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Mr BEAUCHAMP EUGENE EDOUARD né le 15 juin 1886 classe 1906 Matricule 1984 a effectué son service militaire de 2 ans au 45eme d’infanterie à Laon (Aisne) puis mobilisé au 147eme d’infanterie à Sedan début Aout 1914 C’est la seule photo d’Eugene Edouard Beauchamp en uniforme du 45eme d’infanterie, aucune photo du 147eme d’infanterie

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Mr BEAUCHAMP EUGENE EDOUARD né le 15 juin 1886 classe 1906 Matricule 1984 a effectué son service militaire de 2 ans au 45eme d’infanterie à Laon (Aisne) puis mobilisé au 147eme d’infanterie à Sedan début Aout 1914

C’est la seule photo d’Eugene Edouard Beauchamp en uniforme du 45eme d’infanterie, aucune photo du 147eme d’infanterie

Lettres de Beauchamp Eugene Edouard du 07/08/1914 au 30/12/1914

Vendredi 7aout 1914 Sedan

Chère petite femme adorée

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que je suis en bonne santé et j’espère que la présente vous trouvera tous de même. Je te dirais que ce matin, je suis parti pour aller au dépôt du 147ème et je suis tailleur, je couds des galons sur les vestes et les capotes, jusqu’à présent nous n’avons que de très bonnes nouvelles. J’espère que quand tu pourras m’écrire tu m’enverras des nouvelles de Paris ainsi que de toute la famille. J’espère que mon petit Eugene et le petit Henri vont bien et que le petit Henri fait ce qu’il peut pour se rendre utile. Tu me diras si tu as réussi à trouver du travail et comment ça se passe à Paris. A Sedan, on ne se figure pas que nous sommes en guerre car tout est tranquille, les habitants sont très gentils, j’ai visité la ville hier soir, ce n’est pas épatant, mais enfin c’est encore assez grand. J’espère que Julien ne se fait pas de mauvais sang et que vous vous arrangez tous bien. Tu me diras si tu as reçu déjà des secours de la mairie et si tu as des bons de lait pour mon petit Eugene ? J’espère que tu ne te feras pas de mauvais sang, car je puis te rassurer que je n’ai rien à craindre pour le moment. Tu diras le bonjour à Helene ainsi qu’a grand-mère et maman et Florent. Annette m’a dit qu’elle viendrait te tenir compagnie et j’espère que vous venez tous vous voir et que vous ne vous embêtez pas trop. Je te mets l’adresse sur l’enveloppe pour que tu puisses m’écrire car là-bas nous n’avons pas de nouvelles de nulle part surtout de Paris. Je ne voie plus rien à te dire pour le moment, je t’enverrais des nouvelles tant que je pourrais. Je termine ma lettre en t’embrassant de tout mon cœur ainsi qu’a tout le monde de la famille. Embrasse mon petit Eugene et je t’envoie mille bons baisers. Ton mari qui t’adores (signé E Beauchamp) 147eme régiment d’infanterie, 28eme compagnie, dépôt Sedan (Ardennes troupes mobilisées caserne asfeld.ps a Sedan il fait un temps affreux, il tombe de l’eau toute la journée

Sedan samedi 15 aout 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que je suis très étonné de ne pas avoir de tes nouvelles, car c’est la cinquième lettre que je t’écris depuis que je suis parti, peut-être que le bureau de la place à Sedan nous retiens nos lettres, mais il n’y a pas beaucoup qui reçoivent des nouvelles de Paris, tant qu’à toi tu dois tu dois les recevoir 4 jours après que je les envoie, j’espère que tu me rendras réponse aussitôt que tu la recevras et tu expliqueras comment tu fais pour arriver à manger et avoir du lait a mon petit Eugene car je m’ennuie beaucoup de ne pas savoir comment il va, ainsi que toi et maman et grand-mère ainsi que le petit Florent et louise et Helene et Henri. Tant qu’a moi pour la santé ca va pour le moment car depuis que je suis arrivé a Sedan, j’ai passé la visite du médecin et j’ai été versé au dépôt de Sedan et comme je suis tailleur, je travaille toute la journée, donc ne te fais pas de mauvais sang, car il n’y a rien à craindre et je n’irais certainement pas au feu, c’est-à-dire que je n’irais pas combattre l’ennemi. Je reste a Sedan au dépôt pour assurer la sécurité de la ville et il n’y a rien à craindre, j’espère que tu me rendras réponse aussitôt que tu recevras la lettre car je voudrais bien savoir comment tu vas. Tu rassureras ma mère ainsi que grand-mère et Florent et tu les embrasseras bien pour moi. Je ne sais pas combien de temps cela va durer mais il faut compter au moins jusqu’au mois de décembre, alors prend tes précautions et ne te fait pas de bile, c’est le meilleur que tu as à faire. Ma chérie je ne vois plus rien a te dire pour le moment, je termine ma lettre en t’envoyant milles baisers et embrasse bien notre petit Eugene pour moi ainsi qu’Henri qui je crois qu’il doit faire son possible pour t’aider. Ps : Embrasse tout le monde pour moi et bien le bonjour a Annette. Mille baisers, ton mari qui t’adore (signature et adresse) Ps : Donnes moi de tes nouvelles de suite car je n’ai plus d’argent et peut être je serais forcé de ne t’écrire qu’une fois par semaine, ne m’envoie pas de timbre car on n’affranchit pas les lettres, ton chéri qui t’adore

Sedan le dimanche 16 aout

Ma chère petite Henriette

Je fais réponse à ta lettre qui m’a fait bien plaisir d’avoir de tes nouvelles ainsi que de toute la famille. Voici la première lettre que je reçois de toi, aujourd’hui dimanche 16 aout, j’espère que tu m’écriras plus souvent. Je suis très content de savoir que vous êtes tous en bonne santé, tant qu’à moi la santé va très bien pour le moment, j’espère que la présente vous trouvera de même. Tu me dis que tu n’as pas encore de travail, j’espère que tu en trouveras s partout car le travail va remarche un peu. Tant qu’a Henri s’il peut gagner quelques sous aux halles, tant mieux car ça vous aidera, mais qu’il ne perde pas de vue sa maison car il se peut que le travail reprenne chez Didout . Maintenant tache de te renseigner pour le secours car je crois que tu peux toucher 1,25 francs par jour pour toi et 0,50 pour le petit, alors tâche de faire attention. Dans ta prochaine lettre tu seras bien gentille de me donner des nouvelles de Paul, ainsi que de Victor si tu en as ? Je te dirais que tu peux te rassurer car le dépôt de Sedan dont je fais partie, s’il y a du pétard nous irons au Mans ou a Laon pour garder des prisonniers, alors tu vois que ce n’est pas un grand travail, je suis sur maintenant de ne pas aller a la frontière. Tu m’écriras le plus tôt possible car il va se livrer une grande bataille sur un front de 400 km de Liège à Verdun. Alors nous serons peut être forcé de nous retirer a Laon ou au Mans, j’espère que nous sortirons vainqueurs,

malheureusement il y aura des morts et des blessés car ça durera plusieurs jours. A Paris ne croyez pas les nouvelles que l’on vous annonce car vous ne pouvez pas avoir de nouvelles officielles. Tu me diras aussi, si tu vois Annette si elle reçois des nouvelles de son mari car il y a 4 ou 5 jours que nous avons su par les dépêches officielles de la sous-préfecture de Sedan qu’un combat avait été engagé et que nous avons rentré a Mulhouse , mais que le 10eme chasseur de Verdun et l’infanterie de Verdun ont été anéanties par les allemands, comme son mari est parti a Verdun il risque fort d’être dans le nombre, tache de le savoir, car se serait malheureux si c’était vrai. Ne lui dit pas que je t’ai écrit cela. (Formule de politesse habituelle, signature adresse)

Sedan le 17 aout 1914

Sedan mercredi le 19 aout 1914

Ma chère Henriette (formule de politesse habituelle) tu m’excuseras si je t’ai écrit que je n’ai reçu qu’une lettre de toi, car ce soir j’ai reçu trois lettres que tu m’as envoyé, elles ont été un peu longue a venir, car j’en ai reçu une que tu m’as écrite le 11 et une le 12 et l’autre du 17. Je suis content d’avoir de vos nouvelles car nous n’avons rien de paris et nous n’avons pas de journaux .Nous devions partir aujourd’hui de Sedan pour aller au Mans, mais nous sommes encore là, se sera surement pour demain ou après-demain. En tous cas ca ne pourra pas tarder, je crois que si je vais au Mans que je serais très bien car c’est dans le département de la Sarthe et se sera pour dresser les bleus qui vont arriver et pour garder les prisonniers, mais comme je suis tailleur, avec les bleus je travaillerais toujours, car l y aura toujours quelque chose à faire après leurs effets. Je suis content de savoir que Julien est a Abbeville et qu’il ne se fait pas de mauvais sang, j’espère que du moment que vous avez des nouvelles de Victor qu’il ne doit pas être en danger non plus, tant qu’a Paul je suis heureux qu’il soit a Troyes, j’espère que nous avons tous le bon coin. J’ai reçu une lettre de maman qui m’a fait bien plaisir, quand tu l’a verras tu lui diras qu’elle ne mette pas de timbre sur l’enveloppe car il n’y en a pas besoin.

