Les organisations à but non lucratif et l’innovation...

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DOSSIER MARC ROBERT MAROUANE KHALLOUK Montpellier Business School, Lab IRM SOPHIE MIGNON Université de Montpellier, Lab IRM Les organisations à but non lucratif et linnovation managériale Les organisations à but non lucratif, après une croissante forte et une professionnalisation accrue, jouent aujourdhui un rôle économique majeur. Ce travail a pour objectif didentier les spécicités de ces organisations favorisant leur profonde mutation organisationnelle et managériale. La combinaison suivante est apparue comme facteur déclencheur dune innovation managériale : une culture organisationnelle spéci- que intégrant linnovation, une diversité du personnel condui- sant à lenrichissement des connaissances organisationnelles et une capacité à gérer la pression exercée par les bailleurs de fonds. DOI: 10.3166/rfg.2017.00119 © 2017 Lavoisier

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DOI: 10

DO S S I E R

MARC ROBERTMAROUANE KHALLOUKMontpellier Business School, Lab IRM

SOPHIE MIGNON

Université de Montpellier, Lab IRM

Les organisationsà but non lucratifet l’innovationmanagériale

Les organisations à but non lucratif, après une croissante forteet une professionnalisation accrue, jouent aujourd’hui un rôleéconomique majeur. Ce travail a pour objectif d’identifierles spécificités de ces organisations favorisant leur profondemutation organisationnelle et managériale. La combinaisonsuivante est apparue comme facteur déclencheur d’uneinnovation managériale : une culture organisationnelle spéci-fique intégrant l’innovation, une diversité du personnel condui-sant à l’enrichissement des connaissances organisationnelleset une capacité à gérer la pression exercée par les bailleursde fonds.

.3166/rfg.2017.00119 © 2017 Lavoisier

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Le secteur à but non lucratif a connuune forte croissance ces dernièresdécennies si bien qu’il joue

aujourd’hui un rôle économique majeur(Anheier, 2014 ; Salamon, 2012). AuxÉtats-Unis il représente la plus grande« industrie » en termes d’effectifs avec 18millions de travailleurs en équivalent tempsplein (Salamon, 2012). Pour faire face auxenjeux de cette croissance la professionna-lisation du secteur s’est accrue (Hwang etPowell, 2009 ; Le Naëlou, 2004) et l’inno-vation est devenue importante pour cesecteur. Les organisations à but non lucratif(OBNL) ont ainsi adopté des innovationsmanagériales (Anheier, 2014 ; Jaskyte,2011). Ces innovations non technologiques(administratives, organisationnelles et demanagement) regroupées sous l’appellationinnovation managériale (Birkinshaw et al.,2008 ; Damanpour, 2014), sont définies(Damanpour et Schneider, 2006 ; Le Royet al., 2013 ; Vaccaro et al., 2012 ;Volberda et al., 2013) comme : l’adoption,par une organisation, de pratiques ou deméthodes de management nouvelles pourelle, ayant pour objectif d’améliorer saperformance globale. En dépit de l’intérêtcroissant qu’elles suscitent, les recherchessur ce type d’innovation sont encorepeu nombreuses en comparaison de cellesportant sur l’innovation technologique(Damanpour, 2014 ; Volberda et al.,2013), de plus ces recherches se sontprincipalement focalisées sur les entreprisesprivées.Pourtant, les OBNL se distinguent desorganisations à but lucratif sur plusieurspoints. On note notamment une focalisa-tion sur la réalisation d’une mission socialeau lieu d’une recherche de profit ; uneabsence d’actionnaires au profit d’une

multiplicité et d’une diversité de partiesprenantes, et une forte dépendance finan-cière à l’égard de bailleurs de fonds auxattentes différentes de celles des investis-seurs du secteur à but lucratif. Cesspécificités conduisent à des problématiquesmanagériales propres à ce type d’organisa-tion. Ces défis managériaux peuvent setraduire, par exemple, en interne par unegestion complexe du personnel à statutmixte composé, de bénévoles versus desalariés, ou de membres historiques versusde nouveaux membres issus du secteurlucratif, ayant respectivement des motiva-tions, des attentes, et des expériences trèsdifférentes. En externe, les OBNL doiventfaire face à un devoir d’exemplarité et àla difficile tâche de concilier les intérêtsdivergents de leurs nombreuses partiesprenantes.Compte tenu de ces différences fondamen-tales, un nouveau cadre d’analyse intégrantles spécificités managériales des OBNLs’avère nécessaire pour mieux comprendreles facteurs favorisant le lancement d’uneinnovation managériale dans ce type d’or-ganisation. À notre connaissance, ce travailn’a pas encore été réalisé, ni par les travauxprovenant de la littérature sur les OBNL,ni par les travaux issus de la littérature surl’innovation managériale. Dans la perspec-tive de combler ce « gap théorique », laquestion de recherche suivante va êtreétudiée : Les spécificités du cadre managé-rial des OBNL impliquent-elles des facteursdéclencheurs d’une innovation managérialedifférents de ceux déjà identifiés pour lesorganisations à but lucratif ?Pour répondre à cette question de recherche,une étude de cas a été menée au sein dedeux ONG internationales ayant adoptéune innovation managériale. Les résultats

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de ce travail ont montré que les spécificitésdu contexte managérial des OBNL conduit àl’émergence de facteurs favorables à l’in-novation managériale. Cette étude a mis enexergue l’importance d’utiliser un nouveaucadre d’analyse intégrant les spécificitésmanagériales des OBNL.

I – REVUE DE LA LITTÉRATURE

La croissance du secteur à but non lucratifs’est accompagnée d’un processus deprofessionnalisation au sein des OBNLconduisant à l’adoption d’innovationsmanagériales (Anheier, 2014 ; Jaskyte,2011). Néanmoins les recherches sur l’in-novation managériale se sont principale-ment centrées sur les entreprises privées, oules organisations publiques mais dans unemoindre mesure. En dépit d’un mouvementde convergence décrit par Maier et al.(2016), provenant de la tendance croissantedes OBNL à emprunter certaines pratiquesissues du secteur lucratif, le secteur àbut non lucratif des OBNL reste encorefondamentalement spécifique. Des diver-gences fortes persistent encore entre cesdeux types de secteurs et ne peuvent pasêtre ignorées. La section suivante a pourobjet de décrire ces problématiques mana-gériales particulières.

1. Les OBNL : un cadre managérialspécifique

Les défis managériaux des OBNL consti-tuent un cadre managérial à part entière.

