Femmes enceintes, tabagisme et psychiatrie 25 oct/4... · 2014-07-02 · – à l’anxiété –...

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Femmes enceintes, troubles psychiatriques et sevrage tabagique Dr Audrey SCHMITT [email protected] Congrès de la SFT 2013 Clermont-Ferrand

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Femmes enceintes, troubles psychiatriques et sevrage tabagique

Dr Audrey SCHMITT [email protected]

Congrès de la SFT 2013

Clermont-Ferrand

Addictions et grossesse

• On estime, en France, que pendant leur grossesse – 20 à 30% des F consomment du tabac, – 3 à 10% du cannabis, – 0,5 à 3% de la cocaïne, – 15% de l’alcool

Lamy S, 2010

Addictions et troubles psychiatriques

• L’addiction est potentiellement un symptôme psychiatrique qui doit être évalué comme tel

– Comorbidité psychiatriques= 50% • Parmi les personnes ayant des conduites addictives, 25 à

30% sont des femmes en âge de procréer. • La coexistence d’une grossesse et d’une consommation de

substances psychoactives est fréquente (avec dépendance ou pas).

• Ce sont souvent des polyconsommations, tabagisme excepté

rechercher une addiction devant toute grossesse et la documenter.

Risque relatif de dépendance tabagique pour quelques pathologies psychiatriques

2,38

1,631,19

1,761,33

1,57

4,68

0

1

2

3

4

5

DépressionDysthymiePhobie simpleAgoraphobieTOCPaniqueAlcoolisme

* * *

*

Risque relatif

Glassman et al, JAMA, 1990

Que sait-on sur les femmes enceintes poursuivant leur tabagisme?

• Dépendance tabagique • Co-addictions • Début de consommation • Conjoint fumeur • Facteurs socio-économiques • Profil psychologique? • Profil de pathologies psychiatriques?

Que sait-on sur les femmes enceintes poursuivant leur tabagisme?

• Souvent des femmes qui ont démarré leur tabagisme avant 15 ans.

• Dépendance avec test de dépendance Fagerstrom élevé

• Peu voir aucune tentative d’arrêt antérieure. • Souvent un conjoint fumeur • Précarité, monoparentalité fréquente • Désir ambivalent de grossesse

Addictions et Troubles Psychiatriques. Et pendant la grossesse?

• Comorbidité très fréquente • Pas de raison qu’il y ait moins de comorbidité

psychiatrique chez les fumeuses enceintes. • Une femme enceinte qui poursuit son

tabagisme = sevrage complexe – « heavy chronic smokers »??

Femmes et addictions: sevrage et rechutes…

• L’arrêt du tabac est + difficile chez les F/H Kenneth Perkins, 2001

• Les F se sentent moins capables de réussir une tentative d’arrêt/H

• Les F échouent et rechutent + fréquemment/H Women and the Tobacco epidemic, 2001

Femmes et addictions

• Si la prévalence du tabagisme se rapproche entre H et F, certaines formes d’usage restent différenciées:

• Les femmes se servent se servent + souvent de leur tabagisme/H pour faire face – au stress – à l’anxiété – Une humeur dépressive Waldron, 1991

• Les liens entre tabagisme et troubles psychologiques sont communs entre H et F, mais la dépression est un facteur de vulnérabilité + important chez la F (N Peiper, 2012)

Femmes et addictions: sevrage et rechute…

• Facteurs freinants la réussite du sevrage chez les femmes:

– Prise de poids – Apparition de troubles anxieux – Apparition de troubles dépressifs Lagrue, 2004

2 X plus fréquents chez les F

Profil des femmes en difficultés pour arrêter le tabac

• Comorbidités psychiatriques+++ Lasser K et al, 2000

• Évènements traumatisants dans l’enfance • Milieu social défavorisé ou CSP élévée

L’addiction chez la F se différence de celle des H

dans son origine + souvent traumatique

Grossesse et difficultés d’arrêt du tabagisme: penser aux abus sexuels dans l’enfance

Co-morbidités psychiatriques

Persistance du tabagisme pendant la grossesse et troubles psychiatriques

• 4 diagnostics psychiatriques sont prévalents si persistance tabagisme pendant la grossesse – Trouble anxieux généralisé – Épisode dépressif du trouble bipolaire – Abus de substance – TDHA (déficit de l’attention/hyperactivité) Flick LH, 2006

