Extension du domaine de l’entrepreneurialité dans la pratique du...

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VARIA ÉLODIE JUGE ISABELLE COLLIN-LACHAUD Université de Lille, EA4112, LSMRC DOMINIQUE ROUX Université de Reims Champagne Ardenne REGARDS EA6292 Extension du domaine de lentrepreneurialité dans la pratique du vide-dressing Cette recherche éclaire la manière dont les nouveaux dispositifs sociotechniques (plateformes, applications mobiles, etc.) remodèlent les échanges, tissent de nouvelles relations avec leurs usagers, transforment les rapports humains et modient le rôle du consommateur dans la pratique du vide-dressing. Mobilisant une approche qualitative multi-méthode sur une période de six années, cette recherche révèle à la fois les dimensions entrepreneuriales de la pratique et la « post- socialité » quelle participe à construire. DOI: 10.3166/rfg.2019.00372 © 2019 Lavoisier

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DOI: 10

V A R I A

ÉLODIE JUGEISABELLE COLLIN-LACHAUDUniversité de Lille, EA4112, LSMRC

DOMINIQUE ROUX

Université de Reims Champagne ArdenneREGARDS EA6292

Extension du domainede l’entrepreneurialitédans la pratique duvide-dressing

Cette recherche éclaire la manière dont les nouveaux dispositifssociotechniques (plateformes, applications mobiles, etc.)remodèlent les échanges, tissent de nouvelles relations avecleurs usagers, transforment les rapports humains etmodifient lerôle du consommateur dans la pratique du vide-dressing.Mobilisant une approche qualitative multi-méthode sur unepériode de six années, cette recherche révèle à la fois lesdimensions entrepreneuriales de la pratique et la « post-socialité » qu’elle participe à construire.

.3166/rfg.2019.00372 © 2019 Lavoisier

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L’essor rapide et important de l’éco-nomie collaborative – appeléeencore économie du partage (Belk,

2010) – a profondément modifié les modesde production, de consommation et dedistribution. Au sein de ce paysage, lesplateformes jouent un rôle essentiel dans lafluidification des échanges (Benavent,2016), offrant aux producteurs et auxdistributeurs un accès direct à leurs clientset permettant à des particuliers d’acheter etde vendre à d’autres particuliers (Hamariet al., 2015). En dépit des débats sur lepérimètre, les frontières et les trajectoirespossibles de l’économie collaborative(Acquier et al., 2017 ; Decrop, 2017 ;Herbert et Collin-Lachaud, 2016), unconsensus existe sur les formes d’empo-werment qu’elle offre aux consommateurs(Ertz et al., 2016), leur permettant deremettre leurs biens en circulation (par ledon, le troc, ou la revente), de les mutualiserde manière séquentielle ou simultanée (viale prêt, la location ou le partage), ou departager des connaissances, des services oudes modes de vie participatifs autour de cesobjets (Botsman et Rogers, 2011). Denombreux aspects de l’économie collabo-rative ont déjà été étudiés ces dernièresannées, notamment son orientation écono-mique versus altruiste (Herbert et Collin-Lachaud, 2016), les formes de socialité quis’y déploient (Borel et al., 2017), lesmotivations critiques qui animent sesusagers (Ozanne et Ballantine, 2010), maisaussi la compensation morale qui conduitdes sujets sensibles à l’environnement,paradoxalement, à surconsommer (Parguelet al., 2017). Alors que la littérature couvreun large spectre de pratiques collaboratives,la revente vestimentaire est comparative-ment peu investiguée. Le vêtement est en

effet un bien particulier qui touche au corps– contaminé et contaminant (Roux etKorchia, 2006) –, de fait moins réputés’échanger entre étrangers qu’entre pairs(Clarke, 2000 ; Lurie, 1981). Pedersen etNetter (2015) montrent toutefois que desjeunes femmes désargentées, sensibles àl’apparence ou aux enjeux écologiques sontadeptes de la revente vestimentaire alorsmême qu’elles ne se connaissent pas. Parailleurs, sous l’angle strictement écono-mique et comparé à d’autres pratiquesd’achat/vente, le vide-dressing touche unproduit de consommation de masse, et nonun bien d’investissement lourd plus facile àvaloriser (comme l’immobilier ou la voi-ture), dont la valeur unitaire peut toutefoisse révéler élevée comparée à son faible tauxd’usage (Pike, 2016). L’engouement récentpour cette pratique en fait un phénomèneparadoxal et intéressant à étudier en raisonde ses spécificités, notamment sa capacité àrevaloriser des produits intimes, à forterotation, soumis aux effets de la fast-fashion, mais aussi des produits possédésen nombre que l’exiguïté des logementscontraint à « évacuer » pour en posséderd’autres.Par ailleurs, ces échanges pair à pair nequestionnent pas seulement les soubasse-ments idéologiques qui les animent(Acquier et al., 2017), ni exclusivement ledevenir de la production et de la distributionconventionnelles, c’est-à-dire le modèlelinéaire production-distribution-consomma-tion (Bauhain-Roux et Guiot, 2001) danslequel le consommateur reste cantonné à unrôle d’acheteur, d’utilisateur et de destruc-teur de ressources (Ertz et al., 2016). Plusfondamentalement, notre étude montre queces pratiques s’inscrivent dans une « formeentreprise » qui soutient la rationalité

