Faut-il modifier nos indications suite aux conclusions de l'étude EVAR2 ?

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Recherche clinique Faut-il modifier nos indications suite aux conclusions de l’ etude EVAR2 ? Jonathan Sobocinski, 1 Blandine Maurel, 1 Pascal Delsart, 2 Piervito d’Elia, 1 Matthieu Guillou, 1 Filippo Maioli, 1 C eline Perot, 1 Aur elia Bianchini, 1 Richard Azzaoui, 1 Claire Mounier-Vehier, 2 St ephan Haulon, 1 Lille, France Objectifs : Comparer les r esultats du traitement endovasculaire des an evrismes de l’aorte abdo- minale (AAA) chez des patients consid er es « inop erables » dans un centre a « haut volume » avec les r esultats de l’ etude EVAR2. M ethodes : Entre janvier 2006 et d ecembre 2008, 469 traitements endovasculaires de l’aorte ont et er ealis es chez des patients a « haut risque chirurgical » dans notre centre. Toutes les donn ees ont et e collect ees de mani ere prospective dans une base de donn ees. Parmi les 469 patients, nous avons s electionn es 191 (groupe 1) « inop erables » correspondant aux crit eres de l’ etude EVAR2. La mortalit e postop eratoire a 30 jours et 1 an, les taux de complica- tions ainsi que les taux de r einterventions pr ecoce et tardive ont et e evalu es. Le traitement m edicamenteux au long cours avant la chirurgie a et er epertori e. Ces r esultats ont et e compar es aux r esultats de l’ etude EVAR2 (groupe 2). La survie au cours du suivi a et e calcul ee selon la m ethode de Kaplan-Meier. R esultats : La mortalit e a 30 jours etait de 1,6% et 9% respectivement dans les groupes 1 et 2 ( p ¼ 0,002). Le taux de complication globale etait de 44% et 43% dans les groupes 1 et 2 ( p ¼ 0,52). Le taux de r eintervention sur la p eriode de suivi etait respectivement de 13% et 26% dans les groupes 1 et 2 ( p ¼ 0,0102). Le taux de survie de notre cohorte a 2 ans etait de 84%, avec un effectif r esiduel de 102 patients. Avant l’intervention, un antiagr egant plaquettaire etait pre- scrit au long cours chez 89% et 58% et une statine chez 74% et 39% des patients du groupe 1 et 2 respectivement ( p < 0,0001). Conclusion : Les conclusions de l’ etude EVAR2 sont en contradiction avec la pratique des chi- rurgiens vasculaires franc ¸ais. Le traitement endovasculaire des AAA chez les patients a haut risque chirurgical est justifi e. L’ etude que nous avons men ee confirme l’int er^ et de la prise en charge pluridisciplinaire de ces patients a haut risque chirurgical dans les centres a haut volume. INTRODUCTION L’ etude prospective randomis ee EVAR1, d ebut ee en 1999 au Royaume-Uni, a compar e le traitement des an evrismes de l’aorte abdominale sous-r enale (AAA) par voie endovasculaire au traitement par chirurgie ouverte chez les patients a « bon risque chirurgical ». Dans le m^ eme temps, l’ etude EVAR2 a compar e le traitement endovasculaire des AAA a la simple surveillance chez les patients jug es inop erables par voie conventionnelle. 1 L’ etude EVAR1 a mis en evidence une r eduction significative du taux de mortalit ep eri op eratoire (1,6% vs 4,6%, p ¼ 0,009) en faveur du DOI of original article: 10.1016/j.avsg.2010.08.010. Pr esent e au XXV eme Congr es Annuel de la Soci et e de Chirurgie Vasculaire de Langue Franc ¸aise, Nıˆmes, France, juin 2010. 1 Services de Chirurgie Vasculaire, H^ opital Cardiologique, Universit e Lille2, CHRU de Lille, France. 2 Services de M edecine Vasculaire, H^ opital Cardiologique, Universit e Lille2, CHRU de Lille, France. Correspondance : St ephan Haulon, Service de Chirurgie Vasculaire, H^ opital Cardiologique, Universit e Lille2, CHRU Lille, INSERM 1008, France, E-mail: [email protected] Ann Vasc Surg 2011; 25: 590e597 http://dx.doi.org/10.1016/j.acvfr.2012.06.001 Ó Annals of Vascular Surgery Inc. Edit e par ELSEVIER MASSON SAS 632

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Recherche clinique

DOI of or

Pr�esent�e aVasculaire de

1Services dLille2, CHRU

2Services dLille2, CHRU

CorrespondHopital CardioFrance, E-mai

Ann Vasc Surhttp://dx.doi.or� Annals of V�Edit�e par ELS

632

Faut-il modifier nos indications suite auxconclusions de l’�etude EVAR2 ?

Jonathan Sobocinski,1 Blandine Maurel,1 Pascal Delsart,2 Piervito d’Elia,1 Matthieu Guillou,1

Filippo Maioli,1 C�eline Perot,1 Aur�elia Bianchini,1 Richard Azzaoui,1 Claire Mounier-Vehier,2