Grossesse: prévalence de la dépression

• 1ère revue de la littérature sur ce sujet de Benett : – 714 articles mentionnant des données de prévalence, mais

seuls 21 répondaient à des critères d’inclusion fixés: • Entretien structuré • Questionnaire type Beck Depression Inventory • Edinburgh Post Natal Depression Scale (EPDS)

– Méta-analyse stratifiée par trimestre (19 284 femmes enceintes)

• 1er T: 7,4% • 2ème T: 12,8% • 3ème T: 12% Benett et al, 2004

Dépression et grossesse

• La dépression de la femme enceinte constitue-t-elle un trouble à part au même titre que la dépression du post partum? – Pas de critères DSM IV spécifiques de la dépression chez la

femme enceinte, alors que critères spécifiques de la dépression du post partum

– Il ne s’agit pas d’une dépression de la grossesse mais d’une dépression pendant la grossesse

– Ce n’est pas une dépression différente des autres mais c’est le contexte qui en fait la gravité potentielle et sa prise en charge

Ce que l’on sait

• La grossesse ne protège pas des décompensations psychiques !

• Une période à « haute vulnérabilité psychique » - Surtout pour les troubles de l’humeur: -RR hospitalisation psy dans les 2 ans = 1,6 -Incidence de la dépression est multiplié par 3 en post

partum -Dans plus de 60 % des cas: Premier épisode ! -Plus long et plus grand potentiel de rechute(x2) -Pour mère et père… surtout dans le domaine des addictions où celles ci « verrouillent » souvent déjà le couple

La grossesse, période à risque de dépression?

• Etude de Vesga-Lopez (Vesga-Lopez et al, 2008):

– Analyse rétrospective sur un échantillon de 14 549 femmes âgées de 18 à 50 ans

– pas de différence significative sur 1 an pour les troubles de l’humeur entre F enceintes et non enceintes

• Pas d’étude spécifique, prospective, sur un large échantillon de femmes, comparant les prévalences de troubles de l’humeur chez les femmes enceintes et non enceintes.

• La grossesse ni ne guérit, ni ne protège, ni n’aggrave la dépression

Facteurs de risques corrélés au risque de dépression de la femme enceinte

• ATCD personnels de dépression (Llewellyn, 1997)

• ATCD personnels de dépression du post-partum (O’Hara, 1986)

• ATCD familiaux de dépression ou de dépression du post partum (Kumar, 1994)

• Addiction à des SPA (Pajulo, 2001)

• Difficultés sociales (Pajulo, 2001)

• Difficultés de couple (Escribé, 2008)

• L’alexithymie (Le, 2007)

• Contexte socioprofessionnel défavorable (Kitamura, 1996; Da Costa, 2000)

• Célibat, acculturation (Davila, 2009)

• ATCD de traumatisme ou violences (APA, 2004)

Facteurs de risques liés à la grossesse

• Absence de désir de grossesse ou ambivalence (Rich Edwards, 2006)

• ATCD récent d’interruption spontanée de grossesse (Rubertsson, 2005)

• PMA (Monti, 2009)

• Pas de corrélation entre grossesse non planifiée et dépression (Escribé, 2008)

Facteurs de risques les + robustes corrélés au risque de dépression de la femme enceinte

• ATCD personnel de dépression (Rich Edwards et al, 2006)

– 1662 femmes enceintes, EPDS > 12 – OR=4,51

• Dépendance à des SPA (Pajulo et al, 2007)

– 391 femmes enceintes, utilisation EPDS et SASSI (subst. Abuse Subtle Screening Inventory)

– OR=3,4

Tabagisme-dépression-grossesse

• Les conduites addictives: – OR de 9,4 entre dépression gravidique et addictions à

des SPA (Pajulo et al, 2001)

– Lien le + solide dans la littérature: tabac et dépression gravidique

– Sevrage tabagique associé à une réduction des scores de dépression (Munafo, 2008)

– Les patientes ayant les + hauts scores de dépression aux échelles ont un risque accru de poursuivre leur tabagisme pendant la grossesse (Linares Scott et al, 2009)