La réalisation d’une mission sociale enharmonie avec les valeurs fondamentalesde l’organisation

Les OBNL sont structurées autour d’unemission sociale assurant le financement, la

promotion ou la réalisation de programmesayant un impact social positif. Les OBNLsont fondées par un groupe de personnesdécidées à se rassembler autour de valeurscommunes (Anheier, 2014). L’ensemblede ces valeurs contribue à forger uneforte culture organisationnelle offrant uncadre de réalisation de leur mission sociale.« La culture organisationnelle représentel’ensemble des valeurs communes qui aideles membres de l’organisation à comprendrele fonctionnement de leur organisation etinfluence ainsi leur état d’esprit et leurcomportement » (Jaskyte, 2011, p. 82).Ces valeurs fondamentales sont si impor-tantes pour les OBNL qu’elles façonnent letravail de la gouvernance et des managers,managérial et l’orientent davantage vers unmanagement par les valeurs (Akingbola,2013 ; Ridder et McCandless, 2010). Lesmanagers des OBNL doivent ainsi s’assurerque activités réalisées restent en adéqua-tion avec les valeurs fondamentales del’organisation (Akingbola, 2013 ; Ridderet McCandless, 2010). Cette difficultéreprésente leur premier défi managérial.La mise en place d’indicateurs de laperformance (ou d’efficacité organisation-nelle) pertinents représente un défi. Il s’agit,pour les managers de vérifier la réalisationéthiquement responsable de la missionsociale et son impact social. Les managersdes OBNL ont mis en place des ratiosfinanciers adaptés à leur contexte particulier(Anheier, 2014). L’utilisation de ces ratiospermet notamment aux OBNL de prouveren externe la bonne utilisation des fondsperçus des bailleurs. Néanmoins, ces indi-cateurs financiers ne sont pas des outilssuffisants pour les managers des OBNL.En conséquence, les OBNL se sont inscritesde plus en plus dans une logique de mesure

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de performance globale (Anheier, 2014 ;Kaplan, 2001). Celle-ci vise à suivre uneapproche à la fois interne et externe dela performance, mais aussi financière etsociale, approche parfois antagonistes etsource de tensions (Akingbola, 2013 ;Anheier, 2014). Pour tendre vers cet objectifKaplan (2001) montre comment les OBNLont adapté les quatre grandes dimensionsdes tableaux de bords prospectifs, « balancescorecard », à leur contexte particulier. Cesdimensions sont respectivement, la dimen-sion financière, la dimension marché avecles clients, et les dimensions « processusorganisationnels » et « apprentissage desressources humaines ». Néanmoins, l’au-teur souligne les limites de ces outils etsuggère des recherches complémentairessur la question de la performance globaledes OBNL.

Une multiplicité complexeet une diversité de parties prenantes

Les OBNL n’ont certes pas d’actionnaires,mais elles sont organisées de façon holis-tique avec une multitude de parties pren-antes (les bénévoles, les salariés, les entitésde gouvernance, les bailleurs de fondsprivés et publics, les autres OBNL, lesautorités locales, les fournisseurs, les béné-ficiaires, etc.) dont les intérêts s’avèrentparfois divergents voire contradictoires(Akingbola, 2013 ; Anheier, 2014 ; Ridderet McCandless, 2010).En interne, les OBNL ont une gestiondes ressources humaines spécifique etcomplexe. La politique de recrutement desOBNL conduit à une cohabitation entremembres aux profils et statuts différents(Akingbola, 2013 ; Ridder et McCandless,2010) puisque le personnel est composé

de salariés, de bénévoles volontaires, avecdes membres historiques et de nouveauxmembres venant du secteur lucratif. Cettediversité et mixité du personnel conduit àdes différences en termes d’expériences,de centres d’intérêt et de motivations si bienque leur cohabitation peut être source detensions managériales (Hwang et Powell,2009 ; Kreutzer et Jäger, 2011 ; Ridder etMcCandless, 2010). La bonne gestion deces tensions est une problématique mana-gériale d’importance pour les OBNL(Freyss, 2004 ; Le Naëlou, 2004 ; Maieret al., 2016).En externe, les managers des OBNL ontla responsabilité de concilier les différentsbesoins et exigences des nombreuses autresparties prenantes (Anheier, 2014). SelonHull et Lio (2006), les managers dansles OBNL peuvent alors se heurter à cesexigences parfois contradictoires dans leurprocessus de prise de décision dans uncontexte de prise de risque comme celuide l’innovation (Anheier, 2014 ; Sargeant etLee, 2002). Cette problématique managé-riale est tout aussi importante.

Une dépendance financière forteà l’égard de bailleurs de fonds

La survie des OBNL repose généralementsur le soutien continu de bailleurs de fondsqu’ils soient publics ou privés (Akingbola,2013 ; Anheier, 2014). Ces bailleurs defonds sont fondamentalement différentsdes investisseurs qui financent les organi-sations du secteur à but lucratif. Aucuneforme de profit ne peut leur être directementredistribuée suite à un financement accordé(Anheier, 2014). Néanmoins, les bailleursde fonds exigent des OBNL un devoird’exemplarité dans l’exercice de leur

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Figure 1 – Le cadre managérial spécifique des OBNL

Une focalisa�on sur la réalisa�on d’une mission sociale en harmonie avec les valeurs fondamentales de l’organisa�on

• Veiller à ce que la réalisa�on de la mission sociale reste en harmonie l l f d t l d l lt i �llavec les valeurs fondamentales de la culture organisa�onnelle

• Trouver le bon équilibre dans la mesure des résultats, entre résultats financiers et mesure de l’impact social

Cadre managérialmanagérial

spécifique des OBNL

U l l�li ité t di ité dUne forte dépendance financière à l’égard des Une complexe mul�plicité et diversité de par�es prenantes

• Concilier les perspec�ves différentes du personnel interne à statut mixte

Une forte dépendance financière à l égard des bailleurs de fonds

• Entretenir la confiance des bailleurs de fonds qui exigent un devoir d’exemplarité

• Concilier les intérêts divergents des nombreuses par�es prenantes externes

• Tenter de conserver une certaine autonomie d’ac�on malgré le strict contrôle des bailleurs de fonds

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mission sociale (Akingbola, 2013 ;Anheier, 2014). Les managers des OBNLdoivent construire sur le temps une relationde confiance avec les bailleurs de fonds(Sargeant et Lee, 2002).Toutefois, cette forte dépendance financièrepeut, à terme, remettre en question l’auto-nomie des managers d’OBNL (Akingbola,2013 ; Anheier, 2014 ; Hull et Lio, 2006).Ce manque d’autonomie peut avoir uneffet négatif sur la capacité d’une OBNLà réaliser sa mission (Ebrahim, 2002 ;Ebrahim, 2003 ; Najam, 1996). Cette touterelative autonomie est encore un nouveaudéfi managérial que doivent relever lesmanagers d’OBNL.En résumé, trois spécificités fortes desOBNL conduisent à des problématiquesmanagériales nouvelles et propres à cetype d’organisation. En conséquence, uncadre d’analyse dédié au management dansles OBNL a été élaboré (cf. figure 1).

