Pour l’instant il faut recourir à une main d’œuvre humaine. Jene crois pas à la “machine qui fait tout”. Les miracles sont paressence parfaitement exceptionnels. Par ailleurs, c’est l’usagequi fait la technologie. Et pour l’instant, nous n’y sommes pasdu tout. Les experts-comptables progressent lentement, et ilne faut pas s’attendre à des bouleversements pour les annéesqui viennent.”

7/ “La délocalisation a répondu à un besoin précis”Michel Louchard, dirigeant du cabinet Louchard

Page 19: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Regards Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 17

Parmi les destinations possibles pour conduire une délocalisation,Madagascar a des atouts à faire valoir. Depuis des années, l’îledédie une part de sa main d’œuvre à des travaux de saisieinformatique. Insuffisant pour remplacer des collaborateurs formésaux subtilités de la comptabilité, mais de quoi constituer lesinfrastructures nécessaires. A l’autre extrémité de la chaîne,l’INSCAE [Institut National des Sciences Comptables et del’Administration d’Entreprises] forme depuis quinze ans descadres de bon niveau. Les étudiants obtiennent des diplômesde niveau bac plus trois ou bac plus cinq. L’INSCAE a d’ailleurspassé des accords d’échange et de partenariat avecl’Université Pierre Mendès France de Grenoble, l’UniversitéParis XII-Val-de-Marne et l’IAE de Poitiers. De nombreux étudiants malgaches viennent d’ailleurs parfaire leur formationen France. Signalons que notre diplôme d’expert-comptablen’est pas reconnu à Madagascar.

Les salaires constituent l’un des charmes essentiels deMadagascar. Un diplômé de l’INSCAE, parfaitement à mêmede produire une plaquette est rémunéré 500 euros par mois.Un opérateur de saisie, deux à trois fois moins. Du coup, l’expert-comptable local peut superviser l’activité d’une quinzainede collaborateurs.

Les centres de traitement comptables fleurissent donc àMadagascar avec le but avoué de sous-traiter la partie du travailsans “valeur ajoutée” : tenue, saisie et révision. Certains peuventaller jusqu’à la production de la plaquette annuelle des clients.A noter que les Malgaches ne peuvent pas réaliser les plans depaye. Les délais de production sont parfaitement comparablesaux nôtres. L’expert-comptable français donneur d’ordre disposemême d’outils informatiques pour suivre la tenue de dossierset l’avancement des missions.

L’Etat malgache pousse à la création d’une véritable industriede l’offshore. Il existe des zones franches où se sont installésdes plateaux entiers d’opérateurs de saisie. L’Internet hautdébit n’a pas encore traversé le canal du Mozambique, mais il estpossible de louer une liaison satellite pour mille dollars avec undébit type 2 Mo/s. Cependant, les principales villes de l’île sontdéjà câblées, et les équipementiers finalisent le déploiementd’un câble qui reliera Madagascar à l’Afrique du Sud.

8/ Les charmes de la grande île de l’Océan Indien

Pour le compte du réseau Fiducial, Jean-Marc Jaumouillé aconduit une mission de réflexion sur le bien-fondé d’une délocalisation de la production à l’étranger. Ses conclusions sontsimples. Une délocalisation n’aurait pas de sens aujourd’hui.Selon lui, cette stratégie n’est tout simplement pas adaptéeaux besoins et à la structure de Fiducial.

“Nous avions déjà réfléchi à l’externalisation de nos tâchespendant les années 1990, mais les technologies n’étaient pasau point et les questions techniques nous avaient fait reculer. En2005, nous avons engagé une nouvelle réflexion sur l’opportunitéde délocaliser la production à l’étranger. Et une nouvelle fois,l’idée a été abandonnée pour plusieurs raisons : la taille de lastructure à créer à l’étranger, la taille des dossiers, l’acceptationd’une telle décision par le réseau dont l’implication était impérative,les process, le tout pour un gain relativement marginal.

Pour parvenir à un résultat efficient, il faut non seulement délo-caliser un grand nombre de dossiers, mais pas uniquement surla tenue comptable [tâche qui représentent moins de 20 % dutemps]. Mais pour délocaliser seulement 10 % des dossiers, ilfaut embaucher entre 400 et 500 personnes, ce qui revient àbâtir une véritable “usine” à comptabilité. Une telle structureexige un investissement colossal en temps et en moyen, pourdes résultats financiers a priori peu probants.

En effet, la constitution d’un centre de traitement de 400 personnes exige des locaux, des équipes de recrutement, uneintendance informatique, une hiérarchie, des formations, etsurtout de la main d’œuvre qualifiée en quantité suffisammentdisponible. En outre, une telle quantité de recrutement sur uneagglomération entraînerait probablement une hausse sur

les salaires locaux, ce qui rendrait l’opération encore moins intéressante.

Deuxième facteur négatif, j’estime qu’une délocalisation n’a desens que pour des dossiers importants, de plus de 5 000 lignes.Or, la plupart des dossiers que nous traitons ne justifient pasforcément un traitement externalisé. Des gains de productivitésont encore possibles sur le territoire national.

Autre écueil, l’acceptation par les collaborateurs d’une telleopération. Pour qu’elle fonctionne, il faut impliquer les collabo-rateurs dans le choix des dossiers mais aussi dans la mise enœuvre des process. Or, aujourd’hui, dans l’imagerie populaire,la délocalisation sous entend le transfert d’emplois vers lespays émergents et la suppression d’emplois en France, mêmesi telle n’était pas notre ambition. Comment espérer de l’aidede la part de quelqu’un qui a peur de perdre son travail, mêmesi je le rappelle, ce n’était pas notre volonté. Car pour nous, ladélocalisation était un moyen d’absorber la croissance.

Enfin, je ne crois pas que les technologies soient suffisammentau point pour compenser la complexification des process.C’est ma quatrième grande réserve. D’une part, il faut passerdu temps à scanner des documents, avec tout ce que celaentraîne comme perte de temps [format des documents, agrafage…]. D’autre part, les solutions de reconnaissance decaractères ne permettent pas l’automatisation requise par unedélocalisation bien conduite. On a souvent aussi vite fait de saisirles documents de manière traditionnelle, plutôt que de lesnumériser. Surtout quand il s’agit de petits dossiers où lesgrandes séries n’existent pas. Par ailleurs, il faut des dossiersabsolument bien organisés, car sinon le collaborateur étranger

9/ “Pour parvenir à un résultat efficient, il faut non seulement délocaliser un grand nombre de dossiers, mais pas uniquement sur la tenue comptable…”Jean-Marc Jaumouillé, directeur des techniques professionnelles de Fiducial

Page 20: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

et le collaborateur français perdent un temps considérable enéchange de données. Et je ne parle même pas des conséquen-ces du traitement des opérations par un collaborateur qui neconnaît rien du dossier, si ce n’est le DP et les pièces comptables.

De plus, légalement l’expert-comptable est tenu d’informer sesclients d’une délocalisation du traitement de leurs dossiers.Les chefs d’entreprise auront vite fait de nous demander unerestitution d’une partie de la marge. Ce qui réduit encore l’intérêtde l’opération.