J’espère que mon petit coco se porte bien et qu’il ne s’ennuie pas trop après moi, tant qu’à Henri c’est gentil qu’il aille vendre des journaux. Tu me diras s’il travaille aux halles dans la prochaine lettre. Ecrit moi toujours a la même adresse jusqu’à ça que je t’envoie ma nouvelle adresse. (Toujours même fin de lettre et adresse)

Le 20 aout

Lettre de sa mère

Cher Eugene, je te dirais que nous nous portons bien et nous pensons que tu es de même. Je t’ai déjà envoyé une lettre, mais je ne sais pas si tu l’as reçue, en tous cas la famille se porte bien, Julien est a Abbeville et Victor est à Humes, depuis je ne sais pas si il est

changé, envoie nous de tes nouvelles car on est bien content quand on en reçoit, je ne peux pas t’en mettre plus log, ta mère qui t’embrasse de tout cœur ainsi que Florent.

Sedan samedi 22 aout 1914

Ma chère petite femme (formule habituelle)

Maintenant tu me dis que tu n’as pas de nouvelle de moi depuis le 10, mais je t’écris tous les 2 jours et tu peux te rassurer car ça va très bien pour le moment, je t’ai écrit une lettre pour te dire que le dépôt de Sedan devrait partir pour le Mans, mais cette fois nous devons partir a Amiens ou à Abbeville, ça serait drôle que j’ailles voir Julien, je suis heureux qu’il soit bien aussi, tant qu’a Victor, il reste a Belfort, il ne doit pas être mal non plus. Je suis heureux de savoir que mon petit coco ait encore 2 dents, je vais le trouver change quand je vais revenir et j’espère que ça ne sera pas si long que ça. Peut être allons-nous partir de Sedan demain ? Car le train est préparé et tout est emballé, enfin en tout cas ça sera pour me reculer de la frontière. J’espère que Paul aussi restera à Troyes et que nous nous reverrons tous. Aussitôt que je serais arrivé dans mon nouveau logement je te l’écrirais. Mais en tous cas écris moi toujours a Sedan, la lettre suivra, seulement il ne faut pas que tu te fasses du mauvais sang, car toutes les lettres que je t’écris ainsi que les cartes, car ça fait 3 cartes que je t’envoie arriverons peut être ensemble (même fin de lettre)

Ps : tu pourras cacheter toutes les lettres, maintenant je n’ai plus d’argent, mais ne te fais pas de mauvais sang car tu en auras plus besoin que moi, si j’en ai absolument besoin je te l’écrirais, envoi moi l’adresse à Paul pour que je puisse lui écrire

St Nazaire vendredi le 28 aout 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que je suis arrivé à St Nazaire hier soir à 8 h, nous avons couché dans une école sur la paille, je vais te raconter mon départ depuis Sedan, nous avons eu réveil lundi à 3h du matin, départ à 4h de la caserne pour aller a la gare. Le train est parti a 5h 40, nous avons voyagé toute la journée et nous sommes arrivés a Amiens à 4h30 du soir, comme il n’y avait pas de place pour nous coucher, nous avons été coucher a Cagny d’où je t’ai écrit une lettre, nous avons passé la nuit de Lundi à mardi à Cagny et nous sommes repartis de Cagny à 3h30 pour aller chercher le train a Amiens, nous sommes arrivés à la gare d’Amiens à5h du soir et nous sommes restés jusqu’à 8h30 a attendre le train, nous avons embarqué a 8h30 et nous avons passé la nuit dans le train pour aller a St Nazaire. Voici ou j’ai passé à Rouen , mercredi matin à 6h, à Lisieux à 12h10, à Argentan à 4h30 du soir, Sées à 5h30, Alençon 6h10,Le Mans 9h du soir, Angers, Ancenis jeudi matin, Nantes 5h15 du matin, Châteaubriants Nazaire à 7h45 du matin. Tu pourras regarder sur une carte t tu verras le chemin que j’ai fait en chemin de fer, j’avais mal aux fesses et on ne pouvait pas dormir car nous étions dans des wagons à bestiaux. J’ai passé 2 nuits dans le train, enfin en tous depuis Amiens jusqu’à St Nazaire 36h de voyage. Comme il n’y avait pas de place pour nous encore, nous couchons dans une école sur la paille, nous avons été reçu très gentiment, j’ai fait aller chercher des œufs par un gamin, car à mange de la conserve pour le voyage, j’avais faim, les personnes non pas voulus que je les payes et ils m’ont donné du pain et des poires, enfin je ne suis pas malheureux.

J’ai vu la mer en passant le matin à Nantes, ça a l’air d’être gentil, seulement dans le train on ne peut voir grand-chose. Ce qui m’ennuie c’est que nous ne pouvons sortir en ville, ça fait que je ne peux aller voir la mer, enfin j’espère bien la voir de près. Je termine ma lettre en t’embrassant de tout cœur, ainsi que mon petit Eugene, Henri ,grand-mère, maman, et Florent, embrasse Louise et Helene, bien le bonjour à Paul et a Annette si tu la voie, mille baisers ton mari qui t’adores E Beauchamp

Tu m’écriras à cette adresse 147eme d’infanterie 28eme compagnie St Nazaire dépôt Loire inferieure. Ps : garde bien toutes mes lettres et mes cartes.

St Nazaire le mardi 1 septembre 1914

Ma chère petite Henriette

Je t’écris ………….etc.de même. Je te dirais que samedi j’ai été voir le port de St Nazaire, j’ai vu des navires de guerre en construction c’est très joli a voir, dimanche après-midi, j’ai été me promener sur les bords de la mer, c’est très joli seulement la plage est sablonneuse et celui qui prend un bain s’enfonce dans la vase jusqu’aux chevilles. J’ai trouvé un camarade qui est tailleur avec moi, il est très gentil, il sait que je n’ai pas d’argent, ça ne fait rien il sort avec moi et c’est toujours lui qui payes. Dimanche j’ai été diner avec lui, c’est rare de trouver des camarades comme ça, heureusement car je serais malheureux, c’est pour laver mon linge que je suis ennuyé, enfin a part ça tout va bien. Ce qui m’ennuie c’est que depuis 15 jours je n’ai pas de nouvelles de personnes, j’espère que tu m’écriras plus souvent car je m’ennuie de ne pas avoir de tes nouvelles. Je ne vois plus rien a te dire pour le moment (formule habituelle) Ps : met bien l’adresse

St Nazaire Samedi 5 septembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris pour ……etc. …..de même, Chez nous tous va bien pour le moment, mais ce qui me préoccupe c’est pour vous, surtout fait bien attention et renseigne toi bien, car moi je ne suis pas là pour te guider et te dire ce que tu dois faire. Aussitôt le reçu de cette lettre écris moi de suite et renseigne moi sur toute la famille, car se sera peut être la dernière lette que tu pourras m’envoyer, car d’ici 2 ou 3 jours je ne pourris plus recevoir les lettres de Paris alors dépêche-toi de me répondre. J’espère que tu ne te fais pas trop de mauvais sang et surtout ne te laisse pas abattre car il faut du courage et pense que tu as notre petit Eugene. Je ne vois plus grand-chose à te dire (formule habituelle)

Carte postale du 08 septembre 1914 de sa mère

Cher Eugene, nous nous portons tous bien pour le moment et j’espère que tu es de même. Florent moi et grand-mère nous t’embrassons de tout cœur, ta mère pour la vie

St Nazaire le 9 septembre 1914

Ma chère petite femme

Je fais réponse a ta carte ……………..etc. de même. Je suis étonné que tu m’écrives que tu ne reçoives pas mes lettres car je t’écris tous les 2 jours, depuis que tu m’as envoyé le mandat, voici 4 lettres que je t’envoie. Je reçois bien toutes tes lettres de ce moment, c’est drôle que tu ne reçoives pas les miennes, car j’ai écrit une carte a Andrée Trottier et elle m’a répondu aujourd’hui, elle m’a envoyé une care en me disant que Maurice n’était plus a St André, a côté de Paul, tu iras la voir si elle reçoive la réponse que je lui ai écrit en même temps que ta lettre. Je t’ai écrit 2 lettres en te disant que j’ai reçu ton mandat et je te remercie, je t’ai même écris que tu ne te prives pas pour m’envoyer de l’argent. Tu recevras peut être toutes mes lettres ensemble. A part ça je te dirais que tout va bien et je suis toujours en bonne santé, j’ai envoyé une carte a Paul et une lettre et je n’ai pas de réponse de lui, il est vrai que sur la ligne de l’est la correspondance ne marche presque plus. Si tu voyais à St Nazaire tous les paquebots d’Anglais qui arrivent c’est curieux a voir, des monuments, il y a des paquebots qui mesurent 200 m de long et même plus et ils ont au moins 3 étages de haut, je suis content de voir ça, car je n’aurais jamais l’occasion de le revoir, enfin si les allemands ne prennent pas la pipe avec ça, se serait malheureux, enfin envoi moi des nouvelles de ce qui se passe a Paris car moi a St Nazaire c’est toujours le même chose, je me figure refaire mes 2 ans. Je serais très content si tu pouvais m’envoyer dans une lettre la photographie de mon petit coco, je sais qu’elles sont collées sur du carton mais si tu pouvais en défaire une sans l’abimer ça me ferais plaisir, envoi moi là dans une lettre, je te numérote les lettres à partir d’aujourd’hui et fais en autant de ton coté comme ça je pourrais savoir si je les reçois toutes et toi aussi je ne voie plus rien a te dire (formule habituelle)