2. Les facteurs influençant l’apparitiond’innovation managériale

La volonté de faire reconnaître l’importancedes innovations qui ne sont pas de naturetechnologique a poussé Kimberly (1981)à utiliser pour la première fois l’expressiond’« innovation managériale ». Des travauxsont venus compléter ce travail : Birkinshawet Mol (2006) ; Hamel (2006). Ces auteurslabellisent le concept ombrelle d’innovationmanagériale en regroupant tous les typesd’innovations non technologiques (adminis-tratifs, organisationnels, de management) etlui donnent une définition qui fait aujourd’-hui référence : « L’innovation managérialese définit comme l’invention et la mise enœuvre d’une pratique, d’un processus, d’unestructure ou d’une technique demanagementqui représente une rupture au regard de laconnaissance disponible et qui contribue àl’atteinte des objectifs de l’organisation »

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(Birkinshaw et al., 2008, p. 825). Dans sonarticle de 2014, Damanpour a décrit l’évolu-tion de ce concept sur les trois dernièresdécennies en mettant en avant les concep-tions différentes qui coexistent et les diffé-rentes définitions associées (Damanpour,2014). Certains auteurs (Damanpour etSchneider, 2006 ; Vaccaro et al., 2012 ;Volberda et al., 2013 ; Le Roy et al., 2013)ont défini l’innovation managériale comme :« l’adoption, par une organisation, de prati-ques ou de méthodes de managementnouvelles pour elle, dans l’objectif d’amé-liorer sa performance globale ». Cette défini-tion recouvre deux acceptions du concept(Le Roy et al., 2013) : l’acception radicalede l’innovation managériale, avec l’inven-tion et l’adoption complètement nouvellede pratiques ou deméthodes demanagement,et l’acception incrémentale de l’innovationmanagériale, avec la simple adoption depratiques ou de méthodes de managementdéjà existantes.Dans cette étude, l’innovation managérialesera définie selon ces deux acceptions.Damanpour (2014) distingue trois typesd’innovations managériales évoqués dansl’enquête européenne sur l’innovation(Community Innovation Survey, 2010).La première catégorie est composée desnouvelles méthodes de management commele Knowledge Management, le Lean Mana-gement, le management par la qualité totale.La deuxième catégorie est composée desnouvelles méthodes pour organiser letravail, les responsabilités et la prise dedécision comme : la décentralisation oul’utilisation d’un système de responsabilisa-tion des employés. La troisième catégoried’innovation managériale est composéedes nouvelles méthodes pour organiserles relations externes comme l’utilisation

d’alliances de partenariats, d’externalisationet de sous-traitance.Après une revue systématique de la littéra-ture sur l’innovation managériale et lesprécisions apportées par les travaux deDamanpour et Aravind (2012) et ceux deVolberda et al. (2013), il peut être constatéque de nombreux auteurs ont étudié lesfacteurs favorisant le lancement de tellesinnovations. Cependant, il est important denoter que ces études ont été principalementréalisées auprès d’entreprises du secteurmarchand. Damanpour et Aravind (2012)ont remarqué que l’importance des facteursorganisationnels et des caractéristiques pro-pres aux managers, a été mise en avant cesdernières décennies par les chercheurs.Volberda et al. (2013) mettent en exerguele rôle du leadership, le facteur humain étantau cœur du processus d’innovation mana-gériale via la collaboration d’agents interneset externes de changements (Birkinshawet al., 2008 ; Mol et Birkinshaw, 2009 ; Molet Birkinshaw, 2014). La première colonnedu tableau 1 a été élaborée sur la base desfacteurs répertoriés dans la littérature. Pourle secteur à but lucratif, elle résume lesprincipaux facteurs favorisant l’innovationmanagériale.Concernant les OBNL trois articles traitantde facteurs favorisant l’innovation admi-nistrative (Jaskyte, 2011 ; Jaskyte etKisieliene, 2006 ; Jaskyte et Lee, 2006)ont été identifiés. L’utilisation indifféren-ciée dans la littérature des termes d’inno-vation administrative, organisationnelleet d’innovation managériale a justifiécette prise en compte (Birkinshaw et al.,2008 ; Damanpour, 2014 ; Le Roy et al.,2013). Les résultats de ces études ontété reportés dans la deuxième colonne dutableau 1.

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Tableau 1 – Les facteurs favorisants l’innovation managériale présents dans la littérature

Secteur à but lucratif Secteur à but non lucratif

Facteursorganisationnels

- Centralisation- Formalisation- Taille

- Centralisation- Formalisation (pas derésultat significatifs)- Taille (pas de résultatsignificatifs)- Culture organisationnelle(résultat controversé)

Leadership et facteursmanagériaux

- Leadership fondé sur laconfiance- Leadership transactionnel- Ancienneté des managers- Niveau d’éducation desmanagers- Attitude positive desmanagers envers lechangement

- Leadership fondé sur laconfiance (résultatcontroversé)

Rôle du facteur humaininterne

- Agents internes dechangement

(non étudié)

Facteursinterorganisationnelles

- Agents externes dechangement- Participations à des réseauxpour obtenir des retoursd’expériences d’organisationsqui ont adopté une innovationmanagériale similaire

- Assistance techniquefournie par des organisationsexternes

Motivations- Efficacité organisationnelle- Avantage compétitif durable- Légitimité externe

(non étudié)

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La légitimité externe représente ici lareconnaissance et l’acceptation des partiesprenantes externes de la capacité del’organisation à réaliser ses missions confor-mément aux normes communément admi-ses (Le Naëlou, 2004).Les premiers travaux sur les facteursfavorisant l’innovation administrative dansles OBNL ne fournissent que très peu derésultats conclusifs. Les facteurs spécifiques

aux OBNL n’ont pas encore été exploréspar les chercheurs focalisant leur attentionsur les facteurs déjà identifiés dans le secteurà but lucratif.Ainsi, la question de recherche étudiée dansce travail est la suivante :Les spécificités des OBNL impliquent-ellesdes facteurs déclencheurs d’une innovationmanagériale différents de ceux déjà identi-fiés dans les organisations à but lucratif ?

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METHODOLOGIE

Une étude qualitative a été réalisée sur la base des recommandations de Volberda et al. (2013).

La collecte des données s’est déroulée de janvier 2015 à février 2016 au sein de deux ONGI.