Je ne suis pas opposé par principe aux délocalisations, mais laméthode n’est pas aujourd’hui adaptée pour nous. Elle peut enrevanche correspondre aux besoins d’un cabinet traditionnel.Pour traiter ses dossiers, sans subir les problèmes de recrutement,l’expert-comptable peut parfaitement recourir à une sous-traitanceétrangère de “qualité.”

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Regards18

L’expert-comptable connaît bien les méthodes d’externalisation.Il aimerait souvent déléguer à un prestataire national ou étrangerune partie de ses tâches afin de se concentrer sur le conseil etl’expertise proprement dite. Mais pour l’instant, les freins sont troppuissants pour que ces désirs se traduisent par un phénomènemassif de transfert de tâches à l’étranger.

L’externalisation de missions est une pratique répandue depuisdes années dans les directions financières et dans les cabinetsd’expertise comptable. Une étude de Markess International[mai 2007] montre que si 60 % des entreprises externalisent la fonction Paie aujourd’hui, elles seront 72 % en 2009. Donc pourquoi pas la saisie des comptes ? Il s’agit d’une tâchepeu valorisante, pour ne pas dire ingrate, souvent répétitive, etqui mobilise des ressources humaines qui pourraient êtreconsacrées à des missions autrement plus importantes de service au client. Et tant qu’à externaliser autant délocaliser. Lescomptables marocains, roumains, malgaches et autres sontaussi compétents que les Français. Au Maroc ou en Tunisie, lasemaine de travail légale est de 48 heures. Et le salaire d’unjeune collaborateur est compris entre 400 et 500 euros par mois.A Madagascar, le temps de travail légal est de 41 heures parsemaine, cinq jours par semaine. Mais en contrepartie, les salairessont plus bas.

Pas de délocalisation sans technologies

Les propositions de délocalisation existent depuis la fin des années1990, avec le développement d’Internet et des technologiesde l’information. Elles émanent souvent d’experts-comptablesqui ont fait leurs études et ont exercé en France. La lenteur descommunications, la mauvaise qualité des transmissions [rappelons-nous de l’audace nécessaire pour employer lesmajuscules et les caractères accentués] ont longtemps confinécette offre au champ expérimental. Certains cabinets, notammentmarocains, ont proposé de transmettre les pièces par voie postale.Des coûts attractifs ne font pas tout, et les experts-comptablesont refusé de s’impliquer dans de telles usines à gaz. Les progrès de la technologie bouleversent l’offre. Les communi-cations à haut débit [plusieurs mégabits par seconde] permettentde transférer des dossiers volumineux en quelques secondes.Autre facteur favorable aux délocalisations, les 35 heures quiprovoquent l’effondrement de certaines missions comme la saisie.

En pratique, la délocalisation repose sur la numérisation desdocuments. Le cabinet doit acquérir un scanner de production,un logiciel de gestion électronique de documents et [bienentendu] une liaison haut débit sécurisée. La nomenclature

reprend et adapte les étapes de la procédure traditionnelle.L’expert-comptable collecte les pièces. Il les classe, les vérifieavant de les numériser et d’envoyer les lots à son correspondantétranger qui lui signale la bonne réception des documents. Lespièces sont codées, avant d’être intégrées sur un logiciel decomptabilité. A noter que les cabinets délocalisés possèdent unelogithèque complète en la matière. Exactement comme le feraitun collaborateur français, le comptable “délocalisé” analyse ledossier. Il procède aux rapprochements bancaires. En général,un superviseur intervient à cette étape du travail pour vérifierles travaux. Le dossier repart ensuite en France, vers le cabinetpour révision et remise au client.

Délocalisation et organisation

Progressivement donneur d’ordre et fournisseur prennent deshabitudes de collaboration. Il se crée un véritable va-et-vientd’échanges d’informations en utilisant des avis de réception dedocuments, des outils de messagerie, de téléphonie ou devisiophonie sur Internet. Bien entendu les communicationssont sécurisées par des solutions de cryptage, des mots depasse et autres logiciels anti-virus.Ces procédures ont l’apparence de la simplicité, mais ellesimpliquent un bouleversement complet des méthodes et del’organisation du cabinet. Techniquement, les collaborateursdoivent se plier aux contraintes de la gestion électronique dedocuments [GED], l’application qui supporte l’opération. Ainsi,les pièces et les documents doivent être systématiquementscannés et indexés très précisément. L‘informatique ne supportepas l’à-peu-près. Si l’importance des flux de documents l’exige,il vaut mieux créer un poste de travail à part entière, comme l’afait Gilbert Metoudi, dirigeant du cabinet parisien BM & Associés.

Jusqu’où peut-on confier des missions à des partenaires extérieurs ? Pour Hassan Lasri, du cabinet IL Consulting deCasablanca : “Nous pouvons assurer toutes les prestations quirentrent dans le domaine de l’expertise comptable, notammentcelles qui sont en rapport avec la mission de présentation descomptes ; la saisie, le rapprochement bancaire et l’analyse descomptes. Nous pouvons aussi aller jusqu’à la plaquette. Notremandant français peut simplement éditer la liasse.” Pourquoi pas.Mais d’une part l’expert-comptable peut éprouver le sentimentd’une perte sur la main mise de ses dossiers. Il faudra aussisérieusement renforcer les procédures de supervision, et neplus se contenter des avis de réception, de la communicationsur Skype et du savoir-faire du confrère étranger.

10/ Les délocalisations des cabinets ne sont plus un fantasme, mais pas encore une réalité et encore moins une menace

Page 21: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Une délocalisation est-elle rentable ?

Mais surtout, une délocalisation pose des problèmes d’organisa-tion interne. Les collaborateurs peuvent éprouver l’impressionà la fois d’être dessaisis de leurs dossiers, et même menacésd’un prochain licenciement. Le dirigeant va devoir les rassurer.Contrairement à beaucoup d’autres chefs d’entreprise à larecherche des meilleurs coûts de revient, les experts-comptablesexternalisent ou délocalisent d’abord pour des raisons d’orga-nisation et ensuite pour gérer plus simplement les problèmesde gestion du personnel. Un expert-comptable parisien [huitcollaborateurs et 150 dossiers] voulait ainsi abandonner lestâches de saisie afin de “faire monter mes collaborateurs encompétence. Je voulais qu’ils consacrent davantage de temps auservice des clients”. Double échec. Le prestataire de service choisipar notre interlocuteur n’a pas répondu à la demande. “Il fallaitsystématiquement repasser derrière, ce qui enlevait beaucoupd’intérêt à l’opération, explique notre expert-comptable. La saisie comptable exige du savoir-faire. On ne peut pas faire de lasaisie au kilomètre comme pour d’autres missions, avec un tauxd’erreur acceptable”. Et surtout, ses collaborateurs ont eu lesentiment d’être dépossédés de leur travail. Notre interlocuteura d’ailleurs constaté que certains de ses salariés se plaisentdans les missions de saisie.

