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Evaluation de l’approche participative en matière
de gestion forestière
Cas de la commune rurale Oued Ifrane
Sous la direction de :
Avec la collaboration de :
Abdelilah BAGUARE
Mohammed ABDOUH
Abdelrhani BOUAYAD
Abdelqader CHARBA
Mars 2013
1
Remerciements
ette recherche a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre
l’Observatoire National du Développement Humain et
l’Université Moulay Ismaïl de Meknès, avec le soutien des
Agences des Nations Unies au Maroc.
Que les responsables de ces institutions en soient ici vivement
remerciés.
Nos sincères remerciements également à la Faculté des Sciences
Juridiques, Economiques et Sociales de Meknès, qui a pris l’initiative de
publier ce travail.
Nous exprimons aussi notre gratitude à l’ensemble des institutions,
publiques et privées, et personnes ressources, qui ont contribué, de près
ou de loin, à la réalisation de ce travail.
C
2
Sommaire
I. Objectifs et méthodologie de l’étude……………………………….
5
II. Fondements et principes de l’approche participative……………...
8
III. Profil de l’aire de l’étude…………………………………………
11
IV. Déroulement de l’approche participative sur le terrain…………...
38
V. Evaluation de l’approche participative dans le domaine forestier…
63
VI. Conclusions, recommandations et ouvertures…………………… 82
3
SIGLES ET ACRONYMES
ADS Agence de Développement Social
AGAM Association de gestion et d’aménagement du massif
AGAT Association de gestion et d’aménagement du terroir
AGR Activités génératrices de revenus
CCDRF Centre de conservation et de développement des ressources
forestières
CLDH
CPDH
DAS
DAR
DCL
DPA
Comité local de développement humain
Comite provincial de développement humain
Division des affaires sociales
Division des affaires rurales
Division des collectivités locales
Direction Provinciale de l’Agriculture
DPEFLCD-IF Direction Provinciale aux Eaux et Forêts et à la Lutte
Contre la Désertification d’Ifrane
DREFLCD-MA Direction Régionale aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre
la Désertification du Moyen Atlas
FFEM
FNF
GEFRIF
Fonds français pour l’environnement mondial
Fonds national forestier
Projet de protection et gestion participative des écosystèmes
forestiers du Rif
HCEFLCD Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre
la Désertification
ILDH
INDH
Initiative locale de développement humain.
Initiative Nationale de Développement Humain
ODCO Office de Développement de la Coopération
PAGER
PAN-LCD
PDC
PDD
Programme d’alimentation groupée en eau potable
Plan d’action national de lutte contre la désertification
Plan de développement communal
Plan de développement de douar
PMH Petite et Moyenne Hydraulique
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Introduction
Les liens qui s’établissent entre la pauvreté et la dégradation de l’environnement
sont étroits, complexes et réciproques. En particulier, cette dégradation tend à
pénaliser davantage les populations pauvres. D’une part, parce qu’elle réduit la
productivité des ressources naturelles dont ces populations tirent leur moyen
d’existence (sols fragiles, pâturages dégradés, etc.) et elle les oblige à consacrer
plus de temps à des tâches ménagères comme le ramassage du bois (sous l’effet
de la déforestation), ce qui ampute d’autant le temps consacré au travail agricole
et contribue par conséquent à faire chuter les revenus. D’autre part, les
populations pauvres sont plus vulnérables à certains types de pollution et risques
environnementaux.
Réciproquement, la pauvreté tend à mettre en péril le développement durable. A
la limite de la survie, les pauvres se livrent à une exploitation destructrice des
ressources naturelles (extension des cultures sur des terres marginales et à pentes
élevées, défrichement en quête de nouvelles terres, etc.) et sont souvent
incapables de réaliser les investissements nécessaires à la protection de ces
ressources.
Ces liens renvoient en fait aux interactions entre les différentes dimensions du
développement durable. Ce concept, largement médiatisé, est défini dans le
rapport Brundtland comme « (…) un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à
leurs propres besoins ». Au-delà de la pluralité des interprétations qu’il a
suscitée, le développement durable est un développement qui tente d’articuler
l’efficacité économique, l’équité sociale et la préservation de l’environnement.
De par sa complexité, une telle articulation requiert un nouveau mode
d’organisation des acteurs, c’est-à-dire une bonne gouvernance. De ce fait, cette
dernière peut être considérée comme un « quatrième pilier » du développement
durable (Brodhag 1999, cité par Zuindeau et al., 2007). En particulier, la
dimension délibérative et participative contenue dans la notion de gouvernance
est, de plus en plus, considérée comme une réponse adaptée aux besoins
décisionnels spécifiques requis par les caractéristiques de développement
durable.
En matière de gestion forestière, la participation des acteurs aux processus
décisionnels est reconnue comme une démarche pouvant permettre d’assurer
une gestion durable des écosystèmes forestiers, eu égard à la multifonctionnalité
de ces derniers.
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La présente étude se propose d’évaluer l’approche participative dans le domaine
forestier. Cette approche est entendue ici comme l’implication dans les
processus décisionnels des acteurs extérieurs au cercle politico-administratif
formel. Plus précisément, la notion « d’approches participatives » désigne « (…)
tout arrangement par lequel des acteurs de types différents sont réunis dans le
but de contribuer de manière plus ou moins directe et plus ou moins formelle au
processus de décision » (S. van den Hove, 2002). Le processus décisionnel
recouvre l’ensemble du cycle de vie des actions, projets et politiques :
identification du problème, élaboration des solutions possibles, décision,
évaluation et révision de la décision.
Pour procéder à cette évaluation, la commune rurale Oued Ifrane (province
d’Ifrane), et les massifs forestiers qui chevauchent son territoire (Senoual et
Bekrit), a été choisie comme aire de l’étude. Ainsi, une structuration du travail
en six parties a été adoptée: objectifs et choix méthodologiques de l’étude (I), la
place des approches participatives en matière des politiques de développement
(II), le profil de l’aire de l’étude (III), le déroulement de l’approche participative
sur le terrain(IV), et puis évaluation de cette approche dans l’aire de l’étude(V).
En guise de conclusions, nous dégagerons des conclusions et formulerons des
recommandations (IV).
I. Objectifs et méthodologie de l’étude
L’objectif général de l’étude est de contribuer à développer un référentiel
méthodologique pour l’évaluation des approches participatives dans le domaine
forestier.
L’étude s’assigne aussi les objectifs spécifiques suivants :
-Elaborer et tester une grille d’évaluation des approches participatives ;
-Contribuer à comprendre les liens qui s’établissent entre les différentes
dimensions (économique, humaine, sociale et environnementale) du
développement;
-Formuler des recommandations pour mettre en synergie les programmes de
développement humain et les projets de gestion des ressources naturelles.
-Faire des propositions pour améliorer la conduite des approches participatives
en matière de gestion forestière.
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-Identifier les besoins en termes de renforcement des capacités des parties
prenantes à la gestion forestière.
Comme nous l’avons précisé, l’étude portera sur la commune rurale 0ued Ifrane,
province d’Ifrane (cf. carte).
Quatre raisons principales justifient ce choix :
D’abord, de par les recettes forestières importantes ainsi que les fonctions
socioéconomiques et environnementales de la forêt (forêts Senoual et Bekrit)
dans cette zone, la gestion forestière est au centre d’importants enjeux
économiques, environnementaux et sociaux, et offre, de ce fait, un champ
particulièrement fertile à étudier. L’aire de l’étude est considérée, en effet,
comme une des zones les plus « litigeuses » de la gestion forestière au Maroc.
Ensuite, des expériences participatives ont été initiées par l’Administration des
Eaux et Forêts du Moyen Atlas dans cette zone. De plus, des projets de
développement forestier et socio-économique ont été réalisés dans les massifs
forestiers indiqués et notamment dans la zone du Parc national d’Ifrane. Ces
expériences et projets offrent une remarquable opportunité pour pratiquer
l’approche participative que nous proposons d’évaluer dans le cadre de cette
étude.
Carte I.1 : La province d'Ifrane
Aire de l’étude
Aire de l’étude
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Une autre raison de notre choix réside dans le fait que la forêt de l’aire de
l’étude subit une dégradation inquiétante, due notamment à l’utilisation abusive
des droits d’usage (pâturage, ramassage du bois de feu, etc.) et aux coupes
illicites. On note aussi l’existence de dynamiques régressives dans les forêts de
l’aire de l’étude .Cela implique la recherche d’une gouvernance forestière à
même de réaliser un équilibre entre les différentes fonctions des écosystèmes
forestiers.
Par ailleurs, la C.R.Oued Ifrane souffre d’un déficit social inquiétant. Les taux
de pauvreté et de vulnérabilité y sont respectivement de 20,07% et de 24,85% ;
en revanche, les indices de développement humain et de développement social
n’y sont respectivement que de 0,496 et 0,313. Cela fait de la C.R.Oued Ifrane
une des communes rurales les plus pauvres, après celles de Dayet Aoua et
Timahdite.
Du point de vue méthodologique, l’étude adopte une approche qualitative et se
déroule en trois étapes :
-Etape 1: Visite de terrains, rencontre des acteurs locaux et recueil des
documents disponibles. L’étude vise, à la suite de cette première étape, à baliser
le terrain, collecter les données disponibles à travers une revue documentaire, et
esquisser un cadrage socioéconomique et environnemental de l’aire de l’étude.
-Etape 2: Des entretiens approfondis avec des «focus groups» afin
d’appréhender les rôles, les attitudes et les perceptions des différentes parties
prenantes impliquées dans la gestion de la forêt.
Cette technique de collecte de données nous semble mieux adaptée à la
complexité du thème, articulant plusieurs dimensions et composantes (sociale,
humaine, économique, environnementale, institutionnelle, etc.), et imposant un
niveau d’approfondissement et de compréhension fine de l’approche
participative.
Par ailleurs, trois grandes catégories de « focus groups » seront interviewées :
les services techniques, notamment l’administration forestière ; les populations
et les ONG (pastorales et celles œuvrant dans le développement local), et les
communes rurales1. Bien évidemment, d’autres acteurs (autorité locale, conseil
provincial forestier, etc.) et personnes ressources, pour lesquels la gestion
forestière constitue un enjeu, seront interviewés.
Pour recueillir les données, des guides d’entretiens nous ont servis de base de
discussion.
1 Il s’agit bien évidemment de la CR Oued Ifrane (aire de l’étude) mais aussi d’autres communes
forestières s’inscrivant dans le même contexte : Sidi El Mekhfi, Aïn Leuh et Timahdite.
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-Etape 3: Organisation d’un atelier multi-acteurs, qui rassemblera toutes les
parties prenantes identifiées. L’objectif étant de faire ressortir la nature et les
origines des conflits qui opposent les différents acteurs ainsi que les enjeux de
gouvernance autour de la forêt.
II. Fondements et principes de l’approche participative
L’approche participative, en permettant aux populations de contrôler ou
d’influencer les décisions qui les concernent, tend à devenir un des moteurs
essentiels du développement humain, entendu comme « un processus permettant
aux individus dans une société, d’élargir leur possibilité de choix et leurs
opportunités d’action au sein de cette société » (PNUD, 1992).
La gestion des ressources naturelles constitue un domaine de prédilection des
approches participatives. En matière de politique forestière, le recours à ces
approches est une réponse aux problèmes posés par la gestion centralisée,
considérée comme incapable de garantir la durabilité des écosystèmes forestiers.
Désormais, « le développement participatif » renvoie aux applications de ces
approches aux programmes et projets de développement (rural ou urbain).
En établissant des relations partenariales entre les différentes parties prenantes
concernées par un problème, la démarche participative tente d’articuler les
approches « descendantes » (top-down) et les approches « ascendantes »
(bottom-up). Dès lors, les populations « cibles » deviennent de véritables
« acteurs » de développement (Lazarev G.,1993).
L’essor de cette démarche est lié aux multiples atouts qui peuvent en être
escomptés : légitimation et efficacité des actions engagées, durabilité des effets,
meilleur ciblage des catégories défavorisées, identification des solutions
adaptées, etc.
Même si elle peut se dérouler selon des modalités différentes, l’approche
participative constitue « (…) un ensemble méthodologique qui respecte une
logique d’approche des problèmes et qui se définit à travers la réalisation
d’une série d’étapes » (FAO, 1995). C’est fondamentalement un processus
itératif, qui se déroule selon le cheminement suivant :
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Tableau II.1: Composantes de l’approche participative
Phases Composantes
Phase préparatoire -Information et sensibilisation de la population concernée
-Choix de la zone d’intervention
-Collecte de données de base
-Programmation des activités sur terrain
Phase de diagnostic
participatif
-Validation des données de base issues de la première phase
-Etablissement d’un profil environnemental et
socioéconomique de la zone d’intervention
-Identification des problèmes, besoins et contraintes
-Identification des potentialités
-Analyse des problèmes et recherche de solutions
-Hiérarchisation des problèmes
Planification -Identification participative des actions prioritaires
-Analyse de faisabilité sociale, technique, économique,
financière et institutionnelle des actions
-Elaboration d’un plan de développement communautaire
-Etablissement du programme d’actions annuel et d’un contrat
relatif à ce programme
Mise en œuvre, suivi et
évaluation
-Programme détaillé de l’exécution
-Exécution et supervision des travaux
-Mise en place d’un dispositif de suivi
-Evaluation des programmes Source : Fait à partir de Secrétariat d’Etat chargé de l’environnement, Rapport de l’atelier de
formation sur « L’approche participative : méthodes et outils », 24-25 avril 2004.
A l’issue de ce cheminement, on assiste à un retour à la première phase de sorte
que le processus continue de façon cyclique. L’objectif ultime étant de créer les
conditions d’un auto-développement et de permettre aux populations de prendre
activement en charge leur propre avenir.
La participation varie en intensité, des formes ayant une faible portée
participative aux formes caractérisées par un véritable transfert de pouvoir aux
individus et populations. L’échelle de participation de Sherry Arnstein (Sherry
R. Arnstein, 1969) permet de mettre en évidence l’existence de paliers
significatifs de participation. Elle montre que la participation à proprement
parler ne commence qu’avec le troisième niveau (pouvoir effectif).
Au Maroc, l’approche participative a été principalement initiée par
l’Administration forestière (Banque mondiale, 2006), et a, par la suite, trouvé un
champ d’application plus large en matière de développement rural. Elle s’est
10
Pouvoir effectif des citoyens – Ce niveau comporte trois échelons. Partenariat :
Ici les acteurs sont invités, non seulement à débattre, mais à négocier. Ces
partenariats se déclinent à travers la formation de comités associant les différents
stakeholders, qui deviennent responsables des décisions et de la planification des
actions. Délégation de pouvoir : Les acteurs ont un réel pouvoir ; ils peuvent
imposer des décisions et disposent d’un droit de véto. Contrôle citoyen : Les
tâches de conception, de planification et de direction du programme relèvent
directement des partenaires.
Coopération symbolique – Ce niveau comporte trois échelons. Information : elle
privilégie un flux à sens unique, sans mise en place de retour (feed back).
Consultation : Elle est censée légitimer la participation, sans aucune assurance
que les attentes et suggestions des acteurs consultés seront prises en compte au
moment de la décision. Il s’agit alors plus d’un simple rituel que d’une véritable
instance de négociation. Réassurance : Elle consiste à autoriser ou même
inviter des acteurs à faire des propositions mais sans leur déléguer un quelconque
pouvoir décisionnaire.
Non participation – ce niveau comporte deux échelons : Manipulation et
Thérapie : Le seul objectif ici est d’éduquer les participants, de traiter (thérapie)
leurs pathologies à l’origine des difficultés du territoire concerné. Le plan qui leur
est proposé est jugé comme le meilleur. La « participation » se résume à obtenir le
soutien du public, au travers des politiques de communication et de publicité.
L’échelle de participation de Sherry Arnstein pour évaluer l’implication des acteurs dans la gestion forestière, cité par Benoît BOUTEFEU, La forêt
mise en scène, L’Harmattan, 2009.pp.255-256.
Echelle de participation de Sherry Arnstein
11
faite selon plusieurs modalités : une participation obligatoire (dans les grands
projets hydro-agricoles, les projets d’aménagement des bassins versants, etc.),
une participation/ partage des coûts (programmes sectoriels : PAGER, PERG,
PNCRR, etc.), et une participation fondée sur les principes du développement
conduits par les communautés (élaboration des plans de développement des
douars (PDD), etc.) (Banque mondiale, 2006).
L’approche développée par l’INDH est une réelle rupture dans cette évolution :
plutôt que de solliciter l’adhésion des populations aux projets proposés, un
dispositif de participation, permettant aux acteurs participants de prendre eux-
mêmes des initiatives locales de développement, a été mis en place. L’objectif
étant d’enclencher une dynamique pérenne de développement.
En somme, il existe donc un référentiel marocain en matière de participation, qui
mérite d’être évalué. C’est ce que le présent travail cherche, modestement, à
faire en partant du cas de la gestion forestière.
III. Profil de l’aire de l’étude
L’approche participative prend place dans un contexte socioéconomique et
institutionnel régi par de représentations, et des rapports de pouvoir et d’intérêts
différents, voire contradictoires. Son déroulement ainsi que ses performances
s’en trouvent profondément influencés. Afin d’esquisser le profil de ce contexte,
nous examinerons successivement le contexte socioéconomique (1), le profil
environnemental (2) et le dispositif institutionnel (3).
1. Profil socioéconomique
La C.R.Oued Ifrane a été créée en 1992. Elle s’étend sur un territoire de 583,71
km2 limité (Monographie de la commune) :
-Au Nord par les communes de Sidi El Mekhfi et Ain Leuh
-A l’Est par les communes de Sidi El Mekhfi et Ain Leuh
-Au Sud et l’Ouest par la province de Khénifra.
La population de la commune est composée des fractions des Ait Boubker, Ait
Ahmed ou Naceur, Ait Sidi Moussa, Ait Sidi Moussa ou Lyass, Ichouaouene et
Zaouia d’Ifrane, et se trouve répartie sur 28 douars.
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Pour esquisser le profil socioéconomique de la commune, il est important de
développer les axes suivants : démographie, caractéristiques socioéconomiques,
et atouts et contraintes de l’aire de l’étude.
1.1. Démographie
- Evolution démographie
Cette analyse vise à esquisser le profil et la dynamique démographiques de la
commune, en vue d’en connaître les caractéristiques. Le tableau suivant donne
l’évolution de la population totale par milieu de résidence, selon les résultats des
recensements 1994 et 2004.
Tableau III.1: Evolution de la population de la commune d’oued Ifrane (1994-2004)
Commune 1994 2004 TAAM TAG
Oued Ifrane 9882 11 028 1.1 11.6
Dont Centre Had Oued
Ifrane
2488
Population rurale 8540
TAAM : taux d’accroissement annuel moyen ; TAG : taux d’accroissement général
Source : RGPH(2004)
De l’examen de ce tableau, il ressort les constats suivants :
-Le taux d’accroissement annuel moyen de la population de la commune Oued
Ifrane serait de 1.1% ; ce taux est proche de celui de la province (1.2%).
-Le taux d’accroissement général durant la période 1994-2004 s’élève à 11.6%.
-La population rurale de la commune s’élève à 77.4%, contre 22.6% pour le
centre oued Ifrane . - Structure de la population
Le tableau ci-après présente la répartition de la population de la commune selon
l’âge et le sexe.
Tableau III.2: Structure par âge et par sexe de la population
Tranche d’âge Sexe Ensemble
masculin Féminin
Moins de 6 ans 11.3 10.9 11.1
6 à 14 ans 19.1 18.4 18.7
15 à 59ans 58 59.9 58.9
60 et plus 11.7 10.8 11.3
effectif 5400 5628 11028 Source : RGPH (2004)
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La principale caractéristique de la structure d’âge de la population de la C.R
Oued Ifrane est la proportion des personnes en âge d’activité, qui s’élève à
58,9%.
La proportion des moins de 15 ans s’élève à 29,8% de la population communale,
ce qui implique un grand besoin au niveau des infrastructures de base, en
particulier les services d’éducation et de santé.
La proportion de personnes âgées de plus de 60 ans serait, quant à elle, de
11.5%, ce qui témoigne du poids inhérent à la prise en charge des personnes
âgées et des besoins en termes de soins de santé correspondants.
Quant à la répartition de la population selon le sexe, il est important de souligner
qu’il existe presque une égalité entre les deux sexes dans toutes les tranches
d’âge.
- Evolution de la structure par ménages
Le tableau suivant montre une évolution croissante des ménages de 1761 en
1994 à 2150 en 2004, soit une augmentation de 22%.Cela s’explique
probablement par la création de nouveaux foyers pour des jeunes couples et par
une certaine tendance à l’effritement des familles élargies.
Tableau III.3: Evolution du nombre de ménages
1994 2004
Oued Ifrane effectif ménages effectif ménages
9882 1761 11028 2150 Source : RGPH, 2004
Quant à la taille moyenne des ménages, elle s’élève à 5,1 personnes par ménage.
Au total, le profil démographique de la commune est marqué par :
- la prépondérance de la population active (58.9%), ce qui pose la question de la
capacité de la commune à relever le défi de l’emploi.
-le poids relativement important des moins de 15 ans (29.8%) ; ce qui implique
un effort considérable pour l’offre des services de santé et d’éducation.
- une égalité entre deux sexes dans toutes les tranches d’âge.
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1.2. Caractéristiques socio-économiques
-Scolarisation
Outre le taux élevé d’analphabétisme dans la commune Oued Ifrane (68,3% au
total et 78,1% pour les femmes), l’aire de l’étude se caractérise par des bas
niveaux de scolarisation, notamment dans les zones péri forestières.
Tableau III.4 : Population de 10 ans et plus selon le niveau d’études
C R Oued Ifrane Centre de Souk El Had Milieu rural
Préscolaire M F T M F T M F T
1,7 0,2 0,9 3 0,1 1,4 1,3 0,2 0,7
Primaire,
collégial et
secondaire
38 21,3 29,55 58,2 38,1 47,3 32,
4
15,9 24,1
Supérieur 2 0,7 1,3 4,6 1,9 3,2 1,3 0,3 0,8 Source : RGPH 2004
Plusieurs remarques peuvent être tirées de ce tableau :
-L’enseignement préscolaire est presque inexistant dans la commune.
-Le taux de scolarisation dans le primaire – collégial et secondaire- ne dépasse
guère 29,5%. Ce taux masque une disparité énorme entre le milieu rural et
urbain. A Souk El Had, ce taux s’élève à 47,3% contre 24,1% dans le milieu
rural.
Concernant le taux de scolarisation par sexe, il est important de souligner que
l’écart est impressionnant : le taux de scolarisation des garçons dans la
commune s’élève à 38%, contre 21% par les filles. Vraisemblablement, cette
différence tient à la conjugaison de plusieurs facteurs tels que la distance
séparant l’école du domicile, le problème d’accessibilité surtout durant les
périodes de neige, le niveau de vie modeste des ménages, le mariage précoce de
la jeune fille, etc.
- Le taux d’inscription au niveau supérieur ne dépasse guère 1,3% au niveau de
la commune, avec 0,8% au milieu rural. Cela s’explique par un taux de
déperdition élevé au niveau secondaire et par l’incapacité d’une grande partie
des ménages à supporter les coûts inhérents à la poursuite des études de leurs
enfants en université.
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-Emploi
S’agissant de l’emploi, le taux d’activité au niveau de la commune serait de 38%
(RGPH 2004) et la situation dans la profession des actifs occupés se présente
comme suit :
Tableau III.5: Répartition des actifs occupés selon le statut professionnel
H F Total
Employeur 1,8 1,0 1,6
Indépendant avec local 31,0 8,4 26,3
Indépendant à
domicile
0,5 38,4 8,4
Indépendant ambulant 4,5 5,4 4,7
Salarié secteur public 4,1 2,6 3,8
Salarié secteur privé 27,7 18,5 25,8
Aide familial 30,0 25,4 29,1
Apprenti 0,2 0,2 0,2 Source : RGPH 2004
L’analyse de la répartition des actifs selon la profession montre la prédominance
des statuts « indépendant avec local », « salarié secteur privé » et « aide
familial ». Les femmes sont relativement bien représentées au niveau de la
catégorie « indépendants à domicile ».