St�ephan Haulon,1 Lille, France

Objectifs : Comparer les r�esultats du traitement endovasculaire des an�evrismes de l’aorte abdo-minale (AAA) chez des patients consid�er�es « inop�erables » dans un centre �a « haut volume »avec les r�esultats de l’�etude EVAR2.M�ethodes : Entre janvier 2006 et d�ecembre 2008, 469 traitements endovasculaires de l’aorteont �et�e r�ealis�es chez des patients �a « haut risque chirurgical » dans notre centre. Toutes lesdonn�ees ont �et�e collect�ees de mani�ere prospective dans une base de donn�ees. Parmi les469 patients, nous avons s�electionn�es 191 (groupe 1) « inop�erables » correspondant auxcrit�eres de l’�etude EVAR2. La mortalit�e postop�eratoire �a 30 jours et 1 an, les taux de complica-tions ainsi que les taux de r�einterventions pr�ecoce et tardive ont �et�e �evalu�es. Le traitementm�edicamenteux au long cours avant la chirurgie a �et�e r�epertori�e. Ces r�esultats ont �et�e compar�esaux r�esultats de l’�etude EVAR2 (groupe 2). La survie au cours du suivi a �et�e calcul�ee selon lam�ethode de Kaplan-Meier.R�esultats : La mortalit�e �a 30 jours �etait de 1,6% et 9% respectivement dans les groupes 1 et 2( p ¼ 0,002). Le taux de complication globale �etait de 44% et 43% dans les groupes 1 et 2 ( p ¼0,52). Le taux de r�eintervention sur la p�eriode de suivi �etait respectivement de 13% et 26% dansles groupes 1 et 2 ( p ¼ 0,0102). Le taux de survie de notre cohorte �a 2 ans �etait de 84%, avecun effectif r�esiduel de 102 patients. Avant l’intervention, un antiagr�egant plaquettaire �etait pre-scrit au long cours chez 89% et 58% et une statine chez 74% et 39% des patients du groupe 1 et2 respectivement ( p < 0,0001).Conclusion : Les conclusions de l’�etude EVAR2 sont en contradiction avec la pratique des chi-rurgiens vasculaires francais. Le traitement endovasculaire des AAA chez les patients �a hautrisque chirurgical est justifi�e. L’�etude que nous avons men�ee confirme l’int�eret de la prise encharge pluridisciplinaire de ces patients �a haut risque chirurgical dans les centres �a haut volume.

iginal article: 10.1016/j.avsg.2010.08.010.

u XXV�eme Congr�es Annuel de la Soci�et�e de Chirurgie

Langue Francaise, Nımes, France, juin 2010.

e Chirurgie Vasculaire, Hopital Cardiologique, Universit�ede Lille, France.

e M�edecine Vasculaire, Hopital Cardiologique, Universit�ede Lille, France.

ance : St�ephan Haulon, Service de Chirurgie Vasculaire,logique, Universit�e Lille2, CHRU Lille, INSERM 1008,l: [email protected]

g 2011; 25: 590e597g/10.1016/j.acvfr.2012.06.001ascular Surgery Inc.EVIER MASSON SAS

INTRODUCTION

L’�etude prospective randomis�ee EVAR1, d�ebut�ee en1999 au Royaume-Uni, a compar�e le traitement des

an�evrismes de l’aorte abdominale sous-r�enale(AAA) par voie endovasculaire au traitement par

chirurgie ouverte chez les patients �a « bon risque

chirurgical ». Dans le meme temps, l’�etude EVAR2 a

compar�e le traitement endovasculaire des AAA �a la

simple surveillance chez les patients jug�esinop�erables par voie conventionnelle.1

L’�etude EVAR1 a mis en �evidence une r�eductionsignificative du taux de mortalit�e p�eri op�eratoire(1,6% vs 4,6%, p ¼ 0,009) en faveur du

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Tableau I. Crit�eres d’inclusion dans les �etudes EVAR1 et EVAR25

Recommended guidelines for assessment of patient fitness for open repair and suitability for EVAR Trial 1 or 2

Patient fitness for open repair is decided at the local level; however, these guidelines may provide some assistance.

Cardiac status

Normally, patients presenting with the following cardiac symptoms would not be recommended for any

surgical intervention:

� MI within last 3 months

� Onset of angina within the last 3 months

� Unstable angina at night or at rest

Normally, patients presenting with the following symptoms would be unsuitable for open repair (EVAR Trial 1)

but may be suitable for EVAR Trial 2:

� Severe valve disease

� Significant arrhythmia

� Uncontrolled congestive cardiac failure

Respiratory status (no constraints for EVAR Trial 2)

Open repair (EVAR Trial 1) would not be recommended for patients presenting with the following respiratory

symptoms:

� Unable to walk up a flight of stairs without shortness of breath (even if there is some angina on effort).

� FEV1: <1,0 L

� PO2: <8,0 KPa

� PCO2: >6,5 KPa

Renal status (no constraints for EVAR Trial 2)

Open repair might not be recommended for patients presenting with serum creatinine levels greater than

200 mmol/L. These patients may be suitable for EVAR Trial 2.

MI, myocardial infarction ; FEV1, forced expired volume in one second ; PO2, oxygen partial pressure ; PCO2, carbon dioxide partial

pressure.

Vol. 25, No. 5, 2011 Titre court : Quelles indications apr�es EVAR2 ? 633

traitement endovasculaire comparativement �a la

chirurgie conventionnelle.2 A 4 ans, le taux de

mortalit�e « li�ee �a l’an�evrisme » �etait de 4% et de 7%

respectivement dans les groupes « traitement

endovasculaire » et « chirurgie ouverte ». Par contre,le taux de mortalit�e « globale » (toutes causes) �etait�equivalent dans les 2 groupes.3 Dans l’�etude EVAR2,il n’a pas �et�emis en �evidence de b�en�efice �a traiter parvoie endovasculaire les patients jug�es inop�erablescomparativement �a une simple surveillance.1

Les conclusions d’EVAR2 sont tr�es controvers�eesen raison des nombreux biais de cette �etude. Nousavons de ce fait souhait�e �evaluer les r�esultats de la

chirurgie endovasculaire dans notre service chez

un sous-groupe de patients qui r�epondaient stric-

tement aux crit�eres d’inclusion de l’�etude EVAR2.

