EXPLORER LES CULTURES VISUELLES SUR LE WEB

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DOI:10.3166/LCN.10.3.1735 2014 Lavoisier EXPLORER LES CULTURES VISUELLES SUR LE WEB Constituer un corpus à l’aide de la recherche inversée d’image ÉRIC DAGIRAL LAURENT TESSIER Cartographier et donner sens aux cultures visuelles numériques constitue un enjeu majeur pour les chercheurs se situant dans le champ des humanités numériques et pour les sociologues de la culture. Quelle que soit leur discipline, les chercheurs qui investissent ces nouveaux objets visuels sont d’abord confrontés à la question de la délimitation des frontières de ces corpus. Afin de contribuer à cet effort épistémologique et méthodologique, nous proposons ici d’expérimenter un renversement de l’usage de l’image numérique, en la considérant en tant que “trace d’usage” rendant possible l’exploration d’espaces en ligne et la constitution de corpus originaux. À cette fin, nous proposons plus spécifiquement d’utiliser des outils dits de “recherche inversée d’image”, dont nous discutons les apports et les limites dans la constitution d’un tel type de corpus. Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur lcn.revuesonline.com

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DOI:10.3166/LCN.10.3.17‐35  2014 Lavoisier 

EXPLORER LES CULTURES VISUELLES SUR LE WEB

Constituer un corpus à l’aide de la recherche inversée d’image

ÉRIC DAGIRAL

LAURENT TESSIER

Cartographier et donner sens aux cultures visuelles numériques constitue un enjeu majeur pour les chercheurs se situant dans le champ des humanités numériques et pour les sociologues de la culture. Quelle que soit leur discipline, les chercheurs qui investissent ces nouveaux objets visuels sont d’abord confrontés à la question de la délimitation des frontières de ces corpus. Afin de contribuer à cet effort épistémologique et méthodologique, nous proposons ici d’expérimenter un renversement de l’usage de l’image numérique, en la considérant en tant que “trace d’usage” rendant possible l’exploration d’espaces en ligne et la constitution de corpus originaux. À cette fin, nous proposons plus spécifiquement d’utiliser des outils dits de “recherche inversée d’image”, dont nous discutons les apports et les limites dans la constitution d’un tel type de corpus.

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Le Manifeste des digital humanities (Collectif, 2010) publié à l’issue des journées ThatCamp de 2010 rappelait que les objectifs des humanités numériques concernent l’ensemble des sciences humaines et sociales (SHS), parmi lesquelles la sociologie. Plus précisément, si l’un des objectifs des humanités numériques est de se saisir des nouvelles cultures et littératies numériques en développant des outils adaptés à leur investigation, une sociologie de la culture et des usages du numérique pourra sans doute être mise à contribution avec profit. Pour cela, encore faut-il que les outils des sociologues soient adaptés à l’exploration de ces nouveaux objets et des questions qu’ils suscitent.

Cette problématique de l’adaptation des outils d’enquête à des contextes techniques évolutifs n’est certes pas nouvelle. L’informatique, internet et plus généralement l’ensemble des dispositifs technologiques ayant trait à ce que l’on nomme aujourd’hui « le numérique » n’ont cessé d’interroger les recherches en sciences sociales au fur et à mesure de leur essor : à la fois en fournissant des objets de recherche nouveaux mais aussi en amenant les sociologues et l’ensemble des chercheurs en SHS à faire évoluer leurs pratiques et leurs méthodes. Cette histoire est richement documentée dans le contexte de l’analyse textuelle avec les recherches sur le langage « assistées » par ordinateur depuis les années 1960 (Burnard, 2012), en linguistique comme en littérature.

Si dans cette tradition, les données sémantiques continuent de constituer une matière essentielle du web et de concentrer une part considérable de l’attention des chercheurs en lettres, arts et humanités digitales, l’attention portée aux images accompagne également les reconfigurations constitutives des cultures numériques. En particulier, un premier type de travaux aux frontières des SHS, du graphisme, du design et du développement web se consacre à la conception de visualisations, avec le projet de représenter de façon innovante et efficace des résultats d’enquête ou des données textuelles et spatiales sous forme d’image. Tantôt outils d’analyse au service des media studies (Manovich, 2012, 2014), tantôt représentations graphiques de réseaux sociaux et chronologies interactives, nombreuses sont les initiatives qui visent à créer des images d’un genre nouveau afin de représenter et de permettre d’explorer toujours plus adéquatement les connaissances produites. L’analyse des images du web mobilise également, en parallèle, les méthodes issues de la sémiologie (Bonaccorsi, 2013).