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L’entrepreneurialité dans la pratique du vide-dressing 33

néolibérale depuis le début du 20e siècle(Foucault, 2004, p. 154). Par « formeentreprise », on entend la dynamiqueconcurrentielle qui régit toutes les sphèresde la vie sociale, poussant l’individu àdevenir « entrepreneur de lui-même »,c’est-à-dire « étant à lui-même son proprecapital, étant pour lui-même son propreproducteur, étant pour lui-même la sourcede [ses] revenus » (Foucault, 2004, p. 221).La diffusion de cet esprit d’entreprise vaégalement de pair avec le fait que l’individu-entrepreneur doit investir de manière conti-nue dans le développement de son capitalhumain pour espérer faire fructifier sesacquis (Becker, 1964). Qu’il s’agisse del’auto-entreprenariat (Abdelnour, 2016) oude la revente de ses biens personnels(Lemaître et De Barnier, 2015), l’individudéveloppe de nouvelles compétences quil’apparentent à un professionnel. Plusencore, le développement des modes d’in-termédiation, numériques ou non, contribueà produire de nouvelles relations entre lesindividus et les dispositifs qui soutiennentces activités. Ceux-ci ne sont pas seulementdes instruments au service de ces pratiques,mais les supports relationnels privilégiésavec lesquels les individus interagissent, ceque Knorr Cetina (1997), à la suite deRheinberger (1992), nomme « objets épis-témiques ». Ouverts, matériellement évolu-tifs, en perpétuelle transformation, les objetsépistémiques confrontent les individus à unapprentissage constant et toujours pluscomplexe à mesure qu’ils tentent de lesmaîtriser. Par un cycle continu de décou-vertes qui lui laisse espérer qu’il progressedans leur maniement, l’homo œconomicuscontemporain développe ainsi avec cesobjets des relations d’attachement « demanière intime et quasi sociale » (Zwick

et Dholakia, 2006). De fait, l’entrepreneu-ralité se joue aussi sur l’arrière-plan d’une« société de la connaissance » (Stehr, 1994)qui fabrique une socialité nouvelle centréesur les objets.Notre recherche vise à examiner la dimen-sion entrepreneuriale d’une activité mar-chande pair-à-pair (peer-to-peer) etl’influence que les dispositifs sociotechni-ques exercent sur les rapports humains(Knorr Cetina, 1997). La pratique du vide-dressing (achat/vente de vêtements etd’accessoires d’occasion entre particuliers)nous permet d’explorer la nature desrelations qui se nouent entre les pratiquanteset leurs clientes, mais aussi entre lespratiquantes et les dispositifs sociotechni-ques par lesquels elles apprennent,comprennent et accumulent des savoirs etsavoir-faire marchands. Ces dispositifscomportent par ailleurs une double moda-lité : une version en face-à-face lorsque lespratiquantes organisent des échanges à leurdomicile ou que des intermédiaires (telsViolette Sauvage ou Secret de Commode)se chargent de leur mise en place ; uneversion en ligne qui s’exerce de manièrecomplémentaire via des réseaux-sociaux(Facebook), des plateformes généralistes(eBay ou leboncoin) ou encore via des sitesspécialisés comme Vinted ou VestiaireCollective.Par le biais d’une étude qualitative multi-méthode à caractère ethnographique menéesur une longue période (six années), notrerecherche met au jour que la pratiqued’achat/vente de vêtements et d’accessoiresd’occasion, à la fois en face-à-face et enligne, constitue pour les pratiquantes duvide-dressing une activité entrepreneurialeet un nouvel espace d’apprentissage quitransforme les socialités primaires (de

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l’interconnaissance, Borel, 2011). Aprèsavoir présenté le cadre conceptuel de notrerecherche ainsi que son dispositif métho-dologique, les résultats sont détaillés, puisdiscutés.

I – DU POST-CONSOMMATEURENTREPRENEUR…

Les « figures » du consommateur post-moderne ont considérablement évolué(Cova et Cova, 2009), dévoilant un individupluriel, tour à tour client, usager, citoyen,co-producteur-travailleur (Dujarier, 2008) –ou prosumer (Toffler, 1980) – et marketeurde lui-même, de son image ou de ses biens.En réalité, la créativité, l’esprit d’initiativeet le travail productif du consommateur onttoujours existé (Ritzer et Jurgenson, 2010).Mais si ces caractéristiques paraissentaujourd’hui mises en avant, c’est par uneffet de miroir des discours et des dispositifspar lequel un travail institutionnel « pro-duit » ce « nouveau consommateur » (Covaet Cova, 2009). L’idéologie collaborativeparticipe de la même manière à véhiculerune représentation particulière du consom-mateur : celle d’un individu réengagé parces nouvelles pratiques dans les socialitésanciennes du don et du partage que lemarché aurait progressivement sapées.L’individu, libre et affranchi des systèmestraditionnels, serait capable de se « brico-ler » des activités sur mesure, jouantalternativement le rôle d’acheteur et celuide vendeur (Lemaître et De Barnier, 2015),et faisant de la consommation un loisirautant qu’une profession (chauffeur Uberpar exemple). L’essor des échanges pair àpair peut être envisagé comme un rééquili-brage du rapport de force entre consom-mateurs et organisations marchandes, tout

en soulignant parallèlement que les dis-positifs sociotechniques qui soutiennentces pratiques servent à produire desressources – connaissances, données, tra-vail réel – dont se nourrit, souvent à peu defrais, un capitalisme d’un genre nouveau(Benavent, 2016 ; Ritzer et Jurgenson,2010).Il faut en réalité remonter historiquement àla source de la gouvernementalité néolibé-rale pour mieux situer l’origine de l’en-trepreuneurialité à l’œuvre dans cesnouvelles pratiques, dont la consommationcollaborative est le récent avatar. SiSchumpeter (1990 [1947]) fait de l’entre-preneur la figure emblématique de latransformation créative de l’économie etle moteur de la dynamique du capitalisme, larationalité néolibérale l’a généralisée àl’ensemble des agents économiques.Comme le soulignent Dardot et Laval(2009, p. 226), la rationalité néolibéraleconçoit le marché comme « un processusd’autoformation du sujet économique,comme un processus subjectif auto-éduca-teur et auto-disciplinaire par lequel l’indi-vidu apprend à se conduire ». L’économiedevient ainsi, de manière extensive, « unescience du choix » et « de tous les genres del’agir humain » (Von Mises, 1985). Ni« laissez-fairiste », ni interventionniste surle plan politique, la gouvernementaliténéolibérale indexe de facto toute la politiquede la société sur le gouvernement de soi del’individu, lui-même inspiré du modèle del’entreprise. L’individu-entrepreneur estcensé diriger sa vie comme il gèrerait uneentreprise : il oriente sa vigilance, savivacité et son attention vers de nouveauxbuts, de nouvelles ressources disponibles etde nouvelles occasions de profit (Kirzner,2005). Constamment placé en situation

