“COMMENT Les Sabena, LLA FRANCE A FRANCE · Et Kashkazianalyse les raisons de ce putsh mené...

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Hamouro C’était il y a deux ans... Reportage dans le nouveau village - Plongée dans le Hamouro d’autrefois - Retour sur les faits .!q/7.8 Le journal des quatre îles de la lune Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Maoré : 1,50 euro France : 2 euros Les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus numéro 13 - semaine du jeudi 27 octobre au mercredi 2 novembre 2005 www.kashkazi.com TOUS LES JOURS, LACTUALITÉ DE LA RÉGION DANS UNE LETTRE NUMÉRIQUE pour s’abonner : http://canal.malango.net Suivez au jour le jour l’actualité de l’archipel des Comores avec Le Canal, un nouveau quotidien d’infor- mation en ligne ouvert sur la région. Du mardi au same- di, l’équipe de journalistes de Kashkazi répartie dans les quatre îles de la lune, et le concepteur du site mal- ango.net, vous informent de ce qu’il se passe dans l’ar- chipel, mais aussi dans la région. Il vous suffit d’ouvrir votre boîte e-mail, chaque jour, pour retrouver articles développés, brèves, photos, rubriques, météo... Le tout en couleur. Et pas besoin de télécharger ! Deux mois avant le procès de Bob Denard pour avoir séquestré Djohar en 1995, l’ancien président revient sur les circonstances de sa chute. Et Kashkazi analyse les raisons de ce putsh mené depuis la France. Qmvt!mpjo! .!q/9.: Les Sabena, un exemple d’insertion A l’heure où se pose la ques- tion du “rapatriement” des sans-papiers de Maore, retour sur la prise en charge des res- capés de Majunga, il y a 30 ans. Guerre des mots entre un maire et le préfet - p.5 Nbpsf! Gros plan Les Plaideau, des Anjouanais presque comme les autres - p.17 p.17 Oe{vboj! La famille d’un détenu raconte -p.10 “COMMENT “COMMENT L L A FRANCE A FRANCE M’A DÉPORTÉ” M’A DÉPORTÉ” Mf!Sbnbebo!fo!qsjtpo

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Hamouro C’était il y a deux ans...Reportage dans le nouveau village - Plongée dans le Hamouro d’autrefois - Retour sur les faits .!q/7.8

Le journal desquatre îlesde la lune

Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Maoré : 1,50 euro France : 2 eurosLes vents n’ont pas de frontière, l’information non plus

numéro 13 - semaine du jeudi 27 octobre au mercredi 2 novembre 2005www.kashkazi.com

TOUS LES JOURS, L’ACTUALITÉ DE LA RÉGION DANS UNELETTRE NUMÉRIQUE

pour s’abonner : http://canal.malango.net

Suivez au jour le jour l’actualité de l’archipel desComores avec Le Canal, un nouveau quotidien d’infor-mation en ligne ouvert sur la région. Du mardi au same-di, l’équipe de journalistes de Kashkazi répartie dansles quatre îles de la lune, et le concepteur du site mal-

ango.net, vous informent de ce qu’il se passe dans l’ar-chipel, mais aussi dans la région. Il vous suffit d’ouvrirvotre boîte e-mail, chaque jour, pour retrouver articlesdéveloppés, brèves, photos, rubriques, météo... Le touten couleur. Et pas besoin de télécharger !

Deux mois avant le procès de Bob Denard pouravoir séquestré Djohar en 1995, l’ancien président revient sur les circonstances de sachute. Et Kashkazi analyse les raisons de ceputsh mené depuis la France.

Qmvt!mpjo!.!q/9.:Les Sabena,un exempled’insertionA l’heure où se pose la ques-tion du “rapatriement” dessans-papiers de Maore, retoursur la prise en charge des res-capés de Majunga, il y a 30 ans.

Guerre des motsentre un maireet le préfet - p.5

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Gros plan

Les Plaideau,des Anjouanaispresque commeles autres -- p.17p.17

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La famille d’undétenu raconte-p.10

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OSTRACISMEA MAORE, LES TRACTS AUSSI HAINEUX QUE

LÂCHES -CAR JAMAIS SIGNÉS comme debien entendu- se multiplient. Les cibles deces textes purulents sont toujours lesmêmes. Les Anjouanais me direz-vous.Oui, mais pas seulement. Les wazungusont également attaqués. Les franco-como-riens aussi. Le dernier en date s'attaque àune journaliste réunionnaise. Même cer-tains Mahorais en prennent pour leurgrade ; ceux qui sont accusés de "collabo-rer" avec l'ennemi. Mais qui est l'ennemide ces gens au juste ? Tout le monde. Ouplutôt une seule personne : l'Autre. Celuiqui n'est pas comme eux. Entendez par làqui ne pense pas comme eux. En ce sens,on ne peut pas parler de racisme, vu que lahaine s'adresse en premier chef au frèreanjouanais. On ne peut pas parler de xéno-phobie, vu qu'elle vise ensuite le "compa-triote" français. La seule idée que ces genssemblent défendre est l'ostracisme.Que faire devant tant de bêtise ? Ne pasrépondre, oui, c'est une solution. Nous enproposons une autre. Puisque ces gensveulent vivre entre eux, sans qu'aucun"étranger" ne vienne déranger leur quoti-dien, même si cet "étranger" apporte unsavoir, une main d'œuvre voire de l'ar-gent, puisqu'ils veulent vivre entre euxdonc, et qu'il semble difficile, en l'étatactuel des choses, de nettoyer Grande etPetite Terre de ses non-Mahorais "de sou-che" comme ils doivent certainement sequalifier, nous proposons de leur permett-re d'aller vivre ENTRE EUX sur l'îlotBouzi -à condition de trouver une nou-velle demeure pour les makis, qui risque-raient eux aussi de subir la foudre de l'in-tolérance. Vu qu'ils ne sont guère nomb-reux, la surface devrait leur convenir. Ilspourront alors librement ne pas se mélan-ger. A moins que, sans boucs émissaires,ils ne finissent pas s’ennuyer...

LA RÉDACTION

Ecrivez-nous à : Kashkazi, BP53 11,Moroni, Ngazidja,

Union des Comores,rubrique “Courrier” ;

ou à [email protected]

CHER DOCTEUR EFÉMI,

PARDON DE VOUS DÉRANGER. JE SAIS, VOUS ÊTES TRÈS

OCCUPÉ puisque visiblement, vous êtes le seul spécialis-te mondial en Economie mal en point. Surtout l'écono-mie de nos lattitudes qui est plus malade que les autres.Bien sûr on a un docteur chez nous, il s'appelleMaoulana, il est gentil et il porte bien le costume, vousle connaissez sans doute mais vous êtes encore plus doc-teur que lui puisque vous vous occupez du monde entierou presque.. Vous avez sûrement entendu parler de l'explosion decolère chez nous il y a quelques jours. Vous savez ce n'é-tait pas par méchanceté, c'est même pas exprès que lesgars ont fait ça. En fait Docteur, c'est parce qu'on estmalade. On a mal au porte-monnaie, on est socialementmalade depuis longtemps. Et la hausse duprix du carburant fut la goutte de gasoil qui afait déborder le réservoir. Prenez par exemple mon cas. Je ne me plainspas car je suis un privilégié, avec ou sansguillemet. J'ai fait plein d'études après le bac,je travaille dans les bureaux à Moroni Jeporte costume et cravate presque tous lesjours. J'ai un contrat de travail salaire mensuel de 200euros (Chez nous, on utilise le franc comorien mais jevous parle en monnaie plus connue).Mais pour me rendre au bureau (j'habite le Nord Est), jedois débourser par mois 106 euros pour le transport en

minibus. A cela j'ajoute 15 euros de taxi ville pour merendre à Volo Volo (notre gare routière). Comme il faittrès chaud sous les tropiques, j'ai de temps en temps soifet je ne résiste pas à la faim cela m'arrive 5 à 6 fois dansle mois, je me paie un plat plus un soda (le fameux aveccola dedans mais je n'ai pas le droit de dire son nom)pour un total mensuel de 15 euros, frais de propreté(corps, vêtements, maison etc.) 20 euros … je vous épar-gne ces petits calculs d'épicier pour ne pas vous embêtercar je sais que vous travaillez en macro-éco et enmillions. Constatez seulement qu'ici, il reste 45 euros etles dépenses incompressibles ne sont pas terminées.

PAR CHANCE, LE GÎTE EST ASSURÉ PAR LA FAMILLE etpour ce qui est du couvert nous nous arrangeons entrecousins, amis, voisins pour grailler les uns chez les aut-

res (cela se passe comme ça chez nous !). Nepensez pas, mon bon Docteur, que je n'ai passongé à rester à Moroni pour réduire les fraisde transports. Mais m'installer à Moroni dansdes conditions d'existence à peu près décen-tes relève de la mission impossible en dépitde mon salaire de nanti. Je ne bénéficieraisplus de certaines prestations gratuites. Tout

devra se payer en monnaie sonnante et trébuchante. Jene me plains toujours pas mais mon salaire seul ne m'as-surerait pas le minimum vital (pas social, vital !). Cependant Docteur, il paraît que nous avons des salairestrop élevés et qu'il faut revenir sur les augmentations et

autres avancements réalisés depuis 2003 entre autresremèdes pour "assainir les finances publiques". il fautrespecter le "Programme de Référence" (au fait c'estquoi ?) et un jour on verra le bout du tunnel (quand ?)."Serrez vous la ceinture, braves gens, demain serameilleur". "namstahmili ba mawudu ngamdjo wutsidzamadji !" Je vais vers les 40 ans et j'ai l'impression d'avoirtoujours entendu cette même chanson, même si parfoisle vocabulaire change. Alors voilà ma situation docteur. Nous sommes desmilliers dans ce cas et plus nombreux encore sont ceuxqui vivent une situation bien pire. Alors, cher DocteurEfémi, loin de moi l'idée de mettre en doute votre com-pétence. Mais pouvez-vous juste vérifier que vous nevous être pas trompé de dossier médical ; ce qui expli-querait que vous nous administriez depuis des décenniesdes médicaments qui aggravent le mal. Si c'était le cas,ce serait juste une erreur médicale mais n'ayez crainte,ici nous pardonnons très facilement et nous nous enremettons à Dieu. De toute façon, nous n'aurions pas lesmoyens de payer un avocat pour réclamer des domma-ges et intérêts.Recevez docteur les salutations d'un privilégié à l'esto-mac creux.P.S. Au fait Docteur, serait-ce incongru que de raisonner à partir de lasatisfaction des besoins vitaux et sociaux des populations avant d'envenir aux agrégats, aux grands indicateurs macro économiques ? Est-ce perdre la tête que de considérer que l'humain n'est pas un variabled'ajustement ?

Ali, Mbeni, Ngazidja

Cher docteur Efémi...

IL PARAÎT QUENOUS AVONSDES SALAIRESTROP ÉLEVÉS

La semaine dernière, pour laseconde fois dans la courteexistence de Kashkazi, nos lec-teurs de Maore n'ont pas trou-vé le journal (numéro 12) dansles kiosques.

Ne parvenant pas -malgré tousnos efforts- à mettre en placeune procédure officielle pouracheminer les journaux à Maore,nous fonctionnions depuisquelques semaines grâce à despersonnes qui, se rendant deMoroni à Dzaoudzi, acceptaientd’embarquer Kashkazi dans leursbagages. Ce système D n’a pasfonctionné jeudi dernier, faute depassagers suffisants.Cette nouvelle déconvenue estextrêmement dommageable pourKashkazi. Sans oublier bien sûr

nos abonnés, qui nous ont mani-festé leur confiance et à qui nousn'avons pu expédier le journal.(Nous les invitons à nous donnerleur adresse e-mail afin de leurenvoyer, en cas de nouveau pro-blème, la version PDF du journalen attendant la version papier.)Nous faisons tout actuellementpour éviter qu'une telle déconve-nue se reproduise, et pour réglerdéfinitivement ce problème.Nous vous tiendrons au courantdes nouvelles avancées.Nous présentons nos excuses àtous les lecteurs de Maore privésde Kashkazi la semaine dernière.Pour ceux désireux de se procu-rer ce numéro 12, nous le met-trons prochainement en vente surl’île.

LA RÉDACTION

Aux lecteurs de Maore Il était une fois un paysJe suis un pays, un pays de l'océan indien, situé entre l'Afrique etMadagascar. Je suis né en parfaite santé, 4 kilos et 4 pattes qui m'ontpermis de faire les premiers pas en bas âge. Je vais vous raconter cequi m'est arrivé. L'histoire la plus triste de nos jours. A mon adoles-cence, on vend une partie de mon corps : une de mes 4 pattes parait-il. Le vendeur serait un voisin, pas un père, pas une mère, pas un pro-pre frère, ce n'est donc pas un ayant droit. L'acheteur d'autre part estun étranger situé à des centaines de kilomètres de ma position géo-graphique. Au cours de ma croissance, je vivais toujours avec laditepatte sans que j'accepte la vente en question. A mon premier anniver-saire de l'âge de la puberté, on m'amputa d'une jambe en présence detous mes invités. Le gâteau fut partagé : les uns ont applaudi de mevoir grandir si vite, les autres ont pleuré de me voir infirme si jeune.J'ai grandi malgré moi, maintenant j'ai trente ans. Je demande au ven-deur, à l'acheteur et aux témoins s'il y en a de me montrer l'acte devente du notaire et demande aussi en vertu de quelle loi on peut ven-dre la partie d'un pays ? Et vous mes fidèles invités de juillet 1975, oùêtes-vous ? Jusqu'à quand je vais boiter ? Et vous qui suivez mon his-toire, dites-moi que j'ai raison, que ma patte me reviendra et que lesgrands médecins du monde la prendront pour faire une suture éter-nelle. Et toi ¾ de mon corps qui reste, fais en sorte que je puisse tra-vailler,que je puisse manger, que je puisse être en bonne santé, que jedorme sous un toit loin de cette pluie incessante du kashkazi, que jevive aisément afin que ma jambe m'envie et qu'elle me revienne.

Said Ahmed Housseine, Moroni, Ngazidja

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BONJOUR LA ZAPPEDEPUIS MARDI DERNIER, RTA(RADIO TÉLÉVISION ANJOUAN) rep-rend les programmes de TV5 Asieou Afrique selon les goûts et lespréférences de la programmationde la télévision gouvernementalede l'île. Un événement qui devraitréjouir beaucoup de téléspectateurssi ce n'était le zapping intempestifqui a malheureusement été constatépar bon nombre d’entre eux.Mercredi soir, en pleine émissionlocale, le programme a été inter-rompu pour le journal Asie deRTBF (télé belge). Après, on a eudroit à 15 minutes de cinéma cou-plé de dessin animé pour arriver àun match de championnat de divi-sion d'honneur française, opposantLyon à l'Olympique de Marseille.Le tout en l'espace de 30 minutes.Sympa, ce nouveau concept dutéléspectateur qui n’a même plus àzapper...

MANQUE D’ASSURANCEC'est au détour d'une discussionentre jeunes cadres gravitant autourdu pouvoir que l'information estsortie. "L'Etat n'assure pas sesvéhicules"... Un petit tour par lespare-brises des véhicules auxplaques vertes : aucun ne porte demacaron. La question, "les véhicu-les officiels de l'administration sontelles assurées ?" a carrément sur-pris un fonctionnaire de la directiondes impôts. "Je viens de vendre unevéhicule réformé de l'Etat à un par-ticulier et c'est vrai qu'il n'y avaitpas une question d'assurance" aréagi après coup le fonctionnaire. A la direction des domaines, l'agentprésent ce jour là, ne trouve pas leregistre d'enregistrement des véhi-cules du parc administratif. On peut estimer à 200 le nombrede voitures de l'Etat non assurées àNgazidja. A cela, il faut ajouter cel-les des deux autres îles et bien évi-demment du parc de l'armée et dela gendarmerie. Bravo pourl’exemple !

Fautqu’ça sorte

Kashkazi www.kashkazi.comHebdomadaire de l’archipel des Comores édité par la SARL BANGWE PRODUCTION1ère annéeBP 5311, Moroni, Ngazidja, Union des Comores Tel. Fax : (00 269) 73 17 70e-mail : [email protected]

Directeur de la publication : Kamal'Eddine SaindouRédactrice en chef : Lisa GiachinoRédaction : Rémi Carayol, Nassuf Djaïlani (Maore),Kamal Ali Yahoudha (Ndzuani), Mra-Ati (Mwali)Responsable commercial : Ali SaindouCollaborateurs : Ahmed Abdallah, MouridiAboubacar, Bori D’chimbo, Soeuf Elbadawi, SalimHatubou, Faridy Norbert, Syfia International, Eric Trannois, Impression : Graphica Imprimerie, Moroni

Mégaphone

L’ÉTAU

“NOUS PENSIONS AVOIR

TROUVÉ NOTRE

CHEMIN, ou tout aumoins des pistes, avec les indépen-dances et les promesses de développe-ment dont elles étaient assorties. Enguise d'indépendance et de développe-ment, nos pays -ceux qui avaient optépour une économie planifiée commeceux qui avaient choisi la voie libéra-le- auront tout simplement eu la latitu-de, le droit et la liberté de s'endetterau-delà de leur capacité de rembour-sement. Ils auront donné aux grandespuissances et aux institutions interna-tionales de financement la corde quisert, aujourd'hui, à nous pendre. Nousne sommes, théoriquement, plus descolonies, mais nos pays sont soumis àdes réformes économiques et structu-relles draconiennes que nous n'avonspas demandées, à propos desquelles lamajorité de la population n'est pasconsultée et qui, de surcroît, appau-vrissent et assujettissent.Mais les nouveaux maîtres dumonde (...) ont décrété que, pourl'Afrique comme pour le reste dumonde, l'heure est à la "mondialisa-tion", que le futur est un immensemarché, un véritable pays de coca-gne où biens et services nous serontaccessibles si nous laissons les pos-sédants parachever leur mainmisesur nos économies, nos esprits, nosdestins. Les Etats qui s'appliquentdans la ligne de conduite tracée sontrécompensés. Marginalisation etsanctions plus ou moins déguiséessont réservées aux hésitants et auxrécalcitrants.Les réformes qui mènent au marchémondial n'ont pourtant aucun rapportavec les besoins fondamentaux et lesattentes des électeurs africains. Leurmise en œuvre exacerbe les inégali-tés et aggrave les plaies qui ont pournoms chômage, pauvreté et violence.La démocratie bute dès lors et encoreune fois contre le "non-choix". Elleest dans l'étau dont l'illustration chezles Bamananw est la "petite danseindansable" ou "Donni dongoma" : sile danseur fait un pas en arrière, sonpère meurt ; s'il fait un pas en avant,sa mère décède ; s'il ne danse pas, iltrépasse.

Tiré de Aminata D. Traoré, L'étau, L'Afriquedans une monde sans frontières, Actes Sud

Permettez-moi de faire une réflexion sur votre article paru dansKashkazi n°11 : "En débat TRANSPORT : QUELLE ALTERNATIVE A LAVOITURE?"En réfléchissant sur le problème de transport à Moroni, il mesemble qu'il faut l'aborder du point de vue de l'infrastructure rou-tière. La route étant un facteur de développement, il est évidentque l'un des obstacles majeurs à ce développement est l'inexisten-ce de routes. L'absence à Moroni d'un plan d'urbanisme est unfacteur aggravant de la situation. Comment peut-on avoir une cir-culation fluide dans la capitale s'il n'y a que deux routes principa-les qui la traversent ? Moroni n'est tout de même pas trop peu-plée et le parc automobile des habitants n'est pas à blâmer pource problème. N'allons pas comparer Moroni aux villes de Lagos oude New Delhi qui ont plus de 11 millions d'habitants et où le pro-blème se pose en terme de nombre de véhicules en circulation etde pollution. Et pourtant ces deux villes disposent de routes bientracées. Quatre faits majeurs à mon avis sont responsables desbouchons de Moroni à certaines heures de la journée.1. L'inexistence de plan d'urbanisme devant faciliter la construc-tion des maisons et le tracé des routes.

2. L'étroitesse des routes existantes, aggravée par des construc-tions anarchiques qui occupent toujours et encore jusqu'en 2005les espaces routiers.3. La situation du port de Moroni en pleine ville.4. Et enfin le non respect des règles de stationnement.Au moment où nous parlons de table ronde des bailleurs, on doitse poser cette question fondamentale : "Quelle place occupe l'in-frastructure routière dans les programmes élaborés par nos déci-deurs ?" "Que seront nos villes, nos routes dans 10, 20, 100 ans? "C'est aujourd'hui qu'il faut concevoir tout cela.Essayer de trouver une alternative à la libre circulation des véhi-cules particuliers, c'est enfreindre la liberté des personnes. L'Etattoutefois, doit commencer à contrôler le nombre de taxis en cir-culation en leur imposant des couleurs de plaque d'immatricula-tion différentes de celles des particuliers, de même que la peintu-re jaune comme c'est l'usage dans tous les pays. En ce qui concerne le problème de pollution, on pourrait encoura-ger les populations urbaines à utiliser le transport en commun envue de réduire le nombre de véhicules en circulation. White Junior, Moroni, Ngazidja

Réflexion sur les transports

JE CROIS QUE LE MOMENT EST VENU DE PROPO-SER UNE AUTRE ALTERNATIVE aux Mahorais auregard de ce qui se fait actuellement en matière de"Culture" avec un grand C. (…) En abordant unsujet tel que celui-ci (…), je sais que je prends lerisque de choquer voire d'indisposer les tenants de"l'Orthodoxie Culturelle Mahoraise" qui sévis-sent çà et là dans notre île aux parfums depuis unebonne vingtaine d'années.Oui, l'heure est venue de dépasser le socle actuelque "ces gens-là" veulent bien nous imposer. J'enveux pour exemple le sentiment ambiant de lajeunesse de Mayotte (toutes tendances confon-dues) d'aspirer à une nouvelle ère. Sans reniernotre passé ni nos traditions, je pense que le nou-veau visage de l'artiste, de l'écrivain, de l'intellec-tuel mahorais doit changer et prendre en compteles aspirations légitimes de la Mayotte d'aujourd'-hui. (…) Il serait vain de prétendre apporter LAréponse à cette question, sans au préalable avoirdiligenté une enquête sérieuse de terrain. Pourautant, à mon humble avis, du point de vue cultu-rel, la jeunesse a soif aujourd'hui plus qu'hier deconnaissances et d'expressions nouvelles. Elle abesoin de rattraper le temps perdu par plusieursdécennies de léthargie, d'hésitation dans l'affirma-tion de soi, par des siècles de colonisation ne l'ou-blions pas. (...) Il convient alors (…) de dépasserle cadre culturel actuel qui se contenterait de fairedu sur-place ou du nombrilisme. (…) Qu'on le veuille ou pas, Mayotte voit émer-ger dans presque tous les domaines des arts desnouveaux talents. Cela va de la littérature, des artsplastiques, de la poésie, de la danse, du théâtre etde la musique, etc. Et pourtant, tout semble sebloquer. (…) Cela fait belle lurette que le serviceculturel n'a de culturel que le nom. (…) On necompte plus le nombre de personnes méconten-tes… Les artistes et musiciens n'ont pas d'endroitdécent pour exposer leurs œuvres ni pour répéterà l'occasion d'une manifestation culturelle. Il est

honteux de s'apercevoir, que le seul lieu de répé-tition que Mayotte peut offrir à ses visiteurs d'unjour reste une " boîte de conserve", un reste decamion même pas climatisé. C'est la raison pourlaquelle, je prends l'initiative d'avancer l'idée quidoit brûler sous toutes les lèvres desgens : à quand une grande salle despectacle à Mayotte ? Un Zénithdoté de 10.000 places. Ce Zénithservirait de lieu de répétition conve-nable pour nos artistes mais égale-ment de lieu de rassemblement (lesréunions politiques…) pour d'autres.Je précise que ce Zénith ne coûterapas plus cher que notre fringante salle de cinémaqui vient d'être inaugurée en grande pompe. Sonprix, nous l'estimons à 1 million d'euros environ.