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Une partie des méthodes mises en œuvre pour explorer les cultures numériques s’inscrivent dans le prolongement de pratiques classiques, en s’attachant à caractériser et à décrire un corpus, alors que d’autres se soucient plutôt de tirer parti des opportunités offertes par tels ou tels espaces d’internet, par leurs données et leurs métadonnées (Berners-Lee et al., 2006 ; Rogers, 2013). Parmi les nombreux projets visant le développement de méthodes d’enquête adaptées à la culture du web, on peut notamment mentionner la fameuse Digital Methods Initiative1 rassemblant plusieurs outils et programmes d’aspiration et d’analyse, se situant au croisement des cultural analytics, des digital humanities et methods, des software studies et de la computational culture. Si les projets et étiquettes ne sont pas sans recoupements, l’objectif de cette « initiative » collective, telle que l’explique Rogers, n’était pas d’importer des méthodes bien connues – qu’elles viennent des humanités, des sciences sociales ou de l’informatique. L’intention était plutôt de regarder comment ces méthodes pouvaient évoluer, un peu ou complètement, du fait des spécificités techniques de nouveaux médias2.

Afin de contribuer à cet effort épistémologique et méthodologique, nous proposons ici d’expérimenter un renversement de l’usage de l’image numérique, en la considérant non pas comme résultat d’une étude ou comme unité d’analyse, mais en tant que « trace d’usage » disponible sur internet, rendant possible l’exploration d’espaces en ligne et la constitution de corpus originaux. Quelle que soit leur discipline, les chercheurs qui tentent de cartographier et de donner sens aux cultures visuelles numériques sont confrontés à la question de la délimitation des frontières de leur corpus de recherche. Lorsqu’on interroge la production, la diffusion et la réception des images, le premier défi consiste à identifier et sélectionner les images pertinentes3. Or, dans l’exploration des cultures 1. https://wiki.digitalmethods.net/Dmi/DmiAbout : cette plateforme rassemble ainsi un certain nombre d’outils développés par et pour les chercheurs confrontés à des objets décrits comme natively digital. 2. https://wiki.digitalmethods.net/Dmi/MoreIntro (notre traduction). 3. À ce propos, voir par exemple Chenu (2010) pour le cas d’une analyse tout à fait classique de codage de propriétés identifiables au sein d’un corpus de photos de couvertures de l’hebdomadaire Paris Match, qui propose une analyse quantitative de l’évolution de leurs caractéristiques, et des sujets photographiés.

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visuelles du web, la question de la dissémination spatiale et temporelle du corpus peut s’avérer particulièrement épineuse.

Nous proposons ici d’utiliser des outils dits de « recherche inversée d’image », qui nous semblent justement pouvoir s’avérer utiles dans la constitution d’un tel type de corpus. Dans un premier temps, nous présentons le contexte de recherche qui nous a amenés à expérimenter ces outils, puis nous montrons que l’utilisation de ce type d’outil ne s’adapte pas pour autant à tout type de recherche d’image. Enfin, nous tentons de tirer de deux expérimentations quelques conclusions méthodologiques et épistémologiques plus larges quant à l’utilisation d’outils numériques dans le cadre de recherches en sociologie des cultures en ligne.

1. De la culture visuelle cinématographique aux codes visuels du web : une enquête sur la production de la réception

Les cultures visuelles numériques et notamment celles qui se développent sur internet n’émergent bien sûr pas sui generis : elles trouvent leurs racines dans les cultures visuelles « analogiques » des périodes antérieures et actuelles. Les images cinématographiques occupent en particulier une place importante sur le web : bandes-annonces, extraits, films en streaming et en téléchargement légal ou non, affiches officielles ou détournées, etc. Depuis le milieu des années 1990, les sites web ont ainsi pris une importance croissante dans la promotion des films de cinéma. Ces sites dits « officiels », d’accompagnement et de promotion des œuvres cinématographiques et télévisuelles, ont petit à petit occupé une place tenue autrefois par les seuls dossiers de presse. Comme ces derniers, les sites internet de films ont notamment pour fonction de « cadrer » la réception de l’œuvre (Tessier, 2008) en diffusant certaines interprétations du film, certaines images-clés.

