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des IAA Revue de l’Observatoire La N° 131 - OCTOBRE 2018 ISSN 1299 - 8095 FLASHS : TOUS LES FAITS MARQUANTS Crust'Armor s'agrandit Synutra - Carhaix : vers une reprise par Sodiaal Les fonctions support d’Agromousquetaires à Vitré Collet et Bellivo se rapprochent p.30 Les cartes de la Bretagne agroalimentaire p.36 TENDANCES AGROALIMENTAIRES DOSSIERS VIENT DE PARAÎTRE ACTIVITÉ L'activité régionale marque le pas au deuxième trimestre 2018 p.2 EXPORTATIONS Les exportations se contractent au deuxième trimestre 2018 p.4 EMPLOI Reflux de l'emploi dans l'agroalimentaire breton après un premier trimestre dynamique p.6 EMBARGO RUSSE Où en est-on quatre ans après pour les exportations agroalimentaires bretonnes ? p.7 INTERVIEW : BUREAU VERITAS Les industries agroalimentaires doivent placer le consommateur et le producteur au centre de leur réflexion blockchain p.16 LA FILERE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE Savoir-faire et dynamisme p.19 INTERVIEW : MARIE KIEFFER, ABEA Une rentrée chargée pour la formation professionnelle p.27 Service Économie-Emploi, Chambres d’agriculture de Bretagne Rue Maurice Le Lannou - CS 74223, 35042 RENNES Cedex www.chambre-agriculture-bretagne.fr DOSSIER : LE GROS PLAN Embargo russe : où en est-on quatre ans après pour les exportations agroalimentaires bretonnes ? Décrété en 2014, l'embargo russe a impacté directe- ment les exportations agricoles et agroalimentaires bretonnes. Il s'accompagne également d'autres effets. Entre risques et opportunités, les marchés internationaux ne sont pas un long fleuve tranquille, comme en témoigne Eric Vouland de Bretagne Commerce International.

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desIAARevue

de l’Observatoire La

N° 131 - OCTOBRE 2018 • ISSN 1299 - 8095

FLASHS : TOUS LES FAITS MARQUANTS• Crust'Armor s'agrandit

• Synutra - Carhaix : vers une reprise par Sodiaal

• Les fonctions support d’Agromousquetaires à Vitré

• Collet et Bellivo se rapprochent p.30

Les cartes de la Bretagne agroalimentaire p.36

TENDANCES AGROALIMENTAIRES

DOSSIERS

VIENT DE PARAÎTRE

ACTIVITÉ

L'activité régionale marque le pas au deuxièmetrimestre 2018 p.2

EXPORTATIONS

Les exportations se contractent au deuxièmetrimestre 2018 p.4

EMPLOI

Reflux de l'emploi dans l'agroalimentaire bretonaprès un premier trimestre dynamique p.6

EMBARGO RUSSEOù en est-on quatre ans après pour les exportationsagroalimentaires bretonnes ? p.7

INTERVIEW : BUREAU VERITASLes industries agroalimentaires doivent placerle consommateur et le producteur au centre deleur réflexion blockchain p.16

LA FILERE LAIT DE VACHE EN BRETAGNESavoir-faire et dynamisme p.19

INTERVIEW : MARIE KIEFFER, ABEAUne rentrée chargée pour la formationprofessionnelle p.27

Service Économie-Emploi, Chambres d’agriculture de BretagneRue Maurice Le Lannou - CS 74223, 35042 RENNES Cedex

www.chambre-agriculture-bretagne.fr

DOSSIER : LE GROS PLAN

Embargo russe : où en est-onquatre ans après pour lesexportations agroalimentairesbretonnes ? Décrété en 2014, l'embargo russe a impacté directe-ment les exportations agricoles et agroalimentairesbretonnes. Il s'accompagne également d'autreseffets. Entre risques et opportunités, les marchésinternationaux ne sont pas un long fleuve tranquille,comme en témoigne Eric Vouland de BretagneCommerce International.

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DOSSIERLA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

La Bretagne est la première région française pour la productionde lait, avec plus de quatre entreprises agricoles sur dix quiproduisent du lait. Environ 11 300 élevages laitiers livrent 5,4milliards de litres de lait en 2017 au secteur de la transformationlaitière, soit 23 % du volume total national (cf. Encadré en page20). Le secteur industriel valorise l'essentiel de la productionlaitière bretonne. Un volume marginal est autoconsommé outransformé et vendu à la ferme. Quant au lait bio, il pèse pour2,5 % de la collecte régionale de lait et 22 % de la collectenationale de lait bio.

La production laitière bretonnese développe

Compte tenu des règles françaises de gestion des quotas laitiersqui ont contribué à figer les volumes de production des diffé-rents territoires français, pendant des décennies, la productionlaitière régionale est restée stable aux environs de 4,7 milliardsde litres. Plus récemment, suite aux réformes successives de laPolitique Agricole Commune et à la suppression des quotaslaitiers en 2015, la collecte laitière a augmenté.

Ainsi, en 2017, la production a atteint 5,4 milliards de litres, ce quireprésente une hausse de 15 % par rapport à 2007. Dans un plande développement de la filière élaboré en 2010 par l’Interpro-fession laitière régionale (Cilouest), le potentiel de croissancedes volumes entre 2012 en 2020 avait été estimé à 18 %. Enréalité, le développement de la production s’est révélé moinsdynamique : entre 2012 et 2017, la croissance atteint 6 %. Doré-navant, même sans les quotas laitiers, la production est contraintepar les contrats qui lient les éleveurs laitiers à leurs transforma-teurs. Parmi ces derniers, certains ne souhaitent pas développerleur volume de transformation voire préfèreraient le réduire pourune meilleure adéquation avec les marchés qu’ils visent.

1Bien que le lait soit produit sur l’ensemble du territoire régional,certaines zones sont plus spécialisées en production laitière avecdes volumes de plus de 6 000 litres par hectare de terre agricole(contre moins de 5 000 litres par hectare en moyenne régionale2) :au nord et à l’est du Finistère, dans les zones de Vitré, Fougèreset du centre Bretagne. Ces dernières années, la production de laittend à se renforcer dans les territoires qui sont déjà les plusproductifs.

