European Gazette - Columbia Threadneedle · commerciale entre Washington et Pékin sur une large...

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European Gazette / Eté 2018 / 1 Les marchés d’actions européens jouissent d’une météo plus clémente. Du cœur franco-allemand à la périphérie méridionale de l’Europe, les économies ne s’étaient plus aussi bien portées depuis des années. Le chômage recule, les dépenses des ménages s’accélèrent et les bénéfices des entreprises se raffermissent. Et pourtant, l’attitude de la plupart des investisseurs internationaux à l’égard des valeurs européennes se résume en un seul mot : l’apathie. Compte tenu de la frilosité des investisseurs vis-à-vis des actions européennes, le marché sous-performe l’indice MSCI World sur l’année écoulée. En termes de ratio cours/bénéfices, les valeurs européennes se négocient avec une décote de 33% par rapport à leurs homologues américaines. L’écart de valorisation entre les actions américaines et européennes affiche son niveau le plus large depuis 2003 (date à laquelle il avait atteint 38%). Un tel pessimisme ne tient pas compte de la réalité factuelle.Pourquoi donc l’Europe est-elle négligée alors que sa croissance s’accélère ? Il semble que les idées reçues ont la vie dure. Pour de nombreux investisseurs internationaux, le Vieux Continent est dépourvu de sociétés technologiques à croissance rapide, est susceptible de souffrir d’une appréciation de l’euro et risque d’être fragmenté par les courants politiques populistes. De ce fait, ces investisseurs manquent une occasion d’investir dans des entreprises d’envergure mondiale, portées par le redressement rapide de leur marché national. En outre, l’attention se détourne des facteurs politiques, sur fond d’accélération de la croissance économique et d’un regain de confiance des ménages et des entreprises. Le chômage diminue en Europe aussi rapidement qu’aux Etats-Unis. En période de prospérité, les électeurs sont moins hostiles à l’establishment. Ainsi, si cette trajectoire positive se poursuit, le risque politique devrait s’en trouver sensiblement réduit. Le statut de « mal-aimée » de l’Europe donne lieu à des opportunités de valeur intéressantes pour les spécialistes de la sélection de titres actifs, capables de voir au- delà de l’apathie ambiante. Opportunités qui, selon nous, ne devraient pas durer bien longtemps. European Gazette COLUMBIA THREADNEEDLE INVESTMENTS | ETE 2018 Voilà l’été en Europe : il est temps d’ouvrir les yeux En dépit de l’embellie économique, l’écart de valorisation entre les actions européennes et américaines atteint son niveau le plus important depuis plus de 10 ans. Ann Steele, Senior Portfolio Manager, Stratégie paneuropéenne 01 Voilà l’été en Europe : il est temps d’ouvrir les yeux 04 Non au gâchis de la crise du diesel en Allemagne 06 Décote de l’Allemagne 08 Elections en Italie : un retour de la volatilité ? 10 Pourquoi les marchés actions font fi de la crise catalane 12 Le Brexit apportera-t-il une culture de l’actionnariat en Allemagne ? 14 Guerres de l’information : comment l’UE est devenue le gendarme mondial de la protection des données ► ► ►

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European Gazette / Eté 2018 / 1

Les marchés d’actions européens jouissent d’une météo plus clémente. Du cœur franco-allemand à la périphérie méridionale de l’Europe, les

économies ne s’étaient plus aussi bien portées depuis des années. Le chômage recule, les dépenses des ménages s’accélèrent et les bénéfices des entreprises se raffermissent. Et pourtant, l’attitude de la plupart des investisseurs internationaux à l’égard des valeurs européennes se résume en un seul mot : l’apathie.

Compte tenu de la frilosité des investisseurs vis-à-vis des actions européennes, le marché sous-performe l’indice MSCI World sur l’année écoulée. En termes de ratio cours/bénéfices, les valeurs européennes se négocient avec une décote de 33% par rapport à leurs homologues américaines. L’écart de valorisation entre les actions américaines et européennes affiche son niveau le plus large depuis 2003 (date à laquelle il avait atteint 38%).

Un tel pessimisme ne tient pas compte de la réalité factuelle.Pourquoi donc l’Europe est-elle négligée alors que sa croissance s’accélère ? Il semble que les idées reçues ont la vie dure.

Pour de nombreux investisseurs internationaux, le Vieux Continent est dépourvu de sociétés technologiques à croissance rapide, est susceptible de souffrir d’une appréciation de l’euro et risque d’être fragmenté par les courants politiques populistes. De ce fait, ces investisseurs manquent une occasion d’investir dans des entreprises d’envergure mondiale, portées par le redressement rapide de leur marché national.

En outre, l’attention se détourne des facteurs politiques, sur fond d’accélération de la croissance économique et d’un regain de confiance des ménages et

des entreprises. Le chômage diminue en Europe aussi rapidement qu’aux Etats-Unis. En période de prospérité, les électeurs sont moins hostiles à l’establishment. Ainsi, si cette trajectoire positive se poursuit, le risque politique devrait s’en trouver sensiblement réduit. Le statut de « mal-aimée » de l’Europe donne lieu à des opportunités de valeur intéressantes pour les spécialistes de la sélection de titres actifs, capables de voir au- delà de l’apathie ambiante. Opportunités qui, selon nous, ne devraient pas durer bien longtemps.

European GazetteCOLUMBIA THREADNEEDLE INVESTMENTS | ETE 2018

Voilà l’été en Europe : il est temps d’ouvrir les yeux En dépit de l’embellie économique, l’écart de valorisation entre les actions européennes et américaines atteint son niveau le plus important depuis plus de 10 ans.Ann Steele, Senior Portfolio Manager, Stratégie paneuropéenne

01 Voilà l’été en Europe : il est temps d’ouvrir les yeux

04 Non au gâchis de la crise du diesel en Allemagne

06 Décote de l’Allemagne

08 Elections en Italie : un retour de la volatilité ?

10 Pourquoi les marchés actions font fi de la crise catalane

12 Le Brexit apportera-t-il une culture de l’actionnariat en Allemagne ?

14 Guerres de l’information : comment l’UE est devenue le gendarme mondial de la protection des données

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SommaireEUROPEAN GAZETTEEté 2018

Voilà l’été en Europe : il est temps d’ouvrir les yeux

En dépit de l’embellie économique, l’écart de valorisation entre les actions européennes et américaines atteint son niveau le plus important depuis plus de 10 ans.

Non au gâchis de la crise du diesel en Allemagne

Le scandale des émissions des moteurs diesel pourrait orienter l’Allemagne sur une trajectoire plus vertueuse.

L’Allemagne présente des opportunités

Si la menace de guerre commerciale brandie par le président Trump a mis en lumière la vulnérabilité des actions allemandes, elle pourrait également avoir créé de la valeur pour les investisseurs à long terme.

Elections en Italie : un retour de la volatilité ?

Les évènements de ces dernières semaines en Italie représentent clairement un risque pour les actifs italiens et peut-être également pour l’Europe. Mais l’étendue des dégâts ne sera connue dans son intégralité que lorsque le contrat fragile entre les alliés de la coalition de gauche et de droite sera transformé en une politique concrète.

Pourquoi les marchés actions font fi de la crise catalane

Même si la crise catalane est loin d’être résolue, les marchés actions espagnols témoignent d’une relative indifférence, faisant le pari d’un affrontement qui ne dégénérera pas.

Le Brexit apportera-t-il une culture de l’actionnariat en Allemagne ?