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L’entrepreneurialité dans la pratique du vide-dressing 35

concurrentielle, il est conduit « à surpasseret à devancer les autres dans la découvertede nouvelles occasions de gains » (Dardotet Laval, 2009, p. 221). Doté d’un espritcommercial dans les échanges qu’il opèreavec autrui, il exerce constamment sespossibilités d’apprendre, de se corriger etde s’adapter au marché, développant ainsiles dimensions les plus pertinentes de son« capital humain » (Becker, 1964). Par-là,on entend le stock d’acquis dont il hérite,mais aussi ceux qui, via certains investisse-ments opérés dans l’éducation, la santé, lesrelations, les expériences ou la mobilité,sont à même d’augmenter son potentiel deprofits futurs. La gouvernementalité néoli-bérale et la généralisation de la « formeentreprise » affectent ainsi toutes les sphè-res de la vie sociale (Foucault, 2004), dutravailleur qui engage des dépenses deformation pour obtenir une améliorationfuture de ses revenus (Becker, 1964),au « consommerçant » (Lemaître et DeBarnier, 2015) qui développe des compé-tences spécifiques dans la monétisation deses biens, comme savoir fixer un prix,mettre en scène ses produits et produire de laconfiance (Chu et Liao, 2007 ; Garcia-Bardidia, 2014).

II – … À LA POST-SOCIALITÉCOMME RELATION ÉTROITEAVEC LES OBJETS

La généralisation de l’entrepreneurialitén’est pas la seule caractéristique du fonc-tionnement néolibéral et trois autres facetteslui sont également associées. Knorr Cetina(1997) soutient par exemple que la consé-cration d’un sujet libre et responsable de lui-même pave la voie de l’individualisme. Leprix à payer de cette liberté coïncide avec

l’effondrement de la sphère privée etengendre un fort sentiment d’aliénation.En deuxième lieu, elle suggère que leremplacement d’un certain nombre d’acti-vités humaines par des machines altère lesocial par des formes de savoir et d’exper-tise distribués sur des objets technologiques(Knorr Cetina, 1997). En conséquence, lamachine devient un alter ego, de même quele savoir et l’expertise constituent la basedes relations des individus au monde. Entroisième lieu, suivant Rheinberger (1992),Knorr Cetina (1997) soutient que nombre deces activités médiées par des objets necessent de changer physiquement de formeet ne se révèlent progressivement à leursusagers qu’au travers d’apprentissages,d’interactions, d’observations et de rééva-luations permanentes (Zwick et Dholakia,2006). Ils ne sont donc pas seulement desinstruments pour l’action ou, comme lesmarchandises, des signes manipulablessémiotiquement, mais des objets deconnaissance. Ces « objets épistémiques »séduisent leurs utilisateurs parce qu’ilsstimulent en eux le plaisir d’une explorationextensive des possibilités qu’ils recèlent.Zwick et Dholakia (2006) montrent qu’ilspeuvent prendre la forme d’un nouveaulogiciel ou de la version augmentée d’unproduit technologique, mais aussi d’activi-tés hautement complexes comme les place-ments boursiers ou la maîtrise techniquecroissante d’une pratique sportive. Aussi, ledéveloppement des plateformes collabora-tives pourrait avoir pour effet non seulementde généraliser la figure du consommateur-entrepreneur, mais aussi de transformer lesrelations que ce dernier entretient par et avecces objets (Knorr Cetina, 1997). C’est cettedouble perspective que la recherche menéependant six ans sur la pratique et les

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pratiquantes du vide-dressing nous conduitmaintenant à développer.Nous montrons à la suite comment lespratiquantes développent les compétences-clés existant dans une entreprise, avant de

METHODO

La recherche s’appuie sur une approche multiméth

la pratique du vide-dressing. Après une étude

acculturation au sujet, 15 entretiens longs à caract

pratiquantes assidues (+ de 8 heures de pratique

une méthode en « boule de neige », en essayant de

d’activité professionnelle, de situation familiale

féminins. À ces entretiens, qui totalisent près de 2

pages de retranscriptions, s’ajoutent 7 observa

participantes de vide-dressing en face-à-face. C

enrichir les entretiens et dépasser les biais du dé

différentes plateformes de vide-dressing complète

années, 4 plateformes (Facebook Lille-Roubaix,

ont été étudiées en continu, générant un corpus de

et 120 photographies. Certaines des pratiquantes o

exemple Charlotte et Estelle sur la page Facebook

vide-dressing organisés dans des lieux publics ou

lorsqu’elles ont créé une page Les Cintrées sur

Un processus de codage à visée théorique a ensui

processus de codage itératif a consisté à étiqueter

travail de comparaison constante, à dégager et reli

(Point et Voynnet-Fourboul, 2006). Par exemple,

peux vraiment gagner beaucoup d’argent, les m

vends toutes les semaines, je peux me faire au m

comme « maîtrise de la fonction finance/comptab

d’autres sous-thèmes comme « maîtrise de la fo

vente » et de la fonction « logistique » pour form

la pratique ». C’est ainsi que deux grandes théma

entrepreneurial de la pratique du vide-dressing e

mettre au jour en quoi le vide-dressing, via lesrelations que les pratiquantes développentavec cette activité, constitue un objetépistémique qui transforme les relations avecl’activité et avec les autres pratiquantes.