Ces patients �etaient d�efinis comme inop�erables et

ont �et�e s�electionn�es parmi une population de

patients �a haut chirurgical.

MAT�ERIEL ET M�ETHODES

Groupe 1

Du 1er janvier 2006 au 10 d�ecembre 2008, l’exclu-

sion endovasculaire d’un AAA a �et�e r�ealis�ee chez

469 patients �a « haut risque chirurgical » selon les

crit�eres de l’AFSAPPS4 dans notre service. Ces

patients ont �et�e trait�es de mani�ere �elective, en

dehors de tout contexte d’urgence. Le bilan

pr�eop�eratoire comportait syst�ematiquement une�echocardiographie de stress ou une tomoscintigraphie

myocardique d’effort, ainsi qu’un �echo Doppler des troncssupra aortiques. Des explorations fonctionnelles respira-

toires �etaient r�ealis�ees en cas d’insuffisance respiratoire

connue ou suspect�ee.Parmi ces 469 patients, nous avons inclus dans

notre �etude 191 patients qui r�epondaient stricte-

ment aux crit�eres d’inclusion de l’�etude EVAR2

(Tableau I) et les 278 restants (59%) ont �et�e exclus

car ils ne pr�esentaient pas les crit�eres de s�election des

patients de l’�etude EVAR2. Finalement, durant cette

p�eriode, l’exclusion endovasculaire d’un AAA �etaitr�ealis�ee chez 191 patients r�epondant strictement

aux crit�eres d’inclusion de l’�etude EVAR2.

Groupe 2

Il s’agissait des patients du groupe « EVAR » de

l’�etude EVAR2. Tous les patients avaient plus de

60 ans et �etaient porteurs d’un AAA de diam�etresup�erieur �a 55mm. Le caract�ere inop�erable du

patient5 �etait d�efini par plusieurs �el�ements objec-

tifs dont : l’existence d’une insuffisance r�enale avec

cr�eatinin�emie sup�erieure �a 200mmol/L, et/ou d’une

insuffisance respiratoire significative telle une

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Tableau II. Donn�ees d�emographiques et comorbidit�es

Groupe 1 Groupe 2 (EVAR2)

pn ¼ 191 n ¼ 166

Age (moyenne, DS) 74,7 (6,7) 76,8 (6,2) 0,0024

Sexe masculin (n, %) 181 (94,8%) 141 (85%) 0,0018

Diam�etre de l’an�evrisme (m�ediane, extremes) 6,0 (5,5-6,5) 6,4 (6,0-7,4) 0,0603

IMC en KG/m2 (moyenne, DS) 27,5 (4,7) 26,4 (4,92) 0,0323

AOMI (n, %) 55 (29%) ND

Diab�ete (n, %) 31 (16,2%) 25 (15%) 0,7617

Tabagisme actif (n, %) 32 (16,8%) 29 (17%) 0,9460

Insuffisance respiratoire (n, %) 73 (38%) ND

Cardiopathie (n, %) 133 (69,6%) 108 (65%) 0,3575

Cr�eatinin�emie (mmol/L) (m�ediane, IQR) 88,4 (79,6-106,1) 108 (91-135) 0,0291

Cholest�erol�emie (mmol/L) (moyenne, DS) 4,4 (1,1) 4,9 (1,2) <0,0001

Abdomen hostile 73 (38%) ND

n, effectif ; DS, d�eviation standard ; IQR, �ecart interquartile ; AOMI, art�eriopathie oblit�erante des membres inf�erieurs ; ND, donn�ees

non fournies dans les r�esultats de ces �etudes ; IMC, Index de Masse Corporelle.

634 Sobocinski et al. Annales de chirurgie vasculaire

incapacit�e �a monter plus d’un �etage, ou encore d’un

VEMS � 1L, et/ou d’une cardiopathie notable sous-

jacente (Tableau I). Le chirurgien devait ent�eriner lad�ecision d’inclusion dans l’�etude.

Dans l’�etude EVAR2, les patients, apr�es avoir �et�ed�eclar�es inaptes �a la chirurgie ouverte ont �et�erandomis�es en deux groupes et les r�esultats analys�esen intention de traiter. Le premier groupe (groupe «EVAR ») des patients qui devaient b�en�eficier d’uneexclusion endovasculaire de leur AAA (correspon-

dant au groupe 2 de notre �etude) et un deuxi�eme

groupe (groupe « non intervention »), assimil�e �aun groupe t�emoin. Un des objectifs secondaire de

l’�etude EVAR2 �etait d’�evaluer la prise en charge

des facteurs de risque cardiovasculaires et particu-

li�erement la prise au long cours d’anti-aggr�egantsplaquettaires (AAP) et de statines.

M�ethodologie

Les donn�ees de tous les patients trait�es par voie endo-vasculaire pour un AAA dans notre centre ont �et�ecollig�ees de mani�ere prospective dans notre base de

donn�ees informatique par une attach�ee de rechercheclinique. La s�election des patients du groupe 1 de

cette �etude a �et�e r�ealis�ee de mani�ere r�etrospective,selon les crit�eres d�efinis dans l’�etude EVAR2.

Le suivi comportait un angioscanner aortique et

une radiographie d’abdomen sans pr�eparation(ASP) post op�eratoires ; un �echo Doppler ou un

angioscanner aortique �a 6mois ; et enfinune consul-

tation de chirurgie, un angioscanner et une radio-

graphie d’ASP �a 1 an, puis de facon annuelle. Pour

l’�evaluation de la survie au cours du suivi, les

patients dont la derni�ere consultation en chirurgie

vasculaire datait de plus de 6 mois ont �et�e contact�es

directement ou par l’interm�ediaire de leur m�edecintraitant.

