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LE SANG,PLUS VITE

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DU MÊME AUTEUR

EN LANGUE FRANÇAISE

DON QUICHOTTE DANS LES TRANCHÉES,

Institut d'Etudes Hispaniques, Paris, 1916.

PAGES CHOISIES DE RUBÉN DARIO,

Paris, Alcan, 1918.

LA SÉRÉNADE AUX GUITARES,

Paris, Editions Excelsior, 1924.

RÉCITS DE LA VIE AMÉRICAINE,

Paris, Payot, 1925.

LA VENGEANCE DU CONDOR,

(trad. par Max Daireaux et Francis de Miomandre, préfacede Gérard d'Houville),

Paris, Editions Excelsior, 1925.

DANGER DE MORT

(trad. par Max Daireaux, Francis de Miomandre, PhiléasLebesgue, Adolphe Falgairolle et Victor Flama. Lettre-

préface de Claude Farrère).Paris, Editions Excelsior, 1926.

Si LOTI ÉTAIT VENU,

Paris, Editions Excelsior, 1927.

LA VENGEANCE DU CONDOR,

(édition de luxe illustrée par P. Tillac).Paris, les Bibliophiles de l'Amérique latine, 1929.

COULEUR DE SANG,

(Préface de Blasco Ibanez),Paris, Editions Excelsior, 1931.

VIRAGES,

Paris, Editions Bernard Grasset, 1933.

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VENTURA GARCIA CALDERON

LE SANGPLUS VITE

nrr

GALLIMARD

~2me édition

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Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction

réservés pour tous les pays y compris la Russie.

Copyright by Librairse Gallimard, 1936.

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LE TAMBOUR

C'est à Paris, dans ce bar souterrain aux boi-

series de transatlantique, à une heure du matin,

autant dire au début de sa vie nocturne, queRobert Parras nous demanda, avec son sourireéblouissant

Laquelle dois-je signer ?Un chasseur se tenait devant lui avec les deux

lettres qu'une exquise Parisienne du grand mondelui envoyait chaque soir. Trop indolent pour rompre,trop paresseux pour écrire, Robert avait acceptéde recevoir ainsi les deux épîtres rédigées par sonamoureuse, l'une enflammée, l'autre assez tiède,

qu'il signait à tour de rôle, selon la fantaisie de

son caprice. De la part d'un autre, on aurait crié

à la muflerie. Mais cet étonnant Robert Parras, le

plus singulier Don Juan que j'aie connu, avaitinventé plusieurs choses l'art de porter des bijoux

sans paraître rasta, une façon extravagante de

s'habiller qui ne le rendait pas ridicule, et le plusbeau sourire du monde, un sourire d'ange herma-

phrodite, dessiné par Vinci sur une tête romaine.

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LE SANG PLUS VITE

On pouvait le croire quand il racontait, comme

ce jour-là, une étrange aventure d'amour.

Mon père avait, vous le savez, des propriétésdans Cerro de Pasco, le département le plus rocail-leux du Pérou. A Lima, la ville des enfants gâtés,

on en parlait comme de l'enfer et tous mes amisme plaignirent quand mon père organisa moivoyage. Un fastidieux voyage en chemin de fer, celase supporte encore, car c'est une merveille du mondeet la route habituelle des poitrinaires, ce train àcrémaillère, escaladant les montagnes si hautes

qu'on a les oreilles sanglantes à cause du soroche(la maladie des altitudes). Mais, plusloin, celadevient la vraie patrie des condors, des lamas etdes Indiens taciturnes.

Je marchais depuis deux jours à dos de mulet

par des sentiers impossibles quand j'arrivai, àhuit heures du soir, aux alentours de la grande

hacienda de Jaujoy, dont on voyait à deux centsmètres la vieille maison coloniale. Il fallait passerla nuit au tambo, si ce nom d'auberge convenait à

une étable avec des lits de terre durcie par le dosdes touristes. J'eusse préféré, bien entendu, avoii

un lit convenable à l'hacienda, avec de beaux draps

sentant les prés. Non seulement c'est l'habituded'héberger gratuitement les voyageurs qui n'on1pas la mine patibulaire, mais il se trouvait quej'avais connu jeune fille l'actuelle propriétaire,dona Maria Peral de Serantes, avec qui j'avais

même dansé à Lima dans sa prime jeunesse. Son

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LE TAMBOUR

mari, don Rodrigo Serantes, venait de.mourir quel-ques mois auparavant dans un accident mystérieuxdont on parla beaucoup dans les journaux. Un soir,ses serviteurs indiens ramenèrent son cheval, mais

son corps, dégringolé dans la montagne, ne futjamais retrouvé.

