eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters:...

90
Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà Premier trimestre 2020 Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement eVALUation Matters

Transcript of eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters:...

Page 1: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALU

ation M

atters : Pro

mo

uvoir une culture d

e l’évaluation en 2020 et au-d

elà eVA

LU

Prem

ier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l’évaluation

en 2020 et au-delà

Premier trimestre 2020

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

eVALUation Matters

Page 2: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

© 2020 – Banque africaine de développement (BAD)

eVALUation Matters

Est une publication trimestrielle de l’Évaluation Indépendante

du Développement du groupe de la Banque africaine de

développement. Elle propose différentes perspectives et perceptions

sur des questions liées à l’évaluation et au développement.

Rédacteur en chef :

Mirianaud Oswald Agbadome - Chargé principal d’évaluation

Remerciements :

IDEV remercie tous les contributeurs, réviseurs, éditeurs et relecteurs qui

ont travaillé sur ce numéro, en particulier : Karen Rot-Münstermann, Dieter

Gijsbrechts, Marc Ghislain Bappa, Abdoul-Aziz Ouattara et Tomas Zak.

Édition et traduction : Dieudonné Toukam; Melora Palmer

Conception et mise en page :

Créon (www.creondesign.net)

Crédits photos :

❙ © Groupe de la Banque africaine de développement

À propos de l'Évaluation indépendante du développement

La mission de l'Évaluation indépendante du développement de la BAD est

d'améliorer l'efficacité de l'institution en matière de développement dans

ses pays membres régionaux, à travers des évaluations indépendantes et

pertinentes, ainsi que des partenariats pour le partage des connaissances.

Avertissement :

Les opinions exprimées dans cette publication sont uniquement

celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de

l'employeur, l'organisation ou tout autre groupe ou individu.

Évaluateur général :

Roland Michelitsch [email protected]

Chefs de division :

Rufael Fassil [email protected]

Madhusoodhanan

Mampuzhasseril [email protected]

Karen Rot-Münstermann [email protected]

Des questions ?

Téléphone (IDEV) +225 2026 2841

Téléphone (AfDB standard) +225 2026 4444

Nous écrire : 01 BP 1387

Avenue Joseph Anoma,

Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Courriel : [email protected]

Web : idev.afdb.org

afdb.org

Communiquer avec nous sur : @evaluationafdb

IDEV AfDB

Page 3: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Premier trimestre 2020

Une « culture d’évaluation » est généralement reconnue comme une solution clé pour améliorer l'efficacité et l'efficience des gouvernements, organisations de développement et institutions financières internationales. La documentation existante suggère que pour que les fonctions de résultats, de gestion des performances, d'évaluation et de recherche soient efficaces, les organisations et les institutions ont besoin d'une solide culture d'évaluation - une culture où les preuves sont délibérément recherchées afin de mieux concevoir, mettre en œuvre et exécuter les interventions. Cette culture d’évaluation est fondée sur une volonté d'amélioration continue qui s’étend à tous les aspects du travail, et une volonté d'apprendre aussi bien des échecs que des succès.

Cette édition se concentre sur de nouvelles réflexions et stratégies, sur le pourquoi, le quoi et le comment promouvoir une culture d’évaluation. Elle s'appuie sur une grande variété d'études de cas de diverses institutions et pays africains pour expliquer l’importance d’une culture d’évaluation, à quoi elle devrait ressembler et quels outils, systèmes et processus sont importants pour les institutions et les gouvernements afin de la promouvoir. Enfin, cette édition propose également des moyens d'élargir et d'approfondir la culture d'évaluation en Afrique.

Page 4: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Tabl

e de

s m

atiè

res

4 Mot de l'Évaluateur général

Roland Michelitsch, IDEV, Banque africaine de développementCette édition a pour but d’élargir la réflexion sur la culture d'évaluation. Elle fournit une diversité de points de vue sur ce que signifie la culture d’évaluation pour diverses organisations, réseaux et pays, dans quelles conditions elle doit être promue et enfin comment créer une culture d’évaluation inclusive en 2020 et au-delà.

8 L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

Oscar A. Garcia, Directeur, et Fabrizio Felloni, Directeur adjoint, Bureau indépendant d’évaluation, Fonds international de développement agricoleS'appuyant sur l'expérience du FIDA, cet article examine le développement d'une culture d’évaluation organisationnelle et comment une évaluation indépendante peut y contribuer. Il explique qu'une culture d’évaluation va au-delà des formalités et procédures qui peuvent exister dans une organisation et que la présence d'une fonction d'évaluation indépendante peut ne pas générer à elle seule une culture d’évaluation organisationnelle.

20 Recours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationales

Rasmus Heltberg, Spécialiste principal de l'évaluation, Groupe d'évaluation indépendant, Groupe de la Banque mondialeCet article rend compte de l'expérience de l'auteur avec une évaluation de 2016 du système d’auto-évaluation du Groupe de la Banque mondiale (BM). Il fait aussi quelques suggestions pour améliorer les auto-évaluations et accroître leur utilisation et leur valeur pour les organisations.

26 Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

Hailu Filmon, Consultant en suivi et évaluationCet article présente l'Éthiopie comme étude de cas et note neuf aspects différents de la culture d'évaluation de l'Éthiopie. L'auteur soutient que si une culture d’évaluation en Éthiopie est reconnue comme étant importante, cet engagement n'a pas encore été intégré dans le système politique et administratif de l'État.

L’actualité en images, page 86

Une

synt

hèse

d’é

valu

atio

n ID

EV

Novembre 2019

Enseignements sur l'efficacité des partenariats

de développement Une synthèse des évaluations

Page 5: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Calendrier éditorial 2020 d'eVALUation Matters :

Le calendrier éditorial pour 2020 a été publié.

Veuillez trouver le calendrier et les directives pour les contributions ici : http://idev.afdb.org/fr/document/calendrier-%C3%A9ditorial-2020

Trouver eVALUation

Matters sur

Q2 2020 Préparer l’évaluation du futur : le Big Data, les technologies modernes et l’évolution des priorités mondiales en matière de développement

Q3 2020La Semaine de l’évaluation de la BAD 2020

Q4 2020 Les OSC et ONG dansl’évaluation

Calendrier éditorial

Independent Development EvaluationAfrican Development Bank

Made in Africa Evaluations

Fourth Quarter 2019

A Quarterly Knowledge Publication on Development Evaluation

eVALUation Matters

Volume 2:Practical Applications

Publié en Mars 2020

34 Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

Clement Mensah, Consultant, IDEVCet article analyse le décalage entre la culture nationale d’évaluation du Ghana et sa culture d’évaluation au niveau local. Il suggère que la promotion d'une culture d’évaluation au sein du gouvernement local devrait aller au-delà de la simple conception de plans de suivi et évaluation pour se concentrer également sur la création d’un environnement propice.

46 Entretien : Réflexion sur la culture d’évaluation à la Banque africaine de développement

Armand Nzeyimana, Manager, Département de la Prestation de Services, Gestion de la Performance et Résultats, et Roland Michelitsch, Évaluateur général, Banque africaine de développementArmand et Roland partagent leurs idées sur la façon dont le concept d'une culture d’évaluation a pris de l'ampleur au cours de ces dernières années et ce que cela signifie pour la BAD ainsi que pour les pays africains en général.

54 Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

Fazeela Hoosen, Directrice, Benita Williams Evaluation, et

Kenza Bennani, Gestionnaire de l'évaluation, Ministère des Affaires étrangères de la FranceAu cours des cinq dernières années, les jeunes évaluateurs émergents ont de plus en plus contribué à façonner la culture mondiale de l'évaluation. Ce faisant, ils se sont positionnés comme une nouvelle génération de défenseurs d'une « culture d'évaluation participative des jeunes », celle qui exploite les valeurs et les compétences que les jeunes et les jeunes évaluateurs émergents peuvent apporter à la table de l’évaluation. Dans cet article, les auteurs plaident pour que les jeunes évaluateurs émergents alimentent un mouvement vers la réalisation d'une culture mondiale d'évaluation participative des jeunes.

64 Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

Dékaï Jean-Luc Namou, Économiste, Ministère de la Santé et de l’hygiène publique de Côte d’Ivoire, et Marie Laure Essis, Chef de Service Suivi et Évaluation, Institut national de santé publique de la Côte d’IvoireCet article décrit ce qui est impliqué dans la mise en place d'une culture d’évaluation et ce qui peut être fait pour créer et maintenir une telle culture dans les pays africains. L'article soutient que le développement d'une culture d’évaluation nécessite des efforts volontaires et un leadership fort au niveau national ainsi que des parties prenantes intéressées et un engagement à la transparence et à la bonne gouvernance.

74 La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

Michael Bamberger, Consultant indépendant en évaluationCet article traite des changements spectaculaires qui se produiront à mesure que la quatrième révolution industrielle évolue et comment cela affectera la « culture d’évaluation » en Afrique. Il se demande dans quelle mesure sera gérée la transformation : l'évaluation restera-t-elle dans le nouvel écosystème ou le secteur s’adaptera-t-il lentement, de sorte que cette grande opportunité disparaisse et que l’évaluation devienne marginalisée dans ce nouvel environnement ?

86 L’actualité en images

89 Fraîchement publié http://idev.afdb.org/

fr/page/evaluation-

matters-magazine

Table des matières 3

Page 6: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Mot de l'Évaluateur général

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Mot

de

l'Éva

luat

eur g

énér

al

En plus de promouvoir la redevabilité et l’apprentissage, le troisième volet du mandat d’IDEV est de promouvoir une culture d’évaluation au sein de la Banque africaine de développement ainsi que dans ses pays membres régionaux.

À IDEV, nous comprenons que la réalisation de cette mission nécessite une approche à plusieurs niveaux. Nous y travaillons non seulement en réalisant des évaluations crédibles et en diffusant nos rapports, mais également en faisant le suivi de la manière dont la Banque réagit à nos évaluations et met en œuvre leurs recommandations. Nous nous efforçons aussi de dialoguer de manière plus approfondie avec les départements et les équipes opérationnelles afin de rendre nos évaluations utiles pour améliorer leur travail.

Par conséquent, nous avons constaté une demande accrue de nos évaluations ainsi qu’une augmentation importante de leur utilisation. Notre but est de faire en sorte que la Banque devienne une organisation apprenante qui demande des évaluations, produise des preuves crédibles et les utilise pour une amélioration continue des politiques, processus et interventions de l'organisation. Des exemples récents ont été les demandes à IDEV d’évaluer la mise en œuvre du Modèle de développement et de prestation de services de la Banque et le Fonds d'assistance technique

4

Page 7: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

pour les pays à revenu intermédiaire (FAT-PRI). Nos évaluations des Opérations d’appui programmatique, de l’Assurance qualité à la Banque et du Système de sauvegardes intégré de la Banque ont été de bons exemples d'un engagement fort avec les départements compétents de la Banque en matière de politique et d'opérations. Tous ces exemples ont conduit à une plus grande adhésion et à une meilleure adoption des recommandations d’évaluation.

Susciter l'intérêt pour les connaissances évaluatives et intégrer l'évaluation dans le l’action de la Banque va certainement contribuer à promouvoir une culture d’évaluation. Cependant, la création d'une culture d’évaluation dans une institution telle que la Banque est assurément un processus de long terme. Partant de mon expérience dans une autre organisation, il a fallu environ 15 ans pour intégrer pleinement la mesure des résultats dans les incitations institutionnelles et individuelles - ce qui est essentiel pour changer la culture. Ces étapes globales comprenaient la mise en place d'un solide système d'évaluation ex post indépendant, la traduction des résultats de développement en indicateurs de performance clés de l'institution, le renforcement du système de suivi, la mise en place d'un système d'attribution de performance à long terme basé sur les résultats de développement obtenus, et la promotion d’un système d'objectifs de développement et d’objectifs de performance prospectifs au niveau de l'institution, qui découlent de la Direction au personnel opérationnel. Fort de cette expérience, je suis convaincu que nous pouvons y parvenir plus rapidement ici, à la Banque.

La création d'une culture d’évaluation et du système pour l'appuyer nécessite une innovation continue ainsi que de la rigueur et de l'adaptation dans le but d'améliorer l'impact de la Banque sur le développement. À cet effet, la mise en œuvre de notre politique d'évaluation indépendante reste au cœur de notre action tout en trouvant des moyens de renforcer les pratiques d'évaluation et en veillant à l'intérêt de nos clients et parties prenantes pour les évaluations que nous produisons. Ce n'est pas non plus un programme que nous pouvons poursuivre seuls - nous devons travailler avec la Direction et les organes dirigeants de la Banque.

En parallèle, nous investissons beaucoup d'efforts dans la promotion d'une culture d’évaluation dans les pays africains. Cette immense tâche implique un partenariat avec d'autres sur diverses initiatives. Entre autres, nous avons soutenu et collaboré avec des réseaux d'évaluation nationaux et continentaux comme l'Association africaine d'évaluation (AfrEA), hébergé le secrétariat du Réseau des Parlementaires Africains pour l'Évaluation du Développement (APNODE), aidé des évaluateurs jeunes et émergents et collaboré avec les gouvernements afin de renforcer les capacités nationales en matière d'évaluation grâce au partenariat d'apprentissage entre pairs « Twende Mbele ».

La mise en place de systèmes d'évaluation nationaux robustes est une entreprise énorme qui nécessite un leadership politique et un engagement national pour le

Mot de l'Évaluateur général 5

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Page 8: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 9: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

développement et l'utilisation de l'évaluation. À cet égard, le continent africain a été témoin d'exemples positifs et d'initiatives présentés dans cette édition et qui pourraient inspirer de nombreux pays. L’agenda de développement durable à l'horizon 2030, qui est axé sur le suivi et la communication des résultats de développement par le biais de systèmes d'évaluation nationaux, représente une réelle opportunité pour de nombreux pays de progresser rapidement et efficacement dans la promotion de leur propre modèle et d'une culture nationale d'évaluation que tous les partenaires au développement, y compris la BAD seront prête à soutenir.

Cette édition d'Evaluation Matters vise à élargir la réflexion sur la culture d’évaluation. Elle fournit une diversité d'idées sur ce que la culture d’évaluation signifie pour divers organismes, réseaux et pays, si et pourquoi elle doit être promue et enfin comment créer une culture d’évaluation inclusive en 2020 et au-delà. Nous avons des articles sur la culture d’évaluation dans les institutions financières internationales et dans les pays africains ainsi que des opinions d'évaluateurs expérimentés, jeunes et émergents. Bien que certains articles soient tournés vers l'avenir, ils se résument tous à la même conclusion : il n'y a pas de modèle unique pour promouvoir une culture d’évaluation, mais certains éléments clés tels que le leadership durable, la participation, des cadres de travail clairs, des outils et des ressources sont nécessaires.

La promotion d'une culture d’évaluation est un défi constant pour tous. Avec cette avalanche d'opinions et de perspectives, j'espère que ces contributions non seulement informeront, mais inspireront également d'autres à se joindre à l'effort collectif pour faire de l'évaluation un outil de développement et d'apprentissage efficace sur le continent africain.

À propos de l'Évaluateur généralRoland Michelitsch est l’Évaluateur général de la Banque africaine de développement (BAD). Avant de rejoindre la BAD, il a passé de nombreuses années au service d’autres banques multilatérales de développement. Au sein du groupe de la Banque interaméricaine de développement (BID), il a dirigé des évaluations d'activités des secteurs privé et public. À la Société financière internationale (SFI), il a géré l’unité des investissements du département de l’impact du développement. Il a également dirigé le système et le cadre d’évaluation des projets de la SFI, ainsi que des évaluations dans divers domaines, et a travaillé en tant qu’économiste régional pour l’Afrique subsaharienne. Au sein de la Banque mondiale, il a travaillé sur la gouvernance d’entreprise en Europe centrale et orientale [et sur la population, l'agriculture et l'environnement en Afrique subsaharienne]. Roland est titulaire d'un doctorat et d'une maîtrise en économie de l'Université de l'Arizona et d'un MBA de l'Université de Graz.

Biographie complète disponible ici : http://idev.afdb.org/fr/page/mr-roland-michelitsch-l’évaluateur-général

Mot de l'Évaluateur général 7

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Page 10: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Le présent article s'appuie sur l'exemple du FIDA pour aborder l'instauration d'une culture d'évaluation organisationnelle et comment l’évaluation indépendante peut y contribuer. Instaurer une culture d'évaluation ne signifie pas introduire, appliquer et respecter les normes, des règlements et des processus. Cela va au-delà des formalités et procédures qui peuvent exister au sein d'une organisation. L’article fournit des clarifications d'ordre conceptuel sur la culture organisationnelle, la culture d'évaluation organisationnelle, les conditions et catalyseurs clés, tout en montrant comment l'évaluation indépendante peut soutenir leur développement, avant de présenter l'expérience du FIDA.L'

arch

itect

ure

inst

itutio

nnel

le e

t de

gouv

erna

nce

com

me

mot

eur d

e la

cul

ture

d'é

valu

atio

n : L

’exp

érie

nce

du F

IDA

Page 11: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

Oscar A. Garcia , Directeur et Fabrizio Felloni1, Directeur adjoint, Bureau indépendant d’évaluation, Fonds international de développement agricole (FIDA)

Clarifications conceptuelles

Par culture organisationnelle, on peut entendre un ensemble de valeurs, croyances, objectifs et processus commerciaux communs, indépendamment

de leur niveau de formalité (Ravasi & Schultz, 2006). Une telle culture touche aux stratégies, au style et au mode de fonctionnement d'une organisation.

Une culture d'évaluation organisationnelle peut être définie (Mayne, 2010) comme une culture qui apprécie et demande délibérément des données et des informations empiriques sur sa performance et ses résultats, et utilise les conclusions découlant de ces données probantes afin d’améliorer sa performance et la réalisation des résultats. Mayne identifie certaines des caractéristiques d'une organisation qui possède une solide culture d'évaluation : i) s'engager dans l'autoréflexion et l'auto-examen (c.-à-d. l'auto-évaluation); ii) rechercher délibérément des données probantes de ce

qu’elle réalise; iii) utiliser les informations liées aux résultats pour remettre en question et soutenir ses actions; iv) valoriser la franchise, les enjeux et le dialogue véritable; (v) s’engager dans un l'apprentissage axé sur des données probantes et prendre le temps d’apprendre; et (vii) encourager l'expérimentation et le changement2. Une telle culture d'évaluation présente manifestement des avantages en termes de capacité et rapidité à corriger le plan d’action, d’adaptation au changement et de respect du mandat institutionnel.

Une pratique renforcée de collecte de données peut être utile, mais, a-t-elle seule, ne conduite pas nécessairement à une culture d'évaluation. Un corollaire important des définitions ci-dessus est que la disponibilité de données empiriques et la capacité de les analyser ne sont pas une condition suffisante pour établir une culture de l'évaluation. Même lorsque les données sont disponibles, et si la qualité ou la représentativité ne pose aucun problème (une hypothèse audacieuse dans la plupart des cas), une culture d’évaluation aurait besoin :

Messages clés

❚ Une culture d'évaluation organisationnelle est une culture qui exige et utilise des informations empiriques pour évaluer le rendement et les résultats et orienter les décisions de gestion.

❚ En plus de la disponibilité des données, il doit y avoir une capacité d'analyse et d'interprétation, un intérêt délibéré pour les résultats et une boucle de rétroaction conduisant à l'action et aux changements.

❚ La présence d'une fonction d'évaluation indépendante peut ne pas générer, à elle seule, une culture d'évaluation, mais représente un élément constitutif important.

❚ Le respect des procédures d'évaluation n'est pas équivalent à une culture d'évaluation. Il faut aller au-delà du formalisme et rien ne remplace l'engagement du leadership (Direction et Organes directeurs).

9

Page 12: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

❚ de la capacité d'analyser et d'interpréter les données, y compris au plus haut niveau (décisionnaires);

❚ un intérêt délibéré pour les résultats de l'analyse des données, afin de procéder à un examen objectif des performances et des résultats opérationnels, lié à un système de récompense pour créer et préserver des incitations;

❚ une boucle de rétroaction reliant les résultats à l'action, en vue de modifier les opérations et les modalités commerciales actuelles et futures.

En retour, il faut un fort engagement du leadership organisationnel, des dispositions organisationnelles spécifiques et un soutien structurel, et une concentration sur l’apprentissage. À titre d'exemple, la conduite systématique d'évaluations d'impact, en utilisant des méthodologies rigoureuses pour contrôler le biais de l'échantillon, peut préparer le terrain pour prendre des décisions basées sur des données probantes solides. Cependant, ces évaluations devaient être utilisées intentionnellement pour appuyer les décisions prises par les cadres supérieures. Comme indiqué dans une évaluation de la Banque mondiale (IEG 2012), les résultats des évaluations d'impact n'ont pas été systématiquement utilisés comme base pour la prise de décision, en raison de l'absence d'une boucle de rétroaction claire et d'un système d'incitations. Une évaluation plus récente de la Banque interaméricaine de développement (OVE, 2017), a révélé que certaines évaluations d'impact ont permis à la Banque d'éviter des projets inefficaces, bien que les conclusions générales sur l’utilisation des évaluations d’impact soient inégales.

L'évaluation au sein des organisations internationales

Selon l'expérience de nombreuses organisations internationales, la présence

d'une fonction d'évaluation dédiée et indépendante a été l'un des éléments constitutifs de l'introduction ou de la promotion d'une culture de l'évaluation. Comme nous l’avons indiqué, le leadership joue un rôle majeur dans une culture d'évaluation. Dans les grandes organisations, l'engagement de la Direction en faveur de l'évaluation peut être sujet au problème principal-agent (Laffont & Martimort, 2002)3 avec les questions connexes de risque moral et de conflit d'intérêts. Par conséquent, l'une des normes essentielles de la pratique de l’évaluation [OCDE/CAD, Groupe de coopération pour l’évaluation et Groupe d'évaluation des Nations Unies]4 veut que la responsabilité de l'évaluation des projets, des programmes et des politiques ne doive pas être confiée à des personnes ou à des unités organisationnelles qui étaient auparavant responsables de leur conception et de leur mise en œuvre.

Dans de nombreuses institutions financières internationales telles que les banques multilatérales de développement, la fonction de l'évaluation indépendante est placée sous l’autorité directe du Conseil d'administration. Ce Conseil d’administration représente (un sous-ensemble) les membres de l’organisation (le principal). Le fait que l'unité d’évaluation ne rende pas compte, sur le plan fonctionnel, à la Direction de l'organisation (l'agent) résout tout problème lié au risque moral et au conflit d'intérêts.

Le bon fonctionnement de ce système tient toutefois à un aspect important : le Conseil d'administration (le principal) doit continuer à valoriser et à exiger des données empiriques et des analyses indépendantes, tout en tenant la Direction (l'agent) pour responsable des résultats produits et de la mise en œuvre des recommandations.

L'expérience du FIDA

Historiquement, il s'agit de la trajectoire suivie par le Bureau

10

Page 13: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 14: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

indépendant de l'évaluation du Fonds international de développement agricole (figure 1). Le Bureau n'était au début qu'une unité de suivi-évaluation (c’est-à-dire d'auto-évaluation) au sein du département chargé de la gestion des projets de développement, puis a été transformé en une unité semi-indépendante relevant uniquement au Président (Directeur général) de l'organisation. En 2003, ce Bureau est devenu totalement indépendant, ne rendant directement compte qu'au Conseil d'administration.

Si l'indépendance peut aider à résoudre le problème lié à la relation principal-agent, on ne peut pas se fier uniquement à elle pour instaurer une culture d'évaluation dans l’ensemble de l'organisation. Comme indiqué précédemment, il doit y avoir une volonté claire du leadership organisationnel (le principal et l'agent tous les deux) et une utilisation intentionnelle des données et des informations pour évaluer, apprendre et réorienter les programmes, les stratégies et les processus internes. Si le mandat d'évaluer les activités organisationnelles est confiné au sein d'une unité indépendante, rien ne garantit qu'il incitera fortement l'organisation à rechercher des informations sur la performance du programme, à se donner le temps d'apprendre et d'innover. Deux

contraintes pratiques concernent les points suivants :

❚ Le flux et portée de l’information : dans une grande organisation, la disponibilité d’un rapport d’évaluation ne se traduit pas automatiquement par un partage des connaissances sur ses conclusions et recommandations dans toutes les unités organisationnelles.

❚ Calendrier et rapidité du retour d’information : Le type d'information et le niveau d'analyse requis varient en fonction de l'étape d'un programme ou d'une stratégie dans son cycle de vie (par exemple, sur les réalisations, les résultats intermédiaires, les impacts à plus long terme). La plupart des évaluations indépendantes ont lieu vers la fin du projet et sont généralement récapitulatives (c’est-à-dire évaluer les résultats), tandis que l'organe d'exécution à un stade plus précoce a besoin d’un retour d’information formateur (c’est-à-dire examiner l’état d’avancement et le processus de mise en œuvre et sa cohérence avec la conception)5.

L'importance et le rôle de la fonction d'auto-évaluation. Pour cette raison, d e n o m b r e u s e s o rga n i s at io n s internationales de développement

Figure 1: La trajectoire suivie par l'unité d'évaluation du FIDA en vue de son indépendance

Source : Élaboration par les auteurs

1978 1982 1994 2003 2011 2019

Unité de suivi

et d'évaluation

Division de suivi

et d'évaluation

Bureau d'évaluation et d'études

Bureau d'évaluation (Politique d'évaluation : fonction

d'évaluation indépendante)

Bureau indépendant d'évaluation

(Politique d'évaluation révisée)

Deuxième examen externe par les pairs

12

Page 15: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

font la distinction entre la fonction d'évaluation indépendante et celle de l'auto-évaluation. Alors que la fonction d'évaluation indépendante est placée sous la supervision du Conseil d'administration, la fonction d'auto-évaluation est une tâche des unités opérationnelles sous la responsabilité ultime de la Direction générale.

L'auto-évaluation est un pilier essentiel de l'instauration d'une culture d'évaluation dans une organisation. Un système d'évaluation bien performant est basé sur la prémisse que l’évaluation de la performance et des résultats est un devoir des managers à tous les niveaux de l’organisation. L'auto-évaluation peut également servir de socle nécessaire à l'évaluation indépendante, à condition qu'elle apporte des données secondaires utiles pour examiner et valider les résultats de manière indépendante, ainsi que pour les vérifier au moyen d'autres sources. La production ex post d'informations de base sur la performance dans l'exécution d'un projet ou d'un programme pourrait être très onéreuse. Selon un ancien Directeur général du Groupe d'évaluation indépendante de la

Banque mondiale, « l'auto-évaluation est pour l'évaluation indépendante ce que la comptabilité est pour l'audit »6 .

L’évaluation indépendante peut contribuer considérablement à améliorer les normes en matière d’auto-évaluation. L’évaluation d’un projet ou d’un programme n’est pas une activité naturellement familière à tous. Elle requiert un certain niveau d’aptitudes, de compétences, de connaissances techniques sur le sujet, de rigueur intellectuelle et un état d’esprit propice à la recherche. Les unités chargées essentiellement de la conception et de l’appui à l’exécution de programmes peuvent ne pas avoir l’expertise, le temps et la focalisation nécessaires pour conduire des auto-évaluations de haute qualité.