Les r�esultats du bilan pr�e-op�eratoire, les donn�eesd�emographiques ainsi que les traitements

m�edicamenteux de nos patients ont �et�e rapport�esselon le mod�ele publi�e dans l’�etude EVAR2

(Tableau II).1

Le taux de succ�es technique initial a �et�e �etabliselon les crit�eres d�efinis par Chaikof6 :

1. Mise en place de l’endoproth�ese dans l’aorte par

un acc�es art�eriel �a distance (comprenant les

art�eres f�emorales, les art�eres iliaques externes oules art�eres iliaques communes) pr�ec�ed�ee ou non

d’un geste d’angioplastie ou de la r�ealisation d’un

conduit proth�etique d�efinitif ou temporaire.

2. D�eploiement de l’endoproth�ese avec des zones

d’implantation proximale et distale suffi-

samment saines et longues.

3. Absence d’endofuite de types 1 ou 3 sur

l’angiographie de controle.

4. Endoproth�ese perm�eable sans plicature, ayant

un retentissement h�emodynamique (st�enose >30% ou gradient > 10mmHg).

Le taux de conversion chirurgicale imm�ediate, encas d’�echec d’insertion et/ou de d�eploiement de

l’endoproth�ese, a �et�e �evalu�e. Les autres complica-

tions observ�ees ont �et�e rapport�ees selon le mod�elepubli�e par l’�etude EVAR2.1 Les taux de

r�eintervention ont �et�e rapport�es, comme dans

l’�etude EVAR1.3 Elles �etaient d�efinies comme

pr�ecoces si elles survenaient avant le 30�eme jour

postop�eratoire et/ou durant le s�ejour initial et

comme tardives si elles survenaient au-del�a du

30�eme jour postop�eratoire et/ou du s�ejour initial.

Page 4: Faut-il modifier nos indications suite aux conclusions de l'étude EVAR2 ?

Vol. 25, No. 5, 2011 Titre court : Quelles indications apr�es EVAR2 ? 635

Dans l’�etude EVAR2 le nombre de r�einterventions�etait rapport�e de facon globale, sans sp�ecifier le

moment de survenue. Nous avons aussi pr�ecis�e le

geste r�ealis�e et la complication trait�ee (dans l’�etudeEVAR2, les r�einterventions �etaient regroup�ees selonle type de complication �a traiter).

Le taux de mortalit�e �a 30 jours, �a 1 an et les cour-

bes de probabilit�e de survie selon Kaplan-Meier ont�et�e calcul�es. Les causes de d�ec�es ont �et�e r�epertori�eesen 2 groupes : un premier regroupant les d�ec�es li�es �ala pathologie an�evrismale aortique et un second les

d�ec�es non li�es �a celle-ci (cancers, insuffisance res-

piratoire, maladies cardiovasculaires, etc.).

La prise d’un traitement m�edicamenteux adapt�e�a la pr�evention du risque cardio-vasculaire (anti-

agr�egant plaquettaire, statines, Inhibiteurs de

l’Enzyme de Conversion (IEC) ou Antagoniste des

R�ecepteurs de l’Angiotensine 2 (ARA2)) a �et�eanalys�ee dans le groupe 1. Il s’agissait de

l’�evaluation du traitement ant�erieur �a la prise en

charge chirurgicale. Si le traitement �etait modifi�e aucours de l’hospitalisation, le nouveau traitement

n’�etait alors pas pris en compte.

Les r�esultats des patients du groupe 1 ont �et�ecompar�es aux r�esultats des patients du groupe 2

(groupe « EVAR » de l’�etude EVAR2).

Statistiques

Le traitement des donn�ees a �et�e r�ealis�e par le logicielSAS system (SAS v8, SAS Institute). Les variables

quantitatives discr�etes ont �et�e d�ecrites comme des

nombres finis et des proportions et les variables

quantitatives continues comme des moyennes

(d�eviation standard) ou des m�edianes (�ecart inter-quartile). Les r�esultats de cette �etude ont �et�e com-

par�es aux r�esultats de l’�etude EVAR2 par un test du

Chi-2 pour les variables discr�etes et par un test t de

Student pour les variables continues ; dans ce dernier

cas, lorsqu’une valeur de m�ediane �etait donn�ee dansl’�etude EVAR2, il �etait consid�er�e que la distribution�etait gaussienne (signifiant quemoyenne¼m�edianeet d�eviation standard ¼ �ecart interquartile).

Les taux de survie globale et de survie sans

r�eintervention ont �et�e estim�es par la m�ethode de

Kaplan- Meier. Pour estimer leur intervalle de

confiance (95%), l’erreur standard a �et�e analys�eepar la formule de Greenwood.

R�ESULTATS

Groupe 1

Cent quatre-vingt onze patients, parmi les 469

patients trait�es pour unAAApar voie endovasculaire

dans notre centre de janvier 2006 �a d�ecembre 2008,

ont �et�e inclus dans le groupe 1 selon les crit�eres des�election d�efinis par l’�etude EVAR2.

Les facteurs de risque qui ont d�etermin�e cette

s�election sont exprim�es dans le tableau II. Parmi

les traitements m�edicamenteux prescrits au long

cours avant le traitement endovasculaire, 169

patients suivaient un traitement par AAP (aspirine

et/ou clopidogrel), 142 un traitement par statines et

105 un traitement par IEC ou ARA2. Ces 3 traite-

ments �etait associ�es dans 43% des cas (n ¼ 82).