St Nazaire le 10 septembre 1914 (n° 2)

Ma chère petite femme

Je fais réponse a ta lettre du 7 et je suis heureux de savoir que tu as reçu de mes nouvelles car je t’écris tous les 2 jours t je t’envoie des cartes les jours ou je ne t’envoie pas de lettres, ça fait que je t’écris tos les jours, enfin je te numérote mes lettres et fais en autant de ton coté comme ça on saura si on les reçoit toutes. Demain vendredi il va partir 70 hommes dans chaque compagnie du dépôt, ce qui fait environ 700 hommes qui vont repartir pour renforcer le 147eme. Tant qu’a moi je reste à St Nazaire. Tu me dis qu’a Paris que

tout va bien et que vous êtes en sureté, tant mieux, car un moment je n’étais pas certain que Paris ne serait pas investi, enfin tout va bien car nous les repoussons sur toute la ligne, j’espère que ça continueras et que nous serons vainqueurs, je suis content aussi que tu aies été au cimetière avec Helene car moi je ne sais pas quand je pourrais y aller. Chose bizarre, hier je t’ai écrit que tu m’envoie une photo de mon petit coco et aujourd’hui tu me dis qu’il m’embrasse sur ma photographie, j’en ai les larmes aux yeux, car je voudrais bien être a côté de vous, enfin faut prendre patience. Je suis content que le petit Henri travaille avec ta mère ça vous aide un peu car je ne voie pas où et comment tu peux avoir de l’argent pour manger. Tu me dis que Julien t’as écris une carte et qu’il est à Sanvernan, mais tu ne mets pas l’adresse comme il faut que je lui écrive. Tu me mt toujours qu’ils vont bien, mais je ne sais comment leur écrire, j’ai écrit a Julien il y a 2 ou3 jours et maintenant le voilà changé d’adresse, j’espère que tu dois lui écrire ainsi qu’a Victor et Paul et que tu leur donne de mes nouvelles. J’ai écrit a Paul 2 cartes et une lettre, mais je n’ai pas de réponse, je suis content de savoir qu’il va bien, mais je voudrais bien qu’il m’écrive, tu me diras si Helene reçoive toujours de ses nouvelles, car sur la ligne de l’est il n’y aurait rien d’étonnant que la poste ne marche pas régulièrement, enfin je suis heureux que tout marche bien pour vous et pour moi, Je ne vois plus rien à te dire (formule habituelle)

Cachet du Croisic du 10/09/1914

St Nazaire le 14 septembre 1914

Ma chère petite Henriette je fais réponse a tes lettres du 7 et du 9 car je les ai reçues toutes deux ensembles, il y avait 4 jours que je n’avais pas reçu de lettre, seulement maintenant je ne me fais plus de bile, car je sais que tu m’écris souvent, seulement je les reçois 5 ou 6 jours après, comme toi tu reçois les miennes en retard aussi. Quand tu m’écriras, tu mettras : je fais réponse a ta lettre du et puis le n° des lettres comme ça je saurais si tu reçois toutes mes lettres t moi je saurais si je reçois les tiennes, par exemple je t’envoie une lettre le 14 septembre lettre n° 3 tu me répondras, j’ai reçu ta lettre du 14 lettre n°3. A part ça tout va bien pour le moment je suis en bonne santé..etc. …….Je te dirais aussi que depuis que je suis a St Nazaire, je ne suis plus tailleur, mais j’ai chipé une corvée, celle d’aller chercher de l’eau avec la voiture de la ville, comme il n’y a pas de chevaux, nous sommes a une dizaine pour trainer la voiture, ce n’est pas bien fatiguant, nous y allons 2 fois par jour. C’est toujours la même répétition, je me figure refaire mes 2 ans, mais j’espère que ça durera moins longtemps. Tu me dis toujours dans tes lettres que Julien et Victor vont bien, mais donne-moi l’adresse exacte que je puisse leur écrire, j’ai écris a Paul mais je n’ai pas de nouvelles de lui. Je ne voie plus grand chose a te dire (formule habituelle) N° 3

St Nazaire le 16 septembre 1914

Chère petite Henriette

Je t’écris cette petite lettre ……….etc. De même. Je te dirais que maintenant je prends la garde tous les 3 jours, je n’ai rien a te dire de très intéressant, sauf que depuis que je suis parti de Paris, je n’ai touché un fusil qu’hier et on va nous équiper complètement, je crois que d’ici peu il va y avoir du changement, j’aimerais mieux rester a St Nazaire car je suis bien, il n’y a pas d’ordre encore, mais pour qu’on nous équipes, c’est peut-être qu’on ira ailleurs, peut être pour garder des prisonniers ? Dans les iles. Enfin en tous cas je ne partirais pas au feu. Je te dirais aussi que les lettres ne marchent pas très régulièrement sur notre ligne, car je reçois tes lettres 4 ou 5 jours après, des fois je reçois les dernières que tu m’envoie avant celles que tu m’as écrites 5 ou 6 jours avant. Je t’ai écrit une lettre en te disant que si tu pouvais m’envoyer une photo de mon petit coco, celles que tu m’as fait cadeau au jour de l’an, si tu peux en défaire une de dessus le carton sans l’abimer, surtout ne le fait pas photographier exprès car ça ne me ferais pas plaisir, je veux avoir celle que j’ai chez nous. Je te dirais aussi que Baptiste m’a écrit et dans la lettre il m’a mis un journal et une petite médaille pour me porter bonheur, tu penses si j’ai bien rigolé. Je ne voie plus rien à te dire (formule habituelle)

St Nazaire le 19 septembre 1914

Ma chère petite Henriette

Je fais réponse a ta lettre n° 2 du 12 et je suis content ….santé …de même. Ma chère Henriette, tu m’as dit que tu as fait photographier le petit Eugene, mais je t’ai écrit sur une lettre que si tu ne pouvais pas m’envoyer celle que l’on a chez nous que tu ne le fasses pas photographier exprès, tu dépenses de l’argent que tu as trop besoin de ce moment. Je sais que c’est pour me faire plaisir, mais on n’en a pas trop, enfin je te remercie et vivement que je revoie mon petit coco, ça me désennuiera un peu. Je voudrais être a côté de lui pour l’entendre causer, car il doit être vraiment gentil, comme je vais le trouver changé en rentrant. Je suis content en même temps que tu touches les 2,75 francs par jour, mais à 4 ca ne fait pas gros à manger, enfin il viendra des jours meilleurs. Je suis content que le petit Henri fait ce qu’il peut, mais il n’était pas assez fort pour faire du terrassement, car c’est un métier trop dur pour lui. Tu me dis aussi que tu as reçu des nouvelles d’Emile, je crois qu’il doit être en bonne santé, quand tu lui écriras tu lui diras le bonjour pour moi. J’ai reçu une lettre de Paul, ce qui m’a fait beaucoup plaisir, il me dis qu’il reçoit souvent de tes nouvelles ainsi que d’Helene, mais depuis quelques temps il s’ennuie de ne plus recevoir de nouvelles d’Helene, si toutefois vous ne saviez pas qu’il n’est plus a Troyes, je vous mets son adresse, il est a Châteauroux 5ème Hussard , 11ème escadron, 3eme peloton. Écrivez-lui le plus vite possible, car nous recevons les lettres 7 ou 8 jours après, ce qui fait que l’on sait de vieilles nouvelles. Je te dirais aussi que j’avais envoyé une carte à Annette en lui disant de donner le bonjour à l’atelier, j’ai reçu une carte d’Annette hier en me disant qu’elle a perdu son beau-père le 10 septembre, que son frère a été blessé et que maintenant il va mieux, elle n’a pas souvent des nouvelles de son mari, elle n’a vraiment pas de chance, elle m’écrit en même temps que tu vas toucher 2,50 francs de la société de chez mon patron et qu’elle irait te voir à ce sujet, tu vois que j’ai bien fait de lui écrire une carte, car il faut toujours savoir ce qui se passe, j’espère que tu ne te fâcheras pas si je lui envoie une carte de temps à autre, je suis sûr qu’elle n’oses pas aller te voir. J’espère qu’elle peut venir et que tu la recevras bien, car il ne faut pas penser au mal, ce n’est pas le moment, car il vaut mieux être bien que mal. Quand elle sera venue tu m’expliqueras pour ma société. je ne vois plus grand-chose a te dire (formule habituelle)Ps : quand tu m’écriras, mets moi une feuille de papier à lettre avec une enveloppe, pour que je puisses répondre car je n’ai rien pour acheter du papier et des cartes, je suis obligé d’attendre après mon prêt, je ne t’écris pas pour que tu m’envoie de l’argent, car je n’en veux pas , je m’arrange comme je peux.