Tabagisme-dépression- grossesse

• La persistance de symptômes dépressifs ou anxieux augmente le risque de rechute tabagique après l’accouchement chez les F qui ont arrêtées (ou essayer d’arrêter) de fumer pdt leur grossesse (Elyse R Park, 2009)

Complications de la dépression chez la femme enceinte

• Décès par suicide – Taux très bas chez la F enceinte (facteur de

protection?) mais reste la première cause de décès chez la femme enceinte déprimé (APA, 2003)

• Retentissement social et professionnel (+ faible score aux échelles de qualité de vie)

• Surmorbidité somatique (moins bonne hygiène de vie et moindre assiduité médicale)

• + de complications liées aux conduites addictives (tabagisme+++)

Craving, manque, et grossesse

• Des hypothèses qui expliqueraient une majoration du manque et du craving: – Humeur dépressive fréquente pdt la grossesse (Gaynes,

2005) – La clearance de la nicotine serait accélérée pendant la

grossesse (Dempsey, 2002) • Des hypothèses qui seraient en faveur d’une diminution du

manque et du craving pdt la grossesse: – La progestérone a montré une réduction de l’urgence à

fumer (Lynch, 2010) et les taux élevés de progestérone pdt la grossesse atténueraient le craving à la cigarette

Quelle prise en charge

Le bon sens…

• Garder en tête: – une femme dont le comportement semble aller à

l'encontre du bien-être et de la satisfaction des besoins de son bébé est A PRIORI une femme dont le bien-être et les besoins propres ne sont pas satisfaits

• capacité de la mère à répondre de façon adaptée aux besoins vitaux de son enfant (nourriture, hygiène, soins, interactions affectives et attachement, sécurité physique et morale) nécessité d’une aide partielle/totale, ponctuelle/permanente...

La consommation de SPA implique:

• Dans 50% des cas la présence de comorbidités psychiatriques

• Importance d’un bon repérage, d’une bonne évaluation et d’une bonne information précoce

• Pour anticiper ou limiter tout épisode psychiatrique aigu morbide et faciliter l’accès au soin psychiatrique en urgence si nécessaire

Conférence consensus tabac et grossesse 2005

Diagnostic et dépistage d’un épisode dépressif

• Période de la vie d’une femme où le diagnostic est + difficile à affirmer – Chevauchement symptomatique entre les symptômes

dépressifs et les symptômes végétatifs liés à la grossesse, notamment les 1ers mois (propension aux « larmes faciles », dysphorie mineure, troubles du sommeil, asthénie, troubles digestifs ou de l’appétit, trouble de la concentration, irritabilité, …)

– Réticence de la patiente à livrer ses symptômes dépressifs pendant cette période

Diagnostic et dépistage

• Edinburgh Post Natal Depression Scale (EPDS) – Autoquestionnaire (sur les 7 derniers jours) – 10 items côté chacun de 0 à 3, destinés au contexte

postnatal. Score>11 = dépression avérée – Simple et rapide d’emploi – Plusieurs études ont validé son application dans la

dépression gravidique (Adouart et al, 2005; Adewuya et al 2006; Su et al, 2007)

– Concordance fiable entre les taux de dépression relevés par les entretiens structurés et l’EPDS (Benett et al, 2004)

Diagnostic et dépistage

• Dépistage – Développement d’une échelle spécifique Pregnancy

Depression Scale (PDS) (Altshuler, 2008)

– Données issus de l’échelle Hamilton, 7 items retenus comme corrélés positivement à une dépression gravidique

• Humeur dépressive • Sentiment de culpabilité • Fonctionnement professionnel • Ralentissement psychique • Évolution nycthémérale des symptômes • Fatigabilité • Interactions sociales

– Items portant sur le sommeil et l’appétit non retenus

Diagnostic et dépistage

• Le DAD-P (questionnaire de dépistage anténatal de dépression du post-partum)

BABYBLUES+ Une application pour iPhone et iPad qui dépiste la Dépression du Post-Partum (ou dépression post-natale). BABYBLUES+ est un test médical qui peut être utilisé par les mères comme par le personnel de santé.