À partir d’une enquête ethnographique portant sur les cultures jeunes et leurs usages au sein d’enseignements au lycée (Dagiral et Tessier, 2011), nous avons donc choisi de nous intéresser à la diffusion et à la circulation d’images de films via leur site officiel. Plus précisément, nous proposions d’analyser les réseaux visuels générés à partir du site internet d’une production cinématographique populaire issue d’une série d’ouvrages du même nom : le film Twilight produit par Summit Entertainment en 2008. La réalisation de ce type de site implique en effet la transposition d’un

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univers visuel sur internet. D’une part, nous nous intéressions aux motivations et aux choix de « cadrage » effectués par les producteurs de ces transpositions. D’autre part, nous réfléchissions à une méthode originale permettant de suivre la diffusion et la circulation des images mises à disposition par ce type de sites.

Ici, « cadrer » c’est donc d’abord, pour les producteurs de fictions, diffuser une information, pour qu’elle soit reprise par différents médiateurs et intégrée par le public, à travers un processus de co-production de la culture en lien avec un ensemble de pratiques sociales (Pasquier, 2005). Reprise, c’est-à-dire mentionnée, citée, voire plagiée – ce dernier usage étant en l’occurrence tout à fait souhaité. À ce propos, on peut noter que les dossiers de presse et les sites internet promotionnels constituent des objets de littératie particuliers dans le sens où ils sont faits pour être plagiés.

Or, l’un des objets centraux de ces pratiques de cadrage semble bien être les images, posters, fonds d’écran pour ordinateur ou pour téléphones portables et autres déclinaisons des « photographies officielles ». Celles-ci constituent l’une des rubriques essentielles de tout site internet promotionnel : les « goodies ». Le téléchargement, la reprise sur des sites personnels, l’appropriation et la transformation de ces images sur des blogs sont encouragés. Ils sont perçus comme un maillon décisif du succès auprès d’un public « primaire », voire de ce qu’on pourrait appeler un public « zéro » (dans le sens d’une audience-test), sollicité, « sondé », mais aussi, donc, « cadré ».

La diffusion et la reprise des images sur internet a déjà donné lieu à une série de travaux dans le champ sociologique. Ainsi, de la transformation des images officielles par des fans afin de réaliser leurs avatars sur les forums qu’ils visitent, ou toujours sur ces forums, les bannières et les signatures visuelles qui parent leurs posts (Béliard, 2009). Plus largement, la richesse du travail des amateurs et passionnés consacré à une présentation de soi en ligne, à reprendre mais aussi à exprimer et à détourner des éléments culturels constitue un domaine d’étude actif depuis une dizaine d’années au moins (Allard, 2000, ou encore Chalvon, 2003). En outre, de premiers travaux se sont intéressés à la mise en ligne et aux formes de partage d’images par des particuliers sur des plateformes dédiées à la photographie, professionnelle, amateure ou mixte (Beuscart et al., 2009, dans le cas de Flickr).

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2. Recourir aux moteurs de recherche inversée d’image(s) dans la phase exploratoire de constitution d’un corpus

Pour le cas retenu, il s’agissait de suivre à la trace les voies de diffusion, d’appropriation et de transformation d’images émanant du site de Twilight. Appliquer à ce grand succès populaire un protocole de sociologie par l’image paraissait pertinent, d’abord parce que cette production entretient des interactions soutenues avec une communauté de fans, mais aussi parce que l’étude de cette communauté (à l’aide d’outils « classiques » de sociologie des réseaux) ne permettait sans doute pas de saisir l’ensemble des répercussions de ces images sur internet. En effet, un impératif méthodologique semble caractériser une très grande partie des travaux récents consacrés au web : l’arbitraire du choix du « lieu » de l’enquête, souvent guidé par un intérêt a priori pour les fans, pour des communautés d’intérêt spécifiques, ou encore pour des espaces particuliers du web4. Si ce choix peut bien sûr s’avérer tout à fait judicieux, il en est un autre qui permet de construire l’enquête à partir de l’image elle-même, et donc d’opérer véritablement une sociologie par l’image autant qu’une sociologie de l’image.

