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RAPPORT DEFINITIF ADA Consulting Africa Bureau d’Expertise, de Conseils et d’Assistance pour le Développement en Afrique 777 Rue de l’OCAM 07 BP : 14 284 Tél Standard : (228) 220 09 33 Fax Standard : (228) 220 72 95 Tél Direct : (228) 901 77 45/ 944 79 84 E-mail : [email protected] LOME–TOGO Juillet 2009 ETUDE SUR LES POLITIQUES FONCIERES ET L’ACCES DES FEMMES A LA TERRE AU TOGO MDG 3 FUND

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RAPPORT DEFINITIF

ADA Consulting Africa Bureau d’Expertise, de Conseils et d’Assistance pour le Développement en Afrique 777 Rue de l’OCAM 07 BP : 14 284 Tél Standard : (228) 220 09 33 Fax Standard : (228) 220 72 95 Tél Direct : (228) 901 77 45/ 944 79 84 E-mail : [email protected] LOME–TOGO

Juillet 2009

ETUDE SUR LES POLITIQUES FONCIERES ET L’ACCES DES FEMMES

A LA TERRE AU TOGO

MDG 3 FUND

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SOMMAIRE

Sommaire 2 Liste des tableaux 4 Liste des figures, photos et schémas 4 Liste des annexes 4 Liste des sigles et abréviations 4 RESUME 5 INTRODUCTION 7

1. PREMIERE PARTIE : DONNEES GENERALES SUR LE TOGO ET PRESENTATION DU PROJET DE WILDAF 8

1.1. BREVE PRESENTATION DU TOGO 9 1.2. PRESENTATION DU PROJET DE WILDAF 10

2. DEUXIEME PARTIE : APPROCHE METHODOLOGIQUE UTILISEE POUR LA MISSION 12

2.1. PHASE PREPARATOIRE 13 2.1.1. Entretien d’approfondissement et de compréhension de la mission 13 2.1.2. Revue documentaire 13 2.1.3. Prise de contact de terrain 13 2.1.4. Elaboration des outils de collecte de données 14 2.1.5. Echantillonnage 14 2.1.6. Réunion de synthèse 14 2.1.7. Recrutement, formation des enquêteurs et contrôleurs (superviseurs) et constitution des

équipes 15

2.2. PHASE DE TERRAIN 15 2.2.1. Enquête quantitative 15 2.2.2. Enquête qualitative 15 2.2.3. Entretien spécifique avec les acteurs institutionnels 16 2.2.4. Organisation de la mission sur le terrain 16 2.3. TRAVAUX DE BUREAU 16 2.3.1. Dépouillement, Traitement et analyse des données collectées 16 2.3.2. Elaboration de rapports 17 3. TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ETUDE 18 3.1. NORMES POLITIQUES FONCIERES 19 3.1.1. Normes et politiques foncières aux niveaux international et régional 19 3.1.1.1. Normes et politiques foncières au niveau international 19 3.1.1.2. Normes et politiques foncières au niveau régional 19 3.1.1.3. Normes et politiques foncières au niveau sous-régional 19 3.1.2. Normes et politiques foncières au niveau national 20 3.1.3. Analyse critique de la politique et de la législation en matière successorale au Togo 22 3.1.3.1. Succession et la conformité aux normes internationales et régionales africaines de

promotion de droits de la femme 22

3.1.3.2. Succession et politique et lois en vigueur au Togo 23 3.1.3.3. Succession et pratiques traditionnelles 25 3.1.3.4. Succession et prise en compte du rôle de la femme dans le domaine agricole modes d' 27 3.2. RESULTATS DE TERRAIN 27 3.2.1. Modes d’accès à la terre et modes de faire valoir 27 3.2.1.1. Modes d’accès à la terre 28 3.2.1.2. Modes de faire valoir 32 3.2.2. Dynamique des transactions foncières dans les zones de l’étude 32 3.2.2.1. Evolution des transactions foncières des zones de l’étude 32 3.2.2.2. Impact de la dynamique des transactions foncières sur l’accès des femmes à la terre 34

3.2.3. Initiatives d’exploitation des zones aménagées et leur impact sur l’accès des femmes à la terre

34

3.2.3.1. Initiatives des zones aménagées 34

3.2.3.2. Impact des initiatives des zones aménagées et leur impact sur l’accès des femmes à la terre

35

3.2.4. Pratiques d’accès au foncier rural 36 3.2.4.1. Analyse des conditions d’accès au foncier 36

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3 3.2.4.2. Analyse comparée des conditions d’accès à la terre des hommes et des femmes 37 3.2.4.3. Quelques bonnes pratiques d’accès des femmes à la terre 38 3.2.4.4. Analyse des fondements de pratiques d’attribution des terres 38 3.2.5. Impact du statut de la terre des femmes sur la productivité et la durabilité de

l’exploitation 39

3.2.5.1. Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques 39 3.2.5.2. Accès et utilisation des semences améliorées 40 3.2.5.3. Accès et utilisation des crédits agricoles 41 3.2.5.4. Accès et utilisation de la main d’œuvre 42 3.2.5.5. Types de cultures pratiquées 42 3.2.5.6. Accès à l’encadrement 43 3.2.6. Statut juridique des exploitations agricoles familiales et rôles différenciés des hommes et

des femmes dans la gestion de l’exploitation 44

3.2.6.1. Statut juridique des exploitations familiales 44 3.2.6.2. Rôles différenciés des hommes et des femmes dans la gestion de l’exploitation