POUR LES MERES : Grace à votre téléphone portable vous pouvez vous auto-évaluer avant et après votre accouchement. Sans connexion internet, en quelques minutes, BABYBLUES+ vous alerte d’un possible risque de faire une dépression. BABYBLUES+ vous indique si ce que vous vivez est normal ou pathologique de manière scientifique. BABYBLUES+ peut prévenir le médecin ou la sage-femme qui vous prend en charge, automatiquement par mail. BABYBLUES+ est rapide, fiable et doit être répétée tout au long de votre grossesse et pendant la première année après votre accouchement. En tenant compte des conseils de l’équipe ou du médecin qui vous suivent. BABYBLUES+ ne remplacera jamais une consultation spécialisée.

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Les psychiatres?

• Rôle Psychiatre adulte: -Entretien structuré Evaluation médicale et médicamenteuse

de la psychopathologie maternelle • En première intention si signe d’appel (l’usage

d’une SPA en est un) • Double compétence bénéfique en

addictologie

Quelques règles de prescriptions

• Règle n°1: – • La mère est prioritaire – • Si un traitement s’avère potentiellement délétère pour le fœtus mais

vital pour la mère, il doit être prescrit après discussion pluridisciplinaire.

• Règle n°2 :

– Prescrire peu, utile, et à efficacité équivalente des médicaments anciens largement prescrits dont les connaissances en terme de sécurité sont bien documentées.

– Site du CRAT

• Règle n°3: – Induire un sevrage tabagique (et des autres substances) par

substitution nicotinique pour soulager le manque physique

Principe en addictologie

• Devant tout symptôme psychiatrique qui survient à l’arrêt d’une substance psycho- active (irritabilité, dépression, troubles du sommeil, voire apparition d’un délire) il convient d’augmenter la substitution avant de prescrire un psychotrope.

En pratique

• Réduction des risques obstétricaux si taux de CO faible (Seybold DJ et al. 2012)

• Le but est de réduire l’intoxication au CO. • Mise en place de la substit. Nicotin.

– À dose adaptée jusqu’à suppression de l’envie de fumer.

• Mais aussi: d’orienter vers un sevrage définitif et le + tôt possible ds la vie de la patiente.

conclusions • « Périnatalité » est donc un moment particulier et privilégié: -Moment d’ouverture, de transparence et d’attache qui offre une

nouvelle « accessibilité » au psychisme et à ses difficultés - Moment privilégié dont il faut savoir profiter:

• Dépistage et Evaluation des troubles psychiatriques et addictifs

• Organisation précoce de la prise en charge de ces

troubles et des interventions pluridisciplinaires (SF, gynécologue, médecin référent, addictologue, « psy », A

sociale….) • Le renforcement de ce soutien pluri-disciplinaire et en réseau, à

long terme, améliore le pronostic périnatal (+++prematurite) et peut améliorer la qualité de vie de l’enfant et de ses parents.

FEMME ENCEINTE FUMEUSE

NIVEAU DES DEPENDANCES -Pharmacologique -Psychologique -Comportementale MOTIVATION A L ’ARRET ARRETS ANTERIEURS

EVALUATION INITIALE -Situation obstétricale -Situation tabagique -Situation personnelle RISQUE OU ETAT DEPRESSIF -Antécédents et clinique -Tests psychométriques

FACTEURS DE PRONOSTIC DIVERS -Socio-économiques -Familiaux et affectifs -Psychopathologie et troubles du comportement -Co-addiction(s) -Maturité psychologique

PRISE EN CHARGE DU SEVRAGE TABAGIQUE

PAS DE DEPRESSION OU D ’ANTECEDENT DEPRESSIF

TROUBLES DEPRESSIFS DU POST PARTUM

DEPRESSION AVEREE OU RISQUE DE DEPRESSION LORS DU SEVRAGE

Sevrage tabagique dans sa forme

habituelle

Sevrage en groupe

Sevrage individuel TCC +/- SN

Suivi prolongé après l ’accouchement

(≥3 mois)

Prise en charge spécialisée avec intervention renforcée

SN (dosage de la cotinine)

TCC + prévention reprise

Discussion des psychotropes

Suivi prolongé après l ’accouchement (≥12 mois)

Évaluation de la gravité du trouble • Baby blues • Dépression vraie • Psychose puerpérale

Soutien adapté et surveillance de:

• La femme (souffrance, reprise du tabagisme) • L ’enfant (développement psycho-comportemental)

Schéma 2 : TABAGISME-DEPRESSION-GROSSESSE: SEVRAGE TABAGIQUE

diapositive de Jean Perriot

Merci pour votre attention