LOGIE

ode conduite entre mai 2013 à mai 2019 sur

documentaire qui a fourni une première

ère ethnographique ont été réalisés auprès de

par semaine). Celles-ci ont été recrutées par

maximiser la variance des profils en termes

et d’âge, profils cependant exclusivement

0 heures d’enregistrement et une centaine de

tions non participantes et 4 observations

es observations ont été essentielles pour

claratif. Enfin, une observation en ligne de

le dispositif de collecte. Ainsi, pendant ces 6

Vinted, Vestiairecollective et Videdressing)

plus de 35 pages de notes, plus de 200 posts

nt été observées sur cette même période, par

Vide-dressing Lille-Roubaix, puis lors des

par l’association VioletteSauvage, et enfin,

Facebook.

te été mené sur l’ensemble des discours. Ce

des unités de texte homogènes puis, par un

er les catégories qui ont émergé de l’analyse

le verbatim suivant : « Il y a des mois où je

ois d’été avant les vacances, des mois si je

oins 2 000 € » (Djamila, 39 ans) a été codé

ilité », un sous-thème qui lui-même se relie à

nction achat », de la fonction « marketing/

er la catégorie « caractère entrepreneurial de

tiques structurent nos résultats – le caractère

t sa nature d’objet épistémique.

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L’entrepreneurialité dans la pratique du vide-dressing 37

III – LE VIDE-DRESSING : UNENOUVELLE PRATIQUEENTREPRENEURIALE

En dépit de la dimension ludique de lapratique – « ce qui me plaît c’est l’am-biance, c’est jeune, tu ne te prends pas latête, c’est superficiel, tu vas parler de mode,de frivolités et trouver LA pièce qui va teplaire » (Djamila, 39 ans) – le côté« sérieux » du jeu marchand apparaîtclairement dès les premiers entretiens en2013. Les pratiquantes « veulent absolu-ment gagner de l’argent » (notes de terrain,2013) et cherchent à se séparer de certainsde leurs vêtements/accessoires en les moné-tisant. Elles estiment pouvoir en tirer unbénéfice en entretenant un cycle d’achats etde ventes le plus profitable possible, cespossessions constituant pour elles un capitalhautement valorisable. Nos données mon-trent également dès les premières observa-tions que les répondantes combinent lapratique du vide-dressing en face-à-face etl’achat/vente en ligne comme l’illustreCharlotte (24 ans) : « Bon moi avant jevendais surtout en vide-dressing (face-à-face) et je me suis dit qu’il fallait continuer àvendre mes vêtements en dehors. Créer unVinted (en ligne), c’est se créer un compte etune petite boutique où on met ses photos etses prix ». Cependant, quel que soit le canalchoisi, les répondantes doivent être per-formantes et, comme des professionnelles,développer toutes les compétences-clés(achat, marketing/vente, finance/comptabi-lité, système d’information et logistique)que l’on trouve dans une entreprise.– La fonction achat consiste à capter lesmeilleures offres au prix le plus bas, c’est-à-dire « avoir la bonne affaire avant tout lemonde, être en ligne quand les personnes

mettent leurs affaires en vente. Pour cela ilfaut passer du temps ; ça commence lematin dans le tram, pareil le midi, pour voirles nouveautés et le soir à la maison, il faut« shopper » la bonne affaire » (Inès, 22ans). « Shopper » (ou plutôt choper) lesmeilleures pièces revient à saisir lesmarques les plus prisées – Maje, Sandro,Zadig et Voltaire ou plus récemmentSézane –, ce qui implique d’être dotéed’une solide expertise en matière de mode etde connaître le potentiel de revente d’unvêtement, sous peine de rater une aubaine :« J’ai fait une grosse connerie ce week-end.J’ai vu des chaussures Freelance à 10 €, jeme suis dit : « c’est une marque », mais jene connaissais pas bien et puis là j’ai vudans le Vieux Lille, 400 € les pompes.Quelle connerie ! J’ai dit à mon copain :« là, j’ai loupé quelque chose ! » (Estelle,23 ans). De fait, il s’agit de spéculer sur lestendances (Gomez, 2019), voire même deparier sur l’évolution des goûts : « En cemoment, c’est la mode des clous, donc j’aiacheté (en vide-dressing) pour revendre. Enfait, il faut suivre la mode, même si ce n’estpas du neuf. » (Estelle, 23 ans). Lescompétences doivent donc être constammentmises à jour, dévoilant la part de calcul,esthétique et commercial, qui oriente l’achat.– La fonction marketing/vente s’exprimequant à elle dans plusieurs registres, lepremier étant la mise en scène des produits.Les vendeuses en vide-dressing soignent laprésentation de leur stand et/ou de leurvitrine, en adoptant une présentation partaille, par couleur et par marque quireproduit le merchandising des enseignes :« J’essaye de ranger les pulls, les robes, jefais comme un dressing bien rangé et je metsen avant les pièces tendances. La premièrepièce sur mon portant, c’est celle qui peut

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Figure 1 – Conseils photo sur www.vinted.fr (mai 2019)

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plaire le plus et qui va attirer vers monstand » (Charlotte, 24 ans). Dans le mêmeesprit, les plateformes comme Vinted,Vestiairecollective ou Videdressing raf-finent les fonctionnalités offertes à leursusagers, qui leur permettent de mettre envaleur leurs produits. Les plateformespublient en effet des standards de présenta-tion qui « normalisent une bonne manière »de photographier les vêtements (figure 1),conseillant par exemple aux pratiquantesd’intégrer un décor, de soigner l’arrière-plan, et de porter les vêtements au lieu de lesprésenter à plat.Le deuxième registre d’expertise marketingconcerne le prix, pour lequel les pratiquan-tes reproduisent les stratégies auxquellesl’univers marchand les a acculturées. Lesprix sont fixés à l’avance, ce qui encourageles pratiquantes à se former à la cotation desproduits d’occasion et à devenir expertes enmatière d’estimation des prix. Elles déve-loppent aussi une réflexion poussée sur lamodulation de leur assortiment, sensible à lasaison et à la cible visée. Elles expliquentpar exemple que les manteaux doivent êtremis en vente avant l’hiver plutôt qu’en pleinété et que la bonne période de vente est cellequi suit les soldes où des prix sacrifiés leuront permis de reconstituer leur stock. De

