Expressions 562 - Supplément Fêtes escales

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www.expressions-venissieux.fr Supplément au numéro 562 16 JUILLET 2014 Carnet de voyage PHOTO RAPHAËL BERT Première escale J'arrivai en milieu d'après-midi. Là, je surpris une curieuse coutume, passionnante à suivre. Sur la place principale, un groupe mené par un chef — sifflet à la bouche — tapait à qui mieux mieux qui sur un tambour, qui sur un objet en ferraille. Le ciel étant très chargé, j'en conclus que par ces résonances, cette tribu éloignait nuages et mau- vais esprits. Accompagnés par les habitants, ils ont cheminé jusqu'à un terre-plein central, comme un grand parc, continuant leurs percussions. Au pied de quatre totems décorés, ils se sont arrêtés, ont tapé encore quelques minutes sur leurs instruments avant qu'une grande clameur s'élève. Je jetai un coup d'œil aux totems, hauts de près de 4 mètres: ils avaient chacun une forme ani- male et un décor de tissus et laines très colorés. Le ciel restait couvert mais, malgré toutes mes craintes, l'orage ne tomba jamais. Il faudra que j'en touche un mot à nos météorologues qui pen- sent tout savoir de la pluie et du beau temps et dédaignent les mystères tribaux. J'étais arrivé sans le savoir à un moment clef de la vie de la petite cité. On voulait sans doute célébrer là l'arrivée de l'été qui tardait. La pluie écartée, il fallait à présent de la musique pour que la chaleur monte. Plusieurs groupes se sont succédé sur les tréteaux aménagés dans ce que j'ai nommé "le parc". Les mélopées étaient différentes de l'un à l'autre, l'une ressemblant à ce que l'on entend en Abyssinie, ensuite réunie à celle du Calvados, mais toutes ont contribué à attirer une foule sur l'herbe, sans doute consacrée. Ces gens-là sautaient, tapaient dans les mains, criaient parfois les mêmes mots que celui qui était sur le tréteau et qui semblait être le chef du groupe. Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens- là, on ne fait pas semblant de s'amuser. On chante! Quand tous les feux se sont éteints, la pluie n'était toujours pas tombée et, la tête un peu raide, j'ai regagné ma tente.

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Supplément au numéro 562, consacré au festival Fêtes escales

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www.expressions-venissieux.frSupplément au numéro 562

16 JUILLET 2014

Carnet de voyage

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Première escaleJ'arrivai en milieu d'après-midi. Là, je surpris une

curieuse coutume, passionnante à suivre. Sur la

place principale, un groupe mené par un chef

— sifflet à la bouche — tapait à qui mieux mieux

qui sur un tambour, qui sur un objet en ferraille.

Le ciel étant très chargé, j'en conclus que par ces

résonances, cette tribu éloignait nuages et mau-

vais esprits. Accompagnés par les habitants, ils

ont cheminé jusqu'à un terre-plein central, comme

un grand parc, continuant leurs percussions.

Au pied de quatre totems décorés, ils se sont

arrêtés, ont tapé encore quelques minutes sur

leurs instruments avant qu'une grande clameur

s'élève.Je jetai un coup d'œil aux totems, hauts de près

de 4 mètres : ils avaient chacun une forme ani-

male et un décor de tissus et laines très colorés.

Le ciel restait couvert mais, malgré toutes mes

craintes, l'orage ne tomba jamais. Il faudra que

j'en touche un mot à nos météorologues qui pen-

sent tout savoir de la pluie et du beau temps et

dédaignent les mystères tribaux.

J'étais arrivé sans le savoir à un moment clef de

la vie de la petite cité. On voulait sans doute

célébrer là l'arrivée de l'été qui tardait. La pluie

écartée, il fallait à présent de la musique pour

que la chaleur monte.