Des données primaires et secondaires ont été utilisées. Dans un premier temps, des entretiens

semi-directifs ont été menés tout en veillant à diversifier les positions hiérarchiques des

personnes interrogées, cadres supérieurs, managers de programmes et de projets,

administratifs et coordinateurs des opérations et des fonctions supports. Les profils choisis

étaient présents avant le lancement de l’innovation managériale. Le positionnement

géographique a également été varié entre les sièges parisiens et les missions locales à

l’étranger. Dans un second temps, les données primaires ont été triangulées avec des données

internes. L’évolution des organigrammes, l’évolution des fiches de procédures de validation et

de décision, l’évolution des fiches de postes, ont été analysées en comparant des documents

antérieurs et postérieurs au lancement officiel de l’innovation managériale. Il a également été

possible d’accéder aux résultats de l’enquête statistique de satisfaction réalisée fin 2011 par

l’ONGI 1 sur 4 pays suite à une phase pilote de 2010 à 2011. Un échantillon de 312 répondants

représentatifs de tous les niveaux hiérarchiques, a été utilisé. L’enquête avait pour but de

connaître le niveau d’acceptation de l’innovation managériale et d’obtenir les premiers retours

sur les améliorations possibles à apporter. La confiance des collaborateurs envers leur

organisation a pu être vérifiée ainsi que la bonne prise en compte des recommandations du

personnel. Les documents externes tels que les rapports annuels et les sites officiels ont été

aussi examinés.

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II – LES CAS

1. Sélection des cas

La sélection des cas a été guidée par unerecherche de représentativité théorique envue d’une généralisation analytique au sensde Yin (Yin, 2013). Pour respecter cesprincipes, il a été nécessaire de choisir desorganisations qui présentaient des pointscommuns fondamentaux comme : le mêmesecteur d’activité et type de structure, lelancement d’un même type d’innovationmanagériale. Néanmoins, il a fallu faireattention lors du choix des cas à privilégierégalement une certaine diversité, notam-ment au travers d’éléments contextuels

différents, afin de s’assurer d’une repré-sentativité théorique des faits explorés(Chatelin, 2005 ; Eisenhardt, 1989). Cesdifférences contextuelles étaient : l’âge del’organisation, la taille (budget et nombrede salariés), l’évolution du type debailleurs de fonds.Parmi les différents types d’OBNL, le choixs’est porté vers les ONG internationales(ONGI) car l’évolution de ces organisationsest représentative de la professionnalisationdu secteur à but non lucratif et de sacroissance forte en termes de taille (22 000en 1990 et 56 000 en 2010, Anheier, 2014).Deux ONGI d’urgence et de développementont été sélectionnées, elles ont toutes les

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deux lancé un processus de décentralisationdu pouvoir et du leadership du siège vers leséquipes en charge des missions terrains àl’international. Elles seront nommées dansla suite du texte ONGI 1 et ONGI 2 pourrespecter les exigences de confidentialité.

2. Présentation des cas

Afin de réaliser la présentation de l’ONGI 1et l’ONGI 2, le tableau 2 a été utilisé. Il meten évidence aussi bien les points communsfondamentaux que les différences contex-tuelles (cf. tableau 2).L’ONG1 a été créée en 1979 et s’estdéveloppée principalement grâce au finan-cement de bailleurs de fond institutionnels.La survie de l’ONGI 1 dépend encoremajoritairement du soutien de ces bailleursinstitutionnels. Par ailleurs, depuis sa créa-tion, le fonctionnement interne de l’ONGI 1reposait sur une forte centralisation dupouvoir avec un fort contrôle du siège surles missions de terrains. Cette centralisationavait provoqué une lourdeur administrativeayant un double effet négatif. La centralisa-tion freinait de plus en plus l’activitéopérationnelle, notamment du fait de lastricte obligation d’obtenir pour chaquedécision la validation du siège. Cettecentralisation freinait également l’activitéstratégique du siège focalisée sur le micro-management de ces missions de terrains.Cette situation avait finalement conduit àdes difficultés à collecter des fonds, à desdysfonctionnements dans la réalisationopérationnelle des missions et à une baissede la motivation du personnel.L’ONGI 2 est une organisation plus jeunefonctionnant uniquement grâce à des fondsprivés. Au cours de cette dernière décennie,l’ONGI 2 a connu une croissance annuelle à

deux chiffres de son activité grâce notam-ment à une hausse continue des fondsprivés obtenus mais aussi grâce à un accèscroissant au financement de bailleurs ins-titutionnels. L’ONGI 2 fonctionnait, commel’ONGI 1, avec un système centralisé. Ellea donc commencé à rencontrer les mêmesproblèmes que cette dernière. Ce mode defonctionnement est apparu comme n’étantplus adapté. Cette situation a égalementfait naître de nombreuses revendications dela part du personne, en faveur notammentd’une décentralisation du processus de prisede décision.Afin de résoudre leurs problèmes, l’ONGI 1et l’ONGI 2 ont pris la décision de lancerune innovation managériale et de trans-former profondément leur organisation.L’innovation a consisté en une décentrali-sation systématique du pouvoir du siègevers les équipes terrains. Les organigram-mes ont été modifiés, les descriptions deposte et les missions ont été adaptées, etde nouvelles fonctions ont été créées. CesONGI se sont inspirées de certaines ONGanglo-saxonnes qui opéraient déjà à l’in-ternational avec un mode de fonctionne-ment décentralisé. Le degré de nouveautése situe donc au niveau organisationnel(Mol et Birkinshaw, 2014). L’innovationréalisée au sein de ces deux ONGIcorrespond bien au deuxième type d’inno-vation managériale mis en évidence parla typologie de l’enquête européennesur l’innovation, Community InnovationSurvey (CIS), reprise par Damanpour(2014). Cette innovation managériale aété lancée officiellement par la directiond’ONGI 1 au début de l’année 2012, aprèsune phase pilote expérimentée dans 4 paysdifférents, d’octobre 2010 à décembre2011. La direction de l’ONGI 2 a, quant

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Tableau 2 – Une description comparative des deux ONG internationales étudiées

Organisations ONGI 1 ONGI 2

Date de création 1979 1991

Mission sociale

Combattre le fléau de lamalnutrition dans le monde,notamment durant et aprèsdes crises

Soulager les souffrances despopulations les plus pauvresen France et dans le monde

Valeurs fondamentales

Indépendance, neutralité,non-discrimination, accèslibre et direct aux victimes,professionnalisme,transparence

Indépendance, neutralité,Impartialité, respect,responsabilité, prise derisque

Type d’ONG ONG d’urgence humanitaireet de développement

ONG d’urgence humanitaireet de développement

Présence internationale Présent dans 46 pays Présent dans 29 pays

Nombre d’employés 6783 dont 370 au siège 471 dont 107 au siège

Budget annuel 263 millions € 30 millions €

Nature du financement Majoritairement de bailleursde fonds institutionnels

Historiquement de fondsprivés mais une ouverturecroissante aux bailleurs defonds institutionnels