L’arrivée de professionnels de la finance venus de Londres pourrait entraîner une mutation de la culture d’investissement conservatrice du pays.

Guerres de l’information : comment l’UE est devenue le gendarme mondial de la protection des données

Les règles de l’UE relatives à la confidentialité des données étaient autrefois raillées pour leur caractère restrictif. Toutefois, après le scandale Facebook, Bruxelles espère qu’elles permettront de mettre au pas les géants du secteur technologique.

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L’épanouissement de l’Europe passe inaperçuSi les investisseurs mondiaux ne remarquent pas l’épanouissement de l’Europe, c’est à cause de trois impressions non justifiées. La plus importante est peut-être la conception selon laquelle il n’existe pas de sociétés technologiques sur le Vieux Continent. Alors que les Etats-Unis abritent les « FANG » – les poids lourds technologiques de renommée mondiale que sont Facebook, Amazon, Netflix et Google (désormais Alphabet) –, dont la croissance spectaculaire en termes de revenus a dopé le marché boursier américain, l’Europe ne compte aucune entreprise technologique disposant d’une telle notoriété à l’international. Pourtant, cette réputation d’une Europe manquant de sociétés vedettes dans le secteur technologique n’est pas justifiée.

En second lieu, les actions européennes ont pâti des craintes relatives à l’incidence négative sur leur compétitivité que pourrait entraîner la vigueur de la monnaie unique par rapport au billet vert. Il y a un an, en avril 2017, l’euro valait moins de 1,10 USD, alors qu’il avoisine aujourd’hui 1,181 USD. Les investisseurs doivent maintenant s’interroger sur les évolutions à venir.

Troisièmement, la montée du populisme reste un sujet de préoccupation. Les investisseurs internationaux redoutent qu’un autre Etat membre de l’Union européenne puisse faire le choix d’en sortir, attisant la volatilité sur le Continent.

De telles inquiétudes nous paraissent infondées. En examinant le secteur technologique, il n’est pas difficile d’identifier des entreprises européennes de grande qualité dotées de sérieux avantages concurrentiels sur l’échiquier international. Par exemple, le fabricant de machines pour l’industrie des semi-conducteurs ASML, basé aux Pays-Bas, est un leader mondial dans son domaine, qui peut se targuer de disposer d’un modèle d’entreprise solide. Il dispose d’un quasi-monopole dans les équipements de lithographie utilisés pour la fabrication de semi-conducteurs d’avant-garde, et la demande croissante de puissance de calcul est le principal moteur de sa

croissance. ASML ne représente qu’une des sociétés technologiques de pointe que possède l’Europe, aux côtés notamment de l’éditeur français de logiciels Dassault Systèmes, de l’Allemand SAP et du Madrilène Amadeus.

S’agissant de l’euro, la fragilité du dollar n’a été pas favorable. Cela étant, la dépréciation du billet vert face à la monnaie unique pourrait marquer une pause. Selon nous, le vrai débat consiste à savoir si l’euro atteindra 1,30 USD dans un an ou dans un mois. Bien que nous ne fassions pas de prévisions sur le marché des changes, nous pensons qu’un tel mouvement est plus susceptible de se produire à plus long terme et de n’occasionner par conséquent aucun choc majeur. Un euro plus stable pourrait contribuer à l’amélioration de l’image que se font les investisseurs des actions européennes.

Enfin, le populisme n’a certes pas disparu, mais les élections de 2017 ont été largement favorables aux marchés. Cette année, l’ampleur du vote « anti-establishment » en Italie s’est avérée conforme aux anticipations, mais maintenant qu’un gouvernement a été constitué, il ne devrait pas faire peser une menace existentielle sur l’euro.

Une occasion d’établir des positions à long termeAu niveau individuel, de plus en plus de sociétés dépassent leurs prévisions. Nous tablons sur une croissance bénéficiaire moyenne de 10%-12% en 2018, dans le sillage de la progression de 15% inscrite en 2017. Contrairement aux Etats-Unis, qui sortent lentement d’une période d’expérimentation monétaire induite par la crise, la politique monétaire restera probablement accommodante dans la zone euro, au moins jusqu’à la fin de l’année. Les entreprises qui génèrent une trésorerie excédentaire dans un environnement de faibles taux d’intérêt sont susceptibles de distribuer des dividendes plus généreux et de procéder à des acquisitions stratégiques – autant de facteurs favorables aux cours des actions.

Toutefois, notre optimisme n’est pas seulement motivé par la croissance observée en Europe. En effet, l’Europe est un marché varié et mature, abritant

de nombreuses sociétés internationales de première qualité dont les marques sont connues dans le monde entier, à l’instar du confectionneur Moncler, du constructeur automobile Ferrari et du groupe de luxe LVMH.

Ces sociétés exceptionnelles disposent de tous les atouts pour tirer parti non seulement du nouveau souffle de l'économie européenne, mais aussi de la croissance à l'échelle mondiale.

Du seul fait de leur provenance européenne, des entreprises de calibre international ne reçoivent pas l'attention qu'elles méritent de la part des investisseurs. De telles anomalies ne durent pas indéfiniment. Il est difficile d'identifier clairement le facteur qui pourra déclencher une réévaluation positive de l'Europe. Les spécialistes de l'allocation d'actifs pourraient poser un regard neuf sur l'Europe si le marché haussier lié à l'administration Trump s'essouffle aux Etats-Unis. Ou encore, l'amélioration marquée des fondamentaux et des circonstances macroéconomiques pourrait à elle seule suffire à déclencher une réévaluation des valeurs européennes.

En outre, les marchés internationaux ont récemment vacillé face à l'envenimement des discussions autour d'une guerre commerciale entre Washington et Pékin sur une large gamme de produits, allant des fèves de soja aux avions. S'il est difficile de spéculer sur l'issue des négociations commerciales, les entreprises européennes pourraient au final parvenir à tirer leur épingle du jeu (par exemple, il est tout à fait possible que les compagnies aériennes chinoises décident d'inclure davantage d'appareils Airbus dans leurs carnets de commandes, au détriment de Boeing).

En parallèle, les investisseurs à long terme devraient se souvenir que la décote des valorisations de l'Europe par rapport à celles des Etats-Unis n'est pas justifiée et ne devrait pas durer. Nous demeurons optimistes et sommes convaincus que, pour les investisseurs actifs, l'embellie de l'économie européenne est une occasion de constituer des positions à long terme sur des sociétés de grande qualité n

1 Graphiques devises étrangères : EUR / USD, 7 juin 2018.

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NON AU GACHIS DE LA CRISE DU DIESEL EN ALLEMAGNELe scandale des émissions des moteurs diesel pourrait orienter l’Allemagne sur une trajectoire plus vertueuse.

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Les consommateurs ont déjà commencé à se séparer de leurs véhicules diesel, une tendance à laquelle le scandale des émissions a probablement contribué. En 2017, la part des véhicules équipés de moteurs diesel sur le marché automobile européen se situait à 45%, contre 54% environ cinq ans auparavant. En janvier 2018, 33% seulement des immatriculations de nouveaux véhicules concernaient des moteurs diesel.1

Les responsables politiques allemands, accusés depuis longtemps de se montrer trop arrangeants avec l’industrie automobile, changent également leur fusil d’épaule. Les décisions politiques effectives pourraient encore accélérer le déclin des moteurs diesel. Fin février, la plus haute juridiction administrative d’Allemagne a décidé que les villes pouvaient interdire les voitures équipées de moteurs diesel, dans le cadre des efforts de réduction des niveaux d’oxyde d’azote, qui excèdent les limites imposées par l’UE dans quelque 70 villes allemandes. Cette décision pourrait affecter 12 millions de véhicules actuellement détenus dans tout le pays.2 D’autres villes d’Europe dont Rome, Paris, Madrid et Athènes ont déjà fixé l’objectif d’une interdiction des véhicules diesel d’ici 2025.