familiale 45

3.2.6.3. Impacts des rôles différenciés sur les activités des femmes 46 3.2.7. Obstacles et difficultés empêchant l’accès pérenne des femmes rurales à la terre 47 3.2.7.1. Difficultés d’ordre coutumier 47 3.2.7.2. Difficultés d’ordre social 47 3.2.7.3. Difficultés d’ordre économique 47 3.2.8. Analyse des recours pour les femmes en cas de déni de droit et d’éviction de la terre 47 3.2.8.1. Règlement selon le droit coutumier 47 3.2.8.2. Règlement selon le droit moderne 49 4. QUATRIEME PARTIE : CONCLUSION ET RECOMMANDATION 51 4.1. CONCLUSION 52 4.2. RECOMMANDATION 53 4.2.1. Reformes législatives et réglementaires 53 4.2.2. Elaborer et mettre en œuvre un plan de communication pour une appropriation des lois

relatives à la propriété foncière 54

4.2.3. Mesures socio-économiques et d’incitation pour accroître l’accès des femmes à la terre 55 4.2.3.1. Organisation de concours de village meilleur élève en application des textes en faveur

des femmes. 55

4.2.3.2 Aide à la constitution et à la dynamisation de groupements de femmes 55 4.2.3.3. Constitution d’une plate forme des OSC pour l’appui à l’accès des femmes à la terre dans

les milieux ruraux 55

4.2.3.4. Financement du foncier 55 4.2.3.5. Assistance technique adéquate des structures d’appui aux producteurs 56 BIBLIOGRAPHIE 57 ANNEXES 59

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Différents modes d’accès rencontrés au niveau des exploitants agricoles 28 Tableau 2 : Répartition des exploitants agricoles, héritiers des terres en fonction du sexe 28 Tableau 3 : Répartition des exploitants agricoles suivant le mode d’accès par achat 29 Tableau 4 : Répartition des exploitants agricoles suivant le mode de location 30 Tableau 5 : Répartition des exploitants agricole suivant le mode d’accès par usufruit 31 Tableau 6 : Descriptif des conditions d’accès à la terre des hommes 36 Tableau 7 : Descriptif des conditions d’accès des femmes à la terre 37 Tableau 8 : Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques en fonction du statut foncier 39 Tableau 9 : Accès et utilisation des semences améliorées en fonction du statut foncier 40 Tableau 10 : Niveau d’utilisation des crédits agricoles par sexe et par statut foncier 41 Tableau 11 : Types de cultures pratiquées en fonction du statut foncier et du sexe (%) 42 Tableau 12 : Taille des exploitations en fonction du genre et des modes d’accès (en %) 44

LISTE DES PHOTOS

Photo 1 : Séance de focus-group avec certaines autorités traditionnelles et certains groupements 16 Photo 2 : Zones aménagées par l’Etat et certains groupements dans la région des Savanes 35 Photo 3 : Association de cultures annuelles et cultures pluriannuelles 42 Photo 4 : Hommes préparant le sol par billonnage et déterrant du manioc 45 Photo 5 : Femmes exerçant les activités d’entretien, de récoltes et de vannage 45 Photo 6 : Femmes assurant la transformation et la commercialisation des produits 46

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Termes de référence 60 Annexe 2 : Tableau récapitulatif de l’échantillonnage 63 Annexe 3 : Liste des personnes rencontrées 64

LISTE DES ABREVIATIONS

ACM : Appui pour le Combat contre la Misère AGIRNA : Appui à la Gestion Intégrée des Ressources Naturelles ATPH : Association Togolaise pour la Promotion Humaine BADE A : Banque Arabe pour le développement Economique en Afrique CAPLAD : Centre d’Appui aux populations Locales en Auto-Développement CEDEF : Convention sur l’Elimination de toutes Formes de discrimination à l’Egard

des Femmes. CONGAT : Conseil Gestion Afrique Togo CREDI : Centre de Recherche Action pour l’Environnement et le Développement Intégré CREMA : Centre de Recherche et d’Action des Modèles d’Autopromotion DRAEP : Direction Régionale de l’Agriculture, de l’élevage et de la Pêche DSRP-C : Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté ICAT : Institut de Conseil et d’Appui Technique MAEP : Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la Pêche OSC : Organisation de la Société Civile PADES : Programme d’Aide pour le Développement Economique et Sociale PDRIS : Projet de Développement Rural Intégré des Savanes PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PROSEM : Programme de Développement du Sud-Est Maritime PTF : Partenaire Technique et Financier RADI : Recherche Action pour le Développement Intégré RAFIA : Recherche Appui et Formation aux initiatives d’Auto-Développement REFED/S : Réseau des Femmes et Développement/Savanes RNA : Recensement National de l’Agriculture WILDAF : Women In Law and Development in Africa

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RESUME

La terre est un moyen de production important dans les activités économiques et une source principale de revenu en milieu rural. Les droits d’accès à la terre, d’utilisation et de contrôle de cette dernière sont reconnus aux femmes en milieu rural par les lois et textes juridiques internationaux et sous-régionaux dont le Togo est partie. Pourtant, des limitations diverses à la capacité des femmes à posséder et à contrôler la terre entravent non seulement leur capacité à mener des activités économiques mais aussi à réduire considérablement leur moyen de subsistance de même que la contribution au développement de leur pays.

C’est pour faire un état des lieux sur l’accès différencié, l’utilisation et le contrôle de la terre par les femmes et les hommes en milieu rural au Togo d’une part et les facteurs qui constituent des obstacles pour les femmes pour une meilleure production agricole d’autre part que la présente étude a été commanditée par WILDAF Togo, représentation Togolaise de Women In Law and Development in Africa en vue de faire des propositions pour des réformes de politiques et lois agro foncières.