Type d’innovationmanagériale adoptée

La décentralisation dupouvoir du siège vers leséquipes sur le terrain àl’international

La décentralisation dupouvoir du siège vers leséquipes sur le terrain àl’international

Date du lancement del’innovation Début 2012 Fin 2012/Début 2013

Nature du poste despersonnes interrogées lorsde nos entretiens

- Cadre dirigeant- 2 chargés de missions(membre du comité depilotage de l’innovationmanagériale)- Chef de projet RH- Coordinatrice terrain RH/finance/logistique (ayantparticipé à la phase pilote)- Chef de mission- Administrateur terrain- Chef de projet terrain

- Cadre dirigeant- Responsable missionsFrance- Responsable des systèmesd’information- Chargé de développementdes ressources financières- Chargé de communication.- Responsable missionsinternationales- Coordinateur programmesterrain- Chef de projet terrain

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à elle, lancée officiellement l’innovationmanagériale à la fin de l’année 2012 pourune première application en 2013. Cetteinnovation visait à accroître l’autonomieet la prise de décision des managers surle terrain.

III – RÉSULTATS

Les résultats des deux études de cas ontrévélé trois facteurs majeurs favorisant lelancement d’une innovation managérialedans les OBNL.

1. Une culture organisationnelleintégrant l’innovation sourced’innovation managériale

L’intégration de l’innovation dans la cultureorganisationnelle des OBNL répond à undouble objectif : celui d’améliorer l’effica-cité organisationnelle, et celui d’augmenterla légitimé de l’organisation auprès desparties prenantes externes.Les entretiens ont révélé que l’innovation aété intégrée comme une valeur importantede la culture organisationnelle, que cesoit de manière formelle ou informelle. Encomplément, la valeur « prise de risque »est apparue également comme une valeurfondamentale pour l’ONGI 2, valeur direc-tement associée par cette ONG à l’innova-tion. Cette valeur est explicitement présentéedans les outils de communication internesmais aussi externes de l’ONGI 2, tels quele site officiel ou les rapports annuels.

Une intégration de l’innovation facilitéepar un management participatif fondésur la confiance

Les managers ont pu intégrer l’innovationà la culture organisationnelle parce qu’ils

étaient « ouverts d’esprit et toujoursréceptifs à de nouvelles idées » (managerde programme ; manager de projet,ONGI 2). Ils se sont montrés engagésdans la construction d’une solide relationavec le personnel en les encourageantnotamment à partager les idées nouvellespouvant conduire à une meilleure organi-sation du travail. Ce processus participatif« bottom-up » a permis d’impliquer l’en-semble des membres de l’organisationdans l’élaboration du diagnostic, maisaussi dans la proposition de solutionsinnovantes.« La confiance est un principe fondateurqui régit nos relations internes, elle facilitela diffusion de nouvelles idées mais aussi,et cela doit être remarqué, la réceptivitéde celles-ci » (Manager de programme,ONGI 2).Ce verbatim souligne l’importance accor-dée aux relations de confiance pourfavoriser l’émergence de nouvelles idéeset garantir la survie de celles-ci. Lespersonnes interrogées mettent en avant lefait que la remontée d’information estfacilitée par ce sentiment de confiance.Les membres du personnel expriment lefait qu’ils se sentent sereins quand il s’agitde parler des difficultés auxquelles ilsdoivent faire face et qu’ils n’ont pasl’inquiétude d’être considérés comme fau-tifs ou incompétents. Au contraire, lescollaborateurs sont plutôt encouragés parleurs managers à partager les difficultés leplus tôt possible, à demander de l’assis-tance en cas de besoin et à proposer despistes d’améliorations.Cette liberté de parole peut témoignerd’une certaine confiance interpersonnellequi facilite les remontées d’informations.

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Une volonté d’améliorerl’accomplissement de la mission sociale

D’après les personnes interrogées, cetterecherche d’efficacité devait avant toutpermettre de mieux accomplir la missionsociale de ces organisations. L’innovationmanagériale est alors apparue comme unesolution adéquate. Les membres de cesONG ont alors pensé qu’un processus dedécentralisation couplé au mode de mana-gement participatif « bottom-up » allaitpermettre une meilleure collecte d’informa-tions et une suppression des gouletsd’étranglement d’ordre administratif. Il étaitattendu que cette innovation puisse libérerles potentiels individuels et augmenter letemps alloué à la stratégie opérationnelle. Lerôle du personnel au sein du siège devaitmuter vers une mission de conseil et desuivi des équipes locales.Les résultats de certains entretiens ontégalement mis en exergue un autre objectif,celui de renforcer la légitimité externe pouraméliorer l’accomplissement de leur missionsociale. Les deux ONG attendaient de cetteinnovation managériale qu’elle puisse faci-liter l’évaluation et la présentation argumen-tée de leurs résultats et ainsi favoriser leursrelations avec les parties prenantes externes.« Nous voulions faciliter nos relationsexternes qui sont très importantes pourune ONG internationale comme la nôtre.Par exemple, vous apparaîtrez plus sérieuxet légitime avec les autorités locales sur leterrain si elles remarquent que vous avez desresponsabilités et de la prise de décision. »(manager de fonction supports, ONGI 1).Par ailleurs, dans ces deux ONGI l’intégra-tion de l’innovation à la culture organi-sationnelle s’est également accompagnéed’un enrichissement des connaissances sur

l’innovation managériale laquelle s’estappuyée sur la diversité et la multiplicitéde leurs parties prenantes.

2. Diversité des parties prenanteset enrichissement des connaissancessource d’innovation managériale

En s’appuyant sur la multiplicité et ladiversité de leurs parties prenantes, lesONG ont enrichi leurs connaissances surl’innovation managériale. L’apparition dece type d’innovation en a été favorisée.

Le personnel à statut mixte aux diversesexpériences, source d’innovationmanagériale

Les diverses catégories de personnel,bénévoles versus salariés, ou membreshistoriques versus nouveaux membresvenant du secteur lucratif, ont été encoura-gées par leurs managers à partager lesconnaissances acquises précédemment aucours de leurs diverses expériences. Sachantque la direction était ouverte et attentiveaux nouvelles idées permettant d’améliorerl’efficacité de leur organisation, plusieursmembres du personnel ont recommandé depromouvoir une nouvelle façon d’organiserle travail et de répartir les responsabilités.« Le recrutement d’un personnel trèsexpérimenté issus de divers contextes nousa aidés à insuffler un second souffle à notreorganisation. Plusieurs personnes au sein denotre organisation qui ont travaillé aupara-vant dans d’autres organisations nous ontfait remarquer que la décentralisation etplus de responsabilités pour les équipessur le terrain favorisent le développementet l’efficacité des missions. Ils ont utiliséleurs différentes expériences antérieurespour justifier leurs recommandations. »(manager de programme, ONGI 2).