Dans le même temps, le cheptel laitier a augmenté. Dans uncontexte de marchés instables, les éleveurs ont fait preuve de vigi-lance pour éviter de renchérir leurs charges de production. Lacroissance de la production laitière régionale s’est davantageappuyée sur un développement des effectifs de vaches que surl’amélioration de leur productivité, option souvent plus coûteuseen investissements ou en charges d’alimentation du bétail. Aucours de la dernière décennie, le nombre de petits élevageslaitiers a reculé sensiblement, tandis que la part des élevages deplus de 50 vaches laitières dans l’ensemble des élevages laitiersa fortement augmenté. En 2017 en Bretagne, un élevage laitier(y compris petits élevages) élève 57 vaches en moyenne. Le trou-peau moyen a augmenté de 20 vaches par rapport à 2007.

La filière lait de vache en Bretagne :savoir-faire et dynamisme Maud Marguet, Service Economie-Emploi des Chambres d’agriculture de Bretagne

La filière laitière occupe une place importante dans l’économie agricole régionale. En 2017, la production laitière contribueà hauteur de 21 % à la valeur1 de la production agricole régionale ce qui représente 1,8 milliard d’euros générés. En moyennesur les dix dernières années, il s’agit du premier secteur agricole breton en termes de chiffre d’affaires.

Libérée des contraintes administratives liées aux quotas laitiers, mais toujours encadrée par des dispositions contractuelles établiesentre les éleveurs et leur collecteur de lait, la production laitière se développe en Bretagne dans un contexte de volatilité importantedes marchés des produits laitiers. Celle-ci pénalise les résultats économiques des exploitations agricoles comme destransformateurs et incite les acteurs laitiers à chercher de nouvelles stratégies pour assurer l’équilibre de leurs activités.

Dense et diversifié, le tissu industriel laitier breton se caractérise quant à lui par un niveau d’investissement très dynamiqueen réponse aux divers marchés qu’ils soient nationaux comme internationaux.

Ces deux maillons se sont adaptés à la suppression des quotas laitiers, ils ont dû rénover leurs modes relationnels et font désormaisface à de nouveaux défis dont notamment celui de répondre aux attentes sociétales en veillant à ce que cela ne pénalise pasl’efficacité et la cohérence du secteur régional.

(1) La valeur de la production correspond au volume produit multiplié par le prix moyen correspondant, ce qui équivaut à un chiffre d’affaires dégagé par la production. Ellen’intègre ici ni la valeur des subventions, ni celle des services. Cette information est issue des Comptes de l’agriculture édités chaque année par les services statistiques duMinistère de l’agriculture.(2) A noter : Sur le sujet de la filière laitière bretonne, Agreste Bretagne propose également un cahier régional intitulé « La filière laitière en Bretagne », paru en janvier 2018.

Forte croissance de la production laitière bio

La production biologique connaît une dynamique de crois-sance ferme. Avec 137 millions de litres livrés à l’industriepar 531 fermes bio en 2017, la Bretagne compte 20 % desexploitations livreuses de lait bio françaises et représente22 % de la collecte laitière bio française. Le nombre d’ex-ploitations livreuses de lait bio a fortement progressé en unedécennie : seules 211 étaient en activité en 2007. Elleslivraient alors près de 50 millions de litres de lait.

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DOSSIER LA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

15 groupes industriels disposent au moins d’un outil de trans-formation de produits de grande consommation et d’ingré-dients laitiers en Bretagne. Ce sont ainsi 40 sites detransformation employant plus de 20 salariés qui sont en acti-vité en 2018 (cf. tableau 1 et figure 1). La plupart assure à la foisla collecte et la transformation du lait, mais certains transfor-mateurs spécialisés se concentrent exclusivement sur la trans-formation du lait, du beurre et de la crème qu’ils acquièrentauprès d’autres industriels laitiers.

Les coopératives représentent les deux tiers des livraisons régio-nales de lait. Parmi elles, Sodiaal Union, le premier collecteur delait en Bretagne, qui exploite sept usines en Bretagne, Laïta,Agrial et CLAL Saint-Yvi. Plusieurs transformateurs privés sontégalement actifs en Bretagne : Lactalis avec sept sites indus-triels, Savencia, Triballat Noyal, Sill ainsi que Froneri France,Synutra France International, Agromousquetaires, Andros, MarieMorin France, AB technologies alimentaires et JP Lallemand.Parmi ces transformateurs, Froneri et Synutra sont détenus par desgroupes étrangers, tandis qu’Agromousquetaires est une filiale du

Un secteur industriel denseet diversifié

Quinze groupes industriels disposent au moinsd’une unité de transformation en BretagneEnviron 90 % des livraisons bretonnes de lait sont collectées parcinq groupes industriels : Lactalis, Laïta et Sodiaal Union quicollectent chacun plus d’un milliard de litres de lait ainsi qu’Agrialet Savencia. Afin de réduire leurs coûts logistiques, la plupart desprincipaux transformateurs laitiers organisent collectivement lacollecte du lait. Ces accords de collecte se traduisent par le faitque le lait d’un élevage peut être collecté et transformé par unautre industriel que celui avec lequel il est sous contrat. Le déve-loppement actuel de la segmentation du lait pourrait à l’avenircompromettre cette organisation collective, puisqu’il conduit lestransformateurs à ré-individualiser partiellement leurs schémasd’approvisionnement en lait, ce qui contribuerait à majorer lecoût de la collecte laitière.

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62 % des élevages laitiers sont spécialisés dans la produc-tion laitière selon les services de l’Identification animale.14 % produisent du lait et de la viande bovine, 14 % exploi-tent un atelier de production porcine en complément del’atelier lait et 7 % des élevages laitiers détiennent égale-ment un atelier de production de volailles ou d’œufs. Lesautres élevages laitiers produisent des veaux de boucherieou élèvent en complément des ovins ou des caprins. Parailleurs en Bretagne, les élevages laitiers produisent dansleur très grande majorité l’herbe et les cultures fourragèresqui servent à l’alimentation de leur cheptel ainsi que, dansune moindre mesure, des grandes cultures.