St Nazaire le 22 septembre 1914 n°6

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour ……..de même ainsi que tout le monde chez nous. Je te dirais que demain il part 100 hommes dans chaque compagnie pour aller renforcer le 347eme heureusement que j’y coupe encore, car tous ceux qui étaient bons pour partir ne faisait qu’un total de 90 hommes, alors l’on a pris au hasard de ma section, ce sont tous des hommes qui sont versés au dépôt par le major comme ne pouvant pas marcher, ils en ont pris une dizaine et j’ai eu le bonheur de rester , enfin la prochaine fois que l’on fera, je serais obligé de marcher car nous ne restons plus qu’a 50 à ma compagnie. Je ne sais pas comment ça va s’arranger car on ne pourra pas garder une école pour 50 hommes, car les bleus vont s’en aller dans les camps pour les instruire. Je crois qu’ils réunirons le reste d’hommes de chaque compagnie et qu’ils nous mettrons ailleurs, enfin pour le moment tout va bien pour moi, ce qui m’ennuie c’est que j’avais un camarade a côté de moi qui était très gentil, c’est un garçon, tous les soirs on sortais ensemble et c’est toujours lui qui payait, il me payait même du tabac et mon blanchissage, c’est pourquoi je te disais que je n’ai pas besoin d’argent, le dimanche soir il me paye a diner en ville, il est très gentil, je n’osais accepter, mais il m’a dit que c’était autant de pris , comme il est garçon, s’il ne revient pas, son argent est perdu alors il m’en fait profiter, ça fait que nous sommes deux amis. Maintenant que je dois rester seul et je ne saurais plus avec qui sortir, ça me fait de la peine de le voir partir. Enfin j’espère qu’il reviendra et que nous nous retrouverons a Paris quand se sera fini, car il demeure à Neuilly. Maintenant, ma petite femme, je ne reçois plus souvent de tes nouvelles parce que la poste ne marche pas très bien, je sais que tu ne m’oublie pas. Maintenant les lettres qui viennent de Paris mettent 6 ou 7 jours pour venir, comme des fois elles mettent 2 jours, enfin j’espère que tout va bien pour vous et que tu m’enverras la photo de mon petit Eugene le plus tôt possible car il se pourrait bien que je parte aussi un jour qui est peut-être plus près que je ne pense. Je ne vois plus grand choses à te dire (formule habituelle) Ps : il y a longtemps que je voulais te die de regonfler de temps en temps les pneus de ma bécane pour ne pas qu’elle s’abime trop. La pompe doit être chez Helene ou sur le haut du porte manteau. Ps ; mets moi aussi dans tes lettres du papier et des enveloppes pour que je puisse te répondre

St Nazaire le 24 septembre 1914 n°7

Chère petite femme

Je fais réponse a tes 3 dernières lettres que j’ai reçues toutes les 3 ensembles. Je te remercie de la photographie de mon petit Eugene et du mandat que tu m’as envoyé. J’ai reçu ta lettre du 14 n°3 du 16 n° et du 17 septembre. Quand tu m’enverras de l’argent, envoie-moi un billet de 5 francs dans une lettre car le mandat c’est embêtant, car je ne peux pas le toucher tout de suite. Le vaguemestre

m’avait dit que j’avais une lettre recommandée lundi et je n’ai pu la touche qu’aujourd’hui jeudi et maintenant je suis obligé de donner mon mandat et je ne le toucherais que lundi prochain. Alors tu vois ça d’ici, il me faut une semaine pour pouvoir toucher l’argent, pour peu que la lettre mette 4 ou 5 jours pour venir de Paris, ça fait 12 ou 13 jours avant de pouvoir toucher l’argent. Comme de ce moment je peux partir d’un jour a l’autre ça serait embêtant. Hier il est parti 100 hommes de chaque compagnie ce qui fait environ 1000 qui sont partis du dépôt pour aller renforcer le 347eme car il en manque pas mal a l’appel, enfin moi j’y ai coupé encore cette fois, hier j’étais de garde et tous ceux qui reste du dépôt ont passés la visite du major parce que il va partir encore un échelon, moi je passe la visite aujourd’hui , je te mettrais a la fin de la lettre (si je peux voir) si je suis bon a partir, mais je crois que cette fois, je n’y couperais pas, ça peut être d’ici 8 ou 15 jours comme peut être demain, enfin il faut prendre patience, si je pars il faut espérer que je reviendrais sain et sauf. Je suis heureux d’avoir mon petit Eugene, je le trouve déjà changé depuis que je suis parti, enfin bientôt je vous reverrais tous et en bonne santé, car maintenant ça ne durera plus longtemps. Je ne voie plus grand-chose a te dire (formule habituelle) Ps dans ta prochaine lette tu me diras si Annette est venue te voir, car elle m’a écrit que la société va te donner 2,50 francs par semaine, tu la remercieras pour moi. Ps : je reviens de la visite et le major m’a dit qu’il y a longtemps que je devrais être parti, que j’aurais dû partir avec le 1er échelon, il m’a mis bon alors je n’ai plus qu’a attendre le départ. Comme je fini la lettre je reçois une autre lettre de toi celle du 19 septembre, je vois que tu es comme moi que tu reçois les lettres en retard car il y y a déjà assez de temps que je t’ai demandé la photo de mon petit coco. Enfin je l’ai reçue avec ton mandat et je te remercie beaucoup. Mon copain que je t’ai dit qu’il partait est resté alors je partirais avec lui au prochain coup. Mille baisers tes doux, ton mari.

St Nazaire le 25 septembre 1914 n°8

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre …………..de même et mon petit coco, je t’ai écrit hier une lettre que j’ai passé la visite du major et il m’a trouvé bon, je crois que nous partirons bientôt, ne te désole pas car si je pars je ne serais pas long à revenir dans un dépôt car je ne serais jamais capable de porter le sac jusqu’au bout, enfin j’espère que ça se passera bien pour moi et malgré que j’irais au feu cela ne veut pas dire que je ne reviendrais pas sain et sauf. Comme je ne sais pas quand je partirais, je te renvoie les cartes que j’ai reçues car je tiens à les conserver, tu les mettras de côté car je ne peux les emporter avec moi car si je mets mon sac en voiture elles seront perdues. J’espère avoir de tes nouvelles le plus tôt possible. Je ne voie plus rien à te dire (formule habituelle) Ps : ne te fais pas de mauvais sang.

St Nazaire le 26 septembre 1914 n°9

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre ………………..de même et mon petit coco, je te dirais que j’attends tous les jours pour partir, j’ai entendu que c’était pour lundi, mais il n’y a pas encore d’ordre d’arrivée. Ne te fais pas de mauvais sang car certainement, je ne serais pas capable d’aller jusqu’au bout, mais enfin il faut partir quand même, je ferais ce que je pourrais, tu ne te tourmenteras pas si tu ne reçois pas souvent de mes nouvelles quand je serais parti car on ne doit pas pouvoir écrire comme on veut et il est probable que je ne recevrais pas souvent de tes nouvelles, car on ne reçoit pas souvent de lettres sur les lignes de feu. Enfin un peu de patience et j’espère revenir en bonne santé. Je continue à te renvoyer les cartes que j’ai reçues et tu les conserveras. Je ne vois plus grand choses a te dire pour le moment, je termine ma lettre en t’embrassant de tout cœur ainsi que mon petit Eugene que j’embrasse tous les jours sur sa photo avant de me coucher, embrasse Henri et Alice et Helene ainsi que Louise et Andrée et toute la famille. Mille baisers bien doux, on mari qui t’aime (signature)

Lieu ? mercredi 7 octobre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour……………………….de même ainsi que mon petit Eugene, Je ne peux te dire ou je suis, car il est expressément défendu de donner des nouvelles, tout ce que je peux te dire, c’est que j’ai été en première ligne dans les tranchées pendant 6 jours, maintenant nous avons quelques jours de repos, car on nous a remplacé, ne te fais pas de mauvais sang, ça c’est au petit bonheur, il se peut qu’il ne m’arrive rien, jusqu’à présent tout va bien, sauf que je suis bien fatigué et il ne fait pas chaud la nuit, enfin on s’y fait. Quand tu m’écriras envoie moi des feuilles et des enveloppes dans tes lettres, car on ne peut pas en avoir nulle part, ne te désole pas si tu ne reçois pas de mes nouvelles plus souvent car on ne peut pas écrire comme on veut, il faut attendre que l’on soit de repos pour pouvoir écrire, je ne vois plus rien à te dire …..Etc. Voici l’adresse qu’il faut m’écrire 2eme corps d’armée, 4eme division, 7eme brigade, 147eme d’infanterie, 3eme compagnie, 1er bataillon, aux armées en campagne (à suivre)

