EXPLORATEURS ET GRANDS VOYAGEURS DU MOYEN ÂGE...du XIVe siècle : les missionnaires en Inde et en...

EXPLORATEURSET GRANDS VOYAGEURSDU MOYEN ÂGE

François de Lannoy

Éditions OUEST-FRANCE

ExplorateursMoyenAge_001A128.indd 3 28/03/2017 14:05

6 - EXPLORATEURS ET GRANDS VOYAGEURS DU MOYEN ÂGE

Représentation du prêtre Jean sur une carte du XVIe siècle. akg-images/IAM.

bons connaisseurs des langues étrangères et des usages, pour entrer en contact avec des cours lointaines. Par la même occasion, ils les chargent de se renseigner sur les pays traversés. Dans la mesure où ces ambassa-deurs d’occasion écrivent à leur retour des rapports, ils se rapprochent des explorateurs modernes car leurs voyages sont source de nouvelles connaissances. Ce sont surtout ces « explorateurs » dont il sera question dans ce livre car ils répondent le plus à la défi nition moderne de l’explorateur, celui qui découvre des terres inconnues, qui fait un voyage de découverte, qui visite une contrée, un lieu en l’étudiant avec soin.

L’exploration au Moyen Âge ne pouvant être dissociée du commerce, de l’évangé-lisation et de la diplomatie, elle est tribu-taire d’un environnement. En dehors des moines irlandais et des Vikings, qui n’ont pas toujours exploité leurs découvertes ni laissé de textes précis, les explorateurs, au sens moderne du mot, n’apparaissent qu’au XIIIe siècle. Le développement des explorations à cette époque est lié à un contexte politique favorable, au dévelop-pement du commerce, à la ferveur mis-sionnaire de certains ordres religieux, les dominicains et surtout les franciscains. Il concerne essentiellement l’Asie centrale et l’Extrême-Orient, contrées jusqu’ici mal connues ou pas connues du tout, et se déroule dans le cadre de l’Empire mongol alors à son apogée. Ce grand mouvement de découverte du continent euro-asiatique, qui suscitera des récits remarquables par leur richesse docu-mentaire et leur modernité, dure un siècle et demi. Il s’arrête au milieu du XIVe siècle pour différentes raisons, à la fois politiques, militaires et sanitaires. Les steppes d’Asie centrale et l’Extrême-Orient se ferment ou ne sont plus atteignables sans danger. Le champ d’exploration se déplace alors vers l’Atlantique, le long des côtes de l’Afrique, annonçant les grandes découvertes de la Renaissance. Plus encore qu’au XIIIe siècle, cette nouvelle vague d’exploration, favorisée par les progrès de la construction navale et de la navigation, a comme ressort principal le commerce car il s’agit alors d’exploiter les richesses du continent africain et de décou-vrir une nouvelle route maritime pour se rendre en Orient.

Page de droiteCarte du monde connu au XIIIe siècle, surmontée du Christ entouré de deux anges. La Méditerranée et les grands fl euves (en bas de la carte, en vert) prennent la forme d’un « T ». akg-images/British Library.


GUILLAUME DE RUBROUCK - 55

marchands, diplomates, etc. Il rencontre notamment un bourgeois de Paris, capturé par les Mongols à Belgrade et devenu orfèvre à la cour impériale. Il effectue des excursions dans les environs de la ville, assiste à l’arri-vée d’ambassades étrangères, se renseigne, recueille les bruits, apprend la langue et trouve le moyen de rédiger des notes météo-rologiques d’une grande précision !

La mission de Guillaume se solde cepen-dant par un échec car il ne réussit ni à conver-tir ni à fonder un établissement catholique. Les rigueurs de l’hiver étant passées, le temps du retour arrive. Peu avant son départ, et sur ordre de l’empereur qui a pris en affec-tion le religieux, Guillaume est invité à une controverse publique opposant chrétiens, mahométans et bouddhistes. Au cours du

Le Grand Khan Ögödei (vers 1189-1241), troisième fi ls de Gengis Khan. Il règne de 1227 à 1241. Après sa mort, la régence est assumée par sa femme Töregene, qui fait proclamer Khan son fi ls Güyük que rencontrera Jean de Plan-Carpin. akg-images.



Ci-dessus Batu (vers 1207-1255), premier Khan de la Horde d’Or. akg-images/Pictures from History.

débat, les nestoriens, reconnaissant sa supé-riorité intellectuelle, renoncent à la parole à son profi t. Le franciscain sort victorieux de la controverse, mais son triomphe est sans lendemain car il n’obtient aucune conver-sion. Avant son départ, le 31 mai, au cours d’une ultime audience, l’empereur lui offre de l’or, de l’argent et de riches vêtements mais Guillaume refuse, demandant simple-ment au Grand Khan de bien vouloir accepter l’envoi de missionnaires pour s’occuper des chrétiens de sa langue résidant à Karakorum.

Guillaume de Rubrouck quitte Karako-rum le 18 juillet 1254 (le mois de la naissance de Marco Polo à Venise) sans Barthélemy de Crémone, resté sur place car trop malade, et

Ci-dessous Paysage de la steppe mongole avec la rivière Tuul, sur la route de Karakorum. akg-images/Justin Creedy Smith.


TITRE COURANT - 1LA FAMILLE POLO À LA DÉCOUVERTE DE L’EXTRÊME-ORIENT - 59

À la différence des précédents explora-teurs, Marco Polo n’est pas un religieux mais un marchand dont la famille est une habituée des voyages lointains.

Les Polo sont originaires de Venise où ils apparaissent dès le début du XIe siècle. La fi lia-tion du célèbre voyageur commence au début du XIIIe siècle avec Andrea Polo, son aïeul.