En tirant parti de la technologie d’un moteur de recherche inversée d’image, il devient en effet possible d’obtenir un large échantillon de localisations d’une image-source sur l’ensemble des espaces en ligne. Issu de recherches menées depuis les années 1970, ce domaine de la recherche informatique – en gestion des bases de données et en visualisation – s’est caractérisé par deux branches : l’une liée à la recherche fondée sur les éléments textuels, l’autre fondée sur les éléments spécifiquement visuels. Les deux approches se sont efforcées de contribuer au travail d’annotation et de codage manuel d’images, la seconde privilégiant l’indexation des images au prisme d’analyses colorimétriques et de texture, avec un triple objectif de perfectionnement du traitement d’images (visual feature extraction), de l’indexation multidimensionnelle et du dispositif de recherche au sein d’une base de données visuelles (Rui et al., 1999).

4. Ainsi les projets et outils listés sur le site de la digital methods initiative sont-ils notamment dédiés à l'étude de Twitter, Google, Facebook ou Wikipedia, parmi de nombreux autres ; en matière d’image et de vidéo, où les projets sont plus rares, on peut mentionner celui consacré aux images de Google (Google Image Scraper) ou encore Image Scraper, destiné à aspirer les images contenues sur une liste de pages – déjà ciblées au préalable par l’enquêteur.

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L’indexation d’image, en tant que pratique technique et scientifique, est évidemment bien antérieure à l’apparition de l’informatique. Il s’agit d’une activité séculaire, dans plusieurs disciplines, notamment en histoire de l’art. Ce type de pratique repose historiquement sur la construction de thesauri iconographiques, qui indexent les images contenues dans un fonds ou dans une collection à partir de mots-clés normés et hiérarchisés5. La pratique de l’indexation iconographique prend cependant une nouvelle dimension avec l’apparition de la photographie numérique et avec les infinies possibilités d’échanges d’images offertes sur le web (Boullier et Crepel, 2013). Il est intéressant de noter que l’indexation iconographique numérique prend son essor, non pas à partir du monde des bibliothèques, des musées ou des universités, mais à l’initiative des professionnels de l’image que sont les agences de presse. C’est en effet un consortium international d’agences de presse, l’International Press Telecommunications Council (IPTC) qui a défini le principal standard électronique d’échange et de stockage de métadonnées d’images (auteur, informations sur le copyright et informations descriptives). Depuis 2001, Adobe a mis en place un protocole nommé XMP (Extensible Metadata Platform) permettant l’inclusion des métadonnées IPTC dans les principaux formats de fichiers image. La recherche d’image sur le web est donc fortement structurée par la construction de ces métadonnées, dont la forme est co-construite par des professionnels de l’image ayant pour objectif de protéger leurs œuvres6 et par des acteurs de l’industrie informatique et logicielle ayant également leurs propres agendas (traçabilité des recherches à des fins commerciales par exemple). Cependant, de même que les images peuvent être modifiées, les métadonnées peuvent elles aussi subir des altérations.

Ces évolutions des opérateurs de traitement d’image ont ouvert la reconnaissance de formes et la possibilité de recherche par leur contenu même, en matière de photographie comme de vidéo, rompant ainsi avec des difficultés bien connues des humanités, partagées ici par des spécialistes de l’informatique dédiée aux questions visuelles : when it comes to 5. Voir par exemple la présentation du « vocabulaire iconographique » défini par la BNF dans le cadre de sa « politique d’indexation » : http://www.bnf.fr/fr/ professionnels/anx_catalogage_indexation/a.referentiels_sujet.html 6. En utilisant par exemple un logiciel comme Exiftool, ils peuvent ainsi « signer » numériquement leur œuvre, même si là aussi, il existe bien des manières de modifier ces métadonnées par la suite.