Cent quatre-vingt patients (soit 94%) ont �et�etrait�es �a l’aide d’une endoproth�ese ZenithR (Cook

Medical Inc, Bloomington, In, USA). Les 11 patients

restant ont �et�e trait�es par une endoproth�ese TalentR

(Medtronic Inc., Santa Rosa, Ca, USA). Les endo-

proth�eses �etaient bifurqu�ees dans 85% des cas (n ¼163). Concernant la proc�edure, le taux de succ�esinitial �etait de 99% (n¼ 189). Il y a eu un �echec de laproc�edure chez 1 patient ; une conversion en chi-

rurgie ouverte a �et�e n�ecessaire pour r�ealiser un

pontage aorto-bi-iliaque. La dur�ee m�ediane de

s�ejour en r�eanimation �etait de 1 jour (extremes, 0-

19 jours). La dur�ee m�ediane d’hospitalisation �etaitde 9 jours (extremes, 5-30 jours).

La m�ediane de suivi �etait de 1,98 an [CI : 1,79-

2,04]. Un patient a �et�e perdu de vue. Les taux de

mortalit�e �a 30 jours et �a 1 an �etaient de 1,6 %

(n ¼ 3/191) et 6,3% (n ¼ 12/190) respective-

ment. Sur la p�eriode de suivi, 30 patients sont

d�ec�ed�es. Parmi les causes de d�ec�es, 6 (20%) �etaientli�ees �a l’an�evrisme. Les autres causes de d�ec�es au

cours du suivi �etaient les cardiopathies isch�emiques

(36%), les cancers (27%) et les d�ecompensations

respiratoires (23%). Au cours du suivi, 88 com-

plications du traitement endovasculaire �etaientdiagnostiqu�ees chez 83 patients (44%) (Tableau

III). Il s’agissait principalement d’endofuites de

type 2 (n ¼ 45, soit 51% des complications). Si l’on

exclut les endofuites de type 2, le taux de patients

pr�esentant au moins une complication au cours du

suivi �etait de 26%.

Vingt-quatre r�einterventions ont du etre r�ealis�eesau cours du suivi (soit un taux de 13% de

r�eintervention pour notre cohorte). Ces

r�einterventions ont �et�e « pr�ecoces » chez 13 des 24

patients (54%).

Trois patients ayant subi une r�eintervention ont

du etre �a nouveau r�eop�er�es. Il s’agissait d’un patient

pr�esentant une endofuite de type 2 persistante, d’un

patient avec un retard de cicatrisation ayant

n�ecessit�e 2 parages chirurgicaux �a 5 jours d’inter-

valle et enfin d’un patient ayant n�ecessit�e un res-

tenting r�enal apr�es couverture involontaire lors de

la mise en place initiale de l’EDP aortique.

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Fig. 1. Courbe de survie du groupe 1 selon Kaplan

Meier.

Tableau III. Complications et r�einterventions pr�ecoces et tardives des patients du groupe 1 et de l’�etudeEVAR2

Groupe 1 (n ¼ 191) EVAR2 (n ¼ 178)

Nombre decomplications

Nombre der�einterventions

Nombre decomplications

Nombre der�einterventions

Migration EDP 1 1 2 0

Rupture EDP 0 0 1 1

Endofuite 1 13 5 11 8

Dont proximale 5 1

Endofuite 2 45 3 23 3

Endofuite 3 0 0 6 3

Thrombose de jambage 5 3 8 5

St�enose / plicature de jambages 6 3 2 1

Infarctus r�enal 3 2 2 0

Retard de cicatrisation / Restauration

de l’acc�es art�eriel11 7 10 9

Infection de l’EDP 3 0 1 0

Probl�eme �a l’insertion de l’EDP 1 0 1 1

Embolisation distale 0 0 0 0

Endotension 0 0 1 1

Total 88 24 68 32

636 Sobocinski et al. Annales de chirurgie vasculaire

Concernant les 24 r�einterventions r�ealis�ees au

cours du suivi, 6 patients ont n�ecessit�e un stenting

compl�ementaire ou l’implantation d’une extension

pour une endofuite de type 1 proximale ou distale,

ou une migration d’EDP ou une endofuite de type

3 ; 6 patients ont n�ecessit�e un traitement

compl�ementaire d’une complication au niveau de

la voie d’abord (retard de cicatrisation et faux-an�e-vrysmes f�emoraux), dont 1 patient �a 2 reprises ;

3 patients ont n�ecessit�e un pontage ou un stenting

ou une thrombectomie pour le traitement d’une

isch�emie demembre sur une thrombose de jambage ;

3 patients ont n�ecessit�e un stenting compl�ementaire

pour une plicature ou une st�enose de jambage ; 2

autres patients ont n�ecessit�e une embolisation

d’une endofuite de type 2, dont 1 patient �a 2 reprises ;et enfin 1 patient a n�ecessit�e �a 2 reprises une recana-

lisation et un stenting pour une thrombose d’une

art�ere r�enale. Il n’y a eu aucun d�ec�es p�eri op�eratoireau d�ecours de ces r�einterventions. La probabilit�e de

survie globale de notre cohorte de patients (toutes

causes de mortalit�e confondues) est de 94% �a 1 an

et de 84% �a 2 ans (Fig. 1).