DES JEUNES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES

VIVANTS COMME LE BOUILLONNANT BIG organi-sateur du désormais célèbre "festival 100% purjus" de Hamjago, voient leurs projets retardés, aupire sabotés. C'est également le cas d'un des plusgrands chorégraphes que l'île de Mayotte aengendré, Jeff M. Ridjali. Il faudrait l'aider, l'en-courager, lui permettre et lui donner les moyensde réaliser son projet. En ayant la chance et le pri-vilège de parcourir son projet, Mayotte pourraitenfin vibrer et attirer vers elle les investisseurs dumonde de spectacle vivant (qui nous manquenttant) et nous servir enfin des plateaux de qualitésupérieure.Du point de vue littéraire, s'il nous faut dans unpremier temps rendre hommage à ceux qui ontfranchi le Rubicon et qui sont aujourd'hui desécrivains confirmés, il convient à présent, de don-ner un nouveau souffle, un nouveau visage, unenouvelle saveur à cette littérature mahoraise. Dupoint de vue théâtral, à part une ou deux troupesqui commencent à poindre et faire parler d’ellesde temps en temps, il reste encore beaucoup à

faire. En effet, on peut le dire, le théâtre mahoraisest un théâtre du genre théâtre utile, de revendica-tion, de commémoration où les thèmes centrauxrestent l'abolition de l'esclavage, la colonisation,le racisme, la polygamie, le sida etc. Tout cela est

macabre, maussade et ne donne pasforcément envie de fréquenter lesplateaux. Certes, il ne faudrait pasocculter ces périodes sombres denotre passé à tous. Car ce n'est nul-lement la thématique qui fait désor-dre. Bien au contraire, c'est plusdans le "style" que le nouveau souf-fle devrait provenir. A Mayotte, on

ne rit pas, on ne plaisante pas. On moralise et onfait peur aux âmes sensibles. Une nouvelle ère doit commencer. La culturemahoraise ne devrait pas se réduire à faire venirun groupe d'une contrée voisine, à bouger du culpendant deux bonnes heures et finir le lendemainpar une petite bouffe sympa, ponctuée de beuve-ries une journée durant avec en prime comme sile ridicule ne suffisait pas, des articles distillésdans la presse pour nous faire dire une énièmefois que cette fois-ci le "le concert était une réus-site". (…) J'invite donc tous mes compatriotes (jeunes etvieux, blancs comme noirs) à oser entreprendredes choses dans tous les domaines notammentdans la sphère culturelle. (...) J'en appelle même àdes états généraux de la culture où chacun peutvenir dire sa façon de concevoir la culture dansnotre île. Pour autant, la culture ne doit être ni un"fourre-tout" ni d'ailleurs une "chasse gardée"d'un petit nombre de gens qui s'autoriseraient àpenser à la place des autres. Il y a de la place pourqui veut être créatif. Il suffit d'en percevoir lesbénéfices et la finalité dans un avenir proche oulointain.Ahmedomar Dhoifir, Chirongui, MaorePrésident de l'association "La fureur de vivre"

La culture à Mayotte : dépasser le ronron ambiant

À QUAND UNEGRANDE SALLEDE SPECTACLEÀ MAYOTTE ?

INTERROGÉE SUR LA FIÈVRE QUI RONGE MAORE

DEPUIS CINQ SEMAINES et sur l'expulsion des sans-papiers, Bichara Bouhari, présidente de la Capeb(syndicat des artisans), estimait voilà quinze joursque le problème est ailleurs. Verbatim.

"Je ne pense pas que ça soit de cette manièrequ'il faille régler la question des sans-papiers.Depuis des années, cela fonctionnait comme ça.Aujourd'hui, il y a d'autres manières de régler leproblème. Je comprends les Mahorais et c'est

vrai que trop c'est trop ; la situation est grave.Mais ça me fait mal au cœur quand je vois com-ment on traite ces gens, car ce sont nos frères. Ilne faut pas oublier que nous vivions ensemble.Nous sommes tous responsables, c'est nous quiles accueillons, qui les employons, les élus lespremiers, mais le problème, c'est le visa, c'esttout. Après novembre et le bateau, tout le mondepartira et dans 6 mois tout le monde reviendra.Permettons aux gens de venir travailler ! Ces gens ne viennent pas ici pour les papiers, ils

viennent ici pour une vie meilleure. Quelqu'unqui prend le risque de mourir en mer ne vient paspour des papiers. Pour moi, le vrai problèmec'est le visa. Il faudrait que la France et lesComores dialoguent à nouveau et règlent cettequestion.Que les autorités comoriennes acceptent le visaet que les autorités françaises facilitent l'obten-tion du visa. Interdire de venir, ce n'est pas possi-ble, alors réglementons. Le visa, c'est ça le pro-blème."

Visa d’entrée “Le visa, c’est ça le problème”

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MAORE : LECONSEIL GÉNÉRALMENACE LA SOGEALes élus du Conseil général deMaore, réunis lundi matin lorsde la 4ème session extraordinai-re, se sont déclarés solidairesdes salariés de la Sogea licen-ciés en septembre dernier. Ladirection de la Sogea, soutenuepar la DTEFP (Direction du tra-vail, de l'emploi et de la forma-tion professionnelle), reprochaitaux grévistes d'avoir manifestésans préavis. Le Conseil généralreproche à son tour à la directionde la Sogea de ne pas avoirrespecté le dialogue social queles élus appelaient de leursvoeux. Les nombreux pourpar-lers, notamment sous la média-tion du préfet, n'avaient pas per-mis de débloquer la situation.Face au refus de la Sogea deréintégrer les 13 employés licen-ciés, le Conseil général menace"de ne pas renouveler avec laSogea son contrat d'affermageprévu dans le courant de l'année2006". De quoi faire sérieuse-ment réfléchir...

NDZUANI RESPIRE...DU GASOILUn ouf ! de soulagement pourles usagers du pétrole lampantet du gasoil à Ndzuani. Lepétrolier tant attendu depuisune semaine est amarré auponton des hydrocarburesdepuis lundi. Depuis dix jours,Ndzuani vivait une pénurie deces deux produits (lireKashkazi n°12). Selon unresponsable de la société, il yaurait suffisamment de carbu-rant (gasoil, pétrole et essen-ce) pour tenir au moins deuxmois et une autre livraison estprévue avant la fin de l'année.L'actuelle livraison aurait étéachetée auprès d'un négociantbasé aux Seychelles.

LE DERNIER VERROU

EST LEVÉ. LES

COMORES DISPOSENT

enfin d'une loi électorale confor-me à leur nouvelle organisationpolitique. Quatre mois après l'a-doption dans la douleur de la loiorganique sur l'élection du prési-dent de l'Union, appelée com-munément "la loi de la tournan-te", le vote de la loi électorale n'apas suscité autant de passions àl'Assemblée. Il faut dire qu'il s'a-git d'un exercice plus juridiqueque politique. Un texte nécessai-re cependant, afin de réglemen-ter l'ensemble des scrutins prési-dentiels et législatifs au niveaude l'Union et des îles, scrutinsmunicipaux et exceptionnelle-ment, référendaires. La grande originalité de ce nou-veau texte est le droit donné auxComoriens résidant hors du ter-ritoire national de prendre partaux scrutins nationaux. Une pre-mière dans l'histoire de l'archipelqui répond à une revendicationlargement partagée par lesmilliers de Comoriens de ladiaspora. Mais entre l'affirmation de principeet la mise en route d'une telle machine, unesérie de conditions devront être satisfaites. Enpremier lieu, le recensement des ces futursélecteurs. A ce sujet, la loi prévoit que l'élec-teur soit "régulièrement immatriculé auConsulat ou à l'Ambassade de l'Union desComores et inscrit sur une liste électorale de la

juridiction concernée". Les dispositionsconcernant l'organisation de la participation dela diaspora comorienne aux prochaines élec-tions devront faire l'objet selon la loi de discus-sions entre le gouvernement de l'Union, lesorganisations représentatives des Comoriensde l'extérieur et en accord avec la législation envigueur dans les pays d'accueil. Il ne faut donc

pas compter sur un vote desComoriens de l'étranger à la pro-chaine présidentielle de l'Union.La loi fixe un délai de 24 moisau plus pour réunir les condi-tions de ce vote.

AUTRE FAIT NOTOIRE : CE QUI

NE DEVRAIT PLUS ÊTRE un évé-nement au 3ème millénaire l'estmalheureusement pour cette loi,qui rend désormais obligatoire laparticipation des femmes dansles organes de régulation desscrutins. Sur les treize personna-lités qui composent la CNEC(Commission nationale desélections aux Comores), la loiimpose une femme parmi lestrois administrateurs et deuxreprésentants d'associationsféminines. La même obligationest faite aux CIEC (Commissioninsulaire des élections auxComores), la réplique de laCNEC dans les îles. Si les parle-mentaires ont maintenu le modedes Commissions électorales, laCour constitutionnelle reprenddu service pour "les examens de

réclamation et la proclamation des résultatsdéfinitifs". Ce qui n'empêche pas, souligne laloi, "le ministère en charge des élections deproclamer les résultats provisoires dès la fin duscrutin". Cette nouvelle loi se trouve actuelle-ment sur le bureau du président Azali, quidevra la promulguer.

KES

LOI ÉLECTORALE : UN PAS DEPLUS VERS LA TOURNANTEIL N’YA PLUS D’OBSTACLE JURIDIQUE À L’ORGANISATION DE LA PRÉSIDENTIELLE EN 2006.

LES COMORES ONT ÉCHAPPÉ CE WEEK-END À UN NOUVEAU DRAME MARITIME. Le Madjriha,un caboteur reliant Ngazidja à Ndzuani samedi, a connu une avarie demoteur à hauteur d'Iconi, à une dizaine de kilomètres du port de Moroni,

d'où est parti le bateau. A cette distance, les secours ont été très rapidement mobi-lisés et le Dauphin a pu remorquer le caboteur en détresse jusqu'au port. Plus depeur que de mal mais surtout beaucoup d'irresponsabilités. Le Madjriha a connudes pépins de moteur à son arrivée à Ngazidja. Selon la capitainerie et la gendarme-rie du port, les vérifications faites avant le départ n'ont pas présenté d’anomalies.Le commandant a confirmé que son bateau était en état de naviguer. Dix kilomètresplus loin, les moteurs ont lâché. Que serait-il advenu si le bateau était arrivé aularge ? Autre fait grave, le Madjriha était censé ne transporter que du fret. La capi-tainerie du port était formelle samedi soir. Pourtant, une dizaine de passagers ontété retrouvés à bord. Encore une fois, les mêmes causes produisent les mêmeseffets. Et toujours pas de sanctions.

KES

VICIME D’UNE AVARIE, LEMADJRIHA ÉCHAPPE AU PIRE

LA RENTRÉE SCOLAIRE DES ÉTABLISSE-MENTS PUBLICS DE MWALI A EU LIEU

LUNDI. Le paiement des mois de janvier etjuillet 2005 de trois enseignants qui ne lesavaient pas reçus, l'une des conditionsfixées par les syndicalistes pour reprendrele chemin de l'école, a été effectué. Selonun membre du bureau syndical des ensei-gnants, "le paiement de ces trois ensei-gnants n'est pas une condition de la ren-

trée scolaire. Ce point était parmi nosrevendications. Mais certains enseignantsvoulaient arrêter le mouvement alors on aété obligés de procéder à la rentrée touten menant des négociations avec le gou-vernement local sur les autres revendica-tions telles que le paiement de notredeuxième mois, le choix des membres dujury des examens de fin d'année, la régu-larité des salaires des fonctionnaires…"

A MWALI, LE PUBLIC RENTRE ENFIN

FOP : LE PROJET APPREND SA COPIEDES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS SELON LE MINISTÈRE.

LE PROJET "APPUI À UNE ADMINIS-TRATION PERFORMANTE", QUI

AVAIT POUR MISSION de bâtir unplan de réforme de la fonction publique,vient d'achever ses travaux après six moisd’ébauche. Le Pari, bulletin publié par leministère chargé de la réforme de l'Etat,parle de "résultats encourageants". Bilandes activités : mise en place d'un fichierrecensant tous les agents de la fonctionpublique, y compris ceux de Ndzuani,rédaction d'un projet de loi sur les fonction-naires, développement d'un logiciel per-mettant une gestion informatique et "trans-parente" des ressources humaines, et sur-tout élaboration d'une série de mesuresvisant à rendre l'administration plus effica-ce et moins coûteuse. Le Pari confirme latendance déjà annoncée, à savoir externali-ser une partie des missions de l'Etat (aumoins 30% des prestations de "services",parmi lesquelles l'éducation et la santé)pour permettre à celui-ci de se limiter danscertains domaines à des "missions deconception, de contrôle et d'inspection". Le

"renforcement du secteur privé" et "l'affir-mation des capacités des sociétés civiles etdes collectivités locales" doivent selon ledocument accompagner ce désengagementde l'Etat. Cette orientation est, depuis le début destravaux de la cellule, critiquée par les syn-dicats qui craignent de voir l'Etat délaisser-officiellement cette fois- ses grandes mis-sions sociales. Les rédacteurs du documentdéfendent leurs propositions en affirmantque "la présence de l'Etat est confondueavec les prestations de ces services jugésessentiels. La présence de l'Etat doit se tra-duire davantage par la mise en place demécanismes pour s'assurer que les servicespublics essentiels sont assurés (une offresuffisante) et accessible par les usagers detoutes les catégories sociales (adaptée à lademande dans sa diversité). Cette volontéde présence de l'Etat s'explique par lesouci de ce dernier de se justifier d'unepart, d'assurer la solidarité et de respecterles engagements pris vis-à-vis de l'exté-rieur- cas de l'éducation pour tous.” LG

L’analyse de KES

LA FIN DU RÉGIMEDU CONSENSUS

DEPUIS 1997, LES ÉLECTIONS AUX

COMORES SE SONT TOUJOURS

DÉROULÉES sous le régime duconsensus entre les forces en pré-sence. Une situation justifiée parl'instabilité politique qui a renduinopérant le fonctionnement nor-mal des institutions et de l'Etat.Dans ce jeu politique de contrôlede l'organisation des élections, lescontestations étaient à la mesurede la méfiance que secrétait unsystème où la neutralité étaitimpossible à établir. C'est ce schéma qui va peut-êtrechanger avec la nouvelle loi élec-torale. On retrouve certes des sur-vivances des vieilles habitudestelles que les Commissions élec-torales dont la composition estsource de litiges. La commissiond'homologation a toutefois sautéau profit du Conseil constitution-nel. Le ministère de l'Intérieur n'apas retrouvé son rôle central dansle processus des élections. Lesouci d'équilibre entre le pouvoircentral et les îles a encore unefois pesé dans la rédaction de cetexte qui, selon le ministre d'Etatchargé des relations avec leParlement, a cherché à "établir etadopter des règles du jeu électo-ral équitables et sincères".

Azali Assoumani en 2002, lors de la précédente présidentielle. PHOTO AFP

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L'ENQUÊTE SUR LE

DÉTOURNEMENT DES 6MILLIONS DE FC (12.195

euros) de la Caisse de retraite deMwali suit son cours, mais les lan-gues s'agitent à Fomboni.Rappel des faits : un agent de laCaisse est envoyé à Moroni récupé-rer l'argent destiné à payer deuxmois de pension des retraités de l'île.A son retour, le 22 octobre, il ne seprésente pas à son poste. Lorsque lanouvelle se répand dans l'île que“l'argent des retraités est arrivéavec Assane Moussa”, la gendar-merie part à sa recherche et s'aper-çoit que l'homme ne détient que 2millions sur les 6 qu'il devaittransporter. Assane Moussa est

actuellement sous les verrous. Il semblerait que l'agent ait étécontacté à Moroni par son beau-frère, qui lui aurait“emprunté” 4 millionspour “tenter notre der-nière chance” à Zanzibaren faisant éditer de fauxbillets. Assane Moussa,ne voyant pas son beau-frère et lepactole revenir, aurait fait patienterles retraités de Mwali en disant qu'ilattendait “un deuxième mois” àMoroni, avant de se résoudre à ren-trer.

Et les habitants, retraités en tête, des'étonner : “Cet agent de la caissede retraite est celui qui part tou-jours prendre l'argent des retraités

de l'île, et il n'a jamais commis uneerreur. D'où vient cette mauvaiseidée ? Il est notre avocat au niveau

de la caisse de retraitenationale.” AssaneMoussa est décritcomme un homme“d'une apparence tran-quille”. Tous ceux qui le

connaissent le considèrent commefaisant partie “des gens honnêtes”.“Est-il influencé par son beau frère,ou bien il est déjà hanté par le dia-ble ?”, se demandent les gens. A l'heure qu'il est, les retraités ontperçu un mois de pension. Reste lesecond, celui qu'Assane Moussadisait attendre à Moroni…

MRA-ATI

6 MILLIONS POUR “TENTERNOTRE DERNIÈRE CHANCE”UN AGENT DE LA CAISSE DE RETRAITE DE MWALI EST ACCUSÉ D'AVOIRDÉTOURNÉ L'ARGENT DESTINÉ AUX PENSIONS DE L'ÎLE.

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LE PRÉFET MET LES POINTS SUR LES “I”, FAHARDINE RIPOSTE

C'EST LA GUERRE OUVERTE

ENTRE LE MAIRE DE

BANDRABOUA et le préfet deMaore. Jeudi dernier, c'est Jean-Paul Kihlqui a dégainé le premier en rappelant queles "gardes champêtres et la police munici-pale ne sont pas assermentés pour faire desopérations de police". Dans un communi-qué qui a rompu trois semaines de silencede la part de la préfecture, ce dernier a appe-lé l’attention des maires sur "le risque devoie de faits qui s'attache à tout excès depouvoir en matière de police municipale."Et de poursuivre : "Ces agents (policiersmunicipaux et gardes-champêtre, ndlr) nesont pas habilités à effectuer des contrôlesou des relevés d'identité, à pénétrer dans lespropriétés privées ou à effectuer des saisiesde biens." Le préfet a ainsi tapé du poing surla table : le seul à être assermenté pour avoirun pouvoir de police, c'est lui. Une manièrede répondre à certains agissements de plu-sieurs maires.

DEPUIS TROIS SEMAINES, CES DERNIERS

SE SONT FAIT REMARQUER. On se souvientdes appels à la "chasse aux clandestins" àMtsamboro, ou, à Sada, de la décision du

maire UMP, Dahalani Ahamadi, de "recen-ser les mahorais qui hébergent des clandes-tins" dans sa commune. A Bandraboua, lemaire PS, Fahardine Ahamada, menaçaitmême dans des courriers ses administrés(lire Kashkazi n°12).Ce dernier n’a d’ailleurs pas tardé à répon-dre au préfet. "J'ai été surpris par votre notedu 14 octobre sur la police municipale”,s’adresse-t-il à M. Kihl dans un courrierrévélé lundi. “Personne ne peut nier le pou-

voir d'exercer un contrôle administratif surl'exercice de la police municipale que vousdonne la loi”, écrit-il. “En revanche, ce queje ne peux pas accepter, c'est qu'en cettepériode de tension extrême, vous preniez leparti de mettre en cause publiquement lesagents communaux qui ont la lourde tâched'assurer l'ordre public (...). Contrairementà ce que vous laissez entendre, ces agentsn'effectuent ni contrôles, ni relevés d'identi-té, ni saisies de biens et ne pénètrent jamais

dans des propriétés privées.

Quant au recensement quisemble tant vous irriter, cen'est ni plus ni moins que la

conséquence de la faillite de l'Etat qui a étéincapable d'empêcher l'entrée massived'immigrés clandestins (...) Alors on peuttoujours poursuivre les élus (...) mais ilserait injuste de ne pas poursuivre l'Etat ouplutôt son premier représentant dans la col-lectivité départementale pour carence, oupour non assistance à un territoire en dan-ger (...). Vos propos, en plus de jeter le dis-crédit sur les administrations locales,confortent les clandestins dans leur situa-tion d'irrégularité dans ce territoire. (…) Siles clandestins se sont réjouis de votre inter-vention, les mahorais quant à eux, s'interro-gent sur les intentions (réelles) de l'Etatdans la gestion de cette immigration."La charge est rude. Elle reprend notammentl’idée avancée dans certains tracts selonlaquelle l’Etat français jouerait un doublejeu à Maore. Elle manifeste également unecassure réelle entre l’administration françai-se et certains élus mahorais.

NASSUF DJAILANI (AVEC RC)

COMMUNIQUÉ

36,9%DES MÉNAGESEN DESSOUSDU SEUIL DEPAUVRETÉL'indice de pauvretéparmi les ménages s'élève à 36,9% dansl’Union des Comores,selon une communicationdu ministre du Plan déli-vrée la semaine dernière,à l'occasion de la Journéede lutte contre la pauvre-té. Elle touche 38,4% desménages à Ndzuani,37,8% à Mwali et 35,3% àNgazidja. Ndzuani, l'île laplus peuplée de l'archi-pel, contribue à 78,8% dela pauvreté des famillesdans l'Union desComores. Le ministère duPlan affirme que la pauv-reté est plus forte enmilieu rural. Les ménagesles plus vulnérables sontceux dirigés par des inac-tifs.

JEUDI DERNIER, J-P. KIHL RAPPELAIT AUX MAIRES MAHORAIS LEUR DROIT ET SES LIMITES. LUNDI, LE PREMIER MAGISTRATDE BANDRABOUA A CRITIQUÉ L’INACTION DE L’ETAT FRANÇAIS CONCERNANT L’“IMMIGRATION CLANDESTINE”.

F. Ahamada, le maire deBandraboua.

“IL EST DÉJÀHANTÉ PAR

LE DIABLE ?”