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organizing pictures, man has traditionally outperformed machines for most tasks. (...) Interpretation of what we see is hard to characterize, and even harder to teach a machine (Datta et al., 2008, 2). Parallèlement, les transformations connues en termes de moteurs de recherche et de généralisation de contenus de type image sur internet ont donné lieu à de premiers services accessibles gratuitement pour le grand public, permettant de retrouver des images sur la base de leur similarité avec l’image source sélectionnée – en l’occurrence, TinEye Reverse Image Search7 et Google Image Search8 (qu’il faut distinguer du service principal d’affichage de résultats de type image, Google Images, dont il constitue une fonctionnalité spécifique depuis 2011)9.

Ce principe rompt tout à fait avec les moteurs de recherche d’images les plus fréquemment utilisés, qui classent les images en fonction des mots-clés présents sur la page où est située l’image. C’est d’ailleurs pourquoi le rapport entre les images disponibles et la requête effectuée est souvent loin d’être évident. Prenons l’exemple d’une image-clef de Twilight (figure 1) rendue disponible sur le site promotionnel du film. Si l’on uploade cette image sur le moteur TinEye10, celui-ci propose quelques 1 022 résultats, soit autant d’URL ou d’adresses de pages web distinctes. Mais de manière générale, dans quelle mesure l’accès à de grands volumes de données visuelles constitue-t-il une ressource pour le chercheur en sciences humaines et sociales ? En quoi ces outils peuvent-il l’aider à répondre à la question posée par Lev Manovich : « comment comparer un million d’images ? » (Manovich, 2012).

7. http://www.tineye.com/ 8. http://www.google.com/insidesearch/features/images/searchbyimage.html 9. D’autres services (une vingtaine lors de notre recensement en janvier 2014), payants et gratuits, libres et propriétaires, existent, tels que Visual Similarity Duplicate Image Finder, PicsLikeThat, Superfish.com, tous présentant de plus ou moins grandes restrictions dans les bases de données au sein desquelles des images semblables sont susceptibles d’être retrouvées et associées. 10. www.tineye.com. Ce service, lancé en 2008, est conçu par une société canadienne. Son modèle économique repose sur la possibilité, pour des photographes professionnels, de retrouver leurs œuvres sur le net, y compris celles qui feraient éventuellement l’objet d’une exploitation non autorisée, enfreignant par exemple un copyright.

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Figure 1. Capture d’écran (extrait) de résultats de recherche affichés dans TinEye

Source : www.tineye.com, page consultée le 13 juin 2013

Pour chacune de ces adresses ou groupes d’adresses, le nom du fichier, les indications de taille (en pixels) et de poids (en kilo-octets) de l’image sont fournies par le service utilisé ici (TinEye), ce qui permet également d’identifier les images aux caractéristiques inchangées ou modifiées, et donc reprises depuis d’autres sites. Il est tout d’abord possible d’identifier l’ensemble des adresses où la photo ci-dessus est présente et d’en dresser la liste, en vue de les coder selon, par exemple, le type d’espace en ligne dont il s’agit : blog, plateforme de blog, site personnel, page d’un site de réseau social, site de presse, etc.

Ainsi, treize « skyblogs » (dont on voit figure 1 les trois premières URL) reprennent exactement l’image JPEG que nous avons sélectionnée (mêmes dimensions et poids). Parmi le millier de résultats fournis, un premier travail peut consister dans la caractérisation des espaces de reprise d’une image produite pour faire connaître le film. On ne part pas a priori, en choisissant un forum reconnu de fans de Twilight, leur page Facebook ou un blog particulièrement reconnu. Au contraire, on cartographie l’ensemble des espaces de diffusion d’une image, du moins ceux considérés par le service utilisé. Ici, l’analyse guide donc, entre autres, vers une constellation de blogs francophones, et non vers une construction

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collective élaborée, telle qu’un site web autonome et ses forums. On voit bien ainsi comment le suivi d’une image peut permettre le repérage d’autres espaces pertinents11 de reprises et d’usages de visuels.

On sait par ailleurs combien les usages « jeunes » des blogs font la part belle aux photographies. À partir de la base d’adresses collectées, il devient possible d’identifier d’éventuels réseaux de réception, comme de mesurer son éparpillement (élément plus rarement pris en compte). Sur quels types de sites web l’image se retrouve-t-elle diffusée ? S’agit-il plutôt de sites de promotion cinématographique, ou de prescription de choix télévisuels ? Dans quelle mesure trouve-t-on des blogs ou des forums, et quelles sont leurs connexions éventuelles avec le site officiel ? Ceux-ci sont-ils isolés, ou, au contraire, reliés entre eux ? D’autres caractéristiques, telles que la langue et la nationalité par exemple, peuvent faire l’objet d’une étude. On le voit, l’image est alors bien le matériau originel d’une enquête sur la diffusion des significations culturelles.