-Equipements collectifs2
Dans l’aire de l’étude, l’accès à certains services de base est estimé par le
tableau ci-après :
Tableau III.6 : Accès à l’eau potable et l’électricité
Taux d’accès à l’eau potable 68%
Taux de couverture en électricité 80% Source : Monographie communale
Ces taux doivent être interprétés avec prudence car ils cachent d’importantes
disparités entre le Centre Had Oued Ifrane et le reste de la commune. L’indice
de développement social de la commune(0,313) témoigne d’ailleurs du faible
niveau d’équipement de celle-ci.
Dans les zones péri forestières, l’accès à certaines infrastructures
socioéconomiques de base s’avère plus difficile, comme en témoignent les
2 Ce point sera approfondi ultérieurement
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distances parcourues entre les triages et les centres de santé et établissements
scolaires.
Tableau III.7: Distances entre triages et établissements scolaires et centres de
santé (en Km)
Disrtict Triage Dispensaire Primaire Collège Lycée Université
Meknès
Bekrit Assaka
N’ouwam
5 5 40 70 140
Senoual Est 8 0 60 90 160
Senoual
Ouest
8 0 60 90 160
Source : Plan d’aménagement de la forêt Senoual, p.37.
Comme le montre ce tableau, l’accès à un dispensaire ou la fréquentation des
établissements scolaires oblige parfois à parcourir de longues distances allant de
5 km (dispensaire et primaire) à 90 km (pour les élèves du lycée).
1.3. Contraintes et atouts de l’aire de l’étude
L’aire de l’étude se caractérise par un système de production de type agro-sylvo-
pastoral avec une nette dominante de l’élevage.
La SAU est estimée à 13.850 ha, dont 7400 (céréales), 2365 ha (cultures
fourragères), 415 ha (arboriculture).
L’élevage, de type extensif, est pratiqué sur les parcours collectifs (31.883 ha) et
forestiers (12.638 ha). L’effectif du cheptel serait de 101.314 têtes,
dont 64,35% ovins, 34,54% caprins et 1,1% bovins.
Cette activité est handicapée par plusieurs problèmes, dont en particulier:
-L’insuffisance des ressources fourragères ;
-La hausse du prix des aliments de bétail ;
-La faible structuration du secteur ;
-Le problème de commercialisation des produits ;
-La faible valorisation des produits de terroir (viande, lait, etc.).
La forêt couvre une superficie de 12.094ha, soit 10,43% de la forêt provinciale.
Bien qu’elle connaisse une dégradation et des dynamiques régressives, la forêt
remplit des fonctions socio-économiques et environnementales incontestables.
Elle génère aussi des recettes forestières non négligeables :
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Tableau III.8: Evolution des recettes forestières de la C.R. Oued Ifrane
Source : DCL, Province d’Ifrane
Les recettes forestières dont dispose la commune, qui contribuent à raison de
95% au budget communal, affichent une tendance baissière à cause notamment
de la dégradation du patrimoine forestier. A cela s’ajoute une gestion financière
basée sur un partage « équitiste » du budget selon les circonscriptions
électorales, ce qui impacte négativement les interventions de la commune en
matière de développement.
En dépit des contraintes au développement local, l’aire de l’étude dispose
d’atouts incontestables.
Les principales faiblesses/contraintes se résument en :
-L’étendue de la commune. Celle-ci s’étend sur une grande superficie (583,71
km2). Il en découle un renchérissement des coûts d’équipement (eau potable,
électricité, aménagement hydraulique, etc.), et ce d’autant plus que l’habitat
dans certaines localités de la commune est assez dispersé.
-Hétérogénéité du milieu physique. Globalement, ce milieu est composé de trois
composantes occupant des franges altitudinales variées : plateau central ou
Azaghar (s’étendant de 600m à 1300m), le Jbel (au-delà de 1500m) et le Dir, au
milieu. Dans la zone forestière, Bekrit notamment, l’altitude peut aller jusqu’à
2300m. Cette hétérogénéité requiert une diversité des actions et projets à mener
dans le territoire communal.
-Le problème de l’accessibilité. Le maillage routier insuffisant et l’enclavement
des populations en période de neige entravent l’accès des populations aux chefs
lieux des communes ou/centres ruraux à des fins d’alimentation en denrées
alimentaires et aliments de bétails. Ils portent aussi préjudice aux actions de
soutien et de proximité.
-La faiblesse des filières économiques aval. Comme le reste de la province,
l’aire de l’étude souffre d’une faible valorisation des produits agricoles et
forestiers (viande, lait, laine, bois) (Plan d’aménagement du parc national
Année Recettes forestières(DH)
2005 18 611 418,50
2006 13 698 847,06
2007 10 526 355,00
2008 12 506 335,00
2009 9 171 039,00
18
d’Ifrane, 2007, p.5). L’essentiel de la valeur ajoutée de ces filières se crée
ailleurs ; d’où une faible dynamique d’amélioration des systèmes de production
agro-sylvo-patoraux.
-Déficit en infrastructure socio économique de base. Au niveau de l’aire de
l’étude, on note l’existence d’un centre de santé communal et de deux
dispensaires ruraux, dont l’équipement laisse beaucoup à désirer. En matière
éducative, la distance parcourue par les élèves pour se rendre aux établissements
scolaires, pouvant aller dans certaines localités jusqu’à 5 km pour l’école
primaire et nettement plus pour le collège et le lycée, est un puissant facteur de
déperdition scolaire en général et des filles en particulier.
Afin de contribuer à lever ces contraintes, surtout en zone de montagne, un
ambitieux projet de développement intégré Bekrit-Agdal est en cours
d’exécution, dans le cadre du programme transversal INDH.
Schéma : Projet intégré Bekrit-Agdal
INDHPROMOTION NATIONALE
CR S EL MEKHFIO.IFRANE
CONEIL PROVINCIAL
ÉDUCATION NATIONALE
G C ATTANMIA
SANTETerrain +Travaux de finition des
2 l’internats1 400 000,00
Construction et équipement de 2 écoles communautaires
Équipement des 2 internats
2 652 724,00
Terrain + Equipement du module d’accouchement et
centre hospitalier rural
550 000,00
Acquisition d’une ambulance 380 000,00
Construction de 2 internats 5 024 860,00
5 404 860,00
35 550 457,00
PROJET INTÉGRÉ
BEKRITE AGDAL
Construction d’un module d’accouchement et logement
d’ infirmiers
1 332 873,00
Travaux de finition de 2 internats
1 200 000,00
Acquisition
2 chasses neige Un Chargeur trax
Camions citernes
6 500 000,00
Projet intégré2009 - 2010
Construction d’un poste khalifa
Acquisition d’ 1 fraise
5 550 000,00 Aménagement du dépôt communautaire
30 000,00
Local 370 000
Aménagement des Seguias
1 480 000,00
Aménagement et construction des routes
9 080 000,00
DGCL et BG
DPA
DPE
ANOC
Source : La D.A.S, Province d’Ifrane.
19
Ce projet a été conçu et élaboré suite à un diagnostic participatif avec la
population de la zone. Avec un effet de levier de 84%, il touche bon nombre de
dimensions de la vie économique et sociale (module d’accouchement,
renforcement des moyens de déneigement, cantine scolaire et internat,
rapprochement de l’administration, dépôt communautaire, aménagement
hydraulique, etc.).
Face aux différentes contraintes/faiblesses, l’aire de l’étude dispose
d’atouts/opportunités pouvant ouvrir de larges perspectives de développement.
Ces atouts/opportunités se situent surtout dans le domaine agricole et le tourisme
de montagne.
En matière agricole, l’aire de l’étude dispose d’un potentiel d’arboriculture non
négligeable (olivier, notamment). La décélération des mouvements de
transhumance offre l’occasion d’intensifier l’élevage et, ce faisant, d’augmenter
la productivité. L’aire de l’étude possède également des atouts majeurs pour le
développement du tourisme écologique (cédraie, SIBE, produits du terroir, etc.).
Un tel développement trouve sa place dans le concept pays d’accueil touristique
(PAT), projet visant à organiser et structurer l’offre touristique rurale afin d’en
faire un levier de développement économique et social.
2. Profil environnemental
Les forêts Senoual et Bekrit s’étendent respectivement sur 5923 ha et 10.345,08
ha. Le territoire communal de la C.R.Oued Ifrane comprend 82% de la
superficie de Senoual (soit 4873,47 ha) et 69,86% de celle de Bekrit (7221ha).
20
Carte III.1 : Situation administrative des forêts Senoual et Bekrit
Source : Plans d’aménagement des forêts Senoual et Bekrit
21
Homologués et en cours d’immatriculation, ces deux massifs se composent
essentiellement des essences forestières suivantes :
Tableau III.9: Répartition des superficies forestières des forêts Senoual et Bekrit
Forêt Senoual Forêt Bekrit
Essence Composition Superficie
(ha)
superficie
(en %)
Superficie
(ha)
superficie
(en %)
Cèdre Cèdre pur
Cèdre en mélange
avec le chêne vert
871,90
3019,26
17,88
61,91
3424,87
3337,05
33
33
Chêne
vert
Chêne vert pur 400,75 8,22 727,53 7
Autres
581,56 11,92 2855,63 27
Total
4873,47 100,00 10.345,08 100,00
Source : fait à partir de :
- Plan d’aménagement de la forêt Senoual, septembre 2007.
- Plan d’aménagement de la forêt Bekrit, septembre 2007. Les chiffres fournis ici concernent toute la
forêt, c’est-à-dire y compris la partie du massif appartenant à la commune rurale de Sidi El Makhfi.
Les données de ce tableau montrent que :
-Les peuplements de cèdre purs occupent 17,88% de la superficie totale de la
forêt dans le cas de Senoual et 33% à Bekrit.
-Les peuplements de cèdre pur et en mélange avec le chêne vert représentent
79,79% de la superficie totale de la forêt à Senoual et 66% à Bekrit.
Les plans d’aménagement des deux forêts montrent aussi que le cèdre (pur ou en
mélange avec le chêne vert) présente un état de rajeunissement assez important.
De par cette composition (poids de la cédraie), les deux massifs génèrent des
recettes forestières substantielles et se trouvent, de ce fait, au centre
d’importants enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Ces forêts présentent des atouts considérables tant sur le plan écologique que sur
le plan socio-économique. Comme tous les écosystèmes forestiers, elles assurent
en effet plusieurs fonctions écologiques telles que la régulation du régime des
cours d’eau, la protection des sols contre l’érosion, la lutte contre la
désertification, l’humidification du climat, la préservation de la biodiversité, etc.
22
Ce rôle écologique capital est doublé d’une valeur socioéconomique non moins
importante. Outre son potentiel de création de richesses, d’emplois et de
revenus, la forêt est un élément essentiel d’attrait touristique et de récréation.
Des dynamiques destructives empêchent cependant les écosystèmes forestiers de
l’aire de l’étude de remplir convenablement ces multiples fonctions. Ces
dynamiques tiennent à la conjugaison de plusieurs facteurs tels que la fragilité
des écosystèmes, le poids des structures économiques et sociales, le surpâturage,
le rétrécissement de la transhumance et les délits forestiers.
2.1-Vulnérabilité écologique
Les conditions climatiques défavorables semblent être un important facteur de
dépérissement de la forêt. Les sécheresses longues et fréquentes ayant sévi ces
dernières années participent, fort vraisemblablement, au dépérissement du cèdre,
espèce s’accomodant le plus avec des climats humide et subhumide froid.
De telles conditions rendent la forêt (cèdre, en particulier) particulièrement
vulnérable aux attaques et infections diverses (mjej, tordeuse du cèdre, etc.).
L’écorçasse des cèdres par le singe magot est aussi considéré comme une des
causes du dépérissement du cèdre.
2.2 -Pauvreté, démographie et enclavement
De manière générale, la pauvreté tend à mettre en péril les écosystèmes
forestiers. A la limite de la survie, les pauvres se livrent à l’exploitation
destructrice de ces écosystèmes pour y puiser des moyens d’existence (produits
ligneux et non ligneux, défrichement en quête de nouvelles terres, etc.).
Cet impact tend à s’accentuer durant certaines périodes (sécheresse, neige,) où
les populations péri forestières3 se rabattent sur la forêt en quête d’unités
fourragères gratuites4 et de produits forestiers commercialisables.
On rappellera que les taux de pauvreté et de vulnérabilité, dans l’aire de l’étude,
sont respectivement de 20,07% et de 24,85%. C’est dire le déficit social
3 Les populations péri forestières sont déterminées selon un critère de proximité de l’habitat principal
ou secondaire par rapport à la forêt. Elles habitent des localités dont la limite a été fixée aux alentours
de 5km par rapport à la lisière de la forêt (Sogreah-TToba, 2005). 4 En périodes de sécheresse, les populations, vulnérables et pauvres, propriétaires du bétail se trouvent
souvent contraints de vendre leurs troupeaux dans l’urgence à bas prix, ce qui peut les faire tomber
dans la pauvreté ou sombrer davantage dans la pauvreté chronique.
23
inquiétant dont souffre l’aire de l’étude, et en particulier les zones péri
forestières.
De ce fait, la forêt devient une véritable « caisse de sécurité sociale », appelée à
fournir des moyens d’existence aux populations pauvres et vulnérables.
Par ailleurs, l’évolution démographique accentue la pression sur les écosystèmes
forestiers. Comme l’ont montré des études menées sur différents problèmes
d’environnement (déforestation, désertification, dégradation des sols, etc.) dans
diverses régions des pays en développement (D.Tabultin et E.Thilgès, 1992), la
démographie n’intervient pas seule, mais en association avec d’autres facteurs
(pauvreté, régimes fonciers, etc.).
A Senoual et Bekrit, les prélèvements de bois de feu sont à rattachés au climat
rigoureux de la zone, à la disponibilité du bois et au bas coût de son ramassage.
Ces prélèvements peuvent être grossièrement estimés moyennant les données
des plans d’aménagement des deux forêts.
Tableau III.10: Estimation des prélèvements du bois dans les forêts Senoual et Bekrit
Senoual Bekrit
Population en 2009* 2136 2894
Nombre de ménages** 350 508
Consommation de bois par foyer
(tonnes/an)
6,8 6,8
Prélèvement de bois 2380 3455
Consommation globale 5835 tonnes/an Source : Fait à partir des plans d’aménagement des deux forêts
*en 2002, la population péri forestière était d’environ 1911 habitants. En retenant un taux
d’accroissement moyen annuel de 1,6% (plan d’aménagement de Senoual) , l’estimation de la
population 2009 serait de 2136 hab. le plan d’aménagement de Bekrit considère que la population péri
forestière de Bekit est stationnaire (taux d’accroissement nul)
**La taille moyenne des ménages à Senoual serait de 6,1 personnes par ménage ; à Bekrit cet
indicateur serait de5,7.
Ces prélèvements (légaux et/ou illicites) servent à satisfaire le besoin
énergétique de la population péri forestière .A Senoual, ces prélèvements sont
nettement supérieurs à la productivité annuelle de la forêt, estimée à 1623
tonnes/an (Plan d’aménagement de la forêt Senoual).
24
Cliché pris par nos soins (forêt Senoual):Dans des conditions climatiques difficiles, les populations péri forestières se rabattent sur la forêt en quête de bois pour satisfaire leur besoin énergétique.
Concomitamment, l’enclavement de la zone favorise, à son tour, la
déforestation. Il pèse notamment sur la valorisation des produits locaux et
renchérit les produits en provenance des autres régions (combustibles,
notamment). Cela contribue à faire baisser les revenus et à accroitre les prix des
combustibles ; d’où une pression accrue sur la forêt.
2.3- Surpâturage
Comme souligné précédemment, l’aire de l’étude se caractérise par un système
de production de type agro-sylvo-pastoral avec une forte dominante de
l’élevage. Les conditions socioéconomiques ainsi que l’évolution
démographique se traduisent par des phénomènes régressifs au niveau des
écosystèmes forestiers.
Les pâturages en forêts (Senoual et Bekrit) sont exploités selon des parcs de
parcours ; chaque parc étant composé par des parcelles désignées par le plan
d’aménagement et dominé par une fraction de tribu.
Le recours aux parcours forestiers s’étale sur une bonne partie de l’année. En
saison hivernale (novembre à mars), ainsi qu’en période de disette, celui-ci est
pratiqué simultanément avec la mobilisation des parcours de chaumes et la
complémentation (son, paille, orge, etc.). Etant donné les charges que la
complémentation impose à la trésorerie des éleveurs, l’ébranchage du cèdre et
du chêne vert est très souvent pratiqué afin de réduire le déficit fourrager.
25
Le déséquilibre pastoral qui apparait ainsi entraîne un surpâturage très marqué
au niveau des deux forêts et, en conséquence, un appauvrissement des parcours
et un essoufflement des dynamismes régénérateurs des forêts.
Certaines pratiques pastorales contribuent à alimenter le processus de
surpâturage. Parmi ces pratiques, l’on peut citer :
-un système d’élevage extensif, fortement dépendant de la forêt ;
-une exploitation des troupeaux en association entre ruraux et citadins5,
-une gestion des cheptels basée sur la recherche d’un nombre de têtes élevé au
détriment de la production.
2.4-Changement des modes d’utilisation de l’espace
Le surpâturage est aussi exacerbé par les mutations de la gestion des parcours.
Celle-ci a en effet connu des mutations profondes liées notamment à la rupture
de la pratique de l’Agdal, qui se basait sur la mise en défens des pâturages des
hauts sommets avant la transhumance d’été. Le dérèglement de ces mouvements
de transhumance par la mise en culture des zones basses a réduit l’espace
pastoral et entraîné, en conséquence, surpâturage et déforestation (Mohammed
Mahdi, 1999).
Comme le montre la figure ci-après, le système de transhumance permet de tirer
profit de la complémentarité liée aux déplacements réciproques des troupeaux
qui pâturent l’hiver dans l’Azaghar (plaine) et séjournent dans les forêts du
Moyen Atlas le reste de l’année, en passant par le Dir pendant le printemps et
l’automne.
5 Un tel détournement des droits d’usage à des fins commerciales et spéculatives est en fait interdit
par la législation forestière. L’article 22 du Dahir du 15 avril 1949 stipule en effet, « (…) Les
troupeaux en cheptel ou en association avec des non usagers sont exclus du bénéfice du droit de
parcours. ». Le phénomène prend de l’ampleur avec l’émergence de gros éleveurs « urbains
absentéistes », qui emploient la plupart du temps des bergers (Sogreah TToba, 2004).
26
Source: Le grand livre de la forêt marocaine, 1999,p.197
Dans ces différents milieux, des pratiques ancestrales de mise en défens et de
discipline commune permettent de régénérer les ressources pastorales (Agdal).
Autrement dit, la gestion des pâturages comme biens communs se faisaient selon
des règles bien définies d’accès et d’exploitation. Cela contredit le schéma
véhiculé par Hardin (1969) (The tragedy of the commons), selon lequel
l’exploitation des ressources communes conduit inéluctablement à leur
dégradation6.
Aujourd’hui, la tendance au rétrécissement du système de transhumance entraine
une dégradation des ressources pastorales et des terrains de parcours.
6 En fait c’est l’absence de propriété, et son corolaire l’inexistence de règles d’accès et d’exploitation,
qui entraine dégradation des ressources. La véritable tragédie est celle du libre accès. (Lazarev, 1993).
27
2.5-Délits forestiers
L’ampleur des délits témoigne de l’importance des pressions subies par la forêt.
Le tableau ci-après retrace les délits constatés au niveau des massifs forestiers de
la province d’Ifrane.
Tableau III.11: Situation des délits constatés entre 2005 et 2010
Année Coupe de bois Pâturage Labour en domaine
forestier
Divers
2005 828 255 27 150
2006 647 198 51 244
2007 795 235 64 275
2008 744 164 22 280
2009 530 100 09 183
2010 112 26 01 28 Source : DPEFLCD-IF
Ces données montrent qu’au niveau des massifs forestiers de la province
d’Ifrane les délits les plus répandus sont les délits de coupe du bois et les
parcours dans les mises en défens. Le tableau suivant rend compte de ces délits
dans les forêts Senoual et Bekrit.
Tableau III.12: Evolution du nombre de délits de coupe de cèdre sur la période 2005-
2009 dans les forêts Senoual et Bekrit
Année Nombre total des délits Volume abattu
2005 35 450
2006 96 895
2007 97 1365
2008 113 2810
2009 69 8470
Total 410 13990 Source : DREFLCD-MA
La lecture de ce tableau montre qu’après un pic enregistré en 2008 (113 délits),
le nombre de délits baisse à 69 en 2009 ; cependant, le volume abattu s’accroit
considérablement. Cela s’explique probablement par la variation du volume
abattu par délit constaté ainsi que par le caractère de plus en plus destructif des
abatages illicites du cèdre.
28
Délit de coupe de cèdre constaté à Senoual
Les délits de parcours dans les mises en défens, quant à eux, témoignent de
l’exercice abusif des droits d’usage dans les espaces forestiers. Ces délits
tendent à compromettre la restauration et la reconstitution des ressources
forestières.
On rappellera que la pratique de mise en défens7 désigne la mise en place de
clôtures permettant de restreindre l’usage d’une partie du domaine forestier afin
de favoriser la régénération naturelle.
En 2010, la superficie totale mise en défens dans le Moyen-Atlas est d’environ
37413 ha8. Le non respect des mises en défens impacte négativement le taux de
réussite des projets forestiers (régénération et reboisement).
Les délits prennent généralement la forme d’abattages illicites des arbres,
notamment le cèdre. Des « filières organisées » s’adonnent à ce type de
pratiques : des madriers squattés, issus des arbres abattus, sont transportés à dos
de mulets, puis embarqués à destination de certaines villes. Les personnes qui y
opèrent sont bien équipées (tronçonneuses, téléphones portables, moyens de 7 Selon la législation forestière, la mise en défens ne peut dépasser 20% de la surface d’une forêt. Elle
est appliquée dans les cas suivants :
-Les reboisements (exigeant une mise en défens de 10 ans) ;
-Les parcelles de régénération prévues dans les plans d’aménagement (nécessitant une mise en défens
de 20 ans) ;
-Les surfaces exploitées à blanc étoc (chêne-vert, arganier, thuya et eucalyptus).
-Les surfaces incendiées. 8 DREFLCD-MA.
29
transports, etc.) et procèdent souvent à une vraie surveillance des forestiers afin
de saisir le moment opportun d’organiser leurs assauts.
Pour contrer les délits forestiers, l’administration forestière mobilise les
amendes dont le niveau commence à partir de 200 DH et augmente en fonction
de la gravité de l’infraction. Bien que leur niveau soit jugé dissuasif, les
amendes butent, selon le HCEFLCD, sur la non exécution des jugements9.
Ce facteur est exacerbé par la faible probabilité, pour les contrevenants, de se
faire prendre, à cause notamment du faible taux d’encadrement de la forêt
(5000ha de forêts/agent).
3. Dispositif institutionnel
Depuis l’apparition du concept de développement durable, la forêt n’est plus
considérée comme un simple réservoir de ressources ligneuses, mais davantage
comme un écosystème offrant une multitude de services environnementaux et
assurant diverses fonctions socio-économiques. De là découle la multiplicité des
parties prenantes, aux intérêts différents et parfois opposés, impliquées dans la
gestion forestière.
L’examen du dispositif institutionnel dans l’aire de l’étude vise à identifier les
acteurs intervenant en forêt et analyser les rapports de force en vigueur et, ce
faisant, identifier les leviers d’action pouvant permettre d’évoluer vers une
gouvernance forestière à haute portée participative.
Le dispositif institutionnel se caractérise par l’intervention de plusieurs parties
prenantes, dont en particulier la population et les ONG, l’Administration
forestière et la commune rurale. Progressivement, ce cercle s’élargit à d’autres
acteurs qui revendiquent un rôle accru dans la gestion de la forêt (exploitants
forestiers, opérateurs touristiques, gestionnaire de l’eau, etc.).
3.1. Identification des intervenants en forêt
-Populations et ONG
La population péri forestière (Senoual et Bekrit) serait de 5030 hab (estimation
2009), soit 45,61% de la population totale (11028) de la commune rurale Oued
Ifrane.
9 Le 15-04-2010, les responsables de la DREFLCD-IF invitèrent un groupe de magistrats à une visite
des forêts Senoual et Bekrit ; l’objectif était de sensibiliser les magistrats aux immenses dommages
infligés par les délits forestiers.