L’ASSEMBLÉE MIEUX LOGÉE À MWALIL'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE DE L'ÎLE AUTONÔME DE MWALI a réceptionné samedi les clés de son nouveaubâtiment. Il s'agit de l'ex-gouvernorat de l'île, qui a subi des travaux de réhabilitation. Le chantier adébuté en avril dernier et a bénéficié de l'appui du Programme des Nations Unies pour leDéveloppement (Pnud). Pour une somme de 31 millions fc (plus de 63.000 euros), les 13 pièces et lasalle de conférence ont été remises en état. "Le bâtiment nous permettra de bien travailler", s'est félicitéle député Wardi Baco, qui s'est également adressé au gouvernement de l'île sur divers problèmes. L'élu anotamment évoqué la hausse du prix des carburants qui a affecté la vie quotidienne de la population,l'aéroport de Bandar Salam, et le port de l'île "qui n'est pas opérationnel durant une grande période del'année, et qui cause beaucoup d'accidents".

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RETOUR EN ARRIÈRE...LUNDI 27 OCTOBRE 2003. 6 HEURES. Dans le cadre de la luttecontre l’immigration clandestine, et sur ordre du procu-reur de la République, les gendarmes de M'zouazia organi-sent une descente sur la plage du village d'Hamouro,connue pour abriter un grand nombre de familles anjoua-naises : ils interpellent une vingtaine de sans-papiers quiseront envoyés à Ndzuani. Les autres habitants des lieux -environ 80 personnes- ont échappé au contrôle après s’êt-

re enfuis.7 H 30. Deuxième opération d'envergure, illégale celle-ci -toute destruction d'habitation est soumise à une décisiondu tribunal. Une fois les gendarmes partis, les agents com-munaux, emmenés par le maire de Bandrélé, Moussa Madi,arrivent sur la plage. Ils font rassembler leurs affaires aux“rescapés” de la première descente, puis mettent le feuaux cases en torchis. 28 d'entre elles, soit la quasi-totalité,sont détruites ; de nombreuses personnes qui n'ont pas eule temps de récupérer leurs affaires, ou qui n’étaient paslà, les retrouvent calcinées. Aucun blessé n'est à déplorer.

MARDI 28 OCTOBRE. Alors que le quotidien Flash Infos annon-ce que tout est bien qui finit bien puisque le projet d’amé-nagement d’un village traditionnel sur cette plage va pou-voir démarrer grâce à ces destructions (sic), une enquêtejudiciaire est ouverte. Le maire et ses employés serontentendus par les gendarmes. Pendant ce temps, une polé-mique est née : la préfecture est accusée par certains d'a-voir coordonné ces deux opérations qui se sontsuccédées. Le préfet nie.DANS LA SEMAINE. Syndicats, avocats, enseignants,associations comoriennes : de nombreuses voix ...

IL Y A DEUX ANS, HAMOUROLE 27 OCTOBRE 2003, DES AGENTS COMMUNAUX DE BANDRÉLÉ INCENDIAIENT UNE TRENTAINEDE BANGAS DE SANS-PAPIERS SUR LA PLAGE D’HAMOURO. DEPUIS, LA VIE A REPRIS.

mosquée de fortune, batie enmatières végétales, inaugurée ily a tout juste unmois. "C'est nousqui l'avons faite,avec nos bras, notreargent. Personnen'a voulu nousaider. Ceux d'enhaut n'ont rien fait.C’est la nôtre",affirme fièrementMoustadoine. Cette construc-tion résume à elle seule la situa-tion : celle d'un village qui revit,se reconstruit, et qui oublieracertainement avec le temps ;celle d'une communauté soudéeface à l'adversité. Ceux d'enhaut, comme les appellentMoustadoine sont pour la plu-part d'anciens habitants du villa-ge traditionnel. Ils avaient étérelogés en 2002 dans des casesSim, mais ils n'ont plus vrai-ment de relations avec leurs voi-sins d'en bas. "Tant pis, on faitsans. On pêche, on cultive. Ons'en sort comme on peut", affir-me le jeune porte-parole. "Lavie continue", finit-il par lâcher.La vie continue, mais la mémoi-re reste. "On n'a pas oublié",tient à préciser Moustadoine."Dans cet incendie, les gens ont

perdu toutes leurs affaires. Ilsn’avaient pas eu le temps de les

sauver, ou n’étaienttout simplement paslà. Beaucoup ontperdu leurs écono-mies. LesAnjouanais sontcomme ça, ils gar-dent l'argent chezeux. Ça représentaitde grosses sommes

pour des gens comme nous."

SI LA PLUPART DES PERSONNES

RENCONTRÉES dans le villagedisent ne pas être au courant del’avancée des poursuites judi-ciaires contre le maire (lire ci-contre), Moustadoine affirmeque c'est très important pour lesvillageois. "On veut savoir s'il ya une justice ici. On veut voir siun maire sera jugé coupable. Etpuis, on garde espoir pour sefaire rembourser". Devant despêcheurs fatigués par une lon-gue journée en mer, le porte-parole promet qu'ils se rendrontau tribunal pour assister aujugement de Moussa Madi. “Onn’aura pas peur. C’est nous lesvictimes.”

RC(1) Prénom d’emprunt

IL EST 15 HEURES CE DIMAN-CHE. LES PÊCHEURS EXÉ-CUTENT LEURS TÂCHES quo-

tidiennes, les mêmes depuis desmois pour certains, des annéespour d'autres : ramener la pirogueou la barque sur le sable, sortir lepoisson de l'embarcation, le don-ner aux vendeurs qui écoulerontrapidement la marchandise, unpeu plus haut, au bord de la routenationale.Sur la plage d'Hamouro, le senti-ment du visiteur est contrasté.Tantôt, il se dit que ça n'a pasvraiment changé depuis que lemaire a incendié le village : lespêcheurs pêchent, les femmespréparent à manger, les enfantsjouent sur la plage… Tantôt, il estpris d'une irrépressible montée denostalgie, lorsqu'il se remémoreces maisons faites de torchis quifaisaient d'Hamouro l'un des plusbeaux villages traditionnels del'île, ces ruelles sans cesse par-courues par des gamins… Certes, le décor n'est plus. "C'estbien triste", fait remarquer unadepte du lieu. Mais la vie conti-nue. Après les événements du 27octobre 2003, les sans-papiersqui avaient échappé à la rafle desgendarmes s'étaient dans un pre-mier temps réfugiés dans les hau-teurs du village, situé au sud-estde Maore. Puis ils étaient redes-cendus -pour des familles depêcheurs, "c'est mieux d'être prèsde la mer", explique cette mèrede quatre enfants, qu'on appelleraFatia (1). Mais aucun n'est reve-nu sur le lieu du "crime". La plu-part se sont installés à une centai-ne de mètres, en contrebas de laroute nationale. "On n'avait pasenvie de revenir ici, on avait peurqu’ils reviennent", se souvientFatia, qui a perdu dans l’histoire“tous les habits des enfants et dela vaisselle que je n’avais pas pusortir”. Dans ce nouveau village,moins bien placé, les maisons nesont plus en torchis, mais en tôle,"c'est moins cher et plus facile àconstruire" argumente Hakim,jeune homme arrivé à Maorevoilà sept mois. La constructionest plus anarchique aussi.“Avant”, se souvient un amou-reux du lieu, “on avait l’impres-sion que tout avait été pensé. lesmaisons étaient serrées, mais il yavait de l’espace”. Maintenant,“tout le monde a constuit comme

il l’entendait”, avoue Hakim.Selon Moustadoine, l'un desporte-parole des victimes, il y aautant de personnes aujourd'huiqu'il y a deux ans. "Nous sommesenviron 80", assure-t-il. "La plu-part d'entre nous étions déjà ici àl'époque. D'autres sont partis,rentrés à Anjouan. De nouveauxsont arrivés".

TOUT PRÈS DU LIEU OÙ SE

TROUVAIT L'ANCIEN village, àdeux pas d'un terrain de footimprovisé et du "parking" où serangent sous le soleil couchantles nombreuses barques, lesAnjouanais ont construit une

LANGLANG,4ÈME DU NOM

Le quatrième numéro deLanglang vient de paraître.Au sommaire de ce trimes-triel de 36 pages toutes encouleurs consacré au touris-me, aux traditions et à la cul-ture dans l'archipel desComores, distribué dans lesquatre îles : des articles et debelles photos sur la capitaleMoroni, un mariage àDomoni, les aéroports dePamandzi et Hahaya en plei-ne reconstruction, le danseurIsmaël Aboudou et l'auteurKamal-Alain Martial, lesatouts cachés de Ndzuani…Aucune île de l'archipel n'estoubliée. Une manière,comme l'indique son direc-teur, Mohamed Jaffar Abbas,dans l'édito de cette nouvellelivraison, de "distinguer" l'ar-chipel "dans ses diversitésspécifiques à chacune desîles".

“C'EST NOUSQUI L'AVONS

FAITE, AVEC NOSBRAS, NOTRE

ARGENT”

En haut, Moustadoine,l’un des porte-parolesdes victimes, sur laplage, devant la mos-quée tout juste cons-truite par les habitants“d’en bas”.

Ci-dessus, une photode l’incendie provoquépar le maire et sesagents communaux,qui avait ravagé 28 des30 cases présentes surla plage. C’était le 27octobre 2003.

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q mvt !! mp jos'élèvent contre ces destructions et récla-ment justice. Par contre, les élus de tousbord, à commencer par ceux de l’UMP, dont

Moussa Madi fait partie, persistent à soutenir le maire :"Après le petit incident de lundi dernier (…),l'Association des maires de Mayotte apporte son sou-tien" à Moussa Madi dans un communiqué. "Les clan-destins qui s'y trouvaient ne devaient pas y être. Touts'est déroulé humainement", précise Ali Souf, présidentde l’association des maires de Mayotte. Fort de cessoutiens, le maire assume et reconnaît publiquement

ses actes : “Nous n'avons pas brûlé toutes les maisonsdes Anjouanais mais seulement celles qui nous revien-nent de droit (…)”, déclare-t-il à Mayotte Hebdo.Depuis, Moussa Madi refuse de s'exprimer sur le sujet. Sur la plage, des actions de soutien aux sans-abris sontmises en place par des associations et quelques voi-sins, mais elles seront rapidement abandonnées.15 DÉCEMBRE 2003. Afin de comprendre les lenteurs de lajustice, la Ligue des droits de l'Homme se constituepartie civile. A plusieurs reprises, Corneille Manja, sonprésident, se rend à Paris pour accélérer l'ouverture

d'une instruction : il l'obtiendra finalement, non sansmal. Une information est ainsi ouverte contre X, pour“présomptions graves de destructions de biens mobi-liers et immobiliers d'autrui par un moyen dangereuxpour les personnes, en l'espèce par incendie, en raisonde la non-appartenance à la communauté mahoraise”des habitants, “le tout en bande organisée”.27 OCTOBRE 2005. Deux ans après les faits, l’enquêtejudiciaire a été longue mais elle a semble-t-il abouti.Le maire et ses complices devraient être jugés dans lesmois qui viennent -procès prévu pour début 2006.

...

UN TAS DE CENDRE. C'EST TOUT CE

QU'IL RESTE DE LA CASE QUE

MALIDÉ, IMMIGRÉ clandestinementà Mayotte pour "échapper à la misère", avaitconstruit avec son frère, voilà cinq ans. Lundià 6 heures, Malidé arrosait ses plantations horsdu village lorsque les gendarmes ont, lors d'uncontrôle d'identité, arrêté sa femme et son nou-veau-né. Tous deux ont été renvoyés à Anjouanpar bateau, lui a-t-on dit. Le jeune père étaittoujours absent au moment où, vers 7 h 30, lesagents communaux de Bandrélé ont incendiésa maison, réduisant du même coup à néant seséconomies. "Je vais rejoindre ma famille. Maisil faut d'abord que je vende mes légumes car jen'ai plus d'argent", explique-t-il.Même problème pour Saoudati, qui a échappéaux gendarmes en se dissimulant dans un fossépuis est partie aux champs. A son retour, lesflammes étaient lancées et elle n'a pu sauvertous ses biens. Le premier jour, elle et sesenfants sont restés les pieds dans les cendres,hébétés parmi les décombres carbonisées, lescharpentes à moitié écroulées, les façades depisé qui fumaient encore. Mais elle a mainte-nant repris ses esprits et installé matelas et bal-luchons sur des briques brisées, à l'arrière d'unemaison en construction qui abrite la famille dusoleil. Le soir, elle regagne la plage et s'installeen compagnie d'autres sans logis. Ses cinqenfants continuent d'aller à l'école. Les immigrés "clandestins" du "village ancien"de Hamouro ont vécu coup sur coup deux opé-rations ayant chacune pour but de les déloger.(...) La seconde, illégale, est semble-t-il l'œuv-re du maire de Bandrélé. Une fois les gendar-mes partis, Moussa Madi s'est en effet rendusur les lieux et, après avoir fait rassembler leursaffaires aux personnes présentes, a donné l'or-dre aux agents communaux de mettre le feuaux cases construites sur la plage. (…) Alors qu'une enquête a été rapidement lan-cée, Moussa Madi, le maire de Bandrélé, assu-me la destruction par le feu qui lui semble par-faitement légitime, les cases étant situées surun terrain communal et les habitants non clan-destins de la plage ayant été relogés dans 27maisons neuves il y a quelques années. "Nousn'avons pas brûlé toutes les maisons desAnjouanais mais seulement celles qui nousreviennent de droit. Les gens s'étaient engagésà détruire les cases avant de s'installer dans lesmaisons Sim. Ils étaient d'accord. Nous avonsdétruit ces cases car elles nous appartenaientet nous ne voulions pas qu'elles abritent despersonnes en situation irrégulière. Ce jour là,elles étaient libres. Nous avons profité de l'oc-casion où les gens étaient interpellés : quandj'ai appris que les gendarmes étaient venus, j'aidit "allez, on y va". Nous ne voulions plus queles clandestins soient nos hôtes de fait. Nousles avions prévenus plusieurs fois et nousavions déjà demandé leur expulsion au préfet."Ce qui n'autorisait pas pour autant la communeà rendre ainsi sa propre justice. Face aux difficultés rencontrées par les nou-veaux sans-logis d'Hamouro, le maire se mon-tre sceptique. "J'estime que les vrais habitantsde ces maisons ont été appréhendés par lesgendarmes. De toutes façons, la plupart desclandestins dormaient déjà sur la plage." (…)

LISA GIACHINO(MAYOTTE HEBDO N°168, OCTOBRE 2003)

UN VILLAGE TRADITIONNEL RARE

LE TEXTE QUI SUIT (AINSI QUE LES PHOTOS) A ÉTÉ ÉCRIT PAR ERIC TRANNOIS,CONCEPTEUR DU SITE www.malango.net, EN 1999. IL DÉCRIT AVEC PAS-SION LA BEAUTÉ DE CE HAMEAU. A L'ÉPOQUE…

“La plage d'Hamouro vibre de chaleur dans uneaprès-midi ensoleillée. Je suis venu visiter une par-tie du lagon que je ne connaissais pas : je suis arri-

vé à Mayotte depuis quelques jours... Des pirogues multi-colores reposent sur le sable. Progressant de l'une à l'autre,j'arrive jusqu'au village. J'aurais presque eu envie de frapperà une invisible porte avant de pénétrer tant l'endroit respirela paix : je m'en serais voulu de perturber une telle tran-quillité (…) J'arrive sur une place où résonnent des crisd'enfants. Une bouéni, couchée à même le sol de sa varan-gue dort. (…) Je pénètre dans un de ces endroits qui don-nent irrésistiblement envie de s'allonger, à l'ombre. Legenre d'endroit qui paraît n'avoir pas bougé depuis des siè-cles, où toute chose et tout être semblent posés, figés dansdes attitudes millénaires. (…) En marchant au milieu deruelles tranchées d'ombres découpées au scalpel, je ne peuxm'empêcher de me sentir un élément perturbateur, décalépar rapport à l'univers qui m'entoure. Même si mon seulobjectif est justement de me plonger dans un monde enfinpaisible... et surtout de n'y rien modifier ! Une femme vientà ma rencontre alors que je déambule entre les cases. - Il est beau mon village ? - Magnifique ! - “Ils” sont en train de nous construire des autres cases, là-bas, en haut... Mais moi, je préfère ici !"Là-bas en haut", c'est un quartier de cases SIM en cons-truction. Evidemment, elles peuvent paraître plus conforta-bles : eau courante, électricité, sol bétonné donc plus hygié-nique... Côté esthétique, on peut discuter...”

ERIC TRANNOIS (www.malango.net), AVRIL 1999

A GAUCHE, AVANT. A DROITE, APRÈS... AU-DELÀ DU DRAME HUMAIN QU’A REPRÉSENTÉL’INCENDIE D’HAMOURO, C’EST UN DES PLUS BEAUX VILLAGES DE MAORE QUI A ÉTÉ DÉTRUIT.

HÉBÉTÉS PARMILES DÉCOMBRESAU LENDEMAIN DE L’INCENDIE, LISAGIACHINO AVAIT RÉALISÉ UN REPOR-TAGE À HAMOURO. CE TEXTE AVAITÉTÉ PUBLIÉ DANS MAYOTTE HEBDO.

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MAORE:ENTRE DÉPARTS ET RETOURS

AMAORE, UN MOIS APRÈS LES

DEUX MANIFESTATIONS DES

SANS-PAPIERS qui disaientvouloir "rentrer chez eux", la vie reprenddoucement son cours. Malgré les mesu-res anti-immigration clandestine prisespar les maires et la préfecture, et les ron-des permanentes des polices nationale etmunicipale dans les rues de Mamoudzou,les vendeurs ambulants réoccupent leslieux, notamment aux alentours du mar-ché.La semaine dernière, Fatia (prénomd’emprunt), jeune fille de 26 ans arrivéeà Maore en 2000, a ainsi retrouvé saplace dans un commerce du marché. Ellen'y était plus retournée depuis troissemaines, depuis le jour où la manif' dessans-papiers avait tourné au vinaigre."J'ai peur des contrôles", avouait-elle aumoment de sortir de chez elle, "mais troissemaines sans travailler, c'est dur, je n'aiplus d'argent"."Les choses sont de plus en plus difficilesdepuis que les lois ont été durcies", dit unvendeur ambulant. "Personne ne peutplus travailler. Mais on est obligé devenir vendre ici, parce que c'est la seulefaçon de gagner notre vie. La policemunicipale fait pression sur nous, c'est laterreur." Selon lui, "la vente ne marchepas très bien, car la police municipale estconstamment derrière nous. Les com-merçants du marché ne veulent pas denous non plus, ça on le sait. Ils nousregardent de travers quand on s'aventurevers là-bas" (vers le marché, ndlr).Ahmed Ali, lunettes et casquette noires,père de deux enfants nés à Maore, recon-

duit à deux reprises à la frontière par lesautorités françaises, est revenu au mar-ché au lendemain de la contre-manifes-tation de l'UMP le 3 octobre. Depuis, iljoue au médiateur entre ses camaradessans-papiers et les passants. "Je leurdemande de ne pas manquer de respectaux gens", dit-il. "Nous sommes des cen-taines de sans-papiers à être revenus surle marché", continue-t-il. "Une journéede travail rapporte 20 euros si tout vabien, sinon c'est 8 euros. Les sans-papiers qui vendent ici arrivent des qua-

tre coins de l'île."Quelques minutes plus tard, ce mercredi,la police, matraque à la main, fait sonapparition. Une vague humaine s'épar-pille. En deux-temps-trois-mouvements,la jetée est vide.

AU LOIN, EMPÊTRÉE DANS LE ROND

POINT DE LA PLACE du CommandantPassot, une camionnette chargée à blocde bagages tente de se frayer un chemin.Sur le chargement est inscrit une adresseanjouanaise. Si certains sans-papiers

recommencent à sortir, d'autres conti-nuent à partir. Le ballet des camions endirection du port de Longoni continue.Ainsi, sur mer comme sur terre, le fluxvers Ndzuani n'a pas cessé. Chaque jour,des dizaines de passagers débarquent àl'aéroport de Ouani. Devant un tel afflux,des voix commencent timidement à sefaire entendre à Ndzuani pour dénoncercet état de fait. Selon des informationsencore officieuses, un comité serait sur lepoint d'être mis en place afin de fairepression contre les reconduites sur le sol

anjouanais. Une personne qui a préférégarder pour l'instant l'anonymat nousannonçait hier mercredi la publicationprochaine d'une pétition demandant auxautorités anjouanaises de suspendre toutmoyen de transport vers Ndzuani desComoriens sans-papiers français. Et d'a-jouter : "Nous n'exclurons aucun moyenpour nous faire entendre. Et si ça conti-nue, la manière forte n'est pas à écarter."

PENDANT CE TEMPS, AU PORT DE

MUTSAMUDU, des tonnes d'effets per-sonnels sont débarquées chaque jour enprovenance de Maore. Il s'agit d’affairesappartenant à des Comoriens en situationirrégulière, mais aussi des Comoriens ensituation régulière qui, par peur de repré-sailles, préfèrent rentrer. C’est le cas deSaindou, qui vivait à Maore depuis 20ans. Hier mercredi, il nous confiait sondégoût “de ce qu’il se passe là-bas”."J'avais une bonne situation", continuait-il. "Je travaillais, je me suis marié avecune mahoraise qui est venue avec moi. Jevais définitivement m'installer chez moi àNdzuani. Je ne peux pas supporter quel'on traite des compatriotes comme deschiens. Les limites du supportable sontdépassées. Il faut maintenant agir !"

ND (À MAORE) ET KAY (À NDZUANI),AVEC RC

Lire aussi page 5

DOUBLE TENDANCE À MAORE. D’UN CÔTÉ, CERTAINS SANS-PAPIERS RECOMMENCENT À SORTIR ET À TRAVAILLER.DE L’AUTRE, LES DÉPARTS VERS NDZUANI SE CONFIRMENT. A MUTSAMUDU, LES ESPRITS COMMENCENT À S’ÉCHAUFFER.

En archives Nous avons retrouvé quelques traces des évé-nements de Majunga dans la presse française.Voici des extraits d’articles parus dans LeMonde à cette époque.

ANTANANARIVO. 121 MORTS ET 239 BLESSÉS : TEL EST LE

BILAN OFFICIEL DES AFFRONTEMENTS ETHNIQUES ENTRE

MALGACHES ET COMORIENS QUI ONT ENSANGLANTÉ,ENTRE LUNDI 20 ET MERCREDI 22 DÉCEMBRE LA PRO-VINCE DE MAJUNGA (...) L’ÉTAT DE SIÈGE EST MAINTE-NU. UN COUVRE-FEU A ÉTÉ INSTAURÉ DE 19 H À 5 H.ANTANANARIVO A DEMANDÉ À MORONI DE DÉPÊCHER

DE TOUTE URGENCE UN ÉMISSAIRE POUR ÉLUCIDER LA

SITUATION À MAJUNGA.LE MONDE DATÉ DU 24 DÉCEMBRE 1976

M. ABDALLAH MOUZAWAR, MINISTRE COMORIEN DES

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, EST ARRIVÉ JEUDI 23 DÉCEMB-RE À TANA. IL S’EST ENTRETENU AVEC LE PREMIER

MINISTRE, M. RAKOTONIAINA, DES RÉCENTS AFFRONTE-MENTS ETHNIQUES DE MAJUNGA ET DU STATUT DE LA

COMMUNAUTÉ COMORIENNE.LE MONDE DATÉ DU 25 DÉCEMBRE 1976

COMORES. UN PREMIER GROUPE DE 450 COMORIENS

DE MAJUNGA ÉTAIT ATTENDU LUNDI 3 JANVIER À

MORONI OÙ IL DEVAIT ÊTRE TRANSPORTÉ PAR LE NAVI-RE VILLE-DE-TULAR. CETTE MESURE FAIT SUITE À PLU-SIEURS RÉUNIONS TENUES À ANTANANARIVO ENTRE

DÉLÉGUÉS COMORIENS ET MALGACHES POUR (LE)RAPATRIEMENT DES COMORIENS DE MAJUNGA.