Le second niveau d’analyse permis par cet outil en ligne consiste dans l’identification des transformations apportées à l’image de départ, et donc dans l’étude de ses usages, simultanément à leur circulation. Sur la base de l’analyse de l’image de départ, le moteur permet en effet de classer des images modifiées et retravaillées à l’aide de logiciels de retouche.

Tineye nous permet de retrouver la trace de notre image modifiée sur des blogs de fans, mais aussi sur des sites tels que Flickr ou DeviantArt. Sur Flickr, on observe par exemple des apprentis photographes qui s’entraînent à la retouche d’image à partir de cette icône de la culture pop (pour ne conserver que le couple principal à partir de l’image d’origine). Sur DeviantArt, de jeunes artistes s’essayent au contraire au détournement et au pastiche, avec des appropriations souvent plus ironiques, voire critiques. Dans les deux cas, il s’agit de reprises qui excèdent le champ du « fandom » (Jenkins, 2006).

La méthode que nous proposons n’est ici qu’esquissée. À partir d’une image de Twilight, on voit cependant que le bénéfice de cette méthode se situe à la fois dans la construction d’un corpus et dans l’identification 11. Il faut néanmoins préciser que l’ensemble des résultats affichés dépendent bien évidemment du travail d’indexation de pages web réalisé en amont par ledit moteur de recherche d’images, et qu’il ne rend pas absolument compte du « réel ».

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d’une variété d’appropriations des images, c’est-à-dire dans la construction d’une cartographie plus complète de la diffusion et des usages amateurs de la culture populaire. Cependant, cette méthode, et l’outil sélectionné s’avèrent-ils pertinents quel que soit l’objet analysé ? Afin de poursuivre leur expérimentation, nous avons tenté de les appliquer à un second objet, non issu des industries culturelles : l’affaire de la restauration de l’Ecce Homo de Borja12.

Figure 2. Image retravaillée et mise en ligne sur DeviantArt.com

Source : http://twilighters-forever.deviantart.com/,

page consultée le 21 août 2013

3. Analyser la circulation d’une image numérique : quelles stratégies ?

Cette « affaire » constitue un cas assez emblématique des nouvelles formes de culture visuelle du web, et plus particulièrement de ce que l’on appelle les « mèmes »13. Il s’agit donc d’un objet assez différent de l’image de Twilight précédemment évoquée, dont la source était clairement définie : issue d’un département de marketing cinématographique, et mise à disposition des internautes à des fins de promotion. Dans le cas de l’image de Borja, au contraire, la diffusion de l’image et ses transformations ne sont nullement anticipées ni voulues par la productrice originale. Ce sont des blogueurs et des journalistes qui commencent à la 12. Nous remercions Dominique Vinck pour les échanges qui nous ont amené à cette seconde expérience. Celle-ci intervient en réponse aux réflexions menées par Dietschy et al., à paraître. 13. La diffusion « virale » de ces images du web est bien décrite depuis plusieurs années. Voir par exemple Gunthert, 2009, 2011, ainsi que les nombreuses analyses menées dans le cadre de la plateforme Culture visuelle (http://culturevisuelle.org).

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reproduire et à la commenter. Puis l’image est reprise et réinterprétée dans une multitude de contextes : comment cartographier et donner sens à ce type de phénomène ?

3.1. Cartographier les espaces de la dissémination et caractériser l’intensité d’une diffusion

Comme dans l’exemple précédent, le sociologue qui veut tenter de cartographier l’ensemble des ramifications de l’affaire de l’Ecce Homo de Borja sur le web peut décider de passer par l’utilisation d’un moteur de recherche classique tel que Google. En interrogeant ce dernier avec les mots-clés « restauration Ecce homo Borja », on obtient environ 15 500 résultats (requête effectuée en janvier 2014). Outre la difficulté de trier les résultats pertinents et d’éliminer les redondances, le moteur Google de signalement d’images via une requête sémantique s’avère un outil insatisfaisant pour la recherche d’images pour la seule recherche d’images identiques, ou proches. Comme on le sait, les résultats de recherche de « Google image » tel qu’utilisé par défaut ciblent en effet les pages qui contiennent les mots-clés requêtés, et non les images elles-mêmes. Ce résultat brut de 15 500 pages est donc parasité par un grand nombre de résultats non pertinents.