Avec des élevages produisant annuellement moins de200 000 litres de lait et d’autres qui dépassent largement unmillion de litres, la région Bretagne présente une grandediversité de systèmes d’élevage. Un point commun à tous cessystèmes repose sur le système d’alimentation du troupeau.Grâce au climat tempéré et à une pluviométrie généreuse,les producteurs de lait peuvent valoriser des fourragesproduits sur l’exploitation (herbe et maïs majoritairement)pour alimenter leurs animaux et les vaches peuvent biensouvent pâturer au moins six mois par an. Cela permet de

maintenir les achats d’aliments concentrés à des niveauxfaibles, environ 1 100 kg par vache annuellement et donc decontenir les coûts d’alimentation.

Dans les fermes les plus petites, l’herbe peut représenterplus des trois quarts de la surface fourragère, mais enmoyenne elle représente environ 60 % de celle-ci. Le maïs(environ 40 % de la surface fourragère) représente dans laplupart des cas un constituant essentiel de la ration desvaches laitières. Avec des rendements plutôt stables dans letemps (le rendement matière sèche atteint 13 tonnes parhectare en moyenne sur les dix dernières années et s’éche-lonne selon les années entre 11 et 15 tonnes), le maïsconstitue une source fiable d’aliment, même les années oules conditions météorologiques sont moins favorables.

De plus en plus d’éleveurs tendent à réduire la part du maïsdans la surface fourragère et certains optent même pour unsystème totalement herbager. La plupart d’entre eux s’ap-puient sur les subventions de la Politique Agricole Communepour adapter leur système et maintenir l’équilibre écono-mique de leur entreprise. En parallèle, la part du maïs dansla surface fourragère tend à se renforcer lorsque la produc-tion laitière augmente.

Une grande diversité de systèmes d’élevage laitier

Les prix du lait payés aux producteurs bretons se sont révélésinstables au cours de la dernière décennie et il en a été demême pour les revenus agricoles. Le résultat agricole parunité de travail non salarié (RCAI)3 des exploitationsspécialisées dans la production laitière a atteint un sommetà 34 000 € en 2011, mais il avait chuté sous les 11 000 €lors de la crise de 2009. La dernière crise laitière a frappédurement les revenus en 2015 et 2016 et l’amélioration durevenu en 2017 (la statistique n’est pas encore disponiblevia le RICA) reste timide. Le pourcentage d’endettement s’est accru au cours des

dernières années. Bien qu’ils aient fait preuve de vigilance pouréviter de dégrader leur niveau de charges, certains éleveurslaitiers ont investi pour augmenter les effectifs de vaches et laproduction laitière. De plus, nombre d’entre eux ont dû recourirdavantage à l’emprunt pour faire face à la chute des prix dulait. Les subventions, pour l’essentiel des aides de la PAC,contribuent à l’équilibre économique des entreprises laitièresmais tendent à diminuer suite aux dernières réformeseuropéennes et encore plus récemment compte tenu duprocessus de convergence (intra-européenne et entre régionsfrançaises) des montants perçus.

Des résultats économiques des élevages pénalisés par la volatilité

(3) Le résultat agricole courant avant impôt (RCAI) est un solde intermédiaire de gestion standardisé utilisé dans la statistique européenne. Il est calculé sur la base de comp-tabilités réelles d’entreprises agricoles suivies dans le cadre du réseau RICA (Réseau d’information comptable agricole). Il correspond à la somme du résultat d’exploitationet du résultat financier que l’entreprise agricole a dégagé sur l’exercice comptable. Les charges sociales ainsi que les rémunérations de l’exploitant et de ses associés ne sontpas déduites de ce résultat.

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DOSSIERLA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

Tableau 1 : transformateurs laitiers* présents en Bretagne

Groupe industriel Naturedes capitaux

Nombrede sites

industriels*en Bretagne

Tranched'effectifssalariés

Périmètregéographique

d'implantation dessites industriels

Activités Gamme de produits laitiers

Lactalis Privé 7 [2000-2500] international Spécialisé dans les produits laitiers Produits de grande consommationet produits industriels

Laïta Coopératif 6 [1500-2000] national Spécialisé dans les produits laitiers Produits de grande consommationet produits industriels

Sodiaal Union Coopératif 7 [1000-1500] national Spécialisé dans les produits laitiers Produits de grande consommationet produits industriels

Triballat Noyal Privé 3 [800-900] international Produits laitiers et autres(produits végétaux) Produits de grande consommation

Sill Privé 3 [500-600] national Produits laitiers et autres(plats cuisinés, soupes...)

Produits de grande consommationet produits industriels

Savencia Privé 3 [300-400] international Spécialisé dans les produits laitiers Produits de grande consommation etproduits industriels

Froneri France International 1 [300-400] international Spécialisé dans les produits laitiers Produits à base de lait(crèmes glacées)

Synutra International 1 [300-400] international Spécialisé dans les produits laitiers Produits à base de lait(poudres infantiles en Bretagne)

Agrial (Eurial) Coopératif 2 [100-200] national Produits laitiers et autres(légumes, boissons, charcuterie,…)

Produits de grande consommationet produits industriels

Agromousquetaires Distribution 1 [100-200] national Produits laitiers et autres (viandes,produits de la mer, plats préparés…)

Produits à base de lait(crèmes glacées)

CLAL Saint-Yvi Coopératif 2 [100-200] régionalProduits laitiers et autres

(autres productions agricoles :bovins viande, légumes…)

Produits de grande consommation

Andros (Novandie) Privé 1 [50-100] international Produits laitiers et autres (produitsà base de fruits, confiseries…) Produits de grande consommation

Marie Morin France Privé 1 [20-50] régional Spécialisé dans les produits laitiers Produits de grande consommation

AB technologies alimentaires Privé 1 [20-50] international Spécialisé dans les produits laitiers Ingrédients fromagers

JP Lallemand Privé 1 [20-50] régional Spécialisé dans les produits laitiers Produits à base de lait(crèmes glacées)

Source : Chambres d’agriculture de Bretagne*transformateurs disposant au moins d’une implantation industrielle employant au moins 20 salariés

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DOSSIER LA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

groupe français de distribution Intermarché. Froneri se spécialisedans la production de crèmes glacées et présente une caracté-ristique rare pour ce type de transformation puisqu’il assureégalement la collecte du lait pour son site finistérien.