Plusieurs groupes se sont succédé sur les tréteaux

aménagés dans ce que j'ai nommé "le parc". Les

mélopées étaient différentes de l'un à l'autre, l'une

ressemblant à ce que l'on entend en Abyssinie,

ensuite réunie à celle du Calvados, mais toutes ont

contribué à attirer une foule sur l'herbe, sans doute

consacrée. Ces gens-là sautaient, tapaient dans les

mains, criaient parfois les mêmes mots que celui qui

était sur le tréteau et qui semblait être le chef du

groupe. Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-

là, on ne fait pas semblant de s'amuser. On chante !

Quand tous les feux se sont éteints, la pluie

n'était toujours pas tombée et, la tête un peu

raide, j'ai regagné ma tente.

Mercredi 16 juillet 2014 - supplément au n° 562 - www.expressions-venissieux.fr

Deuxième escale

Comme nous descendions ce fleuve impassible,soudain, je ne me sentis plus guidé par leshaleurs. Je les vis sur la berge rire avecquelques Peaux-Rouges criards qui accro-chaient des cibles à des poteaux de couleurs.Une procession arrivait à grand bruit, ces so-norités envoûtantes étant créées par le mar-tèlement incessant de peaux tendues etd'objets secoués en tous sens. Ils nous ac-compagnèrent ainsi un temps, eux sur la riveet nous sur notre bateau, ivre de la joie com-muniquée par les indigènes.Une fois débarqués, nous fûmes accueillispar un sorcier. De sa voix douce et puissanteà la fois, il a bercé nos illusions, nous aparlé de sa chérie qui lui donnait tant demiel que les abeilles le jalousaient, a pansénos plaies et a versé du baume sur noscœurs ainsi apaisés. Je m'enquis de son nom :Jean Sangally.

Nous devions repartir et avons encore des-cendu le fleuve. Sitôt éloigné ce blues si bonà écouter, d'autres accords arrivèrent à nosoreilles, ressemblant à cette musique argen-tine procurée par le charango, mais arrangéeavec d'autres sons, d'autres styles. C'étaitoriginal et beau, parfois déroutant. Lescordes pincées nous parvenaient encore quedéjà un autre genre musical, une autre fureursubmergeaient tout. Une voix claire retentit,baignée de cuivres. De notre embarcation,nous suivions avec intérêt musiciens et dan-seuses qui se trémoussaient. L'ensemble avaitde la puissance. La manœuvre pour franchirune écluse nous permit d'apprécier longuementle spectacle avant de repartir dans la nuit.Le fleuve nous a laissé descendre où nousvoulions.

Jean Sangally

Les Têtes raides

Abyssinie Club

Femi Kuti

& the Positive Force

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Troisième escale

À notre nouvelle étape, le débarcadère étaitquasi désert quand nous avons accosté, ac-cueillis par un rideau de pluie. Quand il futlevé, un petit public était réuni pour écouterun chant cérémonial, plus parlé que chanté. Auxcôtés du personnage qui portait le nom deRaistlin et qui proférait ses incantations, unhomme tournait des plateaux circulaires ou plu-tôt les retenait dans leur rotation, les faisantpivoter d'avant en arrière et d'arrière en avant,créant un son étrange.Sur la passerelle, prêt à descendre, je jetai unregard circonspect à la première personne queje croisai et qui me répondit par un étrangeidiome : "Hip-hop !". Il m'a semblé traduire ainsisa satisfaction. D'ailleurs, le gaillard qui psal-modiait leva le bras et tout le monde fit demême.Raistlin fut remplacé par une jolie fille. "Vouspourriez être à la Coupe du monde mais vousêtes ici", me traduisit mon interprète. La Coupe

du monde ? Deux ethnies qui s'affrontent sur unterrain neutre, suivies par de très nombreusespersonnes, développa-t-il. C'est là le genre decoutumes étranges que l'on rencontre en voyageet dont on a du mal à expliquer l'engouement,une fois rentrés à bon port.La jeune femme séduisit son public et m'emballapar la même occasion. C'est mon deuxième coupde cœur dans ce voyage. Lorsque je demandaison nom à ceux qui l'écoutaient ravis, la seuleréponse obtenue fut : "Akua Naru". J'ignore ceque signifient ces mots mais l'impression est res-tée. Très bonne ! La foule n'était pas immensemais répondait au doigt et à l'œil. Et quand lajeune femme l'exhortait à s'amuser (c'est curieux,il m'a semblé comprendre : "On y va ?", comme sielle parlait notre bonne vieille langue), le publicrépondait d'un seul corps.À peine partie pour aller discuter et se faire por-traiturer avec des gens qui venaient la féliciter,la voici remplacée par un surprenant équipage,une femme et cinq hommes vêtus de lumières