Avais-je dit à l'indiscret tambero que je connais-sais la belle voisine ? Sans doute, car une demi-

heure après je reçus d'elle une lettre charmantem'invitant à passer la nuit dans l'hacienda. Un

domestique conduisait par la bride un chevalsomptueux, mon mulet devant être fourbu aprèshuit heures de marche dans la montagne.

A la porte de Jaujoy, je trouvai une dona Maria,splendide dans sa robe de deuil et qui avait faitpréparer, pour tout le monde, une sorte de souperimpromptu nous le partageâmes avec une dou-zaine de serviteurs respectueux, le majordome, le

chef des machines, le premier dompteur de che-

vaux, que sais-jeTout ce monde alla se coucher à onze heures, en

souhaitant le bonsoir à la « petite patronneetc'est alors qu'elle me raconta l'accident avec des

sanglots dans la voix. Dofta Maria n'avait jamais pusavoir si c'était une vengeance de ses Indiens hermé-

tiques. Il est vrai que don Rodrigo était trop vifA latigazo limpio, disait-il toujours. Des coupsredoublés d'un magnifique fouet de jonc qui luiservait à la fois de canne et d'instrument de justice.

A travers les hautes fenêtres de la salle à manger,la nuit lunaire semblait si pure une cascade

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immobile sur le versant des Andes que je vou-

lais les ouvrir quand dona Maria m'arrêtaNon, non, nous allons entendre le tambour

Le tambour? Je devais avoir l'air bien ahuri,

car elle s'expliqua viteOui, c'est affreux, depuis six mois, depuis

qu'il est mort. le tambour se met à redoublersoudain. Parfois, on l'entend jusqu'au matin,

quand le vent souffle comme maintenant.Par bribes, par phrases hachées, je compris

qu'elle avait fait battre en vain la campagne pourtrouver la cause de ce bruit sinistre. Était-ce le

cri d'un oiseau inconnu, était-ce un Indien fantasque

qui s'amusait à effrayer les hommes de la vallée ?Cela semblait improbable. Les sorciers sont souventdes humoristes, mais ils redoutent comme tout le

monde les maléfices de la nuit péruvienne.

On dirait qu'une invincible curiosité attiraitpourtant dona Maria vers la fenêtre, ou peut-êtrema compagnie lui donnait-elle du courage. Ellel'entr'ouvrit et pencha la tête pour écouter dansla nuit. Miroir taché de moisissures, la lune pendue

en face, entre deux montagnes, éclaira une grimace

de peur sur le visage de la jolie femme.Vous entendez ? dit-elle à voix très basse.

··

En effet, un petit roulement cocasse, comme untambour d'enfant battu par des mains inexpertes,

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arrivait dans le relent glacial des Andes qui sentl'herbe mouillée et la toison des lamas.

Soudain, comme tous les soirs de lune, ces

pâtres neurasthéniques, ces imbéciles à fairefusiller sans ménagement se mirent à raconter à

la nuit leurs chagrins intimes sous la forme d'unconcert de flûte dans les sommets.

On a taillé cette quena dans une canne de la

rivière ou, pour la rendre plus aiguë et sinistre,dans un os de condor, dans un tibia d'homme, et

puis, sans motifs, des quatre coins de l'horizon,monte ce requiem sauvage, comme si l'on enterrait

quelqu'un, peut-être la lune, la plus belle mortedes Andes.

La tête révulsée d'horreur, dofia Maria écoutait

éperdument, mais j'étais furieux. Avec la prompte

imagination des jeunes gens, j'avais déjà disposéma soirée voluptueuse. Ma déclaration était même

toute prête sur mes lèvres un chef-d'œuvre d'amour

romantique avec des soupirs bien rythmés et des

vers de Rubén Dario que je savais par cœur. Tout

cela allait rater par la faute d'un farceur macabre.Alors, par bêtise, parce que j'avais vingt ans et

que nous voulons tous à cet âge prouver aux femmesque nous sommes des héros, comme si elles ne pré-féraient pas souvent les amoureux moyens et les

pauvres diables je voulus faire une action d'éclat.

Oui, l'éblouir, entrer brusquement dans son âmeavec un rayonnement de gloire.

Je proposai donc la chose la plus simple dumonde

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Voulez-vous que j'aille voir ce que c'est ?rJe vous promets de punir cet homme lunatique.Donnez-moi seulement un bon fusil Winchester.

Dofla Maria me regarda, d'abord surprise, puisavec un sourire comment dirais-je ? de com-

passion maternelle. Elle n'avait que trente-cinq ans,et gardait dans l'ovale arrondi de sa face brune

la grâce andalouse d'une de ces Vierges que Murillopeignait peut-être avec des gitanes pour modèles.

