Extrait distribué par Flammarion Jeunesse · écoutant le torrent polir les galets, ... ses...

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Marie-Claude Bérot

- Olivier a trouvé un portefeuille à la fac.

Il l’a ouvert pour savoir à qui il appartenait.

Et la première chose qu’il a vue a été une photo.

- Et alors ?

- C’était une photo de moi !

- Et alors, Victoire ?

- Ce n’est pas possible. Ce n’est pas moi

sur la photo. J’en suis sûre…

Qui est cette mystérieuse fille qui ressemble à Victoire

comme deux gouttes d’eau ? Avec l’aide de son frère, la

jeune fille cherche à comprendre la vérité. Pour ses 15 ans,

elle pourrait bien voir sa vie bouleversée…

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Flammarion [TRIBaL ]

L’ANNÉE DE MES 15 ANS

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L’année de mes 15 ans

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MARIE-CLAUDE BEROT

L’annéede mes 15 ans

Flammarion

189815YST_ENNEMIS_CS5_pc.indd 5 18/09/2012 15:35:45

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Pour Nicole Lajous-Arguence, à nos quinze ans !

© Editions Flammarion, 2006.© Editions Flammarion, 2007.© Flammarion pour la présente édition, 2013.87, quai Panhard et Levassor — 75647 Paris cedex 13ISBN : 978-2-0812-9873-6 Extrait de la publication

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CONSTANCE

Elle le retrouverait ! Il y avait près de quinzeans qu’elle se répétait ces mots-là. Quinze ans !Chaque matin en ouvrant les yeux, elle pensaitque le jour était venu, et qu’il ne finirait passans qu’elle l’ait retrouvé. Inlassablement, ellecomptait les heures, les semaines, les années.Inlassablement, dans les bruits de la ville ouen regardant grandir les arbres de la forêt, enécoutant le torrent polir les galets, elle voyaitl’enfant courir vers elle. Ils n’avaient pas vouluqu’elle le garde. Ils étaient adultes, eux, respon-sables. Ils voulaient que les choses tournentrond, sans faux pas, sans tourbillons dans leurvie étale. Alors, ils lui avaient pris l’enfant. Pour

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son bien. C’est ce qu’ils avaient dit : «Pour tonbien.» Elle n’était elle-même qu’une enfant.Comment une enfant qui n’avait pas encorequinze ans aurait-elle pu choisir?

Le bébé, une fois né, avait été emporté,enlevé avant même qu’elle ne s’éveille de cedoux sommeil ou l’avait plongée l’anesthésie.Elle avait ouvert les yeux sur les murs blancsde la clinique inconnue. Sans un mot, sans uneplainte. Sa mère lui tenait la main. Et elle l’avaitlaissée faire. Ni le jour de la naissance, ni lesjours suivants, elle n’avait posé de questions.Elle se sentait vide. Son ventre dépouillé lui fai-sait la tête pleine de brume. Elle le reconnaî-trait. Sans l’avoir jamais vu, elle était sûre de lereconnaître. Ou qu’il soit. Elle le sentait vivant,proche, presque palpable. D’ailleurs dans sesrêves, elle le touchait. Ceux qui le lui avaientpris l’aimaient. Ils disaient l’aimer trop pour lavoir ainsi gacher son adolescence. Ils l’avaientcajolée, dorlotée, raisonnée. Ils la protégeaient,l’entouraient, ne la laissaient pas seule un ins-tant. Elle était leur petite fille. Ils ne cessaientde le répéter : notre fille si douce, si tranquille,si studieuse. Et solitaire aussi. Si étrangementsolitaire. Pas de bande de copains, à peine deuxou trois amies, des filles douces et tranquillescomme la leur. Comment une chose pareilleavait-elle pu arriver? A elle, à leur fille?

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CONSTANCE

Les questions étaient tombées sur Constance,pareilles à la grêle de printemps. Violentes. Lesmots aussi durs que la glace cisaillaient sesoreilles, se fracassaient sur son crane. Commentavait-elle pu leur faire une chose pareille? Ilsne comptaient donc pas pour elle? Si on aimeses parents ! Si on les respecte ! Ils avaient tenuun raisonnement d’une autre époque, de leurépoque à eux. Ils parlaient de la peine, bien sûr.La peine pour sa jeunesse massacrée. Et lahonte? Est-ce qu’elle y avait seulement pensé àla honte? Dans notre famille, répétaient-ils,dans notre famille ce sont des choses qui n’arri-vent pas. On n’a pas un enfant à quinze ans !Elle n’avait pas pensé à eux. Elle ne s’était passouvenue de ses parents. Est-ce que l’on penseà ses parents la première fois que l’on aime?Ils avaient découvert qu’elle attendait un enfantalors que le bébé finissait de parcourir la moitiéde son chemin au creux de son ventre. Elle-même avait du mal à y croire. Il prenait si peude place. Elle n’avait répondu à aucune de leursquestions. A cause de leurs questions, sonsecret était devenu infiniment doux. Ils neconnaîtraient pas le nom du père.