30
Ces populations sont organisées en institutions traditionnelles, notamment les
fractions de tribus. Celles-ci, en dépit de la régression de leur rôle, continuent à
exercer un rôle majeur en matière d’exploitation des parcours collectifs et
forestiers. C’est pourquoi les Machyakhas (structures correspondant à un
découpage administratif en termes de fractions de tribus) servent généralement
d’unités de base pour la création des associations sylvo pastorales,
représentatives des populations et parties prenantes dans le processus de
partenariat avec l’Administration forestière.
Très souvent, les populations contestent encore la domanialité publique de la
forêt. Cette perception nuit à la relation avec les forestiers et entrave les actions
et projets réalisés. Elle est attisée par la perception qu’ont les populations du
mode d’affectation des recettes forestières.
Si elle est menée de façon appropriée, l’approche participative permettrait de
légitimer la domanialité publique et d’instaurer une gouvernance durable des
écosystèmes forestiers.
Par ailleurs, les populations locales prennent des initiatives collectives
spontanées formidables. Il en est ainsi, par exemple, de la construction des
conduites d’eau pour augmenter la capacité de stockage des « chaabas »,
véritables réservoirs d’eau.
Clichés pris par nos soins : des initiatives locales spontanées en matière hydraulique
Ces initiatives, et bien d’autres, méritent d’être encouragées et encadrées. C’est
ce que tentent certaines ONG de faire.
31
Le mouvement associatif et coopératif est relativement jeune et connaît un
développement remarquable. Il est composé des associations sylvo-pastorales
représentatives des populations péri forestières, des coopératives10
et des
associations de développement local.
D’après une enquête de recensement exhaustif des associations au niveau de la
province d’Ifrane, les ONG qui opèrent dans le domaine du développement local
seraient de 151, dont 14 au niveau de la C.R.Oued Ifrane. Le profil des
associations recensées peut être décrit comme suit11
:
-Plus de 50% des associations ont été créées au cours de la période 2002-2006 ;
- 92% des associations est de type ordinaire et 8% sont d’utilité publique
(AUEA) ;
-98% d’entre elles inscrivent leurs activités à une échelle locale, contre environ
8% au niveau régional et 4% au niveau national ;
-Environ 48% des présidents d’associations ont un niveau supérieur contre 33%
secondaire, 7% primaire et 13% analphabètes. Chez les trésoriers, les données
du recensement montrent qu’environ 35% ont un niveau d’instruction
secondaire contre 28% universitaire, 20% primaire et 18% analphabètes.
-La présence féminine dans les structures associatives est faible : seules 8
associations sont présidées et gérées par des femmes et 5 associations ont des
trésorières.
-Les associations expriment des besoins en formation, notamment en gestion et
montage de projets, développement durable, informatique, communication, etc.
-Les associations interviennent en général dans plusieurs champs d’activités
(action sociale, environnement, culture, sport, etc.).
-Le partenariat inter-associatif est peu développé puisque 14% seulement des
associations recensées sont affiliées à un ou plusieurs réseaux.
Certes, la dynamique associative est globalement spontanée et semble propulsée
par un environnement institutionnel et juridique propice à la création
d’associations (réforme de la loi réglementant le droit d’association en 2002,
10
Voir infra. 11
Association ADRAR, Agence Française de développement et HCEFLCD, Répertoire des
associations de la province d’Ifrane, 2007.
32
notamment), mais celles-ci sont loin de constituer des contrepoids locaux et des
groupes de pression ayant une force de propositions. Dans certains cas, cette
dynamique peut même répondre à des enjeux individuels (affirmation des
leaderships locaux) et politiques (renforcement des assises électorales).
-L’Administration forestière
La forêt de Senoual et Bekrit, délimitées et homologuées, sont gérées par le
CCDRF de Aïn Leuh relevant de la DPEFLCD-IF, et de la DREFLCD-MA
(Meknès).
L’administration forestière, dont les missions et attributions sont régies par le
décret n°2-04-503 du 1er février 2005, est incontestablement le principal acteur
en matière de gestion forestière.
Elle est reconnue pour être pionnière en matière d’expérimentation de montages
institutionnels participatifs, que ce soit en matière d’aménagement des bassins
versants ou de gestion forestière stricto sensu.
Ce choix a été réitéré par le Programme décennal (2005-2014). Celui-ci
constitue le cadre stratégique du développement durable des écosystèmes
forestiers. Visant à opérationnaliser les résultats du colloque national sur la forêt
d’Ifrane (Ifrane, 1996), ce programme se présente comme une synthèse et mise
en cohérence de plusieurs études sectorielles telles que:
-Le plan directeur de reboisement,
-Le plan national d’aménagement des bassins versants,
-Le plan directeur des aires protégées,
-Le plan directeur de lutte contre les incendies,
-Le plan d’action national de lutte contre la désertification.
Le programme décennal 2005-2014 est décliné en programmes d’action,
articulés autour des piliers suivants : la sécurisation du domaine forestier,
l’inversion des tendances actuelles de dégradation du couvert forestier, la
maîtrise de l’érosion hydrique et la contribution des forêts à l’amélioration des
conditions de vie des populations riveraines.
L’enjeu primordial de l’application de la politique et de la législation forestières
consiste à trouver un compromis entre la conservation et la mise en valeur du
domaine forestier.
33
- Le Parc national d’Ifrane
Le parc national d’Ifrane a été mis sur pied en 1994, sur une superficie de
53 800ha, et étendu en 2006 à une superficie de 127 000ha. Un plan
d’aménagement et de gestion du parc existe depuis 2007. Il fixe les axes
d’interventions, le zonage et l’organisation institutionnelle du parc.
Selon ce plan, le parc est habilité à intervenir selon quatre axes :
-Conservation de la biodiversité et gestion écologique des milieux ;
-Gestion-exploitation durable des ressources naturelles ;
-Valorisation des patrimoines et produits naturels locaux ;
-Education à l’environnement, information et communication.
Ces interventions seront déployées sur un territoire composé de deux zones :
Carte III.2 : Parc national d’Ifrane
Source: Plan d'aménagement et de gestion du Parc national d'Ifrane
34
-une zone « centrale », dont l’objet est de concentrer les interventions en matière
de conservation (biodiversité, écosystèmes forestiers, etc.) et de valorisation éco
touristique et éducative.
-une zone « périphérique », sur laquelle se déploie diverses stratégies
sectorielles (agriculture, élevage, tourisme, développement urbain, etc.).
Pour trouver un équilibre entre exploitation et préservation, le parc est appelé à
adapter et coordonner l’ensemble des politiques sectorielles déployées sur le
territoire de la province.
-La commune rurale Oued Ifrane
La commune rurale Oued Ifrane fut créée en 1992, dans le cadre du découpage
communal intervenu cette année. Elle est gérée par un conseil communal
composé de 15 membres, dont deux femmes. Hormis le président, titulaire d’un
diplôme supérieur, les autres membres ont un modeste niveau éducatif.
Les attributions des communes forestières en matière de gestion de la forêt sont
précisées dans le dahir du 20 septembre 1976 relatif à la participation de la
population au développement de l’économie forestière. Ces attributions
englobent (titre VI, art.10) :
-Demandes d’occupation temporaire du domaine public ;
-Demandes d’amodiation du droit de chasse et de pêche ;
-Demandes, formulées par les usagers, pour l’extraction de divers biens produits
par la forêt ;
-Organisation de l’exploitation des parcours en forêt ;
- Détermination des programmes de coupes et d’aliénation des produits
forestiers.
En outre, « les ressources provenant du domaine forestier compris dans les
limites territoriales de la commune sont versées au budget de ladite commune »
(TitreV, art.14). Les communes concernées sont cependant tenues de réinvestir
au moins le cinquième (20%) de ces recettes dans les actions suivantes (art .15):
-Reboisement des terrains collectifs ;
-Amélioration sylvo-pastorale ;
-Aménagement et plantations fruitières ;
-Captage de sources ou aménagement de points d’eau ;
-Aménagement d’abris collectifs ou de chemins ;
35
-Création d’espaces verts ou de protection des sites naturels.
La pratique montre cependant que ce minimum de 20% est loin d’être atteint :
pour la période 1977-1986, la part réinvestie en forêt était de 13%, tandis que
pour la période 1988-1992 elle ne représentait que 7,8%. Pis encore, les
montants réservés aux projets à caractère réellement forestier (reboisement et
amélioration sylvo-pastorale) ne représentent que 1,5% des recettes forestières
annuelles moyennes (Colloque national sur la forêt, 1996).
Afin de remédier à cette situation, la loi de finances 2009 vient d’introduire un
amendement selon lequel 80% des ressources provenant du domaine forestier
compris dans les limites territoriales d’une commune seront versés au budget de
celle-ci. Les 20% restants seront versés au compte d’affectation spéciale intitulé
« Fonds national forestier » créé en vertu de l’article 34 de la loi de finances
pour l’année 198612
.
Outre ce prélèvement de 20% des recettes forestières, la C.R.Oued Ifrane
continue à verser sa quote-part au groupement intercommunal créé dans le cadre
du projet d’aménagement et de protection des massifs forestiers d’Ifrane.
- Autres acteurs
D’autres acteurs sont concernés, à des degrés divers, par la gestion forestière : le
conseil provincial de la forêt, l’autorité locale, les entreprises forestières, les
acteurs de tourisme, etc.
S’agissant du conseil provincial de la forêt, conçu pour être un cadre de
concertation entre tous les acteurs au niveau provincial, il importe de noter que
l’existence de priorités et d’agendas différents chez les parties prenantes
membres de ce conseil limite la portée de son travail.
3.2. Interactions entre acteurs : pour une nouvelle gouvernance forestière
La diversité des acteurs et des fonctions remplies par les écosystèmes forestiers
engendre des enjeux différents et, en conséquence, des conflits d’intérêts, réels
ou potentiels.
Parmi les enjeux de gouvernance se nouant autour de la forêt, le tableau suivant
en fournit un échantillon :
12
B.O.n°5695, 31-12-2008.
36
Tableau III.13 : Acteurs et enjeux de gouvernance
Acteur Enjeux
Administration forestière -Compromis entre conservation et valorisation
-Pouvoir de décision en matière forestière
Populations et ONG -Forêt, source de revenus et d’activité économique
-Tirer parti des compensations de mise en défens
Commune rurale -Développement local
-Recettes forestières
-Considérations politiques
Autorité locale -Souci de stabilité et de sécurité
De cette diversité d’enjeux découlent des conflits, dont certains méritent une
attention particulière en raison de leurs incidences sur les écosystèmes forestiers.
Il s’agit de :
Population vs. Population ;
Population vs. Administration forestière ;
Administration forestière vs. Commune et services déconcentrés.
Les populations forestières sont les plus concernées par la gestion des forêts car
elles y puisent leurs moyens d’existence. Des litiges et conflits d’intérêts
peuvent éclater entre différentes composantes de la population. Ces conflits, dus
à la tendance à la rupture de l’équilibre agro-sylvo-pastoral, concernent surtout
l’exploitation des parcours forestiers. Les principales zones litigieuses relevées à
cet égard sont généralement issues de (Sogreah-TToba, 2005) :
- De fausses inscriptions lors de la délimitation des forêts ;
- De finages de tribus qui ne comportent pas de parcours forestiers ;
- Des éleveurs de fractions étrangères à la province.
Ces divergences d’intérêts peuvent parfois entraver le processus de
contractualisation avec les associations sylvo pastorales (les ayant-droits vs le
reste de la population). La mise en œuvre de l’approche participative s’en trouve
donc affectée.
Par ailleurs, les relations populations/Administration forestière sont marquées
par un certain scepticisme, voire un manque de confiance : d’un côté,
l’administration se plaint de l’exercice abusif des droits d’usage par les
riverains, de l’autre côté, les populations entravent parfois les opérations de
37
martelage, en signe de protestation contre la faiblesse des retombées forestières
dont elles bénéficient.
Le processus de contractualisation, en essayant de faire des associations sylvo
pastorales non seulement des interlocuteurs mais aussi des agents de
développement, tend à rétablir la confiance entre les deux parties et jeter les
bases d’une gouvernance forestière participative.
D’autres zones de discorde peuvent être identifiées. Ainsi l’Administration
forestière se plaint-elle de la modestie du rôle de la commune en matière
d’organisation des usagers et la primauté des considérations politiques en
matière d’investissement des recettes forestières. La commune, quant à elle,
rétorque en faisant savoir qu’elle n’est pas associée au schéma de participation
et qu’elle ne peut se substituer à l’Etat en matière de mise en place
d’infrastructures et d’équipements socio-collectifs.
Il importe aussi de signaler que la faible convergence des actions et programmes
conduits par les différents services déconcentrés des ministères se traduit par un
déficit en termes de développement socio-économique des zones forestières, ce
qui accroit la pression sur les écosystèmes forestiers. Cette insuffisance est
imputable aux limites de la déconcentration administrative au Maroc, « (…) qui
ne recouvre pas un véritable transfert de pouvoirs de l’administration centrale
aux services extérieurs. Le rôle des services extérieurs demeure largement un
rôle d’exécution. La programmation des ministères au plan local souffre d’une
insuffisance(…) systématique » (Banque mondiale, 2006).
Au total, la différence d’enjeux engendre des conflits d’intérêts, dont la gestion
suppose un cadre de négociation adéquat permettant une implication effective
des différents acteurs. C’est dans le cadre de cette co-gestion que l’on peut
assurer une gouvernance participative et durable des écosystèmes forestiers.
38
IV. Déroulement de l’approche participative sur le terrain
Au Maroc, la gestion des ressources naturelles, forestières notamment, a
constitué un champ de prédilection de l’approche participative (Banque
mondiale, 2006).
Comme nous l’avons déjà signalé, ce choix est réitéré par le programme
décennal 2005-20014, qui insiste sur la nécessité d’établir des partenariats avec
les populations usagères.
Afin d’évaluer l’approche participative, nous tenterons d’appréhender, d’abord,
la façon dont elle a été pratiquée en matière de gestion des écosystèmes fragiles
puis dans les projets forestiers, et enfin son déroulement actuel dans l’aire de
l’étude.
1. L’approche participative en matière de gestion des écosystèmes fragiles
Au Maroc, plusieurs stratégies et plans de gestion de ressources naturelles ont
vu le jour au cours des années quatre-vingt-dix. Il s’agit notamment du Plan
national d’aménagement des bassins versants, du programme d’alimentation
groupé en eau potable (PAGER), du plan directeur de reboisement, du plan
directeur de gestion conservatoire des terres bour, du programme national
forestier, etc.
La mise en œuvre de ces plans se heurte cependant à une carence en matière
d’intégration et de synergie au niveau territorial, ainsi qu’à une faible
participation des populations à la définition des programmes.
Le Programme d’action national pour la lutte contre la désertification (PAN-
LCD) apporte des innovations majeures, tant par son caractère holistique et
intégré que par la place qu’il accorde à l’approche participative.
Conforme aux principes de la Convention internationale de la lutte contre la
désertification, le PAN-LCD insiste sur la nécessaire articulation entre la lutte
contre la désertification et la lutte contre la pauvreté en milieu rural.
Une telle articulation découle des liens, complexes et réciproques, qui
s’établissent entre la dégradation des ressources naturelles et la pauvreté. En
effet, la pauvreté tend à accentuer le dépérissement des ressources naturelles. A
la limite de la survie, les populations pauvres et vulnérables se livrent à une
exploitation destructrice des ressources naturelles (extension des cultures sur des
terres marginales et à pentes élevées, défrichement en quête de nouvelles terres,
etc.) susceptible d’enclencher un processus de désertification. Qui plus est, ces
39
populations sont aussi souvent incapables de réaliser les investissements
nécessaires à la protection de certaines ressources naturelles (protection du sol,
par exemple).
Réciproquement, la dégradation des ressources naturelles tend à précariser
davantage la situation des populations pauvres. Elle réduit, en effet, la
productivité des ressources naturelles dont ces populations tirent leur moyen
d’existence (sols fragiles, pâturages dégradés, etc.) et elle les oblige à consacrer
plus de temps à des tâches ménagères comme le ramassage du bois (sous l’effet
de la déforestation), ce qui ampute d’autant le temps consacré au travail agricole
et contribue par conséquent à faire chuter les revenus (Mink S. 1993).
En consacrant le lien entre la désertification et la pauvreté, le PAN-LCD adopte
une démarche intégrée, dans le cadre d’un processus itératif et participatif.
Cette démarche prône l’action territoriale, fondée sur la coordination
multisectorielle (Services extérieurs, collectivités locales, ONG, etc.) et
l’implication des populations dans le processus décisionnel. Selon cette vision,
le développement rural, ne pouvant être approché par de simples solutions
sectorielles et techniques, requiert une mise en réseau des acteurs locaux. Il
implique une articulation entre un mouvement descendant des pouvoirs publics
vers les populations et d’un mouvement ascendant de demande de participation
de la part des populations.
Le PAN-LCD, dont l’élaboration et la mise en œuvre ont été appuyées par le
PNUD et la GTZ, se veut comme opérationnalisation de la stratégie 2020 du
développement rural.
Le programme, lancé en 2001, s’adresse aux populations rurales des zones
menacées par la désertification au Maroc (K.Goldnick et H.Moumadi, 2004).
Cette dernière est définie par la Convention internationale de lutte contre la
désertification comme : « (…) la dégradation des terres dans les zones arides,
semi-arides sèches résultant de divers facteurs, parmi lesquels les variations
climatiques et les activités humaines ». Il ne s’agit donc pas, contrairement à une
idée largement répandue, d’une progression du désert saharien vers les régions
septentrionales, mais de « dégradation sur place, sans modification climatique,
de la steppe et de son remplacement par un paysage ressemblant à celui d’un
désert » (J-.F. Troin, 1985).
40
Sur le plan institutionnel, le PAN-LCD a mis en place un comité de pilotage au
niveau central et a retenu la région du Souss Massa Draa comme zone pilote du
projet. Sur le plan local, l’approche méthodologique retenue consiste en
l’élaboration des plans de développement des douars (PDD) et des plans de
développement communaux (PDC).
Le PDD, outil fondamental de mise en œuvre de l’approche participative,
est « (…) une approche du développement basée sur la responsabilisation des
acteurs locaux et axée sur une exploitation rationnelle et durable des ressources
naturelles ». (Cité par Aziki S., 2005) .C’est un document-cadre élaboré selon
un processus participatif et itératif, qui se déroule selon le cheminement suivant:
Tableau IV.1 : Phases d’élaboration d’un PDD
Phase préparatoire 1-Prise de décision d’élaboration d’un PDD
2-Concertation entre acteurs sur les
modalités d’élaboration du PDD
3-Elaboration d’un plan d’action
4-Choix de l’équipe d’animateurs,
animatrices
5-Formation, mise à niveau des équipes
d’animation
Phase diagnostic participatif 1-Lecture, analyse du finage douar
2-Restitution, échange, rajustement et
validation du diagnostic
Phase planification 1-Définition des objectifs stratégiques
2-Elaboration d’un plan d’action prioritaire
3-Elaboration du PDD
4-Validation du PDD
5-Programmation (triennale, quinquennale).
Phase mise en œuvre et suivi-évaluation 1-Programmation annuelle et budgétisation
2-Mise en œuvre du programme annuel
3-Suivi-évaluation
4-Reprogrammation Source : Aziki Slimane, Note méthodologique pour l’élaboration des PDD dans le cadre du PAN, 2005.
Ainsi défini, le PDD mobilise en fait deux approches complémentaires et
intimement liées :
-l’approche terroir fondée sur l’examen des composantes (physique et socio-
économique) du milieu et des activités qui s’y exercent.
-l’approche participative qui vise à associer les populations à toutes les phases
du processus décisionnel. Par son caractère intersectoriel, holistique et
participatif, l’objectif ultime de la démarche étant de promouvoir un auto-
41
développement des populations concernées, c’est-à dire à jeter les bases d’un
développement durable.
En dépit des résultats non négligeables des PDD réalisés (dans la région Souss
Massa Deraa) en matière de participation, le projet s’est heurté à certaines
difficultés, dont principalement (K.Goldnick et H.Moumadi, 2005) :
-L’absence d’un financement préalable des actions des PDD, ce qui a contribué
à décrédibiliser le programme PAN-LCD auprès des différents acteurs locaux.
-Le non-établissement de lien entre le diagnostic et la planification.
-Un manque de compétences au niveau des ONG, des services techniques et des
communes en matière de techniques de développement participatif.
-Un manque de patience de la part des populations et des élus qui, faute de
solutions immédiates à leurs problèmes, ne se mobilisent pas assez.
Ces difficultés, et bien d’autres, ne remettent cependant pas en cause la
pertinence de la méthodologie adoptée, qui articule l’approche terroir et
l’approche participative dans l’objectif de concilier l’amélioration des conditions
de vie des populations et la gestion durable des ressources naturelles.
2. L’approche participative dans les projets forestiers au Maroc
2.1. Le projet GEFRIF
Ce projet13
pilote a été réalisé conjointement par le Maroc et la Commission
européenne (1995-1998) dans le RIF.
Il vise à enrayer le processus de déforestation de la région Rifaine. Pour ce faire,
le projet a adopté une approche « massif », qui consiste en :
-constitution, au niveau de chaque massif forestier, d’un comité de massif en vue
de faire émerger progressivement une conscience collective sur la notion
d’interdépendance des actions et de solidarité entre les douars riverains autour
d’un même massif forestier. Un tel comité, qui regroupe l’ensemble des acteurs
sociaux, administratifs, techniques et institutionnels, est une instance de
concertation et de coordination pour la définition de modalités d’usages d’un
massif forestier homogène et géographiquement circonscrit.
13
Ce passage s’inspire largement d’Y.Melhaoui, « Protection et gestion participative des écosystèmes
forestiers du RIF, Maroc ». Communication présentée au deuxième atelier international sur la
foresterie participative en Afrique, 18-22 février 2002, Tanzanie.
42
-constitution des commissions locales des forêts, dont chacune regroupe des
usagers qui utilisent le même espace forestier (parcours, prélèvement de bois de
feu, agriculture, défrichement, etc.). Ces zones homogènes regroupent chacune
un certain nombre de douars.
Le massif forestier peut ainsi être découpé en plusieurs commissions locales des
forêts, qui peuvent plus ou moins se calquer sur le découpage des communes
rurales et/ou des fractions.
Ces instances informelles (commissions locales des forêts) ont été substituées
par des associations de développement local (44 associations de développement
local ont été constituées regroupant 92 douars).
Le projet GEFRIF a permis l’obtention d’importants acquis (Melhaoui, 2002)
tels que le rétablissement progressif de la confiance vis-à-vis de
l’Administration forestière, la réduction de la pression sur la forêt,
l’amélioration des conditions de vie des populations et l’évolution des pratiques
institutionnelles.
2.2. Projet de développement rural participatif dans le Moyen Atlas central
(Projet Khénifra)
Ce projet14
, qui s’inscrit dans le prolongement du projet Oued Srou (1987-2000),
concerne 12 communes rurales, couvrant une superficie totale de 235.000 ha et
une population d’environ 100.000 habitants répartie à travers 15.000 ménages et
282 douars.
Le montant global du projet s’élève à 210 millions de DH, avec une contribution
de 150 millions de l’Union Européenne, 47 millions du HCEFLC et de 13
millions de la population.
Le projet vise à contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la
population tout en préservant les ressources naturelles de la zone concernée.
Afin de réaliser ses objectifs, le projet s’est basé sur une approche territoriale et
participative.
L’approche territoriale adoptée consiste à :
- découper la zone d’intervention en pôles de développement ayant des
vocations différentes (pôle cédraie, pôle pluvial, pôle chênaie vert) et exigeant
des actions de développement spécifiques.
14
Voir Travaux du séminaire de Meknès, le 20/10/2009.
43
Zonnage et lignes directrices pour le développement
Promotion des plantations
fruitières(rosacées) et
conservation des eaux et
des sols en irrigué ;
• Appui au développement
de l’élevage semi intensif
(fonds de roulement d’AB,
géniteurs…)
• Développement et
valorisation des PFNL/PAM
Pôle chênaie
verte
Promotion de plantations
peu exigeantes en eaux (olivier, amandier, cactus,
agave…); et conservation
des eaux et des sols
Réhabilitation des petits PI;
Appui au développement
de l’élevage ovin semi
intensif (fonds de roulement d’AB, ANOC,..).