Tout en semblant se rendre à mes raisons, elle se

moquait de moi gentiment puisque, depuis tou-jours, des patrouilles de cavaliers avaient parcourules montagnes pour trouver la cause du grondementlointain qui lui hérissait les nerfs. Ce joli garçon limé-nien n'allait pas mieux faire que des peones connais-sant les routes et le mystère atroce des Andes.

Ah j'étais bien têtu à vingt ans On me confia

le meilleur fusil de l'hacienda, et me voici parcou-rant à pied un pays inconnu avec des sentiers à

pic sur l'abîme, des rochers étincelants, instables,

qui oscillent au vent comme des arbres et peuventrouler un jour quelconque, mais surtout la so-lennité triste de ces andenes taillés dans la

montagne par les Incas des vieux âges, pouren faire des parterres de verdure, et qui dressent,vers les neiges éternelles, leurs échelons aridescomme un escalier inutile, une liaison abolie entre

l'inquiétude des flûtes et les astres qui écoutent lasérénade.

Tout cela, c'est le souvenir qui le détaille aujour-d'hui, mais il faut vous dire que j'avais la peau

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hérissée par une peur affreuse. Fut-ce par peur queje tirai en l'air ?

Les flûtes se turent. Un homme blanc qui se pro-

mène la nuit en chassant des vigognes ou des étoiles,

cela n'est pas très rassurant. Dans le silence, j'en-tendis non loin de moi, incertain et précis à là fois,un redoublement de tambour.

On eût dit qu'un musicien somnolent prenait

parfois les baguettes, tapait une seconde et s'arrê-tait. Mais non, c'était un Indien farceur, cet animal

qui avait décidé de nous importuner tous avec cet

affreux roulement répercuté par les montagnesdans l'infini de la nuit. La colère me saisit, colèrecontre inconnu, si j'ose dire, et je marchai enm'orientant vers le bruit, avec des arrêts de chas-

seur. Sans doute le musicien espiègle entendait mes

pas et s'arrêtait aussi pour me dépister.Cela dura une heure, deux heures, avec des larmes

de rage, des sueurs d'angoisse, bien éclairé par lalune qui m'empêchait de buter dans le chemin,mais c'était là tout le service que me rendait salumière.

L'oreille aux aguets, je marchais, je marchais,certain déjà d'approcher du tambourineur il devait

me précéder en rasant les rochers dans l'ombre des

parois surplombantes. Enfin j'allais le châtier, mon

bonhomme;là, pas très loin, je voyais sa silhouetteenchâssée entre deux rochers, battant de la main,

le tambour qu'il devait tenir appuyé sur son ventre.

Je tirai et quelque chose éclata plus fort quemon coup de fusil. Je courus, l'arme en mains,

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pour recommencer s'il le fallait, mais il devait êtrebien mort.

Comment vous dire mon saisissement quand je

traînai le cadavre sur le plateau rocheux éclairécomme un écran ? Bien sûr qu'il était mort et même

embaumé, ou plutôt rempli de vent comme uneoutre, les mains séchées, curieusement retenues

sur le ventre par des cordelettes de laine. Voussouvenez-vous de ces anciens tambours que les

Incas fabriquaient avec le corps entier de l'ennemivaincu pour en faire précéder leurs entrées victo-rieuses ? Eh bien on avait arrangé de la même

façon le corps de don Rodrigo que je reconnusparfaitement malgré sa barbe en broussaille. Mon

coup de fusil avait fait éclater la peau du ventre

sur laquelle les mains momifiées battaient parfoisdans le vent nocturne. Une vengeance sans doute

des vieux guerriers implacables qui sont devenusles pauvres peones de mon pays.

Avec tous les soins possibles, je cachai le cadavre

dans une anfractuosité des montagnes et je rentraiau plus vite à la maison de l'hacienda dont la tacheblanche me guidait dans la nuit. Car mon programmeétait bien arrêté.

Dofia Maria avait, sans nul doute, entendu mon

coup de feu et je la devinais à sa fenêtre, tremblante,si belle, tout en larmes, irrésistible. Bien entendu,

il semblait plus correct de dire la vérité, quitte àrendre malade d'horreur cette jolie personne avec

qui j'aurais passé la veillée en pleurant le mari

mort. Une soirée sentimentale, de grands mots, des

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soupirs à fendre l'âme. Hélas un instinct pratiqueme guidait déjà. Je racontai à dona Maria que j'avaistué l'Indien, le jetant à l'abîme avec son instrument

de sérénades pour le faire dévorer par les vautours.