LE MONDE DATÉ DU 4 JANVIER 1977

LE PRÉCÉDENT DES “SABENA”

EN DÉCEMBRE 1976, DES CEN-TAINES DE COMORIENS SONT

MASSACRÉS À MAJUNGA pardes Malgaches betsiberaka (lire ci-contreet p.9). Quelques jours plus tard, débuteune vaste opération de rapatriement del'ensemble des Comoriens de cette villedu nord de Madagascar dans leur pays,principalement à Ngazidja. La tragédiede Majunga devient celle des "Sabena",du nom de la compagnie aérienne (belge)qui transportera une partie des 15.000survivants, ainsi dénommés depuis. Prèsde trente ans après, ce ne sont plus15.000, mais 50.000 "rentrants" poten-tiels qui pourraient revenir dans leur îled'origine, "chassés" par des Mahoraisexcédés par le nombre trop important àleurs yeux de sans-papiers.Inlassablement, l'histoire semble se répé-ter… Si les circonstances et surtout ledéroulement de ces deux événements nesont pas comparables, comme tient à lepréciser Amad Mdahoma, journaliste qui

fut rapatrié en février 1977 de Majungaet qui s'est rendu à Maore la semaine der-nière, il existe des similitudes troublan-tes. Mêmes causes (l'"étranger" qui“pique” le travail, des sentiments xéno-phobes et haineux), mêmes interroga-tions (pourquoi les autorités malgachesn'ont pas réagi aux massacres ? pourquoiles autorités françaises n'ont pas contenules manifestants sans-papiers ?), maisheureusement pas les mêmes conséquen-ces (entre 500 et 600 morts à Majunga,aucun à Maore). Du moins pour l'instant.

CAR SI NE SERAIT-CE QUE 20% DES

SANS-PAPIERS décident de rentrer, soit10.000 personnes, cela risque de dés-équilibrer durablement une société et uneéconomie qui jouent les funambulesdepuis plusieurs années. Les autoritéscomoriennes, qui n'ont pour l'instant prisaucune mesure d'accompagnement deces "rentrants", feraient alors bien des'inspirer du passé.

Nous sommes le 3 février 1977. Lejeune Amad, 16 ans, découvre lesComores, le pays de ses parents, pour lapremière fois. "J'ai grandià Majunga. Je parlaisMalgache. J'étais de là-bas", dit-il aujourd'hui. Ilvient d'atterrir avec l'avionde la Sabena qui, depuisun mois, rapatrie les res-sortissants comoriens. Il se souvient :"C'était très bien organisé. Ça n'a pasdu tout été traumatisant. Quand onarrivait à l'aéroport, il y avait la radioqui nous interrogeait un à un. On fai-sait la queue pour dire au micro notrenom, notre famille, si on connaissaitquelqu'un aux Comores… Dans l'île,tout le monde écoutait. Et quand lesgens reconnaissaient quelqu'un, ils dis-aient : "Ah, je le connais, il n'est pasmort ! Il faut aller le chercher !"Ensuite, on était amené dans un villagedéterminé à l'avance. Toutes les 504

bâchées avaient été réquisitionnées.Elles attendaient et nous amenaient.Moi on m'a envoyé à Ougozi, dans le

Mitsamihuli (au nord deNgazidja, ndlr). J'y suisresté quelques jours, puisj'ai pu aller au lycéecontinuer mes études. Jesuis ensuite rentré dans levillage de ma famille, vers

Mitsudje (au sud, ndlr)." Saïd Islam, qui était à l'époque gouver-neur de l'île, nommé par le président AliSoilihi, se souvient que tout était pro-grammé. Pourtant, tout a été décidé dansl'urgence. "A Majunga, après les massa-cres, les Comoriens étaient enfermésdans des camps. Un homme avait réussià se faufiler et à venir clandestinementici (à Moroni, ndlr). Il est venu me trou-ver et m'a tout raconté. Il m'a remis unelettre rédigée en caractèresarabes. J'ai tout de suite télé-phoné à Ali Soilihi. Il m'a

ET SI TOUS LES SANS-PAPIERS QUITTAIENT MAORE… L'ETAT COMORIEN DEVRAIT ALORS METTRE EN PLACEUN SYSTÈME POUR LES ACCUEILLIR. S'IL NE DISPOSE PAS D'ARGENT, IL POSSÈDE UNE CERTAINE EXPÉRIENCE.

...

“ÇA N'A PASDU TOUT ÉTÉ

TRAUMATISANT”

Mercredi, à proximité du marché deMamoudzou. Les vendeurs ambulants, tousou presque sans-papiers, reviennent petit àpetit sur les trottoirs.

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DANS LE MONDE DATÉ DES 16-17 JANVIER 1977,JEAN-MARC DEVILLARD, INGÉNIEUR AGRONOME,APPORTAIT UN TÉMOIGNAGE SUR LE MASSACRE DE

COMORIENS À MAJUNGA, OÙ IL SE TROUVAIT

ALORS. UN TÉMOIGNAGE D’AUTANT PLUS SAISISSANT

QUE LES QUESTIONS POSÉES DANS LE TEXTE QUI

SUIT SONT CELLES QUE L’ON SE POSE AUJOURD’HUI

AVEC L’EXODE ANNONCÉ DES COMORIENS SANS-PAPIERS FRANÇAIS DE MAORE.

“Majunga est la deuxième ville dupays, avec 50.000 habitants. Lapopulation y est très cosmopoli-

te. Les Malgaches sont eux-mêmesrépartis en plusieurs ethnies : desSakalaves dont c'est la région, desMérinas du centre de l'île, desAtaimoros, des Antisiak, des Antandroiregroupés sous le terme général deBetsiberaka, originaires du sud-est del'île. Ils occupent des emplois qui n'exi-gent pas de qualification et sont tradi-tionnellement tireurs de pousse-pousseou gardiens. Ce sont eux qui trois joursdurant massacreront les Comoriens.(…) Les Comoriens, tous musulmans,sont installés à Majunga depuis plu-sieurs dizaines d'années. La plupart sontnés à Madagascar. Les hommes occu-pent généralement des emplois nécessi-tant une certaine qualification : ils sontboulangers, ouvriers spécialisés, artisansdu bâtiment. Ils ont de ce fait un statutsocial supérieur à celui des Betsiberaka.Jusqu'à présent la communauté como-rienne coexistait sans trop de problèmesavec les autres communautés. On signa-lait quelques rixes entre Comoriens etMalgaches betiberakas, allant parfoisjusque-à mort d'homme, et un débutd'affrontement en 1971 avait pu êtrerapidement interrompu. Les affronte-ments qui ont fait rage trois jours nepeuvent s'expliquer que par une ran-coeur sourde, accumulée progressive-ment par les Malgaches les plus pauvrescontre les “étrangers”.Tout commence le 20 décembre par unincident : un Comorien enduit le visaged'un enfant betsiberaka de ses propresexcréments. Les excréments sont consi-

dérés comme tabou par les Betsiberaka.C'est l'étincelle. Le Comorien est tué parles Betsiberaka et cela déclenche ledébut des affrontements. Les Comorienssont plus nombreux, mais pas armés.Les Betsiberaka disposent de coupe-coupe, et les massacres commencent.L'armée et la police n'interviendrontpas. (…) L'affaire prend des proportionsdramatiques : une véritable chasse auComorien s'organise en ville. Des grou-pes de Betsiberaka poursuivent dans larue et traquent dans leurs maisons lesComoriens qui sont tués aussitôt. Nouspourrons voir, dans les rues, de nomb-reux cadavres atrocement mutilés. Lesmaisons des Comoriens sont pillées puisincendiées (…) sous les yeux des soldatsqui laissaient faire. Des témoins m'ontaffirmé avoir vu des militaires malgachesprêter main-forte aux Betsiberaka. Lamosquée des Comoriens sera profanée.Hommes, femmes et enfants se réfu-gient alors à la gendarmerie, ce seral'arrêt des massacres. La loi martiale estproclamée mais il est trop tard : ondénombre 125 morts et 250 blessés,mais de l'avis de la plupart desMajungais, il y a eu en fait 500 à 600morts. De nombreux cadavres ont eneffet été jetés à la mer. (…) Le gouver-nement des Comores a décidé de rapa-trier les 15.000 Comoriens de Majunga,et un navire malgache assure chaquejour le passage de 400 personnes (…) Acourt terme le départ des Comoriens deMajunga va désorganiser complètementla vie quotidienne et l'économie de laville. On imagine aussi le problème queva poser au gouvernement des Comoresl'accueil d'aussi nombreux réfugiés. Onne peut manquer d'être surpris de l'am-biguïté de l'attitude des autorités, alorsque récemment, en septembre 1976, lerégime n'a pas hésité à utiliser la forcecontre les manifestations d'étudiants àTana. Quelqu'un ou un groupe avait-ilintérêt à laisser évoluer de la sorte unconflit ethnique ?”

Tiré du Monde des 16-17 janvier 1977 (archives disponibles au CNDRS de Moroni)

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convoqué, je lui ai expliqué.Le lendemain, il improvisaitune assemblée générale à la

chambre des députés. Tous les leaderspolitiques et les cadres étaient là".S'ensuivent des discussions houleusesdurant plusieurs heures. "Tout le mondedisait qu'il fallait agir et récupérer noscompatriotes. Il fallait trouver une solu-tion pour les faire revenir. Mais on nes'entendait pas sur les moyens. La ques-tion, c'était : avec quelssous ? Le rapatriementpar avion et par bateaunécessitait des sommescolossales. Or l'Etat étaitpauvre. Il sortait d'uneindépendance unilatéra-le… Finalement, comme personne nes'entendait, Ali Soilihi a décidé. Certainsproposaient une cotisation de toutes lesfamilles. Lui estimait que c'était injustecar on ne connaissait pas le salaire detout le monde. Il a proposé de taxer ceuxdont on connaissait les salaires, c'est-à-dire principalement les fonctionnaires."Ces derniers s'opposent, médecins entête, qui quittent la salle. Le lendemain,le président révolutionnaire annonce sadécision : durant trois mois, les salairesdes fonctionnaires et des membres duprivé dont la rémunération mensuelledépasse 15.000 fc seront taxés à hauteurde 50%. Cela permettra de louer l'avion

de la Sabena et le bateau malgache Ville-de-Tulear. "Il y a eu aussi l'aide de laCommunauté européenne", indiqueAmad Mdahoma.

LE 4 JANVIER, C'EST LE PREMIER

RETOUR… "On avait mis en place unsystème très organisé", se souvient S.Islam. "A leur arrivée, on les amenaitdans un village prédéterminé où lesattendait le Comité du village, qui leur

faisait remplir des fichesde renseignements. Ilsétaient hébergés chez l'ha-bitant. La plupart avaientde la famille, donc rapide-ment ils sont allés chezelle, mais certains igno-

raient tout de leurs origines." Selon l'an-cien gouverneur, les "Sabena" pouvaientrester quinze jours chez leur hôte -"onconsidérait que c'était la période néces-saire pour s'adapter au pays"-, puis par-tir ailleurs. "Beaucoup sont restés dansle village où on les avait mis au hasard.Ils s'y sont bien intégrés", dit-il."L'accueil était très chaleureux", se sou-vient Amad Mdahoma. "On était tout desuite intégré, par le comité, mais aussipar tous les villageois. Aucune jalou-sie... Moi, j'ai failli intégrer le comité devillage au bout de trois jours parce queje savais écrire. Mais j'ai dû partir pourle lycée".

Trente ans après, les"Sabena" font partieintégrante de lasociété comorienne."Ils se sont bienimplantés", analyseSaïd Islam. "Ils ont même apporté beau-coup de choses à la société. Le dévelop-pement économique, l'émancipation desfemmes…" Preuve de cette insertionréussie, "les Sabena ne représentent plusune communauté aujourd'hui, ils se sontmélangés aux autres", affirme A.Mdahoma.

CETTE ORGANISATION SERAIT-ELLE

ADAPTÉE AU RAPATRIEMENT des sans-papiers de Maore ? Pour S. Islam, non. "Anotre époque, tout était effectué par desjeunes (le propre du régime de Soilihi,ndlr). Ils étaient motivés. Aujourd'hui, quiles accueillerait ? Le problème, ce n'estpas l'argent, nous n'en avions pas à l'é-poque. C'est la volonté." Et d'ajouter :"Les rentrants ne sont pas les mêmes. AMadagascar, ils gagnaient moins qu'ici.A Mayotte, les gens gagnent beaucoupd'argent. Certains volent. Que vont-ilsfaire ici ? Ils ne se plairont pas. Ils retour-neront là-bas." Et puis, ajoute AmadMdahoma, "à l'époque, le rapatriementétait organisé par l'Etat. Aujourd'hui, cesont les gens qui rentrent d'eux-mêmes."

RC

...

“AUJOURD’HUI,QUI LES

ACCUEILLERAIT ?”

Il y a trois semaines,à Longoni (Maore).

Des Comoriens sans-papiers

envoient leurs affaires à Ndzuani.

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LA JUSTICE COMORIENNEENTRE MORALE ET DROITEXISTE T-IL UNE TYRANNIE DU RAMADAN ? A NGAZIDJA, LA QUESTION SE POSE SÉRIEUSEMENT.

L'ISLAM N'EST PLUS UNE RELI-GION D'ETAT AUX COMORES.LA RÉVISION constitutionnelle

créant la nouvelle Union sur les ruines dela République fédérale et islamique(RFIC) affirme seulement s'inspirer del'Islam. C'est plus qu'une nuance consti-tutionnelle qui recadre la place de la reli-gion dans la gestion des affairespubliques. Mais la plupart des textes dela deuxième République n'ont pas subiles toilettages correspondant, sinonquelques réformes d'opportunité qui netouchent pas au socle idéologique. C'est le cas du Code Pénal, très marquépar l’époque à laquelle il a été écrit -cellede la RFIC- et par la philosophie de sesauteurs. Certains articles sont en contra-diction avec l'esprit du texte fondateur.Ainsi les articles 229-1 et 229-7. Ce der-nier est très explicite: "Tout musulmanqui aura ostensiblement consommé enconnaissance de cause des produits pro-hibés par les lois islamiques, sera punid'un emprisonnement d'un an à six moiset d'une amende de 15.000 à 200.000fc”(30 à 400 euros). L'article 229-1 soulignele caractère aggravant de la période dujeûne, qui rend passible de sanctionsd'emprisonnement et d'amende "toutacte ostensible commis intentionnelle-ment et de nature à troubler l'ordre publicet les bonnes mœurs relatifs à la pratiquedu jeûne du Ramadan". Un autre textepunit des mêmes peines "la mise envente, la distribution même gratuite à desmusulmans, de livres, brochures, disqueset cassettes divulguant une religion autreque l'Islam".

LA PRATIQUE DE TOUS LES JOURS EST

HEUREUSEMENT plus tolérante. La vieaux Comores est en effet guère différen-te de celle d'autres pays laïcs. La ventede boissons alcoolisées, quoique réser-vée à des magasins détenant une licencespéciale, n'est pas interdite, les hôtels etles restaurants ne sont pas des ghettosexclusivement réservés aux touristes.Mais cet espace de tolérance et de liber-té peut se trouver rapidement rétréciselon les circonstances. C'est le cas encette période de Ramadan, où la policesemble plus alerte à effectuer des inter-

pellations sur des affaires pour lesquelleselle se montrerait plus souple en d'autrestemps. Peut-on conclure à l'existenced'une politique judiciaire particulière ?Pour Saïd Abdelkader Mahamoud, chefcentral de la sécurité publique deNgazidja, "les missions que nous effec-tuons sont les mêmes, mais ce sont lescitoyens qui sont plus rigoureux au coursde ce mois". Et le commis-saire d'ajouter "qu'il y a dessituations particulièresqu'on n'observe pas pendantles autres moments. Lesgens veulent en faire des situations denon droit". Sans entrer dans les détails, lechef de la Sécurité publique fait état dezones squattées tous les soirs par “despersonnes qui prennent des libertés cho-quant la morale religieuse". Pris dans l'é-tau de la morale et du droit, qui n'interditni flirt ni regroupements, le policier sem-ble embarrassé et se réfugie derrière laprévention de la délinquance pour agir.Autre complexité du travail de la police :

la lutte contre les fugues. Un phénomènesocial qui se développe dans le pays etqui prend une autre tournure en cettepériode de lutte contre le péché. Le Ramadan s'avère être un momentpropice pour "établir un bilan moral"explique le chef de la sécurité publique.Si ses agents ont donc les coudées fran-ches contre une série d'infractions tou-

chant aux mœurs, ce traite-ment judiciaire à deux vites-ses peut entraîner des déri-ves. Au début du Ramadan,plusieurs personnes ont été

interpellées dans des conditions contes-tables parce que surprises en train deboire de l'alcool (lire Kashkazi n°12).Deux jeunes ont été entendus par la poli-ce sur dénonciation. Ils étaient coupablesde relations sexuelles pendant leRamadan. Ils pourraient être poursuivispar la justice pour "trouble à l'ordrepublic religieux". Une tyrannie qui n'améliore pas l'imagede la police aux yeux de certains

citoyens. Le commissaire SaïdAbdlekader Mahamoud dit comprendre"que l'on porte un tel regard sur cesagents parce qu'ils mènent un travail d'î-lotage qui les met en contact permanentavec la population".

CETTE NOUVELLE APPROCHE DU RÔLE

DE LA POLICE découle des nouvellesinstitutions, qui attribuent à l'autorité del'île la responsabilité de la sécurité inté-rieure. Mais ce qui inquiète le plus lechef de la Sécurité publique, c'est ceparadoxe du Comorien prompt à dénon-cer des comportements déviants et à s'of-fusquer dès que la police se mobilisepour faire appliquer la loi. Il reste que lerapprochement de la police avec la popu-lation risque d'engendrer des incompré-hensions s'il n'est pas suivi de formationadéquate. La proximité exige beaucoupplus de pédagogie, ce qui n'est pas le fortde nos hommes en uniforme.

KAMAL'EDDINE SAINDOU

“ÉTABLIR UNBILAN MORAL”

Le Palais de justice de Moroni. Depuis le début du Ramadan, des personnes ont été arrêtées pour “trouble à l’ordre religieux”.

LE RAMADAN, DE L'AUTRECÔTÉ DU MUR

IL EST 17H30. DEPUIS LE DÉBUT DE

RAMADAN, C'EST TOUJOURS LA MÊME

SCÈNE devant la grille de la Maisond'arrêt de Moroni. Une file de gens quiattendent leur tour pour apporter à manger àun proche parent. Omar Kassim est enfer-mé depuis deux semaines. Ce jeune de 16ans du quartier de Magudju a été condamnéà deux ans fermes pour avoir participé auxbarricades lors des manifestations des 23 et24 septembre. La première fois qu’Omar,qui est seulement en classe de 5ème, quittele cercle familial, c'est pour se trouver der-rière les barreaux. Et c'est toute la vie de safamille qui a basculé. Moina Idi, sa tante,retient difficilement ses larmes. Depuis ladétention de Omar, elle n'a pas osé franchirla porte de la prison. Trop sensible pouraffronter le regard de ce jeune garçon qu'el-le a vu grandir et qui pour sa premièrefaute, est parti pour deux ans au cachot. Sagrand-mère non plus ne l'a pas vu depuisces événements. C'est le frère de Omar etses trois sœurs qui font le trait d'union.Chaque matin la grande sœur se renddevant la maison d'arrêt dans l'espoir qu'onla laisse entrer. Personne ne lui a signifiéson droit de visite. Tout dépend donc del'humeur du gardien. La famille se relaietous les jours pour lui apporter à manger.Un rituel qui dure depuis deux semaines etqui risque de se prolonger... Toujours lesmêmes gestes. Faire la queue. Une fois àl'intérieur, présenter sa carte d'identité etattendre que le gardien aille chercher ledétenu pour récupérer ses provisions.L'échange est furtif. Pas vraiment le tempsd'une vraie conversation. "Nous souffrons beaucoup de son absencequand toute la famille se retrouve pour par-tager le repas. C'est la première fois qu'iln'est pas là pour le Ramadan" expliqueMoina Idi. La souffrance sera encore pluspesante le jour de l'Ide. La tante travailledans la journée et c'est seulement le soirqu'elle peut demander des nouvelles à ceuxqui ont pu le voir. Chaque fois, la conversa-tion tourne autour de l'absent. "Sa sœur m'adit qu'il est souffrant. Nous devons nousrendre la-bas plusieurs fois dans la journéepour les médicaments, la nourriture. Cen'est pas à chaque fois qu'on nous autoriseà entrer" explique la tante meurtrie. "Laseule idée qu'il ne peut pas aller à l'écolependant deux ans peut expliquer la dégra-dation de sa santé."

KES

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epttjfs

QUELQUES SEMAINES AVANT LE

JUGEMENT DE BOB DENARD,À PARIS, POUR L'ENLÈVEMENT ET

LA SÉQUESTRATION DE SAID MOHAMED

DJOHAR, KASHKAZI A RENCONTRÉ

L'ANCIEN PRÉSIDENT ET REVIENT

SUR LES CIRCONSTANCES DU COUP

D'ETAT DE 1995.

Monsieur Djohar, nous sommesle 28 septembre 1995, un peuavant 5 heures du matin à la

résidence présidentielle de Mrodjou, surles hauteurs de Ntsudjini. Racontez-nousce qu’il se passe alors...S.M.Djohar : J'ai entendu la porte s'ouvriralors qu'elle était fermée à clé et j'ai vu ent-rer cinq personnes, des hommes en tenue decombat, le visage barbouillé de cire. SeulCombo (un lieutenant qui a servi au sein dela triste Garde présidentielle que BobDenard a libéré de prison le jour même,ndlr) avait le visage découvert. Pendanttrente secondes, personne n'a parlé.Finalement l'homme qui dirigeait le petitcommando rompt le silence. "Vous ne mereconnaissez pas?" me demande-t-il."Comment voulez-vous que je vous recon-naisse alors que vous êtes masqué ?", je luiai répondu. J’étais toujours assis sur montapis de prière auprès de mon épouse. Je luiai demandé : "Mais que faites-vous dansma résidence ?” "Je suis venu libérer mesenfants que vous avez condamnés", ilrépond. Je rétorque : "Vous avez desenfants ici ?" Il s’est mis à marcher et c’estlà que j’ai compris, car il boitait commeBob Denard. Alors il me dit : “Monsieur leprésident, vous êtes bizarre, vous restezainsi, vous ne tremblez pas ?" "Pourquoivoulez-vous que j'aie peur, je n'ai fait de malà personne". Il nous a alors dit qu’il nousemmenait.