La concentration s’accroît dans le secteur bretonde l’industrie laitièreAu cours des dix dernières années, la concentration des acteursdu marché s’est accrue dans l’industrie laitière régionale. Parmiles événements majeurs qui ont émaillé cette décennie, Lactalisa repris en 2007 la Blanche Hermine, coopérative née de la disso-lution de l’entreprise bretillienne Nazart. Sill a acquis la Laiteriede Saint-Malo en 2008. Even, Terrena et Triskalia, trois coopé-ratives situées en Bretagne et dans les Pays de la Loire, ontrenforcé leur partenariat préexistant et regroupé en 2009 leursactivités industrielles laitières au sein de Laïta, qui était déjà uneunion commerciale. L’Armoricaine laitière a fusionné avec Laïtaen 2015. Sodiaal Union, premier groupe coopératif laitier français,s’est implanté en Bretagne en 2011 via le rachat de l’entrepriseEntremont-Alliance alors en grande difficulté financière. Coralisa fusionné avec Agrial (2013) après avoir racheté la Laiterie deDerval (2009, Pays de la Loire). En 2016, Agrial a fusionné ensuiteavec la coopérative Eurial qui détenait déjà un site industriel enBretagne.

De nouveaux acteurs à capitaux étrangers se sont égalementétablis dans la région. En 2016, le groupe chinois Synutra

International a inauguré à Carhaix une toute nouvelle usinedédiée à la production de poudre de lait infantile et établi unpartenariat avec le groupe Sodiaal pour son approvisionnementen lait et en lactosérum déminéralisé. Synutra prévoyait fin 2017d’implanter à Carhaix un nouveau site de production de lait UHTmais compte tenu de ses actuelles difficultés financières, le groupedevrait renoncer à ce projet. Rolland, une entreprise finistériennespécialisée dans la production de crème glacée, a été rachetépar le groupe britannique R&R Icecream en 2010 et est désormaisexploité par Froneri, une joint-venture établie entre Nestlé etR&R en 2016.

Au cours de la dernière décennie, le secteur de la transformationlaitière bretonne se caractérise également par sa forte dyna-mique d’investissement. Celle-ci porte sur trois axes principaux.D’importants investissements dans les capacités de transforma-tion d’ingrédients laitiers (poudres et autres), de beurre et decrème ainsi que de lait UHT notamment, visent à développer lescapacités de transformation pour renforcer l’activité, améliorer lavaleur des produits laitiers, répondre aux signaux du marché etfaire face à l’essor de la production de lait attendue suite à lasuppression des quotas laitiers. Les transformateurs cherchentégalement à améliorer leur performance industrielle et commer-ciale au travers d’investissements pour moderniser leurs outils,améliorer la chaîne d’approvisionnement et créer des plate-formes logistiques ainsi que réduire l’empreinte carbone et déve-

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(4) Source : Enquête mensuelle laitière FAM/SSP, résultats 2017 provisoires.

Figure 1 : effectifs de vaches laitières et principaux sites industriels* de collecte et de transformation de lait et de produits laitiers**

Source : Chambres d’agriculture de Bretagne – mise à jour août 2018

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DOSSIERLA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

lopper l’indépendance énergétique. Enfin, afin de diversifierleurs activités, les industriels réalisent des investissements dansla nutrition infantile, la nutrition santé, la nutrition clinique etmédicale, les produits biologiques, l’alimentation végétarienne ouencore le commerce alimentaire.

L’industrie laitière bretonne produit un large panelde produits laitiersLe mix-produit régional est dominé par quatre principaux produitslaitiers4, le fromage, le beurre, la poudre de lait écrémé et le laitde consommation.

Les volumes d’activité sont les suivants :

• 240 milliers de tonnes de fromages sont produites en 2017 soitenviron 14 % de la production nationale. L’emmental représente54 % des fromages produits en Bretagne et 51 % de la produc-tion française.

• 90 milliers de tonnes de beurre sont fabriquées soit 26 % de laproduction nationale.

• 120 milliers de tonnes de poudre de lait écrémé sont produitessoit 31 % de la production nationale.

• 600 milliers de tonnes de lait de consommation sont produitessoit 17 % de la production nationale.

L’industrie régionale fabrique également de la crème (100 milliersde tonnes, soit 22 % du total français), des yaourts et d’autresingrédients (sérums, caséines…). Le taux de valeur ajoutée5 dusecteur atteint 11 % en 2015, ce qui se situe en-deçà de lamoyenne française (17 %).

Deux raisons expliquent une grande part de ce différentiel deperformance. Les principaux produits laitiers bretons sont vendussur des marchés très concurrentiels, aussi bien au niveau nationalqu’international. Par ailleurs, aucun de ces produits ne bénéficied’appellation d’origine qui pourrait améliorer leur valeur. Cetaux de valeur ajoutée pourrait progresser dans les années àvenir, compte tenu d’investissements récents réalisés dans lescapacités de transformation de produits laitiers à haute valeurajoutée.

Les produits laitiers bretons sont vendus surdes marchés diversifiés au travers de différentscircuits de commercialisationLes principaux produits laitiers fabriqués en Bretagne peuventêtre rattachés à deux grandes familles de produits : les produitsde grande consommation (les « PGC » : lait de consommation,beurre, crème, desserts lactés, fromages…), destinés aux marchésfrançais et européen voire international (beurre, fromage) ainsique les ingrédients laitiers (poudres, caséines, lactosérum…) quisont vendus à d’autres industriels en France ou à l’international.Dans la région, l’industrie alimentaire (boulangerie-pâtisserie-biscuiterie, plats préparés…) offre en particulier un débouchénotable pour les produits laitiers bretons.

La plupart des PGC sont vendus sous les marques propres destransformateurs laitiers ou sous les marques de distributeur pourle compte desquels ils sont fabriqués. Ils peuvent être mis enmarché via la grande distribution, la distribution de proximité oules professionnels de la restauration hors domicile. Certains de cesproduits bénéficient d’une marque collective (Produit enBretagne), d’autres d’une marque de certification (Bleu BlancCœur pour les produits particulièrement riches en acide grasoméga 3).