Pour atteindre les objectifs assignés à l’étude, la mission a procédé à une analyse approfondie de la documentation disponible et conduit une enquête de terrain dans les Régions des Savanes (Cinkassé et Tône), Kara (Kozah, Doufelgou), Plateaux (Agou, Kloto) et Maritime (Yoto et Vo) où vingt quatre (24) villages ont été touchés. Dans ces villages, 238 exploitants à raison de 120 femmes et 118 hommes et 44 groupements féminins ou mixtes, 46 autorités coutumières et traditionnelles, 14 autorités administratives et judiciaires (Juges, préfets, Commandants de Brigade) et 16 structures d’appui ont fait l’objet d’entretien individuel et de focus-group.

L’analyse des données montre qu’en matière de politiques et législations foncières, les principes juridiques dans les protocoles, chartes et conventions dont le Togo est partie consacrent le principe de l’égalité devant la loi ; ce qui laisse dire que les femmes devraient avoir accès à l’héritage et à tous les autres modes d’acquisition de la terre tant que des citoyens hommes soit disant du sexe fort peuvent en jouir. Pour les principes juridiques contenus dans les textes nationaux, il convient de noter que le régime foncier togolais se caractérise par la coexistence de deux systèmes, l’un dit coutumier et l’autre moderne. Ce dernier permet aux femmes d’acquérir des biens immobiliers et d’en disposer à leur guise. Les textes de lois surtout le code des personnes et de la famille donnent lieu à d’énormes difficultés d’application et par voie de conséquence à l’exclusion des pauvres qui sont en majorité des femmes. L’analyse du cadre juridique a révélé également que la question du genre n’a pas été clairement abordée par les instruments juridiques nationaux.

Au plan d’héritage du patrimoine foncier, la loi togolaise, n’exclut pas, à priori, la femme de la succession des biens de sa famille ou de son mari défunt. Seulement, les dispositions de la loi, applicables à la succession ne sont valables qu’en cas de renonciation aux coutumes, lesquelles coutumes ne sont pas souvent favorables à la femme en la matière.

Concernant l’accès à la terre par héritage, seulement 20 femmes sur 130 héritiers (soit 15,2 %) sont héritières et ont accès à des superficies relativement moins grandes que celles obtenues par les hommes. De plus leur héritage est accompagné dans la plupart des cas des mesures restrictives de leur droit (refus de transmissions aux descendants, vente conditionnée). La principale raison justificative du refus d’héritage de la terre à la femme est le régime patrilinéaire adopté au Togo. En effet selon les collectivités et familles rencontrées, une femme héritière ne pourra préserver l’héritage terre mais au contraire contribuera à son émiettement et à son attribution à d’autres lignées (celles des époux).

Les transactions foncières sont très dynamiques et permettent aux femmes d’accéder à la terre dans leur ensemble mais en cas de location, elles ne sécurisent pas l’exploitation de la femme compte tenu du manque de contrat écrit et du non respect des engagements pris par les propriétaires terriens. En dehors de l’héritage, le seul mode qui permet à la femme d’avoir un contrôle durable sur son exploitation est l’achat mais les femmes n’ont malheureusement pas le moyen pour accéder à la terre par ce mode qui n’est d’ailleurs pas courant dans certains milieux

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6 ruraux. Cette situation ne favorise pas l’accès des femmes à la terre. Par ailleurs, divers obstacles entravent l’accès des femmes à la terre dont les pesanteurs coutumières, sociologiques et économiques.

Dans les processus de résolution des conflits fonciers, les femmes rurales rencontrées ne font pas souvent recours à la justice de peur d’être mal vues par leur société. Elles recourent souvent à leurs époux qui tranchent le problème à l’amiable ou les conseillent souvent d’abandonner toute poursuite. La majorité des chefs traditionnels rencontrés dans le cadre de cette étude n’ont pas l’habitude de trancher souvent des conflits fonciers entre homme et femme ou entre femmes. Cependant, certains Chefs de villages/cantons du Sud-Est Maritime dont Kpotavé, d’Atsitsogbé (Vo), et Tokpli (Yoto) d’une part et de Niamtougou (Doufelgou) dans la Région de Kara d’autre part sont des pionniers dans ce processus de règlement des conflits fonciers en faveur des femmes. Pour exercer leurs activités agricoles, les femmes accèdent à la terre par usufruit (48,7 % soit 37 femmes) et par location (76,5 % soit 85 femmes) des cas. Par ces modes, elles accèdent à de petites parcelles de terre dont la taille des superficies est comprise entre moins 0,25 et 2 ha qu’elles exploitent dans une certaine insécurité foncière qui ne leur permet pas d’adopter les techniques d’amélioration durables de leur production. Elles se contentent alors de faibles rendements malgré les multiples besoins qu’elles ont à satisfaire. Les résultats montrent également que les femmes ont un accès limité aux crédits agricoles, n’ont pas un accès équitables aux informations sur les nouvelles techniques agricoles et ont des difficultés à adopter les innovations d’intensification agricole susceptibles de les amener à développer des systèmes et des entreprises agricoles durables et compétitifs.

La petitesse des exploitions détenues par les femmes tient aussi à leur précieux appui qu’elles apportent aux hommes au sein des exploitations familiales qui sont détenues et gérées par ces derniers. En effet, la femme non seulement s’occupe des enfants mais doit préparer et servir la nourriture à son époux et aux autres actifs agricoles. Elle est aussi chargée de l’exécution des travaux demandant une certaine attention particulière comme le semis, l’épandage d’engrais et la récolte. Elles exécutent les travaux post récoltes tels que le vannage et s’occupe du transport, de la commercialisation et dans certains cas de la transformation des produits récoltés. Ces travaux exécutés en appui à l’homme l’empêchent de détenir des superficies relativement grandes mais elles contribuent à une certaine stabilité et à la paix au sein du ménage. Ces rôles complémentaires joués par l’homme et la femme dans les exploitations familiales contribuent à la sécurité alimentaire et à la jouissance d’une vie décente de la famille.