Quelle a été votre réaction à ce moment-là ?J'ai demandé qu'il nous laisse nous prépa-rer. J'ai pris un sachet où j'ai mis mes médi-caments, le Coran, je suis parti enfiler unpantalon et un kandzu (la robe que portentles hommes pour la prière, ndlr), un kofiaet un chapelet. J’ai dit à ma femme de nerien emporter avec elle. Je savais qu’ils nenous laisseraient pas prendre des objets de

valeur. D’ailleurs, Denard m’a demandé derentrer avec lui dans ma chambre oùétaient éparpillées mes affaires et surtoutplusieurs cadeaux offerts au cours de mesvoyages par mes homologues. Un des mer-cenaires m’a demandé s'il pouvait prendreune montre d'un très ancien modèle qui m'aété offerte par le roi Hassan II. Elle appar-tenait à sa famille. Je lui ai dit que je préfé-rerais la garder, mais que je n’étais pas enposition de dire quoi que ce soit. Le mer-cenaire l'a prise. Il y avait également dansun petit coffre 15 millions de fc (30 000euros, ndlr) en espèces qui servaient pour

les cas d'urgence.

Votre garde personnelle a t-elle essayé des'interposer ? Y a t-il eu échange decoups de feu ?Je n’en est pas entendu un seul. Ils étaient25 gardes et ont été désarmés par cinq mer-cenaires. En quittant la résidence, je les aivus dans la cour déshabillés et deboutdevant le portail. A mon avis, le chef de lasécurité, Rubis, était au courant du putschparce qu'il est entré avec Bob Denardpresque en s'excusant, me disant qu'ilsétaient désarmés et qu'il fallait se rendre.

Depuis quand Rubis dirigeait votregarde présidentielle ? Qui l’avaitnommé ?Depuis deux ans. Il m’ avait été conseillépar Paris.

Que s’est-il passé ensuite ?On m'a fait monter avec mon épouse dansla voiture présidentielle, sans l'étendard etsans mon chauffeur. Ce sont les mercenai-res qui conduisaient en direction du campmilitaire de Kandani. Il était aux environsde 6 h 30. On m'a installé dans une petitevilla mitoyenne de celle de Bob Denard.

Ma femme a été conduite chez sa fille àMoroni. A peine installé et sans manger, jeme suis endormi. A 14 heures. Bob Denardm'a réveillé. Un peu agacé, il m’a dit :"Quel homme êtes-vous pour dormir pro-fondément dans de telles circonstances?" Jelui ai simplement répondu que j'avais laconscience tranquille de celui qui n'a rienfait.

Combien de temps avez-vous passé àKandani ?Huit jours au cours desquels jen’ai subi aucune maltraitance. ...

S.M. DJOHAR“JE CONNAIS LESRAISONS DE MONENLÈVEMENT”

LE COUP D’ETAT DE 1995

EVINCÉ PAR BOB DENARD ET PAR LA FRANCEEN 1995, SAÏD MOHAMED DJOHAR RACONTE SACHUTE ET SA “DÉPORTATION”.

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epttjfs LE COUP D’ETAT DE 1995

Bob Denard venait souvent dis-cuter avec moi. Le huitièmejour, j'entends un bruit d'héli-

coptères survolant le camp et au loin des tirsd'armes automatiques et d'obus. Bob estrentré, visiblement énervé. Il a dit : "Ilsm'envoient ici, et puis ils viennent me cher-cher !". (Paris avait décidé d'intervenirmilitairement en lançant l'opération"Azalée" menée par des commandos deparachutistes (bérets rouges) et par l'arméede terre (bérets verts) et par quelques élé-ments du GIGN héliportés la veille au soirà l'aéroport de Hahaya à partir de troisnavires stationnés au large de Ngazidja.Les militaires français ont pris rapidementle contrôle du camp et ont emmené BobDenard avec eux, ndlr)Vers 17 heures, Bob Denard revient aucamp et m'informe qu'un accord a été trou-vé avec l’armée. A22 heures, le colonel desbérets rouges entre au camp et me salue."Monsieur le président, préparez-vous, onva aller à l'Ambassade de France ce soir”,m'ordonne t-il.

Sans explications ?Non. il m’a dit qu’on devait y aller ce soir.j’ai dit “pourquoi pas demain matin ?” Il adit que ce soir, les rues étaient calmes.

Qui vous attendait à l'ambassade?Je trouve l'ambassadeur lui-même, DidierFerrand. Il m'informe qu'il a reçu desinstructions de me faire sortir de mon payspour me faire soigner à la Réunion ou àMayotte. Je lui réponds que je ne suis pasmalade. Il insiste. Je lui assure que je suisen pleine forme. il insiste encore. Alors j’aidit : “J'ai compris, vous voulez m'exilercomme notre dernier sultan, Saïd Ali”. Jeme suis étonné qu'on veuille me faire partirdans cette tenue (le pantalon et la robe queDjohar portait durant ces huit jours de cap-tivité, ndlr). Réponse de l'ambassadeur :“Les vêtements viendront après”. Et mafemme ? “On verra après”. A ce moment,je me suis fâché et j’ai promis que je nequitterais pas les lieux tant que je ne verraispas ma femme. J'ai été autorisé à appelerma femme pour l'informer de ce qui m'arri-vait et appeler mon fils pour qu’il se prépa-re à m'accompagner. Dans la foulée, onnous a conduits vers le petit aéroportMoroni-Iconi où nous attendait un hélicop-tère, qui nous a déposés à Hahaya pourprendre un transall. Nous étions seuls, monfils, moi et l'équipage. On est arrivés à laRéunion à 2 heures du matin.

Est-ce vous qui avez choisi la Réunion aulieu de Mayotte ?Oui. Là-bas au moins, il y a des vraisComoriens. A Mayotte, ils ne veulent pasêtre comoriens.

Qui d'autres avez-vous rencontré dansl'enceinte de l'Ambassade ?Il y avait mon Premier ministre, Caambi ElYachourtui, qui devait me faire signer unelettre de démission. Il ne l'a pas fait. Je croisqu’il n’a pas osé. Et puis j'ai reçu un appeld’Hervé de Charrette, alors ministre fran-çais des Affaires étrangères, qui m'a deman-dé d'excuser le gouvernement. Je lui ai ditque ce qu'il me faisait était une déportation.Il m'a répondu : “Vous êtes toujours le pré-sident" et je lui raccroché au nez.

Comment vous a t-on accueilli à la

Réunion ?C'est le préfet et le chef des armées station-nées sur le département qui m'attendaientsur un aéroport désert. Ils m'ont tout de suitefait comprendre qu'ils avaient des instruc-tions pour me conduire à l'hôpital. J'ai enco-re une fois rouspété contre cet entêtement àsoigner de force un homme qui n'est pasmalade. J'ai imposé qu'on ne me soigne passans la présence d'un médecin comorien,que je savais en poste sur l'île. J’ai passétrois jours à l’hôpital, où on m'a fait des pré-lèvements pour un bilan de santé en présen-ce du médecin que j’avais exigé. Le troisiè-me jour, le médecin de l'hôpital m'apportantle rapport de bilan m'a affirmé qu'à l'excep-

tion de ma vue qui baissait, je me portaisbien. Il m’a demandé mon âge. J’ai dit 77ans. Il m’a félicité. J'ai eu le temps d'en-voyer mon fils photocopier ce rapport. Unpeu plus tard, j’ai entendu le préfet repro-cher au médecin de me l'avoir montré sansson autorisation. J’ai ensuite quitté l'hôpitalpour Hell bourg, dans le cirque de Salazie.

Comment avez-vous passé ces quatremois dans votre prison dorée ?C'est une maison bien aménagée avec troischambres, une cuisine et de petites maisonsautour pour les gardiens. J'ai demandéqu'on m'installe un téléphone et un fax.J'avais glissé dans mon livre du Coran une

liste d'adresses personnelles. J'ai écrit àpresque tout le monde pour expliquer ce quise passait, ma détention. A HosniMoubarak (le président égyptien, ndlr),Boutros Boutros Ghali (alors secrétairegénéral de l’Onu, ndlr), Abdou Diouf(alors président du Sénégal, ndlr), SalimAhmed Salim de l'Union africaine... Cedernier est parti le lendemain en Francepour protester devant le président Chirac.J'ai reçu la visite de Jacques Sylla, ministredes Affaires étrangères de Madagascar, d'unAmbassadeur de la Tunisie, de responsa-bles politiques comoriens, de beaucoup deComoriens de la Réunion.

Et les autorités françaises ? J'ai envoyé un fax à Jacques Chirac pourprotester. Il m'a répondu qu'il s'agissaitd'une affaire intérieure aux Comores.

Que saviez-vous de ce qu’il se passaitdans votre pays ? Je savais que l'opposition ne voulait pas queje retourne aux Comores, mais il y avaitmes partisans qui résistaient. Ceux quivenaient me voir me parlaient des manifes-tations et des meetings qui étaient organi-sés.

Dix ans après, pourriez-vousdire pourquoi on vous a ren-

...

A87 ANS, SAÏD MOHAMED DJOHAR N'A RIEN PERDU DE SA

VERVE. SEULE UNE FORTE BAISSE de la vue lecontraint à de pénibles efforts pour lire son

courrier derrière une grosses paire de lunettes. "Je nelis plus" regrette amèrement l'ex-président comorien -le seul encore en vie- qui ne manque jamais une occa-sion d'évoquer les dures réalités de la vieillesse. Il nelit plus rien sauf difficilement le Coran, le livre dont ilne sépare presque jamais. Fidèle croyant, Djohar attri-bue à (son) Livre saint un grand pouvoir dont celui delui avoir sauvé la vie et celle de son épouse face à BobDenard, le bourreau de son frère Ali Soilihi et de sonami de toujours Ahmed Abdallah, abattu en pleinexercice du pouvoir. Le président déchu passe aujourd’hui une retraitetranquille dans sa demeure de Mitsamihuli, au nordde Ngazidja, avec son épouse, ses enfants, ses petitsenfants et une bonne pension d'ancien chef d'Etat,versée irrégulièrement comme tous les salaires como-

riens. Djohar ne quitte sa maison que pour fairequelques pas dans le jardin et se rendre en voiture aucentre ville pour la grande prière du Vendredi. Sonétat de santé lui permet encore de prendre de tempsen temps l'avion pour Ndzuani, retrouver sa secondeépouse et prodiguer quelques conseils sur les grandesquestions du moment. En bon vivant, Djohar continueà se livrer à sa passion pour la pêche et la chasse"pour se dégourdir les membres" dit-il.Jusqu'à notre appel pour le rencontrer, l'ex-présidentdes Comores entre 1989 et 1995 ignorait que BobDenard devrait être jugé dix ans après les faits, enjanvier 2006 devant le tribunal correctionnel de Paris,pour l'avoir séquestré et enlevé. Personne ne l’avaitinformé du procès de l'homme contre lequel il avaitporté plainte le 27 octobre 1998. Curieusement, uncoup de téléphone interrompt notre conversation -quia eu lieu dimanche dernier. C'est un membre de lafamille qui appelle de la France pour le tenir informé

du procès et lui demander s'il est en mesure de serendre devant le tribunal. Curieusement aussi, le prin-cipal témoin répond négativement. “Qui va payer lebillet et les frais de séjour ? Mon avocat me représen-tera, il viendra d'ailleurs m'entendre ici avant le pro-cès.” C'est donc de très loin, de son domicile deMitsamihuli à 10.000 kilomètres du Palais de justicede Paris que Saïd Mohamed Djohar suivra le déroule-ment du procès de son tombeur. Il n'est pas dupe etsait que ce procès ne donnera rien. Ce n'est presqueplus le sien. C'est celui de Bob Denard et de son pays,la France qui l'a envoyé le destituer. Croyant jusqu'à lafatalité, Djohar estime que le seul fait d'être encorevivant et libre est le jugement de Dieu. La justice deshommes ne sera encore qu'un autre simulacre...Comme les précédents procès qui ont maintenu delourdes zones d'ombre sur la politique française auxComores.

KAMAL’EDDINE SAINDOU

...

“QUI VA PAYER MON BILLET ET LES FRAIS ? MON AVOCAT ME REPRÉSENTERA”

S.M. Djohar, danssa maison situéeà l’entrée sud deMitsamihuli.L’homme est affa-ble, disert. Il s’é-panche volontierssur les conditionsdans lesquellesse sont dérouléessa séquestration.Mais quand il s’a-git de dénoncerles coupables, ilse fait moinsbavard. Le seulex-président desComores encorevivant dit garder“ça” pour sesmémoires.

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epttjfsLE COUP D’ETAT DE 1995

versé et qui sont les respon-sables ?Je sais très bien pourquoi...

Mais je ne vais pas vous le dire. Je diraitout dans mes mémoires que je suis entrain de rédiger. Je ne veux pas indisposerdes gens qui sont en activité, mais je saisque c'est l'opposition. Ce n'est pas la pre-mière fois qu'on a tenté un coup d'Etatquand j’étais président. Il y a eu celui de laCour suprême, celui d'une partie de l'ar-mée, de Max Vieillard. Denard m'a dit qu'ilétait là pour libérer ses enfants, mais jepeux vous dire que des amis venus deFrance m'avaient averti depuis juillet 1995(deux mois plus tôt, ndlr) qu'il se préparaitun coup d'Etat. J’avais alors informé lechef d'état-major de l'armée pour qu'ilprenne les dispositions. Mais vous savezcomment ça se passe ici. Quand ils ont vuque rien ne se passait les jours qui ontsuivi, ils ont arrêté la surveillance.

Etiez-vous en bons termes avec laFrance ? Vous avez eu des prises depositions dures envers ce pays.Vous savez, j’ai beaucoup souffert pendantla colonisation... J'étais très ami avecFrançois Mitterrand, qui m'a rendu visitetrois mois après mon élection. Il était aucourant de tout ce que je faisais. Après tou-tes ces tentatives de putsch, il m'a conseilléun colonel pour se charger des renseigne-ments et ma sécurité. Tout a changé aprèsavec Chirac. Si Mitterrand avait été là, jen’aurais jamais été déporté.

Mais bien avant, ne vous a t-on pasreproché des prises de positions commecelle contre le visa d'entrée à Maore,instauré parEdouard Balladuren 1994 ?Oui, c'est vrai, j'étais en colère et je l'ai faitsavoir à l'Ambassadeur. Je lui ai dit qu’ilsallaient devoir agrandir les prisons àMayotte, parce que les Comoriens conti-nueraient à aller là-bas. On devait mainte-nir la situation qui prévalait et non venir lacompliquer. Je suis allé le dire à la radio.Tout le monde est descendu pour manifes-ter dans la rue. Il y a eu aussi l'affaire de la célébration del'indépendance de la Libye. J'étais invité aumême titre que beaucoup d'autres chefsd'Etats d'Afrique. La célébration se dérou-lait sur une avenue recouverte des dra-peaux des Etats-Unis, de l'Angleterre et dela France, sur lesquelles défilaient (piéti-naient, ndlr) les militaires. Moi, j’étaisdans la tribune. Mais à mon retour, on m'aenvoyé une cassette filmée dans laquelleon me voyait marcher sur ces drapeaux.Alors que j'étais à la tribune des officiels !Ma visite officielle en Iran a peut-êtreaussi fâché certains milieux. J'avais pour-tant profité d'un passage à Paris avantTéhéran pour en informer FrançoisMitterrand. Il m’a même encouragé, en medisant que ce pays avait de l’argent. C'estvrai que les autorités iraniennes nous ontfait des propositions d'aide intéressantes.Elles allaient nous offrir 700.000 tonnes depétrole brut par an, 200 bourses d'études et4 bateaux armés pour la surveillance côtiè-re. A mon retour à Moroni, le journal LePoint avait écrit que j’étais allé signer desaccords de défense pour remplacer ceuxavec la France. J'étais tellement choqué etscandalisé que j'ai demandé à suspendreles propositions iraniennes.

RECUEILLI PAR LG, KES ET RC

L'IMPLICATION FRANÇAISE DANS LA DOU-BLE SÉQUESTRATION DU PRÉSIDENT

DJOHAR peut difficilement être contestée.Concernant le coup d'Etat de Bob Denard, qui atoujours affirmé lors de ses périples africains qu'ilagissait à la demande ou avec l'accord de Paris,plusieurs éléments laissent penser que le merce-naire bénéficiait, sinon d'une autorisation claire,du moins de complicités. D'abord, le "corsaire dela République" était placé sous contrôle judiciaireen France, au moment de cette nouvelle opération.Comment a-t-il pu quitter le territoire ? Par ailleurs, la sécurité du président était à l'époqueentre les mains de la coopération militaire françai-se. "Tous les ordres émanaient des officiers fran-çais", rappelle maître Mzimba, qui était alorsconseiller juridique de Djohar. "Le chef de missionde la coopération militaire avait son bureau à côtéde celui du président." Le jour du coup d'Etat, 25soldats étaient censés garder la présidence, racon-te Said Mohamed Djohar (lire p.12). Les cinqmercenaires qui ont cueilli au réveil le président etson épouse se sont pourtant introduits dans lademeure sans la moindre altercation.Contrairement à ses interventions précédentes,Bob Denard ne semblait pas avoir de projet précisune fois le pouvoir confisqué. Son explication -"jesuis venu libérer mes enfants"- laisse perplexe.Avant même de pénétrer dans la présidence, lemercenaire a en effet délivré de vieilles connais-sances : le capitaine Combo, qui va l'aider dansson coup, et les deux fils jumeaux de l'ancien pré-sident Ahmed Abdallah, en prison depuis 1992pour une tentative de putsch. Le lien entre cettelibération et le retrait de la plainte de la familleAbdallah contre Denard pour assassinat du prési-dent a été avancé comme motif -un peu léger- decette nouvelle expédition. Denard a également puêtre contacté par des opposants à Djohar. Mais levide, les hésitations et la vacance du pouvoir quiont suivi l'enlèvement, avant que l'armée françaisen'intervienne, dénotent une absence d'organisa-tion.

LES RAISONS QUI ONT PU POUSSER LA FRANCE

À ÉCARTER DJOHAR sont plus mystérieuses.L'ancien président dit les connaître mais ne veutpas les livrer : "Elles mettent en cause trop degens." C'est bien là le problème : la plupart desacteurs de l'époque sont encore en exercice, qu'ils'agisse du capitaine Combo Ayuba (toujours dansl'armée), du premier ministre de l'époque CaabiEl-Yachurtu (aujourd'hui vice-président del'Union) et du président Azali, alors chef d'Etat-major. Abdérémane Abdallah, libéré par le merce-naire, n'a pas voulu répondre à nos questions. Tropde choses à cacher, trop de liens familiaux, poli-tiques ou simplement d'intérêts entre les protago-nistes : encore fraîche, l'histoire n'est pas prête d'ê-tre écrite.Restent des hypothèses. Le climat d'hostilitéenvers la France, qui s'était installé aux Comoressuite à l'instauration du "visa Balladur" quelquesmois auparavant, est avancé comme l'une des cau-ses possibles de la disgrâce de Djohar. En impo-sant un visa préalable aux ressortissants como-riens souhaitant se rendre à Maore, le premierministre français a attiré les foudres desComoriens. "Il y a eu une manifestation commej'en avais jamais vu aux Comores", raconte maît-re Mzimba. "Toutes les autorités étaient là.Gouvernement, députés, opposition… C'était unemanifestation d'Etat." Le 20 janvier, des projecti-

les sont lancés sur l'Ambassade de France, desFrançais sont pris à partie. Si Djohar n'encouragepas à haute voix ces poussées de colère, sa posi-tion officielle est en accord avec la revendicationde la rue. La campagne menée à cette période dansAl-Watwan, le journal d'Etat, est à cet égard signi-ficative. "Le gouvernement français vient de prou-ver à tous son intention de parachever la balkani-sation de l'archipel", était-il écrit en une du numé-ro du 20 janvier 1995, paru peu après la décisionfrançaise. "C'est, là, une situation grave qui nedoit pas se limiter aux communiqués de protesta-tion. Le dernier conseil des ministres vient d'expri-mer son indignation en condamnant cette volontédélibérée des autorités françaises de séparer l'îlede Mayotte de son ensemble naturel."Selon maître Mzimba, "il y eu une grande frustra-tion collective, et un grand refus de la France chezle président lui-même. Au cours d'un entretienavec l'ambassadeur de France, il est resté sur sespositions. Il n'était pas question pour lui d'avaliserça. Il répétait : "On n'en tirera rien, on est un petitpays, on se fera toujours écraser. Autant qu'onarrête avec la France."" Au cours du mois defévrier, les vols d'Air Comores et les liaisons mari-times vers Maore sont interrompus...Une telle attitude n'était pas faite pour flatter l'or-gueil de la puissance française. "Comme notremonnaie, les relations entre la France et lesComores semblent s'être dévaluées", observait Al-Watwan le 10 mars. "Du côté de la France, on n'apas beaucoup apprécié les manifestations du 20janvier", écrivait l'hebdomadaire.

CES RELATIONS ORAGEUSES ONT COÏNCIDÉ

AVEC LA FIN, EN FRANCE, du régime Mitterrand,qui affichait sur Maore une position différente decelle qui a accompagné la mise en place du visaBalladur. Le 27 janvier, Al-Watwan opposed'ailleurs à la nouvelle politique française un dis-cours tenu par le président socialiste à Moroni en1990. Mitterrand s'était alors engagé à "prendreles mesures qui permettront une communication etdes échanges constants entre les îles, Mayotte etles autres, les autres et Mayotte. Qu'il n'y ait plusde barrières dressées, théoriques mais peu fran-chissables, entre tous les Comoriens que vous

... LA FRANCE, PLUS QU’IMPLIQUÉE...TOUT INDIQUE QUE PARIS VOULAIT ÉCARTER DJOHAR DU POUVOIR. LES RAISONS DE CETTE DISGRÂCE RESTENT MYSTÉRIEUSES.

êtes, eux et vous." Mais le 7 mai, Chirac est éluprésident de la République française. Djohar estformel : "Je n'aurais jamais été enlevé comme çapar la France si Mitterrand avait été au pouvoir."Le rapprochement des Comores avec les régimesarabes pourrait également avoir déplu à Paris.