L’utilisation d’un outil de recherche complémentaire, spécialisé dans la recherche et la comparaison d’images s’avère alors utile. Comme on l’a vu, l’outil TinEye a initialement été conçu pour permettre à des photographes professionnels de traquer sur le web les utilisations pirates de leurs œuvres. Mais il peut également permettre à un chercheur d’étudier le phénomène « Borja » en se focalisant, plus que « Google images », sur les images pertinentes : il permet tout d’abord d’identifier chronologiquement les premières images diffusées (l’outil permet de classer les images de la reproduction de Borja par date de mise en ligne), mais également d’étudier comment elles se diffusent et quelles transformations sont introduites.

3.2. Comparer et rapprocher différentes versions d’une image sélectionnée : trier et délimiter un corpus

Un second type d’usage consiste à identifier grâce à ce type d’outils le développement des caricatures grâce aux fonctionnalités de comparaison

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d’images proposées sur la base de points communs, en vue par exemple de cibler celles qui ont le plus de succès, ou encore étudier par quel type de populations elles sont reprises.

En uploadant une photographie cadrée selon les modalités de l’image originelle de la restauration de Borja retrouvée, Tineye identifie ainsi 167 versions différentes de l’image, qui peuvent aller du simple effet de recadrage ou de zoom sur un élément, à la caricature modifiant la restauration pour la tirer vers tel ou tel élément de culture populaire. Par exemple :

Figure 3. Recherche Tin Eye : résultat 1 Source : http://joannemattera.blogspot.ca/2012/08/touching-up.html,

page consultée le 19 novembre 2013

Figure 4. Recherche Tin Eye : résultat 2 Source : http://panszpik.soup.io/since/304369972?mode=own,

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En classant les images par dates de mise en ligne, TinEye permet également de bien identifier le pic de production des caricatures, qui est en fait très concentré, à la fin du mois d’août 2012.

3.3. Identifier le travail de réception créatrice : usages, reprises et détournements à partir d’une image source

Cependant, la recherche via « Google images » conserve également des avantages, en permettant de cibler des images qui ne sont pas directement dérivées de l’œuvre originale, mais qui y font référence. Les images des figures 5 et 6 sont ainsi « invisibles » pour TinEye, tant leurs caractéristiques visuelles diffèrent de la source entrée, mais sont repérées par « Google images » sur la base d’éléments textuels signalant la multiplication de détournements humoristiques.

Figure 5. Ecce homo de Borja : détournement, exemple 1 Source : http://joannemattera.blogspot.ca/2012/08/touching-up.html,

page consultée le 19 novembre 2013

De plus, on peut noter que les deux exemples des figures 5 et 6 sont des images produites plusieurs semaines, voire plusieurs mois après la polémique elle-même : le temps passant, la restauration de Borja semble

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devenir un élément de culture populaire suffisamment intégré pour donner lieu à des citations subtiles, compréhensibles par le public même lorsqu’elles sont très éloignées de l’œuvre originale (alors que dans les exemples cités plus haut et produits « à chaud », on voit que la structure générale du document est conservée, jouant simplement sur des variations autour du visage du Christ).

Figure 6. Ecce homo de Borja : détournement, exemple 2 Source : http://robcroxford.blogspot.ca/2012_12_01_archive.html,

page consultée le 21 novembre 2013

En fonction de son projet et de ses objectifs, le chercheur a intérêt à sélectionner le, ou plutôt les outils les plus adaptés et complémentaires. Précisons enfin que depuis 2011, « Google Image » propose un dispositif comparable de recherche inversée d’image. Ceci pose alors une nouvelle question, celle de la comparaison et d’une connaissance interne approfondie des deux services que nous avons utilisés, sur les deux versants de l’indexation du web d’une part, et des processus de traitement d’image d’autre part.