Autre mesure, la politique fiscale ayant historiquement permis au gazole d’être meilleur marché que l’essence dans de nombreux pays européens semble être sur le point de changer. La France et la Belgique ont déjà déclaré que l’écart de prix serait comblé, et l’Allemagne pourrait faire de même.

Certains constructeurs projettent déjà d’abandonner les moteurs diesel. Toyota a ainsi fait savoir qu’il était improbable que de nouveaux modèles diesel soient proposés, tandis que Fiat Chrysler prévoit de supprimer progressivement le diesel de tous ses véhicules de tourisme d’ici 2022.3

Des sociétés branchées sur l’avenir Le scandale des moteurs diesel a entaché de nombreuses réputations, mais le déclin rapide de la demande pourrait particulièrement nuire aux constructeurs automobiles allemands, dont environ 25% (VW) à 33% (Daimler et BMW) des ventes concernent des

voitures équipées de moteurs diesel.4 Ces événements surviennent alors que le secteur automobile international est déjà confronté à la montée en puissance des véhicules électriques (VE) et au développement des véhicules autonomes, qui seront bientôt une réalité.

Toutefois, ces défis font en fait office de catalyseurs d’une réelle mutation du secteur automobile en Allemagne – et peut-être au-delà. VW, qui se trouvait à l’épicentre du scandale des émissions, en est le parfait exemple. La société a réagi rapidement et de manière offensive pour restaurer son image et son activité en procédant à une restructuration massive. Les résultats ont été impressionnants, non seulement sur le plan économique mais aussi en termes de refonte de la culture d’entreprise et de redéfinition de l’orientation stratégique.

Matthias Müller a repris les fonctions de CEO juste après l’éclatement de la crise. Il a mis en œuvre des réductions de coûts considérables, simplifié la production et décentralisé la prise de décision. Grâce à de telles mesures, la société a pu absorber deux tiers du préjudice de 25 milliards de dollars lié au scandale via l’optimisation de ses flux de trésorerie et de sa rentabilité, plutôt que de puiser dans ses réserves de liquidités. Le groupe a vendu plus de véhicules que n’importe quel autre constructeur dans le monde en 2016 et en 2017.5

VW prévoit d’investir 20 milliards d’euros dans sa stratégie d’électrification et 14 milliards d’euros dans les technologies de mobilité partagée et de conduite autonome d’ici 2025.6 La société a par ailleurs récemment annoncé des partenariats avec diverses sociétés technologiques. Daimler et BMW ont pour leur part également annoncé des objectifs similaires en matière de VE et d’investissements dans les solutions de conduite autonome.

Les problématiques que rencontre le secteur automobile allemand ont de toute évidence des répercussions sur les sociétés du secteur, qui représente environ 18% de l’indice boursier allemand DAX, emploie 800.000 personnes et est à l’origine de 13% de la création de valeur industrielle en Allemagne.7 Pourtant, les sociétés technologiques et industrielles

seront de plus en plus affectées, au même titre que l’économie au sens plus large.

Une impulsion pour l’industrie allemandeLa transition vers les VE nécessitera des investissements colossaux dans les technologies liées aux batteries et à l’infrastructure de charge. A l’heure actuelle, l’Asie et les Etats-Unis règnent en maîtres sur le marché des batteries. Toutefois, les dirigeants européens des sociétés concernées, notamment le groupe chimique allemand BASF, se sont rencontrés en fin d’année dernière pour évoquer la possible formation d’un consortium consacré au développement des batteries. Siemens, un conglomérat industriel allemand, compte des sociétés actives dans le segment du chargement des VE. Les sociétés de services aux collectivités seront elles aussi affectées par la demande croissante d’électricité. Ainsi, les plus exposées à la distribution d’électricité et aux énergies renouvelables, comme E.ON en Allemagne, disposent d’un potentiel d’accélération de la croissance.8 A elles seules, ces trois sociétés représentent près de 17% du DAX.

La vague d’innovation dans le secteur automobile perturbera les modèles d’entreprise de nombreux groupes et s’accompagnera d’opportunités pour les gérants actifs capables de détecter ces tendances de façon précoce. L’amélioration de la culture d’entreprise et l’attention accrue apportée aux technologies respectueuses de l’environnement pourraient aider certaines sociétés allemandes à obtenir de meilleures notations en termes de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ; de nombreux investisseurs accordent de plus en plus d’importance à ces notations.

Ironie du sort, la crise des moteurs diesel pourrait être l’électrochoc dont l’Allemagne a besoin pour se propulser dans l’ère du numérique.

1 Financial Times, 27 février 2018.2 Financial Times, 27 février 2018.3 Financial Times, 27 février 2018.4 The Economist, 3-9 mars 2018.5 Financial Times, 18 janvier 2018.6 Financial Times, 18 janvier 2018.7 The Economist, 3-9 mars 2018.8 Goldman Sachs Global Investment Research, 19 octobre 2017.

Le premier des inavouables secrets du diesel a été révélé au grand jour en septembre 2015. Le constructeur automobile allemand Volkswagen avait en effet installé dans ses véhicules un logiciel visant à donner l’impression que ceux-ci étaient bien moins polluants lors des tests. Puis, en 2017, des accusations de collusion sur les moteurs diesel et autres sont venues impliquer les trois grands constructeurs automobiles allemands : Daimler, BMW et VW. Pour couronner le tout, la révélation, plus tôt cette année, d’une étude de 2013 dans le cadre de laquelle les constructeurs automobiles avaient testé les effets des émissions des moteurs diesel sur des singes ont déclenché les foudres des consommateurs et des gouvernements.

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L’ALLEMAGNE PRESENTE DES OPPORTUNITESSi la guerre commerciale lancée par le président Trump a mis en lumière la vulnérabilité des actions allemandes, elle pourrait également avoir créé de la valeur pour les investisseurs à long terme.

L’année a débuté sous d’heureux auspices pour l’Allemagne. Le gouvernement a relevé ses prévisions de croissance économique pour 2018 de 1,9% à 2,4%, dans un contexte marqué par un taux de chômage au plus bas depuis la réunification en 1990 et par une inflation annuelle de 1,6% toujours inférieure à l’objectif de près de 2% fixé par la Banque centrale européenne1. Angela Merkel est même parvenue à concocter une nouvelle coalition centriste, accréditant ainsi la représentation de l’Allemagne comme un bastion de stabilité au sein d’une Europe marquée par l’avènement du populisme.

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Puis le 1er juin, le président américain Donald Trump a lancé les hostilités en annonçant son intention d’imposer des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium, de respectivement 25% et 10%. Une telle proposition ne rencontre guère de succès, même au sein du parti républicain du président, et de nombreux détails doivent encore être confirmés, notamment les pays susceptibles de bénéficier d’une exonération. Elle semble toutefois devoir se concrétiser et, dans l’ensemble, cette mesure est interprétée comme une mauvaise nouvelle pour le commerce et l’économie à l’échelle internationale.