plus, certaines répondantes disent « fairedes prix » si la cliente prend plusieurspièces, pratiquant ainsi une politique depromotion liée à un objectif de fidélisation :« Les dames me remercient, je les fidé-lise…. Une dame vient tous les 15 jours ou 3semaines, ça se passe bien, je lui montre ceque je vends. » (Stéphanie, 38 ans). Dans cebut, d’autres formes d’expertise sont requi-ses, imposant aux répondantes d’être tou-jours « aimables, serviables, attentives etsouriantes » (note de terrain, 2013). Cepen-dant, les échanges en ligne ne nécessitentpas moins d’attention, à l’instar des straté-gies relationnelles mises en œuvre par lesmarques pour fidéliser leurs clientes :« Moi, quand je fais un envoi, je mets unéchantillon de parfum dans le colis, je gardeles petits trucs de parfumerie, et moi aussi çam’arrive de recevoir mon colis avec un petitmot ou autre chose. » (Florence, 43 ans).Enfin, la communication constitue un aspectcentral des compétences en marketingrequises par la pratique. Non seulementles plateformes sont en soi des outils decommunication – via les « vitrines » qu’el-les offrent à leurs clientes –, mais pour lesévènements physiques, les réseaux sociauxcomme Facebook, Instagram et Twitterconstituent des vecteurs d’information

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Figure 2 – Annonce Facebook du groupe Les Cintrées (octobre 2016)

L’entrepreneurialité dans la pratique du vide-dressing 39

complémentaires pour des communautés depratiquantes. Celles-ci peuvent ainsi yannoncer les évènements auxquels ellesparticipent, les pages organisatrices travail-lant ensuite le teasing de ces évènements pardes messages attrayants (figure 2).– La fonction finance/comptabilité n’est pasabsente des compétences développées parles pratiquantes et constitue même la finalitépremière de la pratique puisqu’il s’agitd’investir dans les produits qui permettrontde faire le plus de profit possible (ou deperdre le moins possible) : « Même quandt’achètes un manteau 300 €, tu sais que tuvas pouvoir le revendre au moins 200 €après. Si c’est des pièces très recherchées, tupeux les acheter et… parfois même ça m’estarrivée de revendre des pièces un an aprèsdeux ou trois fois plus cher, parce que c’estrecherché » (Djamila, 39 ans). Les prati-quantes développent également des compé-tences financières en surveillant leur« stock » de vêtements et d’accessoires,dont la rotation est une préoccupationconstante. C’est pourquoi elles n’hésitentpas à revendre une pièce portée une seulefois : « Par exemple une robe Maje à 200 €,si je l’achète pour une soirée (je l’ai miseune fois), je la revends tout de suite 200 €.Je ne gagne pas, mais je ne perds pas ! »

(Manon, 25 ans). Cet exemple montre quel’achat vestimentaire cesse d’être un actepersonnel et fonctionnel – s’habiller – pourdevenir une activité économique dont lessavoirs et savoir-faire sont entièrementorientés par le calcul.– La fonction système d’information estégalement présente. Ainsi, certaines prati-quantes mettent en place une simple gestionpapier/crayon de leurs achats et ventes, alorsque d’autres utilisent un système informa-tisé plus sophistiqué qui compile les prixd’entrée, de revente, les dates d’opérationsainsi que la marge réalisée.– Enfin, une bonne maîtrise de la fonctionlogistique se révèle également centrale dansla pratique du vide-dressing. En amont,celle-ci est conditionnée par des questionsspatiales, les pratiquantes étant dans l’obli-gation d’entreposer de manière soigneuseles objets à vendre : « Je mets cela dansmon ancienne chambre, et chez moi, sousmon lit – comme beaucoup de filles, j’aidéjà remarqué, sous leur lit – c’est unecaverne et là où il y a de la place. Bon, c’estvraiment petit chez moi… (en chuchotant),ça prend toute la place… j’achète desmeubles pratiques, par exemple, j’ai unpetite table de salon, et dedans il y a pleinsde sacs, et ils sont fourrés un peu partout. »

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(Léonie, 24 ans). Valoriser son stockimplique aussi d’en prendre grand soin.Les vêtements, impeccables, doivent êtrelavés, repassés et pliés pour ne pas perdre devaleur. En aval, la fonction logistique estmarquée par une dimension temporelle carpour ne pas rater une vente, il s’agit derépondre aux clientes le plus rapidementpossible et de s’assurer ensuite d’unacheminement sans délai : « Et puis il fautbien suivre. Il faut envoyer en suivi sinonc’est : “ah j’ai pas reçu …”. Enfin ça va,celle qui paie par Paypal, c’est rapide. »(Léonie, 24 ans).De fait, comme l’illustre la figure 3, lapratique du vide-dressing, en face-à-facecomme en ligne, nécessite des compétencesgestionnaires multiples – achat, marketing/vente, finance/comptabilité, système d’in-formation et logistique – qui permettent defaire fructifier le capital économique,comme le capital humain de ces consom-merçantes (Lemaître et De Barnier, 2015),

Figure 3 – Processus entrepreneurial

IV – LE VIDE-DRESSING : UNOBJET ÉPISTÉMIQUE

Dans cette seconde partie des résultats, nousexaminons en quoi le vide dressing consti-tue un objet épistémique au travers desrelations que les répondantes entretiennentavec une activité qui les absorbe et nécessitedes apprentissages constants. Nous analy-sons enfin les formes de socialité queces formes d’échanges participent àtransformer.