Groupe 2 (EVAR2)

Le groupe 2 de notre �etude �etait compos�e de 166

patients correspondant aux patients du groupe

« EVAR » de l’�etude EVAR2 . Dans le groupe

« EVAR » de l’�etude EVAR2 (groupe 2 de notre�etude), la mortalit�e �a 30 jours �etait de 9%. Les

taux de complications et de r�einterventions �etaient

respectivement de 43% et 26%. Lam�ediane de suivi�etait de 2,4 ans [IC : 1,6-3,6]. La survie globale �a 4

ans �etait de 34% selon l’estimation de KaplanMeier,

avec un effectif r�esiduel de 58 patients �a 2 ans et de 6

patients �a 4ans. Le taux de mortalit�e li�ee �a l’an�e-vrisme �etait de 16% �a 4 ans.

Comparaison des r�esultats

Les caract�eristiques d�emographiques et les

comorbidit�es des patients (Tableau II) des 2 cohortes

sont statistiquement comparables pour les variables :

diam�etre an�evrismale maximal, tabac, cardiopathie,

diab�ete ( p non significatif pour l’ensemble de ces

variables). Par contre, les patients du groupe 1 sont

plus jeunes (74,7 vs 76,8 ans, p ¼ 0,0024), ont une

Page 6: Faut-il modifier nos indications suite aux conclusions de l'étude EVAR2 ?

Vol. 25, No. 5, 2011 Titre court : Quelles indications apr�es EVAR2 ? 637

meilleure fonction r�enale ( p¼ 0,0291) mais un BMI

plus �elev�e ( p ¼ 0,0323). Le taux de mortalit�e �a 30

jours �etait significativement plus bas dans le groupe 1

comparativement au groupe 2 (1,6% vs 9%, p ¼0,0021).

Le nombre de complications diagnostiqu�ees �etaitcomparable dans les 2 groupes ( p ¼ 0,52). Si l’on

excluait les endofuites de type 2, le nombre des

complications diagnostiqu�ees restait comparable

entre les 2 groupes ( p ¼ 0,48). Le taux de

r�eintervention �etait significativement plus faible

dans le groupe 1 ( p ¼ 0,0102). La comparaison des

courbes de survie des 2 groupes n’a pas pu etre

r�ealis�ee car nous n’avons pas eu acc�es aux donn�eesbrutes de l’�etude EVAR2.

L’analyse du traitement m�edicamenteux prescrit

au long cours avant l’intervention amise en �evidencedes diff�erences significatives ( p < 0,0001) pour

l’ensemble des th�erapeutiques m�edicamenteuses

compar�ees (aspirine et statines).

DISCUSSION

Les r�esultats du traitement endovasculaire des AAA

rapport�es dans notre �etude ont �et�e sup�erieurs �a ceuxde l’�etude EVAR2.1 L’inclusion des 191 patients

dans le groupe 1 a �et�e faite �a partir des 469 patients

op�er�es sur la p�eriode dans notre centre et qui

pr�esentaient tous les crit�eres de l’AFSSaPS. Les

cohortes de patients compar�ees incluaient des

patients d�efinis inop�erables s�electionn�es selon des

crit�eres identiques.5

Les r�esultats de notre cohorte correspondent aux

taux de mortalit�e rapport�es dans les �etudes prospec-tives multicentriques randomis�ees r�ealis�ees chez despatients �a « bon risque chirurgical » (EVAR1¼1,7%

avec p¼ 1 et DREAM¼ 1,2% avec p¼ 1)2,8 et �a ceuxrapport�es chez des patients �a « haut risque chi-

rurgical » dans des s�eries monocentriques r�ealis�eesdans des centres �a « haut volume ».9,10

Le taux de r�einterventions �etait moins important

dans notre �etude avec 13% vs 26% respectivement

dans notre cohorte et dans EVAR2, mais le suivi

moyen �etait plus court dans notre �etude (m�ediane �a2 ans pournotre cohorte contre 2,4 ans pourEVAR2).

Depuis sa parution en 2005, la m�ethodologie de

l’�etude EVAR2 a �et�e largement critiqu�ee11 :

Croisement des groupes

Vingt-sept pourcent (n ¼ 47) des 172 patients du

groupe « no intervention » ont �et�e trait�es soit par

endovasculaire (n ¼ 35), soit par chirurgie ouverte

(n¼ 12). Ces patients ont �et�e inclus dans les r�esultatsdu groupe « no intervention » (car l’analyse a �et�e

faite en « intention de traitement ») et ils ont �et�e prisen compte dans l’analyse comparant les r�esultats dugroupe « EVAR ». Dans l’analyse des r�esultats �a 8 ansde l’�etude EVAR2,7 seuls 6,8% des patients vivants �a5 ans tous groupes confondus (« EVAR » et « no

intervention ») n’avaient pas eu de traitement chi-

rurgical de leur AAA au cours du suivi.

D�elais avant traitement

Les patients du groupe « EVAR » d�ec�ed�es en attente

du traitement endovasculaire (qui repr�esente 8%

des 166 patients) et qui n’ont donc pas �et�e trait�es,ont �et�e inclus dans l’analyse de la mortalit�e globale

et de la survie �a 4 ans du groupe « EVAR ». On sait

que 9 de ces 14 d�ec�es en pr�eop�eratoire sont li�es �aune rupture de l’an�evrisme. L’objectif de traiter les

patients dans les 30 jours suivant la randomisation

n’a pas �et�e atteint. Le d�elai m�edian entre l’inclusion

au groupe « EVAR » et la rupture �etait de 98 jours

(extremes de 6 �a 767 jours !). Ces d�elais ne prennentpas en compte le d�elai entre la consultation et la

randomisation.