Dans de nombreuses institutions financières internationales, l’une des fonctions de l’auto-évaluation consiste à évaluer des projets achevés et établir des rapports. De son côté, la fonction de l’évaluation indépendante est généralement chargée de : i) aider la Direction à établir les normes d’auto-évaluation et de renforcement des capacités ; ii) évaluer la qualité des produits d’auto-évaluation ; iii) procéder à la validation indépendante

13

Page 16: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

de projets, tout en allouant l’essentiel de ses ressources à des produits d’évaluation plus stratégiques et de niveau supérieur ; et iv) effectuer une évaluation indépendante périodique des systèmes d’auto-évaluation de l’organisation, ce qui peut contribuer à évaluer la robustesse de la culture d’évaluation.

Au FIDA, le Bureau indépendant de l’évaluation a consacré la plupart de ses efforts à l’évaluation de projets. L’auto-évaluation a occupé une place limitée au sein de l’organisation. L’hypothèse fondamentale était que les équipes chargées de la gestion de projets, placées sous la supervision des gouvernements des pays emprunteurs, mettraient en place leurs propres unités de suivi et d’évaluation (S&E) et établiraient des rapports durant l’exécution et à l’achèvement. Au niveau institutionnel, la Direction donnait moins de priorité à l’évaluation de la qualité du travail des unités S&E de projets, ainsi qu’à l’examen anticipé des progrès réalisés par les projets.

À partir de 2006, le Bureau indépendant de l’évaluation et la Direction du FIDA ont adopté communément un ensemble de critères d’évaluation de projets, en s’appuyant sur des définitions similaires et sur un système de notation commun à six points symétriques (accord d’harmonisation)7. Ce système d’évaluation reposait sur une méthodologie d’évaluation indépendante, laquelle a été adoptée et internalisée de manière progressive par la Direction pour les besoins d’auto-évaluation, avant de faire partie intégrante de ses processus institutionnels.

À partir de 2010, à la suite d’une revue de la fonction d’évaluation du FIDA par des pairs, le Conseil d’administration a décidé que le Bureau indépendant de l’évaluation validerait tous les rapports d’achèvement de projet (préparés par les gouvernements et gérés avec l’appui du FIDA), en s’appuyant sur l’examen de la documentation disponible (figure 2). Le Bureau pourrait, sur une base plus sélective, évaluer une faible quantité de projets en exploitant les données

Figure 2 : Auto-évaluation et évaluation indépendante au niveau de projets

Source : Élaboration par les auteurs à partir du manuel d’évaluation du FIDA (« IFAD Evaluation Manual » (2015))

Auto-évaluation Évaluation indépendante

Conception

Supervision

Examen à mi-parcours

Achèvement

Validation indépendante de tous

les rapports d’achèvement

Évaluation à travers la collecte sélective des données de base

14

Page 17: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

issues des visites dans les pays. Cette décision visait trois objectifs :

❚ donner à la fonction d’évaluation un aperçu de la qualité des activités d’auto-évaluation ;

❚ à travers un examen systématique minutieux, inciter la Direction à améliorer la qualité et la crédibilité des activités d’auto-évaluation ; et

❚ obtenir une certaine forme d’évaluation indépendante de toutes les opérations achevées.

Passer des produits d’auto-évaluation individuelle et d’évaluation indépendante à l’analyse consolidée. Afin d’obtenir un examen plus consolidé des constatations, les fonctions d’auto-évaluation et d’évaluation indépendante préparent un rapport synthétique annuel de leurs conclusions respectives (figure 3). Au FIDA, les deux fonctions produisent donc respectivement le Rapport sur l’efficacité du FIDA en matière de développement (ou rapport d’auto-évaluation – RIDE) et le Rapport annuel sur les résultats et l’impact des opérations du FIDA (ou

conclusions consolidées des évaluations indépendantes – ARRI). Ces deux rapports sont soumis au Conseil d’administration du FIDA et offrent deux perspectives aussi bien sur la performance de la mise en œuvre que sur les résultats des opérations.

La préparation de deux rapports par les fonctions d’auto-évaluation et d’évaluation indépendante ne constitue pas un double emploi : elle renforce l’interaction nécessaire (chaînes de rétroaction) et la dialectique entre les deux fonctions. Si les deux rapports traitent du niveau des projets (où les possibilités de comparaison sont meilleures en raison de l’accord d’harmonisation sur la méthodologie), le RIDE se penche également sur d’autres niveaux de résultats qui sont périodiquement convenus avec les pays membres du FIDA. D’autre part, le rapport ARRI aborde également les constatations issues des évaluations de haut niveau (telles que les évaluations pays, les évaluations thématiques, les évaluations institutionnelles et les synthèses d’évaluation).

Il est certain que l’auto-évaluation et l’évaluation indépendante offrent

Figure 3: Consolidation des constatations de l’auto-évaluation et de l’évaluation indépendante

Source : Élaboration par les auteurs à partir du manuel d’évaluation du FIDA (IFAD Evaluation Manual » (2015)).

Auto-évaluation Évaluation indépendante

RIDE

Résultats en matière de pauvreté et de sécurité

alimentaire dans le monde

Produits au niveau des pays

Efficacité opérationnelle des programmes et projets des pays

Efficacité et efficience institutionnelles du FIDA

ARRI

Évaluations institutionnelles et thématiques

Évaluations institutionnelles et thématiques

Évaluations au niveau des pays

Évaluations de projets

Résultats et impact dans les pays

15

Page 18: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

des perspectives et angles d’analyse distincts. Bien qu’elle soit potentiellement conflictuelle, la comparaison entre les deux est une source de connaissances. Par exemple, il est plus probable que l’auto-évaluation prenne en compte les problèmes posés par la conception de projets, ainsi que les défis liés à l’environnement politique dans lequel les projets évoluent. De plus, les évaluations indépendantes ont tendance à examiner directement le niveau d’achèvement des objectifs et des résultats, et à questionner les hypothèses liées à des projets donnés.

Le suivi des réponses aux évaluations et de leurs recommandations contribue à démontrer en quoi il est urgent de les mettre en œuvre. Au bout du compte, la culture d’évaluation vise à produire des données probantes sur la performance et les résultats en vue d’apporter des améliorations et des changements. La conduite d’une évaluation, même si elle est de meilleure qualité, ne garantit pas la prise en compte des recommandations formulées. Un système de suivi des recommandations qui enregistre les différentes étapes de suivi en toute transparence peut contribuer à accroître l’engagement en faveur de la prise en compte de ces recommandations.

Le FIDA dispose d’un processus de suivi des recommandations qui aide à boucler la chaîne d’apprentissage (figure 4). Toutes les recommandations issues des évaluations achevées au cours d’une année donnée sont suivies par la Direction du FIDA (rapport PRISMA) et présentées au Conseil d’administration l’année suivante,

accompagnées du plan d’action proposé. Le Bureau indépendant de l’évaluation fournit des commentaires sur la qualité du suivi, en relevant les carences, le cas échéant. Le tableau 1 illustre l’activité de suivi des recommandations par la Direction du FIDA pour la période 2010-2018. Il indique que 65 % des recommandations ont été entièrement suivies, tandis que 25 % sont en cours de suivi et 3 % partiellement. Un pour cent des cas a suscité un profond désaccord.

Réflexions

Il importe d’aller au-delà du formalisme. Les caractéristiques générales et les exemples précis évoqués précédemment montrent un environnement de l’évaluation plutôt mature au FIDA, avec des processus et des rôles bien définis. Le respect des processus, en soi, ne garantit toutefois pas la présence d’une solide culture d’évaluation. À titre d’exemple, si les réponses apportées par la Direction peuvent indiquer que les recommandations issues des évaluations sont largement acceptées, cela ne traduit que le cours des actions futures et ne garantit pas un suivi tel que présenté. En principe, cela pourrait faire l’objet d’une évaluation indépendante, qui examinerait, de manière rétrospective, la qualité du suivi des évaluations. Jusqu’ici, aucune évaluation rétrospective complète n’a encore été effectuée sur la qualité du suivi des recommandations issues des évaluations au sein du FIDA.

Comme l’illustre la conceptualisation faite par Mayne (2010), rien ne peut se

Tableau 1: État de suivi des recommandations issues des évaluations au FIDA (2010-2018)

Suivi

intégral

Sans objet* Non

validé

Pas

encore

réalisé

En cours Suivi

partiel

En

suspens

Total

Nombre 1027 39 11 27 402 44 38 1588

% 65 % 2 % 1 % 2 % 25 % 3 % 2 % 100 %

* La mention « sans objet » renvoie aux recommandations concernant les investissements que le FIDA a, au départ, prévus de consentir pour des projets, mais ne les a pas réalisés.

Source : IFAD (2019)

16

Page 19: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

substituer à l’engagement de la Direction. Autrement dit, les organes directeurs (tels que le Conseil d’administration) et la Direction de l’institution (c’est-à-dire le principal et l’agent) doivent s’engager à instaurer une culture opérationnelle reposant sur des bases factuelles concernant la performance et les résultats, avec une certaine tolérance vis-à-vis des risques et des erreurs, et le souci manifeste d’apporter des améliorations sur la base des données disponibles. L’utilité des évaluations est tributaire de l’engagement de l’organisation à exploiter les résultats obtenus pour améliorer la prise de décisions. Dans une institution comme le FIDA, l’évaluation,

l’auto-évaluation et l’apprentissage permanent sont essentiels pour relever des défis complexes et dynamiques tels que le développement rural, la réduction de la pauvreté en milieu rural et la transformation des campagnes.

La présence d’une fonction d’évaluation indépendante peut ne pas, en soi, engendrer une culture d’évaluation, mais elle peut apporter une contribution à cette culture par la validation des données probantes et des analyses, la production des données probantes de base, l’établissement de normes et la conduite d’évaluations périodiques des systèmes d’auto-évaluation.

Notes de fin

1. Respectivement Directeur et Directeur adjoint du Bureau indépendant de l'évaluation du Fonds international de développement agricole (FIDA). Les opinions exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l'organisation qui les emploie. Auteur pouvant être contacté: [email protected]

2. Adaptation à partir de Mayne, 2010.

3. Ce genre de problème se pose lorsqu'une partie prenante (l'agent) est chargée de prendre des décisions ou d'opérer des choix pour le compte d'une autre partie prenante (le principal), ce qui peut créer des risques moraux ou des conflits d'intérêts.

4. OECD-DAC (2010); United Nations Evaluation Group (2016); Evaluation Cooperation Group (2012).

5. Scriven, M. (1967) établit un distinguo sans équivoque entre l'évaluation formative et l'évaluation récapitulative.

6. Prof. Robert Picciotto, communication personnelle.

7. Trois notes pour une performance ou des résultats positifs (6- très satisfaisant; 5- satisfaisant; 4- modérément satisfaisant) et trois notes pour une performance ou des résultats négatifs (3- modérément insatisfaisant; 2- insatisfaisant; 1- très insatisfaisant).

Figure 4 : Boucler la chaîne d’apprentissage de l'évaluation au FIDA

Source : Élaboration par les auteurs

Recommandations issues des évaluations

Réponse de la Direction

Réponses de la Direction (PRISMA) suivies et

commentaires du Bureau partagés avec le Conseil

d'administration

Débat et avis /décision du Conseil

17

Page 20: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

L'architecture institutionnelle et de gouvernance comme moteur de la culture d'évaluation : L’expérience du FIDA

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Références

Evaluation Cooperation Group (2012). Big Book on Evaluation Good Practice Standards.

IEG. (2012). World Bank Group Impact Evaluations: Relevance and Effectiveness. Washington, DC : World Bank.

IFAD (2019). President’s Report on the Implementation Status of Evaluation Recommendations and Management Actions (PRISMA). Volume I. Rome, Italy.

Laffont, Jean-Jacques ; Martimort, David (2002). The theory of incentives: The principal-agent model. Princeton University Press.

Mayne, J. (2010). Building an Evaluative Culture : The Key to Effective Evaluation and Results Management. The Canadian Journal of Program Evaluation Vol. 24 No. 2 Pages 1–30.

OECD-DAC (2010). Evaluating Development Co-operation: Summary of key norms and standards, Paris

OVE (2017). IDB’s Impact Evaluations: Production, Use and Influence. Office of Evaluation and Oversight, Interamerican Development Bank, Washington DC.

Ravasi, D. ; Schultz, M. (2006). "Responding to organizational identity threats: Exploring the role of organizational culture”. Academy of Management Journal.

Scriven, M. (1967). The methodology of evaluation. R.W. Tyler, R M. Gagne, M. Scriven (eds.), Perspectives of curriculum evaluation, pp.39-83. Chicago, IL : Rand McNally

United Nations Evaluation Group (2016). Norms and Standards for Evaluation. New York : UNEG.

Oscar Garcia est le Directeur du Bureau indépendant de l’évaluation du Fonds international de développement agricole (FIDA). Il est également le Vice-président du Groupe d’évaluation des Nations Unies, et en 2017, il avait occupé le poste de Président du Groupe de coopération en évaluation des banques multilatérales de développement. Avant son arrivée au FIDA, M. Garcia avait servi à l’UNEP en qualité de chef des services consultatifs, Division Technologie, industrie et économie, à Paris, où il donnait des orientations pour le Partenariat en faveur de l’action pour l’économie verte. M. Garcia est titulaire d’un master en gestion des changements organisationnels de la New School University (New York) et d’un MBA de l’Université catholique bolivienne. ll est également titulaire d’une licence en économie de l’Université de Santa Catarina, au Brésil. ll est l’auteur de plusieurs rapports d’évaluation et articles sur l’évaluation pour le développement.

Fabrizio Felloni est le Directeur adjoint du Bureau indépendant de l’évaluation du Fonds international de développement agricole (FIDA). ll a occupé le poste de spécialiste en chef des évaluations au sein de l’institution de 2010 à 2016. Entre 2008 et 2010, il était un spécialiste en évaluation au Programme des Nations Unies pour le développement, où il a préparé la première méthodologie pour les évaluations au niveau des pays. Il est titulaire d’un master en économie agricole de l’Université d’État de Washington (USA) et d’un diplôme de niveau master en sciences sociales et économiques de l’Université Bocconi (Italie).

À p

ropo

s de

s au

teur

s

18

Page 21: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 22: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Rec

ours

à l’

auto

-éva

luat

ion

dan

s le

s in

stitu

tions

fina

nciè

res

inte

rnat

iona

les

La faiblesse d’une culture de l’évaluation peut provenir de la faiblesse du système d’évaluation d’une organisation. Une évaluation des systèmes d'auto-évaluation du Groupe de la Banque mondiale révèle qu'il existe une couverture complète des programmes, mais que le personnel, la Direction, les clients et les bénéficiaires accordent peu de valeur aux systèmes d’évaluation. Les informations générées par lesdits systèmes ne sont pas régulièrement exploitées par les unités opérationnelles pour améliorer les connaissances, l'apprentissage ou la gestion de la performance. Il y a par exemple un blâme et une frustration généralisés, souvent autour des notations, qui limitent l'appétit d'apprendre des évaluations. Il est suggéré que les gestionnaires et les évaluateurs qui cherchent à améliorer la culture de l'évaluation et à apprendre des systèmes d'évaluation pourraient se concentrer sur la mesure dans laquelle l'auto-évaluation obligatoire favorise l'utilité de l'évaluation. Par exemple, existe-t-il un moyen de mieux cibler les évaluations par rapport aux principaux défis et besoins de preuves des décideurs?

Page 23: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Rasmus Heltberg, Spécialiste principal de l'évaluation, Groupe d'évaluation indépendant, Groupe de la Banque mondiale

Pour améliorer l’apprentissage à partir des systèmes d’évaluation, il faut se concentrer sur la façon dont l’organisation utilise et valorise l’évaluation

Le Groupe de la Banque mondiale dispose d’une unité d’évaluation depuis 1970, ce qui lui confère une vieille tradition et une forte

culture d’évaluation, laquelle a évolué en taille et en importance au cours des années. Bien qu’elle se soit concentrée d’abord sur l’évaluation de projets, la Banque mondiale s’est lancée dans l’auto-évaluation de ses investissements en 1975 et, au fil du temps, les systèmes connexes n’ont cessé d’accroître leur champ d’application et leur couverture. L’auto-évaluation est désormais au cœur des modes de quantification des résultats du Groupe de la Banque mondiale et d’autres institutions financières internationales (IFI).

L’auto-évaluation est conduite par des unités opérationnelles ou pour elles ; elle s’appuie sur des données de suivi, tout en s’intégrant dans l’évaluation indépendante et la mesure des résultats

au niveau institutionnel, et ce, toujours par le biais de notations validées de manière indépendante par les bureaux d’évaluation indépendante des IFI.

Le présent article aborde et suscite la réflexion sur l’expérience de l’auteur en matière d’évaluation des systèmes d’auto-évaluation du Groupe de la Banque mondiale (World Bank 2016). Cette évaluation a suscité des efforts pour améliorer le suivi et réformer les systèmes d’auto-évaluation du Groupe de la Banque mondiale. De même, l’évaluation a suscité l’intérêt d’autres IFI dont la plupart possèdent des systèmes d’auto-évaluation ayant des caractéristiques et, sans doute, des tares semblables.

Élargir le cadre d’évaluation

Par le passé, les examens des systèmes d’auto-évaluation des IFI se concentraient le plus souvent sur le niveau de conformité de la pratique réelle avec la politique énoncée et avec des notions implicites de ce à quoi ressemblait un système idéal. Peu d’attention était ainsi accordée aux aspects comportementaux.

Messages clés

❚ La conception des systèmes d'auto-évaluation dans les grandes organisations a un impact sur la culture et l'utilisation de l'évaluation dans ces organisations.

❚ La culture de l'évaluation souffre lorsque les systèmes d'évaluation ne produisent pas d'informations valorisées par l'organisation et utilisées pour l'apprentissage.

❚ La production d'évaluations et d'auto-évaluations qui seront utilisées et valorisées par l'organisation aidera à améliorer la culture de l'évaluation.

❚ Pour améliorer l'apprentissage des systèmes d'évaluation, l'accent devrait être mis sur la manière dont l'organisation utilise et valorise l'évaluation.

21Recours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationales

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Page 24: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Recours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationales

Ces évaluations recommandaient souvent une plus grande couverture, en supposant que cela serait en soi une bonne chose. En outre, les avantages d’une multiplication des évaluations n’étaient pas toujours examinés.

Le cadre mis en place par le Groupe d’évaluation indépendante pour évaluer les systèmes d’auto-évaluation du Groupe de la Banque mondiale s’est, à plusieurs égards, élargi à partir des anciens cadres d’évaluation. Il a englobé toutes les étapes de la chaîne : du suivi et supervision de projets au rapport d’achèvement de projet, « validation » des notations de rapports d’achèvement, et utilisation des informations obtenues dans la gestion de portefeuille, mesure de l’ensemble des résultats, et apprentissage au niveau organisationnel. Il a mis l’accent sur les auto-évaluations autorisées, sans pour autant négliger les évaluations d’impact, un exemple d’auto-évaluation volontaire.

Ce cadre a analysé les systèmes d’évaluation à des niveaux multiples : modèles et directives ; processus commerciaux, flux de données, rôles et responsabilités ; et comportements influencés par les normes, les valeurs, les incitations et la culture organisationnelle. L’évaluation a également examiné la façon dont la validation et l’évaluation indépendantes influent sur les processus d’auto-évaluations, les comportements et les incitations.

L’utilisation limitée des informations issues de l’auto-évaluation

Les objectifs énoncés de l’auto-évaluation donnent le même poids à la responsabilité, à la gestion de la performance de projets/programmes et à l’apprentissage au sein de l’organisation. Dans la pratique, toutefois, le fonctionnement des systèmes a mis l’accent sur la soumission des résultats aux fins de responsabilisation. Les systèmes

produisent des mesures de résultats institutionnels tels que le pourcentage des opérations jugées satisfaisantes.

Ces systèmes ajoutent peu de valeur pour le personnel, les cadres hiérarchiques, les clients et les bénéficiaires. Améliorer l’apprentissage en vue d’accroître la performance a suscité peu d’intérêt. En dehors du Groupe d’évaluation indépendante, les autres unités/services n’exploitent pas régulièrement, pour leurs besoins de connaissances et d’apprentissage, les informations produites à travers les systèmes. De même, la gestion de projet et de portefeuille ne s’appuie pas assez sur les données probantes issues des systèmes d’auto-évaluation. Les évaluateurs ont subi beaucoup de frustrations et de reproches.

Nous avons produit une « cartographie des systèmes » afin de comprendre non pas seulement la culture d’évaluation qui existe au sein du Groupe de la Banque mondiale, mais également le rôle de l’auto-évaluation. Nous avons constaté que nous devions cartographier la culture organisationnelle en vue de mieux cerner la façon dont les acteurs interagissaient avec les systèmes d’évaluation et pourquoi ces derniers produisaient si peu d’enseignements. La figure 1 illustre quelques façons dont les comportements, les incitations et la culture organisationnelle limitent l’utilité de ces systèmes. L’attention est davantage portée sur les notations des résultats de projets, et cette situation est aggravée par une culture organisationnelle concurrentielle. Le fait d’éviter les notations négatives ne favorise pas la franchise. La profondeur et l’exactitude dans la rédaction et l’utilisation des auto-évaluations en pâtissent. Les cadres supérieurs opérationnels subissent des pressions incessantes afin de maintenir le flux de nouveaux projets et de décaissements. Ils ont peu d'incitations à investir dans le suivi de projets. Et en l’absence de données fiables,

22

Page 25: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Recours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationales

les systèmes d’auto-évaluation ne peuvent pas créer suffisamment de valeur pour les unités opérationnelles.

Cette cartographie des systèmes nous permet non seulement de comprendre pourquoi la valeur perçue des connaissances créées à partir des systèmes d’auto-évaluation demeure faible, mais aussi de savoir qu’un trop grand nombre de risques et d’échecs reste caché, que les espaces sûrs pour apprendre des échecs n’existent pas et que les enseignements et connaissances ne sont pas exploités.

Le problème se pose au niveau des systèmes obligatoires, pas du personnel. Le personnel s’intéresse effectivement aux conclusions des évaluations qu’elles jugent précieuses. Par exemple, les évaluations d’impact conduites par la Banque mondiale ont tendance à être respectées et utilisées par le personnel. Ce type d’évaluation se fonde sur des données probantes et des méthodes jugées fiables et est réalisé dans un processus qui cadre plus avec la culture organisationnelle. Par conséquent, le personnel valorise plus ces évaluations que la plupart des auto-évaluations obligatoires.

Figure 1 : Cartographie des systèmes dressée pour comprendre la culture d’évaluation au sein du Groupe de la Banque mondiale

Source : World Bank, 2016

Le GEI perçu comme un «classeur injuste»

Concentration sur la notation

Une franchise limitée et une

tendance à manipuler la

validation

Faible qualité du S&E et peu

de valeur ajoutée de

l'auto-évaluation

Un système qui génère des

incitations qui entravent la motivation

intrinsèque du personnel à

apprendre et alimente un

état d'esprit de conformité

Les leçons ne sont ni

partagées ni intégrées

Pression pour le volume, les

décaissements et les nouveaux

projets

Absence de mécanismes et d'espace

sûr pour l'apprentissage

Une concentration sur le nombre et le volume

d’affaires

Culture organisationnelle

compétitive

Demande de transparence et de divulgation

1. Accent excessif sur les notations

2. L'attention portée au volume éclipse l'attention portée

aux résultats

3. Faible valeur perçue des connaissances

créées

Pression pour une note satisfaisante

Aucune récompense pour de bons S&E et auto-

évaluation, considérés comme superficiels

Les défis et les risques sont cachés ou ignorés

Pression pour éviter la déconnexion

avec le GEI

Les tâches de gestion utilisent d'autres

systèmes et sources d'information

Le système d'auto-évaluation est peu utilisé

comme plateforme d'apprentissage

Processus de validation

Proc

essu

s de r

appo

rt

Mène à

Pression externe pour démontrer

les résultats

23

Page 26: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Recours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationales

Perspectives en vue d’une utilisation accrue de l’auto-évaluation

Les questions abordées ont été enregistrées dans quelques évaluations et études individuelles (Weaver 2010 ; Raimondo 2015 ; 2016 ; etc.). Les évaluations effectuées par le DFID ont noté que le personnel et les partenaires ploient sous le fardeau de l’établissement de rapports, ce qui ne semble pas se justifier, compte tenu de l’utilisation qui est faite des données de résultats, et que les produits individuels, les activités et les résultats à court terme bénéficient de plus d’attention et d’incitations (OECD DAC 2014 ; ICAI 2015). De manière générale, les organismes de développement n’ont toutefois pas fait assez pour réformer le mode de promotion de l’évaluation par leurs cultures.

Le passage à des systèmes d’évaluation intégrés, transparents et obligatoires a été incontestablement soutenu par la croyance selon laquelle l’évaluation est un bien universel (c’est-à-dire une bonne idée dans tous les contextes). Cette croyance a favorisé la mise en place de systèmes d’évaluation intégrés et reposants sur des règles. Les IFI tendent à exploiter l’auto-évaluation en recourant à des approches axées sur des règles qui spécifient les opérations à évaluer, ainsi que le moment et la manière de le faire. Les règles qui s’appliquent à tous les niveaux rendent les choses moins complexes

et plus faciles à gérer dans les grandes administrations publiques. Mais ces mêmes règles peuvent également induire des effets imprévus tels que des changements de comportement, d’importants coûts non apparents et le fait d’éviter des risques et des reproches (Dahler-Larsen, 2012 ; Hojlund, 2014 ; Raimondo, 2016).

Quelles pourraient être les perspectives ? D’abord, tenons compte des données probantes qui sont vraiment nécessaires pour les décideurs. L’établissement universel de rapports basé sur une couverture évaluative à tous les niveaux est-il nécessaire ? Existe-t-il un moyen de mieux cibler l’évaluation sur les principaux défis et besoins de données des décideurs ? Dahler-Larsen (2012) milite en faveur d’une démarche évaluative plus sélective où les opérations sont évaluées lorsque l’avantage marginal de l’évaluation attendue dépasse le coût. Il propose un retour à l’évaluation de l’évaluabilité : dans un contexte organisationnel précis, évaluer si l’évaluation est faisable et souhaitable.

En d’autres termes, la promotion d’une culture d’évaluation davantage tournée vers l’utilisation, passe par une concentration sur la production d’évaluations et d’auto-évaluations qui seront utilisées et valorisées par l’organisation. Il s’agirait alors d’une rupture marquée par rapport à la pratique qui a cours au sein des IFI.

24

Page 27: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

25Recours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationalesRecours à l’auto-évaluation dans les institutions financières internationales

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Références

Dahler-Larsen, P. (2012). The Evaluation Society. Stanford University Press.