L’Allemagne figure en bonne place dans la liste des perdants potentiels. C’est en effet la troisième plus grande économie exportatrice du monde : 40% de son PIB est expédié à l’étranger et elle affiche un confortable excédent commercial d’environ 8% de son PIB.2 Les Etats-Unis sont la destination numéro 1 des produits allemands. L’Allemagne est notamment un exportateur important d’acier et d’aluminium dans le pays de l’Oncle Sam.3

Des risques d’escalade ?Cela pourrait aller de mal en pis. Si l’UE rétorque bel et bien par des droits de douane sur les motos Harley Davidson et le whisky bourbon Jack Daniels, tel qu’elle envisagerait de le faire, le président Trump a d’ores et déjà menacé d’augmenter les enjeux en incluant des droits de douane sur les automobiles européennes. Les Etats-Unis ont importé l’équivalent de 38 milliards d’euros de véhicules en provenance de l’UE en 2016,4 et nombre de ces véhicules venaient d’Allemagne, où le secteur automobile représente 11% des exportations5 et subit déjà les pressions liées au scandale des émissions des moteurs diesel. Sans surprise, l’indice DAX, constitué de 30 actions de sociétés basées en Allemagne, a été une cible de choix pour les traders dont le réflexe a été de vendre les économies et les secteurs axés sur les exportations. Entre fin janvier et fin mars, l’indice DAX a dévissé de plus de 10%, même s’il s’est redressé de moitié depuis.

Alors qu’il s’agit d’un indice de rendement total composé de 30 sociétés seulement, il est possible que le DAX soit devenu la cible des spéculations de certains hedge funds internationaux considérant les entreprises allemandes comme un substitut du commerce mondial et ayant pris des positions négatives sur ces entreprises. Le secteur automobile représente à lui seul 18% du DAX, qui abrite de nombreuses sociétés internationales axées sur les exportations.

Les guerres commerciales ont cependant des implications complexes. Certains pays ont des économies dépendantes des exportations, mais leurs marchés d’actions peuvent refléter une répartition plus équilibrée. S’agissant de l’exposition des exportations aux Etats-Unis, l’Allemagne est un exemple intéressant, car elle se situe pile au milieu.

En effet, l’Allemagne exporte un peu plus de 3% de son PIB outre-Atlantique, ce qui est légèrement au-dessus de la moyenne de la zone euro mais beaucoup moins que la Suisse et la Chine, sans parler du Canada et du Mexique. Vu sous un autre angle, un peu moins de 20% des ventes du marché d’actions allemand sont à destination de l’Amérique du Nord ; une fois encore, c’est à peine plus que la moyenne de la zone euro mais bien moins que le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Canada.6

Perspectives à long terme Il est primordial que les investisseurs tiennent compte de ce que les cours des marchés et des différentes sociétés intègrent. Le DAX a reflété les craintes des investisseurs et l’incertitude d’une escalade vers une guerre commerciale mondiale. Cela dit, le président Trump est un homme d’affaires engagé dans une âpre négociation et un véritable conflit commercial peut encore être évité. Dans un tel scénario, plusieurs actions allemandes pourraient être considérées comme des aubaines aux niveaux actuels. Les investisseurs dotés d’horizons suffisamment longs pourraient être les grands vainqueurs des premières salves tirées par le président Trump.

« Les investisseurs doivent tenir compte de ce que les cours des marchés et des différentes sociétés intègrent. Le DAX a reflété les craintes des investisseurs et l’incertitude d’une escalade vers une guerre commerciale mondiale.

1 Financial Times, 31 janvier 2018.2 Fonds monétaire international, 13 juin 2017.3 The Economist, 10-16 mars 2018. 4 The Economist, 10-16 mars 2018. 5 Observatory of Economic Complexity, MIT Media Lab, 2016.6 Financial Times, 21 mars 2018, Citi Research, Haver, Factset.

8 / European Gazette / Eté 2018

ELECTIONS EN ITALIE : UN RETOUR DE LA VOLATILITE ?Les évènements de ces dernières semaines en Italie représentent clairement un risque pour les actifs italiens et peut-être également pour l’Europe. Mais l’étendue des dégâts ne sera connue dans son intégralité que lorsque le contrat fragile entre les alliés de la coalition de gauche et de droite sera transformé en une politique concrète.Adrian Hilton, Head of Global Rates and Currency, Fixed Income

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Si le pays bénéficie actuellement d’un excédent primaire, les marchés s’inquiètent de l’ampleur des mesures proposées (qui, soit dit en passant, ne sont accompagnées d’aucune indication quant à leur source de financement), qu’ils estiment susceptible d’éroder le coussin existant et de mettre en danger la stabilité du ratio dette/PIB.

Au-delà de l’incertitude budgétaire, les marchés ont été effrayés par certaines propositions plus sauvages de la coalition, comme l’annulation de la dette italienne détenue par l’Eurosystème dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif et l’émission de titres de dette publique à court terme (que

certains assimilent à une monnaie parallèle). Même si l’annulation de la dette a été abandonnée entre temps, les marchés ont en horreur cette approche non conventionnelle et ont augmenté la prime demandée pour détenir de la dette italienne.

Une autre source de nervosité tient au fait que la troisième économie de la zone euro est désormais entre les mains de partis hostiles à l’idée d’un maintien de l’Italie dans la zone euro, d’où un risque de collision avec Bruxelles. Le prix des actifs européens reste sensible à toute augmentation du risque de rupture.

Nous adoptons un positionnement neutre sur l’Italie. Le récent

élargissement du spread entre les emprunts d’État italien et allemand est compréhensible et persistera probablement tant que la politique italienne restera non conventionnelle et imprévisible. Mais la balance courante italienne s’est améliorée et les niveaux de dette détenue à l’étranger ont diminué, ce qui la rend beaucoup moins vulnérable à la fuite des capitaux que lors de la crise de 2012.

Pour l’heure, la zone euro ne nous semble pas réellement menacée, notamment parce que les mécanismes de contrôle constitutionnels empêcheraient une sortie de l’Italie, même si l’opinion publique en exprimait le souhait.

Si le nouveau gouvernement agit de manière à tenir ses différentes promesses fiscales – baisses d’impôts conséquentes, système d’impôt forfaitaire à deux tranches, revenu garanti pour les pauvres –, alors l’Italie connaîtra probablement une détérioration marquée de son déficit budgétaire, ce qui déchaînera les foudres des autorités de la zone euro et des agences de notation.

10 / European Gazette / Eté 2018

POURQUOI LES MARCHES ACTIONS FONT FI DE LA CRISE CATALANEMême si la crise catalane est loin d’être résolue, les marchés actions espagnols témoignent d’une relative indifférence, faisant le pari d’un affrontement qui ne dégénérera pas.

Lors de l’arrestation de l’ancien dirigeant de Catalogne Carles Puigdemont en Allemagne fin mars, la question catalane a fait son retour à la une des journaux. Après la proclamation d’une république indépendante en octobre 2017 par le gouvernement séparatiste de Catalogne au terme d’un référendum déclaré illégal, une crise constitutionnelle semblait menacer les perspectives économiques du pays. Pourtant les marchés d’actions espagnols, qui sont souvent un bon baromètre de l’état d’esprit des investisseurs, ont paru relativement indifférents.