Afin de permettre aux femmes d’avoir un accès durable à leurs exploitations, la mission, à l’issu des différentes analyses formule les recommandations et orientations suivantes :

procéder à des réformes législatives et réglementaires qui aura pour résultat l’élaboration d’un code foncier national, la mise en conformité de certains cadres juridiques existants avec les principes juridiques contenus dans les protocoles, conventions et chartes internationaux ;

informer, l’éduquer et communiquer sur les textes de lois en faveur des femmes. Le résultat attendu est l’information, l’éducation et la communication de toutes les couches sur les droits des femmes en vue de briser les pesanteurs coutumières, sociologiques et faire appliquer les réformes législative et réglementaire ;

la prise de mesures socio-économiques, d’incitation et d’application du concept genre pour accroître l’accès des femmes à la terre : organiser un concours de village meilleur élève en application des textes en faveur des femmes, favoriser la constitution et la redynamisation des groupements de femmes, encourager la constitution d’une plate forme des OSC pour l’appui à l’accès des femmes à la terre dans les milieux ruraux, mettre en place un système de crédit foncier et d’épargne foncière à des taux d’intérêt réduits destinés à favoriser l’accès des femmes à la propriété foncière, apporter l’assistance technique adéquate des structures d’appui aux productrices et à leur Organisation.

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7 INTRODUCTION

La terre est un moyen de production important notamment dans les activités économiques et une source principale de revenu en milieu rural. Les droits d’accès à la terre, d’utilisation et de contrôle de cette dernière sont reconnus aux femmes en milieu rural par la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes et le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux droits des femmes en Afrique. Cependant des limitations diverses à la capacité des femmes africaines à posséder et à contrôler la terre entravent sérieusement leur capacité à mener des activités économiques et réduit ainsi considérablement leur moyen de subsistance de même que la contribution qu’elles apportent au développement de leur pays.

C’est pour faire un état des lieux sur l’accès différencié, l’utilisation et le contrôle de la terre par les femmes et les hommes en milieu rural au Togo, les facteurs qui constituent des obstacles pour les femmes en vue de faire des propositions en guise de contribution à des réformes de politiques et lois agro foncières que la présente étude a été commanditée.

Le présent rapport provisoire, fruit des différentes investigations et recherches documentaires, est structuré comme suit :

Première partie : Données générales sur le Togo et brève présentation du projet “Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”

Deuxième partie : Approche méthodologique utilisée pour la mission ;

Troisième partie : Résultats de l’étude ;

Quatrième partie : Recommandations.

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PREMIERE PARTIE DONNEES GENERALES SUR LE TOGO ET

BREVE PRESENTATION DU PROJET “Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”

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9 1.1. BREVE PRESENTATION DU TOGO Le Togo couvre une superficie de 56.600 km². Il est limité par le Burkina Faso au Nord, le Golfe de Bénin au Sud, la République du Bénin à l’Est et le Ghana à l’Ouest.

Localisé entre le 6ème et le 11ème degré de latitude Nord et entre 0° et 1°40 de longitude Est, le pays est une étroite bande de terre de 600 km de long et disposant de 50 km de côte. Il est organisé administrativement en cinq Régions comprenant du Sud au Nord : la Région Maritime, la Région des Plateaux, la Région Centrale, la Région de la Kara et la Région des Savanes. La loi n° 2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales a consacré l’autonomie des collectivités locales que sont les régions, les préfectures et les communes.

Du point de vue géologique, le Togo se présente comme un corps central précambrien. Ce socle est annoncé au Sud par un bassin sédimentaire à prédominance argilo-sablonneuse du Crétacé alternant avec des formations plus récentes du tertiaire. Les mêmes caractéristiques se retrouvent plus au Nord. Dans le bassin de la Pendjari, au Nord, elles interfèrent avec l’ensemble voltaïen de l’Atakora.

Le territoire togolais appartient à l’ensemble aplani Ouest-africain constitué de roches primaires supportant les stratifications sédimentaires relativement récentes et n’offre pas à ce titre, de reliefs très affirmés.

La zone montagneuse forme la chaîne des monts du Togo qui constitue la partie principale d’un ensemble plus vaste de la chaîne de l’Atakora. Cette dernière prend le centre du pays en écharpe dans la direction Sud-Ouest Nord-Est.

Le paysage typique est composé de vallées profondes et étroites qui individualisent les plateaux.

Dans la Région des Savanes se trouve la plaine d’inondation de l’Oti où ce fleuve et ses affluents divaguent avant de s’échapper vers la Volta.

Entre le 6°30 et le 9°20 Nord, s’étend la vaste plaine orientale qui se prolonge vers le Sud donnant le plateau de terre de barre qui domine la zone lagunaire et couvre plus de deux tiers de la Région Maritime. Le plateau est traversé presqu’en diagonale par la dépression de la Lama entrecoupée par de larges vallées du Mono, du Haho et du Zio.

La zone lagunaire, dont l’altitude est par endroits inférieure au niveau de la mer, comporte une partie avec un plan d’eau discontinu. Le littoral forme une côte basse et sablonneuse présentant par endroits un aspect escarpé sous l’influence de l’érosion côtière.