TOUJOURS EST-IL QUE LA FRANCE, PAR L'IN-TERMÉDIAIRE DE SON AMBASSADEUR à Moroni,a parrainé la formation d'un nouveau gouverne-ment d'opposition alors que Djohar était prisonnierde Denard, mais toujours en exercice. Ancien pre-mier ministre et principal opposant à Djohar,Abbas D'joussouf s'est trouvé le 4 octobre àl'Ambassade pour la formation du gouvernementd'Union nationale, opposée au retour du présidentau pouvoir. "J'ignore les raisons externes de lachute de Djohar mais je sais que plusieurs fac-teurs internes y ont contribué", indique-t-il. "Lerégime avait été pris en main par la famille duprésident et s'était coupé des partis politiques.L'influent gendre du président tirait un peu trop lepays vers le monde arabe. Mais c'est surtout lamauvaise gestion de Djohar qui a ligué l'opposi-tion contre lui." Une semaine après le coup d'Etat,l'ambassadeur de France a convié tous les partisd'opposition pour "trouver une issue à la crise"."Nous nous sommes retrouvés tous dans leslocaux de l'Ambassade où nous avons passé toutela journée pour essayer de sortir avec un gouver-nement", raconte Abbas D'joussouf. "Le but a étéatteint dans la soirée. On a quitté les lieux vers23h30. Moins d'une demi-heure après, on enten-dait les premiers avions de l'opération militairefrançaise pour déloger Bob Denard."Quelques heures après la "libération" du présidentDjohar, l'ambassadeur de France l’évacuera cont-re son gré. Aux huit jours de séquestration à lacaserne de Kandani ont succédé quatre mois d'em-prisonnement par la France. Au vu et au su dumonde entier…Dans quelques semaines, le corsaire sera jugé,mais pas la République qu'il a "défendue" durant40 ans. Comme d'habitude, Bob Denard jouera lerôle de l'arbre qui cache la forêt. Mais qui deman-dera à la France de répondre de ses propres actes ?

LISA GIACHINO (AVEC KES)

François Mitterand,aux côtés d’AhmedAbdallah, le prédéce-seur de Djohar, à lafin des années 80.Selon “Papa Djo”, “siMitterrand avait enco-re été président, riende tout ça ne seraitarrivé”.PHOTO AFP

DANS LA NUIT DU 27 SEPTEMBRE

1995, BOB DENARD ET UNE TREN-TAINE D'HOMMES DÉBARQUENT À

MORONI. ILS LIBÈRENT LES PRISON-NIERS POLITIQUES ENFERMÉS À LA

MAISON D'ARRÊT, AVANT DE S'EMPA-RER DE RADIO-COMORES. SEUL

POUR MENER LA RÉSISTANCE -LE

RESTE DE L'ARMÉE S'EST RENDU OU A

FUI- LE COLONEL SOILIHI, DIT

CAMPAGNARD, RÉSISTE UNE JOURNÉE

AVEC LA SECTION D'ITSOUNDZOU.ENTRE-TEMPS AU PETIT MATIN, LE

PRÉSIDENT DJOHAR EST ARRÊTÉ ET

EMMENÉ AU CAMP MILITAIRE DE

KANDANI. IL Y SERA SÉQUESTRÉ

PENDANT HUIT JOURS TANDIS QU'UN

COMITÉ MILITAIRE DE TRANSITION EST

INSTALLÉ AVEC À SA TÊTE COMBO, ET

QUE LES PARTIS D'OPPOSITION NÉGO-CIENT UN NOUVEAU GOUVERNEMENT

À L'AMBASSADE DE FRANCE.LE 4 OCTOBRE, EN VERTU D'AC-CORDS DE DÉFENSE LIANT LES DEUX

PAYS, LA FRANCE INTERVIENT AUX

COMORES, NÉGOCIE LA REDDITION

DE DENARD ET ÉVACUE LE PRÉSI-DENT DJOHAR À LA RÉUNION CONT-RE SON GRÉ. TANDIS QUE L'OPPOSI-TION, QUI NE SOUHAITE PAS SON

RETOUR, A PRIS LES RÊNES DU PAYS,DES MANIFESTATIONS RÉCLAMENT

SON RETOUR. IL NE QUITTERA FINA-LEMENT SA “PRISON DORÉE” QUE

QUATRE MOIS PLUS TARD, DEUX MOIS

AVANT LA FIN DE SON MANDAT, ET NE

REPRENDRA PAS LE POUVOIR.

25 Lbtilb{j!)24*!kfvej!38!pdupcsf!3116

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MAURICE : UNEENQUÊTE SUR LESOUVRIERS ÉTRANGERS?L'ONG Labour Watch a demandéau ministre mauricien du Travailde diligenter une enquête sur lasituation des ouvriers étrangerstravaillant à Maurice, la semainedernière. Cette demande fait suiteaux problèmes survenus à l'usineFiremount, dans le sud de l'île, oùquelque 300 Indiens qui y sontemployés veulent rentrer dansleur pays en raison de mauvaisesconditions de travail. "Cetteenquête permettra au gouverne-ment de dégager une politiquenationale concernant l'utilisationde la main-d'oeuvre étrangèredans l'île", a déclaré le présidentde cette ONG, Dev Luchmun.Selon lui, cette enquête devraexaminer le mode de recrutementde ces ouvriers, les conditionsd'emploi qui leur sont proposéesavant leur arrivée à l'île Mauriceet leurs conditions de vie surplace. Le président de LabourWatch a estimé que la situationdes quelque 25.000 ouvriersétrangers est préoccupante àMaurice.

REMANIEMENTMINISTÉRIEL À MADAUn mini-remaniement gouverne-mental s'est opéré mercredi der-nier à Antananarivo. MarcRavalomanana et le Premierministre Jacques Sylla ont décidéde remplacer deux ministres,celui de l'Industrialisation, duCommerce et du Développementdu secteur privé, OlivierSahobisoa Andrianarison, et celuide la Jeunesse et des Sports,Henri Randrianjatovo. Le pre-mier est remplacé par RogerMarie Rafanomezantsoa, docteurès Sciences de l'Université deHanovre. Le second par TomboRamandimbisoa, médecin.

LA PRÉVALENCE DU VIH/SIDA EST ENCORE EN HAUS-SE EN AFRIQUE DU SUD et

pourrait réduire l'espérance de vie desSud-Africains à 46 ans, a averti il y adeux semaines un chercheur local. Laprévalence du VIH parmi les femmeset les personnes âgées de 20 à 24 anscontinue à augmenter, alors que 29%des femmes sud-africaines sontcontaminées. Alan Whiteside, del'Université de KwaZulu-Natal, aainsi indiqué que près de 6,3 millionsde Sud-Africains vivent avec leVIH/Sida et que la plupart d'entre euxne le savent mêmepas. "L'espérancede vie dans le paysva bientôt dimi-nuer de 63 à 46ans", a-t-il expli-qué lors d'uneconférence sur le Sida àJohannesburg. Selon M. Whiteside,l'impact n'est pas uniquement ressentiau niveau du gouvernement et dansles départements de santé, mais aussidans les communautés, dans les

municipalités, sur les lieux de travailet dans les écoles. Il estime que cetimpact atteindra son plus haut niveaudans une vingtaine d'années quand lenombre d'enfants orphelins à cause duSida aura considérablement augmen-té.

CES DÉCLARATIONS PEU RÉJOUIS-SANTES SONT INTERVENUES alorsqu'un rapport de l'ONG HumanRights Watch (HRW), publié lundi 3octobre, indique que les gouverne-ments du Kenya, d'Afrique du Sud etd'Ouganda ont échoué à faciliter l'ac-

cès à l'éducationdes orphelins duSida. Selon l'orga-nisation de défen-se des droits del'Homme, baséeaux Etats-Unis,

environ 43 millions d'enfants en âged'être scolarisés ne vont pas à l'écoleen Afrique sub-saharienne, nombred'entre eux en raison des effets duVIH-Sida. "En assurant un soutienlimité aux efforts de la population en

AFRIQUE DU SUD : LESORPHELINS DU SIDA OUBLIÉSUN RAPPORT RÉCEMMENT DÉVOILÉ DÉNONCE L'ABANDON PAR L'ETAT SUD-AFRICAIN DE CESENFANTS. DANS LE MÊME TEMPS, UN CHERCHEUR S'INQUIÈTE POUR L'AVENIR.

Durant de nombreuses années, le président sud-africain,Thabo Mbeki, n'a pas voulu prendre en compte la pandémiedu Sida.

“CES ENFANTS ONTMOINS DE CHANCES QUE

LEURS CAMARADES”

faveur des orphelins, les gouverne-ments ont échoué à corriger les dés-avantages subis par les enfants affec-tés par le Sida, ce qui implique queces enfants ont moins de chances queleurs camarades de s'inscrire, d'as-sister ou de progresser à l'école",dénonce HRW. "Les gouvernementsdu Kenya, d'Afrique du Sud etd'Ouganda se sont désintéressés del'éducation des enfants affectés par leSida", ajoute ce rapport intitulé "Lesnégligences du gouvernement et ledroit à l'éducation des enfants affectéspar le Sida". HRW précise être parve-nu à cette conclusion après "desentretiens détaillés avec des dizainesd'enfants" dans ces trois pays. L'Afrique sub-saharienne détient letaux le plus élevé de cas de Sida dansle monde, avec environ 26,6 millionsde personnes contaminées fin 2003sur quelque 40 millions au niveaumondial, selon l'Onu. L'Afrique duSud compte à elle seule environ 1,1million d'orphelins du Sida.

RC, AVEC PANAPRESS ET AP

DANS SA VILLA COSSUE DE

PARKTOWN NORTH, UN QUAR-TIER RÉSIDENTIEL de

Johannesburg, Aubrey Mokoena a descigares plein ses tiroirs. "Comme les tech-niques d'extraction, de fonte et tout le pro-cessus de vente de l'or, le cigare a fait par-tie de mon apprentissage chez Anglo”,explique-t-il. “C'est une bonne façon desocialiser après les dîners. Je n'ai jamaisfumé de ma vie, mais je ne peux plus résis-ter à un Cohiba". Il y avingt ans, cet avocat noir,recherché par la policepolitique de l'apartheidpour ses activités au seindu Congrès national afri-cain (ANC), avait du fuirle pays en catastrophe. Aujourd'hui, il est le seulpropriétaire "non blanc" de la rue où ilhabite et l'un des quelques directeurs noirsde la grande société minière AngloAmerican. Aubrey Mokoena a aidé toutesa famille à quitter Soweto, mais lui-même n'a pas perdu les habitudes de laplus grande township de Johannesburg.Au moindre bruit suspect, la nuit, il avoues'armer d'une lance pour inspecter son jar-din. Tous les matins, il se lève à 5 heures."À Soweto, nous vivions à huit dans deux

pièces”, raconte-t-il. “Il fallait se lever tôtpour nous laver chacun notre tour, au seulrobinet de la maison, dans la cour." Il luiarrive encore aujourd'hui de trouver sonlit trop douillet, et d'aller dormir à mêmele sol, dans son bureau, "comme avant".

SES AMIS, DIRECTEURS DE SOCIÉTÉS

MINIÈRES OU DE GRANDES ENTREPRI-SES, habitent comme lui dans les ban-lieues résidentielles blanches de

Johannesburg et Pretoria.Ils mettent un point d'hon-neur à rouler enMercedes, à s'acheter lestapis persans les pluschers et à mettre de l'arti-sanat africain sous verre,dans des cadres dorés.Sans aucun complexe, ils

discutent black empowerment (montée enpuissance économique des Noirs), ledimanche, au bord de la piscine."Pourquoi faudrait-il tout le temps avoir ànous justifier ?" répète Patrice Motsepe,PDG d'une société minière et président dela Chambre de commerce et d'industried'Afrique du Sud. "Quand des Blancsdeviennent riches grâce au capitalisme,cela ne pose de problème à personne",affirme-t-il.

Il n'empêche. Les nouveaux riches noirsdérangent moins les Blancs (10 % de lapopulation) que leurs anciens "camara-des" de la lutte contre l'apartheid. MziKhumalo, un magnat minier, s'adonne parexemple à des parties de chasse auBotswana, dans des réserves hors de prixoù il côtoie de richissimes Américains -unpasse-temps blanc par excellence. Cetancien leader de la branche armée del'ANC, Umkhonto we Sizwe (Fer de lancede la nation), prend ainsi sa revanche surdes années d'exil et de privations dans descamps d'entraînement perdus dans labrousse.Diego Moseneke, à la tête de la sociétéminière New Diamond Corporation(NDC), est un inconditionnel du golf. Cejeune homme d'affaires a commencé surles green en 1998 pour étoffer son carnetd'adresses. Depuis, il s'est pris au jeu.

THABO MBEKI, LE CHEF DE L'ÉTAT, SE

SERAIT MIS AU GOLF en 2002 sur lesconseils de Tito Mboweni, le gouverneurde la Banque centrale d'Afrique du Sud,qui lui a présenté ce sport comme l'un desmeilleurs moyens de dissiper les craintesdes grands patrons blancs sur l'avenir dupays. Le 6 août dernier, il a patronné unejournée de golf, réservée aux élites noires

des affaires et du gouvernement, senséefinancer le Nation Trust, un fonds destinéaux jeunes entrepreneurs noirs. Si les Blancs se moquent parfois, lesgoûts de luxe des nouvelles élites noiresne font pas rire à Soweto. Là, les "hérosoubliés" de la lutte contre l'apartheid, enproie au chômage, à la misère et à l'alcool,accusent leurs frères enrichis de les avoirtrahis. "Ils ont tous déménagé dans desquartiers de Blancs ; ils n'investissentdans rien du tout ici, aucun business,aucune association, aucune oeuvre decharité", se lamente Sifiso Dlamini, unenseignant.Force est de constater qu'ils sont très raresà suivre la voie de Don Ncube. L'un desplus grands patrons noirs du pays, à la têtedu groupe Real Africa Holding (RAH), aen effet monté une association dans latownship d'Alexandra, à Johannesburg.Ce self-made-man, qui a forgé son empi-re à partir d'une petite société d'assurance,n'a rien à voir avec les milieux politiques.Contrairement à beaucoup de ses pairs, iln'est passé ni par les syndicats, ni parl'ANC. Il fait pourtant partie de ceux quin'ont pas perdu, avec la folie des gran-deurs de la "nouvelle" Afrique du Sud,tout sens de la solidarité.

SABINE CESSOU (SYFIA INTERNATIONAL)

QUAND LES GOÛTS DE LUXE DES ÉLITESNOIRES PASSENT MAL...EN AFRIQUE DU SUD, L'ENRICHISSEMENT D’UNE MINORITÉ DE NOIRS N'EST PAS TOUJOURS VU D'UN BON OEIL.

“QUAND LESBLANCS DEVIENNENT

RICHES, CELA NEPOSE DE PROBLÈMES

À PERSONNE”

26Lbtilb{j!)24*!kfvej!38!pdupcsf!3116

npoef

BRÉSILLes Brésiliens se sont pronon-cés contre l'interdiction ducommerce des armes à l'occa-sion d'un référendum organisédimanche dans ce pays quidétient le record du nombre devictimes des armes à feux. Plusde 100 millions d'électeursdevaient répondre à la question :la vente d'armes et de munitionsdoit-elle être interdite ? Aprèsle dépouillement de 92% dessuffrages, le "non" obtenait64%, contre 36% pour le "oui".

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“QUEL QUE SOIT LE COURS

DU PÉTROLE BRUT SUR

LE MARCHÉ INTERNA-TIONAL, il n'y aura plus au Nigeria d'aut-res augmentations des prix des produitspétroliers jusqu'à la fin de 2006", a promisà ses compatriotes le président OlusegunObasanjo, lors de la célébration, le 1eroctobre dernier, des 45 ans d'indépendancede son pays. Cette promesse du chef d'Étatnigérian, dont le second et dernier mandatde quatre ans s'achève en juin 2007, faitsuite à une série de marches pacifiquesorganisées pendant toute la deuxièmequinzaine de septembre par le Nationallabor congress (NLC), la principale centra-le syndicale du pays, et d'autres organisa-tions de la société civile. "Arrêtez les importations de carburants !Réparez nos raffineries !", scandaient lesmanifestants qui protestaient contre lahausse des prix des produits pétroliers,intervenue fin août dernier. Cette augmen-tation, qui a fait passer le litre d'essence de50 à 65 nairas (0,40 à 0,50 dollars), lamonnaie locale, et celui du gazole de 65 à70 N (0,50 à 0,58 dollars), découle d'unenouvelle réduction des subventionspubliques des prix des carburants, décidéele même mois par le gouvernement du faitdes pressions de la Banque mondiale.Estimées à au moins un milliard de dollarspar an, ces subventions menaceraient l'ave-nir de la Nigeria National PetroleumCorporation (NNPC), la société publiquedes pétroles, obligée de vendre ses pro-duits à des coûts inférieurs à ceux du mar-ché international. Une situation qui res-semble fort à celle que les Comores ontvécu ces dernières semaines.

LES PRIX DES PRODUITS PÉTROLIERS

AVAIENT DÉJÀ ÉTÉ RELEVÉS une dizainede fois entre 1994 et 2004. Celui du litred'essence, initialement de 11 N, avait ainsiplus que quadruplé. Conséquences de lahausse des cours du brut sur le marchéinternational, ces augmentations résultent

aussi au Nigeria d'une "très mauvaise ges-tion du secteur des hydrocarbures",dénonce Adams Oshiomhole, président dela NLC. Premier producteur africain etsixième exportateur mondial, le Nigeriaqui tire de l'or noir plus de 95 % de sesrecettes d'exportation, est cependant expo-sé à des pénuries régulières et à la haussedes prix des produits pétroliers. Un para-doxe qui tient au fait que le pays exportevers l'Occident, surtout aux États-Unis,presque la totalité des 2,5 millions de barilsde brut qu'il produit par jour, et se voitdonc contraint, pour satisfaire ses propresbesoins en produits raffinés, de s'approvi-sionner sur un marché international auxcours fluctuants. Une opération coûteusecar, même si d'un côté, le Nigeria profitedu prix élevé du baril de brut, qui tourneactuellement de 65 dollars, il dépense biendavantage pour acheter les produits raffi-nés, plus chers. Pourtant, la NNPC dispose de quatre raffi-neries qui, "pourraient satisfaire la

demande locale quotidienne, estimée à 30millions de litres, et même exporter lereste", analyse Aliyou Daouda, un journa-liste économique nigérian. Mais mal entre-tenues et mal gérées, ces entreprises netournent qu'à 40 % de leur capacité. Les syndicats et les organisations de lasociété civile accusent la NNPC d'entrete-nir à dessein ce dysfonctionnement afin depermettre à des importateurs nationauxd'engranger des millions de bénéfices enachetant les produits pétroliers raffinés surle marché international pour les revendreplus cher dans le pays. Du reste, le prési-dent Olusegun Obasanjo, au pouvoirdepuis 1999, n'a cessé de dénoncer la cor-ruption qui gangrène le secteur pétrolier dece pays, classé en 2004 troisième état leplus corrompu au monde par TransparencyInternational.

LE COUP EST RUDE POUR LA PLUPART

DES 137 MILLIONS DE NIGÉRIANS qui, endépit de la richesse pétrolière de leur pays,continuent de vivre avec moins d'un dollarpar jour. "Avant, le transport entre Lagoset Island-Ikeja (30 km, ndlr) coûtait 500 N.Maintenant, nous demandons aux gens depayer 600 N, ce que beaucoup refusentpour se diriger vers les autobus qui sontmoins chers", se plaint Gbadebo, un chauf-feur de taxi. "Tout est devenu cher !",confirme Veronica, une vendeuse. "De 400N, le kilo de viande est passé à 500 N tan-dis que le kilo de sucre coûte 120 N contre70 avant."Malgré la promesse d'Obasanjo de ne plusprocéder à d'autres augmentations pendantson mandat, les syndicats et les organisa-tions de la société civile ne décolèrent pas.Ils n'excluent pas de mener une grèvegénérale illimitée si l'État fédéral n'annulepas la dernière hausse et ne trouve pas dessolutions définitives au problème pétrolieren luttant contre la corruption.

C.C. OLUWAKEMISOLA ET F. NOUWLIGBÈTO(SYFIA INTERNATIONAL)

AU NIGÉRIA, UNE HAUSSE QUIRESTE EN TRAVERS DE LA GORGELA HAUSSE DU PRIX DES PRODUITS PÉTROLIERS SUSCITE LA COLÈRE DES NIGÉRIANS QUIN'ADMETTENT PAS DE PAYER AUSSI CHER L'OR NOIR QUE LEUR PAYS PRODUIT ET VEND EN MASSE.

“AU REGARD DU PASSÉ, IL EST INVRAISEMBLABLE

QUE LA MANNE PÉTROLIÈRE DES DÉCENNIES À VENIR

BÉNÉFICIE AU PLUS GRAND NOMBRE EN AFRIQUE.(...) ET CETTE SITUATION POURRAIT PERDURER,VOIRE EMPIRER, À EN JUGER PAR L'EXPÉRIENCE DU

NIGERIA, LE PLUS ANCIEN ET LE PLUS IMPORTANT

PRODUCTEUR DE BRUT AU SUD DU SAHARA. PLUS

DE 300 MILLIARDS DE PÉTRODOLLARS, ENGRANGÉS

PENDANT LE DERNIER QUART DU 20ÈME SIÈCLE, N'YONT LAISSÉ GUÈRE D'AUTRES TRACES QUE L'EF-FROYABLE POLLUTION DANS LE DELTA DU NIGER ET

DES AVOIRS À RALLONGE DANS DES COMPTES AUSSI

OFFSHORE QUE LES PLATES-FORMES EN HAUTE MER :SELON LE CLASSEMENT DU PNUD POUR LE DÉVELOP-PEMENT HUMAIN EN 2004, LE “GÉANT DE

L'AFRIQUE NOIRE” ACCUSE DES INDICES DE PAUVRE-TÉ SUPÉRIEURS DE 30% À CEUX DE 1980.”Tiré de Comment la France a perdu l'Afrique, deStephen Smith et Antoine Glaser, ed. Calman-Lévy

Le chiffre

35,6%35,6% DES FILLES ÂGÉES DE 15 À 19 ANS

EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU

CONGO échangent un rapport sexuelcontre de l'argent, d'après des recherchesde Patrick Kayembe Kalambayi. Lorsd'un séminaire sur le Vih/Sida tenu àKinshasa, la ministre de la Conditionféminine, Faida Mwangila, a cité cetterecherche pour avertir que les jeunesfilles se trouvent dans une spirale renfer-mant la pauvreté, la prostitution, les vio-lences et au final la pandémie du Sida.

Le Nigéria est lepremier produc-teur de pétroleen Afrique.

Le président Olusegun Obasanjo.

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ijtupjsfLE CHERCHEUR ALAIN CLOCKERS A ÉTUDIÉ UN MANUSCRIT RÉDIGÉ EN 1936 PAR UN COMORIEN OFFICIER DE POLICE À ZANZIBAR,IBUNI SALEH. IL NOUS FAIT DÉCOUVRIR LES PENSÉES DE CE PRÉCIEUX TÉMOIN DES ANNÉES 30 ET LES INFORMATIONS QUE NOUSAPPORTE SON RÉCIT SUR LA COMMUNAUTÉ COMORIENNE ÉMIGRÉE À ZANZIBAR. “CERTAINES ANALYSES FAITES EN 1936 PRENNENTUNE RÉSONANCE SURPRENANTE AU REGARD DES DERNIERS ÉVÉNEMENTS DE GRANDE COMORE ET DE MAYOTTE”, REMARQUE L'HIS-TORIEN. CETTE SEMAINE : LE MONDE SWAHILI, L'ÉMIGRATION COMORIENNE À ZANZIBAR ET L'ÉMEUTE DES “MANGA”.