European Gazette / Eté 2018 / 11

Dans le sillage immédiat de la déclaration, une certaine volatilité des actions espagnoles avait été observée, tout comme au lendemain des élections régionales de décembre, qui s’étaient soldées sur une courte victoire des partis séparatistes. Pourtant, dans l’ensemble, les valeurs espagnoles de l’indice IBEX 35 n’ont cédé qu’environ 7% au cours du semestre clos fin mai, contre une perte de près de 6% pour l’indice généraliste européen FTSE Eurofirst. Une telle évolution ne saurait guère présager de difficultés économiques à venir.

S’il est probable que la crise catalane ait affecté l’économie espagnole, l’ampleur des dégâts n’est pas encore bien définie. La Catalogne génère près d’un cinquième du produit intérieur brut (PIB) de l’Espagne, et c’est la région qui compte le plus grand nombre de sociétés. Le gouvernement a revu à la baisse les prévisions de croissance de l’Espagne pour 2018 de 2,6% à 2,3% en raison de la crise politique, estimant le coût à 5 milliards d’euros.

Pourtant, les dernières prévisions de la Commission européenne intègrent un impact minime voire nul de la crise politique, avec un relèvement des prévisions de croissance du PIB de l’Espagne pour 2018 de 2,5% à 2,6%, mais un ralentissement prévu en 2019, année durant laquelle le PIB espagnol devrait croître de 2,1%.

Le PIB de l’Espagne a progressé de 0,8% au quatrième trimestre 2017, et de 3,1% sur l’année entière (quatrième période d’expansion consécutive), soit deux dixièmes de moins qu’en 2016, lorsque la croissance était de 3,3%. Selon la Banque d’Espagne, ce déclin est en partie imputable à l’impact du référendum catalan.

La réaction relativement mesurée des marchés actions semble cadrer avec de telles données économiques. Les

économistes et stratèges de marché cités au cours des derniers mois doutent de la capacité des indépendantistes à mettre en œuvre une rupture nette vis-à-vis de l’Espagne. Dans le même temps, l’argent bon marché en Europe, dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, prédispose les marchés au calme.

Espagne et Catalogne : une dépendance réciproque ?Même dans ce contexte, il est intéressant de se demander si la Catalogne pourrait se passer de l’Espagne, et vice versa.

Riche de 7,4 millions de personnes représentant 16% de la population espagnole, l’économie catalane fournit une part importante du PIB de l’Espagne, et ses exportations correspondent à 25,6% du total national. En 2016, 62,7% des exportations des entreprises catalanes concernaient l’étranger, tandis que les 37,3% restants représentaient des exportations nationales, selon C-intereg (une société spécialisée dans l’analyse des échanges commerciaux espagnols entre les régions).

La Catalogne représente également environ 23% du secteur industriel espagnol, et une part considérable des biens et services produits dans d’autres régions d’Espagne quittent le pays via les aéroports, les ports et les autoroutes de Catalogne, compte tenu de sa localisation géographique. Ainsi, un déclin de l’activité économique – du fait de grèves politiques ou d’un climat de méfiance parmi les investisseurs et les consommateurs – pourrait se solder par une baisse des taux d’emploi et des contributions aux recettes fiscales.

Le tourisme constitue un autre secteur d’importance critique. Une diminution du nombre de touristes en Catalogne a fragilisé l’économie locale en fin

d’année dernière. Près de 15.000 pertes d’emplois ont été déplorées en octobre lorsque la crise a commencé, selon les statistiques mensuelles publiées par le ministère espagnol de l’Emploi et de la Sécurité sociale, plus que dans n’importe quelle autre région.

L’exode catalanDepuis le référendum illégal, 3.200 entreprises environ ont transféré leur siège hors de la région, tandis que 176 s’y sont installées, selon les données de décembre de l’Association espagnole des registres du commerce.

Même si le transfert des sièges sociaux – entrepris par certaines grandes entreprises dont CaixaBank, Banco Sabadell et Colonial Real Estate – n’a qu’un impact minime, voire nul, en termes d’impôts perçus ou d’activité de production, il pourrait être considéré comme une première étape avant d’autres déménagements et le transfert des centres de production.

Sur les seuls mois d’octobre et de novembre, environ 1.000 entreprises ont déménagé leurs sièges sociaux et quitté la Catalogne au profit d’une autre région espagnole.

Des actions imperturbablesPour en revenir au marché actions, l’indice IBEX 35 reste nerveux s’agissant la contestation de la souveraineté de la Catalogne et de l’instabilité politique qui en résulte. L’IBEX 35 a perdu pratiquement 2% à l’ouverture de la Bourse le 4 octobre 2017, le lendemain du référendum illégal, les groupes bancaires espagnols CaixaBank et Sabadell ayant été les plus touchés (-5%).

Tout dépendra maintenant du contexte politique. Malgré le retour de C. Puigdemont dans l’actualité, il est possible que les valeurs espagnoles rebondissent en 2018, à condition sans doute que l’impasse catalane ne s’aggrave pas.

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LE BREXIT APPORTERA-T-IL UNE CULTURE DE L’ACTIONNARIAT EN ALLEMAGNE ?L’arrivée de professionnels de la finance venus de Londres pourrait entraîner une mutation de la culture d’investissement conservatrice du pays.La forte culture de l’investissement obligataire observée en Allemagne résulte en partie d’un biais profondément ancré privilégiant la sécurité face au risque. Même lorsqu’ils cherchent des alternatives aux obligations, les investisseurs allemands gravitent autour de l’immobilier et des infrastructures, qui présentent des caractéristiques semblables à celles de la dette, comme le versement d’un type de revenu régulier. Pour ceux qui s’aventurent sur le marché d’actions, les rendements du dividende et les fonds équilibrés sont populaires, en particulier parmi les investisseurs particuliers.

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Une autre raison pour laquelle une culture de l’actionnariat ne s’est jamais vraiment développée se rapporte aux préférences de financement des entreprises allemandes. Les petites et moyennes entreprises, appelées le « Mittelstand », représentent 99% de l’ensemble des sociétés allemandes.1 Lorsqu’elles ont besoin de fonds pour se développer, la plupart se tournent vers leur « Hausbank », littéralement leur « banque maison », plutôt que vers les marchés publics. Il en résulte que les investisseurs allemands sont moins exposés aux actions que leurs homologues sur d’autres marchés, américains et britanniques notamment.

Mais cela pourrait être en passe de changer. Deux forces macroéconomiques sans rapport l’une avec l’autre – les taux d’intérêt ultra bas et le Brexit – pourraient réussir là où tant de gestionnaires d’actifs se sont cassé les dents : susciter l’intérêt des investisseurs allemands envers les actions. Des taux d’intérêt exceptionnellement bas ont comprimé les rendements obligataires à de faibles niveaux. Dans ce contexte, si Francfort devient un important pôle bancaire et de gestion d’actifs européen à la suite du Brexit, un afflux de professionnels des services financiers largement centrés sur les marchés d’actions pourrait changer le visage de la culture d’investissement en Allemagne.

Les professionnels de la finance non allemands pourraient se forger une meilleure compréhension des investisseurs allemands et dialoguer davantage au sujet des actions. Les investisseurs d’outre-Rhin, pour leur part, pourraient être plus sensibles à la logique de l’investissement en actions, les alternatives se faisant rares.

Actions ou obligations ?Des études réalisées sur le long terme résument l’attrait des actions. Elles offrent des rendements plus élevés que ceux des obligations sur des périodes de temps raisonnablement longues, et sont plus susceptibles de suivre le rythme de l’inflation. Entre 1900 et 2016, sur une base internationale, les actions ont dégagé une performance annuelle de 5,1%, contre 1,8% pour les obligations, selon le « Yearbook 2017 » publié par Credit Suisse.2 Cela étant, le Yearbook conclut également que la prime reçue par les investisseurs en actions pour compenser la prise de risque supplémentaire ne sera probablement pas aussi élevée à l’avenir.