Le Togo fait partie du domaine intertropical, chaud et humide marqué par deux courants éoliens principaux : la mousson, en provenance du Sud-Ouest porteuse de pluie et les alizés en provenance du Nord-Est qui soufflent durant la saison sèche.

Trois zones climatiques étagées du Sud au Nord caractérisent le pays :

- une zone subéquatoriale (de la côte à la transversale du 8° latitude Nord) à deux saisons de pluie : avril-juillet et octobre-novembre ; - une zone guinéo-soudanienne, zone de transition (du 8° au 10° parallèle) où le caractère bimodal du régime pluviométrique s’estompe avec une saison des pluies de durée variable : avril-octobre ; - une zone soudanienne de type semi-aride (au Nord) avec une seule saison des pluies : mai-octobre.

La population du Togo est estimée par la Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN) à 5 465 000 habitants en 2007, dont 50,6% de femmes et 49,4% d’hommes ; son taux d’accroissement moyen est de 2,4% (DSRP-C, 2009).

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10 La population agricole qui représente 74,7% de la population totale du pays est constituée aux trois quarts de petits agro-éleveurs dont 80% pratiquent l’élevage des espèces à cycle court. Elle est très jeune avec un rapport de masculinité anormalement bas aux âges productifs (64,6% des hommes ont moins de 20 ans contre 54,9% de femmes).

La population active, à majorité féminine (56,4% des actifs agricoles sont des femmes) compte plus de 50% d’analphabètes avec un taux plus élevé chez les femmes (72,6%) que chez les hommes (50,3%) ; l’alphabétisation n’a touché que 1,8% de ceux qui n’ont jamais été à l’école.

Seulement 5,2% de la population agricole sont membres d’une organisation professionnelle ; 7,6% des hommes sont membres d’un groupement contre 1,5% pour le sexe opposé.

L’accès au crédit est limité à 14,9% d’actifs agricoles du sexe féminin contre 11,5% pour le sexe opposé.

Selon les résultats de l’enquête QUIBB réalisée en 2006, l’incidence de la pauvreté est estimée à 61,7% de la population, soit près de 3 242 257 individus répartis dans 535 486 ménages. La pauvreté est essentiellement rurale où l'incidence est de 74,3% représentant 79,9% des pauvres. D’une manière générale, la région des Savanes est la plus pauvre avec une incidence de 90,5 %, suivie des régions Centrale (77,7%), Kara (75,0%), Maritime (69,4%), Plateaux (56,2%) et enfin Lomé (24,5%).

Les groupes des pauvres sont essentiellement des travailleurs à faible revenu, les paysans sans terre et les groupes cibles affectés. Les pauvres existent bien en milieu rural qu’urbain.

1.2. BREVE PRESENTATION DU PROJET

Le projet “Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa” initié par le bureau sous régional du WILDAF pour l’Afrique de l'Ouest s’inscrit dans le cadre du 3ème objectif du Millénaire pour le Développement (OMD). Il intervient dans le contexte d’une Afrique occidentale marquée par des inégalités fortes entre hommes et femmes dans les rapports familiaux, notamment en matière de violence et d’héritage, dans le domaine de l’accès aux ressources et opportunités économiques, au pouvoir et à la prise de décision. Les cibles principales et bénéficiaires sont les femmes membres des coordinations d’organisations paysannes au Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Ghana, et Togo. Les autres cibles en sont les autorités traditionnelles, les populations (hommes et femmes), les coordinations d’organisations paysannes et les autorités publiques.

Le projet a pour objectif global de permettre aux femmes membres des coordinations d’organisations paysannes et des milieux ruraux des 5 pays d’Afrique de l'Ouest, de connaître leurs droits, de les revendiquer afin d’en jouir au même titre que les hommes dans leur vie familiale, communautaire et professionnelle, et de les faire appliquer au profit des femmes de leurs milieux respectifs.

De manière spécifique, le projet vise à :

- éduquer 250 (à raison de 50 par pays) femmes membres des coordinations d’organisations paysannes, sur les droits qui leur sont reconnus dans le cadre familial, communautaire, professionnel et en tant que citoyennes ;

- contribuer à la réduction de la violence à l’égard des femmes en milieu rural par l’implication des communautés dans la lutte contre le phénomène ;

- assurer le respect des droits des femmes dans le règlement des conflits familiaux par les instances familiales et communautaires, notamment en matière d’héritage ;

- favoriser l’accès des femmes à la terre en pleine propriété ou dans des conditions de sécurité.

- Contribuer à la participation des femmes aux prises de décision au sein des communautés et dans les coordinations d’organisations paysannes.

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11 Les femmes bénéficiaires directes du projet travailleront en tant que volontaires et bénévoles et mèneront les actions suivantes dont l’impact combiné rendra possible l’atteinte des résultats :

i) Campagne sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Les composantes de la campagne :

• Les activités d’information et de sensibilisation en vue du changement des coutumes, des connaissances, attitudes et comportements au regard des droits des femmes ;

• Les conseils et assistance juridique aux femmes pour les aider individuellement à se servir du droit pour résoudre les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans les cadres familiaux, communautaire et celui de leurs activités économiques.

• Les activités de lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural. Les femmes paysannes ayant reçu la formation de parajuriste utiliseront à cet effet une approche impliquant les communautés y compris les hommes, dans la lutte.

Les activités se mèneront à travers les comités communautaires qu’elles auront mis en place.

ii) Plaidoyer aux niveaux communautaire et national en vue de l’accès des femmes vivant en milieu rural à l’héritage et à la propriété de la terre indispensables au développement de leurs activités agricoles et commerciales,

iii) Plaidoyer pour la participation des femmes aux prises de décisions au niveau local.