Michel Louchard, du cabinet du même nom et basé à Lille, aexternalisé au Maroc afin d’absorber un dossier plus conséquentque ses missions habituelles. “Mes collaborateurs ne pouvaientpas absorber une charge de travail supplémentaire, et je nepouvais pas recruter un collaborateur pour un seul dossier mêmeexceptionnel”. Michel Louchard reconnaît volontiers qu’unrecrutement dans une zone franche en France ne pèserait pasplus sur ses comptes que la délocalisation du travail au Maroc.Mais, le gain en souplesse et en adaptation est incomparable.“Peut-être faudrait-il développer des formules alternativescomme le travail à domicile. Je suis certain que de nombreusespersonnes seraient heureuses d’accepter des missions de cetype, en profitant de leur liberté horaire.”

Les autres blocages

D’autres freins protègent encore l’activité des experts-comptables[et de leurs collaborateurs] des délocalisations. MichelBohdanowicz, vice-président délégué du Conseil de l’Ordrepense que les technologies permettent de bien rationnaliser letravail et d’optimiser l’organisation des cabinets : “on peut estimerà moins de deux jours, le temps consacré par un collaborateur àla saisie d’un millier de lignes. C’est vrai que ce sera sensiblementmoins cher au Maroc, mais si l’on arrive à convaincre le clientd’adopter un logiciel de facturation, le gain sera insignifiant”.D’autres ne sont pas convaincus de la pertinence des progrèstechnologiques. Et il est vrai que la numérisation implique unecertaine homogénéité des documents. Jean-Marc Jaumouillé,directeur des Techniques Professionnelles de Fiducial insisteaussi sur le caractère émietté de l’offre. Auteur d’un rapport demission pour son organisation, Jean-Marc Jaumouillé aconstaté que les cabinets étrangers qu’il a visités en Afrique duNord, sont des petites entités, d’une dizaine de personnes. “Oraffirme-t-il, pour délocaliser à peine 10 % de nos dossiers, ilfaudrait ouvrir un centre de traitement de plus de 400 personnes”.Jean-Marc Jaumouillé et Michel Bohdanowicz se rejoignentd’ailleurs pour estimer qu’une délocalisation n’a de sens quepour des dossiers de plus de 5 000 lignes, loin du quotidien del’expert-comptable. Et Michel Louchard d’ajouter “je croisqu’une opération de délocalisation se justifie pour les entreprisesde distribution qui ont de forts volumes, de nombreuses références et des marges serrées”.Enfin, selon la législation, un expert-comptable ne peut pasrecourir à la sous-traitance [en France comme à l’étranger]sans l’accord de ses clients. Un chef d’entreprise [même d’uneTPE] aura vite fait de demander à son conseil de lui restituerune partie des marges.

Regards Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 19

Page 22: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

La délocalisation : Enjeux, risques et perspectivesSource : Extrait du Vademecum du Congrès 2005, page 80

Les mots “délocalisation” et “externalisation” sont l’objet dedébats animés lorsqu’ils sont prononcés. Les multiples exemplesmédiatisés à l’extrême dans la presse ont amené peu à peul’opinion à voir dans ces pratiques, avant tout, une manière degénérer plus de profits ou, au mieux, une façon de prévenir lesrisques d’une chute de ceux-ci. Il est vrai que les délocalisationss’accompagnent généralement d’une cohorte de licenciementstraumatisants pour des familles, une ville, une région.Notre propos n’est pas de faire l’apologie de la délocalisationou son procès. L’objectif de cet atelier est de présenter cequ’est réellement l’externalisation ou la délocalisation, commentelle s’organise, ce qu’elle coûte et rapporte, ce qu’elle implique,afin que le public puisse avoir une vision claire de la problématique.

La conception et mise en œuvre d’un processus de délocalisationest une alchimie. Si les ingrédients sont connus, le tour demain est déterminant. S’engager dans un tel projet nécessiteune stratégie claire et des moyens sérieux.

Le contexte et les enjeux

La profession dans une logique de marché• concurrence de plus en plus vive ;• remise en cause des modèles de production ;• rentabilité en chute avec des prix en baisse et une hausse

des coûts salariaux ;• investissements techniques importants ;• exigences clients en mutation ;• aspirations des hommes et des femmes en évolution.

Les enjeux• fidéliser ses bons collaborateurs et en attirer d’autres ;• se préparer à un marché ouvert ;• être productif et développer la qualité ;• être rentable ;• garder ses clients et en conquérir d’autres ;• avoir une image valorisée avec des missions à forte valeur

ajoutée.

Les principes admis par l’Ordre sous respect des textesréglementaires• délégation et supervision des travaux ;• signature des documents par l’expert-comptable ;• ratio d’encadrement ;• secret professionnel.

La responsabilité• délégation et supervision des travaux ;• signature des documents par l’expert-comptable ;• ratio d’encadrement ;• secret professionnel.

Les obligations• celle de l’expert-comptable [donc, adapter la police d’assurance

à ce cas particulier] ;• contrôler le sous-traitant ;• veiller à ce que celui-ci respecte la réglementation locale.

Les impacts• sur le plan technique : quels systèmes informatiques, quels

outils, comment les rendre compatibles avec ceux du cabinet ?• sur l’organisation du travail : comment organiser le travail

avec l’entité délocalisée ? Quelle répartition des rôles ? Quelssont les délais de traitement ? Comment gère-t-on leserreurs ? Au final, est-ce un levier de productivité ?

• sur le management : Délocalisation = destruction d’emploi ?Comment faire adhérer les collaborateurs aux systèmes ?Garde-t-on les mêmes collaborateurs ? Comment les impliquer ?Que font-ils du temps dégagé par l'externalisation de leurstâches ? Quelles qualifications pour le personnel délocalisé ?Comment manager à distance ?

• sur la gestion du cabinet : Quel impact sur la marge ?Comment gère-t-on les temps, la facturation ? Le coût de lasous-traitance ?

• sur la relation client : Faut-il dire au client que l’on délocalise ?Quelles sont les réactions ? Comment le lui cacher, éventuel-lement ?

Des risques liés• aux contraintes de la Profession ;• à l’éloignement de l’activité ;• aux aléas de la technologie ;• au pays choisi ;• aux aspects économiques ;• aux aspects socio-économiques.

Des opportunités liées• à la stratégie du cabinet ;• au marché ;• à l’évolution des collaborateurs ;• à la rentabilité du cabinet.

Alors faut-il créer soit même ou bien s’adresser en sous-traitanceà des “externalisateurs” ?Quelles sont les conditions du succès et les facteurs d’échecd’une telle opération ?

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès 20

III FOCUS SUR LES TRAVAUX DU CONGRÈS DU 60E CONGRÈS“ET SI ON PARLAIT DE COMPTABILITÉ ?” - PARIS 2005

Focus 1/ Atelier de la Profession / La délocalisation : Enjeux, risques et perspectives

Page 23: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

La délocalisation va-t-elle séduire lesexperts-comptables* ?Source : Extrait du Vademecum du Congrès 2005, page 93*La présentation de cette étude ne peut en aucun cas êtreassimilée à une prise de position de l’Institution.