Jamais. Pour tout le reste, elle avait décidéde ne pas se rebeller. Elle obéirait quoi qu’ilscommandent. Et c’est ainsi que Constance avaitquitté le lycée avant la fin de l’année scolaire.

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Les raisons ne manquent pas lorsque l’on a unpère officier de marine. Elle était partie dans leSud ou elle ne connaissait personne. Sa mèreet elle, seules dans un appartement pendantquatre mois. Elle n’avait rien fait, sinon delongues promenades dans la campagne. Lereste du temps, elle lisait. L’enfant ne bougeaitpresque pas. Elle aurait pu l’ignorer. Elle nes’adressait jamais à lui. Il était seulement depassage. Entre la mère et la fille, il n’y avaitplus aucun dialogue. Pourtant elles s’aimaient.Mais cet enfant entre elles, jamais nommé, leurinterdisait le plus petit élan de tendresse. Ens’éloignant de sa mère, Constance aurait pu serapprocher du petit inconnu qui l’habitait. Ellene voulait pas. Il ne le fallait pas. Elle obéissait,elle avait toujours obéi. Elle savait, dans lesmoindres détails, ce qui suivrait la naissance.La décision avait été prise devant elle, sansqu’elle ait eu la possibilité de s’y opposer : l’en-fant serait abandonné, né de parents inconnus.Il n’y avait pas à revenir là-dessus. Constanceétait une fille douce et tranquille qui jamais nes’était révoltée contre les principes établis parsa famille. Dans quelques jours son enfantperdu aurait quinze ans. Quinze ans ! L’ageauquel s’était arrêtée sa vraie vie. Tout le resten’était qu’apparence.

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VICTOIRE

Des ballons de toutes les couleurs sontaccrochés aux portes et aux fenêtres. Et dansles arbres de la prairie. C’est la fête. Victoire aquinze ans ! Elle se souvient de presque tousses anniversaires. Non pas tous. Elle confondcelui de ses neuf ans avec celui de ses onzeans. Un seul est vraiment resté gravé dans samémoire, gravé dans les moindres détails, etproche comme s’il datait d’hier. Elle était sipetite pourtant. Sept ans à peine ! Ce jour-là, iln’y avait pas eu de ballons accrochés partout,seulement une étoile sur la porte de sachambre. La même étoile qui ornait à Noël lapointe du sapin. Après qu’elle eut soufflé ses

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sept bougies, joué avec ses cadeaux tout neufs,ses parents et son grand frère l’avaient entraî-née sur le canapé du salon. Ils s’étaient serrésautour d’elle. Elle avait ri et dit qu’ils luitenaient trop chaud, qu’ils l’étouffaient. Mais ilsn’avaient pas bougé.

– Tu sais comme nous t’aimons, ma petitefille chérie, avait commencé maman. Encoreune fois Victoire avait ri. Bien sûr qu’ils l’ai-maient tous, et elle aussi les aimait tant. Maisà ce moment-là leurs visages étaient si gravesque la petite fille avait éprouvé pour la pre-mière fois de sa vie une sensation étrange, quiressemblait à la seule peur qu’elle ait euejamais : la peur de l’orage. Le ciel était sans unnuage, mais son cœur battait comme sous lescoups de tonnerre.

– Nous aurions dû déjà te dire...Maman avait retenu un sanglot. On voyait

bien que sa gorge avait du mal à laisser passertoute la phrase. C’était papa qui avait poursuivi,et papa expliquait toujours bien :

– Il faut que tu saches que tu es notre fillepour toujours. Mais tu n’as pas été dans leventre de maman... Voilà, nous t’avons adoptéelorsque tu n’étais qu’un tout petit bébé.