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Ce verbatim met en avant l’apport de lamixité du personnel des ONG. Il soulignel’importance pour les OBNL de collecterdes retours d’expériences grâce aux échan-ges entre ses différents membres.Un point commun entre les deux ONGest apparu à l’analyse des données : il s’agitdu profil des membres ayant soutenu ladécision du lancement de l’innovationmanagériale. Ces membres ont un profiltrès expérimenté et ont travaillé à la foisdans le secteur lucratif et dans d’autresOBNL. Cette double expérience leur apermis de proposer les pratiques les plusadaptables au contexte spécifique desONG. Certains de ces membres avaientdéjà travaillé selon un mode d’organisationdécentralisé lors d’une expérience passéeau sein d’une autre ONG et ont pu expliciterpourquoi ce type d’organisation pouvaitse révéler adapté aux problématiques desONG.

Les agents externes de changementsources d’innovation managériale

Au sein d’ONGI 1, des agents externes dechangement ont aussi directement contribuéà l’enrichissement de connaissances surl’innovation managériale. L’ONGI 1 acollaboré étroitement avec des consultantstout au long du processus de création et delancement de l’innovation managériale. Lesconsultants ont aidé l’ONGI 1 à identifieret formaliser clairement les différents pro-blèmes qui limitaient l’activité. Après avoirétabli ce diagnostic avec certitude, cesderniers ont participé à l’élaboration etau lancement de l’innovation managériale.Leur expertise dans ce domaine et leurobjectivité de membres externes a facilitéce lancement.

Les retours d’expériences desorganisations membres de réseau externe,sources d’innovation managériale

Au sein de l’ONGI 2, aucun agent externede changement n’a joué un rôle direct dansla volonté d’enrichir les connaissancessur l’innovation managériale. Néanmoins,l’ONGI 2 a mis à profit son réseau externepour obtenir des informations auprès d’au-tres organisations, ayant, par le passé, déjàadopté un processus de décentralisation.Elle a pu ainsi collecter des informationset des retours d’expériences sur ce typed’innovation managériale. Des échangesplus fréquents avec les membres de sonréseau externe ont été alors réalisés.L’analyse des documents internes del’ONGI 2 a permis de constater une forteouverture vers l’externe. Cette ouvertures’est réalisée notamment à travers laparticipation à des projets en coopérationsavec d’autres OBNL dans plusieurs pays.Le directeur général a confirmé l’effet posi-tif de cette coopération sur les nouvellesconnaissances managériales acquises.« Nous commencions à avoir plus d’infor-mations sur la façon dont d’autres struc-tures s’organisaient lorsque nous avonscommencé à participer à des projets decoopération et d’alliance avec d’autresorganisations à but non lucratif. Grâceà notre réseau, je savais que certainesorganisations avaient adopté un processusde décentralisation. » (cadre dirigeant,ONGI 2).Ce verbatim souligne l’importance pour lesOBNL de collecter des retours d’expérien-ces externes grâce aux échanges avec lesautres OBNL.Toutefois, d’autres parties prenantes exter-nes peuvent influencer très différemment le

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lancement d’une innovation managériale.C’est particulièrement le cas des bailleursde fonds qui sont des parties prenantesincontournables pour les ONG. Les deuxONG ont dû gérer les effets paradoxauxde la pression de ces bailleurs de fonds surle lancement de l’innovation managériale.

3. La pression des bailleurs de fonds,source d’innovation managériale

La pression opérée par les bailleurs de fondspeut également pousser les OBNL à lancerune innovation managériale.

Les difficultés d’accès au financementdes bailleurs de fond, sourcesd’innovation managériale

Le durcissement des conditions pour obtenirun financement auprès des bailleurs defonds externes ont poussé ces deux ONG àse réinventer, en adoptant une innovationmanagériale. Au cours du temps, lesbailleurs de fonds institutionnels sontdevenus de plus en plus exigeants. Étantdonné la complexité et la lourdeur desprocédures administratives demandées, ilétait devenu difficile pour le personnel desdeux ONGI de remplir toutes les formalitésdans les délais impartis.« Il est vrai que nous devons être réactifsdans nos missions opérationnelles quenous menons sur le terrain, mais nousdevons aussi montrer de la réactivité à nosbailleurs de fonds externes locaux dontles appels à projets sont de plus en plusexigeants sur le fond comme sur la forme.Nous avions besoin de plus de flexibilitépour fournir une réponse appropriée etformelle en respectant les délais trèscourts des bailleurs. » (chef de projetterrain, ONGI 1).

Ces nouvelles exigences ont nécessité plusde réactivité de la part de ces OBNL. Uncertain nombre de personnes interrogéesont souligné les difficultés croissantes pourla levée de fonds et ont considéré l’appari-tion de ces restrictions comme l’un despoints de départ du lancement de l’innova-tion managériale.« Sur le terrain, lorsque nous travaillionssur un projet de collecte de fonds, nousdevions systématiquement envoyer lesdocuments au siège qui devait les vérifier,souvent les retravailler et puis les renvoyer,etc. avec de nombreux allers-retours !Nos procédures de validation étaient trèslaborieuses et nuisaient clairement à notreactivité de collecte de fonds avec desbailleurs assez exigeants. » (administrateurterrain, ONGI 2).

Une bonne gestion du risqued’innovation par les OBNL sourcesd’innovation managériale

Le lancement d’une innovation managérialereprésente pour ces organisations à but nonlucratif un grand risque et peut conduire àdes résistances. L’introduction d’une inno-vation managériale est strictement contrôléepour éviter, autant se faire que peut, unéchec. L’échec du lancement et l’absencedes retombées attendues peut nuire à leurréputation, et par conséquent, rendre plusdifficile l’obtention de financements futurs.Les managers considèrent l’échec dans lesecteur à but non lucratif comme très délicatà gérer. C’est pourquoi les managers ont« gardé à l’esprit qu’ils sont dans uneorganisation à but non lucratif et doncqu’ils n’ont pas le droit à l’erreur. » (cadredirigeant, ONGI 1 et 2).La pression croissante exercée par lesbailleurs de fonds, sur les managers, a

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Figure 2 – Les facteurs influençant le lancement d’une innovation managériale dans les OBNL

Une focalisa�on sur la réalisa�on d’une mission sociale enharmonie avec les valeurs fondamentales de l’organisa�on

• Veiller à ce que la réalisa�on de la mission sociale reste en

Une culture organisa�onnelle intégrantl’innova�on avec la volonté d’améliorerl’accomplissement de la mission sociale

qharmonie avec les valeurs fondamentales de la cultureorganisa�onnelle

• Trouver le bon équilibre dans la mesure des résultats, entrerésultats financiers et mesure de l’impact social