Hojlund, S. (2014). Evaluation use in the organizational context - changing focus to improve theory. Evaluation 20 (1):26-43.

ICAI (Independent Commission for Aid Impact) (2015). DFID’s Approach to Delivering Impact.

OECD/DAC (2014). OECD DAC Peer reviews. United Kingdom.

Raimondo, E. (2015). Complexity in Development Evaluation: dealing with the institutional context. In M. Bamberger, J. Vaessen

& E. Raimondo (Eds.), Dealing with Complexity in Development Evaluation: a Practical Approach. Thousand Oaks : Sage.

Raimondo, E. (2016). The Institutionalization of Monitoring and Evaluation Systems within International Organizations: a Mixed-methods Study. Dissertation Abstract. Proquest 10053381.

Weaver, C. (2010). The politics of IO performance evaluation: Independent evaluation at the International Monetary Fund. Review of International Organization 5: 365-385.

World Bank (2016). Behind the Mirror: A Report on the Self-Evaluation Systems of the World Bank Group.

Rasmus Heltberg est spécialiste en chef des évaluations au sein du Groupe d’évaluation indépendante (GEI) du Groupe de la Banque mondiale. Il dirige d’importantes évaluations institutionnelles et est spécialisé dans l’efficacité organisationnelle. Au cours de ses 17 années passées à la Banque mondiale, il a également travaillé sur la protection sociale, le bien-être social, l’adaptation au changement climatique et la riposte aux catastrophes. M. Heltberg a été membre de l’équipe clé chargé du Rapport sur le développement dans le monde de 2014, intitulé Risques et opportunités ; La gestion du risque à l’appui du développement. Il a publié ses travaux de recherche dans des revues interdisciplinaires sur le développement, tels que World Development, Journal of Development Studies, Environment and Development Economics, et Global Environmental Change. Il est titulaire d’un PhD et d’un master en économie pour le développement de l’Université de Copenhague, ainsi que d’un master en économie quantitative pour le développement de l’Université de Warwick.

À p

ropo

s de

l'au

teur

25

Page 28: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Situ

atio

n de

la c

ultu

re d

’éva

luat

ion

du d

ével

oppe

men

t en

Éth

iopi

e : É

tude

doc

umen

taire

L’Éthiopie connaît une forte progression de la demande en matière de bonne gouvernance et de processus décisionnel efficace, nécessitant des évaluations à différents niveaux de la gestion des administrations publiques. Le présent article vise à évaluer le niveau de développement de la culture d’évaluation dans ce pays, en utilisant l’approche élaborée par Furubo et al. (2002). Cette approche comporte neuf indicateurs de la culture d’évaluation, en notant chacun d’eux après vérification des données empiriques pertinentes et en évaluant la situation du pays sur la base de ces indicateurs. Chaque indicateur est toujours noté après consultation entre les entités notées et les chercheurs nationaux. Toutefois, dans le cadre du présent article, les indicateurs ont obtenu une note sur la base d’un examen des études disponibles sur l’Éthiopie. Les conclusions de la recherche sont mitigées : la performance du pays est faible en matière d’utilisation de l’évaluation dans de nombreux domaines d’intervention, moyenne s’agissant du niveau d’institutionnalisation (gouvernement) et élevée pour ce qui est de l’existence d’organisations professionnelles. Quelques recommandations ont été formulées sur la base de l’analyse effectuée, afin de renforcer la culture d’évaluation en Éthiopie.

Page 29: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

Hailu Filmon, Consultant en suivi et évaluation

Introduction

Il est important de suivre et d’évaluer les actions de développement afin de faire ressortir les effets réels des résultats, tirer des enseignements de la mise en œuvre et améliorer

le travail de conception à l’avenir. Tout devient pratique avec le recours à un outil d’analyse adéquat pour évaluer les changements dus à une action spécifique dans un secteur ou auprès des bénéficiaires donnés. Parmi ces outils, l’évaluation du développement occupe une place de choix.

L’évaluation en faveur du développement renvoie, de manière générale, celle qui est faite sur des actions de développement, y compris des projets, des programmes et des politiques. Patton (2012) la définit comme un terme générique désignant des évaluations conduites dans des pays en développement et qui sont toujours axées sur l’efficacité de programmes et actions d’aide au niveau international.

En tant qu’outil d’analyse, l’évaluation a évolué au gré des questions de développement. L’évaluation du

développement, pratiquée depuis plus de 72 ans dans les pays industrialisés, a débuté avec la naissance de la Banque mondiale en 1944 (Imas & Rist, 2008). Mais son application dans les pays en développement, pour le compte de leurs propres actions de développement, est toute une autre histoire. C’est vrai que la pratique évaluative existe en Éthiopie (Musumba, 2018), mais l’évaluation du développement demeure limitée et peu structurée. À cet égard, peu d’études ont été menées jusqu’ici pour révéler la situation de l’évaluation dans ce pays et dans quelle mesure une culture d’évaluation a bien pu s’enraciner.

Matériel et méthodes

Des institutions et des chercheurs divers ont essayé d’apprécier la situation de l’évaluation du développement et de la culture d’évaluation dans des pays. Le présent article adopte l’approche proposée par Furubo et al. (2002), qui permet d’identifier les facteurs qui affectent l’application de l’évaluation dans différents contextes nationaux et se répercutent sur la promotion de son utilisation.

Messages clés

❚ Cet article évalue le niveau d’enracinement de la culture d’évaluation en Éthiopie en attribuant des notes à neuf indicateurs pertinents.

❚ Le résultat global obtenu implique que ce pays est dépourvu d’une culture d’évaluation mature, six critères n’étant pas satisfaits.

❚ Il recommande que des efforts soient consentis pour instaurer une culture d’évaluation au sein de l’appareil politique et administratif du secteur public et que le Gouvernement travaille en synergie avec d’autres parties prenantes pour consolider cette culture d’évaluation.

❚ L’adoption d’une politique d’évaluation doit se faire dans un cadre propice en vue d’améliorer la culture d’évaluation dans le pays.

27

Page 30: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

Cette approche comprend :

❚ Un aperçu historique de l’offre et de la demande d’évaluation, des changements de cadres institutionnels, etc. ;

❚ Une description de la professionnalisation dans le domaine de l’évaluation ;

❚ Une description de l’évaluation au niveau de l’exécutif ;

❚ Une description de l’évaluation au niveau du législatif;

❚ Des observations concluantes sur la situation et les perspectives des systèmes nationaux d’évaluation ;

❚ Une analyse des explications éventuelles concernant les réformes et tendances, ainsi que l’implication de l’évaluation dans les changements au niveau national.

Furubo et al. (2002) ont également examiné neuf variables de la culture d’évaluation, attribuant à chacune d’elle une note faible (0), moyenne (1) ou élevée (2), et ce, avant qu’une culture d’évaluation ne puisse s’instaurer de manière complète. Le tableau 1 énumère ces variables.

Évaluation

Les informations collectées à partir de Alemu et Latib (2013) et auprès du Bureau de l’évaluation indépendante du PNUD (2015) nous ont permis d’évaluer l’Éthiopie sur les critères susmentionnés, tout en analysant et formulant des observations sur les neuf critères d’évaluation de la culture d’évaluation mise à disposition par Furubo et al. (2002).

Par conséquent, nous avons noté la performance du pays sur les indicateurs présentés dans le tableau 2 ci-dessous.

La pratique de l’évaluation dans de nombreux domaines d’intervention

La note de 0 obtenue pour ce critère implique que les activités d’évaluation en Éthiopie demeurent une fonction distincte et ne touchent que quelques secteurs. Le fait qu’aucun organisme public précis n’a pour mission de remplir la fonction évaluative au niveau national, peut expliquer la pénurie ou le faible engouement pour des études d’évaluation. Le déficit de connaissances en évaluation, y compris sur la contribution de l’évaluation dans la formulation des politiques efficaces et axées sur des données probantes, pourrait également expliquer cette situation.

1 Pratique de l’évaluation dans de nombreux domaines d’intervention

2 Offre d’évaluateurs spécialisés dans diverses disciplines

3 Discours sur l’évaluation au niveau national

4 Existence d’un secteur de l’évaluation à jour, avec des normes et une déontologie

5 Le gouvernement est doté de politiques institutionnelles pour conduire des évaluations et diffuser les résultats obtenus aux décideurs

6 Le parlement est doté de politiques institutionnelles pour conduire des évaluations et diffuser les résultats obtenus aux décideurs

7 Existence de différentes parties prenantes pour commander et réaliser des évaluations

8 Activités d’évaluation au sein de l’Institution suprême de l’audit (SAI)

9 Évaluations du secteur public qui produisent des résultats en matière de programmes ou de politiques.

Tableau 1 : Variables permettant de mesurer une culture d’évaluation

28

Page 31: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

L’offre d’évaluateurs nationaux dans différentes disciplines

L’Éthiopie a affiché une faible performance à cet égard, ce qui s’explique par l’absence d’institutions d’enseignement supérieur offrant des programmes de suivi et d’évaluation (S&E) dans diverses spécialités. La demande d’évaluation étant faible au niveau de la structure chargée de l’élaboration des politiques, cette carence doit être corrigée. Par ailleurs, il est difficile d’observer que l’attention et les ressources nécessaires sont accordées dans le but d’améliorer l’offre d’évaluateurs en Éthiopie.

Le discours national sur l’évaluation

Sur ce critère, le pays a obtenu la plus forte note. Le Gouvernement éthiopien est en train d’acquérir de l’expérience dans l’exécution des réformes du secteur public qui ont été adoptées dans le cadre de la gestion axée sur les résultats en vue de servir la stratégie nationale en la matière (Alemu & Latib, 2013). La stratégie basée sur les résultats en tant qu’outil de gestion des politiques publiques a des répercussions sur la demande et l’offre d’évaluation.

Une réorientation des institutions publiques vers la réalisation accrue des résultats pourrait contribuer à améliorer les prestations de services, la fourniture des biens publics et la consommation du budget. De plus, cela aura un impact sur la responsabilité et l’apprentissage, pour une meilleure gouvernance des politiques nationales.

Les associations professionnelles

Le pays est bien loti sur ce plan. D’après les données disponibles, il existe deux associations professionnelles en Éthiopie : la bien connue Association éthiopienne d'évaluation (EEvA), créée en 2009 ; et l’Association éthiopienne de suivi et d'évaluation, une jeune société de professionnels créée en 2014.

EEvA se fait entendre et est active dans la mise en place de réseaux avec des sociétés membres sur le continent, ainsi que dans l’organisation de conférences professionnelles (EEvA, Annual Performance Reports 2013 – 2016(a)). Cette association est également en train de consentir des efforts pour faire appliquer les normes d’évaluation et stimuler l’évolution de la profession. Certes, EEvA a beaucoup œuvré pour améliorer

No Variables Notation

1 Pratique de l’évaluation dans de nombreux domaines d’intervention 0

2 Offre d’évaluateurs nationaux spécialisés dans diverses disciplines 0

3 Discours sur l’évaluation au niveau national 2

4 Organisations professionnelles 2

5 Degré d’institutionnalisation – Gouvernement 1

6 Degré d’institutionnalisation – Parlement 0

7 Pluralisme des institutions en charge des évaluations dans chaque domaine d’intervention 1

8 Évaluation au sein de la SAI 0

9 Proportion des évaluations de résultats en lien avec les évaluations de produits et de processus

1

Tableau 2 : Notations de la culture d’évaluation en Éthiopie

29

Page 32: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

sa visibilité, mais sa contribution à l’accroissement de la demande et de l’offre d’évaluation dans le pays reste marginale.

Le degré d’institutionnalisation – Gouvernement

La performance du pays sur cet indicateur est moyenne, ce qui signifie que, malgré les efforts déployés (tels que l’appui de la Banque africaine de développement à travers IDEV, qui a permis de renforcer le système national de suivi et d’évaluation entre 2014 et 2018), l’Éthiopie éprouve encore des difficultés non pas seulement à créer des structures permanentes chargées de faciliter la commande d’études en évaluation par les administrations publiques, mais également à diffuser les résultats des évaluations. Un aperçu historique de la demande et de l’offre d’évaluation en Éthiopie semble lui attribuer une certaine expérience en évaluation du développement. Des études révèlent que le suivi a bénéficié d’une attention particulière dans les trois plans quinquennaux (1959-1973 – calendrier européen) du régime impérial. Les données disponibles démontrent encore que les plans de développement du pays se sont montrés intenses quant au suivi-évaluation (S&E) de la gouvernance publique, notamment lors du régime militaire. Depuis le changement de gouvernement survenu en 1991, un cadre de suivi et évaluation est désormais articulé, tel que décrit dans le plan national de développement. Cependant, le suivi a continué d’être privilégié depuis des années, les systèmes d’évaluation et de rétroaction axés sur des données probantes n’étant utilisés que de façon marginale (Alemu & Latib, 2013).

Le Gouvernement a récemment pris un décret (Règlement N° 281/2013) instituant le Conseil national de planification et la Commission nationale de planification. De même, il a publié, en janvier 2018, une directive en matière de suivi et d’évaluation élaborée par

le Conseil ministériel sur l’exécution du plan national de croissance et de transformation. Par ailleurs, des unités de prestation de services ont été créées, en commençant par les Services du Premier ministre. Ces actions traduisent le souci pressant de mettre en place une structure institutionnelle de coordination des activités de suivi et évaluation et d’adopter un cadre d’intervention au niveau national.

Le degré d’institutionnalisation – Parlement

La performance du pays sur cet indicateur est faible, traduisant ainsi un manque de pratiques permanentes susceptibles de faciliter la réalisation d’études en évaluation et la diffusion de résultats au sein de l’appareil législatif. Des membres du Parlement éthiopien ont signé, à Yaoundé en 2014, la Déclaration des parlementaires africains sur l’évaluation (Rosenstein, 2015). Pourtant, on s’étonne que le parlement tarde à exercer son pouvoir en demandant que les actions gouvernementales fassent l’objet d’évaluation.

En tant qu’organe de contrôle, le pouvoir législatif a un rôle important à jouer dans la mise en place de processus décisionnels fondés sur des données probantes. Ce rôle pourrait consister en une généralisation du pluralisme et de l’ouverture à de nouvelles idées en vue d’enraciner davantage la culture d’évaluation dans le pays, à travers le mandat législatif. La demande et l’offre d’évaluation en a souffert, de même que la contribution du parlement au renforcement de la bonne gouvernance.

Le pluralisme des institutions ou la présence d’évaluateurs dans chaque domaine d’intervention

La note du pays sur cet indicateur est de 1. En Éthiopie, il existe des institutions, quoiqu’en petit nombre, qui conduisent des évaluations. En raison de la pénurie de la demande d’évaluation dans les

30

Page 33: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

domaines d’intervention de l’État, le pays ne compte pas beaucoup de bureaux d’étude et de consultants en évaluation. Cela se reflète dans les règles du marché.

L’évaluation au sein de l’Institution suprême de l’audit

L’Éthiopie affiche une performance nulle pour cet indicateur. En d’autres termes, l’activité évaluative est inexistante au sein du Bureau de l’auditeur général fédéral et ne contribue pas à l’instauration d’une culture d’évaluation dans le pays. L’évaluation et l’audit sont étroitement liés, leur objectif commun étant d’instituer la responsabilité dans la gestion des ressources et de promouvoir les enseignements tirés de la conduite des évaluations.

Cela est d’un grand intérêt non pas seulement pour le parlement, qui examine les rapports annuels sur la performance (utilisation des ressources) des administrations publiques produits par le Bureau de l’auditeur général fédéral, mais également pour les médias et le grand public. Les rapports d’audit fédéraux pourraient toutefois être renforcés, avec un impact plus significatif en termes de valeur ajoutée pour le groupe cible, si les études d’évaluation étaient intégrées dans les activités du bureau de l’audit. Sur ce plan, il existe un énorme déficit à combler.

La proportion des évaluations de résultats en lien avec les évaluations de produits et de processus

La note obtenue sur cet indicateur est de 1, ce qui traduit l’insuffisance d’évaluations de résultats destinées à démontrer si les actions menées ont pu résoudre le problème qui était identifié. Les évaluations des résultats des interventions sont rares, sauf si les bailleurs de fonds les ont appuyées ou y préservent un intérêt. Le fait est que la pratique de l’évaluation est peu connue, tout comme sa contribution à la prise de décisions dans le secteur public.

Conclusion et recommandations

Le présent article s’est appuyé sur Furubo et al. (2002) pour définir deux aspects de la maturité et analyser les indicateurs de la culture d’évaluation. Le premier aspect concerne le niveau d’établissement de la praxis en matière d’évaluation et de son intégration dans le système politique et administratif. Le second aspect s’articule autour de l’expansion et du pluralisme d’une culture d’évaluation et de son ouverture à de nouvelles idées et impulsions.

D’après les travaux de recherche, l’évaluation est directement liée au débat public ouvert et au concept selon lequel les politiques doivent être remises en cause. Par conséquent, le Gouvernement éthiopien devrait encourager le débat public ouvert et s’habituer à la critique en donnant la possibilité à la société civile, y compris les associations professionnelles d’évaluation, d’intervenir et en créant des plateformes de discussion permanente avec ces acteurs. L’expansion du pluralisme et l’instauration d’une culture d’évaluation ouverte et novatrice dans le pays en dépendent.

L’ensemble des résultats de la recherche suggère que l’Éthiopie ne jouit pas d’une culture d’évaluation mature, car le fait que tous les neuf critères retenus ne soient pas satisfaits traduit l’existence de carences dans certains domaines. La création d’une structure institutionnelle de suivi et évaluation semble indiquer la nécessité de ce processus, mais l’engagement des autorités n’est

"L’Éthiopie ne jouit pas d’une culture d’évaluation mature, car le fait que tous les neuf critères retenus ne soient pas satisfaits traduit l’existence de carences dans certains domaines".

31

Page 34: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

pas de nature à permettre sa prise en compte dans le système politico-administratif afin de rendre ce dernier plus opérationnel et efficace. Il existe des parties prenantes qui promeuvent le recours à l’évaluation, mais elles ne sont pas assez influentes pour encourager le pluralisme et le partage d’idées.

Quelles recommandations pouvons-nous formuler pour renforcer la culture d’évaluation en Éthiopie ?

La première action prioritaire à mener consiste à adopter un cadre politique. Sur ce point, l’Éthiopie a publié, le 9 janvier 2018, une directive en matière de suivi et d’évaluation élaborée par le Conseil ministériel sur l’exécution du plan national de croissance et de transformation (FDRE, 2018).

La deuxième action prioritaire consiste à concevoir des programmes d’application des indications stratégiques énoncées dans la directive nationale sur le suivi et évaluation. À ce niveau, le Canada pourrait être un bon exemple : ce pays a introduit la « Results for Canadians Initiative », qui lui permet de créer la demande d’évaluation à l’échelle nationale (Stolyarenko (c)). Il s’agit d’un programme de gestion publique qui ambitionne d’améliorer la fourniture de résultats, la responsabilité dans les dépenses, la transparence et la redevabilité.

La troisième intervention devrait consister à identifier des champions de l’évaluation. Il serait intéressant de les associer au gouvernement, qui joue un rôle majeur. Sur ce point, le bon exemple vient de l’Ouganda, où le Président est devenu un champion de premier ordre, aux côtés du gouvernement, pour promouvoir le recours à l’évaluation dans les administrations publiques (Stolyarenko (a)). Dans ce même pays, les Services du Premier ministre se positionnent comme le principal champion institutionnel dans le domaine du suivi et évaluation.

En dernier lieu, il faudra établir une plateforme permettant aux différents acteurs d’avoir confiance en l’ouverture et en la responsabilité. Le cas de « Colombia Lider » peut servir d’exemple à cet égard. Il s’agit d’une plateforme indépendante de partenariat de la société civile regroupant les représentants des médias, des banques, des fondations et d’autres organisations pour débattre de la bonne gouvernance et de la « veille sociale » (Stolyarenko (b)). Elle sert à mettre en lumière la bonne performance des maires, à suivre les plans et les dépenses publics, et à analyser leurs effets sur la pauvreté.

Globalement, la mise en œuvre de ces recommandations devrait améliorer la performance de l’Éthiopie par rapport aux indicateurs relatifs aux atouts de l’évaluation.

32

Page 35: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

33Situation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaireSituation de la culture d’évaluation du développement en Éthiopie : Étude documentaire

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Alemu, G., and Latib, S. (2013). Study on the Demand for and Supply of Evaluation in Ethiopia, Johannesburg, Graduate School of Public and Development Management, University of the Witwatersrand.

Alemu, G. T. (2011). Ethiopia: Evaluation in Ethiopia: Institutional Setting, Experiences, Challenges and Prospects. Proceedings from the International Conference on National Evaluation Capacities, 15-17 December 2009 Casablanca, pp. 62-67

Ethiopian Evaluation Association, Annual Performance Reports, 2013 – 2016 (a).

Ethiopian Evaluation Association, Minute Meetings, 2014 – 2016 (b).

Federal Democratic Republic of Ethiopia (2013). Federal Negarit Gazette, Regulation No. 281/2013: ‘National Planning Council and National Planning Commission Establishment Council of Ministers Regulation’, Addis Ababa: February 11, 2013.

Federal Democratic Republic of Ethiopia (2018). National Growth and Transformation Plan Implementation Council of Ministers Monitoring and Evaluation Guideline, Amharic Version, Addis Ababa, Ethiopia.

Furubo, J. E. and Sandahl, R. (2002). “A diffusion perspective on global developments in evaluation”, in : F.J. Eric, R.R.C. and S. Rolf (eds.) International Atlas of Évaluation, New Jersey, Transaction, pp. 1 – 22.

Imas, L. M. and Rist, R. C. (2008). The Road to Results: Designing and Conducting Effective Development Evaluations, Canada, Carleton University.

Independent Evaluation Office (2015). Towards a Baseline Study: Insights on National Evaluation Capacities in 43 Countries, New York, UNDP.

MoFED and UNDP (2012a). Draft Strategy Paper for Mainstreaming of Results Based Management for the Realization of the GTP and Goals in Selected Regions, Addis Ababa, MoFED and UNDP.

Musumba, J. (2018). ‘’Lessons for Strengthening a National Evaluation System”, in: Building supply and demand for evaluation in Africa, Volume 2, Independent Development Evaluation, African Development Bank, Evaluation Matters, pp. 50-55.

Patton, M. Q. (2012). “Developmental Evaluation for Equity-Focused Evaluations”, in: S.Marco (eds) Evaluation for equitable development results, New York, UNICEF Evaluation Office, pp. 102 – 114.

Rosenstein, B. (2015). Status of National Evaluation Policies, Global Mapping Report, 2nd Edition, Implemented by Parliamentarians Forum on Development Evaluation in South Asia jointly with EvalPartners.

Stolyarenko (a), K. Case - Study # 3: National Evaluation Policy in Uganda, Parliamentarians Forum for Development Evaluation.

Stolyarenko (b), K. Case - Study # 4: National Evaluation Policy in Colombia, Parliamentarians Forum for Development Evaluation.

Stolyarenko (c), K. Case - Study # 5: National Evaluation Policy in Canada, Parliamentarians Forum for Development Evaluation.

Références

À p

ropo

s de

l'au

teur

M. Hailu Filmon, Consultant en suivi-évaluation

Titulaire d’un master en évaluation et gestion du développement de l’Université d’Anvers, M. Filmon jouit de plus de sept années d’expérience dans la préparation de plans stratégiques, de budgets programmes, de plans de travail annuels pour des projets et de plans de suivi et d’évaluation. Il a élaboré et évalué des propositions techniques sur l’exécution de projets dans de nombreux services publics et de bureaux d’études où il a occupé différents postes. Il est un Vice-président de l’Association éthiopienne d'évaluation et membre du groupe de référence de l’African Evidence Network.

33

Page 36: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

La gouvernance locale efficace est une condition nécessaire pour obtenir aussi bien des prestations de service public de qualité que de meilleurs résultats en matière de développement. De même, une culture d’évaluation est incontournable pour permettre aux collectivités locales de remplir efficacement et durablement leurs fonctions administratives et de planification du développement, tout en promouvant la responsabilité et l’apprentissage. Cela dit, la culture d’évaluation est rare dans le système d’administration locale du Ghana. Plusieurs facteurs, comme la faiblesse des capacités techniques et financières, entravent la promotion d’une culture d’évaluation dans les assemblées métropolitaines, municipales et de district. La conception de plans de suivi et d’évaluation à l’appui des plans de développement à moyen terme de districts ne suffit pas. Des unités d’évaluation bien dotées en ressources, associées à un partenariat robuste, une orientation institutionnelle et des plateformes d’échange, sont cruciales pour instaurer une culture d’évaluation. Et cela l’est d’autant plus encore à un moment où les partenaires au développement, y compris les banques multilatérales de développement, cherchent à s’engager de plus en plus au niveau infranational.A

u-de

là d

es p

lans

de

suiv

i-éva

luat

ion

: Ver

s un

e cu

lture

d’

éval

uatio

n da

ns le

s ad

min

istra

tions

loca

les

ghan

éenn

es

Page 37: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

Clement Mensah, Consultant, IDEV

Messages clés

❚ La promotion d’une culture d’évaluation est aussi importante pour les administrations locales que pour le gouvernement central, de même qu’elle est utile pour les priorités en matière de développement et pour les objectifs de développement durable.

❚ Il existe peu de données sur l’implantation d’une culture d’évaluation dans les collectivités locales du Ghana. Au mieux, ce qui existe pourrait s’apparenter à une culture de suivi.

❚ La promotion de la culture d’évaluation au sein des collectivités locales va bien au-delà de la simple conception de plans de suivi et d’évaluation. Il faut créer un cadre propice, avec des mécanismes institutionnels adéquats et le renforcement des capacités, pour exécuter ces plans.

❚ Les outils d’évaluation périodique de la performance peuvent servir à promouvoir une culture d’évaluation au niveau local : i) en mettant en exergue les lacunes et les besoins en matière de gouvernance, notamment en ce qui concerne le suivi et l’évaluation, que les administrations locales devront combler pour améliorer leurs prestations ; et ii) en permettant que la société civile exige davantage l’obligation de rendre compte.

❚ Les associations nationales d’évaluation, les institutions de recherche et les organisations de la société civile ont un rôle important à jouer pour enraciner la culture d’évaluation.

Introduction

Une plus grande responsabilité et des politiques fondées sur des données probantes étant de plus en plus nécessaires, les gouvernements des pays

du monde entier consentent des efforts dans le suivi et l’évaluation (S&E) de leurs politiques, programmes et projets. En Afrique, cette pratique a subi d’importantes mutations depuis le début du millénaire, avec la multiplication de systèmes de S&E établis par les pays eux-mêmes (Basheka, 2015; Mofolo, Mkuyane & Skade 2014). De nos jours, des pays tels que l’Afrique du Sud, le Bénin et l’Ouganda possèdent des systèmes nationaux de S&E relativement modernes et continuent d’échanger et d’apprendre les uns des autres (Goldman et al., 2018). D’autres comme le Botswana et

l’Éthiopie ont créé des cadres de politique nationale pour guider le suivi et l’évaluation dans les administrations publiques. Le Gouvernement du Ghana a emboîté le pas à des pays comme le Bénin en instituant, en 2017, un ministère exclusivement dédié au suivi et à l’évaluation des actions gouvernementales. Le Gabon l’a également fait deux ans plus tard.