1. Une pratique sollicitant uneadaptation constante…

La pratique du vide-dressing ne consiste passeulement à maîtriser les fonctions-clés del’entreprise, ni à acquérir certaines compé-tences que nous avons illustrées. Ellesollicite une adaptation constante du faitque les dispositifs sont en perpétuelleévolution.

de la pratique du vide-dressing

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L’entrepreneurialité dans la pratique du vide-dressing 41

Des dispositifs (en face-en-face et enligne) complémentaires

La pratique du vide-dressing s’est d’aborddéveloppée dans des évènements physiquesen face-à-face avant que les plateformes nefluidifient ces échanges en leur donnant uneplus longue portée, spatiale et temporelle.Pour autant, les plateformes n’ont paséclipsé les vide-dressing physiques. Nonseulement les deux formes se complètent,mais elles évoluent chacune à leur manière,obligeant les pratiquantes à s’adapter si ellessouhaitent « rester dans la course ». Sur lapériode d’étude (2013-2019), l’évolutiondes vide-dressing physiques montre que lesinstallations artisanales chez les particuliers,avec des vêtements et des accessoiresparfois démodés, voire défraîchis, ontévolué. À partir de 2016, les vide-dressings’organisent sous la forme de cornerssemblables à ceux des grands magasins,avec des produits de marque et à la mode.Nos résultats révèlent que l’amateurismen’est plus de mise. En effet, « le vide-dressing ne veut pas dire friperie et encoremoins déchetterie »1 et nos résultats confir-ment la montée en qualité des articlesprésentés. L’état, la composition du vête-ment, son descriptif détaillé sont systéma-tiquement requis dans sa présentation, demême que les emballages d’achat et lesfactures sont désormais fréquemment pro-posés. La taille et la localisation desévènements aussi se sont modifiées. Auvide-dressing organisé chez soi – « etpourtant c’est petit chez moi, on organise,on bouge un peu tout, on met des portiques,je mets tout ce que j’ai à vendre, deux ou

1. http://madame.lefigaro.fr/style/vide-dressing-5-conseils-po

trois sacs de chaussures, des accessoires, desvêtements, des robes, et puis je crée unévènement sur Facebook pour inviter desgens, j’invite mes copines et elles, ellesinvitent leurs amies, c’est la bonnehumeur » (Léonie, 24 ans) – ont succédédes manifestations d’ampleur, prises encharge par des organisatrices professionnel-les. Ainsi, des associations créées et dirigéespar des influenceuses du web, commeVioletteSauvage, investissent aujourd’huides lieux toujours plus grands – le PalaisRameau à Lille ou le Pavillon Baltard àNogent-sur-Marne – avec pour accroche« Venez shopper le meilleur de la mode àprix canon sur plus de 2 700 m2 » etl’ambition d’attirer des centaines d’expo-santes et d’acheteuses potentiellement can-didates à la pratique.

Des dispositifs axés sur la mise enconcurrence constante des pratiquantes

Parallèlement, l’apparition des plateformesn’a pas seulement entraîné des modifica-tions dans la professionnalisation despratiquantes, ce que nous avons montréplus haut, mais aussi dans leur mise enconcurrence : « Si tu ne réponds pas t’esmal notée – tu as des appréciations après tesenvois –, et si tu as des mauvaisesappréciations, alors on n’achète pas danston dressing. » (Léonie, 24 ans). Lessystèmes de notation illustrent de fait lecaractère « auto-éducateur et auto-discipli-naire » du système (Dardot et Laval, 2009,p. 226) qui engage les pratiquantes dans unelutte concurrentielle semblable à celle des

ur-bien-vendre-221216-128738

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professionnels marchands. Comme l’illustreCharlotte (24 ans), organisatrice de vide-dressing en face-à-face : « Il y a des fillesqui donnent beaucoup d’importance à « jesuis une bonne vendeuse » … clairement sicela se passe mal, la vendeuse a unemauvaise note et ça va lui plomber sonprofil, après pour les ventes elle va êtrefreinée. Il y a un côté pro finalement ». Defait, l’organisation de la compétition ne selimite pas aux plateformes et s’exprime toutautant dans les échanges en face-à-face :« Voici un fichier Excel et toutes lesvendeuses que j’ai sélectionnées. Moi, jefonctionne avec des couleurs. Bon celle-là,elle est verte : elle fait partie des bonnesvendeuses. Elle joue le jeu, on peut avoirconfiance. Au vert on passe, au rouge, onarrête. On arrête avec celle qui n’a pas souride tout l’événement, qui n’est pas à l’heure,qui a laissé son stand n’importe comment,ou qui part avant la fin, ça c’est gênant ! »(Charlotte, 24 ans). Le fait que de nombreuxforums ou sites de conseil se multiplientpour aider les novices à « réussir » leur

Figure 4 – La pratique du vide-d

vide-dressing témoignent également de laprofessionnalisation constante de la pra-tique et de la nécessité, pour celles quisouhaitent s’y engager, de maîtriser desrègles qui ne cessent de s’affiner (bienphotographier l’objet, choisir les produitsles plus tendances, savoir organiser stands etvitrines, bien se comporter avec les clientes,etc.). C’est en effet au cours des interactions,des observations et des leçons tirées del’activité, en ligne comme en face-à-face,que les pratiquantes progressent, sans cesserd’adapter leurs efforts aux exigences que lapratique requiert. En ce sens, le vide-dressing constitue un objet épistémique,capable de stimuler celles qui cherchent à sesurpasser et à surclasser les autres dans lacompétition marchande (Dardot et Laval,2009) (figure 4).