Le temps est venu pour les portefeuilles allemands de prendre davantage de risques. L’allocation d’actifs moyenne des investisseurs institutionnels allemands

se répartit comme suit : 11% dans les actions (3% sur le marché intérieur et 8% sur le marché international), 41% dans les obligations, 17% dans l’immobilier, 2% dans les liquidités et 29% dans les actifs alternatifs. Cette allocation contraste fortement avec la répartition moyenne des actifs des plans européens : 30% dans les actions (10% sur le marché intérieur et 20% sur le marché international), 51% dans les obligations, 4% dans l’immobilier, 2% dans les liquidités et 13% dans les actifs alternatifs.3 Les données sur les participations des investisseurs particuliers allemands dans des fonds d’investissement révèlent que 394 milliards d’euros sont investis dans des actions et 214 milliards d’euros dans des obligations, tandis que 262 milliards d’euros supplémentaires sont investis dans des fonds équilibrés, contenant à la fois des actions et des obligations. Les fonds immobiliers réunissent au total 89 milliards d’euros.4 Et les participations dans des fonds ne représentent qu’une fraction de l’épargne et des placements des ménages. Des sommes bien plus importantes sont investies en direct dans des obligations, des biens immobiliers et des polices d’assurance-vie.

Le vent tourne sur les marchés financiersL’environnement de taux d’intérêt bas a comprimé les rendements dont bénéficient les investisseurs obligataires. La Banque centrale européenne a abaissé les taux d’intérêt au-dessous de zéro mi-2014 et ne devrait les relever vers zéro que de manière progressive en 2019, selon un récent sondage réalisé par Reuters parmi des économistes.5 Dans ce contexte, les rendements des Bunds allemands à 10 ans ont été ponctuellement négatifs et se fixent actuellement à un maigre 0,42%.6

Pour faire court, il sera difficile à l’avenir de faire fructifier un portefeuille principalement composé d’actifs obligataires traditionnels, surtout si l’inflation s’oriente prochainement à nouveau à la hausse. Si les investisseurs ont davantage été préoccupés par la déflation ces dernières années, l’économie allemande s’est récemment raffermie, si bien que l’inflation est redevenue un risque que peuvent légitimement redouter les investisseurs obligataires.

Les investisseurs allemands n’ont pas manqué de constater ce changement de temps sur les marchés financiers. Ils sont nombreux à investir depuis des années dans d’autres classes d’actifs, telles que le capital-investissement, la dette privée,

les infrastructures et l’immobilier. Par exemple, les prix immobiliers sont montés en flèche sous l’effet de la faiblesse des taux d’intérêt, de l’offre limitée et du regain d’intérêt témoigné par les investisseurs étrangers. La Bundesbank avait en effet souligné dans son rapport de 2017 sur la stabilité financière que les prix de l’immobilier résidentiel étaient de plus en plus déconnectés de la réalité. Selon la banque centrale, en 2016, les appartements et maisons de 127 villes allemandes affichaient des prix supérieurs de 15-30% aux niveaux justifiés par les facteurs fondamentaux, tels que les loyers.7

Non que les cours des actions soient bon marché. En effet, les actions connaissent une longue phase haussière depuis la crise financière et de nombreux indicateurs de valorisation s’accordent sur leur caractère onéreux. Quand bien même, après avoir survécu à des rendements négatifs et à l’importation sur leur territoire des prix immobiliers londoniens, les investisseurs allemands pourraient voir d’un meilleur œil les offres que ne manqueront pas de leur faire des professionnels de la finance favorables aux actions débarqués en masse dans le sillage du Brexit.

1 Ministère fédéral allemand de l’Economie et de la Technologie. 2 Credit Suisse Research Institute, 6 avril 2017. 3 Enquête Mercer 2017 sur l’allocation d’actifs en Europe.4 BVI, au 31 décembre 2017.5 Reuters, 16 février 2018.6 Bloomberg, 8 juin 2018.7 FT, 29 novembre 2017.

« Lorsque les petites et moyennes entreprises allemandes ont besoin de fonds pour se développer, la plupart se tournent vers leur « Hausbank », littéralement leur « banque maison », plutôt que vers les marchés publics. Il en résulte que les investisseurs allemands sont moins exposés aux actions que leurs homologues sur les marchés américains et britanniques

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GUERRES DE L’INFORMATION : COMMENT L’UE EST DEVENUE LE GENDARME MONDIAL DE LA PROTECTION DES DONNEESLes règles de l’UE relatives à la confidentialité des données étaient autrefois raillées pour leur caractère restrictif. Toutefois, après le scandale Facebook, Bruxelles espère qu’elles permettront de mettre au pas les géants du secteur technologique. La commissaire européenne à la Justice Vera Jourova le compare à un « pistolet chargé » dans les mains des régulateurs : le Règlement général sur la protection des données (RGPD) entre en vigueur le mois dernier dans l’Union européenne (UE). Ses partisans affirment qu’il améliorera spectaculairement le soin avec lequel les organisations basées aussi bien dans l’UE que dans le reste du monde traitent nos données personnelles. ► ► ►

Date de publication : 20 mai 2018Sarah Gordon et Aliya Ram, Londres Source : FT.com

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Le RGPD harmonisera les règles relatives à la protection des données à l’échelle du principal bloc commercial au monde, renforcera les droits des individus quant à l’utilisation de leurs données personnelles, mettra en place des protections significatives pour les enfants et rationalisera la capacité des autorités de réglementation à sévir contre les manquements à la réglementation.

Lorsque ces règles ont été proposées pour la première fois, de nombreux dirigeants de la Silicon Valley ont dénoncé leur caractère restrictif et anticoncurrentiel. Néanmoins, dans le sillage du scandale de l’utilisation des données Facebook par Cambridge Analytica, l’approche de l’UE en matière de confidentialité des données s’est révélée bien plus pertinente.

Selon de nombreuses entreprises et autorités compétentes en matière de protection des données, le RGPD pourrait devenir la norme mondiale, en régissant les pratiques non seulement au sein de l’UE, mais aussi dans les pays où les individus manquaient jusqu’ici de moyens pour défendre leurs droits sur Internet.

« L’Europe avait une très nette longueur d'avance dans ce domaine », a admis le mois dernier Sheryl Sandberg, Chief Operating Officer de Facebook.

Cependant, à mesure que la date butoir du 25 mai se rapprochait, un certain nombre de failles étaient apparues dans la vision de l’UE. De nombreuses entreprises n'étaient pas préparées à appliquer les nouvelles règles et plusieurs pays n'avaient pas transposé le RGPD dans leur droit national. En outre, d’importantes questions ont été soulevées quant à la capacité des autorités de protection des données de l'Union à faire appliquer les nouvelles règles de façon adéquate.

« Tout le monde a attendu le tout dernier moment, malgré le délai de deux ans », affirme Harry Small, Head of Data Protection Law chez Baker McKenzie. Et d’ajouter : « Un grand nombre d’entreprises ne se sont pas vraiment réveillées. »

Même les détracteurs du RGPD admettent que ce dernier remettra un peu d’ordre dans le maquis des règles qui régissent le traitement de nos données dans les différents pays d'Europe. Il oblige toutes les organisations, partout dans le monde, qui traitent les données personnelles de citoyens de l’UE à faire preuve de transparence quant à la manière dont elles les recueillent, les conservent et les traitent.