Centres �a haut volume

Un �el�ement �egalement �a prendre en consid�erationdans cette analyse est l’aspect multicentrique de

l’�etude EVAR2. Plus de 30 centres, avec un degr�ed’expertise du traitement endovasculaire tr�esvariable, ont particip�e �a l’�etude, alors que la cohortede notre �etude (groupe 1) correspond au travail

d’une seule �equipe constitu�ee de 3 chirurgiens. Les

centres ont �et�e �eligibles pour participer �a l’�etudeEVAR2 d�es qu’ils avaient r�ealis�es plus de 20 pro-

c�edures endovasculaires aortiques dont le suivi avait�et�e collig�e dans la base de donn�ees du RETA (the

Registry for Endovascular Treatment of Aneu-

rysms).12 Aucune activit�e annuelle minimale

n’�etait requise.Dans la litt�erature, les s�eries provenant de centres�a

haut volume sur des patients �ahaut risque chirurgicalrapportent toutes des taux de morbi-mortalit�e plus

faibles que dans l’�etude EVAR2 (Tableau IV). Holt

et al ont publi�e en2007unem�eta-analysemettant en�evidence des r�esultats meilleurs en termes de morbi-

mortalit�e pour le traitement desAAAdans les centres�a haut volume.13 Dans leur analyse, les r�esultatsdevenaient significativement meilleurs quand le

centre pratiquait plus de 43 interventions sur l’aorte

par an en chirurgie programm�ee et 15 pour la chi-

rurgie d’urgence.Dansnotre centre, pendant ladur�eede l’�etude, nous avons pratiqu�e enmoyenne environ

150 exclusions endovasculaires d’AAA par an.

Dans l’�etude de Franks et al, qui effectue un �etatdes lieux des r�esultats du traitement endovasculaire

Page 7: Faut-il modifier nos indications suite aux conclusions de l'étude EVAR2 ?

Tableau IV. Comparaison du traitement endovasculaire des AAA chez les patients �a « haut risque

chirurgical » dans les centres �a haut volume avec l’�etude EVAR 2

Effectifs Taux de mortalit�e �a 30 jours Taux de complications �a 30 jours Taux de mortalit�e �a 1an

Jordan et al.10 130 6% 22% ND

Sicard et al.9 565 2,9% ND ND

Groupe 1 191 1,6% 6% 7%

EVAR21 166 9% ND ND

ND, donn�ees non rapport�ees dans les r�esultats de ces �etudes.

638 Sobocinski et al. Annales de chirurgie vasculaire

des AAA depuis son introduction, on constate une

nette am�elioration des r�esultats en termes de

morbi-mortalit�e ann�ee apr�es ann�ee.14 La mortalit�e�a 30 jours, entre le d�ebut de l’exp�erience endo-

vasculaire des AAA en 1991 et 11 ans apr�es, diminue

de 7,5% �a 1,4%. Il s’agit de r�esultats chez des

patients trait�es �electivement, o�u il n’est pas fait

mention du « risque chirurgical » des patients.

L’am�elioration des r�esultats s’explique par

l’am�elioration de la fiabilit�e et de la s�ecurit�ed’emploi des dispositifs et par l’exp�erience croissantedu chirurgien et de son �equipe. Des r�esultats simi-

laires ont �et�e rapport�es par Holt et al.13

Haut risque chirurgical et facteurs de

risque

La d�efinition du « haut risque chirurgical » ne fait

pas l’objet d’un consensus dans la litt�erature. Le

patient est d�efini �a haut risque sur un ensemble de

crit�eres objectifs, mais �egalement sur des crit�ereslaiss�es �a l’appr�eciation du clinicien. Dans l’�etudeEVAR2, un des objectifs secondaires, pour les

patients randomis�es, �etait d’am�eliorer le controle

des facteurs de risque cardio-vasculaires. L’analyse

des r�esultats de l’�etude EVAR2 montre que cet

objectif n’a pas �et�e atteint puisque seuls 58% et 54%

des patients respectivement dans les groupes

« EVAR » et « no intervention » suivaient un trai-

tement par Aspirine et seuls 39% et 40% un trai-

tement par Statine. Dans notre cohorte, les patients,

au moment de leur hospitalisation, prenaient un

traitement antiplaquettaire (aspirine ou clopido-

grel) dans 89% des cas, et 74% suivaient un traite-

ment par statines. Malgr�e cela, les �ev�enements

cardio-vasculaires sont rest�es la premi�ere cause de

mortalit�e au cours du suivi dans notre cohorte.

Cette lacune dans l’encadrement m�edical des

patients d’EVAR2, pourrait expliquer en partie la

diff�erence en termes demortalit�e dans les 2 cohortes.Ce d’autant plus que la proportion de d�ec�es li�e �al’an�evrisme est comparable entre ces 2 cohortes (res-

pectivement 20% pour le groupe 1 et 27% pour le

groupe 2 ; p ¼ 0,45). Ces mol�ecules r�eduisent la

survenue d’�ev�enements cardiovasculaires, qui

repr�esentent la premi�ere cause de mortalit�e chez cespatients. Ces diff�erentes classes m�edicamenteuses

(AAP et statines) ont montr�e un b�en�efice en

pr�evention secondaire de la survenue d’�ev�enement

cardiovasculaire.15,16 Leur utilisation est largement

r�epandue dans notre centre de par l’existence d’unecollaborationm�edico-chirurgicale forte. La pr�esenced’un AAA, ou d’une art�eriopathie oblit�erante des

membres inf�erieurs, sont des marqueurs de maladie

ath�eromateuse diffuse.

L’usage des IEC n’est pas abord�e dans l’�etudeEVAR2, et fait cependant l’objet d’un usage

fr�equent au sein de notre �equipe. Leur b�en�eficesur la r�eduction de survenue d’�ev�enement cardio-

vasculaire paraıt significatif depuis la parution des

r�esultats de l’essai HOPE.17 en effet, la prescription

syst�ematique de ramipril, quelque soit le niveau de

pression art�erielle, chez ces patients �a haut risque, amontr�e son efficacit�e.