Des débouchés nationaux et internationaux82 % du chiffre d’affaires de l’industrie laitière bretonne estréalisé sur le marché national. La production régionale dépasselargement le potentiel de consommation locale (elle est au moinsquatre fois supérieure en théorie).

Les exportations de produits laitiers (y compris crèmes glaces) ontgénéré 886 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017, contre499 millions en 2007. Ces statistiques n’incluent pas les ventes depoudres infantiles, qui se sont fortement accrues depuis quel’outil industriel breton de Synutra International est entré en acti-vité. Le scénario qui se profile pour la reprise de l’outil Synutrapar Sodiaal Union laisse penser que cette dynamique de déve-loppement des exportations de poudres infantiles devrait se pour-suivre, d’autant que Laïta a inauguré fin 2017 son nouvel outilspécialisé dans la production de poudres de lait de Créhen.

Près de 50 % des exportations (en valeur) sont orientées vers despays tiers. Ces dernières années, les ventes à l’exportation ont eutendance à progresser avec quelques revers en 2014, 2015 et2016 liés à l’embargo russe (cf. infra « Embargo Russe : où en est-on quatre ans après pour les exportations agroalimentairesbretonnes ?) ainsi qu’à la réduction momentanée des importationschinoises.

Des relations complexes au sein dela chaîne d’approvisionnement

Les relations au sein de la chaîned’approvisionnement sont régulées par la loiEn 2011, les contrats écrits sont devenus obligatoires au sein dusecteur laitier français, ce qui signifie que les transformateurssont désormais tenus par la loi de proposer un contrat aux éleveursqui leur livrent du lait. Les contrats français sont des contrats àrelativement long terme (cinq à sept ans) et comprennent desclauses obligatoires telles que le mode de détermination du prixdu lait, le volume concerné, la durée du contrat ou encore lesprocédures de rupture du contrat.

Ce cadre général se décline différemment selon que le transfor-mateur est une coopérative ou un groupe privé. Pour une coopé-rative, les documents d’adhésion, le règlement intérieur et lesstatuts tiennent lieu de contrat. Les coopératives sont tenues decollecter et de payer tout le lait produit par leurs adhérents. Ellesen assurent la transformation la plupart du temps et ont pourmission d’en retirer le plus de valeur possible.

Afin de gérer les volumes de lait produits, certaines coopérativesont instauré un mécanisme de prix différenciés pour compenserla disparition d’une forme de gestion des volumes permise par lerégime des quotas laitiers. Les éleveurs concernés par ce type dedispositif reçoivent un prix A pour un volume qui correspond àune grande part de ce qui était auparavant leur quota laitier. Ceprix est basé sur les valorisations du lait sur les marchés françaiset européens. Le prix B, basé sur les prix du beurre et de lapoudre de lait écrémé, rémunère les volumes restants. Il a étéconçu dans l’optique de permettre aux éleveurs de développerleur production de lait, s’ils le souhaitaient, mais ces volumesétant valorisés sur des marchés plus exposés à la volatilité, leurprix est moins stable que celui obtenu sur le marché des produitsde grande consommation vendus en France ou en Europe. Un prixC a également été instauré à un niveau très faible (« prix dissuasif »)pour rémunérer d’éventuels volumes supplémentaires : son

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(5) Source : Enquête Esane, Insee.

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DOSSIER LA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

objectif est de décourager la production d’excédents de lait. Lescoopératives peuvent par ailleurs demander aux éleveurs d’éta-blir une planification mensuelle de leur production, ce qui leurpermet d’adapter en amont leur organisation industrielle.

Les entreprises à capitaux privés doivent quant à elles établirdes contrats écrits. Les volumes sont souvent gérés plus stricte-ment. Les prix différenciés sont moins fréquents et les opportu-nités de développement de la production de lait sont plus faibles,voire inexistantes lorsque la stratégie du transformateur estd’ajuster strictement sa collecte à sa capacité de transformationen produits laitiers bien valorisés sur le marché.

Les producteurs laitiers et les transformateurss’efforcent de regagner du pouvoir de négociationEn Bretagne, le lait est abondant et la production devrait conti-nuer de croître dans les années à venir. Ainsi, les transforma-teurs ne rencontrent pas de difficultés à s’approvisionner, ce quin’est pas le cas dans toutes les régions françaises. De ce fait, lepouvoir de négociation des éleveurs est modeste, ce que semblenttraduire les prix du lait : les prix pratiqués par les différents trans-formateurs tendent à s’aligner sur les prix les plus bas.

Les relations entre les éleveurs et les transformateurs peuvents’avérer tendues, principalement en période de crise sur les

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Sur dix litres produits en France, six sont vendus sur le marchéintérieur sous forme majoritairement de produits de grandeconsommation. Ce débouché permet en théorie d’obtenir unevalorisation supérieure à celle issue des exportations de produitslaitiers basiques. Cependant depuis des années, la valeur desproduits laitiers vendus en magasin peine à progresser, voires’érode. La guerre des prix que se mènent les distributeurs,dans un contexte de consommation déclinante pour certainsproduits laitiers, en est l’explication principale.

Ainsi, regagner de la valeur sur leurs produits constitue unenjeu majeur pour les opérateurs laitiers. Pour y parvenir,redynamiser le marché est un impératif. Dans cette optique, lesinitiatives visant à segmenter le marché et à différencier leproduit se multiplient. Elles surfent sur la sensibilité duconsommateur aux promesses en matière de santé (lait plus richeen Oméga 3, produits laitiers allégés en sel), d’éthique(producteur mieux rémunéré), de proximité (lait breton) ouencore de pratiques agricoles jugées respectueuses du bien-êtreanimal et plus durables (bio, lait bas-carbone, lait de pâturage,lait de foin, vaches nourries sans OGM et/ou sans huile depalme,…).

Ces démarches portent en premier lieu sur le lait deconsommation, produit le moins transformé de l’univers laitier.Les cahiers des charges de production sont plus faciles à mettreen avant, le lien entre critères de production et produit finiétant plus immédiat. Si les volumes commercialisés restentencore modestes, tous les maillons de la filière sont bousculéset se positionnent.