L’étude sur les délocalisations dans les cabinets d’expertisecomptable a été conduite en octobre 2004 par le cabinetRC&A, spécialiste dans l'organisation interne des cabinetsd'expertise comptable et dans la mise en œuvre des systèmesd'information des cabinets. RC&A propose également uneactivité d'étude et de conseil. Cette étude a été conduite auprèsde 350 cabinets d’expertise comptable. Sans prétendre à unereprésentativité parfaite, ce travail permet d’évaluer l’impact dudésir de délocalisation à un moment où la profession affiche àla fois sa volonté de se concentrer sur des missions à valeurajoutée et de restaurer ses marges.

La délocalisation est reconnue comme une méthode permettantd’abaisser les coûts en transférant à l’étranger des tâches deproduction. Elle se distingue ainsi de l’externalisation quiconsiste à sous-traiter une partie des missions à une autresociété française. Et du reste, les experts-comptables interrogéspar RC&A préfèrent sous-traiter leurs missions avec des sociétésnationales [23 %] plutôt qu’avec des entreprises étrangères [20 %].La délocalisation est encore l’apanage des grandes entreprises.Les PME n’y recourent que rarement, y compris dans le transfertà l’étranger des plateaux téléphoniques. Il est également possiblede sous-traiter Aussi l’étude nous délivre une première surprise :50 % des cabinets d’expertise comptable croient dans l’intérêtdes délocalisations, un quart observe la situation, peu désireuxd’essuyer les plâtres. Reste un autre quart qui ne sait pas oùafficher sa défiance à l’égard de la méthode. Ce résultat estd’autant plus intéressant que plus de la moitié des cabinetsinterrogés [55,73 %] affirment qu’ils n’ont “aucune connaissanced’expériences” de délocalisation. Les autres ont des échos“négatifs” [9,49 %] ou des échos “positifs” [20,16 %].

Les freins aux délocalisations

D’après RC&A, les principaux freins sur la mise en œuvre d’uneopération de délocalisation résident sur les doutes, sur la fiabilitéde l’opération et des techniques, ou sur des scrupules quant àl’attitude à tenir vis-à-vis des collaborateurs [40,8 %]. Il estégalement probable que les experts-comptables bien au faitdes outils informatiques savent que les nouvelles technologiespermettent d’augmenter le niveau de productivité, et donc derétablir leurs marges au moins autant que les délocalisations.Dans le détail, une moitié des cabinets se pose des questionssur la qualité du travail délégué, une autre s’interroge sur lestechniques nécessaires pour mettre en œuvre une opérationde délocalisation. A noter qu’un tiers se pose des questionssur la réalité des bénéfices promis et que tout de même 36 %doutent des qualités professionnelles des prestataires étrangers.Parmi les raisons qui freinent les projets de délocalisation, lasécurité figure en bonne place : 45 % des cabinets mettent encause la “crédibilité de la viabilité technique et la sécurité” de lasolution et 35 % redoutent la perte de connaissance et de maîtrisetechnique des dossiers. Les prestataires devront donc déployerdes efforts considérables avant de se faire reconnaître par laProfession comme des interlocuteurs compétents, capablesde procurer des services fiables.

La tenue, fonction délocalisable par excellence

Quelles sont les missions que les experts-comptables pourraientdéléguer à un prestataire externe ? Sans surprise, les cabinetsrépondent pour 75 % d’entre eux “la tenue” seule. 93 % pensentd’ailleurs que les dossiers de tenue sont les plus adaptés à la délocalisation. Une minorité envisage de déléguer également latenue et la révision des comptes [15,7 %]. Et on ne compteque 4 % des cabinets pour envisager de déléguer les dossiersde révision seule. Ce résultat s’explique doublement : d’une partla révision implique une participation active du cabinet jusqu’àl’intervention d’un expert-comptable français, et de l’autre parle manque de visibilité sur les capacités des prestataires. Ladélocalisation concerne une poignée de cabinets et trop peude retours d’expérience sont perceptibles pour envisager autrechose que la délégation de la partie la plus “simple” des missionstraditionnelles du cabinet. Parmi ceux qui envisagent de délocaliserune partie de leur activité, 30 % veulent pouvoir se concentrersur des prestations plus rentables et 30 % avouent brutalementreconstituer leurs marges. Aujourd’hui, les cabinets d’expertise comptable ne sont pasencore concernés par la délocalisation. Cependant la situationrisque de changer rapidement. L’expert-comptable est incité àdématérialiser les documents et les dossiers. Et la délocalisationpourra lui apparaître tout simplement comme un flux de donnéesinformatiques supplémentaire à gérer. Nombre d’experts-comptables estiment d’ailleurs que des outils technologiquestels que les logiciels de reconnaissance de caractères ou dessolutions plus globales, comme la Gestion Electronique desDocuments, vont permettre d’éviter l’externalisation d’une partiedes missions. L’étude révèle d’ailleurs que 81 % des cabinetspossèdent un scanner et que 8,7 % vont en acquérir un. Onpourrait ajouter que l’Internet à haut débit est une technologielargement répandue. Le but consiste à diminuer le volume depapier produit ou géré. Cependant, le déploiement de tels systèmes exige des efforts longs et onéreux. Le cabinet doitradicalement transformer ses méthodes de travail et son organisation. Il doit également former ses collaborateurs sansperdre de vue que des mises à jour de son système de travailseront rapidement nécessaires. D’ailleurs près de 60 % descabinets estiment que les investissements en informatique sontimportants, et surtout que les licences de leurs logiciels sont“excessivement” élevées. Autrement dit, l’informatique est unecourse à l’armement sans fin, contrairement aux délocalisationsautrement plus souples. L’expert-comptable peut quasiment àloisir et sans investissement particulier augmenter ou réduire lacharge de travail confiée à un prestataire. Et sans investissementparticulier. Sur le papier, la délocalisation permet d’économiserjusqu’à 40 % sur les tâches déléguées. L’expert-comptablepeut donc à la fois faire profiter son client d’une économieréelle et reconstituer ses marges.

Les délocalisations doivent favoriser l’activitéde conseil

D’autres facteurs favorisent également les délocalisations.L’expert-comptable peut déléguer une partie de son travail àun tiers afin de pallier des problèmes de recrutement ou degestion de personnel. D’après RC&A, les deux tiers des cabinetsreconnaissent une moindre rentabilité sur leurs missions detenue du fait de l’augmentation de la masse salariale depuis

Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 21

Focus 2/ La délocalisation va-t-elle séduire les experts-comptables ?

Page 24: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

l’instauration de la réduction du temps de travail. Les cabinets n’ontpas pu semble-t-il répercuter cette inflation sur leurs honoraires.L’expert-comptable se plaint également de ses difficultés àrecruter, 35 % franchement et 42 % parfois. En délocalisant, lecabinet transfert les questions liées à la gestion des ressourceshumaines, comme les emplois du temps en période de campagnefiscale. Enfin, en se séparant des missions basiques de tenue,l’expert-comptable espère se concentrer sur le conseil, vécucomme plus gratifiant sur un plan intellectuel, et susceptible d’unefacturation améliorée. 63 % des experts-comptables interrogésaffirment d’ailleurs que leur cabinet a “résolument une vocation àdévelopper du conseil” et 35 % espèrent développer “si possible”des missions de conseil. Malheureusement, cette vision ressembleà un Eldorado. Au quotidien RC&A constate que les missionstraditionnelles forment toujours le fonds de commerce descabinets. Et surtout contrairement aux espoirs mis dans le conseil,la perte de la tenue des comptes entraîne une dégradation desrevenus horaires des cabinets qui passent à moins de 30 euros.L’expert-comptable est peut-être le premier conseil du chefd’entreprise, mais il a du mal à négocier les missions sur-mesure,qui changent de la tenue de compte.