• Une intégra�on de l’innova�on facilitée par unmanagement par�cipa�f basé sur la confiance

• Une volonté qui se traduit par un double objec�fd’efficacité organisa�onnelle et de légi�mitéexternerésultats financiers et mesure de l impact social

Une complexe mul�plicité et diversité de par�es prenantesUne diversité des par�es prenantes conduisant

à un enrichissement des connaissances

• Concilier les perspec�ves différentes du personnel interne àstatut mixte

• Concilier les intérêts divergents des nombreuses par�es

• Les retours d’expériences du personnel à statutmixte

• La par�cipa�on directe d’agents externes dechangementl t d’ é i d i �

Lancement del’innova�onmanagériale

Une forte dépendance financière à l’égard des bailleurs de

Concilier les intérêts divergents des nombreuses par�esprenantes externes

• les retours d’expériences des organisa�onsmembres de leur réseau externe

Les effets paradoxaux de la pression desbailleurs de fonds et leur bonne ges�onfonds

• Entretenir la confiance des bailleurs de fonds qui exigent undevoir d’exemplarité

bailleurs de fonds et leur bonne ges�on

• les difficultés liées aux condi�ons de financementdes bailleurs ins�tu�onnels poussent à réinventerl’organisa�on et à changer le management…

i l'i t d � d' t l h t

• Tenter de conserver une certaine autonomie d’ac�onmalgré le strict contrôle des bailleurs de fonds

• … mais l'introduc�on d'une tel changementgénère des freins en raison de l’obliga�on derésultats et d’exemplarité sur la façon d’u�liser lesfonds obtenus

Organisations à but non lucratif et innovation managériale 175

poussé ces derniers à optimiser l’organisa-tion de leurs activités et la distribution desresponsabilités, ce qui a favorisé la décisionde lancer une innovation managériale.

IV – DISCUSSION ETCONTRIBUTIONS THÉORIQUES

La présentation des résultats a mis enévidence les spécificités majeures du cadremanagérial des OBNL (évoqués dans lapartie théorique de ce travail, cf. partiegauche de la figure 2) ainsi que les facteursfavorisant le lancement d’une innovationmanagériale (cf. partie droite de la figure 2ci-dessus).

1. Une culture organisationnelle propiceà l’innovation

Les résultats de ce travail ont permis demettre en évidence les motivations desOBNL à lancer une innovation managériale

à savoir l’augmentation de l’efficacitéorganisationnelle et le renforcement de leurlégitimité externe. Ce résultat complète lespremiers travaux sur l’innovation adminis-trative dans les OBNL qui n’avaient pasdéterminé les motivations de ces organisa-tions à lancer ce type d’innovation (Jaskyte,2011 ; Jaskyte et Kisieliene, 2006 ; Jaskyteet Lee, 2006).Par ailleurs, Jaskyte (2011) n’avait pastrouvé de lien significatif entre la cultureorganisationnelle et l’innovation adminis-trative. Cependant, cet auteur avait cons-taté que le management fondé sur laconfiance était un déterminant de l’innova-tion administrative dans les OBNL. Àl’inverse, Jaskyte et Kisieliene (2006)n’avaient trouvé aucune relation entrel’innovation administrative et le manage-ment fondé sur la confiance. En revanche,une relation positive entre l’innovationadministrative et certaines valeurs de la

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culture organisationnelle avait été mise enévidence. Étant donné ces résultats nonconclusifs, les liens existants entre laculture organisationnelle, le managementbasé sur la confiance et l’innovationmanagériale restaient encore non tranchés.Notre étude apporte des précisions surce sujet. Les résultats ont montré que lemanagement fondé sur la confiance est lemoyen pour les OBNL d’intégrer l’inno-vation dans leur culture organisationnelleà travers un management participatif« bottom-up ». Ce management a permisde favoriser l’acceptation du lancementde l’innovation managériale. Par cettedimension, ce travail contribue simultané-ment à une réflexion sur les OBNL et surl’innovation managériale, en identifiant unnouveau facteur déclencheur.Proposition 1. Une culture organisation-nelle propice à l’innovation peut être unfacteur déterminant de lancement d’uneinnovation managériale.

2. Un enrichissement des connaissancessur l’innovation managériale quis’appuie sur la multiplicité et ladiversité de leurs parties prenantes

Il est ressorti de la partie théorique dece travail que les OBNL font face à uneproblématique managériale centrale consis-tant à gérer une grande multiplicité etdiversité de parties prenantes dont lesattentes peuvent s’avérer divergentes voirecontradictoires, en interne (Hwang etPowell, 2009 ; Ridder et McCandless,2010 ; Kreutzer et Jäger, 2011), comme enexterne (Anheier, 2014 ; Maier et al., 2016).En interne, le personnel est de plus en plusdiversifié avec des bénévoles permanents,des bénévoles épisodiques, mais aussides salariés, professionnels provenant de

différents environnements tels que desentreprises privées ou des organisationspubliques ou d’autres OBNL. La distinctionentre les membres historiques et lesnouveaux membres des OBNL issus dusecteur lucratif contribue à cette diversifica-tion. Toutefois, les premiers travaux surl’innovation administrative n’ont pasexploré l’influence que pouvait avoir cettediversité du personnel interne (Jaskyte,2011 ; Jaskyte et Kisieliene, 2006 ; Jaskyteet Lee, 2006) sur le lancement d’uneinnovation managériale. Les résultats dece travail ont mis en évidence que lesOBNL peuvent tirer profit des connaissan-ces acquises par leurs divers personnelsau cours de leurs expériences passées. Laprésence de ces diverses expériences etl’utilisation d’un management participatifa été le moyen pour les deux ONGI detirer profit de cette diversité. Ce travail apermis de mettre en lumière la valeurajoutée potentielle que peut apporter ladiversité du personnel au sein des OBNL.La multiplicité et la diversité des profilsne sont donc pas uniquement source detensions managériales mais également d’op-portunités. Ce résultat s’inscrit alors dansla lignée des travaux qui, certes reconnais-sent les tensions liées à la mixité des profilsdans les OBNL, mais qui n’évacuent paspour autant la richesse des échanges quipeuvent naître de ces tensions (Freyss,2004 ; Le Naëlou, 2004 ; Maier et al.,2016). Les OBNL peuvent utiliser cettemultiplicité et diversité de leurs partiesprenantes internes pour enrichir leursconnaissances sur l’innovation managérialeet favoriser son apparition. Ainsi, ce travailsouhaite contribuer simultanément à lalittérature sur l’innovation managériale maisaussi à celle sur les OBNL.