L’essor de la pratique de S&E dans le secteur public en Afrique s’explique non seulement par la nécessité d’assurer la responsabilisation et l’apprentissage, mais également par la « reconnaissance politique de l’utilité de l’évaluation pour la bonne gouvernance » (Basheka, 2015 :77). Autrement dit, il existe une relation intrinsèque entre le S&E et la bonne gouvernance, tant à l’échelle nationale que locale. Cela étant, dans les administrations publiques du

35

Page 38: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 39: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

continent, la composante « évaluation » du S&E continue de manquer de visibilité (Goldman et al., 2018). Même au niveau des collectivités locales, un phénomène similaire existe. Malgré la popularité croissante des pratiques de S&E au sein des administrations locales du continent, le fonctionnement des systèmes et plans de S&E infranationaux fait la part belle au suivi et néglige l’évaluation, ce qui illustre la faiblesse de la culture d’évaluation au niveau local.

Au Ghana, quasiment toutes les assemblées métropolitaines, municipales et de district (AMMD) préparent des plans de S&E pour accompagner leurs plans de développement à moyen terme, qui sont contenus dans le manuel sur le S&E au niveau national et dans les directives en la matière au niveau des districts, mais la composante « évaluation » est rarement pratiquée. Pourtant, comme le suivi, l’évaluation est essentielle pour la responsabilité et la formulation des politiques sur la base des données probantes (Mackey, 2008).

Cet article s’appuie donc sur la littérature existante, ainsi que sur des plans de S&E élaborés pour les AMMD et des rapports d’étape annuels, pour évaluer la situation de la culture d’évaluation dans le système d’administration locale du Ghana. L’article examine également des efforts et les outils de promotion d’une culture d’évaluation et formule des recommandations en vue d’une plus forte implantation de la culture d’évaluation au sein des AMMD du Ghana.

Le système d’administration locale et le rôle du suivi et de l’évaluation au Ghana

Il est clair que le système d’administration locale joue un rôle important dans la gouvernance du développement dans le monde. La gouvernance locale, qui illustre un passage d’une administration centralisée à un système de planification et de développement au niveau local, est en mesure d’accélérer le développement

d’un pays, car elle garantit l’appropriation, mobilise les ressources locales et accroît la participation citoyenne. À cet effet, elle peut être perçue comme étant indispensable pour le développement social (Institute of Local Government Studies & Friedrich Ebert Stiftung, 2016). En essence, les collectivités locales contribuent considérablement à la prestation des services publics tout en servant de catalyseurs du développement auprès des populations.

Ces trente dernières années, le système de gouvernance locale du Ghana a évolué après les réformes législatives de 1988 et a été par la suite renforcé par les dispositions des lois de 1993 et de 2010 sur les collectivités locales (ACT 462). Depuis 2019, le pays compte 260 districts administratifs. Ils constituent les premières autorités administratives, de planification, de développement et de notation dans leurs périmètres de compétence.

En remplissant ces fonctions, les AMMD, à travers les unités de planification et de coordination de district, élaborent des plans à moyen terme (ayant une validité normale de quatre ans) qui couvrent une palette d’interventions, notamment la construction de bâtiments d’écoles, de centres de santé et de marchés. De ce fait, les unités de planification et de coordination de districts travaillent en collaboration avec d’autres organes décentralisés tels que les services ghanéens de l’éducation et de la santé, ainsi qu’avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, entre autres.

Compte tenu de l’étendue et de la complexité des fonctions administratives, de planification, d’exécution et de coordination, la création d’un système de suivi, d’évaluation et de promotion de l’apprentissage s’impose. Cela traduit la nécessité de renforcer les capacités de S&E des administrations, des bailleurs de fonds et des partenaires au développement intervenant au niveau local (Le Bay & Loquai, 2008).

Selon le manuel sur le S&E au niveau national, « le suivi et l’évaluation constituent le

37

Page 40: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

principal instrument d’évaluation du degré auquel les pouvoirs publics ont tenu à leurs engagements, tel que promis dans leurs discours sur la politique nationale, ainsi que dans les plans de développement ». Le concept de S&E est devenu populaire dans les districts. Désormais, tous les AMMD sont tenus de préparer des plans de S&E à l’appui de leurs plans de développement à moyen terme de districts, conformément aux dispositions du manuel national. Ces plans, qui sont directement développés par l’unité de planification et de coordination de chaque district sous la supervision du directeur coordonnateur, sont censés, entre autres, exploiter les enseignements tirés de l’exécution de plans, de projets et de programmes divers (voir encadré 1).

Comme le gouvernement central, les AMMD du Ghana devraient adopter également le S&E dans le cadre de leurs processus de gouvernance, sans pour autant cesser de développer des plans et d’organiser des réunions d’examen trimestriel de la performance. Or, pour jouir pleinement de ces plans et améliorer les résultats en matière de développement au niveau local, une forte culture d’évaluation s’impose

La situation de la culture d’évaluation dans les AMMD

Même si l’évaluation de l’efficacité des actions gouvernementales a porté des

fruits, l’absence d’une culture d’évaluation solide (engagement à initier et à utiliser les résultats des évaluations) peut diluer ces avantages. La culture d’évaluation est donc une condition préalable à l’utilisation des évaluations (Sandison, 2006).

Dans le système d’administration locale du Ghana, la culture d’évaluation dans les AMMD peut être présentée sous de multiples angles. Pour la présente étude, quatre principaux aspects ont été retenus.

Le cadre législatif et politique : Au cœur de la promotion d’une culture d’évaluation dans les AMMD se trouve la création d’un cadre propice (politiques et mécanismes institutionnels). Certes, le manuel sur le S&E au niveau national donne toutes les orientations pour élaborer et appliquer des plans de S&E au niveau sectoriel et dans les AMMD, mais les directives en la matière au niveau des districts (lesquelles sont périodiquement révisées par la Commission nationale de planification du développement) servent de document de référence pour la préparation des plans de S&E au niveau des AMMD. Par exemple, les directives de la période 2014-2017 présentent en détail les dispositifs institutionnels établis pour décentraliser l’activité de suivi-évaluation, et présentent le chronogramme d’activités de préparation d’un plan et proposent les modalités d’une telle préparation selon une approche participative.

ENCADRÉ 1. RAISON D’ÊTRE DU DÉVELOPPEMENT DE PLANS DE S&E AU NIVEAU DES MMDA

❚ Évaluer si les cibles des Plans de développement à moyen terme du district (PDMTD) ont été atteintes;

❚ Identifier les réalisations, les obstacles et les défaillances, afin que des mesures correctives puissent être apportées au PDMTD et des avant-projets et créer ainsi un plus grand impact ;

❚ Identifier les interventions appropriées susceptibles d’accroître la réceptivité des bénéficiaires ciblées ; ❚ Fournir des informations en vue d’une coordination efficace du développement des districts des régions ; ❚ Documenter les enseignements tirés de l’exécution de programmes et projets ; ❚ Améliorer la qualité des prestations et influer sur l’allocation des ressources aux districts ; ❚ Présenter les résultats obtenus aux parties prenantes, dans le souci de rendre compte et faire preuve

de transparence ; ❚ Renforcer l’appropriation de PDMTD et renforcer les capacités en S&E dans chaque district.

Source : Guidelines for the Preparation of the District Monitoring and Evaluation Plan Under Ghana Shared Growth and Development Agenda (GSGDA II), 2014-2017.

38

Page 41: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

Ces mêmes directives consacrent une section précise à l’évaluation du développement, qui, de manière succincte, définit l’évaluation et présente ses principales valeurs, sa typologie et les étapes à suivre pour en effectuer. On y trouve également un échantillon de la matrice d’évaluation, qui est censé s’accompagner d’un plan de S&E au niveau de district.

Malgré l’importance de ces dispositions, leur application pratique demeure un défi majeur. Un coup d’œil rapide sur les plans de S&E dans les districts et sur quelques rapports d’étape annuels révèle un énorme déficit en matière d’utilisation des évaluations. Hormis quelques cas d’évaluation à mi-parcours de PDMTD qui sont enregistrés au niveau de certaines instances, la plupart des activités de S&E prévues dans ces plans ne se limitent qu’au suivi. Ce parti pris explique en quoi les dispositions des directives en matière d’évaluation sont limitées et comment il faut rectifier le tir, aussi bien dans les AMMD qu’à l’échelle nationale. Pour l’instant, le système national d’évaluation du Ghana est faible, ce qui, manifestement, se répercute sur le type de culture d’évaluation qui prévaut au sein des AMMD.

Les capacités techniques et financières : Elles sont essentielles pour l’efficacité des évaluations (Adrien & Denis, 2008). La promotion et l’enracinement d’une culture d’évaluation dans les AMMD en auront besoin. D’ailleurs, beaucoup de AMMD reconnaissent que le manque de capacité technique et financière constitue une entrave importante à la promotion d’une culture d’évaluation. Les capacités évaluatives des ministères, des départements, des organismes publics et des AMMD restent limitées au Ghana (Twende Mbele, 2018; UNDP, 2015; Dery, 2013). Certains plans de S&E ont clairement identifié ces carences.

En particulier, l’emploi du terme « évaluation » est problématique et parfois ambigu dans la plupart des plans et des rapports d’étape annuels sur le suivi et l’évaluation. Un examen de ces

documents montre que les concepts de « suivi » et d’« évaluation » y sont utilisés de manière interchangeable. Par exemple, dans certains plans de S&E, le terme « évaluation » n’est employé que dans le cadre de la compréhension d’activités telles que les visites de terrain. Même lorsque le plan présente une matrice d’évaluation, il ne décrit pas les méthodes, encore moins les visites de terrain et les consultations effectuées. Non seulement cette situation en rajoute à une mauvaise compréhension et utilisation des deux termes, mais également elle indique un mode de non-conformité du fait d’une insuffisance de capacité technique (Dery, 2013).

L’utilisation : Il s’agit d’un aspect essentiel du cycle d’évaluation et, certainement, d’une culture d’évaluation consolidée. Malheureusement, compte tenu de la rareté des évaluations en temps réel des interventions qui s’effectuent dans les AMMD (sauf pour des besoins d’examen à mi-parcours des PDMTD), il existe peu de données pour vérifier si les résultats du suivi et de l’évaluation servent à améliorer les pratiques de gouvernance et les processus de planification du développement au niveau local. Même en ce qui concerne les outils émergents d’évaluation de la performance, tels que la District League Table (où des ateliers sont organisés pour partager les conclusions des évaluations avec les principales parties prenantes), la décision de s’attaquer aux problèmes identifiés par les évaluations incombe aux AMMD.

La participation et les partenariats : Reconnaître la valeur de l’évaluation et l’impact de sa demande joue également un rôle fondamental dans une culture d’évaluation forte. Pour les gouvernements, l’un des moyens efficaces consiste à encourager une plus grande participation de tous et à nouer des partenariats robustes avec les différentes parties prenantes. Quant aux AMMD, elles peuvent agir soit dans le cadre de l’élaboration des plans de suivi et d’évaluation, soit lors de l’exécution de ces plans (notamment durant la diffusion des résultats).

39

Page 42: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

À la conception, les plans de S&E indiquent avoir conduit une analyse des parties prenantes dans le cadre des processus de mobilisation de ces acteurs, tel qu’indiqué dans les directives. Il s’agit notamment des organisations non gouvernementales et des organisations communautaires. En outre, les directives de S&E encouragent le recours à des outils de S&E participatifs tels que l’évaluation participative en milieu rural, le rapportage par les citoyens, le tableau de bord communautaire et les enquêtes participatives sur le contrôle des dépenses.

Les partenariats avec des organisations de la société civile, en vue de la promotion d’une culture d’évaluation, constituent un pilier essentiel de l’approche participative et partenariale. Quelques efforts sont en train d’être déployés dans ce sens. Par exemple, Twende Mbele et CLEAR-AA accompagnent le Forum sur le S&E au Ghana afin de renforcer la collaboration entre le gouvernement et la société civile en ce qui concerne le S&E des services d’assainissement. Mais, normalement, ces actions ont généralement une envergure plus nationale que locale. Cela dit, il s’agit manifestement d’un bon exemple qui peut être exploré au niveau des AMMD.

Le rôle des outils dans la promotion d’une culture d’évaluation au sein des AMMD

Au-delà des directives traditionnelles en matière de S&E et des plans connexes – qui sont censés intégrer une culture de suivi et d’évaluation dans les AMMD –, il existe quelques outils de mesure de la performance susceptibles de permettre aux AMMD d’évaluer leurs processus administratifs et de planification et de garantir la bonne gouvernance et la responsabilité sur le long terme. Deux de ces outils sont présentés ci-après.

L’outil de mesure de la performance des assemblées de district : Cet outil a deux

objectifs : évaluer la performance des AMMD sur la base d’un ensemble d’indicateurs ; et servir de base pour déterminer l’affection des ressources du Fonds commun des assemblées de district aux AMMD (Government of Ghana, 2018). La gestion, la coordination et les formes de suivi et d’évaluation font partie des dix principaux indicateurs utilisés pour procéder à cette évaluation. En tant qu’outil destiné à encourager une meilleure performance des AMMD ainsi que la fourniture d’avis généraux sur cette performance, l’évaluation ne peut pas se substituer à un système d’évaluation fonctionnel. Par exemple, le type de problème qui intéresse l’évaluation dans le domaine de la gestion, de la coordination et du S&E est trop limité pour que l’on en tire des enseignements sur les échecs et les succès de l’exécution de projets ou de programmes particuliers.

La District League Table du Ghana : Depuis 2014, la District League Table (conjointement conçu par le Center for Democratic Development et le bureau de l’UNICEF au Ghana, en collaboration avec le ministère des Collectivités locales et du Développement rural) a servi d’outil de responsabilisation sociale majeur pour évaluer le développement et le niveau de fourniture de services de base des AMMD au cours de l’année. L’objectif principal est de promouvoir la responsabilité sociale et de contribuer à la planification de programmes (Center for Democratic Development & UNICEF, 2015). L’évaluation cible six secteurs clés, à savoir la santé, l’éducation, l’assainissement, l’eau, la sécurité et la gouvernance. Cet exercice est en mesure d’inciter notamment la société civile à formuler une demande pour le suivi et l’évaluation. Mais il ne met pas suffisamment en lumière quelques-unes des déficits en matière de gouvernance qui devraient être corrigés au niveau local, surtout en ce qui concerne le suivi et l’évaluation. Dans quelques cas, le suivi et la supervision ont été mis en exergue dans les rapports sur la District League Table.

40

Page 43: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

"Certes, l’élaboration de plans de S&E est essentielle pour le système de gouvernance locale du pays, mais le suivi a tendance à être privilégié."

L’instauration d’une culture d’évaluation dans le système d’administration locale du Ghana

Certes, l’élaboration de plans de S&E est essentielle pour le système de gouvernance locale du pays, mais le suivi a tendance à être privilégié. Autrement dit, c’est la culture de suivi qui existe réellement et non celle de l’évaluation. Comme indiqué précédemment, l’écosystème de l’évaluation au niveau local est faible. Dans le cas du Ghana, il importe d’appliquer les recommandations suivantes afin de promouvoir une culture d’évaluation dans les AMMD.

❚ Réorienter les systèmes de S&E afin d’accorder une place privilégiée à l’évaluation : Il s’agira d’une étape importante dans le cas des collectivités locales du Ghana. Cette démarche suppose la mise en place d’un système national d’évaluation totalement retranché qui se prolonge au niveau des districts ; l’intensification de l’éducation en évaluation, assortie du renforcement des capacités du personnel dédié aux évaluations ; et l’instauration de la rigueur, de la crédibilité et de l’indépendance à des niveaux acceptables. De plus, les modèles utilisés pour élaborer les plans de S&E doivent être améliorés afin d’aider à mieux exploiter les évaluations. Pour ce faire, le ministère chargé du suivi et de l’évaluation, et celui en charge des administrations locales et du développement rural doivent collaborer aussi bien avec la Commission nationale de planification du développement qu’avec les partenaires au développement.

❚ Créer des plateformes de partage de résultats : Il convient d’établir une plateforme dédiée à la diffusion d’expériences en suivi et en évaluation. Dans ce sillage, le ministère chargé du S&E a organisé, en janvier 2020, le salon inaugural baptisé « Ghana Results

Fair », qui a réuni différents ministères, départements et organismes qui y ont présenté leurs résultats. Une telle plateforme peut également cibler les AMMD et leur permettre, dans leurs régions respectives, de partager leurs résultats. Mais ce type de plateforme présente d’autres multiples avantages. D’abord, elle permet aux assemblées de districts d’apprendre les unes des autres sur leurs pratiques et engagements en matière de S&E. Ensuite, les élus pourraient en faire un outil utile de diffusion d’informations à leurs électeurs, qui en retour, les encourageront à exiger plus de résultats.

❚ Consolider les partenariats avec les centres de recherche et les associations nationales d’évaluation : Les associations nationales d’évaluation étant une force vitale pour la promotion de la culture d’évaluation, consolider des partenariats avec ces acteurs, y compris le Forum sur le suivi et l’évaluation au Ghana, est un point de départ important. De même, étant donné que le budget est une contrainte majeure à la mise en place de systèmes de S&E fonctionnels dans les administrations publiques, il faut absolument nouer des partenariats avec des institutions de recherche et des associations nationales d’évaluation afin d’appuyer des initiatives de renforcement des capacités évaluatives, des programmes d’échange et des évaluations collectives.

❚ Développer des outi ls de responsabilisation et d’apprentissage spécifiques à l’évaluation :

41

Page 44: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

Comme indiqué précédemment, des outils que la District League Table sont utiles même s’ils présentent des limites. S’agissant en particulier du prochain rapport sur la District League Table, le Center for Democratic Development et l’UNICEF peuvent associer une mise en évidence du S&E à un classement des AMMD en fonction de la performance de chacune d’elles en matière de développement. Cela permettrait de mieux appréhender le défi que représente le S&E et ses exigences pour les résultats en matière de développement. En outre, le ministère chargé du S&E peut collaborer par exemple avec le Forum sur le suivi-évaluation au Ghana en vue de mettre au point un outil de diagnostic spécifique qui servirait à suivre les AMMD dans l’accomplissement de leurs fonctions de S&E tout en identifiant des champions dans ce domaine au sein de ces assemblées. Sur ce point, les unités d’évaluation indépendante du développement des partenaires, y compris les banques multilatérales de développement, peuvent mobiliser leur vaste expertise technique pour collaborer avec les associations nationales d’évaluation et les AMMD en vue de développer ces outils.

❚ Prendre des mesures incitatives et faire preuve de reconnaissance : La valorisation des meilleures AMMD à travers un plan de récompense est un moyen d’encourager l’enracinement d’une culture d’évaluation. Par exemple, la proposition de développer un outil est susceptible d’encourager les AMMD à promouvoir leur culture d’évaluation. Les récompenses en évaluation accordées par le Forum sur le S&E au Ghana, en reconnaissance de la contribution d’institutions et d’individus au S&E dans le pays, sont également un bon point de départ. De même, peut-être il faut également envisager de mettre en place un

système dédié spécifiquement aux AMMD qui montrent plus clairement comment elles prennent en compte le S&E dans leurs opérations.

Hormis ces recommandations, la présente étude propose quelques enseignements sur la promotion d’une culture d’évaluation dans les collectivités locales.

❚ La promotion d’une culture d’évaluation dans les collectivités locales va bien au-delà de la simple conception de plans de suivi et d’évaluation. Il faut également créer un cadre propice pour mettre à jour ces plans (par exemple, garantir l’existence des capacités techniques et financières, et créer des cadres institutionnels).

❚ La promotion d’une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes peut avoir besoin d’outils de mesure de la performance tels que l’outil d’évaluation de la performance des assemblées de district et la District League Table pour deux raisons. D’abord, ils peuvent contribuer à révéler les principaux déficits et besoins en matière de gouvernance, y compris en suivi et en évaluation, que les collectivités locales devront corriger pour améliorer leurs prestations. Ensuite, ces outils peuvent aider les communautés et la société civile à exiger davantage qu’on leur rende des comptes.

❚ La résolution du problème lié à la prise en compte de l’évaluation au niveau local passe par le recours à des outils d’évaluation développés essentiellement selon une approche participative et tenant donc compte des besoins des communautés.

❚ Les associations nationales d’évaluation, les institutions de recherche et les organisations de la société civile ont un rôle majeur à jouer dans l’enracinement de la culture d’évaluation.

42

Page 45: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

❚ L’utilisation de l’évaluation au sein des collectivités locales peut contribuer à améliorer les résultats en matière de développement à l’échelle nationale, ainsi que les objectifs de développement au niveau mondial (comme les ODD). Cela est d’autant plus important que les banques multilatérales de développement se tournent de plus en plus vers des entités infranationales.

Conclusion

Une gouvernance locale efficace est un préalable nécessaire à la fourniture des services publics de qualité ainsi qu’à

l’obtention de meilleurs résultats en matière de développement. Les autorités locales ont également besoin d’une culture d’évaluation pour remplir efficacement et durablement leurs fonctions administratives et de planification du développement, tout en promouvant la responsabilité et l’apprentissage. Toutefois, un ensemble de facteurs (capacités financières, techniques et institutionnelles, suivi approprié, etc.) sont nécessaires pour promouvoir une culture d’évaluation dans les AMMD. Il faut espérer que le prochain document de politique sur le suivi et l’évaluation, qui cible particulièrement les AMMD, puisse relever efficacement certains de ces défis liés aux évaluations.

Références

Accra Metropolitan Assembly (2017). Annual Progress Report Ghana Shared Growth And Development Agenda II (GSGDA II) https://new-ndpc-static1.s3.amazonaws.com/CACHES/PUBLICATIONS/2017/08/21/GR-+Accra+Metropolitan_APR_2016.pdf

Adansi North District Assembly 2017 Annual Progress Report (APR). https://s3-us-west-2.amazonaws.com/new-ndpc-static1/CACHES/PUBLICATIONS/2018/07/26/AR-+Adansi+North_2017+APR.pdf

Adrien, M. H., & Denis, J. (2008). Country-led evaluation: lessons learned from regions. UNICEF‘s Bridging the gap: The role of monitoring and evaluation in evidence-based policy making, 146.

Dery, B.B. (2013). Building M&E Capacities to Enhance the National M&E System in Ghana–The Way Forward. In 3rd International Conference on National Evaluation Capacities (NEC)-Solutions to Challenges Linked to Indepence, Credibitlity and Use of Evaluation (Vol. 29). https://nec.undp.org/wp-content/uploads/2019/01/Ghana-NEC2013.pdf

Government of Ghana (2018). District Assembly Performance Assessment Tool (DPAT): Operational Manual. Ministry of Local Government and Rural Development.

Goldman, I., Byamugisha, A., Gounou, A., Smith, L.R., Ntakumba, S., Lubanga, T., Sossou, D. & Rot-Munstermann, K., (2018). ‘The emergence of government evaluation systems in Africa: The case of Benin, Uganda and South Africa’, African Evaluation Journal 6(1), a253

Government of Ghana. (undated). National Monitoring and Evaluation Manual, https://s3-us-west-2.amazonaws.com/new-ndpc-static1/CACHES/PUBLICATIONS/2019/10/04/National+ME+Manual.pdf

Institute of Local Governance Studies and Friedrich Ebert Stiftung-Ghana (2016). A Guide to District Assemblies in Ghana. http://www.fesghana.org/uploads/PDF/DISTRICT%20ASSEMBLY_2nd%20Edition.pdf

Le Bay, S. & Loquai, C. (eds) (2008). Assessing decentralisation and local governance in West Africa; taking stock of strengthening the monitoring and evaluation capacity of local actors. Bamako, Communicance. [online] Available at https://ecdpm.org/publications/assessing-decentralisation-local-governance-west-africa/

Mackay, K. (2008). Helping Countries Build Government Monitoring and Evaluation Systems: World Bank Contribution to Evidence-based Policy Making. The role of monitoring and evaluation in Evidence-based policy making, 88.

Mofolo, M., Mkuyane, L. and Skade, T. (2014). Actions and behaviours essential for monitoring & evaluation to succeed in South African public service. Africa’s Public Service Delivery & Performance Review, 2(3), pp.5-24.

Sandison, P. (2006). The utilisation of evaluations. ALNAP Review of Humanitarian Action: Evaluation Utilisation, chapter 3, 89-144.

UNDP (2015). Towards a Baseline Study: Insights on National Evaluation Capacities in 43 Countries. Independent Evaluation Office and the International Policy Centre for Inclusive Growth, United Nations Development Programme. https://nec.undp.org/wp-content/uploads/2018/12/NEC_BaselineStudy.pdf

UNICEF and CDD (2015). Ghana’s District League Table 2015. Strengthening Social Accountability for National Development. https://docs.google.com/viewerng/viewer?url=https://www.cddgh.org/wp-content/uploads/2019/01/2015_DISTRICT_LEAGUE_TABLE_REPORT.pdf&hl=en

43

Page 46: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

À p

ropo

s de

l'au

teur

Au-delà des plans de suivi-évaluation : Vers une culture d’évaluation dans les administrations locales ghanéennes

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

44

Clement Mensah est un praticien du développement et chercheur, consultant au Département de l’évaluation indépendante de la Banque africaine de développement où il appuie les évaluations du secteur de l’énergie et des transports. Ses domaines d’intérêt sont notamment le développement rural, les moyens de subsistance durables, la protection sociale, la sécurité alimentaire et l’aménagement du territoire. Avant de poursuivre ses études du troisième cycle, Clement a travaillé en tant qu’analyste au Development Solutions Centre, puis comme chargé de suivi et d’évaluation (à temps partiel) à Genuine Products Ltd, un cabinet-conseil en développement basé au Ghana. Il est titulaire d’un master en gestion du développement de la Ruhr University de Bochum (Allemagne) et d’un autre en études de développement, Université de Western Cap (Afrique du Sud). Il est actuellement inscrit en doctorat (PhD) dans le domaine du développement social à la même université en Afrique du Sud.

Page 47: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 48: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Entre

tien

: Réfl

exio

n su

r la

cultu

re d

’éva

luat

ion

à la

Ban

que

afric

aine

de

déve

lopp

emen

t

Page 49: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Pour cette édition d'Evaluation Matters, nous avons interviewé Armand Nzeyimana, Chef de division, Département de la Prestation de Services, Gestion de la Performance et Résultats et Roland Michelitsch, Évaluateur général de la BAD pour

discuter de l'orientation de la Banque et des perspectives de développement d'une culture d’évaluation au sein la Banque, et en Afrique en général.