Il y avait eu un silence, et Victoire s’étaitdébarrassée des bras de maman qui la tenaientfort. Le tonnerre s’était tu. Elle pouvait voir à

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VICTOIRE

travers les vitres de la fenêtre tout le bleu duciel. Huit ans après, elle se souvenait encoreparfaitement de la couleur du ciel de ce jour-là.Elle n’avait plus peur, ni mal. Elle n’avait rien.Elle aurait voulu parler, elle était si bavarded’habitude, mais aucune idée ne venait. Enfin,elle posa la question que personne n’attendait :

– Et Mathias? demanda-t-elle.Mathias commença à rougir comme quel-

qu’un pris en faute. Il essaya de répondre. Ilaurait bien voulu le faire. Et le faire bien. Maisil n’arrivait pas à trouver les bons mots, ceuxqui ne feraient pas de mal à sa petite sœur, etceux qui aideraient ses parents. Victoire étaitsi vive qu’elle ne lui laissa pas le temps de laréflexion :

– Toi, tu y as été dans son ventre !Elle ne posait pas la question. Elle affirmait.

Il inclina la tête sans ouvrir la bouche. S’il avaitdit non, qu’aurait-elle ressenti? Elle ne pourraitjamais le savoir. Mais ce dont elle se souvenaitparfaitement huit ans plus tard, c’était l’étrangesensation d’être unique.

Maman avait pris un mouchoir dans lepaquet posé sur la table. Elle se tamponnait lesyeux à petits coups.

Victoire s’était alors levée, elle avait essuyéune larme pas encore épongée sur le visage demaman. Et puis elle avait déchiré le mouchoir

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en morceaux minuscules qu’elle gardait dansses trois doigts repliés, ceux qui n’avaient passervi à déchiqueter le papier. Quand elle eutfini, elle lança les confettis au plafond, d’ou ilsretombèrent en tourbillonnant. Les trois autres,médusés, regardaient en clignant des yeux.

– C’est comme la neige ! avait dit la petitefille tout doucement. Alors, papa s’était mis àmarcher de long en large dans le salon. Il piéti-nait les petits morceaux de papier sans yprendre garde.

– Victoire, écoute-moi, arrête de gesticuler.Tu sais, tu as le droit de poser toutes les ques-tions qui te passent par la tête. Nous essaieronsde te répondre très exactement, sans te mentir.Tu peux dire ce que tu penses. Elle fixal’homme qui déambulait sous ses yeux, et surle ton du plus grand reproche elle gronda :

– Pourquoi tu salis la neige?

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CONSTANCE

Elle avait beau creuser sa mémoire, les joursqui avaient suivi la naissance étaient définitive-ment effacés. L’anesthésie semblait avoiremprisonné son cerveau. Elle ne se souvenaitque de la nature, des montagnes qui cernaientla ville, de la première neige qui était tombéesur les plus hauts sommets.

Elle n’arrivait pas à ordonner ses idées, toutétait flou. Sa mère s’occupait d’elle, devançaitses moindres désirs comme si elle était trèsmalade, comme si elle allait mourir. Cen’étaient pas exactement des cajoleries. Tout ceque faisait Laure était fait avec froideur.

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Parfois, Constance sentait son regard posésur elle. Un regard lourd de reproches tus. Etpourtant, elles s’aimaient !

Elle n’avait pas demandé le nom des mon-tagnes, elle savait seulement celui de la ville. Cenom-là, elle le garderait enfoui au fond de soncœur. Il n’était pas difficile à retenir, une seulesyllabe. Mais aurait-il été impossible à pronon-cer, étranger, elle ne l’aurait pas plus oublié.

Elles avaient regagné la capitale. Après lesvacances de la Toussaint, Constance étaitretournée au lycée. Et, en un rien de temps, elleavait rattrapé le retard accumulé. Une rage detravail la saisissait. Il fallait qu’elle apprenne leplus de choses possible, et ses parents ne trou-vaient jamais le moyen de l’aborder tant ils lavoyaient toujours plongée dans ses livres. Ellecroyait ainsi gagner plus vite sa liberté. Elle nesavait pas très bien pourquoi, ni ce qu’elle feraitde cette liberté, mais elle s’acharnait à laconquérir.

Tout à fait au début, dans les semaines quisuivirent son retour, elle eut l’impression qu’ilne s’était rien passé. Tout ronronnait de lamême façon autour d’elle. Le lycée étaitimmense. Il n’était pas difficile d’y passerinaperçue.