Dans le cadre du plaidoyer pour l’accès des femmes à la propriété de la terre en milieu rural, il est prévu une étude dont les résultats serviront de base pour les activités de plaidoyer.

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DEUXIEME PARTIE APPROCHE METHODOLOGIQUE UTILISEE

POUR LA MISSION

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13 Le présent chapitre a pour objet de définir l'approche méthodologique adoptée pour atteindre les objectifs tels que décrits dans les termes de référence. Les phases de la démarche que nous proposons ci-dessous permettront, à notre avis, d’atteindre les résultats attendus et de couvrir les différents volets des termes de référence. Notre approche a été régulièrement revue afin d’assurer une fiabilité continue et meilleure en fonction de l’avancement de la mission lors des travaux.

L’étude a été réalisée en trois (3) grandes phases successives et interdépendantes :

- PHASE PREPARATOIRE ; - PHASE DE TERRAIN ; - PHASE DE BUREAU.

Chaque phase comporte des étapes.

2.1. PHASE PREPARATOIRE

2.1.1. Entretien d’approfondissement et de compréhension de la mission L’équipe de la mission, au cours de cette étape, a eu un entretien avec les responsables commanditaires de la mission (ONG WILDAF -TOGO) afin d'apprécier toutes les informations relatives à cette mission.

Ce volet nous a permis notamment de :

- Mieux comprendre les activités à entreprendre et formuler certaines hypothèses; - Valider et harmoniser notre compréhension des objectifs, contenu des travaux à

réaliser et des résultats de la mission; - Définir avec plus de précision, les attentes des commanditaires de la mission.

2.1.2. Revue documentaire

Afin d’appréhender les aspects liés à cette étude, le Consultant a pris connaissance du contenu des différents documents y relatifs qui sont disponibles au niveau de WILDAF.

En plus de ce fonds documentaire, la mission a consulté d’autres documents disponibles ayant trait à l’étude au niveau des différentes structures de la capitale et des différentes régions (Maritime, Plateaux, Kara et Savanes).

Ces différents documents ont été analysés et synthétisés pour les besoins de l’étude. Le Consultant a sélectionné les informations pertinentes et les a présentés sous une forme adaptée aux besoins de l’étude. De plus, il a émis un avis sur la « validité » de ces informations.

L’inventaire des documents consultés est présenté dans la partie bibliographique.

2.1.3. Prise de contact de terrain

Il est important de souligner que la mission qui a été en charge de cette étude connaît parfaitement les différentes régions pour avoir réalisé plusieurs études dans le domaine du foncier ou dans d’autres domaines.

La mission a fait une brève prise de contact de terrain d’une durée de deux (2) jours dont le but est de :

• Avoir un premier contact avec les différents groupes cibles à rencontrer avant la période de collecte de données ;

• Etablir des relations de confiance entre le Consultant et les différents responsables des structures intervenants dans le foncier ;

• Recueillir des informations devant permettre de faire un planning de terrain cohérent ;

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• Prévoir des difficultés éventuelles dès le démarrage de la collecte des données sur le terrain et proposer des actions correctives ;

• Orienter la méthodologie en tenant compte des réalités du terrain.

2.1.4. Elaboration des outils de collecte de données Deux types d’outils ont été adoptés, à savoir les fiches d’enquêtes quantitatives pour la collecte des données quantitatives et des fiches d’enquêtes qualitatives (les guides d’entretiens semi-structurés ou de focus groups). Des fiches techniques ont été également élaborées pour l’appréciation des superficies et des types de cultures pratiquées. 2.1.5. Echantillonnage

La mission a déterminé un échantillon à partir d’un plan d’échantillonnage dont les grandes lignes sont les suivantes :

Echantillonnage des préfectures

Les préfectures/Sous préfectures retenues pour la présente étude sont celles indiquées dans les TDR par Région. Il s’agit de : Tône et Cinkassè dans les Savanes, Kozah, et Doufelgou dans la Kara, kloto et Agou dans les Plateaux et Vo et Yoto dans la Maritime-Est.

Echantillonnage des villages

Les villages ciblés pour l’étude ont été sélectionnés d’après leur degré de pression foncière (forte/moyenne/faible) et/ou la présence de zones aménagées, le niveau d’utilisation de la terre par les femmes, …etc. Ainsi dans chaque préfecture, un échantillon raisonné de villages a été retenu.

Echantillonnage des groupes cibles

• Choix des Structures d’Appui

Les Structures d’Appui (ONG, structures étatiques) impliquées dans le développement agricole sont retenues avec un taux de 10% à 100% par préfecture. Une attention a été accordée aux Structures d’Appui impliquées dans le genre, particulièrement les Réseaux d’organisation de femmes.

• Choix des autres acteurs

Un échantillon raisonné des différents acteurs ci-dessous mentionnés a été tiré dans le cadre de cette mission. Ils ont été choisis dans les groupes cibles suivants :

o Collectivités lignagères ; o Exploitants agricoles propriétaires terriens ou non (50% femmes et 50%

hommes) ; o Groupements féminins ou mixtes de producteurs agricoles ; o Organisations mixtes ou non de producteurs agricoles, o Autorités traditionnelles et coutumières ; o Autorités judiciaires et administratives.

L’état récapitulatif de l’ensemble de l’échantillonnage est présenté en annexe 2 2.1.6. Réunion de synthèse

Une réunion de synthèse, qui a regroupé les consultants, les chargés d’étude de ADA Consulting Africa et les responsables de WILDAF TOGO, a eu lieu à la fin de la prise de contact de terrain. Elle a permis d’arrêter les lignes directives qui doivent être observées lors des travaux de terrain. Cette réunion de synthèse a permis de discuter des observations, commentaires et

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15 inquiétudes formulées par les commanditaires sur les outils de collecte et l’échantillonnage proposés.