Le concept de culture d’évaluation a pris de l'ampleur au cours des dernières années, en particulier avec la volonté de promouvoir l'évaluation des ODD. Pourriez-vous expliquer ce que cela signifie pour la BAD ?

Armand : Alors que nous entrons dans la dernière décennie des ODD, les enjeux ne pourraient pas être plus importants pour l'Afrique. Les progrès réalisés sont certes encourageants, mais manifestement insuffisants pour mettre le continent sur la bonne voie afin d’atteindre la plupart des objectifs fixés pour 2030. Pour rendre les choses encore plus difficiles, le changement climatique, les conflits persistants et les inégalités croissantes sapent les progrès et menacent d'annuler les gains réalisés dans les années récentes. Pour la BAD, première institution de financement du développement du continent, une culture d’évaluation est primordiale pour comprendre comment nos contributions institutionnelles et collectives aux ODD peuvent être améliorées et, plus important encore, accélérées. S'éloigner du statu quo pour introduire, tester, évaluer et étendre des solutions innovantes à la réduction de la pauvreté nécessite un engagement fort envers l'apprentissage organisationnel . Cela implique également une plus grande tolérance à la prise de risques et aux erreurs en tant que plates-formes d'expérimentation et d'apprentissage. Pour une institution comme la BAD, il peut être difficile de trouver le bon équilibre entre la redevabilité et l'apprentissage. Ces deux valeurs sont des résultats essentiels et complémentaires d'une culture d'évaluation.

Roland : Pour moi, une culture d'évaluation est celle qui recherche régulièrement des raisons pour améliorer continuellement les résultats. Le gourou de la gestion, Peter Drucker, a inventé la phrase « Ce qui est mesuré se fait. » Donc, ce qui est vraiment important, c'est d'avoir les bons indicateurs clés de performance qui sont systématiquement mesurés dans un bon système de suivi, qui pour moi fait également partie d'une culture d'évaluation. Mais les indicateurs clés de performance ne sont qu’une première étape. Ils vous donnent une première indication de ce qui s'améliore ou se détériore - mais une culture d’évaluation irait plus loin et demanderait ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas - et en particulier pourquoi, en cherchant à améliorer les performances. Dans le contexte de la BAD et des ODD, nous devons nous demander comment nos opérations contribuent à atteindre les ODD. Pour certains d’entre eux, la réponse peut provenir d’un système de suivi relativement simple - comme le nombre de personnes supplémentaires qui ont accès à l’électricité par le biais de projets de la BAD, ou comment les projets de la BAD modifient le mix énergétique d’un pays pour devenir plus durable. Pour d'autres, comme l'élimination de la pauvreté, c'est plus compliqué. Nous devons d'abord élaborer un cadre de résultats sur la façon dont nous pensons que les activités de la BAD contribuent à la réduction de la pauvreté, à la fois directement et

47Entretien : Réflexion sur la culture d’évaluation à la Banque africaine de développement

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Roland Michelitsch

Armand Nzeyimana

Page 50: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Entretien : Réflexion sur la culture d’évaluation à la Banque africaine de développement

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

indirectement. Une telle chaîne de résultats sera assez complexe et seule une bonne évaluation sera en mesure de tester les différentes hypothèses et suppositions derrière ce cadre de résultats. En fin de compte, une culture d’évaluation cherchera

constamment à mieux comprendre comment nos interventions contribuent à atteindre les ODD et à ajuster nos politiques, stratégies, programmes et projets pour apporter une contribution encore plus importante.

Quel rôle pensez-vous que l'évaluation joue-t-elle pour contribuer à une culture des résultats plus forte au sein de la Banque ?

Armand : L'évaluation est la pause saine que nous prenons lors notre travail quotidien pour examiner attentivement ce que nous faisons bien, ce que nous faisons mal et, plus important encore, pourquoi nous le faisons. Elle examine les hypothèses clés que nous faisons lors de la conception de programmes, processus, politiques et stratégies pour obtenir des résultats, remettant en question la théorie du changement sur laquelle reposent nos interventions. Ces dernières années, la fonction d'évaluation a examiné les progrès réalisés par la Banque dans la mise en œuvre du nouveau Modèle de développement et de prestation de services, un programme de réforme ambitieux et complexe visant à réorganiser notre modèle opérationnel et notre structure organisationnelle. Les résultats de l'évaluation fournissent des informations clés sur les changements positifs réalisés à ce jour, mais fournissent également des enseignements essentiels sur la façon de tirer pleinement parti de ce programme de réforme.

Roland : L’évaluation y contribue de plusieurs façons : elle aide à combler les lacunes de connaissances, où une institution ne comprend tout simplement pas pleinement les effets de ses projets et programmes, ou les facteurs qui contribuent ou entravent le succès. Elle aide à affiner les stratégies, afin qu'elles soient mieux ciblées pour répondre aux besoins de développement. Les évaluations peuvent également aborder des processus, comme les évaluations d’IDEV sur la qualité à l’entrée et la supervision, afin que nous puissions améliorer la qualité du travail et mieux la mettre en œuvre. Il existe également des systèmes de suivi et d'auto-évaluation, comme ceux des projets (RAP ou RSE), qui devraient contribuer à une culture de résultats - mais seulement s'ils sont jugés fiables. Une évaluation indépendante peut vérifier ces systèmes, contribuant ainsi à garantir qu'ils participent à la fois à la redevabilité et à l'apprentissage continu. Bientôt, nous évaluerons le cadre de mesure des résultats de la BAD pour voir s’il est propice à une amélioration continue des résultats.

Quelle relation entre IDEV, les organes dirigeants et la Direction de la Banque, voyez-vous comme propice au renforcement d'une culture d’évaluation et des résultats ?

Roland : Idéalement, les trois acteurs devraient toujours demander comment les résultats ont été pris en compte - dans les politiques, stratégies, processus et opérations - et même dans la structure organisationnelle de la BAD. Chacune des trois parties a un rôle différent, qui est défini dans la politique d'évaluation indépendante de la BAD : (i) le Conseil

d’administration fournit des orientations stratégiques à IDEV et à la Direction, et veille à ce que les recommandations d'IDEV soient suivies d'effets; (ii) IDEV recommande un programme de travail adapté aux besoins de la BAD, effectue des évaluations de haute qualité et diffuse les conclusions et les enseignements dans un format approprié pour le

48

Page 51: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Entretien : Réflexion sur la culture d’évaluation à la Banque africaine de développement

public concerné (que ce soit le Conseil d'administration, la Direction ou le personnel du projet) - et contribue ainsi à l'amélioration de la BAD et (iii) la Direction prend en compte les enseignements tirés, élabore des plans d'action appropriés et ajuste les politiques et les opérations pour améliorer les résultats. Entre IDEV et la Direction, il est important d'avoir une approche collaborative - après tout, nous voulons tous améliorer les résultats

de développement pour les populations en Afrique - tout en respectant le rôle de chacun : le rôle d'IDEV en fournissant une évaluation indépendante et des orientations générales à travers ses recommandations (par exemple, ce qui doit être reproduit ou amélioré), et le rôle de la Direction dans la gestion et l'opérationnalisation des améliorations par le biais de ses actions (par exemple, comment y parvenir).

Qu'en est-il de la culture d’évaluation dans les pays africains ? Où voyez-vous des opportunités pour promouvoir cette culture d’évaluation en Afrique à partir de 2020 ? Quels sont les défis ?

Armand : Dans le contexte d'ambitieuses aspirations sociales et économiques alignées sur les ODD et l’Agenda 2063 de l'Union africaine, de plus en plus de pays sur le continent reconnaissent la nécessité d'appliquer une approche ciblée et disciplinée dans l'évaluation de l'efficacité des plans de transformation nationaux. La volonté d'accélérer les progrès sur les ODD au cours de la prochaine décennie offre une occasion unique de soutenir cet effort et de promouvoir une culture d’évaluation à travers le continent. En particulier, il existe un appétit croissant parmi les décideurs pour suivre et évaluer les performances du secteur public, comme en témoigne le récent intérêt à mettre en place des unités de prestation au niveau du gouvernement national - présidence ou cabinet du Premier ministre. En effet, les unités de prestation répondent aux attentes croissantes du public en matière de résultats plus rapides, d'avantages tangibles, de responsabilité effective dans l'utilisation des ressources et d'un meilleur rapport qualité-prix. Il s'agit d'un domaine dans lequel la Banque joue un rôle de plus en plus actif pour soutenir ces efforts. Le défi le plus important dans la promotion d'une culture d’évaluation sur le continent reste la mauvaise qualité des données et la faiblesse des systèmes de gestion des données, un problème qui requiert notre attention urgente.

Roland : En effet, les dirigeants africains souhaitent de plus en plus promouvoir une culture d’évaluation. Cela est dû en partie à davantage de flux d’informations (les citoyens disposent de plus d’informations sur leur propre situation et sur celle de leur pays par rapport aux autres) et à la demande croissante des personnes qu’ils gouvernent d’améliorer sensiblement leur vie. Les preuves de résultats positifs sont donc de plus en plus précieuses pour les aider, eux ou leurs partis, à rester au pouvoir. IDEV a contribué à promouvoir une culture d’évaluation dans les pays africains à la fois en stimulant la demande d'évaluations - en hébergeant le secrétariat du Réseau des parlementaires africains sur l'évaluation du développement (APNODE) par exemple - et en favorisant un plus grand offre d'évaluations - en soutenant Twende Mbele, une initiative d'apprentissage par les pairs des gouvernements sud-sud visant à renforcer les capacités de suivi et d'évaluation et à partager les expériences. D'après mon expérience, il est relativement plus facile de susciter l'intérêt pour évaluer et démontrer ce qui fonctionne bien. Admettre des choses qui ne fonctionnent pas bien est généralement un défi beaucoup plus grand - à la fois à la BAD et sur le continent. Mais apprendre des échecs est également essentiel, pour une culture d’évaluation qui recherche une amélioration continue.

49

Page 52: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Une

nou

velle

gén

érat

ion

de d

éfen

seur

s : L

es je

unes

év

alua

teur

s ém

erge

nts

et la

pro

mot

ion

d’un

e cu

lture

m

ondi

ale

d’év

alua

tion

axée

sur

la p

artic

ipat

ion

des

jeun

es

Depuis 2015 et 2016, respectivement l’année internationale de l’évaluation (EvalYear), et l’année de lancement du Programme mondial pour l’évaluation (Global Evaluation Agenda) (EvalAgenda 2020), les jeunes évaluateurs émergents (JEE) conquièrent progressivement des espaces au sein de la communauté mondiale de l’évaluation, tout en contribuant davantage au remodelage de la culture d’évaluation dans le monde. Ainsi, ils se sont positionnés comme une nouvelle génération de défenseurs de ce qu’il convient d’appeler une « culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes ». C’est une culture d’évaluation qui exploite les valeurs et les compétences que les jeunes et jeunes évaluateurs émergents peuvent apporter à l’évaluation et où le rôle des jeunes évaluateurs est défini comme celui d’un collaborateur ou d’un co-leader. Nous pensons que cette culture devrait être promue en 2020 et au-delà et invitons tous les JEE africains qui s’identifient comme des professionnels et valorisent la transformation sociale à se joindre à nous. Ensemble, nous pouvons initier un mouvement en vue de l’enracinement d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes.

Page 53: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Fazeela Hoosen, Directrice, Benita Williams Evaluation et Kenza Bennani, Gestionnaire de l'évaluation, Ministère des Affaires étrangères de la France

Messages clés

❚ Les JEE suscitent l’intérêt au sein de la communauté mondiale d’évaluation ; plusieurs organisations volontaires d’évaluation professionnelle (VOPE) nationales, régionales et internationales poursuivent actuellement des initiatives visant à intégrer les idées et les perspectives des débutants en évaluation à la fois dans leur travail et dans la culture d’évaluation à l’échelle mondiale.

❚ Les JEE se sont organisés pour s’approprier l’EvalAgenda 2020 et y ont apporté des valeurs et des compétences spécifiques aux jeunes. Maintenant, ils déploient des efforts pour accroître la participation des jeunes à l’évaluation, tout en suscitant le passage d’une évaluation sur la jeunesse à une évaluation avec les jeunes et par les jeunes.

❚ À l’ère des objectifs de développement durable (ODD) et de l’activisme des jeunes, l’émergence d’une culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes offre des possibilités intéressantes pour les JEE africains, qui pourraient envisager d’explorer des voies et moyens pour promouvoir une « évaluation adaptée à l’Afrique » qui intègre les principes de l’« évaluation axée sur la participation des jeunes ».

Introduction

En 2014, EvalPartners, le mouvement mondial chargé du renforcement des capacités évaluatives des pays et de la société civile, a lancé un

processus de consultation multipartite à l’échelle mondiale afin de réfléchir sur l’élaboration d’un Agenda mondial de l’évaluation pour la période 2016-2020 – que nous appelons désormais « l’EvalAgenda » (EvalPartners, 2016). Ce document, qui est considéré comme la « toute première vision à long terme de l’évaluation dans le monde », définit les priorités en la matière sur les cinq premières années de la période de 15 ans concernée par les nouveaux ODD. L’ONU demande qu’un examen rigoureux des progrès réalisés pour atteindre les objectifs mondiaux soit effectué, « sur la base des données probantes et des évaluations conduites par les pays » (ONU, 2015). L’EvalAgenda 2020 promeut la création d’un cadre propice à l’évaluation, afin d’instaurer une « culture mondiale d’évaluation positive et généralisée ». Ce faisant, elle invite toutes

les parties prenantes à une « forte adhésion à l’agenda », en s’appuyant sur l’idée que les évaluateurs devraient être les défenseurs de leur profession dans le monde.

Dans le présent article1, nous indiquons que les jeunes évaluateurs émergents africains se sont organisés pour adhérer à l’EvalAgenda 2020 et jouer un plus grand rôle dans la promotion d’une culture d’évaluation généralisée sur le continent. Les jeunes évaluateurs émergents se positionnent ainsi comme des promoteurs de la professionnalisation et de l’institutionnalisation de l’activité évaluative, qui se veut un instrument essentiel de gestion et de transformation sociale à l’ère des ODD. Nous affirmons que les JEE africains, aux côtés de leurs pairs de la planète, ont contribué à façonner la culture mondiale d’évaluation actuelle, notamment en y apportant leurs valeurs et aptitudes spécifiques et en promouvant une participation accrue des jeunes à l’évaluation (Montrosse-Moorhead et al., 2019). Par conséquent, dans un contexte marqué par l’émergence de ce qu’il convient

55

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

Page 54: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

d’appeler une « culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes », nous invitons les JEE africains à se montrer toujours engagés afin de contribuer à la transformation et à la consolidation d’une telle culture d’évaluation en 2020 et au-delà.

« Engager, innover et échanger » : intégrer le lien « Jeunes–Évaluation » dans la culture d’évaluation dans le monde

Lancé par EvalPartners en 2015, EvalYouth est un réseau mondial dont l’objectif est de promouvoir l’engagement, l’innovation et des échanges sur l’évaluation entre les JEE, les parties prenantes jeunes et d’autres acteurs clés. Il vise également à résoudre deux problèmes majeurs qui se posent à la communauté de l’évaluation : i) la nécessité d’une représentation et d’une participation adéquates de toutes les parties prenantes, y compris les jeunes (qui sont fréquemment absents dans les processus d’évaluation des politiques et des programmes qui ont un impact sur eux) ; et ii) la nécessité de créer une base d’évaluateurs compétents afin de garantir la production d’évaluations de grande qualité concernant les initiatives liées aux ODD. L’objectif général d’EvalYouth est d’« aider les JEE à devenir des professionnels

techniquement forts, expérimentés et bien connectés qui contribuent à la capacité évaluative aux niveaux national, régional et international » (EvalPartners, 2016). Ce réseau a donc contribué à mettre en exergue la présence des jeunes évaluateurs émergents dans le domaine de l’évaluation, en s’assurant que les efforts consentis en matière de développement des capacités soient à la hauteur des besoins et des défis des nouveau-venus dans la communauté d’évaluation.

Les catégories suivantes sont considérées comme des JEE : i) jeunes évaluateurs âgés de moins de 35 ans ; ii) nouveaux évaluateurs ayant moins de cinq ans d’expérience pertinente ; iii) jeunes diplômés du supérieur souhaitant embrasser la profession d’évaluateur ; iv) professionnels du développement ayant des connaissances techniques en évaluation et souhaitant devenir des professionnels en évaluation. Les JEE font donc leur entrée dans un domaine solide, qui requiert l’acquisition de connaissances, de compétences et de dispositions particulières pour parvenir à un niveau où ils peuvent produire des évaluations de qualité supérieure (Stevahn et al., 2005 ; Tourmen, 2016). L’évolution et l’épanouissement professionnels des débutants supposent, de leur part, un processus d’apprentissage permanent

Figure 1: Qui sont les jeunes évaluateurs émergents (JEE) ?

0–2 ansDévelopper les

connaissances et la sensibilisation, avec un

répertoire limité

Novice

2–4 ansAppliquer

systématiquement les connaissances, avec un

répertoire de base

Émergent

2–6 ansAppliquer efficacement les connaissances, avec

un répertoire avancé

Compétent

Source : Extrait de Bennani K. (2019), Designing a “Made in Africa Evaluation” competency framework for Young and Emerging Evaluators, article présenté à a 9e Conférence de l'AfrEA, à Abidjan. Sur la base de Stevahn L., King J., Ghere G., Minnema J. (2005), “Establishing Essential Competencies for Program Evaluators”, American Journal of Evaluation, 26(1), pp. 43-59.

56

Page 55: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

sur plusieurs années de pratique, afin d’atteindre un niveau d’expertise acceptable.

L’EvalAgenda 2020 définit trois piliers pour le développement des capacités en évaluation par EvalYouth. Tous les trois jouent un rôle dans la promotion d’une culture d’évaluation positive et généralisée dans le monde2 :

❚ le pilier ENGAGEMENT (dimension politique) cherche à créer un impact par la mobilisation sociale et a pour objectif de permettre à tous les acteurs (VOPE, gouvernements, représentants et défenseurs de la société civile, décideurs, organismes internationaux de développement, institutions académiques et autres types d’acteurs intéressés) de coordonner leurs efforts en vue de mieux impliquer les JEE dans le domaine de l’évaluation et les jeunes dans le processus évaluatif ;

❚ le pilier INNOVATION (dimension entrepreneuriale) cherche à produire un effet par la pratique de l’innovation, avec pour objectif de faciliter l’intégration des innovations dans le processus d’évaluation en amenant les décideurs et les évaluateurs à utiliser de nouvelles approches, stratégies et méthodes susceptibles d’attirer et de

tirer parti des idées et des énergies des JEE et des jeunes ;

❚ le pilier ÉCHANGE (dimension sociale) cherche à créer un impact par l’apprentissage et le partage des connaissances et a pour objectif de servir de plateforme de partage des savoirs, d’apprentissage et d’expériences sur les meilleurs moyens de renforcer l’engagement des JEE dans le domaine de l’évaluation, ainsi que l’inclusion des jeunes dans le processus d’évaluation.

Le lancement d’EvalYouth a suscité un intérêt inhabituel chez les JEE dans le monde. Au cours des cinq dernières années, de multiples VOPE nationales, régionales et internationales ont lancé des initiatives à l’effet d’alimenter leur travail avec les idées et les perspectives des JEE. En Afrique, plusieurs réseaux de jeunes évaluateurs émergents ont été établis ; deux parmi eux ont adhéré à l’EvalAgenda 2020 et se sont engagés à aider leurs VOPE dans leurs efforts de promotion et d’enracinement d’une culture mondiale d’évaluation. Ces deux réseaux sont affiliés à l’Association africaine d’évaluation (AfrEA)4 et au Réseau francophone de l’évaluation (RFE)5. Ils sont considérés comme des sections régionales du réseau mondial qu’est EvalYouth et fonctionnent selon des plans d’action

Figure 2: Piliers d’EvalYouth en faveur du développement des capacités des JEE

Innover L'impact

par l'innovation dans la pratique

Échanger L’impact grâce

à l'apprentissage et au partage des connaissances

Engager L'impact à travers

la mobilisation sociale

Source : Conception des auteurs, à partir de Montrosse-Moorhead B., Gervais M. (2016), “Chapter C.2: EvalYouth”, dans EvalPartners, Global Evaluation Agenda (2016-2020), pp. 63-69.

57

Page 56: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

qui cadrent avec les trois piliers présentés précédemment.

En compagnie d’autres réseaux homologues opérant sur divers continents6, ces deux réseaux africains de JEE se sont progressivement organisés pour constituer une coalition de plaidoyer à l’échelle mondiale, en vue de la promotion d’idées communes sur la nécessité impérieuse d’évoluer vers une nouvelle vision de ce qui est considéré comme une culture mondiale d’évaluation. Ce faisant, ils ont contribué à faire émerger ce que quatre des membres fondateurs du réseau mondial d’EvalYouth appellent une « nouvelle révolution de l’évaluation portée par les jeunes » (Montrosse-Moorhead et al., 2019) et que nous assimilons à l’émergence de ce qui pourrait être perçu comme une culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes.

« L’évaluation avec les jeunes et par les jeunes » : promouvoir une culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes en 2020 et au-delà

Dans un article pénétrant et quelque peu provocateur qui est récemment paru dans une publication phare d’IDEAS sur

l’évaluation et les innovations à vocation transformatrice, nos collègues d’EvalYouth définissent l’évaluation axée sur la participation des jeunes en ces termes : « le processus consistant à impliquer les jeunes dans la conduite des évaluations. Cela suppose la participation des jeunes à toutes les fonctions (directeur des évaluations, évaluateur, membre du groupe de référence sur les évaluations, informateur), à toutes les étapes d’une évaluation (phases préparatoire, de conception, de collecte de données, d’analyse et d’établissement de rapports, et phase de facilitation de l’utilisation et de la diffusion) ». Une telle approche d’évaluation vise à : « autonomiser les jeunes, [à] reconnaître leur potentiel et leurs perspectives légitimes et uniques, en les mobilisant de manière significative et durable dans le processus d’évaluation et en se concentrant sur les problèmes qui affectent leurs vies. Bref, avec cette approche, l’évaluation passe d’un exercice pratiqué pour les jeunes à une activité qui est menée avec les jeunes et par les jeunes » (Montrosse-Moorhead et al., 2019).

Les implications d’une telle approche en termes de pratique évaluative sont résumées dans la figure suivante.

Réseau francophone de JEE Réseau de JEE de l'AfrEA

Affiliation Réseau francophone de l’évaluation (RFE) Association africaine d’évaluation (AfrEA)

Année de création 2014 2017

Modalité de coopération

Nord–Sud (réseau regroupant les JEE basés en Afrique du Nord et en l’Afrique de l’Ouest franco-phones, en Europe francophone et en Amérique du Nord francophone).

Sud–Sud (réseau regroupant les JEE basés dans tout pays de la partie septentrionale, occidentale, orientale, centrale ou australe de l’Afrique).

Coordination Plans d’action de deux ans mis en œuvre par un groupe de gestion de huit membres qui s’appuie sur des champions basés dans 24 pays franco-phones du Nord global et du Sud global.

Plans d’action de deux ans à être exécuté par un groupe de gestion qui rend compte au Conseil de l’AfrEA et qui comprend 10 champions, soit 2 pour chacune des cinq sous-régions africaines.

Principales réalisations

- Contributions et autres apports envoyés au programme d’enseignement électronique d’EvalYouth (webinaires et conférences virtuelles de développement des capacités) ;

- Participation accrue des JEE à la gouvernance des VOPE nationales (y compris l’obtention du titre de membre du Conseil) ;

- Opportunités pour la professionnalisation des JEE lors des conférences de l’AfrEA et du RFE

Principal(aux) défi(s)

Barrière linguistique (JEE anglophones, francophones et lusophones) ;Recherche de fonds en cours pour financer les activités des JEE.

Table 1: Vue d’ensemble comparative des réseaux régionaux de JEE en Afrique 3

58

Page 57: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

Qu’est-ce que cela signifie pour les JEE africains désireux de s’engager davantage dans le plaidoyer et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation qui valoriserait le plein potentiel des jeunes et traiterait les jeunes évaluateurs émergents comme des partenaires à part entière ?

À notre avis, les JEE doivent envisager de :

❚ Se perfectionner dans le domaine du plaidoyer afin de pousser les décideurs à accroître la demande et l’offre d’évaluations impliquant les jeunes. Comme indiqué dans une documentation phare sur la promotion de l’évaluation (Karkara et al. 2014), « la création d’un environnement propice à l’évaluation est, autant qu’un exercice politique, qu’une question de développement des capacités techniques ». À l’heure où les jeunes constituent la plus grande proportion

de l’humanité pour la première fois dans l’histoire (les jeunes de moins de 35 ans représentant près de 75 % de la population pour le cas de l’Afrique)7, les membres des réseaux de JEE doivent renforcer leurs aptitudes en matière de plaidoyer en vue de la prise en compte d’une évaluation portée par les jeunes. Ils peuvent y parvenir en exploitant l’importante littérature disponible, qui leur permettra de soutenir leur discours sur les avantages de la participation de la jeunesse en vue d’obtenir des évaluations de qualité pour les jeunes pris individuellement, les communautés dans lesquelles ils vivent, et les organisations qui effectuent ou commandent des évaluations reposant sur la participation des jeunes, etc.

❚ Explorer des pistes de promotion d’une « évaluation adaptée à l’Afrique » qui intègre les principes de

Figure 4: Modalités de participation des jeunes à l’évaluation

01Cours normal

des opérations

Jeunes en tant qu’informateurs POUR une évaluation

• Engagement limité des jeunes• Les jeunes sont consultés et donnent leur avis • Les jeunes n’ont aucun pouvoir de décision

02De temps en temps

Jeunes en tant que conseilleurs POUR une évaluation

• Engagement précis des jeunes • Les jeunes travaillent avec des évaluateurs chevronnés et apportent une

contribution dans un domaine précis • Les jeunes ne participent pas à la prise de décisions, sauf dans ce domaine précis.

03Rarement

Jeunes en tant que co-évaluateurs D’UNE évaluation

• Engagement accru des jeunes • Les jeunes évaluateurs et les évaluateurs chevronnés travaillent en équipe pour

envisager, concevoir et mettre en œuvre • Les jeunes ont un pouvoir de décision partiel tout au long du processus d’évaluation

04Presque jamais

Jeunes en tant que principaux réalisateurs D’UNE évaluation

• Engagement total des jeunes • Les jeunes envisagent, conçoivent et exécutent, et les évaluateurs expérimentés les

encadrent et servent de facilitateurs • Les jeunes sont des décisionnaires à part entière tout au long du processus d’évaluation

Source : Élaboration par les auteurs, sur la base des données issues de Montrosse-Moorhead et al. (2019) et de Checkoway B., Richards-Schuster K. (2003).