Des éleveurs ou collectifs d’éleveurs ont les premiers proposédes alternatives aux démarches classiques (Cant’Avey’Lot,Mont lait, plus récemment En direct des éleveurs, Laitik, …). Lesgroupes de distribution amplifient la tendance en s’appuyant surleurs marques de distributeur. S’impliquent aussi des PME quise veulent le relais des attentes des consommateurs, avec desdémarches telles que C’est qui le patronn ?! et Agri éthique.

Finalement les groupes industriels rejoignent le mouvement : Bel,groupe fromager, revisite en profondeur sa collecte de lait ;Lactalis lance L’appel des prés, Sodiaal commercialise un laitestampillé Les Laitiers Responsables, Triballat Noyal réinvestitle marché du lait de consommation avec Le Petit Breton ; Agrialredynamise sa marque Agrilait déjà positionnée sur le créneaudu lait Bleu Blanc Cœur avec la garantie d’une alimentation sansOGM pour l’ensemble du troupeau laitier. Depuis 2016, le

groupe coopératif Laïta s’appuie quant à lui sur sa charte Passiondu lait pour structurer son approche autour de la qualité et dudéveloppement durable, qui porte à la fois sur le maillon élevagemais aussi sur le maillon industriel. Le groupe n’en fait pasencore la promotion auprès du consommateur.

Ce foisonnement d’initiatives appelle à la vigilance. Lamultiplicité des cahiers des charges présente le risque de rendrel’offre moins lisible aux yeux du consommateur, dont l’adhésionmassive et durable sera à confirmer. De plus, ces initiativesentrent nécessairement en concurrence. Soumises à l’impératifde se différencier toujours plus, elles pourraient se traduire parune forme de surenchère des messages délivrés auxconsommateurs ainsi que des cahiers des charges appliqués auxélevages. Elles questionnent aussi les démarches déjà existantes,telles que les Appellations d’Origine Contrôlée ou encorel’agriculture biologique, et pourraient les conduire à subir unebaisse de leur écart de prix vis-à-vis de l’offre standard et àrepositionner leur cahier des charges pour retrouver davantaged’éléments de différenciation.

Plus largement, leur impact sur l’efficacité économique globalede la filière reste à mesurer. Il pourrait s’avérer moins favorablequ’espéré, notamment si le développement des segmentationsnécessite de déconstruire les stratégies collectivesd’approvisionnement des transformateurs (accords de collecte),déstabilise les stratégies d’approvisionnement en alimentationanimale (comment assurer l’accès à un aliment non-OGM,même non français, vers les filières d’élevage bovines, avicoles,porcines ?), mais aussi si les prix de vente des produits laitiersne permettent pas de compenser les surcoûts liés à l’applicationdes cahiers des charges.

Avec le temps, l’offre se resserrera-t-elle et se normalisera-t-elleautour de cahiers des charges communs, à l’instar des démarchesde certification pour lesquelles les filières allemandes etnéerlandaises ont opté ? La réflexion initiée dans le cadre desEtats Généraux de l’Alimentation veut aller en ce sens. Le planFrance Terre de Lait formalisé par l’interprofession laitière doitaccompagner la montée en gamme de la filière dans sonensemble et la définition de normes communes autour du sans-OGM et du lait de pâturage. Cet effort de montée en gamme,dont l’impact sur la valorisation perçue par chaque maillon dela filière est difficilement mesurable à ce jour, constituera peut-être une opportunité pour redynamiser la consommation deproduits laitiers.

Foisonnement des démarches de segmentation dans le secteur laitier

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DOSSIERLA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

marchés laitiers où les mouvements sociaux des producteurs delait tendent à se multiplier sous différentes formes (manifestations,blocages d’usine, tribunes dans la presse, actions dans les maga-sins…). Ce constat vaut autant pour les transformateurs privés quepour les coopératives. Concernant les premiers, en période de prixbas, ils proposent parfois une avance remboursable sur le prix dulait en réponse aux revendications des éleveurs. Les coopéra-tives, bien qu’elles soient organisées par et pour les éleveurs,peuvent aussi être la cible des protestations de leurs adhérents.Lors des crises, la plupart des coopératives proposent des mesuresd’accompagnement aux éleveurs pour répondre à leurs besoinsde trésorerie (compléments de prix, ristournes sur les achats d’in-trants, formations…).

Les transformateurs eux-mêmes peinent à négocier avec lesecteur très concentré de la distribution alimentaire française.Les négociations tarifaires ont lieu tous les ans pour les produitsvendus sous les marques propres des transformateurs mais aussidans un second temps pour les produits vendus sous les marquesde distributeur. Elles peuvent se traduire pour certains produitspar des revalorisations des prix payés aux transformateurs, àl’instar du prix du beurre qui a bénéficié des difficultés d’appro-visionnement rencontrées en 2017 lors des négociations tarifairesde 2018. Cependant, les hausses n’atteignent jamais les niveauxde croissance qui peuvent être observés sur les marchésmondiaux. A l’inverse, les baisses de prix appliquées aux indus-triels par les distributeurs ne sont jamais aussi marquées quecelles qui peuvent survenir sur les marchés mondiaux.

Dans l’optique de renforcer leur pouvoir de négociation, lesproducteurs qui fournissent des transformateurs privés peuventadhérer à des organisations de producteurs (OP), qui elles-mêmespeuvent se fédérer en associations d’OP. Les éleveurs peuventprofiter de l’appui de ces organisations, bénéficier de clausescontractuelles plus intéressantes négociées par leur OP et s’ap-puyer sur des contrats cadres négociés pour leur compte par leurOP ou leur association d’OP.

De nombreuses OP sont présentes sur le territoire breton. Laplupart sont non-commerciales : elles ne disposent pas de lapropriété du lait pour lequel elles cherchent à négocier de meil-leures conditions de commercialisation. C’est le cas de l’APR quiregroupe des éleveurs livrant leur lait à Froneri ou encore del’APBO (Bel), de l’APLLT (Sill), de l’APLBL (Lactalis) égalementmembre de l’association d’OP Unell, de l’OPLGO (Lactalis), del’OPLB (Lactalis), de France Milk Board bassin Grand Ouest(plusieurs transformateurs) et de l’OP CLE P&S (Savencia) qui faitégalement partie de l’association nationale Sunlait6. Biolait est laseule OP commerciale présente sur le territoire. Elle prend encharge la vente auprès de plusieurs transformateurs du lait bioproduit par ses adhérents. Enfin, l’AOP Grand Ouest est uneassociation qui fédère plusieurs OP liées à des groupes de trans-formation différents.