Le dimanche 18 octobre 1914

Ma chère femme

Je fais réponse à ta lettre qui m’a fait bien plaisir….santé… de même. Tant qu’a moi la santé va bien pour le moment, je t’écris dans les tranchées ou voici 8 jours que j’y suis, il fait froid là-dedans, je vais t’expliquer ce que c’est que les tranchées, c’est un trou que l’on creuse d’environ 1 m de profondeur et une dizaine de mètres de long, il y en a des plus petites et des plus grandes, le dessus est recouvert avec des branches et de la terre et il y a un côté plus élevé du côté de l’ennemi de façon que l’on puisse tirer, on couche dans le fond, couché sur nos sacs ou par terre dans la terre humide, je te jure qu’il n’y fait pas chaud, j’ai les pieds gelés tout le temps, on souffre du froid, maintenant il commence a tomber de l’eau, ça va être terrible, je ne sais combien de temps, je vais encore y rester, on devait nous relever cette nuit et on nous a oublier probablement, car nous y sommes encore, je voudrais bien me reposer un peu, car les douleurs commencent à venir. Tu me dis que tu m’a envoyé un colis avec du linge, du chocolat et des sardines, dans une autre lettre tu me dis que tu m’as envoyé des cheveux de mon petit Eugene, mais je n’ai encore rien reçu, enfin j’espère bien que je les recevrais, maintenant ne m’envoie plus d’effets car je ne saurais pas où le mettre, je suis obligé de porter tout ça dans mon sac, il est déjà assez lourd, maintenant on a déjà touché une couverture et l’on va toucher des chemises et des maillots, on a déjà commencé. Tâche de faire attention à ce que je t’écris ! Ne m’envoie pas d’argent de ce moment car je ne peux pas m’en servir, l’on ne peut rien se procuré, tout ce que tu peux m’envoyer, c’est du chocolat et des chaussettes et des sardines, mais pas de linge de corps. Envoi moi surtout du chocolat et des chaussettes car tout le monde a la diarrhée et on mange tout froid et pas grand choses dans les tranchées. Surtout envoie moi du papier à lettre et des enveloppes car je ne peux pas en avoir et sans ça je ne peux pas t’écrire. Je suis obligé d’attendre que tu m’en envoie pour t’écrire. A part ça je suis heureux de savoir que mon petit Eugene commence à bien parler et qu’il est bien portant, j’espère que bientôt je reviendrais sain et sauf et ça sera une vie nouvelle pour moi car j’aurais souffert moralement et du froid, vivement que ça finisse. Je termine ma lettre en t’envoyant mille baisers ainsi qu’a mon petit Eugene Henri et Alice, Helene et Andrée et toute la famille. Je ne peux pas écrire à maman et a personne car je n’ai pas de papier ni d’enveloppes, tu embrasseras bien maman et Florent ainsi que grand-mère et ma tante si tu l’a vois chez grand-mère

Le 27 octobre 1914

Ma chère petite Henriette

Je t’écris cette petite lettre pour te dire …… santé ….de même. Je te dirais que j’ai eu bien mal aux pieds, mais nous avons eu un peu de repos, ça fait que ça va un peu mieux, mais malheureusement c’est que ce soir nous retournons dans les tranchées pour 12 jours. Tu penses, si ce n’est pas la noce, tous les soirs il y a des escarmouches, mais j’ai bon espoir de revenir sain et sauf. Je te dirais aussi que j’ai reçu une lettre de Paul et une carte d’Helene et de toi, je te dirais aussi que j’ai reçu toutes les lettres en retard de Sedan, j’ai reçu depuis 3 jours, 15 lettres et cartes, j’ai appris la mort de notre pauvre cousin, Maurice, j’ai pleuré comme un enfant, aussi j’ai emprunté du papier à lettre et des enveloppes pour écrire a Romilly et pour t’écrire . je ne sais pas si tu reçois mes lettres, mais d’après tes réponses on ne le dirais pas, voici 3 ou 4 lettres que je t’écris en te disant que je n’ai pas reçu un mandat de 5 francs de ma société, le petite société, car tu sais qu’il y en a deux, Annette m’a envoyé une carte en me disant que Gérard m’a envoyé un mandat carte, mais je ne l’ai pas reçu non plus, je ne sais comment tu vas m’envoyer mes colis, tu me l’expliqueras sur ta prochaine lettre, si tu peux m’envoyer un petit colis postal qui ne dépasse pas 1 kilo, ça arrivera plus vite, tu me mettras 50 feuilles avec enveloppes au détail, pas en boite, du papier à cigarette, 12 cahiers, 3 mètres d’amadou, du chocolat s’il n’est pas trop cher ! car chez nous on le vend 7 francs le kilo et on ne peut pas en avoir, 2 ou 3 boites de sardines, des petits boites à 0,30 ou 0,40 pour que je puisse les manger seul, du papier émeri qu’il y a chez nous pour astiquer mon fusil car il est tout rouillé, on dirait un morceau de ferraille surtout ne m’envoie pas d’argent, j’oubliais si tu peux m’envoyer un petit saucisson sec qui se conserve bien car on a presque rien à manger, c’est dur a passer, mais il faut, Si tu e peux pas m’envoyer de colis, envoie moi du papier à lettre avec des enveloppes, surtout des enveloppes chaque fois que tu m’écriras, car plus personne n’en a et je ne pourrais plus t’écrire si tu ne m’en envoie pas. Je ne vois plus rien a te dire, je termine ma lettre ….etc. Ps : tu diras à Henri qu’il regonfle mes pneus de ma bicyclette de temps en temps pour qu’ils ne s’abiment pas.

Le 3 novembre 1914

Ma chère petite femme adorée

J’ai reçu deux lettres de toi qui sont datées du 26 octobre toutes les deux et j’ai reçu le 2eme colis que tu m’as envoyé, je te remercie beaucoup, seulement si tu revoie un colis ne m’envoie pas de linge ni de chaussettes, j’en ai grandement assez, si tu peux t’arranger de m’envoyer un petit colis de temps en temps, mets moi simplement du chocolat, surtout pour éviter la diarrhée, du saucisson sec qui puisse se conserver longtemps, des petites boites de sardines, toutes petites a 0,30 ou 0,40 francs pour que je puisse les manger seul dans les tranchées, car tu comprendras bien que si tu m’envoies des grosses boites, je ne peux pas les manger d’un seul coup et une fois ouvertes je suis obligé d’en donner aux autres, du pâté de foie comme tu m’en a mis une, une douzaine de papier à cigarette car on ne peut pas en trouver et tu ne m’en a envoyé qu’un seul, ce n’est pas assez avec une douzaine, j’en aurais pour longtemps, de l’amadou ;, j’en ai assez maintenant, ne m’en envoie plus. Ni du tabac, car du tabac on en touche de trop en ce moment, pas d’allumettes non plus, je n’en ai pas besoin, du papier à lettre avec des enveloppes, tu peux m’en envoyer dans tes lettres, car je n’en aurais jamais de trop, comme ça je pourrais écrire à tout le monde. Sur ta prochaine lettre tu me feras une liste a part sur une feuille de toutes les adresses de Julien, de Victor, de Maurice, de Romilly, enfin a tous ceux que je peux écrire car je conserve les lettres et j’en ai déjà beaucoup, je suis obligé de les mettre dans mon sac et chaque fois que j’écris, je suis obligé de regarder l’adresse sur les lettres. Surtout ne m’envoie pas de linge, des chaussettes non plus, j’en ai assez. Heureusement que je n’ai pas reçu le 1er colis car je ne saurais pas où le mettre Si tu me l’as envoyé a St Nazaire par la gare, je ne suis pas près de le recevoir. Envoi moi des petits colis comme celui que tu m’as envoyé, car on n’a pas trop à manger et je mange comme 4 de ce moment. A part ça la santé va bien pour le moment, mes pieds vont mieux car on a eu 4 jours de repos, ça fait du bien, car j’en avais besoin. Je suis content de savoir que tout le monde est en bonne santé, je regarde souvent la photo de mon petit Eugene, je suis heureux de savoir que le petit Henri travaille, ça t’aideras un peu mieux, tu me diras si c’est chez Didout. J’espère que maintenant, il n’y en aura plus pour longtemps et j’espère être auprès de toi pour le jour de l’an, ça fait encore 2 mois, d’ici là, ça sera fini, je l’espère. J’ai écrit a Romilly a ton oncle Jules, je ne vois plus grand choses a te dire pour le moment, je crois que bientôt nous irons au repos pour une huitaine de jours. Je termine ma lettre en t’envoyant mille baisers bien doux, je t’écris dans les tranchées de réserve en 3eme ligne, ton mari qui ne t’oublie pas. Ps : embrasse mon petit Eugene ainsi que tout le monde …….etc.…. tu diras a Florent que je ne peux pas lui écrire ou je suis car il nous est défendu de l’écrire, tu lui diras qu’il plante son drapeau à st Menehould, je suis à 15 km de là dans les bois.