59

Page 58: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 59: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes

l’évaluation axée sur la participation des jeunes. Montrosse-Moorhead et al. (2019) a révélé que, pour promouvoir leurs valeurs, les JEE favorisent une culture d’évaluation qui recherche la diversité et l’inclusivité, « n’adopte pas de méthodes dogmatiques » et a plutôt « tendance à utiliser des méthodes mixtes et des approches tenant compte des contextes ». Avec la montée des évaluations sensibles à la culture et des approches indigènes dans le processus d’évaluation, nous pensons que les réseaux de JEE basés en Afrique devraient envisager d’adhérer à l’appel en faveur d’une « évaluation adaptée à l’Afrique » en donnant leur avis, en tant que jeunes, sur les valeurs, hypothèses et pratiques qui devraient sous-tendre ce concept.

❚ Accélérer le partage et le transfert d’idées novatrices entre les réseaux de JEE à travers le continent africain. Les jeunes évaluateurs émergents africains ont toutes les armes en main pour orchestrer une telle accélération : ils possèdent des compétences spécifiques à la jeunesse, telles que le savoir-faire technologique et la connectivité, et peuvent facilement utiliser les outils médiatiques et les réseaux sociaux pour collaborer de manière plus soutenable. Nous encourageons les réseaux de JEE à établir des alliances plus fortes entre eux et avec d’autres groupes fondés sur l’équité et la justice sociale de leurs localités, de leurs pays ou de leurs régions respectifs. Nous espérons qu’ils trouveront des solutions technologiques de pointe aux barrières linguistiques qu’ils pourraient rencontrer, afin d’établir des échanges entre les sous-régions du continent. De même, le mouvement des JEE africains espère bénéficier d’une plus forte adhésion de JEE lusophones (De Morais Sarmento et al., 2019).

Conclusion

Au même titre que les jeunes forment une proportion particulière de la société dans le monde, les jeunes évaluateurs émergents sont en train de constituer un segment particulier de la communauté des évaluateurs à l’échelle globale. Dans notre marche vers 2020 et au-delà, nous, les JEE, aurons une responsabilité de plus en plus lourde dans l’évaluation des interventions liées aux ODD. Le site Internet des Nations Unies dédié à la sensibilisation sur les ODD dresse la liste des cinq rôles potentiels que les jeunes peuvent jouer dans la mission visant à atteindre ces objectifs mondiaux8. Nous lançons un appel à tous les JEE africains afin qu’ils pensent à rejoindre le mouvement en vue de renforcer davantage la « révolution dans l’action » et, de ce fait, réfléchir sur le type de rôle qu’ils voudraient jouer, en tant que jeunes évaluateurs, dans l’élaboration de stratégies de plaidoyer afin de créer un cadre robuste pour l’évaluation sur la base d’une culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes. Seront-ils des penseurs incontournables qui identifient et affrontent aussi bien les structures de pouvoir existantes que les obstacles au changement, tout en exposant les contradictions et les partis pris ? Seront-ils des agents du changement engagés dans l’activisme jeune et la mobilisation de leurs homologues et d’autres parties prenantes ? Seront-ils des innovateurs qui apportent de nouvelles idées et des solutions alternatives ? Seront-ils des communicateurs qui véhiculent des idées à leurs pairs et aux communautés locales, nationales et régionales ? Deviendront-ils des leaders qui impulsent le changement au sein de leurs communautés et de leurs pays ? Ou alors, iront-ils au-delà du périmètre de ce cadre ?

Nous sommes tout à fait persuadés que le mouvement panafricain des JEE, qui ne cesse d’évoluer et est tiré par la puissance du génie de groupe et de la collaboration, contribuera considérablement à l’instauration d’une culture d’évaluation axée sur la participation des jeunes dans le monde en 2020 et au-delà.

61

Page 60: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Assemblée générale des Nations Unies (2015), Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030. A/RES/70/1, New York, NY, https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F — Consulté le 3 janvier 2020.

Bennani K., Hoosen F., Sanchez-Romero G., Lappo A., Adesoba T. P. (speakers), Adrien M-H. (chair), (2019), Young and Emerging Evaluators and EvalAgenda 2020 : Taking Stock and Looking Ahead, Panel Session, Joint 2019 IDEAS Global Assembly and Third International Conference on Evaluating Environment and Development under the theme “Evaluation for Transformative Change: Bringing experiences of the Global South to the Global North”, Prague, Czech Republic.

Bennani K. (2019), Designing a “Made in Africa Evaluation” competency framework for Young and Emerging Evaluators, Poster presented at the 9th AfrEA Conference, Abidjan.

Checkoway B, Richards-Schuster K. (2003), “Youth participation in community evaluation research” American Journal of Evaluation, 24 (1), pp. 21-33.

De Morais Sarmento E., Felix Silva C., Branco M. (2019), “Speak the Language of Lusophone Africa”, in Made in Africa Evaluations – Volume 1 : Theoretical Approaches, eVALUation Matters, Third Quarter 2019, Abidjan : African Development Bank, p. 48-59.

EvalPartners (2016), Global Evaluation Agenda 2016-2020 https://www.evalpartners.org/global-evaluation-agenda — Accessed January 03, 2020.

Karkara N., Segone M., Catsambas T., Rugh J. (2014), Advocating for Evaluation. A toolkit to develop advocacy strategies to strengthen an enabling environment for evaluation, Developed in partnership with UNICEF, UN WOMEN, IOCE, EvalPartners, UNEG, OECD, USAID and Ministry for Foreign Affairs of Finland https://bit.ly/2t9SEm3 - Accessed January 03, 2020.

Montrosse-Moorhead B., Bitar K., Arévalo J., Rishko-Porcescu A. (2019), « Revolution in the making: evaluation “done well” in the era of the SDGs with a youth participatory approach”, in Van Den Berg R.D., Magro C., Salinas S. (Eds), Evaluation for transformational change. Opportunities and challenges for the Sustainable Development Goals, Exeter (UK), International Development Evaluation Association (IDEAS), pp. 33-50.

Nations unies, Les jeunes et les ODD, https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/youth/ — Consulté 3 janvier 2020.

Sabatier P. A., Jenkins-Smith H. (1993), Policy Change and Learning : An Advocacy Coalition Approach, Boulder : Westview Press.

Stevahn L., King J., Ghere G., Minnema J. (2005), “Establishing Essential Competencies for Program Evaluators”, American Journal of Evaluation, 26(1), pp. 43-59.

Tourmen C. (2016), « Heurs et malheurs des évaluateurs novices : vers une didactique de l’évaluation », Education Permanente, n°208, pp. 115-129.

Références

1. Le présent article s'appuie sur deux présentations qui ont été faites au cours d'une session de panel sur les jeunes évaluateurs émergents (JEE) à l'Assemblée mondiale de l'International Development Evaluation Association (IDEAS) en octobre 2019 à Prague. Au cours de cette session, les représentants des cinq réseaux de JEE affiliés à différentes organisations volontaires d’évaluation professionnelle (VOPE) régionales se sont penchés non seulement sur le niveau de contribution de leurs activités à la réalisation des objectifs de l’EvalAgenda 2020, mais également sur les occasions qui existent ou qui peuvent être créées pour JEE pour accroître la participation des jeunes dans le domaine de l'évaluation. Nous avons livré nos présentations respectives au nom du Réseau francophone des évaluateurs émergents et du Réseau des JEE de l'AfrEA. Nous avons tous les deux bénéficié d'une bourse d'IDEV/Banque africaine de développement, comme jeunes évaluateurs émergents pour la zone Nord et pour la zone Sud, respectivement. Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à l'endroit d'IDEV et d'IDEAS pour leur soutien.

2. Montrosse-Moorhead B., Gervais M. (2016), “Chapter C.2: EvalYouth”, dans EvalPartners, Global Evaluation Agenda (2016-2020), pp. 63-69.

3. Conception par les auteurs, à partir de leurs expériences en tant que membres actifs des groupes de gestion des deux réseaux de JEE retenus.

4. AfrEA est une organisation régionale regroupant les VOPE nationales du continent africain. Elle sert de principale source de connaissances pour les évaluateurs individuels des pays dépourvus d'associations d'évaluation. www.afrea.org

5. Le RFE est une organisation transnationale regroupant les VOPE nationales francophones qui sont basées au Nord global et au Sud global (Amérique du Nord, Europe occidentale, Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest). Il a pour objectif de renforcer les capacités évaluatives de l’aire géographique francophone et de créer un corpus de connaissances techniques en évaluation en langue française. www.rfevaluation.org

6. Quelques réseaux régionaux, parmi tant d'autres: EvalYouth Amérique latine et Caraïbes, EvalYouth Europe de l'Est et Asie centrale, EvalYouth Asie, réseau des JEE de la Société européenne d'évaluation. Ces réseaux régionaux sont complétés par plusieurs réseaux nationaux de JEE affiliés à des VOPE nationales à travers le monde. Au niveau mondial, IDEAS a récemment intégré un groupe d'intérêt thématique de JEE dans son champ d'action.

7. Selon le Bureau du Conseiller spécial pour l'Afrique (OSAA) à l'ONU: https://www.un.org/en/africa/osaa/peace/youth.shtml

8. Cités par Montrosse-Moorhead et al. (2019). Ces rôles sont présentés plus en détail en ligne, à: https://www.un.org/sustainabledevelopment/youth/

Annotations

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes62

Page 61: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

63

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

À p

ropo

s de

s au

teur

s

Fazeela Hoosen est directrice et évaluatrice à Benita Williams Evaluation. Elle a de l’expérience dans la conduite d’évaluations basées sur l’utilisation dans le secteur éducatif, intégrant des analyses qualitatives et quantitatives. Elle a récemment centré son intérêt sur la fourniture de l’assistance technique en suivi et en évaluation à des réseaux de gouvernance opérant en Afrique, et pour lesquels elle a effectué des évaluations. Mlle Hoosen est titulaire d’un master assorti d’un diplôme de troisième cycle en suivi-évaluation. Elle a officié durant trois ans (2014 – 2017) comme membre du Conseil de la South African Monitoring and Evaluation Association (SAMEA). Elle participe au mouvement mondial EvalYouth, ainsi qu’au réseau de JEE de l’AfrEA, afin de soutenir et de créer des opportunités pour les JEE en vue de la promotion et de la consolidation de la pratique d’évaluation.

Kenza Bennani est gestionnaire des évaluations au ministère français des Affaires étrangères et se spécialise dans le développement international et dans les politiques de la diplomatie culturelle. Elle est activement engagée dans des VOPE internationales (IDEAS, RFE), régionales (AfrEA, EES) et nationales (SFE, AME). Tout en siégeant au Conseil d'administration de l'Association internationale d'évaluation du développement (IDEAS) représentant le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et au Conseil du Réseau francophone des évaluateurs émergents (RF-Eé), elle occupe le poste de chef de file du Groupe d’intérêt thématique d’IDEAS pour les évaluateurs émergents (JEE ITIG) et co-fondatrice et co-organisatrice du groupe de travail de la Société française d’évaluation (SFE) sur les jeunes évaluateurs émergents (Jeunes Evaluateur.trices Emergent.es). Avant de devenir évaluatrice, Mlle Bennani a occupé les fonctions de consultant en gestion du secteur public à Capgemini Consulting ; elle a également acquis de l’expérience dans les domaines du plaidoyer, des relations publiques et de la mobilisation des fonds privés auprès de plusieurs agences onusiennes et organisations de la Croix rouge. Le profil académique de Mlle Bennani est varié, avec un master (M.Phil) en politiques et administration publiques de l’Université de Paris-Assas, un master en géographie du développement durable à l’international reçu à l’Université de Paris-Sorbonne et un master en gestion de l’Audencia Business School.

Une nouvelle génération de défenseurs : Les jeunes évaluateurs émergents et la promotion d’une culture mondiale d’évaluation axée sur la participation des jeunes 63

Page 62: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Pro

mou

voir

une

cultu

re d

e l'é

valu

atio

n en

202

0 et

au-

delà

Les pays de l’OCDE ont développé une culture de l’évaluation lors de la mise en place des politiques et programmes publics face aux pressions internes et externes. Mais cette pratique a été facilitée grâce à plusieurs facteurs de maturité. Par contre, les pays africains sont maintenant en train de construire leur culture évaluative.

En effet, plusieurs initiatives ont été entreprises dans différents pays africains notamment le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, l’Ouganda et l’Afrique du Sud à travers la mise en place de systèmes nationaux d’évaluation ou de mécanismes et outils favorisant le recours aux évaluations du développement dans la mise en œuvre des politiques publiques. Une telle culture est un gage de la bonne gouvernance et est favorisée par l’existence d’un certain nombre d’opportunités.

Par ailleurs, ces pays devront faire face à certaines menaces dans cette quête de la culture évaluative telles que la faiblesse des capacités en statistiques et en suivi des programmes et la difficulté d'évaluabilité de certains services publics. Cet article discute de ce qu'implique une culture de l’évaluation et de ce qui peut être fait pour créer et maintenir une telle culture. Il se focalise surtout sur les pays africains. Il vise par ailleurs à promouvoir la culture de l’évaluation en Afrique.

Page 63: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

Dékaï Jean-Luc Namou1, Économiste, Ministère de la Santé et de l’hygiène publique de Côte d’Ivoire et Marie Laure Essis2, Chef de Service Suivi et Évaluation, Institut national de santé publique de la Côte d’Ivoire

Messages clés

❚ Le développement d’une culture de l’évaluation nécessite des efforts délibérés du pays et un leadership fort pour encourager et soutenir une telle culture ;

❚ Les pays en développement font face à des défis similaires à ceux auxquels sont confrontés les pays développés pour progresser vers une culture de l’évaluation ;

❚ Pour qu'une culture de l'évaluation soit établie et mise en place dans n'importe quel pays, des parties prenantes intéressées et des engagements en matière de transparence et de bonne gouvernance sont nécessaires.

Culture de l’évaluation : différentes manifestations dans des régions culturellement diverses y compris l’Afrique

Pour développer des fonctions d'évaluation efficaces, les pays ont besoin d'une solide culture de l’évaluation dans laquelle des preuves sont délibérément

recherchées afin de mieux mettre en œuvre et exécuter les programmes de développement. Sans une telle culture, tout effort visant à mettre en place des activités d'évaluation efficaces serait compromis (Stewart, 2014).

Développer une culture de l’évaluation dans un pays ne passe pas uniquement par de bonnes intentions et de l'osmose (Mayne, 2010), mais nécessiterait des efforts délibérés du pays et un leadership fort pour encourager et soutenir une telle culture. Pour ce faire, les gestionnaires et le personnel doivent comprendre qu’il existe au niveau du pays, une volonté politique claire de valoriser les informations sur les résultats et les preuves. Celle-ci devrait faire partie intégrante de la chaine de planification, budgétisation, d’exécution et de révision (ibidem).

Une cartographié des cultures d’évaluation des pays de l’OCDE3 a été réalisée en 2002 en examinant dans 23 pays, neuf variables relatives à la réalisation de l’évaluation dans de nombreux domaines politiques, la disponibilité d’évaluateurs spécialisés, l’existence d’un discours national sur l’évaluation et d’une profession d’évaluateur, et la mise en place de mécanismes institutionnels de conduite des évaluations et de partage de leurs résultats. Il en est résulté que l’Australie, le Canada, les Pays-Bas, la Suède, et les États-Unis avaient le "classement de la culture d'évaluation" le plus élevé parmi les pays de l’OCDE (Furubo, Rist et Sandahl, 2002, cité dans Imas et Rist, 2009).

Les pays de l'OCDE ont développé une culture de l'évaluation en réponse à divers degrés de pressions internes et externes. La France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Australie, le Canada, la République de Corée et les États-Unis par exemple, ont développé une culture de l’évaluation en grande partie à cause de fortes pressions internes, telles que la planification nationale, la programmation et les impératifs budgétaires pour les nouvelles programmations de dépenses socio-économiques, ainsi que la veille législative (Imas et Rist, 2009).

65

Page 64: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

En outre, beaucoup de ces pays étaient préparés par avance à le faire parce qu'ils avaient des systèmes politiques démocratiques, de fortes traditions empiriques, des fonctionnaires formés aux sciences sociales (par opposition à une formation juridique stricte), et des institutions et systèmes administratifs efficaces (ibidem). Les pays où les dépenses d’éducation, de santé et de protection sociale étaient élevées, ont adopté des mécanismes d’évaluation dans ces domaines, qui ont influencé d'autres domaines de la politique publique. Ces pays pionniers ont contribué à la diffusion de la culture de l’évaluation dans d'autres pays à travers des organisations d’évaluation, des instituts de formation, des réseaux et des cabinets de conseil (Imas et Rist, 2009). Par ailleurs, certains pays tels que l’Irlande, l’Italie et l’Espagne ont adopté la culture de l’évaluation en raison de fortes pressions externes, principalement des conditions d’adhésion à l’Union européenne (UE) dont l’accès aux fonds de développement structurel de l’UE. Ces derniers ont été fortement influencés par la culture de l'évaluation des pays pionniers, ainsi que par la culture de l'évaluation enracinée dans la communauté internationale avec laquelle ils interagissaient (Imas et Rist, 2009).

En 2009, la plupart des 30 pays de l’OCDE avaient des systèmes d’évaluation matures. Toutefois, les mettre en place n’a pas été un processus facile ni linéaire. Trois approches leur ont permis de mettre en place ces systèmes. Il s’agit des approches pangouvernementale, enclave et mixte. La première implique une mise en place étendue et globale du système à travers le gouvernement et nécessite du temps, au moins une décennie (cas de l’Australie). La seconde approche se concentre sur une partie ou un secteur du gouvernement, comme un seul ministère par exemple (le Mexique s’est concentré sur le développement social, la Jordanie sur la planification et la République Kirghize sur la santé). Et, la troisième approche

utilise les deux premières (cas de l’Irlande) (Imas et Rist, 2009).

Développement de l’évaluation en Afrique Subsaharienne

Contrairement aux pays de l’OCDE qui avaient déjà des systèmes de gouvernance élaborés, ceux de l’Afrique sont en train de construire leur culture évaluative. La majorité des évaluations externes réalisées dans la plupart des pays africains ont été dues à l’exigence des bailleurs de fonds (Tinsakré, 2013). Selon Mouton et Wildschut (2017), les bailleurs de fonds demeurent la première source de commande des évaluations sur le continent africain. Cette situation n’est pas de nature à favoriser l’efficacité des politiques publiques et l’utilisation judicieuse des ressources étatiques. Par ailleurs, l’absence d’une volonté politique forte et interne de développer la culture de l’évaluation empêche son développement.

Certains pays ont élaboré des politiques et plans nationaux d’évaluation dont l’exemple de l’Afrique du Sud est très éloquent. À ce sujet, citant le cas du Bénin, de l’Ouganda et de l’Afrique du Sud, Goldman disait : « Compte tenu des ressources et capacités limitées, les trois pays ont commencé leurs Systèmes nationaux d’évaluation respectifs par les évaluations nationales prioritaires indiquées dans un plan ou programme d'évaluation, en utilisant les ressources des donateurs si nécessaire, mais pilotant eux-mêmes le programme. Ceci est important si l'évaluation doit faire partie des agendas stratégiques des pays, et pas simplement être recommandée par les donateurs » (Goldman et al., 2018, cité dans Evaluation Matters 2018 : 29-30).

Le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont adopté des mécanismes et outils qui favorisent le recours aux évaluations du développement dans la mise en œuvre des politiques publiques (IPU, 2009, cité

66

Page 65: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

dans Evaluation Matters, 2018 : 31). En outre, le Bénin, l'Ouganda et l'Afrique du Sud ont déployé des efforts considérables pour intégrer les évaluations dans le travail des pouvoirs publics, partant de situations politiques très différentes et avec des contraintes de ressources différentes, et ce depuis 2010. Il y a une grande innovation locale dans la façon d'établir ces systèmes, et une gestion évolutive à mesure que ces systèmes se développent. Selon leurs puissances économiques différentes, l'Afrique du Sud a entrepris 56 évaluations en décembre 2016, contre 23 pour l’Ouganda et 15 pour le Bénin, ce qui reflète une plus grande capacité des gouvernements à financer des évaluations. Cependant, la portée des évaluations diffère d’un pays à l’autre. Les évaluations du Bénin en particulier se situent au niveau de la politique plutôt qu'au niveau du programme, couvrant donc un champ plus large, mais de façon moins approfondie (Goldman et al., 2018, cité dans Evaluation Matters, 2018 : 24-25).

Le cas de l’Afrique du Sud pourrait être présenté comme un bon exemple qui marche. En effet, le système national d'évaluation a été mis en œuvre en 2012 et est dirigé par le Département de la planification, du suivi et de l’évaluation (DPME) auparavant le Ministère du suivi et évaluation du rendement. Pendant que le cadre de la politique nationale d’évaluation était en cours d'élaboration, le pays a décidé de commencer des

évaluations pilotes. Le concept initial d'une évaluation des résultats et de l'unité de recherche pour conduire le système d'évaluation a été approuvé en septembre 2011. Le but était « de coordonner la fonction d'évaluation au sein du gouvernement, assurant que l'évaluation de haute qualité et de la recherche sous-tendent les politiques publiques et la programmation, afin de maximiser l'impact de la politique du gouvernement et des services » (Goldman, 2012, cité dans African Evaluation Journal Vol 3, N°1). La première évaluation pilote a débuté en octobre 2011 et a été achevée en juin 2012. Le Plan national d'évaluation (PNE) a été approuvé par le Cabinet en juin 2012, avec huit évaluations (DPME 2012a). Le PNE 2013-2014 a été approuvé en novembre 2012 avec quinze évaluations (DPME 2012b) et le PNE 2014-2015 a également été approuvé en novembre 2013 avec quinze évaluations (DPME 2013b) (Goldman, 2012).

Importance d’une culture de l’évaluation

D'autres termes utilisés pour une culture de l’évaluation incluent une culture des résultats, une culture de la performance (Mayne, 2010). Elle utilise les résultats pour la prise de décision et l’apprentissage et constitue un moyen adéquat pour la mise en pratique d’une politique axée sur les résultats (CAD, 2014). Par ailleurs, elle favorise

ENCADRÉ 1. LES RÔLES CLÉS POUR UNE UNITÉ DE RECHERCHE (GOLDMAN 2012) :

❚ Développement et maintien du cadre de la politique d'évaluation au sein du gouvernement, aussi bien qu’un

plan d'évaluation triennal et annuel ;

❚ Construction d’une approche pangouvernementale pour faire avancer l’évaluation et veiller à l’utilisation des

évaluations pour éclairer les plans et budgets ;

❚ Élaboration des spécifications techniques, des systèmes et des lignes directrices pour l’évaluation au sein du

gouvernement ;

❚ Mise en œuvre et soutien des évaluations et de la recherche ;

❚ Surveillance et contrôle de la qualité du processus d’évaluation à l’échelle du gouvernement.

67

Page 66: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

l’utilisation des informations sur les résultats pour améliorer la performance organisationnelle et sert ainsi à la planification, au suivi des progrès, à l’apprentissage et à la prise de décision (CAD, 2014). Les informations sur les résultats peuvent être utilisées à des fins de reddition de comptes ou comme outil de gestion. Dans le domaine de la gestion des performances, celles-ci sont utilisées pour améliorer la performance organisationnelle et obtenir de meilleurs résultats. (CAD, 2014). Les membres du Comité d’aide au développement (CAD) les utilisent principalement pour la notification externe4 à des fins de redevabilité et de communication, le suivi des progrès et la prise de décision. À l’échelle de l’organisation, l’information sur la performance sert essentiellement aux échanges avec l’extérieur. Au niveau de la gestion stratégique, les informations sur les résultats servent non seulement à des fins de redevabilité, mais aussi à éclairer la prise de décision et tirer des enseignements. Au niveau des projets ou programmes, elles sont utilisées en premier lieu pour suivre les progrès et en deuxième lieu pour prendre des décisions (cas du CAD) (CAD, 2014). La culture de l’évaluation est une clé pour construire des approches plus efficaces de gestion et d'évaluation des résultats (Mayne, 2010).

Pourquoi développer une culture d’évaluation dans les pays africains ?

La Gestion axée sur les résultats doit viser à favoriser une culture de la performance, d’où une culture de l’évaluation (Mayne, 2010). Le Suivi et l’Evaluation sont une partie clé de ce processus. Le suivi est une partie continue de la gestion de projet / programme qui implique la collecte et l'analyse systématique de données basées sur les indicateurs de l'intervention. C’est une évaluation interne visant à maintenir les interventions sur la bonne voie et à garantir la prise de décision

opportune nécessaire pour améliorer leur conception et leur fonctionnement. Les évaluations de résultats sont essentielles pour faire la lumière sur les lacunes, pour déterminer quand des ajustements doivent être faits et quels types de changements sont requis - changement d'orientation et / ou ajustement de la stratégie du projet / programme (théorie du changement, cadre logique et / ou stratégie de mise en œuvre), redéfinition des priorités, renforcement des capacités, allocation des ressources plus efficacement, etc. (Manuel pour Gestion Axée sur les Résultats et l’Agenda 2030 pour le développement durable). Ainsi, selon le Comité d’aide au développement (CAD, 2014) les conséquences potentielles de l’absence d’une culture de l’évaluation peuvent se résumer comme suit :

❚ Difficulté de mise en évidence des changements positifs des dépenses affectées à l’aide au développement ;

❚ Insuffisance de preuves pour éclairer la prise de décision et tirer des enseignements ;

❚ Difficulté à démontrer les résultats d’une intervention ;

❚ Faible valorisation des informations sur la performance ;

❚ Obstacle à l’utilisation des résultats pour la prise de décision et l’apprentissage ;

❚ Manque de motivation du personnel, de leadership et d’incitations.

Eu égard à ce qui précède, l’absence d’une culture évaluative sape les tentatives de bonne gouvernance, transparence et de redevabilité. Elle revêt donc une importance capitale pour les pays africains à travers le renforcement de la bonne gouvernance, la démocratie, l’amélioration de la qualité des services publics et la reddition des comptes.

68

Page 67: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

Dans la quête d’une culture de l’évaluation en Afrique, il existe plusieurs menaces, possibilités et opportunités qui sont résumées dans la Figure 1 [CAD, 2014 ; Dejean J. et al., 1998 ; Nasser, 2015 ; ONUDC, 2019].

Pour progresser vers la culture de l’évaluation, les pays africains doivent faire face à ces menaces et y apporter des solutions adéquates. Les circonstances favorables susmentionnées constituent un atout pour y arriver.

Comment reconnait-on une culture évaluative ? Quelles sont ses caractéristiques clés ?

Caractéristiques d’une culture de l’évaluation fonctionnelle

Une culture de l’évaluation désigne une culture où il est délibérément recherché des informations empiriques sur les performances afin de les utiliser pour apprendre à mieux gérer les programmes et services, et ainsi améliorer ses performances. Une telle culture valorise les preuves empiriques sur les résultats. Un certain nombre d'auteurs et de rapports ont examiné la question d'une culture de l’évaluation et comment y arriver. Une présentation synthétique des différents résultats

obtenus par les études réalisées sur la culture de l’évaluation fait ressortir les caractéristiques de celle-ci en trois principaux points (Mayne, 2010)

Premièrement, une culture de l’évaluation recherche délibérément les preuves des réalisations à travers le suivi et l’évaluation. Elle est donc manifeste par une auto-évaluation.