1.7. Recrutement, formation des enquêteurs et contrôleurs (Superviseurs) et constitution des équipes.

Cette partie de la méthodologie a permis de former les enquêteurs qui appuieront les experts sur le terrain pour :

- une meilleure compréhension des termes de référence avec analyse approfondie des points essentiels;

- une prise de contact avec les instruments de saisie des données; - une étude des techniques de collecte des informations; - un test de simulation (test de remplissage des questionnaires).

A la fin de la formation, la mission a élaboré un plan de déploiement des enquêteurs et le calendrier des enquêtes. Ainsi, les bases de la composition des équipes ont été jetées avec l’organisation et le système de contrôle à mettre en place.

2.2. PHASE DE TERRAIN

Il s’agit des travaux d’enquête proprement dits qui ont été exécutés sur le terrain. L'objectif poursuivi ici est de compléter les informations existantes par des informations susceptibles d'éclairer les décisions, mais non disponibles. La démarche consiste à procéder à des enquêtes directes sur le terrain. Ainsi, cette phase de collecte des données s’est appuyée sur les éléments des TDR qui définissent deux axes à savoir : une enquête quantitative et une enquête qualitative.

2.2.1. Enquête quantitative L’enquête quantitative a été organisée autour des techniques suivantes :

Collecte des données statistiques

C’est une technique qui a permis à la mission de collecter les données existantes sur le foncier (propriétés foncières et formes de mise en valeur), etc et faire un rapprochement avec les données collectées sur le terrain.

Sondages et tests d’opinion En vue de compléter les données des membres des différentes collectivités, la mission a procédé à des sondages auprès d’un échantillon raisonné des autorités traditionnelles, des coordinations d’organisations paysannes et les autorités gouvernementales.

Administration des questionnaires

Cette technique a permis aux différents producteurs/trices des différentes collectivités de s’exprimer sur la nature de l’accès au foncier et les problèmes qu’engendre la succession au niveau des femmes. 2.2.2. Enquête qualitative

L’enquête qualitative s’est appuyée sur les techniques suivantes :

Entretiens de focus-group

C’est une technique qui a permis de collecter des informations nécessaires auprès des collectivités lignagères, des groupements féminins ou mixtes de producteurs/trices comme le montre les photos ci-dessous.

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Photo 01 : Séance de focus-group avec certaines autorités traditionnelles et certains groupements

Entretiens d’approfondissement

A partir de cette technique, la mission a approfondi certains points que les membres des différents groupes n’ont pas eu le courage d’évoquer au cours des entretiens de focus-group pour certaines raisons. Somme toute, il s’agit de disposer des informations complémentaires pour une bonne analyse.

Observation participative C’est une technique de l’approche qualitative qui a conduit les consultants à apporter une appréciation sur les terres que cultivent les femmes par rapport aux hommes et d’en faire une analyse comparative. D’une manière générale, un accent particulier a été mis sur l’approche participative pour permettre aux acteurs d’exprimer leurs opinions. 2.2. 3. Entretiens spécifiques avec les acteurs institutionnels

La mission a eu des entretiens avec des acteurs institutionnels et d’autres partenaires impliqués dans cette problématique. Il s’agit des Organisations locales de Développement partenaires, les structures étatiques d’encadrement du développement rural, les ONG, ... etc.

2.2.4. Organisation de la mission sur le terrain La mission a eu trois réunions de coordination avec l’équipe de travail sur le terrain pour le suivi, le cadrage et la gestion des enquêtes de terrain :

• La première en début de mission : séance de travail de cadrage ; • la seconde en cours de mission : appréciation de l’évolution des travaux de terrain avec la

possibilité d’orientation et d’amélioration des guides d’entretien et des fiches techniques, bref exposé des résultats intermédiaires et les premières tendances ;

• la dernière en fin de mission de terrain pour évaluer l’ensemble des travaux sur le terrain et tirer les premières conclusions de la mission.

2.3. TRAVAUX DE BUREAU Ce sont les étapes de dépouillement, de traitement et d’analyse de données d’une part et de rédaction de rapport d’autre part.

2.3.1. Dépouillement, Traitement et Analyse des données collectées

Ce volet de l’approche méthodologique comporte trois (3) sous-volets.

- Vérification et validation des données collectées

On a apprécié la conformité des travaux de collecte et l'arrangement méthodique des données. Ces données lorsqu’elles sont jugées suffisantes sont retenues pour le dépouillement ; dans le cas contraire elles sont déclassées.

- Dépouillement et traitement Au niveau des enquêtes quantitatives, le dépouillement des outils de collecte, la compilation et les traitements des données ont été faits à l’aide du logiciel SPSS Version 16.0 et parfois

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17 manuellement. Des tableaux ont été confectionnés en fonction de la synthèse des informations recherchées. Au niveau des enquêtes qualitatives, le dépouillement des outils de collecte, la compilation et les traitements des données ont été faits manuellement.

- Analyse et interprétation des données

La mission a analysé et interprété les données obtenues suivant les résultats à obtenir. 2.3.2. Elaboration de rapports

• Elaboration de la première version du document provisoire

Les résultats des enquêtes quantitatives et qualitatives avec les groupes cibles susmentionnés et l’exploitation de la documentation disponible sont présentés sous une forme adaptée et compréhensible pour tous. Ils ont servi à la rédaction du rapport provisoire dont les analyses ont permis de cerner les indicateurs mentionnés dans les TDR.