Pôle pluvial
Appui à la Conservation et la
régénération de la Cédraie
( respect des mises en défens
et traitements sylvicoles)
Appui à l’organisation des
éleveurs et à l’amélioration de
la productivité des ovins
(implication de l’ANOC);
Valorisation des paysages
(initiation au développement de
l’éco tourisme);
Promotion de l’économie de
bois énergie (prototypes
économiques adaptés).
Pôle cédraie
Source : Séminaire de Meknès, op.cit.
Chaque pôle de développement fut découpé en terroirs. Un terroir regroupe
plusieurs douars ayant des liens historiques et des affinités communes, et
exploitant collectivement des ressources naturelles (forêts, parcours, eaux). Il
correspond grossièrement à une fraction (Mechyakha). On compte 37 terroirs
qui ont été délimités dans toute l’aire du projet.
L’approche participative adoptée repose, quant à elle, sur l’implication de la
population dans les processus décisionnels. L’organisation de la population,
rendue nécessaire par la mise en œuvre de l’approche participative, s’est faite à
deux échelles territoriales :
-Au niveau des terroirs, par la mise en place des A.G.A.T. (Association de
gestion et d’aménagement du terroir), dont chacune regroupe les membres des
comités villageois (formés par les douars pour les représenter), les représentants
des organisations professionnelles (ANOC, AUEA, etc.) et les représentants de
la société civile (O.N.G.).
44
-Au niveau des massifs, les structures de concertation deviennent les A.G.A.M
(Associations de gestion et d’aménagement du massif), dont chacune se
compose :
des représentants des AGAT ;
des représentants des professions concernées par la forêt (coopératives
forestières, exploitants forestiers, etc.) ;
des représentants des ONG à vocation transversale (ONG
environnementales, touristiques, etc.).
Au total, l’approche participative se déroule selon la séquence suivante :
Source : Union Européenne/HCEFLCD-DREF, En savoir plus sur le projet Khénifra, nd.
Le processus s’est révélé lent puisque la planification participative à elle seule
s’est étalée sur environ une année et demi, au cours de laquelle 300 ateliers ont
été organisés et auxquels 17.000 concernés ont pris part. (Document
UE/HCEFLCD- DREF, n.d).
Diagnostic participatif
Planification/Programmation (Élaboration des PDT et des contrats
programme)
Organisation de la population
Contractualisation et mise en
œuvre
Suivi évaluation participative
Replanification/Reprogrammation
45
Au-delà des réalisations physiques du projet (amélioration des systèmes de
production et d’élevage, amélioration des infrastructures, aménagements des
périmètres irrigués, mesures anti érosives, AGR, etc.)15
, l’approche participative
a été testée et promue.
En particulier, la population se rend compte de l’intérêt de l’organisation16
. Les
AGAT et les AGAM sont devenues de véritables interlocuteurs pour les
communes rurales et les comités locaux de développement humain, créés dans le
cadre de l’INDH. De plus, les plans de développement des terroirs (PDT)
élaborés et l’expérience accumulée au fil des années peuvent permettre aux
AGAT de solliciter d’autres partenariats et bailleurs de fonds.
Cependant, une évaluation plus fine du projet reste à faire pour comprendre les
raisons de la faible adhésion de certains acteurs au projet.
3. L’approche participative dans l’aire de l’étude
Dans l’aire de l’étude, l’approche participative a été conçue et menée, dans un
premier temps, dans le cadre du projet d’aménagement et de protection des
massifs forestiers d’Ifrane (projet Ifrane). Elle a été ensuite pratiquée dans le
cadre de l’élaboration des plans d’aménagement des massifs forestiers. Elle est
éventuellement prolongée au niveau de l’élaboration des Plans de
développement des douars (PDD) et des actions de contractualisation avec les
associations sylvo-pastorales représentatives des populations.
3.1. L’approche participative dans le cadre du projet d’aménagement et de
protection des massifs forestiers d’Ifrane
Ce projet, dont le coût global est de 214 millions de DH, concerne huit communes
rurales, dont Oued Ifrane.
L’objectif global du projet étant de « (…) gérer et d’exploiter le massif forestier
d’Ifrane d’une manière rationnelle et pérenne en concertation et au bénéfice de
la collectivité et des usagers, tout en préservant l’environnement et la
biodiversité » (DREFLCD-MA, 2009). Cet objectif global se décline comme
suit :
- Protection de la cédraie et de la biodiversité,
- Optimisation de la production forestière,
- Gestion participative d’espaces cohérents (forêt, parcours et terrains
agricoles)
15
Cf. à cet égard les travaux du séminaire de Meknès, op.cit. 16
Idem
46
L’approche participative, considérée par le projet comme objectif spécifique,
devrait se dérouler selon trois phases : d’abord, un diagnostic participatif
associant les populations, les collectivités locales et les administrations
concernées (Administration forestière, Intérieur et Agriculture) ; puis
l’élaboration des plans d’aménagement et de contrats de gestion, et enfin, la
réalisation des investissements.
Le diagnostic participatif a été réalisé en trois étapes (Séminaire de Meknès,
op.cit.) :
Etape 1 : Information et communication. Cette étape s’est déroulée de façon
« top down » allant de la province, aux communes, aux fractions et puis aux
douars.
Etape 2 : Ateliers de concertation. Cette étape s’est déroulée selon une
trajectoire « bottom up », allant des douars modèles (douars représentatifs des
différentes fractions) aux fractions, puis aux communes, et enfin la Province.
Etape 3 : Finalisation/Priorités. Des ateliers ont été organisés à différents
niveaux pour hiérarchiser les attentes et les doléances des populations.
Un essai d’évaluation de l’approche participative dans le projet Ifrane a été tenté
par M.Allaoui (2008); il en ressort ce qui suit :
-des zones d’ombre concernant les modalités de mise en œuvre, notamment
« (…) la manière d’associer les populations bénéficiaires, les collectivités
locales et les administrations concernées, la façon dont on pourra élaborer des
plans d’aménagement et des contrats de gestion et de quelle manière tout cela
peut se matérialiser sur le terrain ».
-Inexistence d’un manuel de référence codifiant la mise en œuvre de l’approche
participative.
-Il ne semble pas opportun que des techniciens forestiers, par ailleurs chargés de
la répression des délits forestiers, fassent partie des équipes chargées de mettre
en œuvre l’approche participative.
-Le travail d’animation a été assuré par des techniciens et ingénieurs, alors qu’il
était plus opportun de le confier à des animateurs et animatrices préalablement
formés à l’approche participative.
-L’approche adoptée n’a pas été adaptée aux structures locales, afin de mieux
intégrer les fractions, dont le rôle est pourtant primordial en matière de gestion
des parcours collectifs.
-Le projet s’est heurté à des problèmes de gouvernance, dont en particulier les
insuffisances inhérentes aux processus de décentralisation et de déconcentration.
47
Au total, l’approche participative s’est heurtée à un « (…) double handicap : une
élaboration insuffisante dans le document du projet et une mise en œuvre
insuffisamment maitrisée » (Allaoui M., 2008)
3.2. L’initiation à la participation dans les plans d’aménagement des forêts
En sa qualité de maître d’ouvrage, la DREFLCD-MA confie l’élaboration des
plans d’aménagement à des bureaux d’études privés. Ces plans sont appliqués
pour une période de 24 ans.
Outre le contexte administratif, les caractéristiques climatiques, les données
d’inventaire et l’évaluation des potentialités de production d’un massif, un plan
d’aménagement présente une étude assez fouillée des paramètres socio-
économiques de la zone. De même, deux ateliers participatifs sont organisés : un
atelier de diagnostic participatif et un autre de validation17
.
De ces ateliers participatifs sont déduits des plans de gestion d’une durée de 24
ans. Un plan de gestion identifie les actions à mener chaque année, pendant
toute la durée du plan d’aménagement.
3.3. Le PDD : une démarche participative structurante
Récemment, une démarche novatrice et structurante a vu le jour : il s’agit de
l’élaboration des Plans de Développement des Douars (P.D.D.).
Les PDD s’apparentent à des agendas 21 locaux au niveau des douars, dont
l’objectif est d’aboutir à des plans de gestion concertée qui feront l’objet de
contrats entre l’administration et la population.
A titre d’illustration, l’examen du mode d’élaboration du PDD du Douar d’Aït
Bouziane nous aidera à évaluer la portée participative de la démarche.
La démarche participative réalisée dans le cadre de ce plan s’est déroulée en
quatre étapes (PDD d’Aït Bouziane) 18
:
-Etape 1 : C’est une étape préparatoire qui correspond au ciblage territorial et à la
collecte de données de base. Le choix de la zone d’intervention a, semble-t-il,
été dicté par le caractère litigieux de cette zone19
. Les données de base ont été 17
En sus du bureau d’étude chargé d’élaborer le plan d’aménagement, d’autres parties prenantes
prennent part à ce diagnostic : l’Administration forestière, les communes rurales concernées et
l’autorité locale. 18
Les informations contenues dans ce paragraphe sont reprises de : Plan de développement participatif
du douar d’Aït Bouziane, ainsi que des discussions avec les forestiers. 19 De l’aveu des forestiers ayant participé à l’élaboration du PDD d’Aït Bouziane, les populations
étaient très sceptiques au départ, les personnes verbalisées se tenaient loin du lieu de la rencontre par
crainte d’être arrêtées pour des délits forestiers qu’elles ont commis auparavant. La présence de
48
puisées dans le plan d’aménagement de la forêt Senoual, le RGPH 2004 et
l’étude PAGER 2002. Ces données concernent les aspects socioéconomiques et
les ressources naturelles (forêts, parcours, SAU) du terroir Aït Bouziane.
-Etape 2 : elle correspond à un premier passage qui a tenté de réaliser les taches
suivantes :
Informer les populations de la nécessité d’agir en partenariat.
Présenter l’approche participative rénovée par la démarche de
concertation- contractualisation.
Connaitre le milieu humain et les systèmes d’exploitation des ressources
naturelles au sein du douar.
Engager des discussions internes au sein du douar sur les problèmes posés
et les propositions pour les résoudre.
Incitation à l’organisation de la population à travers la création d’une
association.
A l’issue de cette étape, un listing des problèmes vécus par la population a été
établi, moyennant la technique de brainstorming. Ceux-ci comprennent des
problèmes forestiers (stricto sensu) (insuffisance des pistes forestières, besoins
en bois de feu, conflit avec les forestiers), pastoraux (sédentarisation dans la
montagne, insuffisances des chaumes et maladies du cheptel), agricoles
(limitation des terres agricoles, déficit d’eaux d’irrigation) et un déficit
d’infrastructures (école non équipée, dispensaire lointain, etc.).
-Etape 3 : elle correspond au deuxième passage, au cours duquel les équipes en
charge de l’élaboration du PDD ont tenté de réaliser les actions suivantes :
Identifier les besoins exprimés.
Inciter les populations à discuter et à choisir leurs priorités.
Désignation des membres de l’association du Douar.
femmes forestières animatrices dans l’équipe d’élaboration du PDD a contribué à rassurer les
populations qui, progressivement, se sont mises à rejoindre les discussions (témoignage d’un forestier
membre de l’équipe PDD d’Aït Bouziane).
49
Photo prise lors de l'élaboration du PDD d'Aït Bouziane
Afin d’organiser la participation de la population, une association fut créée
durant le deuxième passage de la commission de la DREFLCD-MA. Dirigée par
un bureau composé de 11 membres choisis parmi la population du Douar20
,
l’association créée (baptisée Association d’Aït Bouziane pour la protection et le
développement des ressources naturelles) se fixe les objectifs suivants :
-Jouer un rôle d’interface entre la population et l’administration ;
-Gérer et assurer le suivi des actions qui seront réalisées ;
-Collaborer avec les autres partenaires ;
-Défendre les intérêts du Douar ;
-Bénéficier de la compensation sur les périmètres forestiers mis en défens et des
produits de dépressage ;
-Porter des projets générateurs de revenus pour la population du Douar.
-Etape 4 : durant cette étape, un atelier est organisé afin de valider le programme
d’interventions retenues sur la base des propositions de la population et des
possibilités budgétaires.
20
Sur une liste de 11 personnes formant le bureau de l’association, le Président a été choisi
directement par les habitants du Douar, la répartition des taches entre les 10 membres restants s’est
faite par un tirage au sort.
50
La démarche PDD a été couronnée par l’adoption et la validation d’un
programme d’interventions hiérarchisé, composé de projets d’infrastructures et
équipements collectifs ainsi que de revendications socioéconomiques21
.
De l’avis des forestiers , le diagnostic participatif réalisé dans le douar d’Aït
Bouziane a surtout permis de réduire la méfiance, voire l’hostilité, des
populations à l’égard de l’administration forestière.
L’examen du processus d’élaboration du PDD d’Aït Bouziane permet de relever
les remarques suivantes :
-La démarche est intéressante et se compare, à bien des égards, à un agenda 21
local du douar : le document produit est un véritable programme d’actions, qui
peut être mobilisé pour tisser des liens avec d’autres partenaires (commune,
INDH, etc.).
-La démarche est de type « verticale », reliant l’Administration forestière et la
population et n’impliquant pas les autres parties prenantes concernées (services
techniques de l’Etat, commune rurale, autorité locale, etc.). Cela est d’autant
plus problématique que les problèmes inventoriés touchent des domaines variés,
étroitement liés à la gestion forestière22
.
-La démarche semble inachevée, dès lors qu’un système de suivi-évaluation des
actions programmées manque au processus.
- On note aussi une prédominance des actions d’infrastructures et d’équipements
collectifs par rapport aux AGR et la gestion des ressources naturelles.
En dépit de son caractère structurant, la démarche PDD semble « mise en
veilleuse », au profit de la contractualisation avec les associations sylvo-
pastorales.
21
Les actions validées sont :
-Aménagement de la piste Taaricht-Fallat sur 12 km ;
-Demande d’amnistie des poursuites judiciaires suite aux différents procès verbaux des délits de
coupes de bois de cèdre dressés par les agents forestiers à l’encontre des contrevenants ;
-Aménagement hydro-agricole par revêtement de la séguia Anzar Oufounass sur 2 km ;
-Intégration de davantage d’adhérents du douar d’Aït Bouziane à la coopérative des madrieurs ;
- Creusement de deux forages. 22
Pour pallier cette déficience, les forestiers transmettent aux autres acteurs les doléances, exprimées
par la population, qui n’ont pas un caractère forestier stricto sensu.
51
3.4. Contractualisation avec les associations sylvo-pastorales
L’approche participative est de plus en plus pratiquée à travers la
contractualisation avec les associations sylvo-pastorales représentatives des
populations.
Dans le cadre du projet Ifrane, 6 associations sylvo-pastorales furent créées. Les
responsables de certaines associations interviewés ont affirmé qu’au début, les
populations étaient sceptiques à l’idée de création d’associations. Pour dissiper
la méfiance des populations à l’égard des forestiers, ces derniers ont entrepris un
véritable travail d’ingénierie sociale (cas du secteur Senoual relevant du CCDRF
d’Aïn Leuh23
) pour initier le processus et amener les riverains à adhérer à la
démarche.
Fort vraisemblablement, l’octroi des compensations de mise en défens24
a
contribué à crédibiliser la démarche de contractualisation entre l’Administration
forestière et les populations. Les données recueillies sur terrain montrent, à cet
égard, que, désormais, ce sont les populations elles mêmes qui sollicitent les
Eaux et Forêts pour la création des associations sylvo pastorales.
C’est ainsi que dans l’aire de l’étude, cinq associations sylvo-pastorales furent
créées. Le tableau ci-après permet d’en décrire le profil.
23
L’on note ici surtout la tenue de plusieurs réunions informelles avec des personnes influentes des
douars ainsi que l’organisation des rencontres avec les populations. L’accumulation des délits, et des
amendes qui en découlent, peut aussi amener les populations à dialoguer et adhérer à la démarche. 24
Arrêté n°1855 du 21 mars 2002, B.O.5000 du 2-5-2002. Cet arrêté, entré en vigueur en 2005, fixe
les limites, conditions et modalités de demande et d’octroi de la compensation pour mises en défens du
domaine forestier à exploiter ou à régénérer. Cet arrêté fixe la valeur de la compensation annuelle à
250/DH/an pour un minimum de 300ha. Pour les forêts d’arganier, la compensation est fixée à 350
DH/an pour un minimum de 100 ha (arrêté du 1er juillet 2004, B.O. n°5248 du 16-9-2004).
52
Tableau IV.2: Profil des associations sylvo-pastorales dans l’aire de l’étude
Source : Entretiens avec les présidents des associations Asaa, Dada Moussa, Ichouaouen , Zaouia d’Ifrane et Aït Bouziane.
Association Date de
création
Machyakha Nbre
d’adhérents à la
date de création
Nbre
d’adhérents
aujourd’hui
Nbre de
femmes
adhérentes
Nbre d’élus
membres de
l’association
Association ASAA pour la
protection et la gestion des
ressources naturelles
22-12-2009 Aït Sidi
Moussa
40 102 - 1
Association Dada Moussa pour la
protection et la gestion des RN
13-12-2009 Aït Lias 60 100 25 -
Association Ichouaouen pour
l’environnement et l’agriculture
18 -01 2010 Ichouaouen 42 50 - 1
Association Zaouia Ifrane pour
la protection et la gestion des
ressources naturelles
28-02-2007 Zaouia
d’Ifrane
- - - 1
Association Aït Bouziane pour
la protection et le
développement des ressources
naturelles
- - - - - -
53
Ce tableau montre que le mouvement d’associations sylvo pastorales est jeune.
Les rangs de ces associations s’élargissent en un laps de temps réduit. C’est dire
que les populations commencent à prendre conscience des avantages que peut
leur procurer la gestion contractualisée.
Il importe ici de souligner la structuration novatrice de l’association Zaouia
d’Ifrane. Celle-ci est, en effet, gérée par un bureau issu d’un conseil
d’administration réunissant les quatre douars composant le terroir (à raison de
cinq personnes par douar) en plus des « nouabs » des terres collectives. Cette
structuration offre le mérite d’intégrer deux objectifs indissociables, à savoir la
sauvegarde du domaine forestier et la gestion des terres collectives.
Le bilan du processus de contractualisation peut être établi à l’aide du tableau ci-
après :
Tableau IV.3: Bilan du processus de contractualisation dans l’aire de l’étude
Associations et terroirs Contractualisation
Zaouia d’Ifrane Contrat signé (2007-2011)
Association Asaa Contacts avec le Parc en vue de la finalisation d’un
contrat
Association Dada Moussa Contrat en cours de finalisation. L’association a déposé
son dossier pour la perception de la compensation de
mise en défens.
Association Ichouaouen Créée pour être une association sylvo-pastorale, mais,
de par son statut, Ichouaouen est une association de
développement local ordinaire. Elle a été conseillée, au
niveau du Parc, d’amender son statut pour le rendre
compatible avec les missions d’une association sylvo-
pastorale.
Association Aït Bouziane Contrat en cours de finalisation Source : fait à partir des données issues des entretiens réalisés avec les responsables des associations et
au niveau du Parc national d’Ifrane.
Au niveau de toute la province, le nombre d’associations sylvo-
pastorales ayant signé des contrats avec l’Administration forestière est
de 6, correspondant à 1200 bénéficiaires.
Pour crédibiliser et rendre transparente la démarche de contractualisation, un
canevas-type de contrat a été élaboré.
54
Ce contrat a pour objectifs (art.1) de définir les rôles, les droits et devoirs de
chaque partie contractante pour :
-la gestion des ressources sylvo-pastorales et pastorales (droits d’accès, droits
d’usage, etc.) ;
-les actions concomitantes de développement agricole, humain ou économique
sur le terroir.
Les actions contenues dans le contrat du terroir de Zaouia d’Ifrane peuvent être
synthétisées à l’aide du tableau suivant (cf. Tableau).
Dans ses relations avec les associations sylvo-pastorales,
l’Administration forestière tente de mettre en place certaines pratiques
telles que :
-Compensation pour la mise en défens. Manifestement, la pratique de
mise en défens impose des manques à gagner aux populations péri
forestières puisqu’elle les prive d’une partie du massif forestier, sur
lequel elles ont des droits d’usage. L’Administration forestière rachète
ce droit d’usage aux ayant-droits, en contrepartie de 250 DH/ha, pour
une superficie minimale de 300ha, soit 75000 DH.
Au niveau de toute la province, les mises en défens couvrent une
superficie de 4751 ha25
, soit 1 187 750 DH versé à titre de compensation
de mise en défens.
Les mises en défens sont établies selon une double démarche : d’abord, en se
basant sur des critères techniques arrêtés par le plan d’aménagement, et puis, sur
la base de visites de terrains évaluant, en concertation avec la population
concernée, la faisabilité de délimitation des parcelles indiquées dans ledit plan.
L’objectif étant de tenir compte des exigences de mouvance des populations
dans le terroir (itinéraire du troupeau, accès aux points d’eau, etc.).
-Réalisation des opérations de dépressage (Nekkousse) : « C’est une
opération qui consiste à enlever les sujets surabondants, malades, mal
conformés dans un boisement trop dense. Il s’agit également de
diminuer les concurrences entre individus appartenant à l’espèce
25
DPEFLCD-IF.
55
dominante afin de favoriser la croissance des meilleurs sujets »26
. Au
lieu de lancer un marché de dépressage, c’est la population elle-même
qui réalise cette opération (préalablement préparée par les forestiers, et
encadrée par les associations des populations), en contrepartie de la
récolte du bois de chauffage et des ébranchages utilisés comme aliments
de bétails.
-Réalisation de certaines infrastructures collectives (pistes, points
d’eau, PMH, fertilisation des parcours collectifs, etc.), le soutien à
l’arboriculture ainsi que des actions de renforcement de capacités à
destination des associations27
.
L’approche contractuelle se caractérise donc par son aspect
intersectoriel et holistique : les actions retenues concernent le terroir
dans ses différentes dimensions (forestière, pastorale, agricole, etc.).
26
Benoît BERNARD, Quand des gestionnaires se mesurent, les indicateurs au centre de la gestion
forestière, L’Harmattan, 2006, p.214. 27 En dehors des contrats, on note aussi le lancement (et externalisation) des marchés de
gardiennage, à travers une mobilisation des riverains de la forêt moyennant une contrepartie
de 50 dh/jour. Un système de turn over est utilisé pour faire bénéficier le maximum de gens
de l’opération.
56
Tableau IV.4: Actions contenues dans le contrat de Zaouia d’Ifrane
Années Mises en défens Dépressage/
parcelles Fertilisation
des
parcours
collectifs
(ha)
Pistes
(km) PMH
(km) Am. sources
Puits
(nb) Arbres
fruitiers (Plants)
Renforcement
des capacités (jours/an)
Ha Subv. dhs
2007 373 93 250 60-61 200 4 1 _ 20
2008 373 93 250 53-54 400 3 1 1 2000 20
2009 373 93 250 63-68 400 3 4 1 2000 20
2010 373 93 250 56-57 400 3 1 2000 20
2011 373 93 250 64-66 400 10 1 2000 20
Source : fait à partir du contrat de Zaouia d’Ifrane. La présentation est inspirée de Mohammed Qarro, « Contractualisation dans le cadre de la
gestion et du développement durable des ressources naturelles », document inédit.
57
En plus des associations sylvo pastorales, les coopératives forestières sont des
structures d’encadrement et de participation de la population.
3.5. La contractualisation avec les coopératives forestières
A. Ibrahimi (1991) considère que si la coopération forestière puise ses racines
dans des traditions assez ancestrales et millénaires, la naissance du mouvement
coopératif remonte à la promulgation du dahir du 8 juin 1938.
Ces structures ont été consacrées par le dahir du 20 septembre 1976 relatif à
l’organisation de la participation de la population au développement de
l’économie forestière.
Aujourd’hui, les coopératives sont régies par la loi 24-83 fixant le statut général
des coopératives et les missions de l’Office de Développement de la
Coopération (ODECO). Ce texte définit la coopérative comme « un groupement
de personnes physiques qui conviennent de se réunir pour créer une entreprise
chargée de fournir, pour leur satisfaction exclusive, le produit ou le service dont
elles ont besoin… ». Aussi les coopératives sont-elles placées sous la tutelle de
l’ODECO et considérées comme « (…) des personnes morales jouissant de la
pleine capacité juridique et de l’autonomie financière ».
Le tableau suivant identifie les coopératives opérant dans l’aire de l’étude.