Les organisations doivent obtenir un consentement explicite à l’utilisation et à la conservation des données, tenir à jour ces données, effacer les anciennes données et – si elles disposent d’une grande quantité d'informations personnelles et de personnes concernées ainsi que d'un large éventail d'éléments – devront désigner un délégué à la protection des données.

Les consommateurs auront le droit de demander aux entreprises les informations dont elles disposent sur eux et d'exiger qu'elles soient supprimées de leurs bases de données. Le RGPD interdit aux entreprises de traiter des données relatives à l'appartenance raciale, ethnique ou syndicale, aux opinions politiques, aux convictions religieuses ou à l'orientation sexuelle sans avoir obtenu le consentement explicite des intéressés.

En dernier ressort, l'impact du RGPD variera selon que les individus décideront ou non d'exercer les pouvoirs accrus qui leur sont conférés par la réglementation.Ces règles s'inscrivent dans une campagne mondiale de plus en plus importante afin que les clients deviennent des « adultes numériques » prenant leurs responsabilités et exerçant un contrôle accru sur leurs propres informations. Les défenseurs du RGPD espèrent que cette nouvelle réglementation aidera les individus à devenir plus exigeants et à prendre davantage conscience de leur pouvoir.

« Les personnes concernées prendront de plus en plus conscience de leurs droits et ne toléreront pas les mauvaises pratiques des organisations », estime Helen Dixon, la commissaire à la Protection des données en Irlande.

Cette dernière souligne néanmoins que Facebook a vu le nombre de ses utilisateurs enregistrés continuer à augmenter en plein scandale Cambridge Analytica, ce qui témoigne à ses yeux du « paradoxe de la vie privée », à savoir que les individus affirment qu’ils ont à cœur de contrôler leurs données tout en continuant généralement à faire preuve de désinvolture lorsqu'ils abandonnent ce contrôle.

La portée du RGPD s’étend déjà bien au-delà de l’UE. Selon Graham Greenleaf, professeur de droit et de systèmes d’information à l’université de Galles du Sud en Australie, 120 pays s’étaient déjà dotés de lois sur la protection des données en 2017, mais le RGPD est probablement le plus vaste et le plus rigoureux.

Tout d’abord, tous les pays désirant signer un accord commercial avec l’UE devront s’engager à respecter le RGPD. C’est la première fois que l’UE traitera formellement des flux commerciaux et de données dans le cadre de sa fonction de négociation d’accords de libre-échange au nom de ses 28 Etats membres.

Pour de nombreuses multinationales, il pourrait être logique – aussi bien du point de vue des coûts que de la cohérence – d'appliquer le RGPD partout dans le monde. Certaines autorités de réglementation, comme à Hong Kong, ont élaboré leurs lois sur la base de la directive européenne de 1995 sur la protection des données et ont indiqué qu’elles prévoyaient de mettre à jour leur réglementation pour tenir compte du RGPD.

Cependant, malgré les prédictions quant à l'impact mondial du RGPD, sa mise en œuvre au sein de l'UE suscite des interrogations majeures.

Compte tenu de l'étendue de la nouvelle réglementation, qui occupe plus de 200 pages, la préparation au RGPD s'est avérée lourde et coûteuse. Les entreprises de l'indice britannique FTSE 100 auraient dépensé en moyenne 15 millions de livres sterling chacune pour se conformer au RGPD, selon Axiom, un cabinet spécialisé dans les technologies juridiques. Pendant

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ce temps, aux Etats-Unis, l’International Association of Privacy Professionals et le cabinet EY estiment que les membres du Fortune Global 500 dépenseront au total 7,8 milliards de dollars pour se mettre en conformité avec le RGPD, soit près de 16 millions de dollars chacune en moyenne.

Cette enquête suggère que chaque entreprise a dû embaucher en moyenne cinq équivalents temps plein affectés spécialement aux questions de confidentialité des données – par exemple des délégués à la protection des données – ainsi que cinq autres personnes à temps partiel affectées à la conformité.

Certaines entreprises ont dû mener un audit des informations en leur possession, et le nettoyage des bases de données pour éliminer les informations obsolètes ou les doublons et le recueil du consentement auprès des individus ont souvent occupé leur personnel pendant plusieurs mois.

Pour un petit cabinet de recrutement londonien – le type d'activité pour laquelle les données personnelles sur des clients potentiels revêtent une importance

cruciale –, la préparation au RGPD « ne s'est pas limitée à un projet de base de données, ce fut tout un programme de changement ». L'entreprise a mobilisé un salarié juste pour nettoyer les données personnelles en sa possession et contacter les personnes pour obtenir leur consentement à la conservation de ces données.

« Autrefois, nous partions du principe que, dans la mesure où les informations sur un individu étaient accessibles au public, par exemple sur LinkedIn ou sur leur propre site Internet, rien ne s'opposait à ce que nous les conservions », indique la personne du cabinet chargée de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation.

Compte tenu de l'ampleur de la tâche, un bon nombre d'organisations n'étaient pas prêtes à temps pour le 25 mai. En février, une étude menée par SAS (une société spécialisée dans l'analyse) auprès de presque 200 entreprises dans le monde a révélé que moins de la moitié de ces entreprises prévoyait d'être en conformité totale avec la nouvelle réglementation lors de la date butoir.

Les plus petites entreprises, dans l'UE comme dans le reste du monde, sont particulièrement vulnérables. En mars, la fédération britannique des petites entreprises a constaté que moins d'une petite entreprise sur dix au Royaume-Uni était entièrement préparée à l'entrée en vigueur du RGPD et qu'un peu moins d'une entreprise sur cinq ne connaissait même pas l'existence des nouvelles règles.

Il n’y a pas que les organisations qui sont à la traîne. En janvier, la Commission européenne a indiqué que sur les 28 pays membres du bloc, seules l'Autriche et l'Allemagne avaient pleinement transposé le RGPD dans leur législation avant son entrée en vigueur.

Si certains pays tels que le Royaume-Uni devraient adopter une nouvelle loi sur le fil, Baker McKenzie indique que cinq pays de l’UE, à savoir la Bulgarie, la Grèce, Malte, le Portugal et la Roumanie, n’ont même pas publié un texte de loi ou des informations adéquates sur les modalités de mise en œuvre du RGPD.

75%De la population mondiale sera connectée à un appareil numérique d’ici 2025

163 zettaoctets Le volume prévu de données utilisées à l’échelle mondiale d’ici à 2025, contre 16 Zo en 2016

90%Des données seront classées comme étant à sécuriser d’ici 2025, mais seulement 50% le seront réellement

Le RGPD en chiffres

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Les organisations qui ne respecteront pas la nouvelle réglementation s'exposent à des amendes élevées, qui peuvent aller jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires mondial ou 20 millions d'euros, le montant le plus élevé étant retenu. Le coût de la mise en conformité ainsi que les atteintes à la réputation pourraient être encore plus lourds.

Reste à savoir si ceux chargés de faire appliquer la nouvelle réglementation seront à la hauteur de leur mission.

Dès 2015, Jacob Kohnstamm, l’ancien président de l’autorité néerlandaise compétente en matière de protection des données, a prévenu que les organisations contrevenant aux règles avaient « peu de chances de se faire prendre ». Compte tenu du budget de son organisme alloué aux enquêtes, « la probabilité que le régulateur frappe à votre porte est inférieure à une fois par millénaire ».