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En externe, Jaskyte et Lee (2006) ont déjànoté que l’innovation administrative dansles OBNL est positivement liée à l’assis-tance technique fournie par des organisa-tions externes. Ce constat est dans la droiteligne des articles de Birkinshaw et al.(2008), Birkinshaw et Mol (2009) et celuide Mol et Birkinshaw (2014). Ils postulentque des agents de changement externes,tels que des experts, des consultants ouencore des universitaires, peuvent partici-per directement au processus d’innovationmanagériale au sein d’entreprises privées.Volberda et al. (2013) précisent queles organisations peuvent égalementessayer d’obtenir des informations surl’innovation managériale auprès des pre-miers adoptants sans que ces derniersn’interviennent directement. Cependant,Jaskyte et Lee (2006) n’ont montré aucunlien significatif entre l’obtention d’infor-mations via des relations interorganisa-tionnelles et l’adoption d’une innovationadministrative dans les OBNL.Or, les résultats de ce travail confirment quedes agents externes peuvent directement etindirectement participer au processus d’in-novation managériale au sein des OBNL.Des agents externes de changement peuventparticiper à la conception et au lancementde l’innovation managériale ou tout sim-plement être une source d’information. Cesrésultats mettent en évidence la complé-mentarité des travaux de Volberda et al.(2013) et ceux de Jaskyte et Lee (2006). Ence sens, ce travail contribue à compléterla littérature sur l’innovation managériale.Dans cette optique, il permet égalementd’identifier un nouveau facteur favorisantl’innovation managériale.Proposition 2. La diversité de partiesprenantes des OBNL peut être un facteur

déterminant dans le lancement d’uneinnovation managériale.

3. Une gestion des effets paradoxauxde la pression des bailleurs de fonds

Il est apparu dans la littérature (Akingbola,2013 ; Anheier, 2014 ; Hull et Lio, 2006)que les OBNL font face aux conséquencesd’une forte dépendance à l’égard desbailleurs de fonds externes. Les managersdes OBNL doivent se conformer simulta-nément aux exigences particulières deces bailleurs de fonds, telles que le devoird’exemplarité, tout en conservant unecertaine autonomie dans la prise de décisionet une certaine réactivité dans l’action.Toutefois, les premières études sur l’inno-vation administrative dans les OBNLn’ont pas exploré l’impact potentiel deces bailleurs de fonds (Jaskyte, 2011 ;Jaskyte et Kisieliene, 2006 ; Jaskyte etLee, 2006) sur le lancement d’une innova-tion managériale.Les résultats de ce travail ont révélé que lapression des bailleurs de fonds a des effetsparadoxaux sur l’apparition de l’innovationmanagériale dans les OBNL. Une bonnegestion de ces influences contraires estfavorable à l’apparition de l’innovationmanagériale. La difficulté croissante pouraccéder aux fonds externes pousse lesOBNL à se réinventer via une innovationmanagériale, ceci en dépit du fort risque quecela représente pour leur accès aux fondsfuturs en cas d’échec, et donc en dépit deleur réticence première à passer à l’acted’innover en termes de management. Ainsi,ces résultats contribuent au débat sur lemanque d’autonomie des OBNL vis-à-visdes bailleurs de fonds externes (Akingbola,2013 ; Anheier, 2014 ; Hull et Lio, 2006) etde leur influence négative sur la capacité

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d’une OBNL à réaliser sa mission (Najam,1996 ; Ebrahim, 2002 ; Ebrahim, 2003). Cetravail permet de nuancer ces conclusions enexpliquant d’où peut provenir la dimensionpositive de cette pression. Théoriquementle lancement d’une innovation managérialeimpacte positivement la performance desorganisations à travers une réalisation plusefficace de leurs objectifs organisationnels(Birkinshaw et al., 2008 ; Mol et Birkins-haw, 2009). Pour les OBNL la pressioncroissante exercée par les bailleurs de fondssur les managers, a poussé ces derniersà optimiser l’organisation des activités etla distribution des responsabilités via ladécentralisation. Cette innovation managé-riale a permis aux membres actifs sur leterrain d’améliorer la réalisation de leursactions et ainsi de mieux réaliser leurmission sociale. Les gains de temps généréspar le management décentralisé, à traversun besoin de « reporting » allégé et uneplus grande autonomie de décision auniveau local, y ont fortement contribué.Cet éclairage contribue également à lalittérature sur l’innovation managériale enidentifiant un nouveau facteur déclencheurde cette dernière.Proposition 3. Les effets paradoxauxgénérés par la pression des bailleurs defonds des OBNL peuvent être un facteurdéterminant dans le lancement d’uneinnovation managériale.

V – IMPLICATIONSMANAGÉRIALES

Les résultats de ce travail permettentd’établir les deux préconisations managé-riales fortes suivantes :– Au sein des OBNL, le management fondésur la confiance peut se traduire par

l’utilisation d’un processus participatif detype « bottom-up » où l’ensemble desmembres de l’organisation est impliquéactivement à la détection des problèmes et àl’explicitation des solutions possibles. Lessolutions provenant de la base hiérarchiqueen seront d’autant plus facilement accep-tées, même si celles-ci consistent à réin-venter la structure.– La mise en place d’une culture propice àl’innovation s’appuie sur la multiplicité et ladiversité des parties prenantes. En interne,les managers doivent saisir les avantagesliés à la diversité des profils de leurpersonnel (salariés versus bénévoles, mem-bres historiques versus nouveaux membresvenant du secteur privé) en incitant cesderniers à partager leurs connaissancesacquises au cours de leurs diverses expé-riences antérieures.

CONCLUSION

Ce travail révèle le cadre managérialparticulier des OBNL dont les spécificitésconduisent à l’identification de nouveauxfacteurs favorisant l’innovation managé-riale. Ce travail ouvre des pistes derecherche originales pour la littérature surles OBNL et sur l’innovation managérialeconstituant ainsi un nouvel agenda derecherche. Au regard de l’importanceéconomique des OBNL, il est clair quel’identification des facteurs favorisantsl’innovation managériale au sein des OBNLdoit être complétée, notamment en cher-chant à spécifier les facteurs propres àchacun des trois types d’innovation mana-gériale (Damanpour, 2014). Il est égalementimportant que les chercheurs s’intéressent àtoutes les questions relatives à la créationet à la mise en œuvre de l’innovation

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managériale au sein des OBNL et qu’ils enidentifient les principaux facteurs clés desuccès. L’impact de l’innovation managé-riale sur la performance des OBNL se doitégalement d’être évalué d’autant que lesfinanceurs externes conditionnent de plus en

plus l’octroi de leurs fonds aux OBNLglobalement performantes. En consé-quence, la mesure de la performance ausein des OBNL devient, de fait, crucialepour le devenir de ces institutions à but nonlucratif.

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