Progressivement et malgré les obstacles et les réticences, lesdélocalisations apparaissent comme une solution d’avenir. Enconfiant la tenue des comptes de leurs clients à un prestataire

externe, l’expert-comptable ne renonce à aucune de ses missionstout en pouvant proposer d’autres services à ses clients. Lestechnologies sont disponibles. Les prestataires commencent àafficher des références crédibles. Et même, certaines sociétésétrangères peuvent produire des certifications ISO. Par ailleurssouligne RC&A, les experts-comptables ont d’autant plus intérêtà examiner de près les délocalisations qu’ils peuvent s’attendreà une concurrence nouvelle venue des banques, des centresde gestion, de sociétés de comptabilité virtuelles, etc. La pertinence d’une opération de délocalisation dépend de lavitesse de montée en puissance et de l’agressivité de cetteconcurrence attendue. La Profession ne disposera pas forcémentdu temps nécessaire pour s’organiser et restructurer les cabinets.Reste cependant une question à laquelle l’étude ne répond pas :comment valider le travail délocalisé. Les risques d’erreurssont importants. Et ils sont même démultipliés par laconstance des échanges de données. Comment alors validerles phases de saisie, comment s’assurer de la bonne tenuedes comptes ? Il est impossible de procéder à une délégationde mission comme la saisie des informations, la tenue descomptes ou la réalisation des bulletins de paie sans un contrôleattentif. Et quel intérêt offre une délocalisation, s’il faut superviseret réviser le travail fourni ? Avant de délocaliser ou d’externaliserses missions, l’expert-comptable devra se poser les bonnesquestions sur les procédures à suivre et sur son organisation.

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès 22

Délocalisations des industries et des servicesen Europe : la course déflationniste en marcheSource : Extrait du Vademecum du Congrès 2005, page 87

Le rejet de la Constitution européenne, le 29 mai dernier, s’esten partie décidé sur la peur des délocalisations. Toutes les études affirmant que le phénomène est limité n’ont suscité quescepticisme, face à l’exploitation politique des effets immédiatsles plus visibles. Pour ceux qui subissent fermetures d’usineset licenciements, les analyses des économistes ressemblent àdes arguties de privilégiés déconnectés des réalités sociales.Car les premières victimes sont d’abord les salariés non-qualifiés,qui ont l’impression d’être abandonnés. Mais si le sujet a rencontréautant d’écho, c’est aussi parce que ces délocalisations touchentmaintenant les activités de service, et même des centres derecherche et développement, auparavant supposés à l’abri decette menace.

Brandi comme un épouvantail par les opposants à laConstitution européenne, le “plombier polonais” aurait pu devenirun drolatique personnage de café-théâtre, si cette grossièreficelle de campagne électorale avait entraîné moins de gravesconséquences politiques. Car la caricature s’est révélée efficacepour amalgamer les craintes et les rancœurs d’un pays doutantde lui-même face à la concurrence étrangère, que ce soit sousforme d’immigration de main d’œuvre à bas coût, ou de délo-calisations, son parallèle inversé et infernal. Selon la définitionhabituellement retenue par les économistes, une délocalisationest une “fermeture d’une unité de production en France, suivie desa réouverture à l’étranger, en vue de réimporter sur le territoire

national les biens produits à moindre coût, et/ou de continuerà fournir les marchés d’exportation à partir de cette nouvelleimplantation” rappellent Lionel Fontagné et Jean-Hervé Lorenzi,auteur d’un rapport remis au CAE1.

La victoire du “non” le 29 mai dernier s’est en partie jouée surce sujet. Les délocalisations vers les nouveaux Etats membres del’est ont cristallisé les mécontentements nés d’une permanenteambivalence face à l’Europe, souvent utilisée pour faire passerau forceps des réformes et une ouverture économiques queles dirigeants politiques savent nécessaires, mais ont rarementexpliqué avec courage et clarté. Il était de fait facile d’enfoncerun coin dans cette patiente construction nourrie d’ambiguïtés etde non-dits, notamment autour de l’élargissement à vingt-cinq.Laurent Fabius ne s’en est pas privé, dénonçant l’absence detoute disposition d’harmonisation fiscale et sociale, porteouverte aux délocalisations intra-européennes d’après lui.Hasard cruel du calendrier, la mise en œuvre effective et totale del’adhésion de la Chine à l’OMC, avec la fin des quotas textiles, aprécédé le référendum européen de quelques semaines, et aachevé d’irriter une majorité de citoyens-travailleurs face à desdécisions prises en leur nom, mais dont les conséquences serévélaient néfastes à leurs yeux.

Car les exemples concrets n’ont pas manqué au cours desmois ou des semaines précédant le scrutin. En novembre2004, Elco-Brandt annonçait ainsi des transferts de fabricationde produits d’entrée de gamme en Pologne, qui se traduirontpar 300 départs en retraite anticipés dans ses usines deVendôme [Loir-et-Cher] et Orléans [Loiret]. En février 2005,Electrolux, un autre fabricant d’électroménager, présentait aussi

Focus 3/ Délocalisations des industries en Europe : la course déflationniste en marche

1. Désindustrialisation - Délocalisations, Lionel Fontagné, Professeur à l’Université Paris 1, Jean-Hervé Lorenzi, professeur à l’Université Paris-Dauphine, conseil d’analyseéconomique [CAE].

Page 25: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

un vaste plan de restructuration, prévoyant fermeture et délocalisation de six sites en Europe, dont celui de Reims, et laconstruction de deux usines en Pologne. En avril, les 167 salariésde l’usine Ronal, un groupe suisse de sous-traitance automobileayant installé en 1976 une usine de jantes à Freyming-Merlebach, en Moselle, assistaient à la vente aux enchères desdernières machines, après transfert de la production enPologne.

Mi-mai, le portail Internet Lycos, proposait sans rire et sans doutepour respecter ses obligations légales, de reclasser en Arménie34 salariés, pour 300 à 500 euros par mois, contre 2 000 à 3 500euros mensuels en France pour des développeurs informatiques.Quelques mois auparavant, pour lutter contre les délocalisationsde centres d’appels, Nicolas Sarkozy voulait contraindre lestélé opérateurs à déclarer d’emblée leur lieu de travail. Passéela fièvre électorale, et le changement de gouvernement, cepropos de tribune électorale est passé à la trappe.