La famille Poloà la découvertede l’Extrême-Orient

Page de gauche Carte du Cathay (ancienne dénomination de la Chine). Détail de l’atlas catalan attribué à Abraham Cresques, 1375. akg-images/Pictures from

History.

Marco Polo vu par un artiste du XVIIe siècle. Fresque du palais Farnèse à Caprarola (Latium). akg-images/

De Agostini/G. Dagli Orti.



Ce dernier appartient à la noblesse mar-chande mais, comme ses successeurs, il occupe un rang relativement modeste. Sa famille, même si elle contracte de belles alliances, ne fait pas partie de celles appelées à siéger dans les instances politiques de la cité (notamment au grand conseil). Andrea Polo est le père de trois enfants, Marco, Nicolo et Matteo. L’aîné, Marco, surnommé plus tard il Vecchio (le Vieux), fi gure parmi les marchands de Venise engagés dans le com-merce oriental. Afi n de commercer plus facilement avec l’Orient et se rapprocher des grands marchés tartares et persans, il s’ins-talle à Constantinople et établit un comp-toir sur la côte sud de la Crimée avant de

rentrer à Venise en 1275. Vers 1250, Marco il Vecchio fait appel à ses deux frères, Nicolo et Matteo, et les charge d’entreprendre un grand voyage en Asie afi n de découvrir de nouveaux marchés, notamment auprès des Mongols qui venaient de conquérir la Perse et la Grande Turquie (actuel Turkestan). Les deux hommes se mettent en route et font de fructueuses affaires. Ils échangent des marchandises vénitiennes contre de la joaillerie précieuse (pierres et or). Puis ils se rendent sur la Volga où ils revendent ces pierreries au chef des Tartares du Ponant, Barkaï-Khan, réalisant un énorme bénéfi ce. De la Volga, les frères Polo gagnent Saray puis Boukhara dans le Turkestan où ils se

Venise à la fi n du Moyen Âge. Au XIIIe siècle, beaucoup de marchands vénitiens sont engagés dans le commerce avec l’Asie. Enluminure du XVe siècle. akg-images/IAM.


UN EXPLORATEUR ET GRAND VOYAGEUR MUSULMAN : IBN BATTÛTA - 97

« amazones » des Maldives ou les sangsues volantes de Ceylan. Cependant, lorsqu’il évoque les hommes à tête de chien des îles Andaman, déjà mentionnés par Odoric de Podernone et Marco Polo, il fait preuve d’es-prit critique et se rapproche de l’ethnologue en affi rmant de manière plus raisonnable que « les habitants ont des bouches sem-blables à la gueule d’un chien ». En Chine, Ibn Battûta s’attache surtout à décrire les

Ci-dessus Selon la légende, colportée notamment par Marco Polo, les habitants des îles Andaman ont des têtes de chien. Miniature illustrant un manuscrit du Livre des merveilles, XIVe siècle. BnF, Ms fr 2810. akg-images/De Agostini Picture Lib./M. Seemuller.

À droite Naturels des îles Andaman, peinture d’Alexander Kid, 1792. Lorsqu’il évoque ces indigènes, Ibn Battûta fait preuve d’esprit critique et ne se contente pas de répéter la légende qui courait à leur propos. akg-images/De Agostini Picture Library.



à tel point que certains auteurs ont remis en cause la réalité de ce voyage. Il est impos-sible, contrairement à ce qu’il affi rme, qu’il ait été à Pékin et semble s’être limité à la visite de Quanzhou et de Hangzhou, villes où vivent alors des communautés musulmanes. Il est notamment impressionné par la taille d’Hangzhou (Hang-Tchéou) : « Cette cité

communautés musulmanes implantées dans ce pays. Le reste ne l’intéresse pas ou lui échappe, comme il l’avoue lui-même : « La Chine, quoique belle, ne me plaisait pas ; au contraire, mon esprit était fort troublé en pensant que le paganisme dominait cette contrée. » Son texte est souvent imprécis, avec des invraisemblances chronologiques,

Inscription en arabe fi gurant dans la grande mosquée de Xi’an, province de Shaanxi (fi n XIVe siècle). Dans son récit, Ibn Battûta décrit les communautés musulmanes implantées en Chine, sans plus s’intéresser à ce pays qu’il ne comprend pas. akg-images/Roland and

Sabrina Michaud.



Table des matières

Introduction

Les précurseurs Un monde ferméLes précurseurs : moines irlandais et Vikings

La découverte de l’Asie centrale au XIIIe siècle et l’échec des premiers « explorateurs »Un contexte favorable à l’explorationLes premiers explorateurs hongrois vers la VolgaL’échec des dominicains

Un franciscain à la découverte de l’Asie : Jean de Plan-Carpin

Guillaume de Rubrouck

La famille Polo à la découverte de l’Extrême-OrientMarco Polo en ChineLa valeur et l’infl uence du récit de Marco Polo

Les explorateurs de la fi n du XIIIe siècle et du XIVe siècle : les missionnaires en Inde et en ChineMonte CroceCathala de SéveracJean de Monte-Corvino et Odoric de Pordenone

Un explorateur et grand voyageur musulman : Ibn BattûtaVoyage-pèlerinage dans le monde musulmanL’Inde et la ChineLe Sahara et l’Afrique noire

Espagnols et Portugais à la découverte de l’Atlantique Sud et des côtes africainesLes côtes africainesLes premiers navigateurs-explorateurs

portugaisLa découverte de la route des Indes

Conclusion

Sources et bibliographie

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Page de droite Détail d’une carte de l’Amérique fi gurant dans la salle des cartes du Palais des Doges de Venise. On y voit l’indication de la « Nouvelle Espagne », espace correspondant au début du XVIe siècle à une partie du Mexique actuel (ancien empire aztèque). akg/De Agostini Picture Lib.


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