Le cauchemar était fini, les nuits désormais silen-cieuses elle pouvait dormir tranquille.

Cette nuit-là, bien entendu, nous ne dormîmes

guère. Comment ne pas récompenser un chevalierimpavide qui supprime à deux heures du matin les

fantômes fâcheux Dans l'ombre, en souriant de

ma lutte donquichottesque contre un mort gonfléde vent, j'eus dans les bras la plus délicieuse desamoureuses, les lèvres amères de larmes, encore

glacée par l'angoisse, toute frémissante de peur etde désir.

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L'IMPRUDENCE D'ÊTRE MÉDECIN

Huit heures de marche sur un mulet clopinant

à travers des sentiers de l'âge de pierre, sous lesacrobaties des condors, huit heures de trotdans

les montagnes du Pérou voici le seul remèdeefficace contre l'insomnie.

'Il faut croire pourtant que j'avais le diable au

corps ou que cette désolation ambiante avait dépasséla mesure. Étendu tout habillé et botté sur un lit

de terre dans la cabane du tambo (auberge de la

sierra), je lisais un vieux journal. N'importe lequel.C'était ma façon à moi d'évoquer la civilisation et

ses villes perdues en regardant, sur la quatrième

page, l'annonce des Pilules Orientales et ce matelotcourbé sous sa morue qui, dans tous les quotidiens

de l'Amérique du Sud, prescrit aux foules anémiquesl'Émulsion Scott.

Une voix toute proche dans l'ombre, une voix

rauque d'ivrogne, marmotta avec une politesse

moqueuse

Si Monsieur le veut bien, il éteindra sa bougie'oour me laisser dormir.

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L'IMPRUDENCE D'ÊTRE MÉDECIN

J'acquiesçais déjà, me tournant à peine vers unetête entrevue dans l'ombre un autre voyageur

sans doute et j'essayais de souffler la flamme,

quand la voix rude, mais courtoise, ajoutaCe n'est pas la peine 1

Un coup de pistolet sifflant dans ma main étei-

gnit la bougie si brusquement que je ne comprispas tout de suite. Nouveau venu dans la sierra,

peu habitué à ces fantaisies, je répondis en tirantdeux balles préliminaires, quand la même voixgouailleuse se fit entendre

Quel barbare Il a failli me tuer VotreSeigneurie n'a donc pas compris que c'était pourrire ?

Il fallait être bête comme un gringo (1) pour ne

pas savoir que la façon la plus sensée d'éteindreune bougie dans les mains d'un voisin qui bâille,

c'est de tirer sur la flamme. On risque, bien entendu,de traverser une main aussi, mais puisqu'il avait

toujours le premier prix dans les concours de tirde la province

C'est ce qu'il me fit comprendre dix minutes

après, lorsque nous fûmes devenus des amis intimes

et que, pour mieux sceller cette amitié, j'allumai

à nouveau la bougie, afin de nous contempler réci-

proquement.

Un Smith and Wesson dit-il avec un

regard attendri, en prenant mon revolver dans sa

main. Vous permettez ?

(1) Mot qui, au Pérou, désigne les Anglo-Saxons

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Je permis. Il tira quelques balles vers l'ombre,histoire d'entendre pétarader ce bel outil de mortet la sympathie éveillée par le revolver rejaillit surson propriétaire.

C'est pourquoi, à partir de quatre heures du matin,nous fîmes route ensemble. Mon Smith and Wesson

à longue portée servit pour abattre, sur un pic,une vizcacha bondissante que nous allions rôtir dansle hameau voisin où la petite église d'architectureespagnole, à la tour carrée de. forteresse, tournaitsa cloche éperdue vers les condors.

Mon nouvel ami, Concepciôn Cabral, au prénom

de femme qui avait, je vous assure, une fameusetête de mâle, voulut essayer la portée de, monrevolver sur la cloche verdâtre. Une belle cloche

bénie et sonore depuis des siècles, mais qui étaitsans nul doute un magnifique but mobile pour un

« premier prix de tir ». Je fis observer avec prudenceque notre vizcacha rôtie par la main du tamberorisquait d'être immangeable or, il semblait plushabile de la porter chez le curé du village qui noushébergerait d'ailleurs somptueusement. Et puis ilne fallait pas se brouiller avec lui pour une histoirede cloches.

Un curé des solitudes de mon pays a tous lesvices et les vertus d'un seigneur féodal il est

hospitalier et manie bien les armes il peut rôtirdans sa cuisine des bêtes entières apportées par les

Indiens atterrés qui ne veulent pas aller en enferet possède incontestablement sur les jolies femmesl'ancien droit de jambage. Celui-ci se contentait

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