D’autres annonces ont suivi immédiatement après les élections,indiquant que les mesures étaient en préparation, mais sans doutegelées avant le scrutin. Mi-juin, Alcatel déclarait ainsi à l’attentiondes analystes financiers que l’essentiel de ses investissementsdans de nouveaux centres de recherche et développement seferaient en Inde et en Chine, même si le groupe maintenait seseffectifs en France. Ces derniers exemples expliquent l’ampleurprise par le débat, car ils concernent le secteur des services et laR&D, considérés jusqu’à la fin des années 90 comme un gisementd’emploi à l’abri des restructurations frappant l’industrie depuislongtemps2. Les délocalisations dans l’informatique étaient aussidevenues un sujet de campagne électorale lors des dernièresélections présidentielles américaines, en 2004, en raison despertes de postes au profit d’entreprises situées en Inde. “Lestravaux de Forrester Research estiment que 40 % des 1 000entreprises du classement de Fortune ont délocalisé une partiede leur activité ; que 3,3 millions d’emplois pourraient êtredélocalisés dans les 15 prochaines années, entraînant la pertede 136 milliards de dollars de masse salariale et que le secteurdes technologies de l’information s’apprêterait à délocaliser500 000 emplois dans les prochaines années” [Désindustrialisation- délocalisation, rapport au CAE]. Les délocalisations serontsans doute un sujet brûlant également lors des prochainesélections en Allemagne, qui pourraient être avancées à 2006. Sur2 500 PME interrogées par la Fédération allemande de l’industrie,près de la moitié ont déjà délocalisé une partie de leur activité,ou envisagent de le faire. En revanche, le thème n’est pasdevenu un enjeu politique lors des élections parlementaires duprintemps dernier en Grande-Bretagne, bien que le pays soit le plus en pointe dans les délocalisations de services. Lesentreprises britanniques peuvent puiser dans les centaines demillions d’anglophones des anciennes colonies pour des centres d’appels, de la saisie comptable, du développement informatique,etc. Mais ces mouvements n’ont pas suscité de polémiquepolitique dans le plus vieux pays industriel, farouche partisandu libre-échange dont l’économie a subi bien avant les autrestoutes les formes de concurrence internationale. La banqueHSBC a ainsi transféré plus de 5 000 postes de back-office, enInde ou au Pakistan, générant 250 millions d’euros d’économiepar an.

Les pays occidentaux se trouvent ainsi durement confrontésau retour d’une concurrence économique qu’ils avaient d’abordimposée triomphalement au reste du monde, parfois les armes

à la main. Au XIXème siècle, l’industrie textile britannique avaitruiné des dizaines de millions d’artisans du textile en Inde, enexportant ses “indiennes” moins chères car copiées à l’échelleindustrielle. Nombre de pays émergents, dont les “petits dragons”asiatiques ou encore le Brésil, n’ont réussi à construire uneindustrie nationale qu’en protégeant derrière des barrières doua-nières leurs premières entreprises incapables de tenir en qualitéet en prix face aux productions européennes ou américaines.

Ce “retour de manivelle” sous forme de délocalisations n’est quele dernier épisode de la longue histoire des relations économiquesinternationales. Au hasard des titres des journaux, qui parfoisprennent un relief encore plus dramatique dans la presse decertaines régions durement touchées par la désindustrialisation,le phénomène peut toutefois apparaître nouveau par sonampleur supposée, et irréversible en raison des déséquilibresdont il se nourrit : “les coûts horaires moyens [coûts 2002 autaux de change 2003] dans une grande entreprise sont parexemple de 28 euros en France, 24 aux Etats-Unis, 4 au Mexiqueet au Brésil et 1,30 en Chine” [Désindustrialisation - délocalisation,rapport au CAE]. Tout ce qui est délocalisable devrait quitter unpays aussi fiscalement et socialement hostile aux vigoureuseslois du marché…Rares sont les secteurs à l’abri [santé, grande distribution,commerce, BTP, ou encore presse, édition…] de ces imparablescalculs de gestionnaire. Les services financiers ou comptablesn’y échappent pas. Dans un rapport publié en juin dernier3, lecabinet McKinsey indique ainsi “que certaines entreprises ontmis en place des processus de suivi des débiteurs défaillantspour de faibles montants, catégories qu’elles avaient jusqu’alorsété contraintes d’ignorer.Dans le cas d’un transporteur aérien qui a transféré sa comp-tabilité clients en Inde, ces créances recouvrées représententjusqu’à 65 millions d’euros qui s’ajoutent à une économieannuelle de 40 millions d’euros correspondant à la réductiondu coût de la main d’oeuvre”.“Pourquoi les entreprises restent-elles en France ?” s’interrogeaitde fait Jean-Louis Levet, auteur d’un rapport pour le CommissariatGénéral au Plan [avril 2005], en énumérant plusieurs facteurspoussant à la délocalisation des chefs d’entreprise peu enthou-siastes. De grands donneurs d’ordre formulent à l’encontre desPMI “la nécessité vitale de délocaliser dans des pays à bascoûts salariaux, sous peine de n’être plus considérés […] Desinvestisseurs institutionnels tiennent un discours justifiant ladélocalisation et s’étonnent auprès de certains des dirigeantsde leur attachement à leur territoire et les encouragent à fermerleurs usines de production et à recourir à l’externalisationauprès d’opérateurs asiatiques. La mode est là : pour séduireles marchés financiers, il faut désormais avoir dans son plan definancement “ses Indiens et ses Chinois” : la réduction descoûts comme seule finalité devient un “must” incontournabledu bon gestionnaire moderne et responsable [responsabledevant les marchés financiers, bien entendu]”4.

Le cabinet McKinsey confirme sans s’émouvoir le rôle de nouveaux ratios inconnus jusque là. “À l'heure actuelle, les SSIIfrançaises n'emploient qu'une faible fraction de leur main-d'œuvredans les pays à bas coûts [2 à 6 % en moyenne]. Toutefois, lesanalystes financiers commencent à considérer ce pourcentagecomme une variable essentielle pour déterminer la valeur del'entreprise, incitant les entreprises de services informatiques àrenforcer leur stratégie de délocalisation”, indiquent les auteurs.Ils affirment par ailleurs qu’avec plus de flexibilité et moins de

Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 23

2. Voir un premier rapport sur le sujet, dès 1993, de Jean Arthuis, Les délocalisations et l’emploi, rapport du Sénat3. Comment la France peut-elle tirer parti des délocalisations de service, McKinsey Global Institute4. Tribune dans Les Echos, 14 juin 2005

Page 26: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

“réglementation autour des conditions de travail”, la Francedevrait globalement profiter de ce mouvement de délocalisationdans les services.

En dépit de ces bienfaits si chaleureusement défendus, lesdélocalisations resteraient toutefois très limitées, selon plusieursétudes et rapports publiés juste avant le référendum, allant àl’encontre de l’impression de phénomène de masse que laissent les annonces répétées dans les médias. Dans une desestimations les plus récentes et les plus argumentées, l’Inseecalcule ainsi que dans l’industrie, sur la période 1995-2001,“en moyenne, 13 500 emplois auraient été délocaliséschaque année, soit 0,35 % de l’emploi industriel”5. Ceschiffrages ont été contestés par les partisans du non, affirmantqu’ils relèvent d’une sous-estimation statistique [Henri Emmanuelli,PS] niant des “réalités catastrophiques”. “Il existe depuis toujoursun décalage persistant entre la manière dont les économistesévaluent et mesurent les délocalisations et la façon dont lescitoyens se représentent le problème. La quasi-totalité deséconomistes ont tendance à dire que le phénomène desdélocalisations, avec les pertes d’emplois qu’il entraîne,n’est qu’une toute petite partie d’un processus de “destruc-tion créatrice” lui-même à la base du système capitalisteen économie de marché”, peut-on lire en réponse dans l’introduction du numéro spécial consacré au sujet par la revueEn temps réel6.