Tr�es r�ecemment, un ARA2 (telmisartan) a obtenu

l’autorisation de mise sur le march�e francais dans la

meme indication apr�es la publication d’un essai de

non inf�eriorit�e compar�e au ramipril.18 Les r�esultatsde l’essai HYVET confirmaient le b�en�efice de cette

classe th�erapeutique sur la mortalit�e.19 Cet essai�evaluait le b�en�efice de la prescription de perindopril

dans la pr�evention des AVC chez la personne ag�eehypertendu de plus de 80 ans ; il a du etre interrompu

pr�ematur�ement �a cause d’un gain pr�ecoce et inat-

tendu sur la mortalit�e lors de l’analyse interm�ediaire.Ces diff�erents �el�ements peuvent expliquer le b�en�eficeconstat�e dans notre centre chez ces patients �a haut

risque cardiovasculaire. Pour les statines, leur

b�en�eficeest �etabli dans lapr�eventioncardiovasculaire

primaire et secondaire20,21 ; leur influence s’exerce

au-del�a de la r�eduction du taux de LDL cholest�erol.Il y aurait donc un int�eret �a r�ealiser un nouvel

essai, selon la m�ethodologie d’EVAR2, mais avec

une population dont les facteurs de risque et le trai-

tement m�edical seraient optimis�es. Cette probl�ema-

tique est soulev�ee dans l’analyse des r�esultats �a 8 ansde l’�etude EVAR2.7

La m�ethodologie de notre manuscrit est bien

entendu critiquable. Il ne s’agit pas d’une �etudecontrol�ee ni randomis�ee, contrairement aux �etudes

Page 8: Faut-il modifier nos indications suite aux conclusions de l'étude EVAR2 ?

Vol. 25, No. 5, 2011 Titre court : Quelles indications apr�es EVAR2 ? 639

EVAR, bien que notre base de donn�ees soit remplie

de mani�ere prospective. Dans notre �etude, afin de

s�electionner des patients strictement comparables

aux patients inclus dans EVAR2, nous avons exclus

plus de 50% de patients pourtant consid�er�es comme�a « haut risque chirurgical » selon les crit�eres de

l’AFSSaPS.4

La dur�ee de suivi de notre cohorte est plus courteque dans l’�etude EVAR2 (1,98 vs 2,4 ans respective-

ment). Logiquement, on peut s’attendre �a observer

moins d’�ev�enements sur une p�eriode plus courte

de suivi. Dans l’�etude EVAR2, le nombre de compli-

cations et de r�einterventions est renseign�e sur la

dur�ee totale de l’�etude. Apr�es 4 ans de suivi, il y a

eu 43% de complications et 26% de r�einterventionssecondaires dans le groupe « EVAR » de l’�etudeEVAR2. Leurs dates de survenue ne sont pas

pr�ecis�ees. Pour pouvoir situer nos r�esultats, nousnous sommes rapport�es aux �el�ements de suivi

d�efinis dans l’�etude EVAR1. Les r�einterventionsy sont reparties en 2 groupes : les r�einterventionspr�ecoces (dans les 30 jours suivant l’intervention

et/ou au cours de l’hospitalisation initiale) et les

r�einterventions tardives (au-del�a de 30 jours suivantl’intervention et/ou au-del�a de l’hospitalisation ini-

tiale). Nous avons pu constater que le taux de

r�einterventions pr�ecoces dans notre cohorte �etaitstatistiquement comparable �a celui de l’�etudeEVAR1 (6,8% vs 9,8%, p ¼ 0,22).

Concernant les complications, nous avons pris le

parti d’exclure les endofuites de type 2 dans l’ana-

lyse de nos r�esultats. Dans notre cohorte de patients,plus d’un quart pr�esentaient une endofuite de type

2. Dans la litt�erature et dans notre exp�erience, ils’agit de complications b�enignes.22,23 La survie glo-

bale et la mortalit�e li�ee �a l’an�evrisme �a 4 ans

n’�etaient pas comparables en l’absence d’acc�es auxdonn�ees sources de l’�etude EVAR2. N�eanmoins sur

une projection des courbes de survie, la tendance

montrait un taux de mortalit�e globale �a 1 an dans

l’�etude EVAR2 sup�erieur �a 20%, plus �elev�ee que

celle de notre cohorte (7%, p non calculable). Le

nombre de patients suivis �a 2 ans �etait cependantsup�erieur dans notre cohorte (102 vs 58 patients

dans EVAR2). Jusqu’�a pr�esent, un seul patient a �et�eperdu de vue dans notre cohorte. Un nouvel �etat deslieux sera fait en 2011, lorsque le suivi m�edian de

notre cohorte sera de 4 ans.

CONCLUSION

Les r�esultats de l’exclusion endovasculaire des an�e-vrismes de l’aorte abdominale chez les malades

consid�er�es �a haut risque chirurgical, r�ealis�ee dans

un centre �a haut volume, sont significativement

diff�erents des r�esultats publi�es dans l’�etude EVAR2.

Les conclusions de l’�etude EVAR2 sont en contradic-

tion avec la pratique courante et les r�esultatsrapport�es dans les centres universitaires francais.

De plus, cette �etude soul�eve l’int�eret d’une prise en

charge pluridisciplinaire m�edicochirurgicale de ces

patients �a haut risque chirurgical afin d’am�eliorerla prise en charge des facteurs de risque cardiovascu-

laires et donc d’am�eliorer la survie p�eri op�eratoire etau cours du suivi.

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