Le 6 novembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te faire savoir que j’ai reçu la carte de mon petit Eugene, elle est gentille, c’est aujourd’hui qu’il a 23 mois, je voudrais bien le voir, ce qu’il doit être changé. Je te dirais en même temps que je suis n bonne santé et que mes pieds sont presque guéris, car on vient d’avoir 5 jours de repos, si on peut appeler ça du repos, mais enfin ça soulage tout de même. Ce soir on retourne aux tranchées de 1ere ligne, j’espère que ça se passera encore bien, car je crois que maintenant il commence a faire froid et les mauvais temps arrivent, on restera 5 ou 6 jours en 1re ligne et 5 ou 6 jours en repos ou réserve Je ne sais pas si tu reçois mes lettres régulièrement comme je te les envois , mais je t’ai déjà écrit deux lettres que j’avais reçu le 2eme colis, mais je n’ai pas encore

reçu le 1er,ça serais malheureux qu’il soit perdu. En tout cas ne m’envoie plus d’effet, c’est-à-dire pas de linge, ni de chaussettes, car j’en ai assez pour le moment et puis on donne de tout en ce moment, on donne des chandails, des tricots ; des chaussettes enfin tout ce qu’on a besoin. Quant à l’argent, je ne veux pas que tu m’en envoie, je n’en ai pas besoin car a mon atelier on m’a envoyé 5 francs et Gérard m’a envoyé un mandat carte que je n’ai pas encore reçu non plus. Ce qui manque le plus c’est le nourriture, car je mange comme 4 et on mange toujours froid, on a pas souvent de soupe et le viande, le cuisinier de notre escouade ne sais faire que des biftecks , tu penses si c’est de la viande à faire des biftecks, ce n’est que du nerf ou de la peau, j’en ai mal aux dents, alors en place de m’envoyer de l’argent, envoie moi un petit colis, ça le fera plus plaisir, je t’ai déjà écrit ce qu’il faut me mettre, mais je te le remets encore, du chocolat surtout, je sais qu’il coute cher de ce moment, mais tu peux prendre le meilleur marché, du saucisson sec qui puisse se conserver longtemps, des petites boites de sardines car les autres sont trop grandes et une fois ouvertes, ça ne se conserve pas, et puis dans les tranchées la terre tombe dedans, des petites boites de pâté, Si tu peux m’envoyer un autre petit colis ,ça me ferais plaisir car ça ne fait pas long feu à manger. Ne m’envoie pas 12 cahiers de papier à cigarettes, avec 3 ou 4 j’en aurais assez car voilà que l’on nous en donne aussi, du tabac j’en ai presque une livre d’avance, alors de m’en envoie pas non plus. J’espère que ma lettre te trouvera en bonne santé ainsi que mon petit Eugene et Henri ainsi que toute la famille. Embrasse bien Helene pour moi et bien le bonjour a Andrée. Envoie-moi des nouvelles de Louise si tu en as ainsi que de Victor. Tu me mettras l’adresse de toutes les personnes à qui je peux écrire sur une feuille de papier, car j’ai tellement d’adresse que je ne me rappelle plus quand je veux écrire. Je ne vois plus rien à te dire pour le moment (formule habituelle)

Le 14 novembre 1914

Chère petite femme je t’écris cette petite lettre pour te dire que j’ai reçu 2 lettres de toi et je me dépêche de te répondre car je suis au repos pour 4 à 5 jours, je suis content de savoir que tu es en bonne santé, ainsi que mon petit Eugene et Henri, tant qu’a moi la santé va bien pour le moment. J’ai répondu Helene aujourd’hui, mais tu lui diras que si je n’écris pas plus souvent c’est que je ne le peux pas, j’ai déjà du mal a t’écrire et je suis obligé de répondre aux lettres que l’on m’écrit de l’atelier, j’ai reçu 2 mandats carte de l’atelier, un de 10 et un de 5 francs. James m’a envoyé un mandat de 5 francs aussi, mais il m’a envoyé le mandat d’un autre camarade, ça fait que j’ai été obligé de lui renvoyer, enfin tu voie que je n’ai pas besoin d’argent pour le moment, ça me fera 25 francs d’argent quand j’aurais touché mes mandats. J’ai reçu des nouvelles de ma mère et je lui ai répondu, j’attends toujours des nouvelles de ma belle-sœur louise, je lui écrirais quand j’aurais reçu de ses nouvelles, car depuis que je suis parti je n’ai jamais eu de ses nouvelles. Je te dirais que maman m’a envoyé une lettre en me donnant la nouvelle adresse de Julien, j’étais déjà content car son régiment était au repos au pays avec moi, j’ai été voir à sa compagnie et j’ai appris qu’il est prisonnier depuis le 25, il a été fait prisonnier dans le même bois ou je vais en 1ere ligne. J’espère qu’il ne sera pas malheureux car on ne les traite pas tous bien, comme on le dit. Je t’ai déjà écris pour te dire que tu pouvais m’envoyer un autre colis, tu pourras me mettre du chocolat, si tu peux m’en mettre une livre, ça me fera plaisir, car avec le froid on a presque tous la diarrhée, comme je ne l’ai pas encore eu, il faut que je prenne des précautions, le chocolat c’est le meilleur contre la diarrhée, tu pourras me mettre du saucisson sec qui puisse se conserver longtemps , des sardines, du pâté. Je t’ai mis sur une lettre que tu m’envoie une pipe, tu ne l’enverras pas car j’ai pu en acheter une au pays ou je suis au repos. Je t’ai mis aussi que tu m’envoie un de mes portefeuille, tu choisiras le moins large des deux qui sont dans la boite où l’on met les quittances, ne m’envoie pas mon vieux car il ne vaut plus grand-chose, j’aime mieux que tu m’envoie un colis de temps en temps que de m’envoyer de l’argent, en même temps si tu peux m’envoyer une blague a tabac en caoutchouc rouge, tu trouveras ça au bazar du château d’eau, mais surtout tu feras bien attention qu’elle ne soit pas raccordée au fond car ça se décolle, il faut qu’elle soit d’une seule pièce, si tu ne trouves pas en caoutchouc rouge ne m’en achète pas, car les autres ne valent rien. J’espère que tu m’enverras ce colis, le plus tôt possible, car ça me ferais plaisir de l’avoir, si ça pèse trop lourd pour 1 colis postal de 1 kilo, tu me l’enverras en 2 fois, mais surtout envoie moi, la blague, le portefeuille et du chocolat, c’est le principal pour le moment. A part ça il fait un temps affreux, il tombe de l’eau t il fait froid, j’ai bien peur d’avoir encore des douleurs. Surtout ne m’envoie pas de linge, car on m’a donné une chemise, une grande ceinture de flanelle, des chaussettes et des gants, alors tu vois que je n’ai besoin de rien. Je n’ai plus rien à te dire, je termine en t’envoyant mille baisers ainsi qu’a mon petit coco et Henri, bien le bonjour à Hélène et Andrée, ton mari qui t’embrasse

Le 16 novembre 1914

Chère petite femme

Je t’envoie cette petite lettre pour te dire que j’ai reçu ton petit colis et je te remercie, je t’ai écrit ce matin que je ne l’avais pas reçu, mais juste, je l’ai reçu ce soir et je me dépêche de te l’écrire, je ne l’ai pas encore ouvert, car il faut que je monte mon sac pour partir aux tranchées de 1ere ligne ce soir à 5h et il est déjà 4h30 alors je regarderais ça aux tranchées. Je ne te mets pas d’avantage car je n’ai plus le temps. Je serais peut-être 4 ou 5 jours sans t’écrire car dans les tranchées, il tombe de l’eau et ce n’est pas facile, car on ne vient pas souvent chercher les lettres aux tranchées de 1ere lignes, je termine ma lettre en t’envoyant mille baisers bien doux, embrasse mon petit coco et Henri, ton mari qui t’embrasse (signé)

Le 22 novembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que je suis toujours en bonne santé, j’espère que la présente te trouveras de même, ainsi que mon petit Eugene et Henri. J’ai reçu une lettre de ma belle-sœur Louise qui me dit qu’elle a eu une petite brouille avec toi ou plutôt avec Alice, j’espère que ce n’est pas grand-chose et que tu vas la voir de temps en temps, car il ne faut pas avoir rancune l’une à l’autre. Je te dirais que j’ai passé 5 jours aux tranchées et que aujourd’hui dimanche nous sommes au repos en réserve pour 5 jours, car maintenant on ne passera plus que 5 jours aux tranchées et 5 jours de repos, car il fait un froid terrible, il y en a beaucoup qui ont les pieds gelés, il était temps que l’on soit relevé des tranchées car j’ai mon mal de pied qui n’était pas tout a fait guéri m’est revenu et le froid commençait à se mettre dedans aussi. Aujourd’hui comme l’on est au repos j’en ai profité pour me faire porter malade et je suis reconnu exempt de service, j’irais pendant mon repos tous les jours à la visite, comme ça je serais guéri pour quand on ira aux tranchées, ne te fais pas de mauvais sang, car ce n’est presque rien. Je t’ai déjà écrit que j’avais reçu ton petit colis et je te remercie beaucoup, le 1er colis que tu m’as envoyé doit être en gare de St Menehould et je ne peux aller le chercher, ni le vaguemestre non plus car il n’y a pas de service pour aller à la gare chercher les colis, je te renvoie ta lettre et tu l’enverras au chef de gare de St Menehould et tu lui demanderas si il est resté la bas, je ne sais pas comment faire pour l’avoir. Quand tu m’en enverras un autre, tu n’oublieras pas de mettre mon portefeuille, tu choisiras le moins large des deux que j’ai dans la boite aux quittances ou dans la poche de mon veston, si tu peux m’envoyer une blague a tabac en caoutchouc rouge et une pipe pas trop grande, je te remercie a l’avance, mais si tu ne peux pas acheter tout ça, ne te prives pas. Surtout ne m’envoie pas d’argent ni de linge car j’ai encore reçu un mandat de 5 francs de mon patron, ça fait 30 francs que j’ai sur moi et je ne peux pas dépenser grand-chose, alors j’en ai grandement assez pour le moment. Je voudrais bien que cette maudite guerre soit finie pour être a côté de toi car je crois que je souffrirais cet hiver du froid. Enfin il faut prendre son mal en patience et quand je serais auprès de toi ce sera une joie nouvelle et une nouvelle vie pour moi, je ne vois plus rien a te dire pour le moment, je termine ma lettre en t’envoyant milles baisers très doux ton mari qui t’adore et qui pense à toi, embrasse mon petit coco pour moi ainsi que le petit Henri et Helene, bien le bonjour a Andrée si tu la vois.