Tableau IV.5: Coopératives forestières dans l’aire de l’étude
Nom Capital en DH Adhérents Unité
territoriale
Activité Contrat-
programme
Bucherons-
charbonniers
2 200,00 50 Province
d’Ifrane
Exploitation
de bois de feu
9/2005
Bucherons-
madrieurs
6 400,00 68 Province
d’Ifrane
Exploitation
de bois
d’œuvre
8/2005
Dayet Aoua pour le
développement et
l’environnement de
la province d’Ifrane
--- 11 Province
d’Ifrane
Exploitation
de produits
secondaires
(lichens)
22/2007
AL Azhar 30 000,00 C.R.Oued
Ifrane
Apiculture
Aït Lyass* Capital projeté :
500 DH par
coopérateur,
soit 139 000,00
DH.
278 C.R.Oued
Ifrane
Exploitation
du bois de
cèdre, chêne
vert et
produits
secondaires
* : coopérative en cours de création.
Source : Fait à partir des données de l’Office de Développement de la Coopération, Meknès
58
L’aire de l’étude compte cinq coopératives, dont une en cours de création. Au
niveau de toute la province, le secteur coopératif forestier souffre de divers
dysfonctionnements, limitant amplement sa contribution au développement
local. La réforme engagée en 2004 n’a eu que des résultats mitigés. Afin de
dépasser ses écueils, le secteur entame une phase de restructuration.
-Diagnostic
Selon un rapport de l’ODECO28
, issu d’une mission de terrain effectuée en avril
2009, les principaux maux qui caractérisent les coopératives forestières dans la
province d’Ifrane peuvent être résumés comme suit :
-La plupart des coopératives ne tiennent pas leur assemblée générale dans les
délais réglementaires ;
-Le dépôt obligatoire des documents de fin d’année (rapports financier et moral,
rapport du commissaire aux comptes, procès verbal de l’assemblée générale
annuelle) auprès du greffier du tribunal de première instance et du fisc n’est pas
effectué ;
-Les registres réglementaires tels que les procès verbaux des assemblées
générales annuelles, registre des réunions du conseil d’administration, registre
du patrimoine, etc. ne sont pas tenus ;
-Les gestionnaires des coopératives sont handicapés par leur bas niveau de
formation et la non maîtrise des outils de gestion ;
-La plupart des coopératives souffre de difficultés de financement ;
-La plupart des coopératives n’élabore pas de projets de budgets au cours des
assemblées générales annuelles ;
-La plupart des coopératives ne dispose pas de plan d’action écrit ;
-Chaque coopérative exerce une seule activité, sans aucune diversification de la
production ;
28
ODECO, Rapport concernant l’opération de mise à niveau des coopératives forestières dans la
province d’Ifrane, document inédit, ODECO-Meknès-Tafilalet, 2009. Nous nous inspirons largement
ici de ce document.
59
En outre, des informations collectées par nos soins mettent en évidence d’autres
dysfonctionnements tels que :
- La non constitution des fonds de réserves, une obligation légale que les
coopératives doivent respecter ; les réserves cumulées sont même parfois
distribuées sous forme de revenus.
-La faiblesse, sinon l’absence, d’investissements en matière d’acquisitions des
équipements d’exploitation forestière.
-Le recours, parfois, à une main d’œuvre n’appartenant pas à la coopérative
concernée.
-Le recours, parfois, aux exploitants forestiers pour la sous-traitance d’une partie
des travaux et/ou pour lever la part du prix de marché acquittée en espèces.
Ces dysfonctionnements, et bien d’autres, ont paralysé le secteur. L’exemple de
la coopérative des bucherons de la province d’Ifrane est éloquent à cet égard. En
effet, cette coopérative, qui date de 1958, a connu une période glorieuse jusqu’à
2007, date à partir de laquelle elle est entrée en léthargie.
Jadis ladite coopérative bénéficiait, en moyenne, d’un marché par 12 ou 18
mois. Le revenu moyen par adhérent était d’environ 1500Dhs par mois29
.
Aujourd’hui, la coopérative est endettée (presque 1.000.000Dhs) et les
responsables interviewés estiment qu’il faut au moins trois marchés de coupe
pour lui permettre de financer ses arriérés.
-Réforme
La DREFLCD-MA engagea, en 2004, une réforme des coopératives forestières.
Dans ce cadre, 24 contrats-programmes, couvrant la période 2005-2008, ont été
signés avec les coopératives forestières de la région pour un montant de 29,8
millions de Dhs.
L’objectif spécifique affiché par les contrats est la professionnalisation
progressive des coopératives. Cet objectif est sous-tendu par une stratégie
29
Ce chiffre, avancé par le directeur de la coopérative des madrieurs d’Ifrane, concorde parfaitement avec celui
donné par Abderahim HOUMY, « Le développement durable, du concept aux projets opérationnels »,
Conférence présentée au Salon international de l’agriculture de Meknès, 1er mai 2010. Selon ce
dernier, le revenu moyen serait de 1500 Dh/ménage/mois dans le cas des coopératives des madrieurs
du cèdre au Moyen Atlas.
60
d’intervention consistant à faire des coopératives des structures de participation
de la population au développement forestier.
Le principal outil de réforme étant la suppression de la situation de rente, dont
bénéficiaient les coopératives, à travers des prix de cession des coupes de bois
déterminés par adjudication publique et reflétant le fonctionnement du marché.
De plus, la structure du prix est scindée en deux composantes : 25% en espèces
et 75% en prestations telles que gardiennage, entretien des pistes, aménagement
de points d’eau, travaux d’élagage, etc.
Au-delà de l’aspect réglementaire de cette structuration30
, le procédé a contribué
à atténuer les plaintes des différents partenaires (entreprises d’exploitation
forestière, notamment).
L’évaluation, par la DREFLCD-MA, du dispositif contractuel a permis de
mettre en évidence les forces/faiblesses ainsi que les opportunités/menaces de la
réforme31
. L’objectif étant de capitaliser les acquis et de recadrer la vision du
HCEFLCD-MA en matière de développement forestier participatif.
Sur le plan méthodologique, l’exercice d’évaluation s’est basé sur l’examen de
douze contrats programmes, moyennant dix critères d’évaluation (pertinence,
efficacité, efficience, impact, participation et satisfaction, durabilité, technicité
et professionnalisme, coordination et complémentarité, cohérence) déclinés en
dix questions d’évaluation32
.
-Restructuration
La restructuration du mouvement coopératif dans l’aire de l’étude revêt deux
formes : la création, en cours, de la coopérative d’Aït Lyass et la fusion des
coopératives des madrieurs/charbonniers.
La création de la coopérative d’Aït Lyass est surtout conçue comme un moyen
de prévenir la délinquance en forêt. La non adhésion des ayants-droits
30
Selon certaines communes rurales concernées, cette structuration bat en brèche une des dispositions
du dahir du 20 septembre 1976, amendée par la loi des finances 2009, selon laquelle 80% des recettes
forestières doivent revenir aux communes rurales concernées et les 20% restants au FNF. Afin de
dissiper au moins partiellement cette critique, le prix du marché est, actuellement, scindé en deux
composantes : 60% en espèces et 40% sous forme de prestations. 31
Voir CODEFOR, Rapport d’évaluation de l’impact des contrats programmes en partenariat entre
les coopératives forestières et la DREFLCD-MA, Rapport final 2009. Nous y reviendrons
ultérieurement. 32
CODEFOR, op.cit
61
originaires d’Aït Lyass à la coopérative des madrieurs ainsi que l’aggravation
des délits dans la forêt Senoual sont, semble-t-il, les causes directes de cette
initiative.
Cette coopérative comptera, selon une liste remise à la DPEFLCD-IF, 278
adhérents, appartenant à toutes les fractions de tribus riveraines de la forêt
Senoual. Son domaine d’activité est l’exploitation du bois de cèdre, chêne vert et
autres produits secondaires. La phase pré-création de cette coopérative s’est
caractérisée par d’intenses agitations, comme en témoigne la délicate opération
d’arrêter la liste des adhérents. Au-delà de l’aspect réglementaire, cette
opération traduit les enjeux liés à la nouvelle structure en gestation.
Par ailleurs, les coopératives des madrieurs/charbonniers envisagent de
fusionner en une seule structure, comptant 70 adhérents. Cela permettra
vraisemblablement de faire sortir le mouvement coopératif de sa léthargie et de
lui insuffler une nouvelle dynamique. Cela est d’autant plus probable que
l’instauration d’une nouvelle règle d’attribution des marchés (60% espèces et
40% prestations) motivera davantage la commune pour œuvrer dans ce sens.
En dépit des problèmes auxquels elles se heurtent, les coopératives peuvent
s’ériger en composante majeure de l’économie forestière et contribuer
considérablement à la promotion de la participation de la population.
Au total, l’examen du système de partenariat engagé avec les associations
sylvo-pastorales selon un processus de contractualisation permet de mettre en
évidence les résultats suivants :
-Même si le concept est jeune et son ampleur est encore modeste, le partenariat
prend son chemin, grâce notamment à aux efforts consentis par les forestiers
pour initier le processus de contractualisation.
- L’approche est de type « vertical », reliant les associations sylvo-pastorales et
les coopératives d’un côté, et l’administration forestière de l’autre côté. Une
nouvelle gouvernance forestière requiert la mise en place d’un cadre de
négociation adéquat permettant une implication de toutes les parties prenantes à
la gestion forestière (collectivités locales, services extérieurs, etc.). Une meilleure
articulation entre les pratiques participatives, la décentralisation et la
déconcentration reste à créer.
- La démarche s’apparente à un arrangement coopératif, cristallisé par les
compensations de mise en défens (associations pastorales) et motivé par la
62
volonté de contenir la délinquance forestière (coopératives) .Son renforcement
requiert des ajustements pour faire face à certaines insuffisances telles
que l’inexistence d’un manuel de procédures codifiant la démarche, la
standardisation des contrats, et l’absence de mécanismes de suivi-évaluation et
d’arbitrage.
63
V. Evaluation de l’approche participative dans le domaine forestier
1. Grille d’évaluation
Un des défis majeurs de l’approche participative est de concevoir et mettre en
place un système de suivi-évaluation permettant de mettre en évidence l’impact
de la démarche. Un tel système servirait de référentiel pour une amélioration
continue du processus participatif.
L’approche méthodologique d’évaluation du processus décisionnel participatif
requiert d’examiner la nature de ce processus, ses impacts à proprement parler
ainsi que les interactions avec le contexte institutionnel dans lequel il s’insère.
Comme le souligne S.van den Hove (2002), les approches participatives
engendrent trois types d’effets potentiels: des effets substantifs, des effets
procéduraux et des effets contextuels.
Types d’effets Dimensions décisionnelles
Effets substantifs Résultat de la prise de décision et qualité de celle-ci
Effets procéduraux Procédure décisionnelle, indépendamment de
l’incidence sur le résultat
Effets contextuels Contexte social dans lequel s’inscrit le processus
décisionnel Source : fait à partir de S.van den Hove (2002)
Les approches participatives peuvent être évaluées à la une de critères
spécifiques, adaptés à chaque type d’effets. En matière d’évaluation des projets
de développement forestier, les objectifs affichés servent également à fournir
des critères d’évaluation. Dans le cas du projet Khénifra, par exemple, les
critères d’évaluation retenus sont au nombre de sept : pertinence, efficacité,
efficience, impact, durabilité, cohérence/complémentarité, valeur ajoutée
communautaire. De même, l’évaluation de l’impact des contrats programmes
liant les coopératives forestières et la DREFLCD-MA (2005-2008) s’est basée
sur la mobilisation des critères suivants : pertinence, efficacité, efficience,
impact, participation et satisfaction, durabilité, et technicité et
professionnalisme.
En retenant l’architecture d’ensemble proposée par S.van den Hove, une grille
d’évaluation des approches participatives forestières a été élaborée par un va-et-
vient entre les enseignements de la littérature en la matière et les résultats des
entretiens réalisés dans l’aire de l’étude. L’exercice d’évaluation a consisté à
décliner les douze critères retenus par des questions d’évaluation.
64
Tableau V.1 : Grille d’évaluation des approches participatives forestières
Types d’effets Critères et indicateurs Mesure et appréciation
Eff
ets
pro
céd
ura
ux
- Degré d’implication et pouvoir d’influence des différentes
parties prenantes dans le processus décisionnel
-Implication des stakeholders aux différentes étapes du processus décisionnel. Le processus
décisionnel permet-il de réduire l’asymétrie concernant le pouvoir d’influence et de décision ?
-Degré d’interactivité Qualité des débats, négociation et concertation
- Supports et méthodes de communication et d’animation utilisés Langue, brainstorming, cartes, diapo-langage, tableau-image, MARP, etc.
Eff
ets
sub
sta
nti
fs
-Coûts des interventions La démarche permet-t-elle de réaliser des économies (gardiennage, exploitation, etc.) ?
-Degré d’intégration des décisions Qualité des décisions prises (sectorielles, transversales, etc.)
-Degré d’atteinte des objectifs prévus par les contrats conclus avec
les associations sylvo-pastorales et les coopératives forestières
Dépressage+ Fertilisation des parcours+Pistes+points d’eau+Arbres fruitiers+Aménagement des
PMH+Renforcement des capacités
--Conditions de vie des populations - Revenus supplémentaires générés par les actions contenues dans les contrats (compensation,
notamment).
-Adéquation, qualité et entretien des infrastructures et équipements socioéconomiques produits
(pistes, points d’eau, PMH, etc.).
-Création d’AGR et des opportunités d’emploi
-Intégration de l’approche genre La démarche permet-t-elle d’améliorer l’intensité de la participation féminine et les conditions des
femmes ?
-Niveau de préservation des écosystèmes forestiers Préservation des parcelles mises en défens +autres parcelles des massifs
Eff
ets
con
tex
tuel
s
-Capacités d’auto-planification des populations -Le processus participatif permet-il de renforcer les compétences des populations et les capacités
d’action collective ?
-Gouvernance au niveau local Confiance des acteurs dans les institutions, mobilisation d’autres partenaires, récupération du
processus
-Durabilité des résultats -Les conditions institutionnelles, réglementaires et socioéconomiques sont elles réunies pour inscrire
la démarche dans la durée ?
Source : Elaboré par les membres de l’équipe.
65
2. Test de la grille
L’ambition de cet exercice est de mesurer, ou du moins d’apprécier le plus
objectivement possible, les effets de l’approche participative en matière de
gestion forestière dans le cas de la commune rurale Oued Ifrane. Le contexte de
l’étude impose, toutefois, des contraintes non négligeables à la démarche
d’évaluation. Sans renoncer aux exigences méthodologiques de l’évaluation, le
test de la grille tente de prendre en considération de telles contraintes. A cet
égard, cinq précisions sont au préalable nécessaires :
- L’absence d’un système d’information fiable, évolutif et intégré, permettant de
rendre compte du processus participatif dans toutes ses étapes. La grille, aussi
importante soit-elle, reste un outil largement perfectible en fonction de
l’information disponible. Ses critères et indicateurs seront mis à l’épreuve, à
travers notamment des informations qualitatives, issues de la documentation
disponible, des témoignages des différents acteurs et des observations de terrain.
-L’évaluation qu’il est possible de faire, au regard des critères proposés, diffère
selon que l’on se situe du côté de l’un ou de l’autre des acteurs gravitant autour
de la forêt. Ainsi, par exemple, pour les forestiers, les associations et les
coopératives auront atteint leur objectif si la délinquance forestière baisse et,
par conséquent, le niveau de préservation des écosystèmes forestiers s’améliore.
Dans l’optique de ces structures, en revanche, le critère fondamental
d’appréciation du processus participatif est, incontestablement, les revenus
additifs qui y sont générés. Eu regard à la logique de la grille, les critères
retenus renvoient aux objectifs du développement humain et durable, qui
insistent tout aussi sur le développement humain des espaces forestiers et péri
forestiers, que sur la préservation des écosystèmes forestiers. Pour s’inscrire
dans la logique de la grille, nous avons procédé à un croisement des données,
tant quantitatives que qualitatives, fournies par les différents acteurs.
-Le processus à évaluer est encore jeune, et l’on ne dispose pas du recul
nécessaire pour tester tous les paliers de la grille, bien que les prémisses de
certaines dynamiques puissent d’ores et déjà être décelées. Bien des aspects
méritent, pour être finement appréciés, des enquêtes qualitatives « panels »
s’étalant sur une durée assez longue.
-La stratification de la grille en trois paliers ne doit pas occulter les interactions
existant entre eux. Ainsi, par exemple, le degré d’implication des différentes
66
parties prenantes influence-il l’acceptabilité des actions engagées et, par
conséquent, le coût des interventions.
-La période de référence par rapport à laquelle les évolutions sont constatées et
évaluées se situe globalement en 2005, date d’entrée en vigueur de la
contractualisation entre l’administration forestière d’une part et les coopératives
forestières et les associations pastorales d’autre part. Pour le palier procédural,
cependant, l’évaluation prend appui sur des formes plus récentes de
participation (PDD d’Aït Bouziane élaboré en 2009, notamment).
Ces précisions étant faites, il importe à présent de tester la grille d’évaluation au
niveau de l’aire de l’étude. Ce test se fera selon trois paliers, dont chacun
renvoie à une dimension du processus participatif : effets procéduraux, effets
substantifs et effets contextuels. Et, à l’intérieur de chaque palier, l’évaluation
s’appuiera sur les critères identifiés.
2.1- Effets procéduraux
Degré d’implication et pouvoir d’influence des différentes parties prenantes
dans le processus décisionnel
Ce critère peut être saisi à travers l’examen des rôles des différents stakeholders
dans les différentes phases du processus participatif. Le tableau ci-après tente de
rendre compte de cet aspect.
Tableau V.2: Rôle des stakeholders dans les différentes phases du processus
participatif
Phases du processus participatif
Parties
prenantes
Phase
préparatoire
Diagnostic
participatif
Planification Mise en
œuvre
Suivi et
évaluation
Administration
forestière
Déterminant Déterminant
Déterminant Déterminant Moyenne
Population Moyenne Déterminant Déterminant Moyenne Marginal
Associations
pastorales
et coopératives
Moyenne
Marginal
Marginal
Déterminant
Marginal
Commune
rurale
Marginal Marginal Marginal Marginal Marginal
Services
extérieurs
Marginal Marginal Marginal Marginal Marginal
Source : Inspiré de Les approches participatives au Maroc, op.cit.
67
Il apparaît à la lecture de ce tableau, qu’hormis l’Administration forestière,
aucune partie prenante n’est impliquée dans toutes les phases du processus
décisionnel. Son rôle est tel qu’elle décide du timing, des modalités et des
acteurs devant prendre part à ce processus. En outre, la participation des seules
populations, se limite aux phases de diagnostic, planification et, au mieux, mise
en œuvre. La non participation des populations au suivi-évaluation risque de
décrédibiliser le processus et de lui ôter son caractère itératif et cumulatif.
Par ailleurs, les associations et coopératives n’interviennent très souvent de
façon déterminante que dans la phase de mise en œuvre, dès lors que le
processus de contractualisation demeure marqué par une forte asymétrie au
profit de l’Administration forestière33
.
Il importe ici de souligner que le PDD, correctement mené, pourrait permettre de
faire coïncider le rôle et le statut de chaque acteur en matière de gouvernance
forestière. Comme nous l’avons montré pour le cas d’Aït Bouziane, ce processus
revêt, en effet, un contenu fortement participatif ; d’où la nécessité impérieuse
de le réhabiliter et le pratiquer à une échelle plus large, selon des normes de
standards reconnus en la matière.
Degré d’interactivité
Le degré d’interactivité renvoie à l’échange d’informations durant le processus.
Plus l’échange est bidirectionnel, plus l’interaction est fructueuse. A cet égard, il
est frappant de constater l’homogénéité des contrats conclus avec les
associations pastorales au niveau de toute la province. Ils sont rédigés selon le
même canevas et ne comportent que très peu de différences (surface mise en
défens, par exemple). Cela dénote de l’absence des débats et négociations lors
de la conclusion de ces contrats.
S’agissant des coopératives, « leur adhésion dans la programmation des actions
des contrats (signés entre 2005 et 2008) semble n’a pas été concertée »
(CODEFOR, p.32) .En particulier, les actions de prestations de services (travaux
forestiers) contenues dans les contrats programmes ne semblent pas pertinentes
au regard des besoins des coopératives dont la logique reste cantonnée à
l’exploitation forestière. D’une certaine façon, les coopératives « se sont vues
astreintes à accepter ce type de contrat pour en pouvoir accéder aux lots
d’exploitation » (CODEFOR, p.53).
33
Cf. Critère suivant, degré d’interactivité.
68
Plus qu’une véritable approche participative, le processus se réduit à une
consultation ponctuelle avec les associations pastorales et les coopératives
forestières.
Supports et méthodes de communication et d’animation utilisés
Sans réduire le processus participatif à son aspect technique, les supports et
méthodes de communication et d’animation constituent des outils fondamentaux
pour la réussite de la démarche. De tous les outils connus en la matière, le
brainstorming est le plus utilisé (animation des AGR et élaboration du PDD).
En outre, l’Amazigh est la langue essentielle utilisée pour communiquer avec la
population et animer le processus participatif. Une diversification et adaptation
des outils s’avèrent donc nécessaire pour promouvoir la démarche participative.
2.2-Effets substantifs
Coûts des interventions
En principe, l’approche participative favorise l’acceptabilité des actions et
projets retenus. Dans le domaine forestier, les propos recueillis sur terrain
montrent que la démarche permet de réaliser des économies non négligeables. Il
en est ainsi, par exemple, du coût inhérent aux clôtures délimitant les superficies
mises en défens : ces clôtures34
pourraient être délaissées si la relation qui
s’établit entre les forestiers et la population est marquée par la confiance
mutuelle. De même, les oppositions des populations aux opérations de martelage
entravent les opérations d’exploitation forestière et, en conséquence, toutes les
retombées sur le développement local (recettes forestières, opportunités
d’emploi, etc.).
Degré d’intégration des décisions
La décision prise dans le cadre du processus participatif prend, certes, en compte
la dimension sociale des espaces forestiers et péri forestiers. Elle tend, en cela, à
verser dans les objectifs du plan décennal 2005-2014, visant, entre autres, à
améliorer la situation socioéconomique de ces espaces. L’approche, cependant,
loin d’être territoriale et intégrée, demeure foncièrement sectorielle. Trois
raisons permettent d’appuyer ce propos :
34
1 km de fer barbelés utilisés pour établir des clôtures coûte environ 35.000DH.
69
-Comme nous l’avons déjà constaté, la démarche est de type « verticale »,
associant uniquement les populations et le HCEFLCD ; la commune rurale et les
services déconcentrés n’y sont pas associés35
. Il est évident que l’intégration
requiert une « transversalité » de la démarche.
-Les contrats conclus, ainsi que le PDD d’Aït Bouziane, ne contiennent que des
« mesures facilitatrices », qui ne couvrent pas l’ensemble des composantes des
terroirs, conçus comme espaces de vie des communautés forestières. Les actions
déterminantes pour la réduction de la pauvreté et l’amélioration du
développement humain (AGR, santé, éducation) n’y figurent pas.
-La fin du projet Ifrane a entrainé un repli sur la logique sectorielle. En effet, ce
projet, comme tous les projets intégrés de développement forestier, se
caractérise par une autonomie financière (compte hors budget), lui permettant de
s’affranchir des règles de finances publiques. C’est précisément cette autonomie
qui entrave l’application, à grande échelle, de l’approche développée par le
projet.
Degré d’atteinte des objectifs prévus par les contrats.
Les contrats conclus entre les associations pastorales et la DPEFLCD-IF fixent
des objectifs précis pour les différentes actions qui y sont prévues
(compensation de mise en défens, dépressage, fertilisation des parcours, pistes,
PMH, sources d’eau et puits, arbres fruitiers et formation).
D’une manière générale, hormis la compensation de mise en défens, la mise en
œuvre des autres actions a connu un certain « relâchement » à partir de la fin du
projet Ifrane en 2008. Le caractère épars des informations dont nous disposons
n’a permis d’évaluer que certaines actions :
-Compensation de mise en défens. Une compensation annuelle de 93.250 DH,
calculée sur la base de 250 DH/an pour 373 ha mis en défens, a été versée à
ladite association pour les années 2007 et 2008. Pour l’année 2009, la
compensation n’a pas été versée en raison du non achèvement du reboisement :
la superficie à mettre en défens tombe en dessous de l’assiette minimale exigée
(300 ha). La DPEFLCD, à travers le programme d’emploi qui lui est
préalablement soumis avec la demande de compensation, fait en sorte que les
35 Lors de l’élaboration du PDD d’Aït Bouziane, et afin de pallier cette déficience, les forestiers ont
transmis aux autres acteurs (services déconcentrés, commune rurale) les doléances, exprimées par la
population, qui n’ont pas un caractère forestier stricto sensu.