2. …et qui engendrent des formes depost-socialité

Si la pratique apporte de nouvelles compé-tences, un réel plaisir et une forme

ressing un objet épistémique

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d’épanouissement personnel, la placequ’elle occupe dans la vie des répondantesles absorbe au point qu’elle tend à prendre lepas sur d’autres relations sociales. Se posealors des questions quant aux formes desocialité que cette pratique développe ettransforme. Dans certains cas, le rapportavec l’activité peut s’avérer invasif etquasiexclusif : « Je suis en train de chercherune maison, mais plutôt que de chercher, jesuis sur un vide-dressing. Et mon copain medemande : “tu fais quoi ?” … “Rien, rien”.S’il savait, je me ferais “tuer” !!! J’y suistrop. Le midi j’ai 2 h et au lieu d’être avecmes collègues, je mange en 20 minutes pourretourner voir mes messages … ça devient… comme une drogue !!! On a envie d’allervoir. » (Manon, 25 ans). Les repas avec lescollègues, voire la vie de couple, sontparfois délaissés au profit de cet engagementintense dans la pratique. Les donnéesrévèlent alors une relation singulière quise noue avec l’activité, à la fois en termesd’appétence – « C’est comme jouer à lamarchande » (Stéphanie, 38 ans), « C’estcool, je vais faire du business ! » (Estelle,23 ans) – mais aussi d’intensité et defréquence. Certaines répondantes sont, eneffet, immergées dans une activité quidevient centrale dans leur vie et dontl’entourage pointe parfois l’exagération :« Mon copain il m’a dit : “non mais ça vapas !!! C’est des vêtements usagés !!!”.Donc je le comprends, oui maintenant je mesuis calmée. Mais, c’est comme un diver-tissement, c’est un plaisir, c’est une drogue,il faut être les premières à voir ça !!! »(Ophélie, 23 ans). L’engagement dans lapratique peut s’avérer excessif au point quecertaines répondantes la comparent à uneaddiction. Bon nombre d’entre elles parti-cipent en effet à plus de dix vide-dressing

par an et se connectent plus de dix fois parjour à leur compte Facebook ou sur lesplateformes, certaines avouant même êtreconnectées en permanence. Le rapport àcette activité largement chronophage estrenforcé par la place qu’y tiennent les outilsnumériques. Les plateformes renvoient auxpratiquantes toutes les informations qu’ellescherchent à contrôler, telles que leur délai deréponse et la date de leur dernière visite. Cetétat d’hyper-information, associé à desdispositifs de notation par les pairs, renforceune relation de plus en plus intense avec lesoutils qui, en liant fréquence d’interaction etperformance, les engagent toujours plusdans une maîtrise croissante de la pratique.En occupant une place essentielle dans leurvie quotidienne, cette pratique modifie lanature des relations privées, mais aussi deséchanges marchands. Si les premièresobservations menées en 2013 montraientque ces échanges reposaient majoritaire-ment sur des transactions de gré à gré et encoprésence, la montée en puissance desplateformes numériques depuis 2016 révèleune modification sensible. Ainsi c’est en2016, que des messages automatisés du type« faire une offre », « offre refusée » « offreacceptée » font leur apparition sur lesplateformes, limitant les conversations entreusagers. En accélérant les transactions « enquelques clics » et sans interaction phy-sique, les plateformes transforment lesliens : elles délèguent aux outils une média-tion technique qui se substitue aux échangesdirects avec les pairs, tels qu’ils préexis-taient. De manière concomitante, d’autresindices attestent à la même période ducaractère plus « industriel » de l’activitédans le monde physique. Le concept devide-dressing « géant » rompt avec lescodes de l’amusement, de la proximité et

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de l’artisanat qui prévalaient antérieurementdans les évènements organisés par desparticuliers à leur domicile. Certes l’am-biance reste conviviale – en apparence –,mais l’objectif désormais assumé est de« faire des affaires » et pour cela lespratiquantes sont triées sur le volet. Lesorganisateurs reconnaissent en effet être« sélectifs » et chercher à dénicher « lesmeilleurs dressings », car leur priorité est de« satisfaire acheteurs ET vendeurs » enévinçant celles qui vendraient « des piècesdémodées ».Nos observations témoignent également denégociations plus rudes entre acheteuses etvendeuses. Il est aujourd’hui moins ques-tion de se retrouver ou de s’amuser entrecopines que d’échanger entre expertes del’achat ou de la vente détenant un savoir-faire gestionnaire et démontrant une supé-riorité dans la maîtrise des règles du jeu(figure 5).

DISCUSSION, LIMITES ETFUTURES RECHERCHES

Cette recherche conduite pendant six annéesdans le contexte du vide-dressing éclaire

Figure 5 – Les formes de post-socialité eng

sous un jour nouveau les formes d’entre-preunarialité et de post-socialité qui décou-lent de la consommation dite collaborative.Alors même que ces systèmes d’échanges separaient de promesses sociales, voire envi-ronnementales (Borel et al., 2015 ; Botsmanet Rogers, 2011 ; Robert et al., 2014), seulela dimension économique semble les ani-mer, faisant écho à l’existence d’un type deconsommateur-commerçant – le « consom-merçant » (Lemaître et De Barnier, 2015) –,intéressé par la vente et pas seulement parl’achat. Par ailleurs, cette recherchecomplète les travaux existants sur laconsommation collaborative et les formesmarchandes d’achat/vente en ligne (Decrop,2017 ; Denegri-Knott et Molesworth,2009 ; Garcia-Bardidia, 2014 ; Trespeuchet al., 2019) en dévoilant deux facettesessentielles de la gouvernementalité àl’œuvre dans les pratiques collaboratives.En premier lieu, elle montre que ceséchanges entre particuliers relèvent de la« forme entreprise » (Foucault, 2004), au-delà de la simple orientation marchande despratiques (Herbert et Collin-Lachaud, 2016)et développent des formes de compétencesvariées et dirigées, comme dans la « forme

endrées par la pratique du vide-dressing

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entreprise », vers la maximisation descapitaux économiques et humains. En effet,cette pratique ne banalise pas seulement lefait de tirer profit de ses biens personnels –qui, antérieurement, soit restaient dans lasphère privée, soit étaient transmis, troquésou donnés (Albinsson et Yasanthi Perera,2012) –, mais elle met au jour l’acquisitionde compétences-clés, chez des individusréputés non professionnels. Cette montée encompétences est toutefois peu discutée dansles travaux sur la consommation collabora-tive, en comparaison de l’orientation mar-chande/non marchande (Daumas, 2018) etdu degré de socialisation qu’elles engen-drent (Herbert et Collin-Lachaud, 2016 ;Trespeuch et al., 2019). Ainsi, le savoirvendre, acheter, négocier, investir, fidéliser,communiquer, stocker et gérer peut autants’appliquer aux voitures, qu’aux logementsou à d’autres objets comme le vêtement quel’on prêtait auparavant dans des cerclesd’interconnaissance, mais qu’on loue ouvend désormais à des inconnus par l’inter-médiaire de plateformes ou de vide-dressing« géants » (Borel et al., 2015).En second lieu, la recherche montre que lapratique du vide-dressing s’accompagned’interactions physiques qui tendent à seraréfier ou qui, quand elles perdurent,s’expriment sur un mode concurrentielexacerbé par les acteurs qui organisent ceséchanges. Ces résultats révèlent combiencette activité – physique ou en ligne –