Le 1er décembre 1914

Ma chère petite femme

Je fais réponse à tes 2 lettres du 23 et du 25 qui m’ont fait plaisir de te savoir en bonne santé ainsi que mon petit Eugene et Henri, j’ai reçu une lettre de maman et de Florent, seulement ne te fais pas de mauvais sang, si tu n’as pas de nouvelles plus souvent car nos lettres se croisent et je les reçois comme je viens de te l’écrire. Je t’ai écrit le 25 novembre avant de partir des tranchées, mais nous avons changé de place et là on ne vient pas chercher nos lettres , de sorte que je ne peux t’écrire que quand je suis au repos, j’irais peut être au repos ce soir, ce n’est pas sûr, car maintenant on ne mous dis plus rien car il y a des espions partout, alors on ne sait plus quand on va au repos, alors vois-tu, il faut pas te faire du mauvais sang car je suis aux tranchées pour 5 jours, je t’écris le 6eme et le temps que le lettre t’arrives , tu ne peux avoir de mes nouvelles avant 10 jours, je t’écris toujours avant de partir aux tranchées, ça fait que tu reçois la lettre quand je suis pour partir au repos, Dans la prochaine lettre tu me diras si tu as reçu mes lettres du 21 et du 25 novembre. Maintenant je te dirais que j’ai reçu ton colis et je t’ai répondu de suite, je suis très content de ma pipe ainsi que tout ce que tu m’as envoyé, seulement la blague ne vaut pas grand-chose. Enfin je m’en sers quand même et je te remercie. Je te dirais aussi que mon pied va beaucoup mieux et que le temps est moins froid, seulement il tombe de l’eau, ce qui est encore plus embêtant. Enfin j’espère que nous n’aurons plus longtemps, car les allemands reçoivent une belle purge par les russes et dans le nord, ils commencent à reculer, par chez nous il n’y a presque rien de ce moment, tant qu’a coucher à la belle étoile on s’y habitue un peu, c’est dur mais enfin, ça parait moins dur que les premiers temps . J’ai écrit à Paul et je n’ai pas de ses novelles, sur ta lettre tu me dis qu’il est parti en Belgique, c’est surement pour aller au feu, enfin n’en parle pas à Louise. Je t’écrirais le plus souvent que je pourrais car je pense a vous tous, comme vous pensez a moi, et j’espère revenir sain et sauf de cette triste guerre. Quand tu m’écriras, écris moi, je fais réponse à ta lettre du … comme ça je saurais si tu reçois toute mes lettres, je ne voie plus grand-chose a te dire pour le moment, je termine ma lettre en t’envoyant mille baisers bien doux, ton mari qui t’aime et qui pense à toi, (signé) embrasse mon petit Eugene ainsi que le petit Henri et Helene, tu diras à Helene qu’elle ne se fâche pas car je ne peux pas écrire comme je le voudrais. Ps : envoie moi mes colis dans de la toile, car les papiers arrivent tous déchirés. J’ai écrit à mon oncle Edmond et à mon oncle Jules, la semaine dernière. Quand tu m’enverras un colis, tu m’enverras les articles les plus intéressants pour moi, des journaux de Paris dans le colis, tu achèteras le journal 2 ou 3 jours de suite et tu m’enverras. Le plus intéressant, que je sache ce qui se passe, car ou je suis on vit comme des brutes.

Le jeudi 3 décembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire Que je suis toujours en bonne santé et que mon pied est presque guéri. Je suis au repos depuis hier soir pour 5 jours, j’ai reçu ta lettre qui me dis que tu m’envoie un autre colis, je ne l’ai pas encore reçu, mais j’espère le recevoir bientôt. Ma chère petite femme, juste quand je t’écris voilà que l’on nous dit de nous mettre en tenue pour aller aux tranchées de réserve, j’ai eu froid aux pieds, ce sont des tranchées qui ne sont pas couvertes et avec ça on peut y aller en bateau car il tombe beaucoup d’eau, on a toujours les pieds trempés, sur les routes on enfonce dans la boue, jusqu’aux chevilles, on a passé la nuit dans les tranchées de réserve et au matin, on est reparti pour aller au repos, mais voilà que dans la journée, on a été forcé de retourner en 1ere ligne pour renforcer le 120me et le 91eme, ils ont pris une belle purge et les ont été forcés d’abandonner leurs tranchées , de sorte que le génie nous a fait des tranchées en arrière et elles ne sont pas couvertes, il est tombé de l’eau toute la nuit, on est traversé comme des soupes, j’ai les pieds a moitié gelés, il tombe de l’eau dans la journée et la nuit, et au matin il gèle à glace, je n’ai jamais vu un temps pareil , je ne peux t’envoyer ma lettre d’ ou je suis , je te mettrais ce qu’il m’arrive tous les jours, c’est aujourd’hui dimanche, tu penses si j’en passe des beaux dimanche. Enfin lundi et mardi il est tombé de l’eau, on est venu nous relever à minuit mardi et nous sommes repartis aux tranchées de réserve à la Harazée. J’ai reçu une carte de ton oncle Edmond et une de ton oncle Jules, Ce n’est pas de chance le mari de Marthe a été tué, il y a 3 semaines, quand est-ce que ça finira, je ne demande qu’une seule chose c’est de vous revoir en bonne santé, tant qu’a moi, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. J’ai reçu une lettre de Victor et je vos qu’il est comme moi, il n’est pas très heureux non plus. Enfin nous en viendrons à bout tout de même. Quand j’irais au repos, je toucherais mon colis, car il doit être arrivé. Aussitôt que je l’aurais reçu, je te l’écrirais. On n’a vraiment pas de chance car presque chaque fois que l’on s’en va au repos pour 5 jours, on est forcé d’aller renforcer l’un ou l’autre, de sorte que l’on n’a pas de repos. Ne t’ennuie pas si tu n’as pas de nouvelles plus souvent car maintenant en 1ere ligne, je ne pourrais plus t’écrire qu’étant au repos. Je ne vois plus grand choses à te dire pour le moment (formule habituelle) ton mari qui t’adore et qui ne t’oublie pas

Florent le 9 décembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que je suis toujours en bonne santé, j’espère que la présente te trouvera de même ainsi que mon petit coco et Henri. Je te dirais que nous avons été relevés hier des tranchées et nous sommes partis au repos. Tu me dis sur ta dernière lettre que Emile va peut être aller au repos et qu’il ira sur Paris, il est veinard, tant qu’a moi il y a des bruits qui courent que notre corps d’armée va aller au repos pour 20 jours, on ne l’aura pas volé, mais on ira pas loin, on irais a 25 km des tranchées de 1ere ligne, enfin si c’est vrai, ça sera toujours 20 jours de repos, d’ici là la fin de l’année arrivera, j’espère que la nouvelle année sera meilleure et que bientôt j’aurais le repos complet auprès de vous tous. Je te dirais que j’ai reçu le colis de st Nazaire aujourd’hui et j’ai reçu le dernier colis que tu m’as envoyé aussi, ça me fait 2 colis ensemble. Je te remercie beaucoup, heureusement que l’on est au repos, mais quand je vais repartir mon sac va être un peu plus lourd, heureusement que je peux en mange un peu. Vraiment je serais heureux d’aller au repos, ça me reposerais un peu. J’espère que la présente vous trouvera tous en bonne santé ainsi qu’Helene et Henri. C’est malheureux qu’Andrée soit a l’hôpital, si tu peux me dire où elle est, je lui écrirais, ça lui fera plaisir. Je ne peux t’en dire d’avantage, si je vais au repos je te l’écrirais. Je termine ma lettre en t’embrassant de tout cœur ainsi que mon petit Eugene et Henri, embrasse bien Helene pour moi, ton mari qui t’aime(E Beauchamp)