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4. Conclusion

Ainsi l’expérimentation de moteurs de recherche inversée d’image(s) pose-t-elle, par elle-même et parce qu’elle recourt à des services commerciaux en ligne non initialement conçus dans une finalité de recherche en sciences humaines et sociales, une série de questions, autant qu’elle rend visibles certaines promesses pour l’enquêteur. Comme d’autres méthodologies d’analyse du numérique, cette pratique questionne directement au moins trois des cinq défis identifiés par Rieder et Röhle au sujet des digital methods au sein des humanités digitales. En premier lieu, il convient d’éviter, à travers leur usage, l’effet « boîte noire » des technologies et des algorithmes sur lesquels reposent ces services. Second point, il convient de se méfier du « leurre de l’objectivité » (relation entre les résultats retournés et le réel ainsi décrit, caractérisé et mis en données). Enfin, et d’une façon sensiblement différente dans le cas présent, il faut rester attentif vis-à-vis du « pouvoir de l’évidence visuelle » (Rieder et Röhle, 2012), ici moins entendue en tant que présentation graphique d’un résultat que dans le rapport aux données d’un corpus elles-mêmes.

S’il nous semble qu’une sociologie par l’image permet utilement de contourner des analyses circonscrites à des espaces préalablement délimités d’internet, souvent segmentés et clos en raison de leur qualité marchande, elle se heurte néanmoins à la profondeur et au travail d’indexation des contenus qui composent les bases de données des services de recherche inversée d’image ici utilisés : les images qui sont susceptibles d’être trouvées et sélectionnées sont celles qui ont pu être indexées, en vertu de principes et de méthodes méconnus et particulièrement variables. En somme, les algorithmes des services qui peuvent contribuer à analyser la diffusion sont, au fil de l’évolution des usages, susceptibles d’être les mêmes que ceux utilisés par les internautes pour collecter des images qui les intéressent.

Enfin, on voit bien que dans ce type d’investigations, le chercheur est lui-même amené à construire des rapports subtils entre culture écrite et culture visuelle. Les deux sont intimement mêlées sur le web par le jeu des « tags » et des systèmes d’indexation et d’annotation des images. Autrement dit, on peut difficilement étudier la culture visuelle du web sans faire un lien décisif avec l’écrit, comme avec des données contextuelles. À côté des algorithmes attentifs à des patterns et à l’analyse

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de motifs des images, deux familles d’algorithmes coexistent qui analysent des données qualifiant les images, générées automatiquement dans le cas des métadonnées des photographies par exemple, ou accompagnant les images au sein d’une page web, dans les cas de l’inscription au sein d’un texte – et dont le lien avec l’illustration peut être d’une pertinence variable.

Ces quelques exemples rapidement abordés montrent bien à quel point les humanités contemporaines (et notamment numériques) échappent aux institutions qui les ont vu naître (universités, bibliothèques) : elles sont appropriées, transformées par de nouveaux groupes sociaux agissant sur le web et ailleurs, de manière plus ou moins organisée14. Cette mutation implique sans doute, comme on a tenté de le montrer ici, que les chercheurs aient recours à de nouveaux outils. Ces outils peuvent être construits dans le cadre académique. Pour peu que les équipes de recherche en aient les moyens, elles peuvent alors se doter d’outils directement adaptés à leurs problématique (sans compter le fait qu’utiliser un outil tel que Google peut poser diverses questions déontologiques, du fait de son caractère commercial et de l’opacité relative de son mode de fonctionnement). Cependant, on le sait, développer des outils dans le cadre académique est coûteux en moyens financiers, en temps et en collaborations. La rapidité étant ici un facteur clé, le phénomène étudié risque parfois d’avoir disparu, ou évolué de manière significative, avant que le monde académique ait pu construire l’outil permettant de le saisir – ou encore de le bricoler et de le détourner –, ces outils du web n’ayant, contrairement à des représentations communes, qu’une mémoire et une fonction d’archivage tout à fait limitées.

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14. Dans le même ordre d’idée, on pourrait également penser aux collectifs de traduction de sous-titres : la traduction, une activité typique des humanités, s’y trouve complètement réinventée par de nouveaux acteurs (Dagiral et Tessier, 2008).

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