70
fonds versés soient surtout utilisés pour le financement des projets collectifs
(achat d’aliments de bétail, aménagement des points d’eau, etc.), susceptibles de
créer une dynamique de développement local. Par ailleurs, certaines
communautés, dominant des aires d’usages forestières inférieures à l’assiette
forestière minimale exigée (300 ha), ne peuvent accéder à la compensation. En
outre, et comme le remarque A. Herzenni, « (…) même lorsque ces aires sont
contiguës, il n’et pas tenu compte du poids des coûts de transaction nécessaires
aux communautés pour qu’elles arrivent à constituer entre elles l’assiette
minimale exigée, si tant est qu’elles y réussissent. » (A. Herzenni, 2008).
-Dépressage. Après l’absence de ce type d’actions en 2009, une opération est en
cours pour l’année 2010. L’opération se déroule avec l’encadrement technique
des forestiers et la mobilisation active des associations.
Nous ne disposons pas de données sur le prélèvement de bois de chauffage et de
feuillage pour le batail résultant des opérations de dépressage. Mais ces
prélèvements ont été estimés, dans le cadre du projet Ifrane, à 3,33
tonnes/ménage/an36
.
Il importe ici de faire remarquer que les ayants-droits citadins, mieux équipés
en moyens logistiques et de transports, s’accaparent l’essentiel du bois prélevé,
au détriment des populations forestières et péri forestières. Pour ces populations,
le coût du dépressage tend parfois à dépasser ses gains !
-Arbres fruitiers et PMH. La fin du projet Ifrane marque aussi la fin de
l’intervention de la DPA en matière de boisement des terres privées et
d’aménagement de la PMH. En effet, le projet Ifrane, comme tous les projets
intégrés de développement forestier, se caractérise par une autonomie financière
(compte hors budget), lui permettant de s’affranchir des règles de finances
publiques. C’est précisément cette autonomie qui entrave l’application de
l’approche développée par le projet à grande échelle.
Cela montre, encore une fois, que la forêt ne peut pas être l’affaire d’un seul
acteur institutionnel ; comme dans les projets intégrés, toutes les parties
prenantes doivent trouver une place dans le dispositif de gestion.
-Renforcement de capacités. Le Parc national d’Ifrane organise annuellement
des sessions de formation (20 jours par an) au profit des associations en vue de
renforcer leurs compétences entrepreneuriales. Dans ce cadre, quatre modules de
36
FFEM, Synthèse de l’évaluation finale du projet Ifrane, avril 2010, p.10.
71
formation sont dispensés : techniques de gestion associative, identification et
montage des projets, gestion et développement des AGR par filière, et
élaboration des business plan.
Ce sont les associations elles-mêmes qui désignent les personnes bénéficiaires
de ces formations, ce qui se traduit par un problème de « roulement » : le
changement incessant des formés ne favorise pas l’accumulation des savoir-faire
et compétences nécessaires à la professionnalisation des associations.
Par ailleurs, « la mise en œuvre des contrats programmes (conclus avec les
coopératives) suscite beaucoup de discussion vu que les structures d’exécution
ont fait de sorte que les contrats ont été réalisés malgré les difficultés
rencontrées sur le terrain. Certaines tâches concernant une activité précise dans
le contrat (ex : gardiennage) ont été transformées à une autre activité dont les
unités forestières ont trouvé un besoin sans se rendre compte ou parce qu’elles
n’ont pas pu le définir catégoriquement dans le contrat (ex : l’opération de
martelage) » (CODEFOR, 2009, p.38). Parmi les problèmes rencontrés lors de
la réalisation des contrats, l’on note en particulier les retards dans l’exécution de
certaines actions et les difficultés éprouvées par les coopérateurs pour
l’exécution de certaines actions (ouverture des pistes, par exemple).
D’ailleurs, « le suivi des actions du contrat programme ne répond pas à des
normes (cahiers des charges et spécifications des travaux) », et « aucun
programme de monitoring des résultats n’a été mis en place.. » (CODEFOR,
2009, p.39). C’est dire que l’atteinte globale des objectifs des contrats ne doit
pas occulter l’aspect qualitatif des réalisations37
.
Impact sur les conditions de vie des populations
-Revenus additifs générés. Il s’agit des revenus générés par la compensation de
mise en défens, ainsi que de ceux liés à l’activité coopérative.
S’agissant du premier type de revenus, les données disponibles montrent que la
compensation génère une valeur annuelle moyenne proche de 20 millions de
dirhams, permettant un revenu additif de 2000 DH/an et par ménage
(HCEFLCD, 2007). A cette valeur vient s’ajouter un revenu non-monétaire issu
du prélèvement des produits de dépressage (bois de chauffage et aliments de
bétail). Les revenus issus de l’activité des coopératives, quant à eux, varient au
gré de l’activité de ces dernières. Comme nous l’avons précédemment indiqué,
37
Voir Infra, adéquation et qualité des infrastructures et équipements socioéconomiques réalisés.
72
en période d’activité normale, le revenu moyen par adhérent est d’environ 1500
DH par mois.
-Adéquation et qualité des infrastructures et équipements socio-économiques
produits.
Les actions relatives à la réalisation des pistes et des points d’eau permettent de
donner un éclairage sur ce critère :
- Pistes. Leur réalisation se fait dans le cadre du programme annuel régional, qui
représente une déclinaison territoriale du plan décennal 2005-2010. Elles sont
aménagées pour être multi usages (usages forestiers et désenclavement des
populations). En dépit de leur entretien qui se fait chaque quatre ans, leur qualité
laisse souvent à désirer.
-Points d’eau. L’expérience menée dans le cadre du projet Ifrane (avec la
participation de la DPA, notamment) montre que l’aménagement des points
d’eau s’est traduit par l’intensification du surpâturage autour de ces points ; d’où
la nécessité d’aménager ces points à l’extérieur de la forêt et de tenir compte de
l’équilibre entre capacité fourragère et ressources en eau.
Les tâches confiées aux coopératives, quant à elles, touchent à bon nombre
d’aspects de développement forestier (gardiennage, réalisation et entretien des
tranchées par feu, reboisement, ouverture des pistes, etc.). Certaines de ces
tâches, ne demandant aucune qualification (guetteurs d’incendie, par exemple)
ont été réalisées aisément ; en revanche, les tâches qualifiantes, exigeant un
certain professionnalisme et des investissements (ouvertures des pistes, par
exemple) laissaient beaucoup à désirer. Les contrats ne spécifiaient d’ailleurs
pas de normes techniques à respecter et il n’y a pas eu de renforcement de
capacités des coopérateurs pour la réalisation de telles actions (CODEFOR,
2009).
Les propos recueillis sur terrain montrent que, devant l’incapacité de réaliser
certaines taches qualifiantes, certaines coopératives tendent à les sous-traiter à
des entrepreneurs privés (exploitations forestiers, entres autres), ce qui se traduit
par un manque à gagner voire des pertes non négligeables pour ces coopératives.
73
-Création d’AGR et des opportunités d’emploi.
Selon la définition proposée par l’INDH, « une AGR est une activité qui consiste
à produire des biens ou des services et/ou à transformer des produits en vue de
les vendre »38
.
Les associations sylvo-pastorales et les coopératives forestières peuvent
présenter des projets AGR finançables dans le cadre de la convergence INDH-
HCEFLCD. Le tableau ci-après présente un inventaire des projets sélectionnés
en 2010 dans la commune rurale Oued Ifrane.
Tableau V.3: Les AGR sélectionnées dans le cadre de l’INDH, C.R.Oued Ifrane
(2010)
Source : La DAS, Province d’Ifrane.
Il est à signaler que la création des AGR suit le même circuit que celui
en vigueur dans l’INDH : le même manuel de procédures est utilisé pour
codifier le processus.
Les données collectées auprès de la DAS d’Ifrane montrent que, pour
l’année 2010, aucun projet n’a bénéficié du financement. Cela tient à
diverses raisons : les projets d’élevage des ovins ont été déclinés en 38
INDH, Manuel de procédures des activités génératrices de revenus, p.14.
Association ou
coopérative
Nature de
l’activité
Nombre des
bénéficiaires
Montant
Global Remarques
Jeunes
promoteurs (2
licenciés+un
technicien en
électricité
Atelier
d’électricité
automobile et
de bâtiment
3 65 000 Les bénéficiaires n’ont pas
présenté leur contribution (30%
du montant global)
Coopérative Al
Azhar
Apiculture 8 65 000 Les bénéficiaires n’ont pas
présenté leur contribution (30%
du montant global) Association
Zaouiat Ifrane
pour le
développement et
l’environnement
Apiculture 4 65 000 Les bénéficiaires n’ont pas
présenté leur contribution (30%
du montant global)
Association
Dadda Moussa
Elevage ovins 20 50 000 Non retenu : (la pression sur la
foret, difficulté de gestion
collective du projet…) Association
Assaa
Elevage des
ovins
10 65 000 Non retenu : (la pression sur la
foret, difficulté de gestion
collective du projet…)
74
raison de leurs effets potentiels néfastes en termes de surpâturage. Les
autres projets, quant à eux, ont été jugés pertinents et validés, mais les
porteurs des projets n’étaient en mesure de mobiliser leur contribution,
fixée par le manuel de procédures à 30% du coût global de l’AGR39
.
Même si cette disposition est de nature à responsabiliser davantage les
porteurs des projets, elle risque, néanmoins, d’handicaper sérieusement
la mise en œuvre des AGR car nombreux sont ceux qui sont dans des
situations précaires.
Il faut aussi faire remarquer que cette démarche n’est pas appropriée
pour les projets portés par les individus. Un dispositif
d’accompagnement et de financement, dédié à la promotion de
l’entrepreneuriat rural, s’avère nécessaire pour favoriser la création
d’emploi et, par là-même, délester la pression qui s’exerce sur les
ressources naturelles.
Intégration de l’approche genre.
Le terme « genre » renvoie aux « rôles et aux comportements sociaux
associés aux femmes et aux hommes ainsi qu’aux attentes de la société
envers eux ». (Banque mondiale, 2003).
L’intégration de l’approche genre dans le processus participatif renvoie,
quant à elle, à deux aspects : celui de l’intensité de l’intervention des
femmes et celui des retombées du développement participatif sur la
promotion de la condition féminine. L’objectif étant « (…) de faire se
rejoindre le rôle et la place des femmes dans les sociétés concernées »
(G.Lazarev, 1993).
S’agissant du premier aspect, force est de constater l’absence des
femmes des instances dirigeantes des structures d’encadrement de la
population (associations et coopératives)40
. Aussi, leur adhésion
demeure-t-elle très réduite. Les contraintes sociales et les pesanteurs
culturelles sont assurément pour beaucoup dans cette situation41
. Qui
plus est, cette iniquité est exacerbée par les différentes initiatives de
développement participatif (élaboration des plans d’aménagement des
39
On rappellera ici que « l’éligibilité est tributaire de la mobilisation de la part du porteur du projet
de 30% du coût global de l’AGR sous forme d’un apport personnel d’au moins 10% du coût total du
projet en numéraire ». Manuel de procédures des AGR, p.14. 40
Exception cependant faite de la coopérative El Azhaar dont la présidente est une femme. 41
A titre d’anecdote, un président d’une association pastorale interrogé sur l’adhésion des femmes à
son association a répondu : « nous n’avons pas de veuves chez nous », laissant entendre que les
mariées n’ont aucune raison d’adhérer aux associations !
75
forêts, projet Ifrane, contractualisation, PDD, AGR), qui ne tiennent pas
compte de la spécificité de la condition féminine.
Par ailleurs, le développement participatif tel qu’il est pratiqué ne
débouche que sur très peu d’actions et de projets destinés à cette
catégorie de la population. Il en est ainsi, par exemple, de
l’aménagement des points d’eau, qui allège les charges de travail des
femmes, et de la présentation pour financement, par les associations
Dada Moussa et Assaa, de deux projets d’élevage destinés
essentiellement aux femmes.
En conséquence, le processus participatif ne contribue que de façon
marginale à la réduction des inégalités fondées sur le genre, assez
marquées dans l’aire de l’étude.
En effet, la situation de la femme dans cette zone, à l’instar de celle de
la femme rurale en générale, reste assez précaire et se heurte à
l’exclusion due notamment à :
-la dégradation de la forêt qu’elle exploite pour répondre aux besoins
domestiques de la famille. Certes, la collecte de bois de feu est
généralement assurée par les hommes, mais les femmes veuves se
trouvent obligées de s’y exercer.
-l’analphabétisme et le faible niveau d’éducation des jeunes filles, se
limitant généralement au primaire, en raison de l’éloignement des
collèges (jusqu’à 60 km à Bekrit !).
-un faible accès aux soins de santé et aux services de base.
-l’exercice d’activités agricoles (élevage, notamment) et artisanales
(tissage, notamment) très peu rémunératrices et sans horaires fixes de
travail. De plus, le revenu généré, au demeurant modeste, est souvent
capté par le mari ou un autre membre de la famille.
Ces inégalités fondées sur le genre semblent plus prononcées parmi les
catégories sociales les plus défavorisées. Elles privent les femmes
d’opportunités économiques et de ressources, et leur confèrent un piètre
statut socio-économique, limitant ainsi leur capacité à influer sur les
décisions locales42
.
Niveau de préservation des écosystèmes forestiers.
Les propos recueillis sur terrain mettent en évidence l’impact salutaire des mises
en défens en termes de régénération des écosystèmes forestiers. En outre, le
42
On rappellera ici qu’il n’y a que deux femmes membres du Conseil communal de la C.R.Oued
Ifrane.
76
dispositif est loin d’être figé, puisqu’il peut être allégé pour permettre à la
population de procéder à un « désherbage contrôlé » et contenir la propagation
du feu en cas d’incendie.
Par ailleurs, la pression du pâturage risque de se porter sur les parcelles non
mises en défens. Le constat a été fait dans le projet Ifrane : « Le risque
d’augmentation de la pression sur ce qu’il reste de surface disponible est très
grand. Cette problématique n’a été vue que dans le cadre d’une amélioration
des conditions de parcours à cheptel constant et en aucun cas ne mettant en
avant le risque de l’intensification de la pression du pâturage sur les espaces
disponibles »43
.
2.3-Effets contextuels
Capacités d’auto-planification des populations
L’objectif ultime de l’approche participative est de permettre aux populations
concernées elles-mêmes de concevoir et mettre en œuvre des actions de
développement au niveau de leur terroir. Pour cela, le renforcement des
compétences et des capacités d’action collective s’avèrent nécessaires. Même si
le processus est récent et n’est pas encore approprié par les populations, comme
le montre le cas de l’association Ichouaouen44
, certains indices donnent à croire
que de telles capacités se sont accrues :
-La création des structures de participation ainsi que les actions contenues dans
les contrats appellent une certaine organisation collective. A cet égard, on note
une certaine intensification et diversification de l’action collective des
populations, organisées dans le cadre des associations et coopératives. Ainsi,
l’association Dada Moussa, par exemple, a-t-elle adressé des lettres à destination
de différentes institutions concernées par les problèmes soulevés45
. Il en est de
même de la commission préparatoire pour la création de la nouvelle coopérative
des madrieurs d’Aït Lyass46
. Par ailleurs, certaines actions contenues dans les
contrats (perception et réaffectation de la compensation de mise en défens, 43
FFEM, Synthèse de l’évaluation finale du projet Ifrane, avril 2010, p.10. 44
Voir p.50. 45
En date du 8/9/2010, ladite association adressa une plainte à MM. Le Gouverneur de la Province
d’Ifrane, le Directeur régional des EFLCD du Moyen Atlas, le Haut Commissaire des EFLCD, afin de
dénoncer les abattages du cèdre dans une des forêts de la C.R.Oued Ifrane et « (…) la complicité
d’autres parties (non citées dans la plainte) » et « (…) l’imputation arbitraire de délits par les
forestiers ». La même association envoya, le 10/8/2010 une demande à M. le Directeur Provincial de
l’Agriculture d’Ifrane en vue de réhabiliter certaines seguias. Une autre demande fut adressée à M. le
Directeur Provincial des EFLCD d’Ifrane en vue de doter l’association de plants fruitiers. 46
En date du 11/8/2010, la commission préparatoire pour la création de la nouvelle coopérative
adressa une pétition à M. le Haut Commissaire aux EFLCD, lui demandant d’enquêter sur « (…) le
changement de la liste (des adhérents) déposée auprès de la DPEFLCD ».
77
dépressage, PMH, etc.) requièrent, pour être menées, une mobilisation
collective.
-En dépit de leur jeune âge, trois des associations pastorales de l’aire de l’étude
(Assa, Dada Moussa et Ichouaouen) ont d’ores et déjà entrepris une action
commune : il s’agit d’une doléance adressée au délégué provincial du ministère
de la santé pour équiper le dispensaire rural d’Agdal.
Ces actions, et bien d’autres, montrent que les structures participatives recèlent
un formidable potentiel de renforcement d’actions collectives et de
« réseautage ».
Gouvernance au niveau local
Même si le processus participatif a contribué à réduire l’adversité qui a
caractérisé les relations entre les services forestiers et les populations locales47
,
force est de constater que ces relations demeurent marquées par la méfiance,
comme en témoignent les oppositions de ces populations aux opérations de
martelage ainsi que la gravité des délits à Senoual. De plus, la commune rurale
ne semble pas prendre part à ce processus, qui demeure fondamentalement
vertical.
Dans le cas des coopératives, « les communes rurales (au niveau de toute la
province) ont montré leur entière participation dans cette vision (contrats-
programmes avec les coopératives) en cédant 75% des recettes forestières qui
habituellement ne sont pas réinvesties dans le secteur forestier en totalité ». De
même, « certains partenaires ont trouvé dans ce programme (de
contractualisation) un champ d’intervention pour participer au développement
des coopératives forestières (ADS) » (CODEFOR, p.35).
Par ailleurs, de par leur caractère représentatif des populations, les associations
pastorales tendent à devenir des enjeux de pouvoir et une composante
47 L’élaboration du PDD d’Aït Bouziane, de par son caractère fortement participatif, a, semble-il, eu
l’impact le plus retentissant à cet égard. De l’aveu des forestiers ayant participé à l’élaboration du
PDD d’Aït Bouziane, les populations étaient très sceptiques au départ, les personnes verbalisées se
tenaient loin du lieu de la rencontre par crainte d’être arrêtées pour des délits forestiers qu’elles ont
commis auparavant. La présence de femmes forestières animatrices dans l’équipe d’élaboration du
PDD a contribué à rassurer les populations qui, progressivement, se sont mises à rejoindre les
discussions (témoignage d’un forestier membre de l’équipe PDD d’Aït Bouziane).
78
incontournable de la vie politique locale48
.
De même, les coopératives, en raison de l’importance de leurs poids
socioéconomiques, tendent à devenir un facteur essentiel de structuration de la
vie politique locale, comme en témoignent les luttes intestines autour de
l’établissement de la liste des adhérents de la coopérative, en cours de création,
d’Aït Lyass.
Il importe aussi de faire remarquer que le dynamisme associatif et coopératif a
permis l’émergence d’individualités et de leaderships au niveau des terroirs
caractérisés par des statuts sociaux plus ou moins figés.
Durabilité des résultats.
Le fait que la contractualisation soit cristallisée par la compensation de mise en
défens limite sérieusement la durabilité de la formule. Comme le constate
brillamment A.Herzenni « La compensation a lieu durant la période de mise en
défens. Mais qu’en sera-t-il à nouveau après l’ouverture aux usagers ? Le
patrimoine domanial ne sera-t-il pas de nouveau voué à une surexploitation
appelant à la longue à de nouvelles mises en défens et à des compensations ? »
(A.Herzenni, 2008, p.12).Une négociation et une reformulation des contrats,
autour de tous les problèmes et potentialités des terroirs, s’avèrent nécessaires
pour inscrire la démarche dans la durabilité. Toutefois, cela ne peut se faire,
encore une fois, sans participation et engagement des autres partenaires
(commune rurale, notamment).
Dans le même esprit, une mise à niveau des coopératives ainsi qu’une
négociation des contrats, dans un cadre multi-acteurs, sont des conditions
indispensables pour assurer la durabilité du processus de contractualisation.
Le test de la grille au niveau de l’aire de l’étude a montré que, d’une manière
générale, l’approche participative telle qu’elle est conçue et mise en œuvre a eu
des impacts positifs. Toutefois, ces résultats demeurent mitigés et sont encore
loin de correspondre à l’immense potentiel que recèle l’approche. Une véritable
négociation des contrats, aussi bien avec les associations sylvo-pastorales
qu’avec les coopératives, dans un cadre multi-acteurs est à même d’améliorer
amplement la performance de la démarche et de l’inscrire dans la durée.
48
Certains élus tentent de les rallier afin de renforcer leurs assises électorales. De même, dans
certaines fractions, on assiste parfois à des tentatives, de la part de personnes influentes, pour créer
plus d’une association.
79
3. Les enjeux de la participation
En date du 26 mars 2011, un atelier multi-acteurs, réunissant toutes les parties
prenantes à la gestion forestière identifiées et interviewées lors des phases
précédentes de l’étude, fut organisé à Ifrane. Ont pris part à cet atelier, toutes les
parties prenantes à la gestion forestière (services déconcentrés, notamment
l’administration forestière, les collectivités locales et les ONG). Le taux de
présence (95%) témoigne de l’intérêt majeur que porte les différents
stakeholders à la problématique, objet de l’atelier. La qualité du débat et sa
vigueur ont permis des échanges fructueux.
Les attentes par rapport aux travaux dudit atelier ont été globalement atteintes.
Par ailleurs, au-delà de la restitution des résultats de l’étude, l’atelier est venu
confirmer la pertinence de la démarche participative en matière de gestion des
espaces forestiers.
3.1 Objectifs vs résultats
Les objectifs de l’atelier peuvent être mis en parallèle avec ses résultats.
Objectifs Résultats
Restituer les résultats de l’étude Un exposé introductif, en langue
Arabe, a été présenté pour restituer les
principaux résultats de l’étude et servir
de plate-forme au débat
Préciser et affirmer davantage les
recommandations
Les débats ainsi que les échanges entre
les membres de l’équipe et les invités
ont permis d’actualiser et d’enrichir
certains passages du rapport.
Consolider et renforcer le réseau
d’acteurs qui s’est constitué autour du
projet
-l’atelier a permis de « visibiliser » et
de faire connaitre l’étude
-les contacts noués permettent de
baliser le terrain pour d’autres études
similaires
Développer le partenariat autour des
outils d’évaluation
-l’atelier a contribué à sensibiliser à
l’importance et aux enjeux de
l’approche participative,
-il a aussi contribué à démystifier la
notion d’évaluation
-les échanges autour de la grille ont
permis de l’étoffer et d’envisager des
voies d’amélioration.
80
Au-delà de ces résultats, les travaux de l’atelier ont permis de mettre en
évidence l’étroite articulation qui devrait exister entre les travaux de recherche
et le développement participatif : les deux peuvent s’alimenter et se renforcer
mutuellement. Comme l’écrit Rémy Prud’homme, « l’analyse sans débat est une
illusion technocratique, mais le débat sans analyse est une illusion
populiste »49
.Dès lors, une véritable intégration de ces deux aspects doit être au
cœur du processus de décision.
3.2. Analyse de la participation
Ont pris part à l’atelier d’Ifrane, les parties prenantes suivantes :
Services déconcentrés Collectivités locales ONGs
HCEFLCD
-DREFLCD-MA
-DPEFLCD-IF (2)*
-Parc national d’Ifrane (1)
-DAS, Province d’Ifrane (2)
Direction provinciale de
l’Agriculture
Autorité locale
Procureur du Roi à Ifrane (1)
ODECO (1)
Conseil provincial d’Ifrane (1)
C.R Oued Ifrane (2)
Associations sylvo
pastorales
-Dada Moussa (1)
-Assa (1)
-Ichouaouen (1)
-Zaouiya d’Ifrane (1)
-Adrar (1)
Coopératives forestières
-Madrieurs (1)
-Charbonniers (1)
-Commission préparatoire
de la nouvelle coopérative
d’Aït Liyass (2)
-Coop.Dayet Aoua (1)
-El Azhar
* les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de personnes présentes
Il convient de signaler aussi que sur une trentaine de personnes présentes à
l’atelier, cinq femmes ont pris part aux travaux de ce dernier.