IBUNI SALEH, 1936

UN COMORIEN À ZANZIBARLE CONTEXTE ZANZIBARITE (1/3)

QUAND VOUS FRÉQUENTEZLES BIBLIOTHÈQUES ET LESSERVICES D'ARCHIVES DESINSTITUTIONS SAVANTES,VOUS RÊVEZ - EN TANT QUECHERCHEUR - DE TOMBERSUR “LE” DOCUMENT QUIVA VOUS APPRENDREQUELQUE CHOSE IGNORÉJUSQU'ALORS. IL Y A 2 ANS,J'AI PU CONSULTER ÀMORONI CE TYPE DEDOCUMENT.RÉDIGÉ EN 1936 ETCONSACRÉ À L'HISTOIRE DESCOMORIENS DE ZANZIBAR,C'EST UN OPUSCULE DEVINGT PAGES ILLUSTRÉ DEPHOTOS TRÈS RARES. IL AÉTÉ ÉCRIT EN ANGLAIS PARUN COMORIEN.POURQUOI ET COMMENTA-T-IL ÉTÉ RÉDIGÉ DANSCETTE LANGUE, À ZANZIBARET EN 1936 ? LE CONTEX-TE OÙ L'AUTEUR S'ESTEXPRIMÉ, AINSI QUE LECONTENU DE SON LIVRE,NOUS AIDENT À RÉPONDREÀ CES QUESTIONS.ALAIN CLOCKERS,UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION (CRESOI)

LA SEMAINE PROCHAINE

QUELLE PLACE POUR LESCOMORIENS DANS LEZANZIBAR DES ANNÉES 30 ?

CIVILISATION ET LANGUE COMMUNE :LE MONDE SWAHILIZANZIBAR EST SITUÉ DANS L'ESPACE SWAHI-LI QUI A VU S'ÉPANOUIR une civilisationautour de cités marchandes où l'Arabie,l'Inde, l'Iran et le Pakistan se croisent depuislongtemps à l'orée d'une Afrique qui n'ajamais cessé de faire la richesse des négo-ciants côtiers. C'est un espace d'échanges etde commerce où une langue commune vadevenir un outil de communication et deculture original et géographiquement trèsétendu . Les Comores font également partiede cet "espace" où des accointances cultu-relles, linguistiques, religieuses et commer-ciales ont tissé une civilisation originale. Lacolonisation a cependant scindé les swahi-liphones. Les Zanzibarites et les Comoriensont ainsi connu des destins séparés. Ungujaet Pemba passent en 1895 sous autorité bri-tannique. La langue officielle devient alorsl'anglais. Les Comoriens de Zanzibardeviennent ainsi anglophones. Le ki-swahi-li reste une langue véhiculaire et l'arabe semaintient dans la pratique de l'Islam et lesmilieux omanais. Quant à N'Gazidja,N'Zwani, M'Wali, elles suivent le cheminde Maore dans le giron de la France. La lan-gue officielle y devient le français. L'arabesurtout confiné à la pratique de l'islam voitson écriture se maintenir comme supportexclusif des parlers vernaculaires. Le swa-hili s'y maintient quelque temps commelangue de prestige réservée à quelques let-trés.

L'ÉMIGRATION COMORIENNEL'ORIGINE DE L'ÉMIGRATION COMORIENNE

EST ANCIENNE. Sans disposer de date préci-se, on devine aisément les voyages que lecommerce, la pêche et les aléas de la poli-tique ont initiés dans un sens comme dans

l'autre. La réalité du trafic mariti-me est attestée depuis longtempsentre l'Afrique, Madagascar, lapéninsule arabique et l'Inde. Alleret revenir de Zanzibar, voilà quine devait plus poser de difficultés majeuresaux marins du XIXe siècle. C'est à cetteépoque que l'on commence à disposer dequelques chiffres. On sait qu'en 1899, il y a 15.000 Comoriensinstallés dans le protectorat anglais. Or en1860, on en dénombre 4.000. Cette diffé-rence de près de 11.000 émigrés en l'espacede 40 ans s'explique par l'afflux de popula-tions fuyant les guerres meurtrières que selivrent les sultans rivaux dans l'île de

N'Gazidja. Tout le monde redou-te pillage, meurtre, enlèvement etdéportation comme esclave.Rejoindre amis et parents instal-lés à Unguja permet d'échapper

au pire. Il est une autre cause de ces départsnombreux : des Comoriens ont été dépossé-dés de leurs terres par le colon françaisLéon Humblot. Ils n'ont d'autre solutionque l'exil pour trouver du travail. Ces évé-nements cumulés peuvent être considéréscomme les causes majeures de l'émigrationgrand-comorienne dans la seconde moitiédu XIXe siècle.En 1936, Zanzibar abrite encore desComoriens. Moins nombreux, ils ne sontplus que 2.700. C'est parmi eux que vitIbuni Saleh, l'auteur du livre que nous com-mentons ici.

IBUNI SALEHET LA COMMUNAUTÉ COMORIENNEIBUNI SALEH EST INSPECTEUR DE POLICE À

ZANZIBAR. Homme cultivé, ce notable s'in-quiète de l'éducation et de l'avenir des jeu-nes de sa communauté.Un débat agite alors cette communautécomorienne au sujet des cérémonies tradi-tionnelles et des dépenses exorbitantesqu'elles entraînent. Tout comme en GrandeComore, le grand mariage provoque àZanzibar des "comportements concurren-tiels importants, chacun essayant de faireplus que l'autre pour augmenter son presti-ge". Certaines outrances ont suscité devives réactions qui ont abouti à la scissionde la communauté en 2 camps : les yamini(la "droite") qui sont progressistes et parti-sans d'une réforme de la coutume, et les shi-mali (la "gauche") qui sont conservateurs etrespectueux rigoureux des traditions. Notre

historien évolue donc dans une communau-té divisée en deux camps. Lui a choisi lesien : c'est un "yamini ".

L'ÉMEUTE DES “MANGA”EN 1936 A LIEU UN ÉVÉNEMENT CONNU SOUS

LE NOM D' "ÉMEUTE DES MANGAS". Zanzibarest alors habitée par une population hétéro-clite. Les "maîtres du jeu" sont les arabesomanais qui détiennent principalement lepouvoir politique, et les négociants indo-pakistanais qui maîtrisent la vie écono-mique. Les autres sont "des petits groupesarabes, swahili ou indiens … ainsi que lamasse des dépendants et des travailleursdes plantations, servile et d'origine africai-ne". De riches arabes louent leurs terres àdes collecteurs de coprah, omanais commeeux et qu'on appelle des Manga.Travailleurs saisonniers et illettrés, ils fontpartie des populations défavorisées deZanzibar. Entre 1934 et 1936, lesBritanniques prennent des mesures qui pro-voquent la colère de ces Mangas. Uneémeute éclate le 7 février 1936, faisantmorts et blessés. Une commission d'enquê-te met alors en cause l'appauvrissement deZanzibar depuis près de 7 ans, et souligne lerôle des Britanniques dans cet appauvrisse-ment de l'île. Ces troubles ne rassurent pas notre histo-rien qui y voit une raison de plus de s'in-quiéter de l'avenir. Pour lui, l'horizon estsombre : c'est pourquoi il a décidé de pren-dre sa plume et de "témoigner" en faveurdes Comoriens. Il va, en quelque sorte, ten-ter d'"exorciser" ce qui pourrait nuire à sacommunauté. Il va le faire en racontantl'histoire des Comoriens de Zanzibar.

(À SUIVRE...)

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Fabrication den’galawa àZanzibar.PHOTOS DE JEAN-DENIS JOUBERT,IN ZANZIBAR, MAGIC ISLANDS

28Lbtilb{j!)24*!kfvej!38!pdupcsf!3116

mft!Ivncmpu-!b!Ohb{jekb!)204*

m ft !! Q mb jefbv - !!b!!Oe{vboj !! )304*Nbpsf! )404*LEURS AÏEULS ONT DÉBARQUÉ AUX COMORES ET RÉGNÉ SUR DE VASTES PLANTATIONS. AUJOURD’HUI,LES DESCENDANTS DE COLONS SONT DEVENUS DES COMORIENS (PRESQUE) COMME LES AUTRES.

LA DYNASTIE PLAIDEAU,ENTRE TERRES ET MER LES PETITS-ENFANTS DU PLANTEUR ANGLAIS ET DE SON ÉPOUSE PARISIENNE TENDENT À SE FONDREDANS LA SOCIÉTÉ ANJOUANAISE. LEUR PRINCIPAL HÉRITAGE APRÈS LES TERRES ? UN SANG DE MARINS.

FONDÉE PAR LE NAVIGATEUR

RAOUL PLAIDEAU, LA DYNASTIE

PLAIDEAU installée à Ndzuani affi-che la vie de simples citoyens. Par la forcedu temps, ses descendants se sont fondusdans la société anjouanaise. Après avoir sillonné l'île, Raoul choisit,encouragé par le sultan Abdallah quirégnait à Mutsamudu, de s'installer sur leshauteurs de la ville, dans un domaine quiprendra au cours des années le nom deSangani. C'est à partir de là qu'il a acheté etloué la moitié de la baie de Mutsamuduavec comme délimitations la barrière mon-tagneuse du Mont Ntringui et la plage. Unrocher visible sur le flan nord de la ville amême pris le nom de "Bwe la Ben", quiveut dire "la roche de Ben". "Nous sommes nés, avons grandi ici etnous nous sentons chez nous", confieAbbas, de son vrai nom Benjamin-LouisPlaideau, le cadet des sept petits-fils deRaoul Plaideau. "Aujourd'hui, sur les septenfants de Benjamin Plaideau, le filsunique de Raoul, il ne reste que cinq per-sonnes. Deux filles, France et Marie, ettrois garçons : moi-même Benjamin-Louis,Jean alias Jeannot et Georges alias Bébé.Comme vous voyez, il n'y a de différenceentre moi et les Anjouanais qui nous entou-rent que la couleur de la peau." Après 14ans de vie de marin, comme son grand-père, Benjamin-Louis s'est reconverti dansl'agriculture. C'est en vrai paysan qu'il nousaccueille chez lui, entouré de ses enfants etpetits-fils."J'ai eu huit enfants, vingt-sept petits-enfants et cinq arrières petits-fils." A 73ans, Benjamin-Louis est avant tout un père

de famille, qui n'a de français qu'un soup-çon d'accent. "Je ne connais aucune autrepatrie que les Comores. C'est toute ma vie.Ma famille a tout fait pour qu'il n'y ait pasde différence entre nous et les Anjouanaiset à mon avis, cette intégration a réussisauf que des fois il est vrai, certaines per-sonnes nous considèrent toujours commedes étrangers. C'est normal, avec l'étenduedu domaine familial on ne manque pas denous prendre pour des colons."

COMME BEAUCOUP DE DESCENDANTS DE

FRANÇAIS (lire Kashkazi n°12),Benjamin-Louis est hostile au mot colon,qu'il associe à l'administration et non à l'ex-ploitation économique de terres étrangères.

Les sociétés coloniales et l'administrationse sont d'ailleurs longtemps opposées,l'Etat français tentant de réduire la main-mise des grands producteurs sur les îlescomoriennes. "Il n'y a pas de sang colon ennous", poursuit Benjamin-Louis. "Mongrand-père et mon père n'ont jamais occu-pé de fonctions administratives, liées à lacolonie. Raoul Plaideau était un marinanglais. Quand il a décidé de s'installer àNdzuani, c'était pour les opportunités d'af-faires que cette île offrait. Nous étions doncdes citoyens étrangers installés à Ndzuaniet aujourd'hui nous sommes Comoriens."Raoul Plaideau a été l'un des initiateurs dela vanille à Anjouan. "Quand mon grandpère est décédé en 1922, mon père

Benjamin, connu par lesautochtones sous le nomde Baco Ben, a perpétuéla tradition en diversi-

fiant les activités", raconte Benjamin-Louis.

ET DE RAPPELER LA DIMINUTION DU

DOMAINE FAMILIAL : "Il a dû céder à l'ad-ministration de l'époque beaucoup de ter-rains pour utilité publique, d'autres ter-rains ont été nationalisés par le régimed'Ali Soilihi. Les quartiers de Chitsanganiet Gongwame doivent en grande partieleur existence à nos terres. Le village deSangani a été fondé par nous. Les premiersvillageois étaient des ouvriers de notredomaine qui venaient de Bambao, Koki etBazimini. Ils se tapaient des kilomètreschaque jour pour venir travailler ici etRaoul leur avait proposé de venir s'instal-ler près du domaine. Avec l'ampleur decette migration interne, nous étions obligésde leurs céder ces terrains à un prix sym-bolique tandis que d'autres, de générationen génération, continuent à vivre sur nosterres sans aucun titre de propriété. Tousnos terrains sont immatriculés. C'est pour-quoi à maintes reprises quand il y a eu ten-tative de nous exproprier sauvagement,l'Etat est toujours intervenu en notrefaveur." Selon ce franco-britanniqueconverti à l'islam, "la famille n'a en faitgardé qu'une infime partie des terres fami-liales. Nous allons bientôt céder 200 hecta-res environ à la commune de Mutsamudupour créer un dépôt de traitement desordures ménagères."

KAMAL ALI YAHOUDHA

WILLIAMES JAMES EST LE FRUIT D'UNE

FUSION DE LA FAMILLE PLAIDEAU AVEC

LES AUTOCHTONES. Fils unique de FranceBenjamin Plaideau -elle-même fille aînée de BenjaminRaoul Plaideau- et d’un père anjouanais, ilfait ses études primaires à Mutsamudu jus-qu'à décrocher un Bac D en 1980. Il partensuite au Maroc grâce à une bourse como-rienne, où il fait l'institut agronomique etvétérinaire Hassan II. Actuellement chef deservice de la pêche au ministère de la Production deNdzuani, il se considère comme anjouanais à part entière,même s'il se sent depuis son plus jeune âge victime de sesorigines franco-britanniques : "Mon grand père n'a jamaisvoulu que je sois comorien, il n'a pas facilité les choses

dans ma jeunesse. J'étais toujours replié sur moi-même,mes contacts avec les jeunes de mon âge de Mutsamuduétaient rares. Apres l'école, j'étais toujours avec mongrand-père.'” Williames se souvient encore des relations

tendues avec les jeunes citadins de son âgemais aussi des adultes qui ne voyaient en luiqu'un "créole".

SES RELATIONS AVEC LES FEMMES EN ONT

SOUFFERT. "J'étais vu comme un m'zungu.Or à l'époque un m'zungu était considéré comme impur, carnon circoncis. J'ai dû forcer ma mère à me circoncire àl'âge de 10 ans. Ce n'était pas facile pour moi. Je suismusulman, mais le fait d'être issu d'une famille étrangèrem'a privé de beaucoup d'atouts dont bénéficiaient mes com-

patriotes. Une anecdote : lorsque j'ai fini mes quatre ans deformation au Maroc, l'administration comorienne a oubliéde me rapatrier au pays ! Et pourtant, je suis de cesFrançais qui n'ont aucune référence administrative quecelle héritée de leur pays natal, les Comores. Si aujourd'-hui, l'administration m'a recueilli, la société anjouanaisetraîne un petit peu les pieds. Certaines personnes me regar-dent toujours en étranger. Mais ça ne m'inquiète pas car aufil du temps, on finira par m'adopter. Je m'exprime mieux enshindzuani qu'en français. C'est ma langue natale. Ce n'estpas une mentalité propre aux Comoriens. C'est pareil par-tout."Willy en est à son troisième mariage et a trois enfants. Ilespère qu’ils ne subiront pas ce que lui a enduré.

KAY

“ON FINIRA BIEN PAR M’ADOPTER”

RAOUL PLAIDEAU, BARON

DE SAINT-AUBIN

JONCSERAVES et du Portal(1868-1922 ), avait tissé, après plu-sieurs escales dans la baie deMutsamudu, une amitié avec leSultan Abdallah. Attiré par le charme,la richesse des terres, l'hospitalité desindigènes et l'opportunité des affaires,selon les témoignages recueillisauprès de ses descendants, le fonda-teur du domaine Plaideau auraitacheté et loué des milliers d'hectaresde terre dont les délimitations étaientle pied du Mont N'tringui et la plagedu flan nord de la médina deMutsamudu. Sa femme Louise Ball(1873-1944), une noble parisienne,lui donna deux enfants, Benjamin etMarie-Suzanne, qui ne vivra que 9ans.Raoul fit fructifier ses terres en yintroduisant des plantations d'ylang-ylang, de girofle, de sisal, coprah etinitia la culture de la vanille àNdzuani. Les affaires prospérèrent enquelques années. Il monta par la suitequelques unités de transformationdont les principales sont la sucrerie etla savonnerie de Missiri-Hampandre.Afin d'augmenter la production,Raoul Plaideau fonda Sangani, unhameau constitué à l'époque par lesouvriers de ses terres. Aujourd'hui,Sangani garde toujours l'effigie desPlaideau, qui représentent environ50% de sa population.Le décès de Raoul laissa la veuveLouise Ball Plaideau avec son filsBenjamin, qui héritera par la suite dudomaine. Le jeune héritier épousaEline Matias, une Française vivant àMaore. Elle lui donnera sept enfants :deux filles, France et Marie, et cinqgarçons, Henri, Benjamin Louis,Pierre, Jean et Georges. La particula-rité de cette génération, est que tousles fils ou presque furent marinscomme le vieux Raoul. Soit capitai-nes de boutre ou de bateau commeBenjamin et Jean, soit mécanicienscomme Henri. Leurs fils et petits-filsperpétuent jusqu'à présent cette voca-tion familiale. Un petit détour au portde Mutsamudu, et on constatera viteque tous les caboteurs ont au moinsun mécanicien ou un graisseur issude la famille Plaideau.

KAY

MARIN,COMMEGRAND-PAPA

NÉ D'UNE FILLE PLAIDEAU ET D'UN ANJOUANAIS, WILLIAMES JAMES SE FAIT DOUCEMENT UNE PLACE DANS LA SEULE SOCIÉTÉ QU'IL CONNAÎT.

“J’ÉTAISVU COMME UN

M’ZUNGU”

QUEL CABOTEUR DE MUTSAN'EMPLOIE PAS UN PLAIDEAU ?

hspt!!qmboQUE SONT DEVENUS LES DESCENDANTS

DES COLONS DE L’ARCHIPEL ?

Benjamin-LouisPlaideau et sa descendance.

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UN JARDIN BOTA-NIQUE À BOUÉNI ?Bois morts, accacias, magium :voici quelques noms d'arbresparmi les 300 espèces recensées àMaore. Des arbres qui vont sansdoute fleurir dans le futur jardinbotanique de Bouéni, au sud del'île. C'est en tous cas l'objectifvisé par le maire de la commune,qui pilote un projet lancé en par-tenariat avec la ville de Dijon.Lundi, une équipée scientifique asillonné l'île en compagnie desacteurs agricoles pour se familia-riser avec les plantes locales, afin,comme le confiait FabienBerthelat, botaniste à la Directionde l'agriculture et de la forêt(Daf), “d'avoir le choix entre unmaximum de spécimens". Le 14novembre prochain, Hamada AliHadhuri, le maire de Bouéni,s'envolera pour l'Hexagone afinde signer une convention avec lamunicipalité de Dijon.

A MORONI, LESVOITURES LIMITÉESCertains axes routiers de la capi-tale comorienne sont interdits ence mois de Ramadan. Passer del'hôpital El Maarouf vers le mar-ché Volovolo et aller de Chalmavers le petit marché est prohibépar la gendarmerie. A l'origine decette décision, les embouteillagesque provoquent les marchés encette période de carême. Selonl'adjudant chef Ali Hamadi, com-mandant de la brigade routière,"en ce moment on fait 30 à 40minutes pour aller des pâtisserieNassib jusqu'au marchéVolovolo" (soit moins de 300mètres). Cette mesure pourraitêtre étendue vers le port.

MARDI 18 OCTOBRE.ITSANDRA EST EN LIESSE.TOUS LES HABITANTS sont

sortis pour recevoir MaoulidaChabane, Hassani Mchangama etIssouf Mouhrizi, accueillis à l'aéro-port par une délégation de trente voi-tures et deux camions-bennes. Uneimage qui tranche avec celle donnéeil y a plus de trois semaines par cettevieille cité du nord deMoroni, voisine de laprésidence de l'Unionet lieu de débarquementapprécié du mercenaireBob Denard.Retour au samedi 24septembre, point culmi-nant des manifestations contre lahausse du prix du carburant. Sur laplage, "près de la fontaine", des dizai-nes de jeunes font face à l'armée. "Desgarçons, des filles aussi. Derrièrenous, il y avait des adultes, desenfants. Tout le monde", raconte uncertain "Yasser Arafat". Logique : toutle monde a participé ou soutenu laconstruction des barricades. "On étaitgroupés, on se tenait tous la main. Lesmilitaires nous ont dit plusieurs foisde nous replier. Nous, on a réponduqu'on ne pouvait pas. La premièrefois, c'est Maoulida qui leur a répon-du." Aujourd'hui, Maoulida est encorealité bien que la matinée soit déjàavancée. Il ferme les yeux, laisse par-

ler ses copains qui s'agitent dans lachambre. Le lycéen de 19 ans seremet doucement de sa blessure : uneballe dans la cuisse.

DANS UNE MAISON VOISINE,HASSANI M'CHANGAMA avale sonbouillon sous les yeux de sa mère. A21 ans, il gagne sa vie en pêchant sursa vedette à moteur. Ses trois blessu-

res vont cependant l'im-mobiliser encorequelques temps. Auniveau du biceps et del'abdomen, la cicatrisa-tion est déjà bien avan-cée ; mais l'une de sesjambes a été traversée

par une balle et le fait encore beau-coup souffrir. "J'ai vu le militaireviser quand il a tiré pour la premièrefois", raconte le jeune homme. "Puisje ne pouvais plus rien voir. J'ai sentiles deux autres balles, j'ai été paraly-sé, et évanoui. Je me suis réveillé àl'hôpital."Hassani a été le premier blesséd'Itsandra. "Ils se sont dit que c'étaitle capitaine parce qu'il est le plusbaraqué", expliquent Yasser Arafat etNasserdine Ali Said. Lorsque Hassanis'évanouit dans les bras de Maoulida,et que la panique s'empare des habi-tants, les militaires commencent à sereplier pour entrer dans la ville. C'està ce moment là, affirment les jeunes,

que l'un des deux soldats qui avaientdéjà tiré se retourne et blesseMaoulida. Celui-ci tombe sur la plageavec son ami inanimé. Tandis qu'ilssont évacués, la population court encatastrophe s'enfermer chez elle. Lessoldats pénètrent dans les maisons, àla recherche des jeunes meneurs.