D’autres estimations, à l’étranger, confirment cependant cet effetrelativement modeste. “Sur les quelques 1 500 cas de restructu-rations recensés en Europe de Janvier 2002 au 15 juillet 2003, lescas de délocalisation et de sous-traitance internationale nereprésentent que 8 % des restructurations et 7 % des emploissupprimés”, [Désindustrialisation – délocalisation, rapport auCAE]. Plus étonnant encore contrairement aux impressions tiréesdes titres glanés dans la presse, les délocalisations “seraientun peu plus nombreuses à destination des pays développés,notamment des pays limitrophes de la France et desÉtats-Unis.Dans ce cas, le phénomène de “délocalisation” s’inscrit surtoutdans un cadre de restructuration des grands groupes multina-tionaux”, selon l’Insee.

Moins de la moitié des emplois perdus le seraient pourdes pays émergents. “Parmi ces pays, la Chine représente laprincipale destination de délocalisation, loin devant l’Afrique duNord, l’Europe de l’Est, le reste de l’Asie et le Brésil”. La statistiqueconfirme ici l’impression générale pour la Chine, mais elle lanuance sérieusement en ce qui concerne les délocalisationsintra-européenne : elles se font à une large majorité vers despays à niveau de salaires et de charges équivalents [Espagne,Italie, Allemagne], et non vers la République tchèque, laPologne, les pays baltes ou la Hongrie, utilisés comme desrepoussoirs de Constitution.Des études conduites outre-Rhin arrivent au même résultat : “lespertes d’emplois en Allemagne du fait de ces délocalisationsvers les nouveaux pays membres ont été estimées à 90 000emplois sur 1990-2001, soit 0,7 % de l’emploi des entreprisesconcernées et 0,3 % de l’emploi en Allemagne. Compte tenudes mouvements permanents sur le marché du travail, ce chiffrede 90 000 emplois équivaut au nombre d’emplois créés oudétruits en Allemagne en… une semaine” [Désindustrialisation -délocalisation, rapport au CAE].

Pour nuancer encore leur estimation, les auteurs de l’Insee soulignent qu’il ne s’agit pas d’un bilan, les relocalisations dontbénéficient la France n’étant pas retenues, car impossibles à calculer rigoureusement. Elles existent aussi pourtant, mais nepeuvent se remarquer qu’au hasard de quelques annoncesopportunes. La société d’hôtels des centres d’appels [SHCA]a rapatrié à Alès [Gard] un bureau ouvert au Maroc, dont laqualité insuffisante ne compensait pas le coût moindre. Carrier,multinationale américaine fabricant des appareils de chauffageet de climatisation, supprimera 1 200 postes à Coblence etMayence, dans ses établissements allemands, au profit d’uneusine tchèque et d’une française, installée à Aubagne [Bouchedu Rhône] [Les Echos, 17 et 23 mai 2005].

Mais quel que soit le sens du mouvement, il est difficile à repérer,car aucune donnée statistique ne porte précisément sur cephénomène. “La méthode se fonde sur l’observationconcomitante d’une diminution d’effectifs en France etd’une augmentation des importations par le groupe dumême type de bien qui était auparavant produit enFrance”, expliquent les auteurs de l’étude Insee. Ils retiennentaussi une définition un peu plus étendue de la délocalisation,considérant qu’une fermeture ou une réduction d’effectif suivied’un accord de sous-traitance pour la fabrication du produitfabriqué auparavant en France suffit à caractériser le fait, sansqu’il y ait besoin d’une prise de contrôle effective.

S’il est limité, le phénomène s’amplifie, ce qui était déjà perceptibleà la fin de la période étudiée [1995-2001] par l’Insee. Les délaisde calcul et de recul nécessaires ne permettent pas d’avoir dedonnées plus récentes, mais “le film s’accélère, les difficultéssont devant nous”, préviennent Lionel Fontagné et Jean-HervéLorenzi, auteurs du rapport du CAE. L’analyse ne fait pas ressortirde régions particulièrement frappées par les délocalisations,mais elle souligne en revanche que certains secteurs [habillementet textile, équipements du foyer, fabrication de composants etde matériels électroniques] sont plus exposés que d’autres,même si tous sont touchés.

Et surtout toutes les analyses reconnaissent que les salariésles moins qualifiés sont les plus menacés. Les délocalisationssont un des aspects de la compétition internationale qui seteinte plus que les autres d’injustice sociale, car elles profitentfinalement au noyau des cadres dirigeants et des actionnaires, auxdépends des salariés affectés à la production. Dans le cas oùles dirigeants et actionnaires n’auraient pas anticipé les problèmesen délocalisant, ils sombreraient de toute façon avec leur outilde production. Mais si, pour anticiper la perte de compétitivitéet la faillite éventuelle, la direction de l’entreprise ferme ses unitésde production en France et les transfère dans un pays à faiblecoût de main d’oeuvre, elle en récupérera de la marge à répartirentre les clients sous forme de baisse de prix [pour les retenir,ou en gagner de nouveaux], les actionnaires [sous forme dedividende]… et elle-même [pour bons résultats]. Les inconvénientsd’une délocalisation frappent durement “les catégories lesplus défavorisées et les moins mobiles [les non qualifiés]alors que les impacts positifs sont plus diffus et concernentà la fois les catégories les plus favorisées et les plusmobiles, ainsi que les consommateurs” [En temps réel].

“C’est un cocktail politique explosif, notent Lionel Fontagné etJean-Hervé Lorenzi. Le traumatisme et ses conséquencessociales, mais aussi son coût politique ne doivent pas être

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès 24

5. Direction des études et synthèses économiques : Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française, Patrick Aubert et Patrick Sillard6. En temps réel, avril 2005. Faut-il avoir peur des délocalisations, par Lionel Fontagné, professeur d’économie à Paris I, également co-auteur du rapporteur remis au CAE

Page 27: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

mésestimés. Il s’agit probablement, tant au niveau de la perception que de la réalité, du principal sujet politique d’aujourd’hui”. Il est ainsi tout à fait logique que l’opposition àla Constitution européenne, accusée de ne rien faire pourcontenir les transferts vers les nouveaux Etats membres del’est, ait été portée surtout par les classes populaires. “Il esttout d’abord primordial de s’occuper des perdants de lamondialisation”, ajoute Lionel Fontagné, qui craint une pertede substance de l’économie nationale, si rien n’est fait poursortir de la spirale par le haut, en créant notamment des pôlesde compétitivité.