Les débats qui ont eu lieu au sein de l’atelier laissent apparaitre, encore une fois,
des représentations, attitudes et stratégies diverses chez les acteurs. En
particulier, les clivages et les conflits se polarisent globalement de la façon
suivante :
-Populations vs administration forestière,
49
R. Prud’homme, « Quelle convergence entre aménagement du territoire et environnement ? » in
J.P.-de Gaudmar (collectif), Environnement et aménagement du territoire, La documentation
française, Paris, 1996.
81
-Collectivités locales vs administration forestière,
-Populations vs Collectivités locales,
-Populations vs populations.
Au-delà de la gestion forestière à proprement parler, le débat a porté, de façon
holistique et transversale, sur tous les problèmes des terroirs concernés (forêts,
parcours et terrains agricoles). C’est sans doute là un aspect fort intéressant à
souligner : la gestion forestière participative ne peut s’envisager que dans le
cadre des tels espaces cohérents et étroitement articulés. Très souvent, les
acteurs raisonnent en termes d’espaces cohérents de vie et de convergence
(économique, sociale, culturelle, etc.) plutôt qu’en termes sectoriels.
Cette dimension territoriale permet de mettre en lumière l’absence d’une
structure institutionnelle à même de fédérer l’ensemble des parties prenantes
présentes à l’atelier. Pour ancrer la démarche, il est donc primordial de
l’institutionnaliser.
Un autre aspect ressort des discussions : la demande de certaines parties
prenantes d’être considérées comme des acteurs à part entière, et non comme de
simples « bénéficiaires », ainsi que la nécessaire participation à toutes les phases
du processus décisionnel (identification du problème, analyse et recherche de
solutions possibles, mise en œuvre de la solution retenue et suivi-évaluation).
Un processus tronqué et incomplet risque d’amplifier les suspicions et les
frustrations, et, par là même, de remettre en doute la crédibilité de toute la
démarche.
Par ailleurs, l’articulation du développement participatif, de la décentralisation
et de la déconcentration est un autre enjeu majeur du débat. Seule une telle
démarche transversale permet de responsabiliser les acteurs et d’accroitre leur
réactivité par rapport aux problèmes locaux.
D’autres défis de l’approche participative ont été également débattus :
-la promotion des AGR et la nécessité d’accompagner l’initiative privée rurale,
-le renforcement des capacités, notamment des structures d’encadrement de la
population (coopératives, notamment).
Enfin, plus qu’une question « managériale », une gouvernance forestière
participative et inclusive requiert, en fait, un climat de confiance entre acteurs et
82
un rééquilibrage des pouvoirs de décisions. L’enjeu est moins un partage des
bénéfices qu’un partage des pouvoirs. Les avantages de la co-gestion
participative vont donc au-delà de la sauvegarde des forêts et de l’amélioration
des conditions de vie de la population, pour englober des questions plus
inclusives renvoyant à la démocratisation des processus décisionnels.
VI. Conclusions, recommandations et ouvertures
1 .En guise de conclusion
Dans un contexte où la forêt est au centre d’enjeux environnementaux,
économiques, sociaux et institutionnels considérables, la mise en œuvre de
l’approche participative est une tache ardue. Pourtant, il est indéniable que
d’importantes avancées ont été réalisées en matière de mise en œuvre de cette
démarche.
Dans l’aire de l’étude, l’approche participative été pratiquée selon des formes
diverses (projet Ifrane, élaboration des plans d’aménagement des massifs
forestiers, élaboration des PDD). Actuellement, elle se déroule à travers la
contractualisation entre l’Administration forestière d’une part, et les associations
sylvo pastorales et les coopératives forestières d’autre part.
L’examen du déroulement de l’approche sur terrain nous a permis de mettre en
évidence les résultats suivants :
-Le processus de création des associations sylvo pastorales, initié par les
forestiers, suscite de plus en plus l’intérêt et l’adhésion des populations. Mieux
encore, ce sont les populations elles-mêmes qui, désormais, demandent appui
pour créer ce type d’associations et monter les dossiers de compensation de mise
en défens.
-Bien que les contrats signés consacrent une vision holiste du terroir, articulant
différentes dimensions (forêt, espaces pastoraux, agriculture, infrastructures,
PMH, etc.), la démarche est cristallisée autour de la compensation de mise en
défens.
- La convergence INDH-HCEFLCD contribue considérablement au
renforcement des associations et coopératives en matière de montage et de
financement des AGR. Un des défis majeurs de l’approche participative serait
aussi d’en faire un outil de promotion de l’entrepreneuriat rural.
-Bien que jeunes, les associations sylvo pastorales commencent à développer
des actions de « réseautage » (cas Dada Moussa, Assa et Ichouaouen).
83
-Il semble que les associations sylvo pastorales, de par leur caractère
représentatif et les rôles qu’elles sont appelées à jouer, tendent à devenir des
enjeux de pouvoir et des composantes incontournables de la vie politique locale.
- L’approche est de type « vertical », reliant les associations sylvo-pastorales et
l’administration forestière. Une nouvelle gouvernance forestière requiert la mise
en place d’un cadre de négociation adéquat permettant une implication de toutes
les parties prenantes à la gestion forestière (collectivités locales, services
extérieurs, etc.). Une meilleure articulation entre les pratiques participatives, la
décentralisation et la déconcentration reste à créer.
En ce qui concerne la contractualisation avec les coopératives, force est de
constater que « les résultats de la réforme engagée en 2004 demeurent très
mitigés » (CODEFOR, 2009). Le mouvement coopératif forestier reste marqué
par des faiblesses et insuffisances devenues récurrentes (déficit de respect de la
réglementation, faible professionnalisme, latence, non diversification des
activités, etc.). Pour sortir de sa crise, le mouvement coopératif tente de se
restructurer, comme en témoignent la création, en cours, de la coopérative d’Aït
Lyass et la fusion des coopératives des madrieurs et des charbonniers.
En principe, les coopératives sont appelées à jouer un rôle d’encadrement et
participation de la population au développement forestier. Cependant, les
dysfonctionnements qui handicapent durablement ces structures ainsi que les
enjeux qui les entourent amenuisent sérieusement ce rôle ; souvent, elles sont
même incapables de contenir la délinquance forestière.
De plus, la non implication des coopératives dans la programmation des actions
des contrats réduit l’acceptabilité et la faisabilité d’une bonne partie de ces
actions.
- Enfin, en se référant à l’échelle de participation élaborée par Sherry Arnestein,
on peut considérer que la démarche s’apparente à un arrangement coopératif,
permettant d’associer les populations aux processus décisionnels et de les faire
bénéficier de certains avantages. Son évolution vers des paliers supérieurs de
l’échelle requiert une réforme globale, dont nous indiquons ici quelques voies et
moyens.
2. Recommandations
Les actions que nous recommandons s’articulent autour de cinq axes :
-Agir sur la gouvernance ;
-Renforcer les structures d’encadrement et de participation de la population ;
84
-Réformer la législation forestière et renforcer la dimension territoriale de la
politique forestière ;
-Réunir les conditions d’un développement durable des zones forestières et péri
forestières ;
-S’approprier les outils de l’approche participative.
2.1. Agir sur la gouvernance
Renforcer l’institutionnalisation de l’approche participative
- Un schéma institutionnel adapté à la gouvernance participative des forêts.
Cela requiert un engagement et une mise à niveau de l’ensemble des
stakeholders (HCEFLCD, communautés et collectivités locales, services
extérieurs, etc.). Dans ce cadre, il importe d’ériger le conseil provincial de la
forêt comme un véritable organe de délibération autour de la forêt. Le
HCEFLCD conservera, bien évidemment, un rôle pivot pour la prise de décision
forestière. De même, un rééquilibrage des pouvoirs de négociation au profit des
associations pastorales et des coopératives s’avère nécessaire pour crédibiliser
davantage le processus. De par les rôles qu’elles sont appelées à jouer en matière
de développement rural, les communes rurales et les services déconcentrés
devraient prendre part à cette gouvernance. Bien évidemment, la décision
forestière doit être impérativement cadrée dans une stratégie globale, et
converger avec les opportunités qu’offre l’environnement institutionnel (INDH,
ADS, ODECO, etc.) (CODEFOR, 2009).
- Ajustements de certaines insuffisances institutionnelles. Parmi les ajustements
à apporter, l’on peut citer : l’élaboration d’un manuel de procédures pour
codifier la démarche, la formation (des forestiers, notamment) aux principes de
l’approche participative et la mise en place de mécanismes de suivi-évaluation et
d’arbitrage des contrats.
-Renforcement de l’encadrement forestier. Un tel renforcement, notamment dans
le secteur Senoual, joint à l’appropriation des outils participatifs, permettra de
limiter les délits qui y sont commis. A cet égard, la création, en cours, d’un
CCDRF à Bekrite est salutaire. De même, la création d’un service « partenariat
et communication, actuellement en cours au niveau de la DREFLCD-MA,
permettra d’améliorer davantage la démarche et de promouvoir sa pratique à
grande échelle.
Promouvoir la décentralisation et la déconcentration.
85
L’approche participative mérite d’être moins « verticale » et plus
« transversale » ; d’où la nécessité de consacrer davantage de place à
l’implication de la commune rurale et des services déconcentrés.
Plus qu’une simple entité administrative, la commune doit être érigée en cadre
de développement. A cet égard, l’élaboration du plan communal de
développement, devenue désormais une obligation légale, permettra d’identifier
des projets de partenariat et de situer la place de la forêt dans le développement
local. Le renforcement de la capacité de la commune à ce niveau est donc
primordial.
Par ailleurs, une déconcentration de planification permettra d’améliorer la
réactivité des services extérieurs à la réalité du terrain et, ce faisant, de
promouvoir leur implication dans des approches participatives et territoriales.
2.2. Renforcer les structures d’encadrement et de participation de la population
Cela peut se faire à travers des actions en direction des associations sylvo
pastorales et des coopératives.
Associations sylvo pastorales. Il convient de faire bénéficier les
associations pastorales du statut d’utilité publique. Il n’est pas nécessaire de
démontrer le caractère collectif et patrimonial du rôle que ces associations sont
appelées à jouer, notamment en matière de protection de la forêt. Ce statut, on
le sait, confère des avantages non négligeables aux structures concernées. Il
permettra, en particulier, de renforcer le rôle et la place de ces associations dans
l’échiquier institutionnel local et d’en faire un cadre privilégié de dialogue et de
participation effective de la population à la gestion de la forêt. Bien
évidemment, ce statut implique des obligations (tenue de la comptabilité,
notamment) dont le respect requiert un renforcement des capacités des
associations concernées.
Coopératives. Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour promouvoir
les coopératives, parmi lesquels on peut citer :
-Au niveau commercial et financier. Les actions suivantes seraient salutaires :
-L’encouragement des coopératives à constituer des fonds de réserves ;
-La tenue d’une comptabilité conforme au Plan comptable des coopératives ;
-La création d’un fonds de solidarité, qui peut être financé conjointement par les
coopératives et les collectivités locales ;
86
-La vente des produits des coopératives doit se faire par adjudication.
-Diversification et intégration des actions. Afin de délester la pression sur la
forêt et de créer des sources de revenus stables, il est primordial d’encourager
les coopératives à diversifier leurs activités à travers la valorisation du bois, la
collecte et la commercialisation des plantes aromatiques et médicinales,
l’apiculture, etc.
Dans ce cadre, il serait intéressant de favoriser la création d’un pôle de
développement de la coopération forestière couvrant toute la filière bois
(création d’une scierie coopérative, par exemple) et de brancher les coopératives
sur les marchés d’envergure régionale et nationale. Cela permettrait de renforcer
la contribution des coopératives à la création d’emplois et à l’amélioration des
revenus en zones de montagne.
Ces coopératives peuvent également être mises à contribution pour protéger la
forêt et faire participer les populations péri forestières, à travers la fourniture de
certaines prestations telles que la lutte contre les incendies, l’entretien des pistes,
le gardiennage, etc.)
-Renforcement des capacités. Trois actions majeures contribueraient à ce
renforcement :
-Mise en place des projets d’information et d’alphabétisation des coopérateurs
pendant les périodes creuses d’inactivité.
-Co-organisation, par l’ODECO et l’administration forestière, des sessions de
formation régulières au profit des dirigeants, portant, entre autres, sur : la
comptabilité, la législation forestière, l’organisation et la gestion coopératives,
les techniques de vente, etc.
-Renforcement des capacités techniques des coopératives pour la réalisation des
travaux d’infrastructures forestières, exigeant des qualifications spéciales.
Ces éléments de réforme permettraient vraisemblablement de renforcer les
capacités des coopératives et les aider à se transformer en PME.
87
2.3. Réformer la législation forestière et renforcer la dimension territoriale de la
politique forestière
Réformer la législation forestière.
-L’arsenal juridique marocain est marqué par une pléthore de mesures
répressives par rapport aux mesures incitatives. Ces dernières s’avèrent pourtant
primordiales pour la mise en œuvre et la réussite de l’approche participative,
fondée sur l’implication et l’intéressement économique des différentes parties
prenantes.
A cet égard, la compensation de mise en défens est un dispositif dont la portée
incitative peut être accrue en modulant l’application selon les réalités forestières
régionales. On rappellera que « (…) la compensation est calculée sur la base du
manque à gagner pour les usagers, engendré par la soustraction d’un espace
forestier au parcours auquel ils ont droit en vertu de la loi » (HCEFLCD, 2010).
En fait, de par sa nature, la compensation devrait être rattachée aux coûts de
dégradation des espaces forestiers inhérents à l’exercice des droits d’usages
reconnus aux riverains. Bien évidemment, le calcul de ces coûts, ou des
bénéfices résultant de la renonciation à l’exercice des droits d’usage, est un
exercice ardu pour lequel l’économie de l’environnement et des ressources
naturelles ne fournit pour le moment que des réponses imparfaites ; mais leur
prise en compte aboutirait fort vraisemblablement à une territorialisation du
montant de la compensation50
. Dans cet esprit, les entrevues réalisées dans l’aire
de l’étude mettent en évidence la nécessité de revaloriser la compensation pour
tenir compte de la « valeur de la forêt» de l’aire de l’étude, notamment la
cédraie.
Concomitamment, l’assiette forestière minimale (300 ha) mérite d’être revue à
la baisse afin de permettre aux communautés locales, dominant une superficie
inférieure à ce plancher, d’accéder à la compensation sans être obligées de
s’associer avec d’autres communautés avoisinantes, en raison des problèmes et
des coûts de transaction inhérents à de tels regroupements.
Toujours sur le volet réglementaire, il convient aussi de promulguer la loi sur la
montagne et un texte législatif spécifique à la cédraie.
Renforcer la dimension territoriale de la politique forestière.
50 D’ailleurs cette territorialisation est déjà partiellement appliquée, comme en témoigne le montant de
la compensation dans le cas de l’arganier : 300 DH/an pour un minimum de 100 ha.
88
Cela requiert de tenir compte du caractère multifonctionnel de la forêt
(production de la matière ligneuse, biodiversité, écotourisme, etc.) et de mettre
en place des mécanismes permettant à d’autres parties prenantes gravitant autour
de la forêt de faire valoir leur point de vue et intérêts.
Afin de mieux articuler les dimensions sectorielles et territoriales de la gestion
forestière, il serait judicieux de faire des normes nationales forestières des garde-
fous et un cadre au sein duquel l’action collective transversale, des acteurs
locaux provenant de secteurs différents, peut librement se déployer (Guy
Chiasson, Caroline Andrew et Joanne Perron, 2006).
2.4. Réunir les conditions d’un développement durable des zones forestières et
péri forestières.
Promulgation de la loi sur la montagne. Cette loi, une fois promulguée,
contribuerait à améliorer le niveau de vie dans les zones de montagnes
handicapées par les conditions géographiques et climatiques. Dans le même
esprit, il convient de concevoir et mettre en place une politique « d’intégration
des espaces » (Naciri, 1988) à travers des mécanismes de solidarité amont-aval,
visant à récompenser l’amont pour ses services de préservation des ressources
naturelles.
Une politique énergétique adaptée. Des actions méritent d’être engagées
pour améliorer les conditions de substitution du bois par les bouteilles de gaz
butane, en combinant la promotion des centres d’emplissage mobiles et des
incitations financières. De même, la disponibilité des ressources en eau
permettrait de valoriser l’utilisation des énergies renouvelables à travers les
microcentrales.
Une météorologie spéciale. Les conditions météorologiques rudes de
l’aire de l’étude requièrent de mettre en place une météorologie de proximité
répondant aux besoins spécifiques de la région, notamment en saison hivernale.
Cela faciliterait l’alerte et les interventions destinées à désenclaver la
population.
Un développement agricole et pastoral durable. Il s’agit d’engager des
actions permettant de satisfaire des besoins immédiats de la population
(infrastructures de base, PMH, parcours, etc.). Aussi des actions durables
méritent-elles d’être engagées ; il s’agit en particulier de l’immatriculation
foncière pour sécuriser les titres fonciers et, ce faisant, encourager
l’investissement en matière de protection des ressources naturelles (terres
agricoles, notamment).
89
Promotion des AGR et de l’entrepreneuriat rural .Afin de soulager la
forêt des fortes pressions qu’elle subit, la promotion des AGR et de
l’entrepreneuriat rural constitue une alternative viable. Celle-ci est aussi à même
de renforcer les structures de participation de la population (associations et
coopératives) porteuses des projets AGR.
Une telle promotion pourrait se faire à travers l’exploitation de certaines niches
telles que la valorisation des produits du terroir (romarin, lichens, caroubes, etc.),
le développement de tourisme rural (avec ses effets d’entrainement positifs sur
l’artisanat local) et la valorisation des plantes aromatiques et médicinales.
L’appui aux études de faisabilité, la formation et le financement sont les
principales formes de soutien aux AGR. La convergence des actions de la
DREFLCD-MA et d’autres programmes (INDH, plan Maroc vert) contribuera
incontestablement à réaliser cet objectif.
De plus, comme nous l’avons souligné auparavant, le dispositif d’appui et
d’encadrement mis en place par le Parc national d’Ifrane n’est pas adapté à la
promotion des projets portés par les individus. De tels projets requièrent, en fait,
des dispositifs d’accompagnement spéciaux, comportant des prestations adaptées
allant de l’idée à l’accompagnement post-création des projets. Qui plus est,
l’octroi de microcrédits (prêts individuels) pourrait contribuer à la création des
activités rurales.
Promotion de la condition féminine. Des interventions judicieuses peuvent
contribuer à réaliser des progrès notables sur cette voie. C’est ainsi, par
exemple, que l’amélioration de l’accessibilité et de la qualité des services
publics, les écoles notamment, réduirait les coûts scolaires pour les familles et
contribuerait à surmonter les obstacles à l’éducation des filles.
Dans le même esprit, le développement des infrastructures (routes, eau potable,
etc.) contribue à réduire le temps consacré aux tâches ménagères, ce qui se
répercute positivement sur la santé des femmes et leur participation à la vie
communautaire, et permet aux jeunes filles un plus grand accès à l’école.
Ces actions, jointes à l’appui à la création des AGR sont les instruments les plus
décisifs à la promotion de l’accès des femmes aux ressources et aux opportunités
économiques.
1.5. S’approprier les outils de l’approche participative.
Renforcement de capacités. Des besoins en termes de formation dans le
cadre du processus participatif peuvent être identifiés chez les différents acteurs
concernés par la forêt51
, notamment les forestiers. Pour ces derniers, en effet, les
compétences techniques méritent d’être constamment actualisées et complétées 51
Voir Supra pour les communes, les associations et les coopératives.
90
par d’autres compétences en sociologie, anthropologie et économie rurale,
disciplines d’une portée scientifique incontestable pour le décryptage du rural.
Les actions de renforcement des capacités doivent toucher tous les aspects de la
démarche : diagnostic, planification et suivi-évaluation. Pour cela,
l’appropriation de certains outils tels que les techniques d’animation et de
négociation, la méthode MARP, etc. pourrait contribuer à améliorer la pratique
de la démarche. Mais aussi importants soient-ils, ces outils ne doivent pas être
surestimés. Comme le souligne Bara Guèye « Ils (les outils et les techniques) ne
peuvent pas induire de changements durables si leur application ne se fait pas
dans un contexte institutionnel favorable à la participation » (Bara Guèye,
2000,)
Réhabiliter la démarche PDD et en fixer des standards de qualité.
Comme nous l’avons souligné lors de l’analyse du cas d’Aït Bouziane, le PDD
revoie à un processus participatif et itératif couronné par l’élaboration d’un
document de référence. En effet, le déroulement de ce processus incarne les
différentes phases de l’approche participative (phase préparatoire, diagnostic
participatif, planification, mise en œuvre et suivi-évaluation).
Correctement élaboré, le PDD responsabilise les populations, et favorise
l’apprentissage et la capacité d’action collective. En outre, le document produit
est un levier de développement durable du terroir.
Il importe donc de réhabiliter cet outil, actuellement mis en veilleuse dans l’aire
de l’étude, en capitalisant l’expérience accumulée par le HCEFLCD en matière
d’élaboration des PDD axés sur la lutte contre la désertification.
Afin de valoriser pleinement le potentiel de la démarche PDD, il est aussi
nécessaire d’en fixer des standards de qualité (outils et supports
méthodologiques, codification des étapes, canevas de rédaction, etc.).
Développer le système d’information forestier.
Un tel système mériterait d’être organisé autour de deux composantes : un
système de production d’informations forestières et un autre de collecte et de
suivi de l’information socioéconomique et démographique concernant les zones
forestières et péri forestières.
En réponse à une recommandation de la Cour des Comptes demandant au
HCEFLCD de « mettre en place un système d’information fiable lui permettant
d’avoir des informations actualisées sur l’état et le rythme de dégradation de
chaque écosystème forestier afin de mieux cibler et piloter les programmes
91
d’action » (Rapport de la Cour des Comptes, 2010, p.110), ce dernier a répliqué
avoir « (…) engagé en 2008 un partenariat avec le Centre Royal de
Télédétection Spatiale (CRTS) en vue de développer une nouvelle approche
d’inventaire basée sur l’utilisation des images satellitaires à haute résolution ».
Outre cette composante, la promotion de l’approche participative requiert la
mise en place d’un système de collecte des informations socioéconomiques et
démographiques produites par d’autres partenaires (ADS, HCP, Régions,
ODECO, etc.). Ce système permettrait d’enrichir et d’actualiser les données
socioéconomiques et démographiques contenues dans les plans d’aménagement
des forêts. Il aidera à évaluer la nature du processus participatif et son impact
socioéconomique et institutionnel.
3. Approfondissements et ouvertures
Les résultats mis en évidence par la présente étude ainsi que son déroulement
permettent d’identifier, entre autres, trois pistes d’approfondissement et
d’ouverture : étude de la convergence dans le cadre d’une commune forestière,
étude sur les coopératives forestières dans la province d’Ifrane/Khénifra et une
proposition d’une méthodologie de prise de décision dans le domaine forestier.
-Etude sur la convergence dans le cadre d’une commune forestière ciblée par
l’INDH. L’objet d’une telle étude serait d’examiner les mécanismes et les outils
de cette convergence, dans le cadre d’une commune rurale forestière ciblée par
l’INDH, en l’occurrence la commune Dayat Aoua (province d’Ifrane). On
rappellera, à cet égard, que le programme décennal 2005-2014 pose le
développement humain des espaces forestiers et péri forestiers comme un de ses
objectifs. Par ailleurs, l’INDH vise, à moyen et long terme, à jeter les bases
d’une nouvelle gouvernance axée sur la participation accrue des acteurs et la
convergence de leurs actions. Il serait, dès lors, intéressant, d’examiner les
forces et les faiblesses de ce type de convergence, et d’explorer les voies et les
moyens de le renforcer.
Afin d’esquisser quelques pistes de réflexion en la matière, nous nous sommes
entretenus avec les responsables de ladite commune et ceux de la DAS.
Les données collectées auprès de cette dernière permettent d’établir un bilan des
réalisations INDH entre 2005 et 2010.