bleues ou rouges et marchant au pas syncopé.Ils accomplissaient là des mouvements que je nesaurais refaire et que ma souplesse m'interdirait.Parfois, aucun de leurs membres ne touchaitterre. Parfois, seulement la tête. Ils semblaientglisser plus que marcher et mon interprète meglissa à l'oreille : "Artime". Ce devait être unegymnastique de ces contrées, comme j'ai vu letaï-chi-chuan en Chine.Les quatre autres personnes qui suivirent neparlaient pas mais criaient. Elles sont arrivéesavec des paroles sibyllines : "Pour ceux qui n'ai-ment pas le foot. Nous, on n'aime que l'OM !"Allez comprendre…"Le soleil, c'est dans le cœur", ont-ils encoreavancé alors qu'une pluie fine se mettait à tom-ber. Ce groupe avait un drôle de langage où re-venaient souvent des mots comme"aïoli","boulègue" ou encore "collègue".Le ciel s'illumina soudain d'un millier de lumièreséclatantes. Tandis qu'elles s'épanouissaient enbouquets, nous quittâmes le port.

Compagnie Artime

La Maison TellierTranscontinental Charango

Akua Naru

BrazucadaLes Frères Casquette

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Quatrième escale

Ce matin, la berge était animée. Plusieurs per-sonnes se réunissaient déjà au pied d’une estradetandis que d’autres, au loin, démontaient uneconstruction qui ressemblait à celles qui, lesjours précédents, avaient abrité les chanteursentendus.Sur l’estrade, un orateur parlait vite et mon in-terprète avait du mal à suivre. Il était questiond’un orage qui grondait. Je levai les yeux versles nuages sombres au-dessus de nos têtes maisle traducteur me tapota le bras et secoua latête. Il ne s’agissait pas de ce genre d’orage maisd’un qui avait secoué le pays et le monde entieril y a cent ans. Les primitifs sont amusants quipensent que leur village et ses environs consti-tuent l’ensemble de notre bonne vieille planète.Un chant angélique s’éleva, produit par dedouces voix enfantines. L’air était pur, les mélo-dies tout autant. Nous étions descendus du ba-teau et suivîmes le groupe à la fin du tour dechant. Nous nous sommes enfoncés dans un boissacré, dont l’entrée était gardée par un troncsculpté majestueux.

Tout curieux de l’environnement, nous nous aper-çûmes enfin que ce petit monde s’était assis dansl’herbe tendre ou à des tables et commençait àmanger. Nous en fîmes autant, bercés par leschants des oiseaux et des musiques folkloriquesaux airs entraînants.Un tribun fit son entrée. Son discours était re-copié par ceux qui l’écoutaient. À la fin, il lerelut et l’assistance hochait la tête, soulignantparfois un mot sur les copies.L’après-midi touchait à sa fin. Certains buvaientencore un verre, d’autres repartaient vers le précentral où des musiciens avaient pris place pourfaire danser les gens. Nous étions comme Ulysseaprès son beau voyage mais aucun de nousn’avait envie de retourner, plein d’usage et raison,vivre entre ses parents le reste de son âge. Nousavions découvert tellement de merveilles quel’envie nous prît de séjourner plus longtemps ici.Et d’y revenir dans un an, suivre à nouveau cesbelles fêtes où nous avions fait escale.

Jean-Charles Lemeunier

La Guinguette

à roulettes

Les Truites

Le tronc sculpt

é

de Patrice Lesage

La Maîtrise de l’Opéra

La Fanfare des Pavés

La Dictéerépublicaine