Florent le 11 décembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que je suis toujours en bonne santé, j’espère que la présente te trouvera de même ainsi que mon petit Eugene et Henri. Je te dirais que je n’ai pas eu de chance ,la dernière fois que nous avons été de repos, car nous avons été forcés de retourner en 1ere ligne au bout de 2 jours, le 120eme qui nous avait remplacé c’est fait prendre leurs tranchées, alors le génie nous a fait des tranchées 500 m en arrière, elles n’étaient pas couvertes et nous avons reçu de l’eau pendant 3 jours nuit et jour, tu penses si l’on était bien, enfin maintenant nous voilà reparti au repos, j’espère qu’il sera meilleur car j’ai ai entendu dire que nous allions nous reposer 20 jours, il y a un autre corps d’armée qui est arrivé pour nous remplacer , vivement que ça arrive, car ça ne me ferais pas de mal car j’ai besoin de repos. Si l’on part pour 20 jours je te l’écrirais, en tout cas, ça sera pas bien loin des tranchées de 1ere ligne, 25 km environ, enfin ça sera fera la fin de l’année, l’autre sera peut-être meilleure. Je ne vois plus rien a te dire, je termine ma lettre en t’envoyant mille baisers bien doux, embrasse bien mon petit Eugene et Henri et Alice et bien le bonjour a Helene et Andrée. Ton mari qui t’aime Ps : j’ai reçu ton colis de st Nazaire et le dernier que tu m’as envoyé

Florent le 12 décembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que j’ai reçu ton colis du 6 car voici depuis 3 jours que je suis au repos, j’ai reçu celui de St Nazaire avec un autre colis avant-hier et aujourd’hui j’ai reçu un autre colis. Je te dirais que je suis toujours en bonne santé et

j’espère que la présente te trouvera de même ainsi que tout le monde chez nous, je te dirais qu’en place de repos de 20 jours, on repart aux tranchées ce soir, c’était trop beau pour moi, j’ai reçu une lettre d’Emile, il est au repos lui, il est plus veinard que moi. Je n’ai pas beaucoup le temps de t’écrire, je termine ma lettre en t’embrassant de tout cœur ainsi que mon petit Eugene et Henri, ton mari qui t’adore (E Beauchamp) Ps : à partir d’aujourd’hui tu m’écriras comme je te le mets sur mes colis aussi. 2eme corps d’armée, 4eme division, 7eme brigade,147eme d’infanterie,3eme compagnie, secteur postal N° 110, bureau central militaire de Paris.

La Harazée le 26 décembre 1914

Ma petite femme

Je fais réponse a tes lettres qui m’ont fait plaisir de te savoir en bonne santé, j’espère que la présente te trouveras de même ainsi que tout le monde chez nous. Tant qu’a moi la santé ne va pas trop mal pour le moment à part qu’on a toujours les pieds gelés, car il fait très froid. Ma chère petite femme, je n’ai pas pu t’écrire plus souvent, car nous avons passés 12 jours et 13 nuits dans les tranchées et les boches ont pris des tranchées sur notre gauche, alors il fallait faire attention. Nous avons été relevé hier matin et nous sommes en réserve, de sorte que nous n’aurons pas encore de repos, enfin les boches reculent dans le nord et nous reprenons l’offensive, alors ça va marcher dur, j’espère qu’ils seront forcés de s’en aller, vivement qu’ils soient dans leur pays. J’ai reçu ton colis le jour de Noel et je te remercie, seulement tu m’as encore pris la blague trop petite, enfin ça ne fait rien. Je te remercie du saucisson et des cigares, ils étaient un peu cassés, mais je les ai fumés tout de même. Tu m’as dit que Paul m’écrirais, mais je n’ai pas encore de ses nouvelles. Si je vais au repos je t’écrirais ainsi qu’a Helene, tu la remercieras de la carte qu’elle m’a envoyée, je ne peux pas écrire à tout le monde, nous sommes sur le qui-vive et je n’ai pas le temps d’écrire, tu remercieras Marcel pour la société, je lui écrirais plus tard. Dans ton prochain colis envoi moi des allumettes, mais ne m’envoie plus de papier à lettre car j’en ai trop pour le moment. J’ai reçu la carte de mon petit coco et la tienne, je te remercie beaucoup, je ne voie plus rien à te dire, je termine ma lettre en t’embrassant de tout cœur ainsi que mon petit coco et Henri. Embrasse bien Helene pour moi. Mille baisers bien doux(E Beauchamp) n’oublie pas de mettre secteur postal N°110 sur l’enveloppe.

Ultime lettre le 30 décembre 1914

Ma chère petite femme

Je t’écris cette petite lettre pour te dire que j’ai reçu ton petit colis il y a 5 ou 6 jours dans lequel tu m’envoie du chocolat, du saucisson et ma blague à tabac et 2 cigares. Aujourd’hui j’ai reçu un autre colis dans lequel il y a du chocolat, des sardines, des cigares, des allumettes etc., je te remercie. A part ça je te dirais que je suis toujours en bonne santé, j’espère que la présente te trouvera de même ainsi que mon petit Eugene et Henri. Je suis étonné que tu n’aies pas de nouvelles depuis le 12 décembre, car voici 3 ou 4 lettres depuis le 12. Enfin j’espère que tu les recevras, en tout cas, je t’ai écrit une lettre en te souhaitant la bonne année, en tous cas si tu ne la reçois pas, je profite pour t’envoyer mes meilleurs souhaits pour la nouvelle année. J’aurais voulu être auprès de toi, mais ce n’est pas possible, enfin faut espérer que bientôt, j’y serais et que cette fois nous pourrons vivre heureux. Je ne vois plus grand-chose a te dire pour le moment, je termine ma lettre en t’envoyant mille baisers bien doux, ainsi qu’a mon petit Eugene et Henri. Embrasse bien Louise pour moi. Ton mari qui t’adore (E Beauchamp) Ps : voici ma nouvelle adresse, tu n’auras plus besoin de mettre le corps d’armée : 147eme d’infanterie, 3eme compagnie secteur postal N°110, bureau central de Paris

Ps : de ce moment, je suis au repos depuis 6 jours, ça fait plaisir

Mme Henriette Beauchamp apprend la mort de son mari Eugène quelque semaines plus tard lorsque le 147eme est relevé le 19 janvier 1915 par son meilleur ami , qui lui relate l’instant , le lieu ( bois de la gruerie ,Fontaine Madame, la fille morte, fontaine aux charmes ,mortier ) et la façon dont il est tombé sous un obus et lui promet de l’emmener voir ou cela c’était passé des que la guerre sera terminée, mais cette personne ne reviendra jamais, malgré les recherches effectuées par son fils Eugène, pas de trace de son passage, pas même une stèle commémorative ne porte son nom !

Extrait de Vestiges 1914 1918 (historique des régiments) de LA MARNE. — Septembre 1914.

C'est devant THIÉBLEMONT et FAVRESSE que se déroulent les fluctuations de la lutte engagée. Prise et perte de FAVRESSE, reprise de ce village. Comme les jours précédents, c'est pour tous le mépris de la mort. On se bat et l'on tient jusqu'à ce que l'ennemi soit contraint à évacuer les positions. Dans la nuit du 11 au 12, les Allemands battent en retraite. La poursuite est âpre, mais on ne sent pas la fatigue. , Dès le 15 septembre, le combat reprend de plus belle, en entrant dans l'ARGONNE, dans la région de VIENNE-LE-CHATEAU. Cette région boisée, avec ses ravins profonds et encaissés, rend la marche difficile et la surprise possible. Néanmoins le 147e déjoue les ruses de l'ennemi, repousse ses furieux assauts et conserve sur lui un certain avantage. Des tranchées sont établies de part et d'autre. Les quelques jours qui s'écoulent du 15 au 18, pendant lesquels se déterminent les positions allemandes et françaises, ne seront que le prélude de la lutte de tous les instants que le régiment va avoir à soutenir.

ARGONNE. –Décembre et Janvier 1914-1915.

Après trois journées pendant lesquelles, malgré une pluie pénétrante, sans abri, sans feu, chaque soldat fait preuve d'une énergie et d'une vigueur incomparables, les tranchées se creusent et, quoique pleines d'eau, elles seront occupées et bien défendues. Les attaques alors succèdent aux attaques, la lutte revêt une âpreté peut-être unique au cours de la campagne. Les chefs font appel à l'énergie, à l'esprit de sacrifice des troupes. Celles-ci magnifiques d'endurance, répondent à cet appel par de multiples traits de bravoure. Dans des tranchées informes, à quelques pas de l'ennemi, sous la menace perpétuelle des bombes de gros calibre et de mines continuellement prêtes à jouer, vivant dans de véritables ruisseaux de boue, n'ayant pour répondre que des moyens de fortune, tous fournissent un effort croissant et étonnent l'Allemand par leur opiniâtreté. BAGATELLE, ravin de FONTAINE-AUXCHARMES, FONTAINE-MADAME, ravin du MORTIER, autant de noms qui représentent pour ceux qui y ont vécu, une page splendide de l'Histoire du Régiment, un ensemble d'heures tragiques pendant lesquelles chacun rivalise de courage et d'endurance, soutenant superbement le choc de l'élite de l'armée allemande pourvue d'un matériel supérieur. Le 147e voit foisonner le nombre de ses héros. Tous infatigables donnent là, pendant ces trois mois, un magnifique exemple de ce que peut l'indomptable volonté de vaincre et de ne pas subir l'Allemand. Le 19 janvier, lorsque le régiment fut relevé, les forces physiques étaient peut-être amoindries par une lutte sans répit de jour et de nuit et par les travaux pénibles qu'exigeait journellement l'organisation des attaques et de la défense, mais sa valeur morale était intacte.