Une autre voie pour consolider le pouvoir de marché des éleveurset des transformateurs consiste à développer la différenciation desproduits laitiers. Dernièrement, le groupe Bel a établi un partenariatavec ses éleveurs via leur OP dans le but de développer un cahierdes charges de production spécifique (pâturage des vaches,vaches nourries avec des aliments sans OGM) et de renforcer laqualité et la différenciation de ses produits. Le prix du lait payéaux producteurs Bel est désormais significativement plus élevé quecelui pratiqué par la plupart des autres transformateurs. Lactalis,Sodiaal, Triballat Noyal, Eurial… ont également lancé de nouvelles

initiatives de différenciation relayées auprès des consommateurs,reposant notamment sur la mise en avant des modes de productionadoptés dans les élevages. Une nouvelle marque collective« Lait de pâturage » a été mise en place en 2017 par des éleveursbretons souhaitant mettre en valeur le pâturage. Des éleveurs duGrand Ouest optent pour le cahier des charges de la SpécialitéTraditionnelle Garantie (STG) Lait de Foin, déjà développée enAutriche et en Allemagne, qui suppose une ration alimentaire desvaches laitières composée d’au moins 75 % d’herbe et de foin.

L’équilibre économique s’avère parfois délicat à atteindre pour cesnouvelles initiatives. Le positionnement prix de certains produitssegmentés doit parfois être révisé faute d’adhésion suffisante desconsommateurs. De même, les initiatives portées par les éleveursne trouvent pas systématiquement leur place sur le marché. Ainsi,avec l’espoir de capter plus de valeur sur leur lait, des producteursbretons ont décidé de créer leur propre outil industriel et devendre leur lait sous leur propre marque (Laitik) en 2017, mais ilspeineraient actuellement à trouver la rentabilité pour leur activité.

Les acteurs du secteur de la distribution alimentaire pilotentégalement leurs propres initiatives de segmentation du marché.Ils établissent des contrats avec des éleveurs ou des transforma-teurs pour apporter des éléments de différenciation aux produitslaitiers vendus sous leur marque de distributeur. Un autre typed’acteurs se positionne en tant que relais des attentes des consom-mateurs, à l’instar de la SCIC Société des consommateurs qui meten marché des produits laitiers sous l’estampille C’est qui lepatron ?! Dans le schéma développé par cet acteur, l’industrielpartenaire et les éleveurs associés respectent un cahier descharges établi directement avec les consommateurs et bénéficientd’un prix du lait sécurisé et rémunérateur.

La différenciation des produits au travers de celle des modes deproduction dans les élevages constitue une tendance notablepour le secteur laitier breton. Elle conduit à faire évoluer certainesdes pratiques historiques, remettant en cause certaines évolutionsdans les élevages telles que le recul du pâturage et certainesorganisations industrielles telles que les accords de collecte. Lefutur nous dira si ces démarches auront un impact économiquepositif pour la filière.

Une filière dynamique qui peuts’appuyer sur ses nombreux atoutspour répondre aux défis de demain

Parmi les atouts les plus évidents pour les élevages bretons, celuidu climat particulièrement favorable à la production fourragère,ce qui est gage d’une relative stabilité d’une année à l’autre desvolumes de lait produit. Souvent mise en avant, la spécialisationlaitière du territoire régional se caractérise par un nombre impor-tant d’élevages, d’outils de transformation ainsi que d’organisa-tions de conseil, d’éducation et de recherche. Cette spécialisationse révèle source de gains économiques mais aussi, et peut-êtresurtout, elle permet d’insuffler une véritable dynamique laitièreen Bretagne. Elle se traduit par des investissements récents, aussibien au sein du maillon élevage que du maillon transformation.Ce dernier s’illustre par la présence de leaders industriels inter-nationaux du secteur, mais aussi de transformateurs nationauxvoire plus locaux qui contribuent à ce que la région soit présentesur tous les types de marchés et de circuits de commercialisationdes produits laitiers. La plupart de ces industriels développent une

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(6) Association des Producteurs Rolland (APR), Association des Producteurs Bel de l’Ouest (APBO), Association des Producteurs Laitiers du Léon et du Trégor (APLLT),Association des producteurs de lait Pays de la Loire Bretagne Lactalis (APLBL), Organisation de Producteurs Lactalis Bretagne (OPLB), Association Organisation des ProducteursLactalis Grand Ouest (OPLGO).

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“DOSSIER LA FILIÈRE LAIT DE VACHE EN BRETAGNE :

SAVOIR-FAIRE ET DYNAMISME

gamme variée de produits laitiers, ce qui peut permettre d’amortirles aléas de marchés subis par certains produits. Enfin, la présenceen Bretagne de nombreux acteurs de l’industrie alimentaire utili-sateurs de produits laitiers constitue une voie pour diversifier lesdébouchés des transformateurs laitiers.

Les axes de progrès de la filière bretonne sont bien connus. Al’échelle des élevages, l’efficacité économique est limitée par unfaible degré de spécialisation dans l’activité lait au regard decelui des compétiteurs européens, des coûts fixes élevés, maisaussi une relative dispersion du parcellaire. La volatilité des prixdu lait et des intrants pénalise à la fois les éleveurs et les trans-formateurs et limite leur capacité à établir des perspectives fiableset à investir. Le taux de valeur ajoutée des produits laitiers bretons,encore inférieur à la moyenne nationale, mais aussi les relationsparfois tendues dans la filière face à un secteur de la distributiontrès concentré, constituent d’autres de ces points de vigilance.Enfin, le fait que les exportations bretonnes s’orientent majori-tairement vers un faible nombre de pays expose davantage lesopérateurs aux éventuels aléas géopolitiques, climatiques, sani-taires… qui pourraient survenir et s’avère aussi source d’une plusgrande instabilité.