Et puis, une nuit, elle rêva de l’enfant. Ellevoulait le prendre dans ses bras, mais ses bras

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CONSTANCE

étaient si lourds : elle n’arrivait qu’à remuer lesdoigts. Elle essayait de le toucher, mais elle nepouvait que l’effleurer. Il avait un visage debébé mais un regard d’adulte. Les mêmes yeuxqu’elle : un peu gris, un peu verts avec despoints marron. «Tes petites étoiles», disait sonpère autrefois. Autrefois, dans ses rares momentsde tendre faiblesse.

Lorsqu’elle s’éveilla, le visage de l’enfants’était incrusté en elle. Plus jamais il ne devaitl’abandonner.

Fidèle à la promesse qu’elle s’était faite, ellecontinuait à rester muette sur cette nuit du20 octobre, sur cette naissance difficile qui avaitdemandé une anesthésie totale. L’enfant est-ilun garçon ou une fille? Accouchement sous X,naissance mystérieuse. Sa mère savait, elle.Aurait-elle parlé si Constance avait posé unequestion? Rien n’était moins sûr. La froideuravec laquelle la mère donnait des soins à sa fillen’était pas seulement une pudeur des gestes. Lavérité ne sortirait pas de cette bouche serrée.Laure était une femme venue des pays du Nordou l’on sait garder les secrets quoi qu’il encoûte. Pourtant elles s’aimaient !

Constance réalisa beaucoup plus tard que savie se réduisait à un simulacre. Puisque toutétait pareil. Puisque les autres ressemblaient à

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ce qu’ils avaient toujours été. Les cours mono-tones ou exaltants, les professeurs lointainscomme ils devaient l’être, les amies à peine unpeu moins proches. Tous l’avaient connue soli-taire, ils respectaient son choix. Ils la trouvaientseulement un peu plus maigre, presque trans-parente. Pas plus ni moins que beaucoup defilles de cet age-là.

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VICTOIRE

Cette journée du 20 octobre était aussi bellequ’une journée d’été. La fête se déroulerait dansla prairie. Victoire ne se souvenait pas d’avoireu cette chance les années précédentes.

Mathias était arrivé en fin de matinée avectrois de ses meilleurs copains. Il avait choisiceux que préférait sa petite sœur. C’était tou-jours ainsi avec lui. On pouvait compter surle meilleur. Elle savait que son frère seraittoujours là pour excuser ses incartades, répa-rer ses fautes, l’aider dans les difficultés. Ilss’adoraient. Leur complicité était si grandequ’il arrivait à leurs parents d’en ressentir dela jalousie.

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Victoire avait reçu en héritage tout ce qu’unefille peut espérer. Elle était belle, miraculeuse-ment belle. Ses longs cheveux noirs toujoursen désordre mettaient en valeur ses yeux vertspleins de rayons sombres. Elle était vivante, sivivante qu’elle ne restait jamais en place, tou-chait à tout et réussissait beaucoup. Elle avaitdes tas d’amis parce qu’elle respirait la joie devivre et que l’on ne s’ennuyait jamais prèsd’elle.

Il y avait pourtant un trait de son caractèrequi avait longtemps tracassé ceux qui l’ai-maient : les discussions sérieuses l’ennuyaient.Elle avait une manière bien à elle de tournertout en dérision dans un grand éclat de rire quilaissait son interlocuteur sans voix. Au fur et àmesure que passaient les années, ses parents etles étrangers avaient appris à supporter ce traitde caractère. Il faisait tellement bon vivre en sacompagnie.

Seul Mathias en souffrait vraiment. Un jour,il s’était décidé à obtenir d’elle une promesse.Ça n’avait pas été facile : cette gamine, de cinqans plus jeune que lui, l’avait toujours un peuintimidé.

– Tu dois me promettre de ne rien mecacher si on te fait du mal. Réponds, Victoire !Promets !

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MARIE-CLAUDE BEROT

L’auteur est née à Toulouse et vit depuis longtemps dansles Pyrénées. De son enfance passée dans l’Aude elle gardede bien beaux souvenirs. Elle est l’auteur de plusieursromans chez Flammarion.

Dans les collections « Flammarion Jeunesse » et « CastorPoche » :

Ninon-SilenceBadésirédudouL’heure du renardLe Stylo rouge

Dans la collection « Tribal » :

Tu me plais, tout simplement

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Dépôt légal : janvier 2013.No d’édition : L.01EJEN000874.N001

Imprimé en France.Loi no 49-956 du 16 juillet 1949

sur les publications destinées à la jeunesse

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