Deuxièmement, elle s’engage dans un apprentissage fondé sur les preuves. En d’autres termes, elle favorise la création de temps d’apprentissage, d’apprentissage à partir des erreurs commises et des faibles performances ; et encourage le transfert de connaissances.

Troisièmement, elle encourage l’expérimen-tation et le changement, c’est-à-dire qu’elle soutient la prise de risque et recherche de nouvelles façons de travailler (ibidem).

Recommandations pour le développement d’une réelle culture de l’évaluation

Pour favoriser le développement d'une réelle culture de l'évaluation, il est recommandé aux gouvernements africains de mettre en place les conditions minimales préalables présentées dans la Figure 2 ci-après :

Figure 1 : Menaces et opportunités dans l'établissement d'une culture d'évaluation

Menaces Opportunités

• Faibles capacités en statistiques et en suivi des programmes

• Difficulté d'évaluabilité de certains services publics

• Leadership international affirmé d'intégration de l'evaluation dans l'agenda des Nations-Unies

• Promotion de la culture de l’évaluation par l’Association africaine d’évaluation (AfrEA)

• Soutien du développement et de la pratique de la culture de l’évaluation par les institutions internationales africaines d’appui au développement telles que la BAD

• Place de choix accordée à l’évaluation dans l’Agenda 2030 pour les ODD et 2063 de l’Union Africaine

69

Page 68: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

Conclusion

L'évaluation fournit la confiance nécessaire pour aider les pays à évoluer avec succès, en utilisant des preuves pour guider leurs décisions. La promotion de la culture de l’évaluation à travers les organisations en 2020, se fera par une évaluation de la préparation organisationnelle, une planification du changement culturel, un renforcement des capacités, et un renforcement des systèmes de soutien organisationnel. Pour que cette culture de l’évaluation se développe et prospère, des efforts suffisants seront nécessaires dans les domaines précités.

L’existence de sociétés d’évaluation nationales et de l’Association africaine d’évaluation (AfrEA) dont la vision est une Afrique enracinée dans une culture de l’évaluation pour un développement équitable et durable (AfrEA, 2017) constitue un atout important sur lequel les gouvernements peuvent s’appuyer.

L’AfrEA qui œuvre de plus en plus pour une évaluation ‘Made in Africa’ est prête à travailler avec les gouvernements africains pour accroître la connaissance et l'utilisation des approches d'évaluation au sein des institutions publiques. Toutefois, un leadership affirmé et durable des gouvernements est nécessaire pour atteindre cet objectif.

1. Economiste de la santé, Ministère de la santé et de l’hygiène publique, Direction de la formation et de la recherche, Côte d’Ivoire. Email : [email protected]/ [email protected]

2. Médecin, Planification et Suivi/Evaluation, Ministère de la santé et de l’hygiène publique, Institut National de Santé Publique, Côte d’Ivoire. Email : [email protected]

3. Organisation de coopération et de développement économique

4. Il s’agit par exemple de notification des résultats sur les indicateurs d’une intervention aux organismes donneurs.

Annotations

Figure 2 : Conditions préalables minimales pour le développement d'une culture d'évaluation"

Evaluation de la préparation

organisationnelle :

• Evaluer les structures, pratiques et actions actuelles pour identifier celles qui sont favorables ou contre une culture de l’évaluation 

• Evaluer l’évaluabilité des programmes et services

Renforcement des capacités :

• Développer la capacité du personnel à effectuer des évaluations • Développer la capacité du personnel à utiliser l’évaluation

Elaboration (renforcement)

des systèmes de soutien organisationnel :

• Engager les ressources organisationnelles nécessaires

• Encourager un régime de responsabilisation axé sur les résultats

• Récompenser le changement de comportement souhaité

Planification du changement culturel :

• Créer une vision pour l’évaluation au sein de l’organisation

• Mobiliser les parties prenantes (internes et externes) 

• Identifier et soutenir les champions de l’évaluation

Encouragement de l’expérimentation

et du changement :

• Soutenir la prise de risques délibérés

• Récompenser l'innovation et l'apprentissage

(Adapté de Stewart, 2014)

70

Page 69: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

71Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delàPromouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Références

Comité d’aide au développement vers un développement efficace : Mesure et gestion axée sur les résultats dans le domaine de la coopération pour le développement : Une revue des difficultés et pratiques chez les membres et observateurs du CAD Novembre 2014. Disponible sur https://www.oecd.org/dac/peer-reviews/mesure%20et%20gestion%20axee%20sur%20les%20resultats.pdf

Dejean, J., Bourassin, V. and Mortreux, K. (1998) "Culture de l'évaluation et fascination pour les indicateurs." Politiques et management public 16(2) :161-74.doi : https://doi.org/10.3406/pomap.1998.2192 https://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_1998_num_16_2_2192

Goldman, I., Mathe, J.E., Jacob, C., Hercules, A., Amisi, M., Buthelezi, T. et al. (2015). "Developing South Africa’s national evaluation policy and system : First lessons learned." African Evaluation Journal 3 (1):107-9. Disponible sur http://dx.doi.org/10.4102/aej.v3i1.107

Goldman, I. (2018). "Émergence de systèmes d'évaluation gouvernementaux en Afrique : cas du Bénin, de l'Ouganda et de l'Afrique du Sud’’ EVALUation Matters, deuxième trimestre 2018, la BAD.

Kone, N.N. et Tioyé, S.A.M. (2018)."Défis et enjeux de la promotion de l'évaluation du développement au niveau législatif’’ EVALUation Matters, premier trimestre 2018, la BAD.

Mayne, J. (2010). "Building an evaluative culture : the key to effective evaluation and results management. " The Canadian Journal of Program Evaluation 24(2): 1-30.ISSN 0834-1516 Copyright © 2010 Canadian Evaluation Society. Ottawa, Ontario. Disponible sur https://evaluationcanada.ca/secure/24-2-001.pdf

Morra-Imas, L.G. and Rist, R.C. (2009). "The Road to Results : Designing and Conducting Effective Development Evaluations." World Bank. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/2699. http://hdl.handle.net/10986/2699

Mouton, J. and Wildschut, L. (2017). “Evaluation in Africa : Database and Survey Report”. Rapport final, étude commanditée par CLEAR-AA. Non publié.

Naidoo, I. (2018). "L’évaluation, moteur de la démocratie et du développement en vue de la réalisation des objectifs de

développement durable en Afrique’’ EVALUation Matters, premier trimestre 2018, la BAD.

Nasser MG. (2015). "Promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques". Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental par décision de son bureau en date du 9 avril 2013 en application de l’article 3 de l’ordonnance no 58-1360 du 29 décembre 1958 modifiée, portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. Journal officiel de la République Française. 154p. Mandature 2010-2015. Séance du 8 septembre 2015. Disponible sur https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2015/2015_22_politiques_publiques.pdf

ONUDC. (2019) Manuel pour Gestion Axée sur les Résultats et l’Agenda 2030 pour le développement durable continue. Vienne 2019. https://www.unodc.org/documents/SDGs/RBM_Manual_French_final.pdf

Organisation de Coopération et de Développement Économiques. Direction de la coopération pour le développement. Comité d'aide au développement. "Critères d’évaluation : définitions adaptées et principes d’utilisation." DCD/DAC (2019)58/FINAL. Réunion du CAD, 10 décembre 2019. Unclassified. Français-Or. Anglais.

Patel, M. (2013). "African Evaluation Guidelines". African Evaluation Journal 1(1):51-5. http://dx.doi.org/10.4102/aej.v1i1.51

Porter, S. et Goldman, I. (2013). "A Growing Demand for Monitoring and Evaluation in Africa”. The African Evaluation Journal. V 1i1.25 (http://www.aejonline.org).

Smith, L. et Morkel, C. (2018). "Tendances de l’offre et de la demande d’évaluation en Afrique : le regard de CLEAR-AA’’ EVALUation Matters, premier trimestre 2018, la BAD.

Stewart, J. (2014). "Developing a culture of evaluation and research." Child Family Community Australia PAPER (28)/ISSN 2200-4106 ISBN 978-1-922038-74-6; 978-1-922038-75-3 (PDF); 978-1-922038-76-0 (EPUB)/ Disponible sur https://aifs.gov.au/cfca/sites/default/files/publication-documents/cfca28_0.pdf

Tinsakré, K. (2013). "Évaluation de projets/programmes dans les pays en voie de développement : cas de quatre projets au Burkina Faso." Sociologie. Université Toulouse le Mirail - Toulouse II. Français. NNT : 2013 TOU 20029. tel-00976828

71

Page 70: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Promouvoir une culture de l'évaluation en 2020 et au-delà

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

À p

ropo

s de

s au

teur

s

Dékaï Jean-Luc NAMOU est ingénieur des services de santé spécialisé en économie de la santé, au Ministère de la santé et de l’hygiène publique (MSHP) de Côte d’Ivoire depuis mai 2019. Avant de rejoindre le MSHP, il était chargé de coordonner les projets au groupe Conseil santé et développement sud, une firme de consultance sise à Abidjan. Il est membre actif de l’Initiative ivoirienne pour l’évaluation (2iEval). Il est titulaire d’un DESS en Economie de la santé du Centre africain d’études supérieures en gestion, et d’une maitrise en microbiologie alimentaire de l’Université d’Abobo-Adjamé d’Abidjan. (Nouvellement Université Nangui Abrogoua).

Dr Marie Laure ESSIS, Médecin de Santé Publique et Infectiologue, Attaché de Recherche. Chef de Service Suivi et Evaluation à l’Institut National de Santé Publique d’Abidjan (Côte d’Ivoire). Titulaire d’un Masters de Recherche option Planification et Management des Programmes et Services de Santé, Institut Africain de Santé Publique (IASP), Ouagadougou (Burkina Faso) et d’un Diplôme d’Etude Approfondie en Santé Publique option Economie de la santé à l’UFR des sciences pharmaceutiques, Abidjan (Côte d’Ivoire). Dr Essis prépare un PhD en Santé Public (Doctorante) à l’IASP. Elle coordonne la formation en Suivi Evaluation organisée par l’INSP, dont elle est aussi facilitatrice. Elle a une longue expérience en évaluation de projets/programmes.

72

Page 71: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 72: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

La c

ultu

re d

’éva

luat

ion

à l’è

re d

u bi

g da

ta :

Faut

-il u

n no

uvea

u pa

radi

gme

en m

atiè

re d

’éva

luat

ion

pour

la 4

e Rév

olut

ion

indu

strie

lle ?

Le présent article aborde les mutations considérables qui toucheront à la pratique et à la « culture d’évaluation » en Afrique dans le cadre de la 4e Révolution industrielle (4IR). Le catalyseur de la 4IR sera l’évolution rapide de six technologies « transformatrices », et parmi elles, cinq offriront de grandes possibilités pour la pratique de l’évaluation, mais aussi d’importants défis. Alors que la culture d’évaluation se transformera, la question essentielle est : comment cette transformation sera-t-elle gérée ? L’évaluation demeurera-t-elle une force majeure dans le nouvel écosystème du big data ?

Page 73: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

Michael Bamberger, Consultant indépendant d'évaluation

La culture d’évaluation

Pour commencer, il serait utile de définir le concept de « culture d’évaluation ». Mayne (2008) entend par culture évaluative une

culture organisationnelle qui recherche délibérément des informations sur sa performance en vue de s’en servir pour apprendre à mieux gérer et fournir ses programmes et services, et améliorer ainsi sa performance. Une organisation dotée d’une forte culture d’évaluation s’engage dans l’autoréflexion, l’autocritique et l’apprentissage fondé sur des données probantes, et encourage l’expérimentation et le changement. Mayne présente également les moyens nécessaires pour développer une culture évaluative, en se concentrant sur le leadership, les structures d’appui organisationnel et l’apprentissage.

S’il en ressort un cadre utile, il faut reconnaître que les évaluations ont de nombreux objectifs, sont conduites par différents types d’organisation et à divers niveaux (allant de petits projets villageois à un programme d’évaluation de l’efficacité des objectifs de développement durable [ODD] sur une durée de 15 ans dans le monde). Les organisations qui conduisent des évaluations peuvent avoir des mandats différents.

Les évaluations sont également conduites pour des besoins multiples, lesquels sont classés selon les priorités des organismes intéressés. Selon une classification qui est largement utilisée, il existe trois types d’évaluation : l’évaluation évolutive (concevoir et tester des approches novatrices de résolution de problèmes, en particulier dans le but de cerner les programmes qui s’opèrent dans des contextes complexes) ; l’évaluation formative (aider les cadres supérieurs et les planificateurs à améliorer la conception et la mise en œuvre d’une intervention en cours ou à tirer des enseignements pour améliorer les actions futures) ; et l’évaluation sommative (évaluer le mérite, la valeur et l’importance de tout un programme). Les évaluations peuvent toutefois avoir d’autres objectifs1 .

La conception de l’évaluation est un autre volet important. Il existe au moins dix types de conception de l’évaluation, qui ont chacun une méthodologie unique, avec des hypothèses différentes sur des considérations générales telles que la nature des données d’appui et l’existence ou non de « faits » objectifs qui restent constants d’un observateur à un autre (épistémologie et ontologie). L’encadré 1 dresse la liste de ces divers types de conception. Cette liste comprend les conceptions actuelles et nouvelles, et les conceptions adaptées à la nouvelle

Messages clés

❚ La quatrième Révolution industrielle est en train de mettre au point de nouvelles technologies de l’information qui peuvent sensiblement améliorer le mode de collecte et d’analyse de données par les évaluateurs.

❚ Toutefois, ces technologies s’annoncent inéluctablement transformatrices et la « culture d’évaluation » devra relever le défi de les intégrer et de s’adapter.

75

Page 74: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

réalité imposée par la 4e Révolution industrielle2 (4IR). Il existe cependant un continuum, certaines conceptions actuelles ayant commencé à faire face à ces nouvelles réalités.

Compte tenu des divergences importances qui existent entre bon nombre de ces méthodes, de la diversité des objectifs des évaluations et de la variété des organismes qui les commandent, les mettent en œuvre et les utilisent, on se pose la question de savoir s’il existe une « culture d’évaluation » unique et intégrée ou plusieurs « cultures d’évaluation ». Pour le compte de la présente étude, cette question est importante, car la 4IR et l’importance croissante des nouvelles technologies de l’information auront des implications sur

les différents types d’évaluation effectués par diverses organisations.

De nombreuses approches d’évaluation se concentrent sur la continuité et résistent au changement

Les demandes d’approches d’évaluation standardisées, qui sont largement appliquées et évoluent lentement au fil du temps, constituent un élément important de ce qu’il convient d’appeler l’« évaluation traditionnelle » – il s’agit des approches utilisées par de nombreuses agences onusiennes et d’organismes multilatéraux de développement et qui sont enseignées dans le cadre de bon

ENCADRÉ 1. CATÉGORIES DE CONCEPTION DES ÉVALUATIONS

Les conceptions actuelles de l’évaluation [qui peuvent toutes être adaptées à la 4IR]

Conceptions de l’évaluation évoluant dans le cadre de la 4IR

1. Conceptions expérimentales 9. Évaluation tenant compte des complexités

2. Conceptions quasi expérimentales 10. Conceptions de l’évaluation axées sur la science des donnéesBig data ; données géospatiales, Internet des objets, réseaux sociaux, données générées à travers des smartphones

❚ Big data ; données géospatiales, Internet des objets, réseaux sociaux, données générées à travers des smartphones

❚ Smart data analytics (analytique des données intelligentes) : tableaux de bord, plateformes de données intégrées, analytique prédictive, expérimentation digitale, apprentissage statistique (machine learning), intelligence artificielle

3. Conceptions statistiques (économétriques)

4. Évaluations basées sur la théorie

5. Évaluation basée sur des cas – y compris l’analyse qualitative comparative

6. Évaluation participative et qualitative

7. Évaluation tenant compte du genre

8. Synthèse et examen

Source : Bamberger & Mabry (2020) ; adaptation à partir de Stern et al. (2012), Vaessen, Raimondo & Bamberger (2016), et Salganik (2018), avec ajout d’autres catégories.

76

Page 75: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

nombre de programmes de formation en évaluation. La continuité subit l’impact d’un certain nombre de facteurs.

Considérations méthodologiques : La théorie sur l’évaluation traditionnelle soutient que le meilleur moyen d’évaluer le lien de causalité et l’impact consiste à obtenir une mesure de référence des indicateurs de résultats, puis à reproduire cette mesure en utilisant le même échantillon et les mêmes indicateurs à l’achèvement du projet. Idéalement, les mêmes données devraient être collectées pour un groupe de comparaison correspondant. Cette méthodologie demande le recours à des indicateurs identiques d’une période donnée à une autre. Les organismes censés évaluer tous les programmes devront souvent investir d’importantes ressources dans la mise au point et le test d’instruments de mesure, ainsi que dans la sélection de l’échantillon. Par conséquent, l’utilisation continue des mêmes instruments en vue de la comparabilité des résultats est encouragée. Un critique peut y voir une mentalité conservatrice et donc rétive à l’introduction de nouveaux instruments et indicateurs en vue d’ajuster des changements.

Considérations d’ordre organisationnel et institutionnel : De nombreux organismes effectuent un grand nombre d’évaluations de programmes semblables et ont besoin d’une approche normalisée qui réduit le temps et le coût tout en assurant la qualité. Par exemple, ces entités qui travaillent à l’échelle mondiale ou régionale doivent effectuer des évaluations périodiques de leurs programmes pays ou, parfois, évaluer chacun de leurs prêts ou investissements individuels. Les évaluations sont souvent sous-traitées à des consultants et, par conséquent, des méthodes, procédures de passation des marchés et termes de référence standardisées sont nécessaires.

La transparence est une priorité pour certains organismes nationaux d’évaluation. Dans des cas particuliers

où les évaluations servent à appuyer les décisions du gouvernement concernant l’allocation de ressources aux différents États ou communautés, il importe de trouver un consensus autour de la méthodologie et de faire en sorte que les parties prenantes y accèdent.

Comme on le verra plus loin, ces facteurs méthodologiques et organisationnels ne permettent pas à de nombreux évaluateurs de se hâter d’adopter de nouveaux outils et techniques de collecte et d’analyse de données qui soient potentiellement puissants et sont mis à disposition par la 4IR.

La culture d’évaluation à l’ère de la 4IR : La nécessité d’un nouveau paradigme en matière d’évaluation

Une étude de la Banque africaine de développement datant de 2019, intitulée « Libérer le potentiel de la 4ème révolution industrielle en Afrique » a identifié six technologies potentiellement transformatrices qui changeront significativement les modèles du développement économique de l’Afrique. Il s’agit de l’intelligence artificielle, de l’Internet des objets (IdO), du big data, de la blockchain, des drones et de l’impression en 3D. Au-delà des innovations importantes que ces technologies sont déjà en train d’introduire dans l’industrie et le commerce, elles ont commencé à influer sur la conception, la mise en œuvre et le suivi de programmes de développement.

Toutes ces technologies sont en train d’accroître sensiblement le volume des différents types de données nécessaires à la conception, l’exécution et le suivi de programmes de développement socioéconomique, et sont susceptibles de réduire les coûts d’accès et d’analyse de ces données. Leurs avantages incluent un ciblage plus précis de produits et services par rapport aux utilisateurs concernés et une détection rapide de problèmes liés

77

Page 76: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 77: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

à la réalisation des résultats attendus de l’exécution de projets.

L’essor rapide de ces technologies de l’information et la portée croissante de leurs applications ont des répercussions énormes sur les évaluations du développement. Trois principaux défis sont à relever :

❚ Comment évaluer les effets de ces nouvelles technologies de l’information sur le développement social et économique (qui en profite, qui en est exclu ou pourrait même en pâtir ?) ;

❚ Comment évaluer les effets de ces technologies sur les politiques et programmes de développement ; et

❚ Comment évaluer le cadre dans lequel ces nouvelles technologies peuvent être intégrées dans la conception et la mise en œuvre des évaluations du développement, dans quelle mesure et à quel degré.

Les premières impressions laissent penser que ces types de questions concernant l’évaluation attirent peu d’attention dans de nombreux débats sur la 4IR. Par exemple, l’étude de la Banque susmentionnée se concentre sur l’analyse de rentabilisation de la promotion de ces nouvelles technologies, sans pour autant aborder ni la façon d’évaluer l’efficacité et les effets de ces technologies, ni les répercussions inattendues. Les sections suivantes montrent que les implications de ces nouvelles technologies de l’information sont si profondes qu’elles imposent un changement de paradigme dans le cadre de la culture d’évaluation.

Les problèmes auxquels la plupart des approches d’évaluation actuelles sont confrontées et que la 4IR pourrait aggraver

Les évaluateurs sont conscients des problèmes méthodologiques, économiques

et organisationnels qui se posent déjà à l’évaluation actuelle des programmes de développement. Bon nombre de ces problèmes s’aggraveront pour l’évaluation à l’ère de la 4IR, et d’autres encore se poseront. Parmi les problèmes actuels liés à l’évaluation qui continueront à se poser à l’ère de la 4IR figurent :

Le coût de la collecte de données : Pour un grand nombre d’évaluations, la collecte de données induit le coût le plus important. Chaque entretien crée un coût considérable et, par conséquent, l’évaluateur est amené à réduire la taille de l’échantillon ou à exclure les groupes difficilement accessibles (tels que les personnes vivant dans des zones reculées). Lorsque la taille de l’échantillon est réduite, la précision statistique de l’analyse en pâtit et il devient souvent difficile de comparer différents groupes de la population (ménages dirigés par un homme ou une femme, tranches d’âge, types de production agricole, etc.).

L’analyse contextuelle : Divers facteurs (économiques, politiques, écologiques, etc.) affectent les résultats de programmes dans la zone de projet. Des projets similaires peuvent avoir des résultats très différents sous l’effet de ces facteurs contextuels, mais l’évaluation de ceux-ci sera toujours limitée par le coût de la collecte de données.

La suppression de la complexité : Si les évaluateurs et les autres parties prenantes ont l’habitude de juger leurs programmes complexes3, très peu d’évaluations peuvent corriger cette complexité de façon systématique. Cela se justifie en partie par le grand volume des données nécessaires pour une analyse de la complexité, mais également par la nécessité persistante de tenir compte de l’analyse systémique – qui passe parfois par l’utilisation de la modélisation dynamique et des données en temps réel, qui ne peuvent pas être toujours obtenues au moyen de méthodes d’évaluation conventionnelle. L’évaluation des ODD est un exemple en la matière,

79

Page 78: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

qui requiert idéalement qu’un accent soit mis sur la complexité et le recours à l’analyse systémique, mais cela n’est pas toujours possible.

Les données sur la durabilité et les données longitudinales : La majorité des programmes sont conçus pour continuer à fonctionner et à fournir des services sur une période relativement longue. Toutefois, pour des raisons budgétaires et organisationnelles, la plupart des évaluations ne couvrent que la période d’exécution d’un programme et, peut-être aussi, une ou deux années après son démarrage. Ainsi, dans la plupart des cas, il n’existe aucune information sur la viabilité du programme et de ses avantages. Par ailleurs, très peu d’évaluations peuvent collecter des informations sur les années précédant le début du projet.

Nous soutiendrons que les nouvelles technologies de l’information charriées par la 4IR offrent de nouveaux moyens de résoudre ces questions.

Certes, tous les problèmes susmentionnés continueront d’exister, mais de nombreux programmes de l’ère de la 4IR feront face à de nouveaux défis en matière d’évaluation. Par exemple :

❚ De nombreux programmes deviennent de plus en plus vastes et complexes.

❚ Ils seront plus dynamiques et évolueront rapidement.

❚ Le secteur privé sera reconnu comme un partenaire majeur du développement, tandis que les partenariats public-privé joueront un rôle encore plus important pour le développement.

❚ D’importants volumes de données seront de plus en plus produits avec une vitesse accrue, à partir de sources multiples et diverses (les images par satellite ou drones, le numérique,

l’audiovisuel, le texte, etc.) ; ces données devront être collectées et traitées.

❚ Il faudra relever les grands défis en matière de développement, tels que le changement climatique, la question des réfugiés et les migrations non réglementées.

❚ Les ODD ont 17 cibles ambitieuses, complexes et corrélées ; comme indiqué précédemment, ces cibles créent des défis majeurs pour les évaluateurs.

❚ Les gouvernements, les bailleurs de fonds, la société civile et les autres parties prenantes formulent des demandes croissantes concernant l’obligation de rendre compte des interventions effectuées dans le secteur public et la possibilité d’accéder aux informations y afférentes.

❚ Les nouvelles technologies de l’information deviennent accessibles à toute organisation ou à tout individu ayant accès à un ordinateur et jouissant d’un certain niveau d’expertise ; par conséquent, les gouvernements et les bailleurs de fonds n’auront plus le monopole de l’information sur leurs programmes.

❚ Les pressions en faveur de l’inclusion sociale et de la participation des populations persisteront.

Possibilités offertes par la 4IR : Le big data et la science des données offrent de nouveaux outils puissants susceptibles de renforcer l’évaluation du développement

Tout en révélant les défis liés à la pratique évaluative, la 4IR présente également des possibilités. L’une d’elles est le big data. Il est souvent défini comme un ensemble de données trop vaste pour être traité sur un ordinateur normal de bureau. Ces données sont produites très rapidement, en grandes quantités et

80

Page 79: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

de divers types, et souvent en continu sur de longues périodes. Certes, un second article4 traitera davantage du big data, mais quelques-uns de ses avantages extraordinaires pour l’évaluation du développement à l’ère de la 4IR sont présentés ci-après :

❚ La collecte des données est rapide et peu couteuse.

❚ De très grands volumes de données peuvent être collectés, couvrant souvent l’ensemble de la population d’étude et pas seulement un échantillon réduit.

❚ Les données peuvent être analysées très rapidement tout en intégrant sans cesse des retours d’information.

❚ Les évaluateurs peuvent combiner des sources multiples de données (enquêtes, textes – y compris des fichiers PDF volumineux, des images par satellite et

par drone, des photographies) sur une plateforme de données intégrées.

❚ Les évaluateurs peuvent procéder à des analyses beaucoup plus pointues, y compris au moyen de la modélisation prédictive, de l’apprentissage automatique, de l’intelligence artificielle, de l’intégration de multiples ensembles de données, ainsi qu’à l’analyse de programmes complexes.

❚ Les analystes peuvent générer des fichiers en continu, notamment au cours de la période précédant le début ou suivant la fin d’un programme.