Les ressources dont disposent la plupart des autorités de protection des données en Europe demeurent très inférieures à celles allouées en Amérique du Nord. D’ailleurs, elles n'ont augmenté que d'un quart environ en moyenne au sein de l’UE en réponse aux sollicitations accrues dont elles font l’objet avec le RGPD.

Le délégué européen à la protection des données, Giovanni Buttarelli, a prévenu à la fin de l’année dernière que les quelque 2.500 personnes travaillant pour les autorités de réglementation de l’UE « ne suffiraient pas pour surveiller la conformité à une législation complexe applicable à toutes les entreprises du monde qui proposent leurs services à, ou surveillent, des gens en Europe ».

En septembre dernier, la commissaire à l'Information du Royaume-Uni, Elizabeth Denham, a déclaré qu’elle avait besoin de recruter davantage de personnel

mieux rémunéré pour que l’autorité de réglementation soit en mesure d’appliquer efficacement le RGPD. Après une rallonge du financement public, l’Information Commissioner’s Office verra ses effectifs augmenter d’un tiers à environ 700 personnes d'ici 2020, mais les autorités compétentes et les entreprises au sein de l’UE sont en concurrence pour recruter le personnel qualifié dont elles ont besoin.

« Il nous faudra du temps pour étoffer notre équipe », a indiqué Mme Denham au FT. « Nous avons commencé à enquêter davantage... sur les entreprises de réseaux sociaux et les élections. Je dirais qu'il s’agit d'une culture proactive[, d’une culture de l’enquête]. C’est toute notre approche que nous devons changer. »

Le service dirigé par Mme Dixon en Irlande compte une centaine d’agents et elle prévoit d’en recruter 40 de plus cette année, dont des avocats-conseils, des pénalistes et des enquêteurs expérimentés, issus par exemple du secteur de l’assurance. « Pour prendre des sanctions vraiment dures, nous devrons démontrer que nous avons suivi un processus équitable », souligne-t-elle.

Mme Dixon a tout à fait conscience de l’ampleur du travail à accomplir dans la mesure où de nombreux groupes technologiques américains comme Facebook, Twitter, Dropbox, LinkedIn et Airbnb ont installé leur siège européen à Dublin.

En vertu du RGPD, il y aura une seule autorité compétente en cas d'atteinte à la protection des données et pour les questions y afférentes tandis qu’aujourd'hui, une entreprise peut faire l'objet de plusieurs poursuites de la part des autorités de réglementations des différents Etats membres de l’UE. En théorie, le RGPD interdit le « forum

shopping », une pratique consistant pour les entreprises à choisir leur autorité de réglementation privilégiée, et le choix de l’autorité compétente sur des affaires spécifiques devra obéir à des critères objectifs.

La Data Protection Commission irlandaise serait compétente pour Facebook dans la mesure où cette dernière a installé son siège en Irlande, où ses conditions de services sont associées à son entité irlandaise et où l’entreprise dispose à Dublin d’une équipe étoffée consacrée à la confidentialité et à la protection des données.

Pour des entreprises comme Google, qui fournissent des services par le biais de leur siège social mondial, l'autorité compétente dépendra du pays d'Europe où les poursuites sont engagées. Dans ces conditions, il sera plus difficile de déterminer l’autorité compétente concernant les pratiques de l'entreprise en matière d’utilisation et de confidentialité des données.

Il existe d'autres zones d'ombre également. Les entreprises spécialisées dans les technologies publicitaires, qui recueillent des données auprès de sites tiers, pourraient être tenues d'obtenir le consentement des utilisateurs. Google a tenté de résoudre ce problème en se définissant comme un « contrôleur » de données au sens du RGPD s’agissant du traitement des informations de tiers. Néanmoins, les éditeurs s'y sont opposés et ce sont eux qui devront obtenir le consentement des utilisateurs avant de communiquer leurs informations à Google, ce qui suscite l’inquiétude de leurs propres utilisateurs.

Les associations de défense de la vie privée ont dénoncé les imperfections du RGPD. Mais alors que, dans le monde entier, toutes les attentions sont

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concentrées sur la protection des données après les révélations sur la divulgation massive des données de Facebook, les responsables de Bruxelles espèrent que les nouvelles règles marqueront l'entrée dans une nouvelle ère en matière de contrôle des informations personnelles.

Contrôler vos informations : la réglementation appelle à une reprise en main par les consommateurs

La nouvelle réglementation de l'UE en matière de protection des données repose sur le principe élémentaire que les individus – et non les entreprises – doivent être les propriétaires de leurs informations personnelles. Pour Tim Berners Lee, l’informaticien britannique considéré par beaucoup comme l’inventeur du réseau mondial Internet, ce principe est essentiel pour favoriser la concurrence sur Internet qui, souligne-t-il, est de plus en plus dominé par une poignée de plates-formes.

« On peut imaginer que, dans un monde meilleur... on pourrait choisir son moteur de recherche et le réseau social que l’on souhaite rejoindre », explique-t-il au FT. « Toutes les photos que vous possédez sur LinkedIn, Flickr et Facebook vous appartiendraient. Dans un monde meilleur, on aurait le contrôle total de ses informations. »

Les législateurs qui ont rédigé le Règlement général sur la protection des données se sont rendus en 2016 au Massachusetts Institute of Technology, où est basé Tim Berners Lee. Ce dernier leur a présenté brièvement son projet de web décentralisé, qui vise à améliorer la protection de la vie privée en mettant au point des outils techniques permettant aux utilisateurs de s’approprier leurs données.

Cette idée, qui a déjà été mise en œuvre par certaines organisations non

gouvernementales et certains courtiers en données, est une pierre angulaire du RGPD. La réglementation impose aux entreprises de donner la possibilité aux citoyens de télécharger leurs données « dans un format couramment utilisé et lisible par machine » leur permettant de les communiquer ou de les vendre à d’autres entreprises.

En théorie, un utilisateur pourrait donc passer d’une entreprise de médias sociaux à une autre avec toutes ses informations, ou bien les revendre à l’entreprise.

Toutefois, selon Robin Jack, un analyste indépendant, la plupart des données sont encore illisibles. « Les données sont une jungle », observe-t-il. « Il y a beaucoup de choses incohérentes, comme le format des dates, les prix qui ne mentionnent pas toujours la devise, les heures qui ne précisent pas toujours le fuseau horaire. »

Les entreprises de médias sociaux font valoir que les données qu’elles recueillent sont intrinsèquement incompatibles avec celles d’autres entreprises. Par exemple, les profils de « public » créés par Facebook ne peuvent être appariés avec les catégories de styles de vie générées par Snapchat.

« Il est difficile de créer une interopérabilité entre ces entreprises », estime Katherine Tassi, Deputy General Counsel de Snapchat. « Par exemple, le fait que Snapchat permette à un autre service d’accéder à son service n’est pas nécessairement significatif. »

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Budget moyen alloué à la protection des données par pays et par régionen millions USD

Moyen : 9,5

100

80

60

40

20

0Médian : 1,7

Afrique australe et centrale

Afrique et Moyen-Orient

Europe Asie et Océanie

Amérique du Nord

Source : International Association of Privacy Professionals, iapp.org. ©FT

« Après les révélations sur la divulgation massive des données de Facebook, les responsables de Bruxelles espèrent que les nouvelles règles marqueront l’entrée dans une nouvelle ère en matière de contrôle des informations personnelles.

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