infléchit les relations humaines vers unepost-socialité dans laquelle les systèmestechniques captent et dirigent l’attentionprioritairement vers les outils et les dis-positifs (Knorr Cetina, 1997). Au final, lespratiques de vide-dressing focalisent l’at-tention de leurs usagers sur la formation àune compétition toujours mieux maîtrisée

grâce au déploiement de techniques de miseen marché et des dispositifs de conseil, denotation et d’aide à la valuation des bienscomme des personnes. Objet épistémiquecontraignant ses usagers à l’adaptationconstante de leurs savoirs, la pratique duvide-dressing est également à la sourced’une post-socialité produite par ces nou-veaux dispositifs.Cette prééminence de la « forme entre-prise » dans la monétisation croissante desbiens personnels, le développement ducapital économique et humain qui l’accom-pagne, comme la transformation des rela-tions à soi, aux objets et aux autres, ouvrentplusieurs fronts de réflexion. Tout d’abord,et contrairement à certaines promesses(Botsman et Rogers, 2011), ces pratiquesne contribuent pas fondamentalement à unralentissement de la consommation, bien aucontraire (Parguel et al., 2017). La possi-bilité de revendre rapidement et facilementses biens stimule un capitalisme, deplateformes mais pas seulement, qui estlargement décrié (Benavent, 2016). Lapratique du vide-dressing agit égalementsur le marché neuf et le renouvellementaccéléré des modes, mais aussi sur lemarché de l’occasion où son impact estinhabituel. En effet, le travail de sélection,de choix et de remise en marché de certainsbiens qui en sont extraits par le jeu despratiquantes opère une requalification, unesingularisation, voire une revalorisation desproduits de seconde main. La pratique duvide-dressing nourrit de facto le marché del’occasion qui, loin d’alimenter une offredécotée, participe à créer et soutenir lavaleur de certaines marques et à faire dechaque pièce une « singularité » (Karpik,2007). Dans ces processus, les plateformesmais aussi les évènements géants gérés par

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de nouveaux intermédiaires, jouent un rôledéterminant en créant simultanément lescompétences et les pratiquantes qu’elless’emploient à outiller, former et profession-naliser, en standardisant les « bonnesmanières de faire », en simplifiant lesopérations d’échange et en accélérant lesgestes de mise en marché. Il en résulte unesérie d’effets plus ou moins contradictoires.Ainsi, d’un côté ces intermédiaires socio-techniques apportent une valeur ajoutée auxmodalités de développement du capitalhumain des individus. Ceux-ci, de consom-mateurs passifs et destructeurs de valeur,deviennent des individus actifs, rompus à lafourniture de biens et services et à laproduction de valeur, modifiant ainsi lescaractéristiques de la « consommationconventionnelle » (Ertz et al., 2016). Parailleurs, alors que les socialités primairesd’interconnaissance (Borel, 2011) sontsouvent porteuses de tensions, sont chro-nophages et exigent un fort engagementrelationnel, les dispositifs sociotechniques –plateformes, applications mobiles, voireorganisations d’évènements à grandeéchelle – suppriment les relations de face-à-face et modifient la grammaire deséchanges en déléguant massivement aux« outils » le cadrage des transactions. Cesoutils produisent de nouvelles socialités« tertiaires » – par opposition aux socialitésprimaires de l’interconnaissance et auxsocialités secondaires du contrat (Borel,2011) –, qui règlent les relations en lesrendant plus agiles, plus rapides et plusfluides. Inversement, et nos résultats lemontrent, l’efficience recherchée dans lapratique tend à effacer les formes derelations qui tramaient les échanges de gréà gré, plus approximatifs et artisanaux,comme elle parasite parfois les relations

domestiques environnantes. On pourraitdire, en renversant la formule de Cova(2004), que « le bien importe plus que lelien » et transforme de fait les relations sanscalcul et sans recherche intensive du profit.Au final, ce travail n’est pas exempt delimites mais il ouvre des perspectives surdes phénomènes en émergence. Il seraitintéressant de prolonger cette recherchedans d’autres domaines d’activité comme letravail, les rencontres ou la santé pourétudier si les formes de post-socialitéaboutissent, par exemple, à cautionner lasuppression des caissières et des guichetiersdans la relation de service, à modifier lesconventions de la quête amoureuse sur lessites de rencontre (Kessous, 2011) ou àtransformer la relation patient/médecin qu’àl’époque de la désertification médicale ontend à limiter à une interaction à distance etavec des machines. L’étude de ces différentsdomaines permettraient également d’abor-der des terrains moins exclusivementgenrés, cette recherche n’impliquant quedes femmes. Il serait en outre intéressantd’observer d’autres pratiques d’échangesentre particuliers portant sur des biensd’investissements lourds (co-voiturage oulocation de biens immobiliers) pour exami-ner si les mêmes mécanismes prévalent oulesquels les différencient du vide-dressing.Des pratiquantes ayant renoncé au vide-dressing mériteraient également d’êtreinterrogées pour comprendre les raisonsqui conduisent à d’autres modalités d’em-prunt que sont, à la manière des livres, des« bibliothèques de vêtements » (Pedersenet Netter, 2015), mais également à l’aban-don de cette activité pour des raisonspratiques (manque de temps), cognitives(difficultés de maniement des outils numé-riques), voire idéologiques ou critiques de

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l’exploitation marchande (Abdelnour,2016 ; Dujarier, 2008). Enfin, uneapproche comparative des formes de socia-lités fournirait un prolongement essentiel àcette recherche en analysant les effetscumulatifs de ces pratiques sur des

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