L’encadré 2 donne des exemples de sources de big data qui peuvent être utilisées pour renforcer des programmes d’évaluation du développement à l’ère de la 4IR. Ces exemples vont au-delà des « technologies transformatrices » identifiées dans l’étude de 2019 de la Banque. Les applications

ENCADRÉ 2. EXEMPLES DE SOURCES DE BIG DATA UTILISÉES OU SUSCEPTIBLES D’ÊTRE UTILISÉES POUR L’ÉVALUATION

❚ Images par satellite : changement des modes d’utilisation des sols, développement des infrastructures, estimation des seuils de pauvreté par la proportion des logements aux toits de chaume, estimation des niveaux de vie économique des communautés par le niveau d’éclairage nocturne.

❚ Données de télédétection : volume d’eau pris des puits ou des fontaines, population entrant dans des bâtiments communautaires, modes de voyage de piétons. Également utilisées pour étudier les modes d’utilisation de complexes de logement et de villes, dans le cadre de l’étude de la communauté quantifiée.

❚ Données de localisation par GPS : suivi des modes de voyage de motocyclistes, traçage des mouvements migratoires par GPS sur téléphones.

❚ Données d’achat de crédits pour des téléphones portables : très largement utilisées comme indicateur de l’évolution à court terme de la pauvreté.

❚ Données des réseaux sociaux : analyse de la fréquence de l’utilisation des termes potentiellement liés à des discours de haine ou à des partis pris ethniques (en recourant à des techniques telles que l’analyse des sentiments). Identification d’éventuelles poches de pauvreté à travers l’utilisation accrue de termes liés à la famine.

❚ Programmes radiophoniques interactifs : analyse textuelle en vue de documenter la fréquence de références à divers types de problèmes et de préoccupations dans différentes régions.

❚ Données de recherche sur Internet : recours fréquent à des recherches d’information sur des villes de destination comme un prédicteur des migrations des zones à fort taux de chômage vers des zones où le taux est faible.

❚ Fichiers PDF et autres fichiers organisationnels (données transactionnelles) : fusion des documents organisationnels encore non reliés afin de créer une plateforme de données intégrées dans le but d’identifier des associations et des modèles qui n’étaient jusque-là pas détectés.

❚ Plateformes de données intégrées, qui fusionnent de nombreux fichiers de données d’enquête secondaires, de fichiers publics et des fichiers de clients d’organismes de service social. Cela permet d’identifier des modèles et d’analyser les effets des variables contextuelles sur la performance des programmes.

❚ Données biométriques [l’« auto-quantifié »] : moyen rationnel de collecter des données sanitaires et biométriques sur des individus et des communautés.

❚ Blockchain (combinée à des télédétecteurs) : contrôle du respect des directives en matière de préparation des cultures par les agriculteurs, en vue d’être éligibles à des crédits carbone.

81

Page 80: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

potentielles de ces techniques seront abordées dans le second article à venir.

Défis liés à l’intégration des nouveaux outils du big data à l’évaluation du développement

Un certain nombre de facteurs peuvent influer sur la vitesse et l’envergure avec laquelle les outils et techniques de la science des données née de la 4IR sont adoptés par les évaluateurs :

Les différents cadres et outils de recherche : Un défi important à relever tient au fait que les évaluateurs et les spécialistes de la science des données utilisent des cadres et des outils différents, ce qui ne permet pas à de nombreux évaluateurs de se familiariser avec la myriade de nouveaux outils et d’approches apportés par la 4IR. Par exemple :

❚ Les spécialistes de la science des données ont intensément recours à des données obtenues en temps réel (tweets et autres postes sur des réseaux sociaux, intensité du courant électrique dans une communauté comme indicateur du niveau de l’activité économique, etc.), tandis que les évaluateurs se sont davantage familiarisés avec des données issues d’enquêtes, de fichiers de projets et des statistiques. Par conséquent, de nombreux évaluateurs sont inquiets de constater que les spécialistes de la science des données se soucient peu des questions liées au parti pris, à la qualité des données et à la validité des concepts.

❚ Le rôle de la théorie est perçu différemment par les uns et les autres. Si de nombreux évaluateurs considèrent que l’évaluation basée sur la théorie (la théorie du changement, par exemple) est essentielle à la conception d’une évaluation et à l’interprétation des résultats, bon nombre de spécialistes de

la science des données s’interrogent sur la nécessité d’une théorie dans l’analyse du big data ou alors optent pour une approche différente.

❚ La différence entre le lien de causalité et la corrélation constitue un autre sujet du débat. D’un côté, les évaluateurs font des conceptions de groupes de comparaison une composante essentielle de nombreux types de méthodes d’évaluation. De l’autre, les experts de la science des données travaillent souvent avec d’importantes matrices de corrélation, estimant souvent qu’avec le recours à un nombre relativement élevé d’observations et de corrélations, il n’est pas nécessaire de traiter de l’attribution et de la causalité.

❚ Un autre sujet de débat concerne les spécialistes de la science des données qui, selon eux, couvrent toute la population d’étude alors que les évaluateurs ne travaillent normalement qu’avec des échantillons relativement réduits. Les évaluateurs leur rétorquent que la science des données est rarement en mesure de couvrir toute une population d’étude et que les groupes non couverts ont généralement des caractéristiques importantes (être plus pauvre, par exemple), leur exclusion pouvant donc donner lieu à de graves partis pris. Les évaluateurs soutiennent que les spécialistes de la science des données font souvent peu de cas du parti pris et n’utilisent pas une approche systématique pour apprécier les exclusions et les effets.

La faiblesse des liens institutionnels entre les centres de données et les bureaux d’évaluation : Quelques entretiens avec d’importants organismes de développement ont révélé que les rapports entre les centres de données et les bureaux d’évaluation semblent souvent ténus et que de nombreux analystes de données ne font pas de l’appui à l’évaluation une

82

Page 81: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

de leurs principales activités. De même, bon nombre de bureaux d’évaluation tardent à prendre l’initiative de nouer des relations avec des centres de données.

L’accès limité au big data : Un autre écueil sur le plan pratique réside dans l’accès limité de nombreuses organisations, particulièrement les moins importantes et moins bien financées, à divers types de big data.

Les limites des programmes intégrés de développement des capacités : Beaucoup de programmes de formation en évaluation n’utilisent pas la méthodologie employée par les spécialistes de la science des données, tout comme bon nombre de ces derniers n’ont jamais été formés dans la pensée et les méthodes d’évaluation.

L’adaptation de l’évaluation du développement à l’ère de la 4IR : Repenser la culture d’évaluation

L’ère de la 4e Révolution industrielle offre de nouveaux outils puissants pour la collecte (big data, satellites et drones, IdO, blockchain, etc.) et l’analyse (analytique prédictive, intelligence artificielle, etc.) de programmes de développement de plus en plus complexes et potentiellement évolutifs. Ces outils permettent à l’activité évaluative de s’appuyer sur des données plus volumineuses et plus ventilées, d’élargir la couverture géographique pour inclure l’analyse contextuelle, de prendre en compte des groupes vulnérables et difficilement accessibles et d’utiliser l’analyse systémique et d’autres outils pour analyser des programmes qui sont exécutés dans des environnements complexes. De même, il devient plus facile d’étudier les changements de comportement, les attitudes et la dynamique de groupe.

Dans le même temps, les interventions à évaluer peuvent avoir plus d’envergure, être multidimensionnelles, interconnectées et dynamiques, tout en

évoluant constamment. Ces interventions affecteront – et seront affectées par – des défis mondiaux tels que le changement climatique, les problèmes croissants de réfugiés, les modes complexes de migration et le trafic des êtres humains. La mobilisation de puissantes ressources par les acteurs de la 4IR implique que de multiples résultats imprévus doivent être également évalués, tout comme la « face hideuse » de la 4IR (par exemple, des messages de désinformation et de nouveaux moyens pour manipuler les consommateurs et les électeurs, et créer des clivages sociaux). Les sources d’éventuels partis pris qui s’intègrent dans des algorithmes de prise de décisions à distance doivent être également évaluées.

Pour les raisons évoquées précédemment, la culture actuelle de l’évaluation et les méthodes d’évaluation les plus courantes ne sont pas suffisamment adaptées pour permettre de mieux cerner et d’évaluer le nouveau monde actuel. Par conséquent, il demeure la question de savoir si les différents facteurs favorisant la résistance de l’évaluation face au changement peuvent être éliminés et ouvrir la voie à l’évolution d’une nouvelle culture d’évaluation. On peut imaginer deux scénarios futurs pour l’évaluation du développement. Dans le scénario utopique, les parties prenantes à l’évaluation et les évaluateurs s’adapteront aux nouveaux outils puissants qui seront mis à disposition, et une nouvelle et vibrante culture d’évaluation émergera et se positionnera comme un puissant acteur pour guider l’évolution des programmes de développement. Dans le scénario pessimiste, la culture d’évaluation résiste au changement, ne profite pas des nouvelles ressources disponibles, devient de plus en plus marginalisée et est remplacée par le biais des nouveaux outils du processus décisionnel en matière de gestion qui sont apportés par la 4IR.

En conclusion, nous soutenons qu’il est urgent de repenser entièrement les méthodes d’évaluation actuellement

83

Page 82: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

utilisées afin de tirer parti des nouvelles technologies de l’information. Cela permettra aux évaluateurs de préparer les organismes d’évaluation et de relever les défis liés à l’évaluation des stratégies et programmes de

développement plus complexes qui sont déjà en train d’évoluer. Il est bien possible d’adapter la(les) culture(s) d’évaluation actuelle(s) aux exigences imposées par la 4IR. La communauté des évaluateurs saisira-t-elle cette occasion ?

1. Selon bon nombre d'auteurs, une évaluation peut être également effectuée dans le but de : 1) évaluer les impacts plus larges d'un programme sur le développement (la contribution à un ou plusieurs des ODD, par exemple); 2) adapter une intervention à un nouveau contexte ou à une réforme des politiques; 3) contribuer aux décisions relatives à la dotation en ressources à des programmes alternatifs; 4) aider à identifier des problèmes émergents et à trouver un consensus autour des causes d'un problème et autour de la solution à apporter; 5) appuyer la réforme et l'innovation dans le secteur public; et 6) contribuer à des initiatives en faveur du développement (OMD) et à relever des défis (changement climatique, trafic d'êtres humains) dans le monde. Source : Bamberger & Mabry (2020) – idées combinées des auteurs.

2. Une révolution industrielle est une transformation technologique industrielle qui modifie le reste du système social et économique et qui entretient une forte interdépendance des différentes composantes dudit système. Les historiens de l'économie ont identifié trois révolutions

industrielles : la Première Révolution industrielle (1740-1840); la Révolution technologique (deuxième révolution, de 1840 à 1920); et la Révolution numérique (troisième révolution, de 1975 à 2020). La quatrième Révolution industrielle, qui n'a pas encore un nom universellement reconnu, repose sur les transformations significatives qui s'opèrent dans les technologies de l'information, sur leur application et sur leur participation à la détermination des limites entre les mondes physique, numérique et biologique.

3. La littérature pertinente identifie au moins quatre dimensions de la complexité qui affectent la conception, l'exécution et les résultats d'un programme : i) la complexité du programme lui-même; 2) les interactions complexes entre des parties prenantes multiples; 3) les systèmes dans lesquels le programme évolue; et 4) la nature du lien de causalité non linéaire (Bamberger, Vaessen & Raimondo, 2016: Dealing with complexity in development evaluation).

4. Dans Evaluation Matters, édition du 2e trimestre 2020 (à paraître).

Annotations

À paraître dans l’édition du 2e trimestre 2020 d’Evaluation Matters : Partie 2 – Transformer l’évaluation à l’ère de la 4e Révolution industrielle : Des enjeux excitants et des défis nouveaux

La deuxième partie du présent article, co-écrit par Michael Bamberger et Peter York, sera publiée dans l’édition du 2e trimestre 2020 d’Evaluation Matters. Cet article abordera la manière dont la pratique évaluative subit l’impact de cinq « éléments transformateurs » de la 4IR ; les enjeux excitants pour l’évaluation ; et les défis d’ordre méthodologique, organisationnel et politique qui en découlent. Il étudiera également les technologies de pointe appliquées à l’évaluation qui sont déjà exploitées dans les nations industrialisées et qui, à l’ère de la 4IR, sont en train d’arriver en Afrique ; et il examinera les défis « troublants » qui se poseront aux évaluateurs au cours du processus de transformation. Une ou plusieurs études cas illustreront la façon dont les approches d’évaluation sont ou pourraient être appliquées aux divers types d’évaluation que la Banque africaine de développement conduit.

84

Page 83: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

85La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?La culture d’évaluation à l’ère du big data : Faut-il un nouveau paradigme en matière d’évaluation pour la 4e Révolution industrielle ?

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Références

1. African Development Bank (2019) Unlocking the Potential of the 4th Industrial Revolution in Africa. Abidjan, Ivory Coast. African Development Bank.

2. Bamberger, M & Mabry, L (2020) RealWorld Evaluation: Working under budget, time, data and political constraints. Thousand Oaks, CA: Sage Publications

3. Bamberger, M; Vaessen, J & Raimondo, E. (2016). Dealing with complexity in development evaluation: A practical approach. Thousand Oaks, CA : Sage Publications.

4. Stern, E., Stame, N., Mayne, J., Forss,K., Davies,R., & Befani, B. (2012) Broadening the range of designs and methods for impact evaluation. (Working paper No. 38). London, UK Department of International Development

5. Mayne, J (2008) Building an evaluative culture for effective evaluation and results management Nov 2008. ILAC BRIEF NO. 20. https://www.betterevaluation.org/sites/default/files/ILAC_Brief20_Evaluative_Culture.pdf

6. Salganik, M (2016) Social Research in the Digital Age : Bit by bit. Princeton, NJ : Princeton University Press.

À p

ropo

s de

l'au

teur

Michael Bamberger Titulaire d'un doctorat en sociologie de la London School of Economics, il a participé, pendant plus de quatre décennies, à l’évaluation des programmes de développement en Afrique, en Asie et en Amérique latine, notamment en tant que sociologue principal à la Banque mondiale durant 25 ans. M. Bamberger s’est concentré sur des questions telles que la pauvreté et l’exclusion sociale, l’égalité hommes-femmes, le développement urbain et les défis liés à l’évaluation des OMD. Au cours des dernières années, il a travaillé sur les enjeux et les défis liés à l’intégration des nouvelles technologies dans l’évaluation des programmes de développement. Ses récentes publications comprennent : « Evaluation in the age of big data » [avec Jos Vaessen et Estelle Raimondo] ; “Dealing with complexity in development evaluation”, [avec Linda Mabry] « RealWorld Evaluation: working under budget, time, data and political constraints » ; et « Evaluating the Sustainable Development Goals through equity-focused and gender-responsive evaluations ». Ces vingt dernières années, il a fourni des services de consultant à 10 agences des Nations Unies, à des organismes bilatéraux de développement, banques de développement, fondations, ONG et gouvernements, sur l’évaluation des politiques et programmes de développement.

85

Page 84: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

L’ac

tual

ité e

n im

ages

En 2019, l'équipe d’IDEV a livré 12 évaluations et un manuel d'évaluation.

Les évaluations livrées comprenaient :

❚ Deux synthèses de validation des Rapports d'achèvement de projet (Rapports de synthèse sur la validation des Rapports d'achèvement de projet 2016 et 2017),

❚ Une évaluation groupée de projets (Renforcement de la gestion de l'eau en agriculture pour nourrir l'Afrique),

2019 en revue

En 2019, IDEV a mené et facilité des évaluations, des événements de partage des connaissances et des activités de renforcement des capacités dans plus de 26 pays. Notre travail a non seulement contribué à renforcer les efforts de la BAD, mais aussi ceux de l'ensemble de la communauté de l'évaluation, y compris les gouvernements et les parlementaires, en offrant une occasion de tirer des enseignements de l'expérience, de planifier et de produire des résultats de développement selon les normes les plus élevées possibles.

Réalisations d'IDEV en 2019

12Activités de renforcement

de capacité d'évaluation

8Événements de partage

des connaissances

13Produits

d'évaluation

Page 85: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

L’actualité en images

❚ Deux évaluations de stratégie et de programme pays (Évaluation de la stratégie et du programme pays de la BAD en Eswatini et Afrique du Sud : Validation du Rapport d'achèvement du Document de stratégie pays 2013-2017),

❚ Quatre évaluations institutionnelles

1. (Évaluation indépendante de la mise en œuvre du modèle de développement et de prestation de services de la BAD,

2. Évaluation du Fonds d'assistance technique pour les pays à revenu intermédiaire,

3. Évaluation des Systèmes et processus d'auto-évaluation de la Banque,

4. Évaluation du système de sauvegardes intégré de la Banque),

❚ Une évaluation de la stratégie d'intégration régionale (Validation du Rapport d'achèvement du DSIR en l'Afrique de l'Ouest),

❚ Une évaluation thématique (Évaluation de l'utilisation par la Banque du mécanisme de partenariat public-privé), et

❚ Une synthèse d'évaluation (Synthèse d’évaluation des partenariats).

Huit événements de partage des connaissances ont été organisés, en plus de la publication de quatre éditions de Evaluation Matters. En 2019, IDEV a également achevé une étude comparative des pratiques de cinq banques multilatérales de développement en matière de sanctions, qui a abouti à la publication d'un produit de connaissances.

12 activités de renforcement des capacités d'évaluation ont été organisées en 2019, en partenariat avec la Plateforme

d'évaluation pour les institutions régionales africaines de développement (EPRADI), les Centres d'apprentissage sur l'évaluation et les résultats (CLEAR) et le partenariat d'apprentissage par les pairs Twende Mbele. Cela inclut six webinaires qui ont été organisés pour promouvoir le développement des capacités d'évaluation et partager les enseignements tirés des évaluations d'IDEV à la BAD et dans les pays membres régionaux.

IDEV organise un atelier de capitalisation sur la synthèse d'évaluation de l'intégration du genre à la Banque africaine de développement

Le 24 janvier 2020, un atelier de capitalisation sur l'intégration du genre a été co-organisé au siège de la Banque africaine de développement à Abidjan par IDEV et le département Genre, femmes et société civile de la Banque. Il visait à partager les connaissances acquises lors de la récente Synthèse d'évaluation de l'intégration du genre à la BAD avec les praticiens et les champions du genre à la Banque afin de mettre en œuvre le discours sur les implications pour la nouvelle stratégie de la Banque en matière de genre actuellement en cours d'élaboration.

Plus de 45 membres du personnel de la Banque, issus de différentes divisions et de différents horizons, y compris des bureaux nationaux et régionaux de la Banque (reliés par vidéoconférence), ont partagé leurs points de vue sur les résultats de l'évaluation et les enseignements tirés de leur expérience, et ont en même temps identifié les aspects qui sont importants pour la prochaine stratégie de la Banque en matière de genre.

En savoir plus :

http://idev.afdb.org/fr/news/capitaliser-sur-la-synthèse-dévaluation-de-lintégration-du-genre-à-la-banque-africaine-de

87

Page 86: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

Avez-vous visité EVRD, la base de données des

résultats de l’évaluation de la BAD?

La Base de données est maintenue par l’Évaluation indépendante du développement (IDEV).

Des

ign:

ww

w.c

reon

desi

gn.n

et

evrd.afdb.org

Accédez à plus de 1,030 évaluations,

3,850 recommandations et 3,550 leçons apprises, toutes

accessible dans une même plateforme

Chaque évaluation fournit un aperçu du programme,

du projet et/ou de la politique étudié, les conclusions et

recommandations de l’évaluation ainsi qu’un lien vers le rapport

intégral.

Filtrez vos résultats par type de rapport, secteur,

région et pays

Page 87: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

Fraîchement publié

Une

synt

hèse

d’é

valu

atio

n ID

EV

Novembre 2019

Enseignements sur l'efficacité des partenariats

de développement Une synthèse des évaluationsFr

aîch

emen

t pub

liéEnseignements sur l'efficacité des partenariats de développement - Une synthèse des évaluations

Étant donné l'importance des partenariats pour la Banque, IDEV entreprend pour la première fois une évaluation thématique complète des partenariats de la Banque. La présente synthèse des évaluations constitue la première phase. Son objectif est de faciliter l’apprentissage, au sein et en dehors de la Banque, en identifiant les leçons à retenir, en matière d’efficacité du développement, des accords de partenariat et des activités de coordination des donateurs. Elle rassemble des données d’évaluation et de recherches issues de 38 études portant sur des partenariats au niveau mondial, des organisations, des pays et des projets dans les Institutions financières internationales ayant des objectifs et des processus institutionnels similaires à la BAD.

La synthèse de l’évaluation vise à : (i) dresser un tableau d’ensemble de la performance des partenariats de développement ; (ii) identifier les leçons à retenir pour les améliorer ; et (iii) apporter des éléments à l’évaluation des partenariats actuellement menée par la BAD.

Pour les futurs partenariats de développement, la synthèse a identifié les principaux enseignements suivants :

❚ Le partenariat de développement fonctionne mieux lorsque les partenaires sont capables

de s’adapter aux besoins et aux priorités d’un client.

❚ Pour atteindre les objectifs du partenariat, il faut des capacités organisationnelles fortes.

❚ Les partenariats de développement transversaux ont plus de chances de réaliser pleinement leur potentiel.

❚ Un bon choix et une bonne gestion des partenariats de développement apportent une valeur ajoutée à une organisation et renforcent sa capacité à attirer de nouveaux partenariats.

❚ La faiblesse des systèmes de suivi-évaluation et les exigences en matière d’établissement de rapports entravent la performance des partenariats de développement.

En savoir plus :

https://idev.afdb.org/fr/document/enseignements-sur-lefficacité-des-partenariats-de-développement-une-synthèse-des

89

Page 88: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALUation Matters Premier trimestre 2020

http://idev.afdb.org/fr/document/des-évaluations-adaptées-à-lafrique-volume-2-applications-pratiques

Quatrième trimestre 2019 : Des évaluations adaptées à l'Afrique, volume 2Dans l'appel à contributions pour cette édition sur les évaluations adaptées à l'Afrique,

nous avons reçu de nombreux articles, justifiant ainsi deux volumes. Le premier volume

s'est concentré sur les approches théoriques. Ce volume met en évidence certaines des

applications pratiques. Une grande partie du discours à ce jour sur les évaluations adaptées

à l'Afrique s’est concentrée sur les aspects conceptuels. Par conséquent, ce volume vise à

pousser la discussion un peu plus loin dans la compréhension de ce que c'est, en fournissant

des expériences pratiques.

eVALU

ation M

atters: Des évaluatio

ns adap

tées à l'Afriq

ueeVA

LU

Quatrièm

e trimestre 2019

eVAL

U

Des évaluations adaptées à l'Afrique

Quatrième trimestre 2019

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

eVALUation Matters

Volume 2:Applications pratiquesidev.afdb.org

Banque africaine de développement

Avenue Joseph Anoma, 01 BP 1387, Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Tél: +225 20 26 28 41

Courriel: [email protected]

EM Q4-2019-(Fr) cover.indd 1-3 18/02/2020 10:07 AM

http://idev.afdb.org/fr/document/des-évaluations-adaptées-à-lafrique-volume-1-approches-théoriques

Troisième trimestre 2019 : Des évaluations adaptées à l’Afrique, volume 1Les méthodes d'évaluation du développement sont devenues une pratique mondiale largement

uniforme, en particulier parmi les organisations de développement qui se conforment à des

normes internationalement reconnues telles que les critères d'évaluation du CAD-OCDE.

Certains praticiens de l’évaluation ont remis en question la pertinence et l’efficacité des méthodes

d’évaluation actuelles dans le contexte africain, appelant à une évaluation « adaptée à l'Afrique »

tenant compte des valeurs, des suppositions et des pratiques locales. Cette édition fait le

point sur certaines des approches théoriques menant à une évaluation « adaptée à l'Afrique »,

explorant les approches autochtones et la manière dont elles pourraient accélérer la réalisation

du programme de développement du continent.

Deuxième trimestre 2019 : Meilleures pratiques et innovation en évaluationLe domaine de l'évaluation est en mouvement - il suit de près les progrès de l'Agenda 2030,

traitant d'interventions de développement de plus en plus complexes, de nouvelles techno-

logies et sources de données et de méthodes d'évaluation plus sophistiquées. Le partage

des bonnes pratiques et des innovations en matière d’évaluation peut aider les évaluateurs à

apprendre les uns des autres, à relever les défis et à renforcer continuellement la profession.

Ce numéro d’Evaluation Matters a pour objectif de mettre en lumière certaines méthodes

d’évaluation valables, nouvelles ou innovantes ayant contribué à améliorer les évaluations

des interventions de développement, en vue d’améliorer la planification, la conception et la

mise en œuvre de projets / programmes.

http://idev.afdb.org/fr/document/meilleures-pratiques-et-innovation-en-évaluation

http://idev.afdb.org/fr/document/le-genre-dans-l-évaluation-volume-2

Premier trimestre 2019 : Le Genre dans l’évaluation, volume 2 Les femmes continuent de souffrir de désavantages économiques, politiques, juridiques,

sociaux et culturels importants dans presque toutes les sociétés. Les évaluations de projets,

programmes et politiques doivent prendre en compte ces inégalités et fournir aux parties

prenantes des preuves solides et convaincantes pour mieux informer la planification et la

mise en œuvre des futures interventions de développement. Cette édition d’Evaluation

Matters complémente celle du quatrième trimestre 2018 en fournissant des exemples de la

manière dont certaines personnes et institutions ont été en mesure de concrètement intégrer

les approches d’évaluation sensible au genre dans leur travail.

Éditions précédentes

Éditions précédentes

eVALU

ation M

atters: Des évaluatio

ns adap

tées à l'Afriq

ue eVA

LU

eVAL

U

Des évaluations adaptées

à l'Afrique

Troisième trimestre 2019

eVALUation Matters

idev.afdb.org

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

Banque africaine de développement

Avenue Joseph Anoma, 01 BP 1387, Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Tél: +225 20 26 28 41

Courriel: [email protected]

Troisièm

e trimestre 2019

Volume 1 :Approches théoriques

EM Q3-2019-(Fr) V-6.indd 1-3 29/11/2019 4:39 PM

eVALU

ation M

atters: Meilleures p

ratiques et inno

vation en évaluatio

n eVA

LU

Deuxièm

e trimestre 2019

eVAL

U

idev.afdb.org

Meilleures pratiques et innovation en évaluation

Deuxième trimestre 2019

eVALUation MattersPublication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

Banque africaine de développement

Avenue Joseph Anoma, 01 BP 1387, Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Tél: +225 20 26 28 41

Courriel: [email protected]

Le Genre dans l'évaluation Volume 2

Premier trimestre 2019

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

eVALUation Matters

90

Page 89: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre
Page 90: eVALUation Mattersidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/EM Q1...eVALUation Matters: Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà eVALU Premier trimestre

eVALU

ation M

atters : Pro

mo

uvoir une culture d

e l’évaluation en 2020 et au-d

elà eVA

LU

Prem

ier trimestre 2020

eVAL

U

Promouvoir une culture de l’évaluation

en 2020 et au-delà

idev.afdb.org

Banque africaine de développement

Avenue Joseph Anoma, 01 BP 1387, Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Tél : +225 20 26 28 41

Courriel : [email protected]