Parmi les perspectives d’avenir, plusieurs défis seront à releverpour la filière laitière régionale. D’un point de vue agricole, ilfaudra faire face au besoin de renouvellement des actifs lié à desdéparts à la retraite attendus nombreux dans les années à venir.Un défi complexifié par la difficulté à trouver de la main d’œuvresalariée renforcée par le fait que d’autres productions agricolesparfois moins exigeantes en travail et en astreinte font aussi deplus en plus appel au salariat. Il sera pourtant indispensable dele relever : le plan de développement de la filière laitière bretonneélaboré en 2010 chiffrait à 50 % l’augmentation nécessaire dusalariat dans les élevages laitiers entre 2010 et 2020.

Si l’évolution démographique à venir inquiète, elle peut aussi serévéler une opportunité pour mieux structurer les élevages etgagner en efficacité. La réduction probable des subventions dela PAC ne fera quant à elle que renforcer le risque de cessationsd’activité liées à des équilibres économiques fragiles au sein des

élevages. Enfin, et cela vaut plus largement pour la filière fran-çaise dans son ensemble, le renforcement des attentes en matièred’environnement et de climat mais aussi les effets potentiels duréchauffement climatique notamment sur la production fourragèreconduiront vraisemblablement à des évolutions des élevagesmais aussi du secteur industriel.

En parallèle, de multiples opportunités s’offrent à la filièrebretonne en termes de marchés, avec des attentes grandissantesde produits locaux et différenciés mais aussi une demandemondiale en hausse pour le beurre et le fromage. Pour releverl’ensemble des défis qui se profilent, la filière pourra comptersur ses capacités, maintes fois prouvées, à se remettre en ques-tion, à s’adapter et à innover.

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Un projet européen Dairy4Future

Les enjeux d’adaptation à la volatilité des prix, d’améliora-tion de la compétitivité mais aussi de développement del’efficience dans l’utilisation des ressources naturelles sontcommuns aux filières laitières de l’Espace atlantique. Ceconstat s’est traduit par le lancement début 2018 du projetInterreg Dairy-4-Future qui s’intéresse aux filières de cinqpays localisées en bordure de l’Océan atlantique (France,Royaume-Uni, Irlande, Espagne et Portugal).

Ce projet, piloté par l’Institut de l’élevage et auquel parti-cipent les Chambres d’agriculture de Bretagne et de nom-breux partenaires européens, se donne comme objectifd’apporter des solutions techniques aux différents acteursamont et aval de la filière laitière afin d’améliorer la rési-lience et la durabilité des systèmes laitiers de l’Espaceatlantique. Il s’intéressera aussi aux stratégies de démarca-tion développées au niveau du maillon élevage de la filièreafin de donner davantage de valeur au lait et aux produitslaitiers.

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Comitéde rédaction

Gilbert BLANCHARDExpert associé

Roland CONANECCBB Capbiotek

Nicolas DEBETHUNEChambres d’agriculture de Bretagne

Gwénola FLOC’H PENNChambres d’Agriculture de Bretagne

Kristina FRETIEREDRAAF Bretagne

Marie KIEFFERABEA

Anaïs LANOËConseil régional de Bretagne

Nathalie LE DREZENChambres d’Agriculture de Bretagne

Youenn LOHEACBrest Business School

Valérie MARIETTEINSEE Bretagne

Guillaume MILLAUChambre de commerce etd’industrie de région Bretagne

Catherine MINIOTChambre de commerce etd’industrie Ille-et-Vilaine

Sandrine MOUTAULTDRAAF Bretagne

Joseph PENNORSChambre d’Agriculturedes Côtes d’Armor (Membre associé)

Julie RIOChambres d’Agriculture de Bretagne

Patrick ROLANDINBanque de France

Hervé THIBOULTChambre régionale d’Agriculture de Bretagne (Collège salariés)

Joël TINGAUDAtelier de l’Argoat

Dépôt légal 3ème trimestre 2018

Directeur de la publication : Jacques JAOUEN

Responsable de la rédaction : Julie RIO

Maquette et exécution : PYGMALION - Rennes

Prix de l’abonnement :

115 € TTC par an, 31,65 € TTC au numéro25,32 € TTC le numéro spécial

La reproduction des informations contenues dans cette revueest autorisée sous réserve de la mention de la source : “Revue de l’Observatoire Économique des IAA de Bretagne”.

Cette revue trimestrielle d’informations bénéficie du soutien financier du Conseil Régional de Bretagne et de la Direction Régionale de l’Alimentation,de l’Agriculture et de la Forêt

V I E N T D E PA R A Î T R E

Les cartes de la Bretagne agroalimentaireEdition 2018/2020

A l’occasion de l’édition 2018 du SIAL, le Conseil régional de Bretagne a demandé à BretagneDéveloppement Innovation (BDI) de réaliser la mise à jour des “Cartes de la BretagneAgroalimentaire”.

Avec la participation de l’Observatoire économique et social des filières agricoles etagroalimentaires des Chambres d’Agriculture de Bretagne, le Conseil Régional de Bretagne,Breizpack (Adria Développement), Bretagne Commerce International, Brit’Inov,CBB Capbiotek, la DIRECCTE, Plug in Labs Ouest (Université Bretagne Loire), le Pôle Cristal,Valorial, la ville de Quimper et Quimper Communauté, la plateforme 2PE (Université deRennes 1) et Initiative Bio Bretagne, BDI a produit 26 cartes qui éclairent sur les entreprisesindustrielles et leurs implantations.

Ce document présente tous les secteursagroalimentaires développés dans la région.

Ce sont l’industrie de la viande, du lait, de lacharcuterie-salaisonnerie, des plats cuisinés ettraiteurs, de l'alimentation animale, des produitsde la mer, de la transformation de légumes,de la boulangerie-pâtisserie-biscuiterie, des PAI,des algues, sans oublier les entreprises ayant leursiège en Bretagne, celles à capitaux étrangers,les grandes écoles et centres de transfert, ainsique celles engagées dans des labels de qualité.

En nouveauté par rapport aux éditions précédentes, découvrez aussi les cartes sur lesentreprises de l’emballage pour l’agroalimentaire et les projets européens impliquant desacteurs de ce secteur.

Les cartes existent aussi en version anglaise.Le document est disponible à l’adresse suivante :http://www.bdi.fr/iaa

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