ISSOUF MOUHRIZI, GRIPPÉ, N'ÉTAIT

PAS VENU MANIFESTER et dormaitdans sa chambre de tôle. Après avoirvisé plusieurs fois la porte, les soldatsouvrent et tirent sur le jeune homme àbout portant avant de frapper sonfrère à coups de crosse de fusil. L'unedes balles traverse le corps du jeunecomptable et atteint l'un de ses pou-mons. "Il lui faudra beaucoup detemps pour apprendre à vivre avecça", indique Ibrahim Ahamada, letechnicien en biologie qui a accompa-gné les trois blessés à Maurice. "Ilsuit maintenant une kinésithérapiepour réapprendre à respirer. Pourl'instant il s'étouffe très facilementlorsqu'il parle ou qu'il reste assislongtemps."Evacués en barque -les routes sontbarrées- Hassani, Maoulida etMouhrizi sont traités à l'hôpital ElMaarouf. Mais le lendemain des inci-dents, la jeunesse d'Itsandra prend ladécision de les envoyerpoursuivre leur traitementà Maurice. "Ils se sont

ITSANDRA PANSE SES PLAIES ÀTRAVERS SES JEUNES BLESSÉS

...

LE VILLAGE S'EST MOBILISÉ POUR ÉVACUER À MAURICE SES TROIS JEUNES BLESSÉS PAR BALLES LEMOIS DERNIER. UNE MANIÈRE DE SOUDER LA COMMUNAUTÉ APRÈS LES EXACTIONS DE L'ARMÉE.

“EN 3 OU 4 JOURS,PLUS DE 10.000EUROS ONT ÉTÉRASSEMBLÉS”

“ITSANDRA MDJINI SE PRÉPARE, LES JEUNES

SAVENT QUE LA VILLE SERA ASSIÉGÉE. AUCUNE

CONCESSION ! LES VIEUX, LES FEMMES ET LES

PETITS ENFANTS RENTRENT DANS LES MAISONS.ET À 11H20, L'ARMÉE EST LÀ, S'APPROCHE, PAR

PETITS GROUPES DE 20 SOLDATS, L'ENCERCLE-MENT DE LA VILLE EST UNE QUESTION D'HEURES,L'ASSAUT EST DONNÉ. LES JEUNES D'ITSANDRA

SONT LÀ ET FONT FACE POUR RALENTIR LA PRO-GRESSION DE L'ARMÉE ; CELLE-CI N'EN FERA

QU'UNE BOUCHÉE, DEUX JEUNES SONT TOMBÉS,DIDA EST TOUCHÉ PAR DEUX BALLES À LA

JAMBE, MBOINA, À L'OMOPLATE, AUX COTES ET

À LA JAMBE. QUELQUES TIRS DE SEMONCE

DISPERSENT LA FOULE, CERTAINS COURENT VERS

L'EST DE LA VILLE, D'AUTRES À L'INTÉRIEUR. LA

VILLE EST PRISE EN TENAILLE, AUCUNE RÉSISTAN-CE N'EST DONNÉE, CHACUN CHERCHE UN ABRI

POUR SE RÉFUGIER.”

RÉCIT ÉCRIT PAR LES HABITANTS D'ITSANDRA APRÈS

LES ÉVÈNEMENTS

Ci-contre,HassaniMchangama,chez lui aprèsle retour de l’îleMaurice. Il avaitété blessé aubras, à l’abdo-men et à lajambe par l’armée.

Ci-dessous,l’impact desballes quiavaient ététirées sur levala de IssoufMouhrizi.

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réunis tout le dimanche etle soir leur décision étaitprise", raconte Ibrahim

Ahamada. "Ils avaient un peu d'ar-gent à eux, rassemblé pour la cons-truction du gymnase, qu'ils ont déci-dé d'utiliser pour évacuer leurs frè-res. Moi, ils m'ont simplement utilisécomme intermédiaire entre eux et lesadultes, et pour effectuer des démar-ches." Les associations de femmesdes différents quartiers ont suivi, etpeu à peu toutes les caisses de soli-darité et autres organisations duvillage ont apporté leur contribution."Des cadres, différentes personnesnous ont aussi donné un coup demain", expliquent les jeunes. "En 3ou 4 jours, plus de 10.000 euros ontété rassemblés", complète IbrahimAhamada. "Spontanément. Sans quel'on demande à qui que ce soit dedonner. Les gens d'Itsandra quivivent à Paris, Marseille ont euxaussi suivi."

LA COLLECTE A PERMIS DE PAYER

LES BILLETS D'AVION et frais deséjour des trois blessés, d'un méde-cin qui a assisté Mouhrizi jusqu'à sonarrivée à l'hôpital mauricien, etd'Ibrahim Ahamada, qui a fait le lienentre le personnel médical, les jeunesqui ne parlaient pas tous français ouanglais et leur famille restée àItsandra.Les onze jours d'hospitalisation àMaurice ont permis de faire passerdes scanners aux trois blessés, choseimpossible à Moroni, et de leur fairebénéficier d'un suivi complet. Maisils ont surtout été le prétexte d'unethérapie collective pour une commu-nauté traumatisée. "Ils auraient purester à El Maarouf", avoue IbrahimAhamada. "D'ailleurs le gros du tra-vail de chirurgie a été fait ici, et bienfait, les médecins de Maurice nousl'ont dit. Mais il y avait aussi un pro-blème social. Il fallait que tout lemonde se mobilise pour les évacuer."Les trois blessés -quatre si l'oncompte le frère de Mouhrizi, appar-tiennent à l'un des trois quartiersd'Itsandra, Befuni, celui despêcheurs.C'est également dans ce quartier queles soldats ont commis la plupart desexactions. Or l'un des deux lieute-nants qui a tiré sur les jeunes gensappartient au quartier du centre,celui, à l'origine, des nobles et desérudits. Il n'en fallait pas plus pourréveiller de vieilles rancunes et ajou-ter au choc des violences la désuniondes villageois. A sa manière, la jeu-nesse des trois quartiers d'Itsandra adésamorcé les tensions : tout lemonde s'est mobilisé pour venir enaide aux blessés, devenus fils duvillage entier et non pas seulementde Befuni.

"POUR NOUS, ÇA A CRÉÉ UNE SORTEDE REGROUPEMENT VITAL",explique Yacer Arafat. "On seregroupe, on parle de notre ville, desétudiants qui sont dans cette ville.On essaiera sûrement de reconstrui-re un truc. Maintenant, on sait qu'encas de danger, on pourra se regrou-per, faire la même chose qu'aujourd'-hui."

LISA GIACHINO

..."NOTRE OBJECTIF EST DE LUTTER CONTRE L'IGNO-RANCE", LANCE OBIN RACHID, UN HABITANT DE

MITSUDJE, AU SUD DE NGAZIDJA. Et comme laplupart des victimes de l'ignorance sontaujourd'hui encore des femmes, ce gros villa-ge situé au sud de Moroni a lancé il y aquelques semaines une campagne d'alphabéti-sation à destination des "mamans et grand-mères" de la zone. Chaque soir à partir de 21

heures, ces dames apprennent à écrire leurnom et leur prénom, à lire, à remplir desdocuments administratifs, à effectuer des cal-culs simples qui pourront leur servir dans lecommerce ou leurs autres activités… La plu-part des animateurs sont des instituteurs duvillage. Soutenue par le Programme d’appuiau développement local, l'initiative a été prisepar le Comité pour le développement de

Mitsudje et le Centre de lecture et de forma-tion du village "sur une idée de l'ensemble deshabitants de Mitsudje", précise Obin Rachid.Une vingtaine de femmes se rendent auxséances. La formation doit durer quatre mois. Des séances d'initiation à l'informatique sontégalement proposées au Centre de lecturepour "la jeunesse estudiantine et les chô-meurs" afin de "lutter contre la délinquance".

Ça bouge à... Mitsudje, avec les séances d’alphabétisation

DEPUIS QUELQUES MOIS, LES

HABITANTS D'HAMJAGO

DÉCOUVRENT AVEC l'amertumed'une orange pas mûre ce que signifie l'ex-pression "le revers de la médaille". Situéeau nord de Maore, en face de l'îlotM'tsamboro où sont produites la plupartdes oranges de l'île, cette bourgade est pas-sée, en moins de deux ans, d'un statut devillage (trop) paisible, coincé entre deuxautres villages plus importants, M'tsahara etM'tsamboro, à celui de capitale régionaledu reggae. "C'est sûr que ça a changé.Maintenant, tout le mondeconnaît Hamjago. Les gensviennent à la plage le week-end, alors qu'avant il n'yavait personne", se réjouitAbdou, un quadragénaireassis sur un muret qui longela rue principale, face à lamer. "Et puis, maintenant, quand on ditqu'on est d'Hamjago, les gens nous situenttout de suite", renchérit son compère depalabres, Youssouf. Mieux, pense Ibrahim,lycéen de 17 ans, "tout le monde veut nouscopier. Hamjago, c'est devenu une référen-ce pour organiser des concerts. Les gensviennent nous demander conseil".Et pour cause. Ces deux dernières années,Hamjago a accaparé les regards de ceux quiaiment la musique. En 2004 est né ici le fes-

tival "100% pur jus" organisé par Big, l'en-fant du village qui n'y a jamais grandi -il apassé sa jeunesse en France- et qui n'y estpas né non plus -sa mère l'a mis au mondeà Madagascar. Chanteur, producteur, Bigavait marqué un grand coup en recevantTicken Jah Fakoly. Mais rapidement, unepartie du village lui avait reproché de ne pasavoir vu la couleur de l'argent de ce succès.A la tête de la fronde, le chanteur Babadi etd'autres ont décidé de lancer leur proprefestival, "Utamaduni Hamjago vibration",qui a proposé pour sa première, début octo-

bre, Alpha Blondy.

LES DEUX STARS MONDIA-LES DU REGGAE dans unvillage d'à peine 1.300 âmes,en un peu plus d'un an : voilàqui a de quoi ravir les plusjeunes… et faire tourner les

têtes. Depuis plusieurs mois, Big et Babadis'invectivent par presse interposée. Le pre-mier reproche au second d'avoir voulu cou-ler son festival ; le second accuse le premierde s'être fait de l'argent sur le dos des villa-geois. Une guerre des mots qui a déteint surl'ensemble du village, aujourd'hui diviséentre pro-Big et pro-Babadi."Certains membres de ma famille ne meparlent plus. Ils sont pour Babadi", affirmeBig afin d'illustrer cette "sécession" verba-

le. Ce n'est pas le casd'Abdou : "Moi je suispour Big. Il est de mafamille. Et puis c'est lui

qui a organisé le premier un festival ; c'estpas gentil de vouloir lui faire concurrence.Il y a plein d'autres villages où on peutorganiser des concerts", dit-il. Son voisin,Youssouf, rouspète : "Moi je suis pourBabadi. Son concert, c'est tout le village quiest avec". Le troisième larron ne se pronon-cera pas. Tout juste lâchera-t-il un "Je m'enfous !" sans équivoque.Ils sont peu dans ce cas. La majorité despersonnes interrogées avouent avoir choisiun camp. Said, Ibrahim, "Master" sont pourBabadi : "Parce que son projet concernetout le village. D'ailleurs, son festival s'ap-pelle Utamaduni HAMJAGO vibration,alors que celui de Big, c'est BIG musique.Moi, je préfère un festival qui a pour nomcelui du village que celui d'un mec. Ça veuttout dire", analyse Ibrahim. "Babadi, c'esttous les jeunes qui sont avec lui. Tandis queBig, c'est que sa famille", croit savoir"Master". Quant à Said, il affirme que"Babadi a su séduire, car tout le village estconcerné par son projet. Tout le mondeparticipe, et l'argent servira à organiserd'autres animations dans le village".

DU CÔTÉ DES PARTISANS DE BIG, LE

MÊME ARGUMENT revient sans cesse : "Ilvient ici, organise un grand festival, etaprès on vient lui faire concurrence, etBabadi organise un concert une semaineavant Big ! C'est pas gentil. C'est toujourspareil à Mayotte, quand quelqu'un réussiton veut lui tirer dans les pattes", penseFarid. "Babadi n'avait qu'à aller ailleurs",soutient Hakim.Si la cassure semble consommée entre lesuns et les autres, elle reste verbale. "Rien deméchant", affirme Ibrahim, pour qui il s’a-git d’une prise de position sans grandesconséquences. "On a choisi notre camp,mais on ne renie pas l'autre", ajoute"Master". D'ailleurs, la plupart affirmentque si l'un ou l'autre des chanteurs a besoind'aide, "on ira. Y'a pas de problème", assu-re Said. "Big dit qu'on lui en veut, mais cen'est pas vrai. C'est bien qu'il y ait deux fes-tivals dans le village. On va pas cracherdessus", conclut-il.

RC

HAMJAGO DIVISÉ ENTRE SESDEUX ENFANTS PRODIGESDANS CE PETIT VILLAGE DE MAORE RENDU CÉLÈBRE PAR SES DEUX FESTIVALSDE REGGAE, LE DIVORCE SEMBLE CONSOMMÉ ENTRE PRO-BIG ET PRO-BABADI.

Allahalele !Male

Autrefois, l'île de Ngazidjaétait seulement peupléepar des démons. Puis, lesPortugais leur rendirentvisite sur leur bateauaccompagnés par deshommes noirs.Aujourd'hui, nous pouvonsdire que ces derniersétaient des esclavesvenus du Mozambiquequi arrivèrent au villagede Shindini. Ils ne rencon-trèrent personne sur lesîles si ce n'est des djinns.Lorsqu'elles se dépla-çaient, les femmes se fai-saient enlever par lesdjinns. Leurs maris lescherchaient et pensaientqu'elles étaient perduesdans les falaises, puis leshommes repartirent surleur bateau. Après deux ans, ils revin-rent et débarquèrentdans un endroit appeléMale. Avant de toucherterre, ils virent des genssur la plage : c'étaientleurs femmes. Ils leurdemandèrent : “Où étiez-vous ?” Elles répondirent :“Nous étions là.” Puis lesfemmes parlèrent à leursmaris dans la langue desdjinns. Là elles donnèrentdes noms aux villes desComores et indiquèrentla façon dont les gensont commencé. LesComores étaient deve-nues la demeure desdjinns et des êtreshumains. Les femmesnommèrent les vieilles rui-nes de NgazidjaManyahuli (l'héritage demère en fille) etManyahule.

Mariam Ali M'Kufundi, in LaGrande Comore, Des sultansaux mercenaires, Jean-LouisGuébourg, l'Harmattan, 1993

“ON A CHOISINOTRE CAMP,

MAIS ON NE RENIEPAS L’AUTRE”

Big, l’organisateurd’un des deux festivals du village.

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E n ces temps lointains, ber-cés par les vagues, les huitboutres, venus des quatreîles des Comores, s'éloi-gnaient. Les guerriers seprésentaient les uns aux

autres. Ils étaient heureux de partir à larecherche de Singa. Ensemble. Entre frères. Silencieux, Fumbava regardait le ciel qui, àl'horizon, semblait couper l'océan. Sa maincaressait le talisman qu'il portait autour ducou. Il se souvenait :

La veille du départ, la reine Zalawuma, lamère de Singa, le fit venir au palais de l'InyaParera.- Mère, essuie tes larmes, car je jure que ceslieux seront encore emplis des rires et de labeauté de Singa, dit Fumbava.- Je n'en doute pas, mon enfant, non, je n'endoute pas ! La reine soupira longuement avant de pour-suivre :- Vois-tu, notre archipel tout entier estsecoué par l'enlèvement de ma fille et noussommes tous plongés dans les limbes d'unetristesse infinie, mais que dire de mon fils ?Depuis la disparition de Singa, il resteinconsolable !- Je sais, mère, je le sais pour l'avoir vu !

Mais rassure-toi, mère, que je m'occuperaidu prince Karidudja comme s'il était sortides entrailles de ma propre mère !La reine Zalawuma poussa un rire nerveuxet secoua vigoureusement la tête :- Qui te parle de Karidudja, mon enfant ? Jesais que Karidudja est solide comme untamarinier et je ne me fais pas de souci à sonsujet.- Alors de quel autre fils me parles-tu,mère ?- Je te parle de l'Autre.- L'Autre ?- Oui ! Le frère jumeau de Singa !Fumbava ouvrit grand les yeux et lesoreilles. Il ignorait que Singa avait un autrefrère que Karidudja, un frère jumeau de sur-croît. Il voulait en savoir davantage sanspour autant poser de questions, car la curio-sité pouvait paraître comme un manque depolitesse. Il était conscient que si la reine l'a-vait appelé, c'était pour lui confier un secret,alors ce secret viendrait. A un moment ou àun autre. En effet, Zalawuma se retourna àgauche et à droite. Rassurée qu'il n'y avaitpas d'intrus dans les alentours, elle raconta àvoix basse :- Il y a très longtemps, mon enfant,Mshangama, le père de la mère de monpère, fut chassé de son pays natal situé dansdes contrées lointaines, parce qu'il n'était

jamais d'accord avec son roi. Les hommesdu palais l'arrêtèrent, l'assommèrent, l'atta-chèrent comme un cabri et l'embarquèrentdans un boutre qu'ils abandonnèrent aumilieu de l'océan. Quand mon ancêtre ouvritles yeux, il se retrouva dans une grotte. Il necomprenait pas ce qui lui arrivait. Là, ilentendit une voix qui lui dit : "N'aie paspeur, mortel fait de vulgaire argile ! Noussommes heureux de te rendre ton souffle !".Et Mshangama demanda timidement : "Quies-tu, ô Invisible ?". Et la voix répondit "Jesuis le roi des Djinis Bahari, les Esprits de laMer. Le fils de mon frère t'a ramené jusqu'ànous et nous t'avons soigné. Tu n'es plus surla terre qui t'a vu naître, tu es sur une île quiest désormais ton pays ! Sors de cette grotteet va, mais n'oublie jamais que tu es notreenfant et les enfants de tes enfants resterontà jamais les nôtres !". Autour de son cou,mon ancêtre trouva un talisman, une amu-lette qui le protégerait pour toujours et quiserait le symbole du lien qui l'attachait auxdjinns des océans.La reine Zalawuma s'agenouilla devantFumbava, ôta son talisman avant de le pas-ser tendrement autour du cou du jeune prin-ce.- Tu es notre enfant, Fumbava, et je te confieaux miens, les seigneurs des océans !- Merci, mère ! J'accepte cette filiation et je

ferai de sorte que le peuple djinn soit fier demoi !Mais Fumbava se posait une question : maisqui pouvait bien être l'autre frère de Singa ?Zalawuma reprit sa place, approcha sa chai-se faite de bois et de cordes, comme si cequ'elle s'apprêtait à dire devait rester au plusprofond des silences.- Mon enfant, le jour où mon ventre s'arron-dit pour Singa, une femme des esprits de lamer vit elle aussi son ventre s'arrondir.Quand Singa naquit, le même jour et à lamême heure, la femme djinn accoucha d'ungarçon qu'elle appela Msomaba. Il était issude l'Inya Wasomali et de l'Inya Bahari. Vois-tu, la société des djinns est structuréecomme la nôtre. Comme nos deux famillesétaient intrinsèquement liées, je donnais lesein à Msomaba et la mère de Msomabaallaitait Singa. Par ce geste, ces deux enfantsdevinrent frère et sœur.Fumbava hocha la tête. Zalawuma continuason récit :- Aujourd'hui, Msomaba est plus que triste.Il culpabilise de n'avoir pas assez protégé sasœur Singa. Les Djinis Bahari sont furieux

TOUS LES 15 JOURS,RETROUVEZ LES AVENTURES DE

SINGA, FUMBAVA ET LEURS AMIS

À TRAVERS LES OCÉANS.ECRITE PAR LE ROMANCIER

SALIM HATUBOU, CETTE

HISTOIRE EST AVANT TOUT CELLE

DES LECTEURS, QUI PEUVENT

PROPOSER LE SCENARIO D’UNE

SUITE - EN QUELQUES LIGNES.A CHAQUE ÉPISODE, NOUS

CHOISISSONS LA PROPOSITION

D’UN LECTEUR ET NOUS LA

SOUMETTONS À SALIM

HATUBOU, QUI ÉCRIT LA SUITE

EN FONCTION.AUJOURD’HUI, VOICI LE

SEPTIÈME ÉPISODE.

VOUS SOUHAITEZPROPOSER LESCENARIO D’UNE SUITEÀ CET ÉPISODE ?N’HÉSITEZ PAS !

)8*Ibejtj!!ob!!Ibejtj

MOURIDIABOUBACAR

d'autant plus que les ravisseurs de Singa onttraversé la mer, leur territoire, pour commet-tre leur acte ignoble. Les Djinis Wasomali, lalignée du père de Msomaba, sont en effer-vescence et considèrent l'enlèvement deSinga comme une insulte faite à leur clan.Alors, l'Inya Wasomali et l'Inya Bahari vonts'unir pour rechercher ma fille. Voilà, monenfant, ce que j'avais à te dire. La voix de Mna Shiba Mdu, le guerrier uni-jambiste, fit sursauter Fumbava :- Seigneur Fumbava, je tiens à te remercierde m'avoir réservé une place parmi les aut-res ! J'espère que nous profiterons de cettetraversée pour mieux nous connaître etoublier nos différends passés.- Tu n'as pas à me remercier, ô Mna ShibaMdu, car ta place a toujours été, et restera,parmi les plus grands guerriers. Tu me par-les de nos différends, je ne vois pas de quoiil s'agit. Maintenant, repose-toi, car un longvoyage nous attend.Pendant ce temps, toute la population como-rienne priait pour Singa. Le Seigneur FumuKadifu s'isola derrière un arbre et, loin detout regard, pleura. Il pensait à Singa, à sonfils, mais surtout aux guerriers de ces quatreîles qui, debout face à la mer, serraient fiè-rement leurs sabres contre leur poitrine. Ilsétaient des frères profondément blessés parla disparition de leur sœur. Fumbava se leva et s'écria :- Hé, regardez derrière nous !Les guerriers se retournèrent. - Que se passe-t-il ? demanda Mna ShibaMdu.- Ne voyez-vous donc pas ces huit boutresqui nous suivent ? Nous avons désormaisseize boutres !- Nous ne voyons rien ! Un guerrier murmura à son voisin :- C'est le soleil qui lui fait tourner la tête !En effet, huit autres boutres voguaient der-rière les guerriers comoriens. Ils n'étaientvisibles que par Fumbava. A bord, se trou-vaient les plus vaillants des guerriers djinns. Singa, la belle princesse, savait-elle que leshumains et les djinns étaient en route pour lalibérer ?

SALIM HATUBOU

ECRIVEZ-NOUS À :[email protected] À :Kashkazi, BP 5311, Moroni,Union des Comores.DATE LIMITE D’ENVOI :MARDI PROCHAIN 1ER NOVEMBRE

ATTENTION : ON NE VOUS DEMANDE PAS

D’ÉCRIRE LA SUITE EN ENTIER, MAIS

SEULEMENT VOTRE SCÉNARIO, EN

QUELQUES IDÉES.

SiSi nganga