Tout à leur analyse précise et pleine de nuances du phénomène,les économistes se sont attachés à circonscrire les pertesd’emplois strictement liées aux délocalisations, à différencierdes conséquences de l’approvisionnement à l’étranger deshypermarchés, de la concurrence d’autres entreprises plusproductives ou novatrices, ou encore des implantationsaccompagnant les conquêtes de marché internationaux. Pourles salariés concernés, l’origine du mal est peu ou prou identique.Que cela soit analysé comme le processus normal de la destruction-création d’emploi, et de la spécialisation des

économies en fonction des avantages comparatifs de chaque payssera perçu comme une argutie choquante pour les intéressés,a fortiori lorsque cette explication est délivrée par des universitaires,salariés de la fonction publique, et à l’abri de tels risques. Ils’agit du “décalage préoccupant en démocratie, entre élitesimprégnées de la complexité du monde et citoyens imprégnéspar leur vécu” [En temps réel]. Lionel Fontagné y voit “un grandmalentendu”, en relevant malicieusement la blague que serépètent les économistes, devenu un slogan peint sur les murs deSTMicroelectronics à Rennes, délocalisée à Singapour : “Pourquoiles requins n’attaquent-ils pas les économistes ? Par courtoisieprofessionnelle”.

Focus sur les travaux du Congrès du 60e Congrès Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 25

Page 28: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

• The Offshore Nation : Strategies for Success in Global Outsourcing And OffshoringFrom Atul Vashistha, Avinash Vashistha - McGraw-Hill - March 2006

• Manuel Jacquinet : “Les métiers des centres d’appels et de la relation client à distance”CCL & Woodword-2005

• Philippe Villemus : “Délocalisations. Aurons-nous encore des emplois demain ?”Ed Seuil. 2005.

• Jérôme Barthélémy : “Stratégies d’externalisation”.Editions Dunod. Troisième éditions 2007.

• El Mouhoub Mouhoud : “Mondialisation et délocalisation des entreprises”Edition La Découverte. Collection Repères. 2006.

• Sénateur Jean Arthuis : “Délocalisations : rompre avec les modalités pour suivre le modèle français”. Tome I et tome II.Les Rapports du Sénat. Juin 2005

• Commission de l’Assemblée Nationale des Affaires Economiques de l’Environnement et du Territoire : “Rapport d’information surles délocalisations.” Novembre 2006.

• Françoise Drumetz : “La délocalisation”Direction des Etudes Economiques et de la Recherche de la Banque de France. Bulletin de décembre 2004.

• Jean-Louis Levet : Commissariat Général du Plan. “Localisation des entreprises et rôle de l’Etat : une contribution au débat.”La Documentation Française. 2005.

• OCDE : “Les délocalisations et l’emploi. Tendances et impacts.”Mai 2007.

• Syntec Informatique : “Situation actuelle et développement de l’offshore dans les services informatiques en France.”Décembre 2006.

Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables ANNEXES26

ANNEXES

Annexe 1/ Bibliographie

Page 29: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Une enquête de la Commission Développement des cabinets et des pratiques innovantes pour la préparation des travaux du62e Congrès de l’Ordre sur le thème de l’Europe.

1. Avez-vous engagé des réflexions sur la possibilité d’externaliser vos activités comptables ? 2. Si oui, quand et pourquoi avez-vous entamé la réflexion ? 3. Des membres de votre réseau ont-ils déjà réalisé des expériences de délocalisation d’activités comptables en Europe ou à

l’extérieur de l’Europe ? 4. Dans quels pays avez-vous mené des investigations exploratoires lors de votre réflexion ?5. Quel est le différentiel de coût attendu dans ce type de démarche par rapport à des coûts nationaux, si tout est traité dans votre

cabinet en France ? [différence en % par rapport à votre structure de coût] 6. Quels sont les retours d’expérience, positifs ou négatifs, de vos contacts exploratoires ou expériences ? 7. Est-ce que le retour sur investissement a été fructueux ? 8. Quelles conséquences pour le cabinet en France, notamment pour l’organisation et les collaborateurs comptables ? 9. Quels point spécifiques à notre réglementation professionnelle posent problème ou nécessitent un éclairage spécifique face à

cette innovation dans le process comptable ? [assurance, contrôle qualité, inscription à l’Ordre, cotisations, secret professionnel,conformité à des normes professionnelles, responsabilité du cabinet, contrats, etc.]

10. Vos clients ont-ils été prévenus de l’externalisation ? 11. Comment ont été gérés les gains éventuels de productivité ? 12. Dans une logique de management de la qualité de la tenue comptable, quels sont les points forts et les points faibles d’une

externalisation des activités de traitement ? 13. Est-ce que cela s’applique à des types de marché spécifiques en termes de taille d’entreprise ou de secteur d’activité ? 14. Est-ce que la délocalisation implique des montages juridiques spécifiques pour votre cabinet ?15. De votre point de vue, les pays les plus favorables pour externaliser des activités de tenue comptable ? En Europe et en plutôt

dehors de l’Europe ?16. Votre vision de l’évolution des collaborateurs comptables du cabinet en cas de délocalisation de tout ou partie de la tenue comptable ?17. Avez-vous envisagé également des formules alternatives à la délocalisation pour abaisser les coûts de production des activités

comptables : télétravail, utilisations poussées de la dématérialisation, délocalisation des activités dans des zones à bas salaireen France, etc. ? Merci de nous donner une description brève de vos initiatives…

18. La délocalisation est-elle un procédé viable pour les cabinets d’expertise comptable afin de performer les activités de tenue dansles 5 ans à venir ? Vraie bonne idée ou fausse bonne idée ou bonne idée pour certains cas très spécifiques ?

19. Ce qui vous parait le plus important dans une opération d’externalisation en vue de sa réussite ? Sélectionner 5 points et attribuezleur un ordre d’importance [le 1 étant le point le plus important].❏ Professionnalisme, productivité, organisation du management ou comportement du personnel local ?❏ Niveau d’éducation du pays d’accueil ?❏ Maîtrise de technologies avancées pour le cabinet qui va externaliser ?❏ Référentiel comptable local et notamment proximité par rapport au système comptable français ?❏ Compétences comptables du personnel local [tenue, révision] ?❏ Sécurité politique + climat social du pays d’accueil ?❏ Eloignement géographique [par rapport à la France] ?❏ Maîtrise de la langue française du personnel local ?❏ Coût de la main d’œuvre locale ?❏ Facilité d’accès par les transports du pays d’accueil ?❏ Infrastructures technologiques du pays d’accueil ?❏ Capacité du cabinet qui externalise à piloter la qualité des prestations rendues ?❏ Volume d’écritures à traiter ?❏ Autres [citer]

ANNEXES Regards croisés sur la délocalisation des activités comptables 27

Annexe 2/ Questionnaire de l’enquête sur les délocalisations des activitéscomptables des cabinets d’expertise comptable en Europe auprès de la profession - Avril 2007

Page 30: maq délocalisation - el.mouhoub.mouhoud.free.frel.mouhoub.mouhoud.free.fr/wp-content/delocalisation-comptabilite.pdf · A ce jour, la délocalisation reste encore un phénomène

Ordre des Experts-Comptables153 rue de Courcelles / 75017 ParisTél 01 44 15 60 00 / Fax 01 4 15 90 05www.experts-comptables.fr

De l'0rdre des Experts-Comptables

Europe & EntreprisesOpportunités pour l'Expert-Comptable