92
Tableau V.4: Bilan INDH , C.R.Dayet Aoua (2005-2010)
Nombre total de projets 20
Montant global 5 876 931,00
Part INDH 4 394 700,00
Participation CL 776 000,00
Participation partenaires 706 231,00
Fonds générés 1 482 231,00 soit un taux de 26%
Total de la population cible 92 410
Nombre d’emplois créés 96 Source : La DAS, Province d’Ifrane
Les actions réalisées, visant à réduire la pauvreté et l’exclusion, concordent avec
la typologie des activités INDH en milieu rural, laquelle regroupe quatre volets :
-Appui à l’accès aux infrastructures et aux équipements sociaux de base ;
-Dynamisation du tissu économique local par des AGR ;
- Soutien à l’animation sociale, culturelle et sportive ;
-Renforcement de la gouvernance et des capacités locales.
Le fonctionnement de l’INDH repose essentiellement sur la mise en cohérence
de ses programmes avec ceux des autres partenaires (collectivités locales,
services extérieurs, ONG). Cette question de convergence peut être appréhendée
à deux niveaux, communal et provincial.
Le niveau communal renvoie à l’élaboration de l’ILDH et à sa mise en
cohérence avec le plan de développement économique et social (PDES). Il
semble ici que, pour les différents segments de la procédure décisionnelle, les
pratiques soient en décalage par rapport aux dispositions du manuel de
procédures. Ainsi, l’équipe d’animation communale (EAR), censée être un outil
d’animation et de diagnostic territorial, bute essentiellement sur l’indisponibilité
de ses membres52
. Cela n’est pas sans conséquences sur le déroulement des
diagnostics participatifs et, par là même, la pertinence des ILDH.
De même, les mécanismes institutionnels mis en place par l’INDH ne sont pas
encore appropriées par certains acteurs qui s’adressent directement à la DAS,
dépassant par là le CLDH qui constitue, en principe, leur interlocuteur au niveau
52
Il s’agit de deux fonctionnaires de la commune et d’un acteur associatif.
93
local. Ce comité vit une situation de latence, partiellement compensée par le
dynamisme du président de la commune.
Par ailleurs, la commune est en cours d’élaboration d’un PDES qui doit, selon
les termes du manuel de procédures, être mise en convergence avec l’ILDH. Il
faut d’ailleurs faire remarquer à ce niveau que cette mise en convergence
(PDES/ILDH) n’est abordée que de façon lapidaire dans le manuel de
procédures, alors que c’est un point crucial qui mérite d’amples
développements, voire des actions de renforcement des capacités des acteurs
concernés.
Enfin et surtout, il semble qu’un des maillons faibles de la convergence au
niveau communal est la programmation des projets INDH : les services
extérieurs ainsi que le tissu associatif ne disposent pas des compétences requises
pour participer efficacement à cette programmation.
Au niveau provincial la convergence INDH- programmes sectoriels affiche des
différenciations notables. Elle est jugée bonne dans le cas de la santé53
, assez
bonne dans le secteur de l’éducation54
, mais reste nettement en deçà du niveau
souhaité dans certains secteurs tels que l’agriculture. Dans le cas des eaux et
forêts, la collaboration est jugée fructueuse en matière d’AGR et d’actions de
renforcement de capacités des associations. Elle reste, cependant, nettement en
deçà du potentiel réalisable en la matière. De façon générale, les services
extérieurs focalisent leurs attentions sur les programmes sectoriels plutôt que sur
les actions INDH. La détermination du Gouverneur permet, cependant, de
pallier, au moins partiellement ce déficit de convergence.
Un tel déficit est lié aux insuffisances du processus de déconcentration, qui reste
fondamentalement une déconcentration d’exécution et non de planification,
seule à même d’améliorer la réactivité des services extérieurs.
Mais en dépit de ce déficit de convergence, il semble que l’INDH ait favorisé
une formation sur le tas au profit des services extérieurs, élus et ONG en les
acculant à un minimum de coordination dans le cadre des organes de
gouvernance. Il serait intéressant à ce niveau d’examiner l’impact de l’INDH sur
le mode opératoire des acteurs territoriaux. 53 En témoignent les projets réalisés (acquisition d’une ambulance médicalisée, module
d’accouchement, acquisition de 8 échographes gynécologiques, etc.)
54 Les projets réalisés dans ce secteur concernent notamment la pose de 12 citernes d’eau dans les
écoles rurales pour prévention contre la grippe A et l’acquisition de mini bus pour le transport scolaire.
94
Par ailleurs, les propos recueillis tendent à mettre en évidence le rôle
prépondérant du CPDH, chargé notamment de consolider et d’assurer la mise en
convergence et la complémentarité entre les ILDH et les programmes sectoriels.
Afin de conserver la cohérence des ILDH, le niveau provincial ne doit, en
principe, avoir aucun droit de regard sur l’opportunité des actions retenues,
même si les biais inhérents à la programmation des projets INDH –évoqués en
haut- poussent dans ce sens.
De façon générale, pour renforcer le processus de convergence, ne faut-il pas
que les départements ministériels donnent des orientations claires à leurs
services extérieurs pour l’implication dans l’INDH ? Dans le même esprit, une
meilleure articulation de la dimension territoriale et de la programmation
sectorielle ne passerait-elle pas par une institutionnalisation des mécanismes
INDH ?
C’est là un ensemble de constats et de questionnements qui contribuent à
identifier des pistes qui méritent d’être explorées par une étude en profondeur.
-Etude sur les coopératives forestières dans la province d’Ifrane/Khénifra. Cette
piste ambitionne d’évaluer la contribution des coopératives forestières au
développement humain et durable au niveau local. Les coopératives sont, en
effet, des structures d’encadrement de la population, qui recèlent un immense
potentiel de développement. Des obstacles et des dysfonctionnements divers
empêchent, cependant, le mouvement coopératif de valoriser un tel potentiel.
L’identification de ceux-ci permettrait de déterminer les leviers d’action pouvant
aider le mouvement coopératif à jouer pleinement son rôle en matière de
participation et de développement humain et durable.
-Proposition d’une méthodologie de prise de décision dans le domaine
forestier. Partant des résultats mis en évidence par la présente étude, et compte
tenu des caractéristiques institutionnelles et socioéconomiques marocaines, il
s’agit de proposer un mécanisme de délibération pour la prise de décision en
forêt, qui permettrait une implication effective de tous les acteurs gravitant
autour de la forêt. L’objectif étant de définir un mode de gouvernance qui
permettrait de synchroniser et d’articuler la gestion durable des écosystèmes
forestiers, d’une part, et les impératifs de développement humain, d’autre part.
95
Annexe 1
Guides d’entretiens
Trois catégories d’acteurs ont été interviewées : l’administration forestière
(DPEFLCD-IF, DREFLCD-MA, Parc national d’Ifrane) et certains services
extérieurs des ministères, les populations (ONG et individus) et la C.R.Oued
Ifrane.
Chaque entretien débute par une présentation de l’objet de l’étude et des
objectifs de l’entretien.
DPEFLCD -IF et DREFLCD-MA
- Apport du projet Ifrane en matière de promotion d’approches participatives.
- Constitution des associations sylvo pastorales : démarche et problèmes
rencontrés.
-Elaboration des PDD : procédures et démarche.
-Les services extérieurs des départements ministériels et les communes
prennent-ils part aux consultations avec les populations ?
- Conseil provincial de la forêt : périodicité des réunions, principales décisions
prises lors de la dernière réunion.
-Les mises en défens font-elles l’objet de concertation avec la population (taille,
durée, répartition spatiale des parcelles) ?
-Impacts des mises en défens sur les écosystèmes forestiers (parcelles mises en
défens et autres parcelles).
-Evaluation du contrat liant l’association Zaouia d’Ifrane et la DPEFLCD-IF
(2007-2011).
-Etat des lieux des coopératives au niveau de la province.
-La création, en cours, de la coopérative d’Aït Lyass. Conditions de création et
problèmes de démarrage. Dans quelle mesure la nouvelle entité permettra-t-elle
d’endiguer le problème des délits à Senoual ?
-La formule d’octroi des marchés de coupes (25% espèces et 75% prestations) a-
t-elle donné les résultats escomptés ?
-Les voies et les moyens susceptibles de promouvoir le mouvement coopératif
forestier.
Rencontre avec la direction du Parc national d’Ifrane (et l’association
Adrar)
-Fiche technique sur le Parc national d’Ifrane (organisation, attributions, etc.).
-Rapports avec les services extérieurs des autres départements ministériels et les
communes rurales, intervenant sur le territoire du Parc (coordination des actions
sectorielles).
96
- Déroulement de l’approche participative dans le cadre du projet Ifrane.
-Quelles sont les difficultés rencontrées en matière de constitution des
associations sylvo pastorales ?
-Elaboration des PDD : procédures et démarches.
-Accompagnement des associations en matière de création d’AGR.
-Renforcement des capacités. Qui bénéficie des formations dispensées ?
Membres des bureaux, trésoriers, etc. ?
-A votre avis, comment faire pour promouvoir l’approche participative ?
Les ONG : des entretiens approfondis seront menés avec les associations sylvo
pastorales et les coopératives forestières
Associations sylvo pastorales Ass. Dada Moussa ; ASSAA ; Ichouaouen
-Organisation : règlement intérieur+statut.
-Processus de création des associations sylvo pastorales.
-Y-a-t-il des élus parmi les membres de l’association ?
-Domaine d’intervention et objectifs de l’ONG.
-Actions de « réseautage ».
-Rapports avec l’Administration forestière (problèmes de délits et amnistie) et
les autres parties prenantes.
-Gestion des compensations de mises en défens, attribuées dans le cadre de la
contractualisation avec l’Administration forestière.
-Mobilisation de l’association pour réaliser d’autres fins (AGR, liens avec
d’autres partenaires, etc.)
- Que proposez-vous pour améliorer l’approche participative ?
Association Zaouiya d’Ifrane
-Gestion forestière dans l’aire de l’étude
-Evaluation du contrat liant l’association à la DPEFLCD-IF.
-Propositions pour promouvoir le développement humain et durable dans l’aire
de l’étude. Coopératives forestières Entretien avec la commission préparatoire pour la création de la coopérative d’Aït
Lyass
- Fiche technique sur le projet.
-Les raisons de la création de la nouvelle coopérative.
-Douars concernés et mode de choix des adhérents.
-Attitude des autres parties prenantes (DPEFLCD-IF, C.R.Oued Ifrane) vis-à-vis
de cette création. Entretien avec les directeurs des coopératives de madrieurs et des charbonniers
d’Ifrane
-Fiche technique sur la coopérative
-Situation de la coopérative (réunion des instances, marchés, fonds de réserve,
sécurité sociale, etc.)
97
-Résultats des contrats programmes liant la DREFLCD-MA et les coopératives.
-Attitude vis-à-vis de la création de la nouvelle coopérative d’Aït Lyass.
Entretiens avec les femmes
-Places des femmes dans les associations (instances, adhésion).
-Dans les projets AGR, contribuent-elles aux diagnostics participatifs, aux
planifications etc.
-Modalités de l’implication des femmes lors de la mise en œuvre du projet
Ifrane.
-Temps consacré à des taches telles que le ramassage du bois,
l’approvisionnement en eau, etc.
- Accès aux services sociaux (alphabétisation, services de santé, etc.)
-Impact des projets AGR sur la situation des femmes.
C.R.Oued Ifrane
-Les grands problèmes auxquels se heurte la commune. Vision, stratégie et plan
de développement communal.
-Contribution de la forêt aux finances de la commune.
-Rapports avec l’Administration forestière.
-Place des zones péri forestières dans les interventions de la commune.
- Evolution de la situation, du projet Ifrane jusqu’à maintenant.
-Etes-vous associé à la concertation concernant la forêt (contractualisation avec
les associations sylvo pastorales et les coopératives)?
-Rapports avec les ONG opérant dans le domaine forestier (associations et
coopératives).
- Point de vue de la commune concernant les compensations à la mise en défens
et la formule d’octroi des marchés de coupes aux coopératives (25% espèces ,
75% prestations)
Autorité locale
-Verbalisation des délits et rôle d’arbitrage entre les acteurs impliqués dans la
gestion forestière.
- Contribution en matière de protection de la forêt.
-Etes-vous associé à la concertation concernant la forêt (contractualisation avec
les associations sylvo pastorales et les coopératives)?
-Que proposez-vous pour améliorer l’approche participative dans le domaine
forestier ?
D.P.A Ifrane
-Données sur l’agriculture et l’élevage dans l’aire de l’étude.
-Projets concernant l’aire de l’étude (élevage, PMH, etc.)
- Faiblesse des filières économiques aval (viande, lait, laine, etc.). Y-a-t-il des
programmes pour remédier à cette situation?
- Participation au projet de développement intégré Bekrit-Agdal.
98
Annexe 2
Rencontres effectuées
Institutions Personnes interviewées date
Commune rurale
-Conseil provincial d’Ifrane
-C.R.Oued Ifrane
-M.Ouhadda Abdellah (président du Conseil
provincial d’Ifrane)
-Trois membres du conseil communal
15 avril 2010
21/07/2010
HCEFLCF
-DREFLCD-MA
-DPEFLCD-IF
-Parc national d’Ifrane
-M. Le directeur régional
- M. L’ex-directeur régional
-M. Kamal Moufaddal (chef de service des
Etudes d’aménagement des forêts et des bassins
versants)
-M. Kamal Moukhtari (ingénieur forestier)
-M. Bahlouli (service contentieux)
-M.Sadik (Directeur provincial du HCEFLCD-
Ifrane)
-M. Oufkir Mohammed (agent forestier, secteur
Bekrit)
-M.Zouhir Amhaouche (directeur du parc)
-Mlle Yettou Ouhetta (animatrice)
11/05/2010
01/10/2010
Plusieurs
séances de
travail
15 avril 2010
Plusieurs
séances de
travail
Associations sylvo pastorales et
coopératives
-Ass. ASAA pour la protection
et la gestion des ressources
naturelles (RN)
-Ass. Dada Moussa pour la
protection et la gestion des RN
-Ass. Ichouaouen pour
l’environnement et l’agriculture
-Ass.Zouiya d’Ifrane
-Coopératives des madrieurs
d’Ifrane
-Coopératives des bucherons
d’Ifrane
-Coopérative des madrieurs
d’Aït Lyass (en cours de
création)
-M.Belkassem El Mekki (président)
-M. Hassnaoui Massoud (président)
-M. Saïd Aggouri (président)
-M. Fadili Mohammed (président)
-MM. Le président et le directeur
-Le directeur de la coopérative
-Le président de la commission préparatoire
11/05/2010
11/05/2010
11/05/2010
20/10/2010
21/09/2010
21/09/2010
21/09/2010
Services déconcentrés
99
Province d’Ifrane
-La DAS
-La DAR
-La DCL
Autorité locale (Oued Ifrane)
Direction Provinciale
d’Agriculture d’Ifrane
-M.Lamgaouech Khalid
-M.Cheggar Abdellah
-M.Garissi L’Haj
-Agent d’autorité
-M. Le directeur provincial
15/04/2010
15/04/2010
15/04/2010
21/07/2010
11/05/2010
ODECO-Meknès -Mme la Directrice 14/10/2010
100
Annexe3
Atelier multi-acteurs
-Programme de l’atelier,
-Objectifs de l’atelier,
- Liste des participants,
- Compte-rendu.
1-Programme
L’atelier multi-acteurs, tenu le 26 mars 2011 à Ifrane en présence du
représentant de l’ONDH, s’est déroulé selon le programme suivant :
-09h30mn : Ouverture des travaux par la restitution des résultats de l’étude ;
-10h15mn : pause café ;
-10h30mn : interventions des participants ;
-12h30mn : Conclusion et clôture ;
-12h45mn : Déjeuner.
2-Objectifs de l’atelier
L’atelier vient couronner l’étude et se fixe les objectifs suivants :
-Restituer et valider les résultats de l’étude,
-Préciser les données et affiner davantage les recommandations,
-Mettre en contact les parties prenantes à la gestion forestière afin de les amener
à initier un débat autour de la gouvernance forestière,
-Consolider et renforcer un réseau d’acteurs qui s’est constitué autour du projet,
-Développer le partenariat autour des outils d’évaluation.
3- Liste des participants
103
3-Compte-rendu
Dans le cadre du partenariat entre l’université My Ismaïl et l’Observatoire
National de Développement Humain, le Centre des Etudes et de Développement
Régional organisa, le 26 mars 2011, un atelier à Ifrane sous le
thème « Evaluation de l’approche participative dans le domaine forestier ».
A l’ouverture des travaux de cet atelier, M. Abdelrhani Bouayad, membre de
l’équipe en charge du projet, après avoir rappelé le cadre d’organisation de
l’atelier, a présenté le programme de celui-ci.
M. Alhassan EL Mansouri, coordinateur national du partenariat ONDH-
Universités, a prononcé une allocution dans laquelle il a rappelé les missions de
l’ONDH et les objectifs du partenariat avec les universités.
M. Abdelilah Baguare, coordonnateur du projet « évaluation de l’approche
participative en matière de gestion forestière : cas de la commune rurale Oued
Ifrane », a restitué les principaux résultats mis en œuvre par l’étude. La
présentation a porté sur trois points :
-Rappel des objectifs et méthodologie de l’étude ;
-Principaux résultats mis en évidence ;
-Proposition de quelques axes pour le débat.
Les travaux de l’atelier ont été modérés par M.M.Abdouh, membre de l’équipe
du projet, et rapportés par M. Abdelkader Charba (membre de l’équipe) ainsi
que deux doctorantes.
Selon M. le Président du conseil provincial, le dialogue entre l’Administration
forestière et la population est presque inexistant. Il a ajouté que la commune
d’Oued Ifrane se caractérise par des spécificités qui lui sont propres, et la plupart
des adhérents aux coopératives ne sont pas des ayants-droits. Il a, en outre, fait
remarquer que le rôle du conseil communal aurait mérité de plus amples
développements dans l’étude. Par ailleurs, la compensation de mise en défens,
au demeurant modeste et ne reflétant nullement la valeur de la forêt, n’est
généralement pas versé en numéraire à la population, a-t-il précisé.
Le représentant de la DPEFLCD-IF a fait savoir que les ressources de la
direction sont limitées et ne répondent pas aux besoins de l’établissement. Il a
104
aussi soulevé les atouts et les contraintes du procédé de mise en défens,
notamment son impact sur les parcelles non mises en défens.
Les présidents des associations ainsi qu’une conseillère à la commune rurale
d’Oued Ifrane ont soulevé un certain nombre de problèmes rencontrés par la
population de la commune et surtout la femme rurale. On peut, en particulier,
citer le manque d’’accès à l’électricité, à l’eau et au réseau routier. Vu que
l’habitat est dispersé, les femmes ne sont pas motivées à s’inscrire dans les
programmes de lutte contre l’analphabétisme, les filles ne poursuivent pas leurs
études parce que les écoles sont éloignées de leur lieu de résidence. La présence
des femmes dans les associations est faible, voire inexistante. Les propos
exprimés, à ce niveau, réclament une adhésion de la commune rurale et de la
société civile au processus décisionnel afférent à la forêt.
Le directeur du Parc National d’Ifrane a précisé que l’administration essaye de
s’approcher de la population et de l’intégrer aux projets, à la prise de décision et
à l’exécution. Il a ajouté que les forestiers manquent, souvent, de marge de
manœuvre nécessaire pour être réactifs aux besoins et attentes des populations.
Une telle réactivité est pourtant nécessaire pour la mise en œuvre de l’approche
participative.
La représentante de l’ODECO a insisté sur le fait qu’une gouvernance
participative requiert un diagnostic « fouillé » des parties prenantes. De plus,
pour qu’une coopérative arrive à maturité, des opérations de renforcement de
capacités sont nécessaires, a-t-elle déclaré. Le respect des dispositions
réglementaires régissant les coopératives, notamment la constitution des fonds
de réserve, est aussi primordiale.
M. EL Fadili a, entres autres, recommandé des actions phares pour relancer
l’approche participative sur de nouvelles bases. Parmi ces actions, l’on peut
citer :
-la promulgation de la loi sur la montagne,
-la mise en place de mécanismes de solidarité amont-aval, en faveur des
populations de la montagne,
-l’amélioration des conditions de vie des forestiers et la réhabilitation des
maisons forestières.
105
M. EL Mansouri a tenu à préciser que l’approche participative ne peut se
concevoir et s’appliquer que de façon intégrée et dans le cadre d’une
gouvernance locale. L’intervenant a aussi soulevé des insuffisances de l’étude
telles que :
-la méthodologie d’évaluation, notamment la période de référence par rapport à
laquelle les changements sont constatés et évalués.
-l’évaluation institutionnelle, qui renvoie aux jeux d’acteurs.
-l’articulation de l’approche participative et des AGR.
Un membre de la commission préparatoire de la coopérative d’Aît Lyass a
soulevé les problèmes auxquels se heurte la création de ladite coopérative.
A la clôture de l’atelier, les membres de l’équipe ont tenté d’apporter quelques
précisions concernant les remarques et observations de l’assistance.
106
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107
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Meknès-Tafilalet
-Mohamed QARRO, Contractualisation dans le cadre de la gestion et du
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territoire : éléments pour une recherche pluridisciplinaire ». L’article est
disponible à l’adresse : www.developpementdurable.revues.org/
110
Table des matières
Introduction…………………………………………………………….. 4
I. Objectifs et méthodologie de l’étude………………………………….
5
II. Fondements et principes de l’approche participative…………………
8
III. Profil de l’aire de l’étude…………………………………….............
11
1-Profil socioéconomique……………………………………………….. 11
1.1-Démographie………………………………………………………... 12
1.2-Caractéristiques socioéconomiques…………………………………. 14
1.3-Contraintes et atouts de l’aire de l’étude…………………………… 16
2-Profil environnemental……………………………………………….. 19
2.1-Vulnérabilité écologique…………………………………………… 22
2.2-Pauvreté, démographie et enclavement……………………………... 22
2.3-Surpâturage………………………………………………………….. 24
2.4-Changement des modes d’utilisation de l’espace…………………… 25
2.5-Délits forestiers……………………………………………………… 27
3-Dispositif institutionnel………………………………………………. 29
3.1- Identification des intervenants en forêts…………………………… 29
3.2-Interactions entre acteurs : pour une nouvelle gouvernance forestière 35
IV. Déroulement de l’approche participative sur le terrain……………
38
1-L’approche participative en matière de gestion des écosystèmes
fragiles……………………………………………………………….
2-L’approche participative dans les projets forestiers au Maroc………..
38
41
2.1-Le projet GEFRIF…………………………………………………… 41
2.2-Projet Khénifra……………………………………………………… 42
3-L’approche participative dans l’aire de l’étude………………………. 45
3.1-L’approche participative dans le cadre du projet Ifrane…………… 45
3.2-L’initiation à la participation dans le cadre d’élaboration des plans
d’aménagement des massifs forestiers…………………………………..
47
3.3-Le PDD : une démarche participative structurante…………………. 47
3.4-La contractualisation avec les associations sylvo pastorales………..
3.5-La contractualisation avec les coopératives forestières……………...
51
57
V. Evaluation de l’approche participative dans le domaine forestier……
63
1. Grille d’évaluation……………………………………………………. 63
2 .Test de la grille………………………………………………………... 65
2.1-Effets procéduraux…………………………………………………..
2.2-Effets substantifs……………………………………………………..
66
68
111
2.3-Effets contextuels…………………………………………………….
3. Les enjeux de la participation…………………………………………
3.1-Résultats vs attentes……………………………………………….....
3.2-Analyse de la participation………………………………………......
VI. Conclusions, recommandations et ouvertures……………………….
76
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79
80
82
1. En guise de conclusion…………………............................................... 82
2. Recommandations………………………………………………..........
2.1- Agir sur la gouvernance……………………………………………..
2.2-Renforcer les structures d’encadrement et de participation de la
population………………………………………………………………...
2.3-Réformer la législation forestière et renforcer la dimension
territoriale de la politique forestière……………………………………...
2.4-Réunir les conditions d’un développement durable des zones
forestières et péri forestières……………………………………………..
2.5-S’approprier les outils de l’approche participative…………………..
3. Approfondissements et ouvertures…………………………………….
Annexe 1…………………………………………………………………
Annexe 2…………………………………………………………………
Annexe 3…………………………………………………………………
Bibliographie…………………………………………………………….
Table des matières………………………………………………………..
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