• Elaboration de la seconde version du document provisoire

L'objectif est de disposer d'un projet document finalisé à être validé, les travaux de ce volet comportent :

- la correction du rapport de la première version provisoire soumis aux commanditaires tout en intégrant les observations, propositions et en tenant compte des recommandations,

- l’adoption du projet de rapport de seconde version au niveau de l'équipe de travail et sa restitution au commanditaire.

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TROISIEME PARTIE RESULTATS DE L’ETUDE

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19 3.1. NORMES ET POLITIQUES FONCIERES Le corpus juridique relatif aux normes et politiques foncières au Togo regroupe des instruments juridiques internationaux (conventions, traités et protocoles), des textes régionaux et nationaux.

3.1.1. Normes et politiques foncières aux niveaux international, régional et sous-régional

3.1.1.1. Normes et politiques foncières au niveau international

Le droit de la femme à la propriété, qu’elle soit foncière ou non, est consacré par des instruments juridiques internationaux, notamment :

la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée et proclamée par l’assemblée générale des nations unies dans sa résolution 217 A III du 10 décembre 1948. La Déclaration Universelle des droits de l’homme dit sans équivoque en son article 17 que « toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété».

la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF) adoptée par l’ONU en 1979 et ratifiée par le Togo en 1983. Cette Convention pose le principe du droit des femmes à la propriété par la formulation d’un droit fondamental d’accès aux ressources naturelles.

3.1.1.2. Normes et politiques foncières au niveau régional Au plan régional, on peut retenir :

la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée par l’OUA en 1981 et entrée en vigueur au Togo en 1986 ;

le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits de la Femme en Afrique adopté par la deuxième session ordinaire de la conférence de l’Union Africaine à Maputo le 11 juillet 2003 et ratifié par le Togo en 2005. L’article 19 de ce Protocole stipule que les femmes ont le droit de jouir pleinement de leur droit à un développement durable.

o Aux termes de l’article 21.1, "La veuve a droit à une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint. La veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial, de continuer d’habiter dans le domicile conjugal. En cas de remariage, elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou lui a été dévolu en héritage".

o L’article 21.2 de ce Protocole dispose : "Tout comme les hommes, les femmes ont le droit d’hériter des biens de leurs parents, en parts équitables".

3.1.1.3. Normes et politiques foncières au niveau sous-régional

A ces principaux textes internationaux, s’ajoutent des initiatives et travaux en cours dans le cadre de l’Union Africaine, de la CEDEAO et de l’UEMOA, lesquels sont relatifs à l’accès des femmes à la terre. De l’analyse de ces initiatives régionales et sous-régionales relatives aux orientations et normes partagées en matière d’administration et de gestion du foncier, se dégage, entre autres, la nécessité de :

- élaborer des législations foncières et les mesures d’application des politiques foncières ; - transférer effectivement les compétences et ressources aux institutions foncières

locales ; - améliorer le statut foncier des femmes ; - respecter l’équité en vue de la promotion des femmes et des hommes vivant du secteur

agricole ;

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- renforcer les capacités des services de l’Etat, des collectivités locales et de la société civile en matière foncière ;

- mettre en place des tribunaux fonciers et des instances spécialisées de proximité ; - faire participer les différentes catégories d’acteurs, y compris les femmes, aux structures

de proximité.

Les textes internationaux énoncés plus haut, posent les principes d’égalité devant la loi, d’égale protection de la loi, du respect de l’intégrité de la personne humaine, du droit à l’éducation, à la propriété, de la non discrimination en raison du sexe…etc. Le Togo ayant ratifié lesdits instruments, devrait les internaliser dans sa législation nationale afin de permettre à la femme d’en tirer pleine jouissance autant que l’homme. 3.1.2. Normes et politiques foncières au niveau national Il faut noter que le Togo a fait l’effort d’inclure dans les textes nationaux, les principes et valeurs consacrés par les divers instruments internationaux cités ci-dessus. Il s’agit, entre autres, de la Constitution de la IVème République, du Code des personnes et de la famille, de l’Ordonnance n° 12 du 6 février 1974 portant réforme agro-foncière, du décret n°55-581 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale au Cameroun et au Togo, promulgué au Togo par l’arrêté n°561-55/C du 14 juin 1955 et du Décret du 23 décembre 1922 rendant applicable sur le Territoire du Togo, le décret du 24 juillet 1906, portant organisation du régime de la propriété foncière en Afrique Occidentale Française.

Constitution togolaise du 14 octobre 1992 La Constitution, actuellement en vigueur au Togo, a été adoptée par référendum constitutionnel le 27 septembre 1992 et promulguée par le Président de la République le 14 octobre 1992. Elle comporte 16 titres dont le second traite des droits, libertés et devoirs des citoyens. Les droits reconnus sont, entre autres, le droit au développement (art. 12), le droit de propriété (art. 27), etc. Aux termes de l’article 11 de ladite constitution, «la femme a les mêmes droits que l’homme devant la loi ».

Ce texte qui constitue la loi fondamentale au Togo, consacre le droit des femmes d’acquérir des biens immobiliers et d’en disposer à volonté. Ledit texte pose le principe de l’égalité devant la loi ; ce qui suppose que les femmes devraient avoir accès à l’héritage et à tous les autres modes d’acquisition de la terre en tant que citoyennes ; principe de l’égalité oblige.

Ordonnance n° 12 du 6 février 1974 portant réforme agro-foncière

L’ordonnance du 6 février 1974 avait des buts purement économiques dont la réalisation devrait passer par la création d’un domaine foncier national, un véritable patrimoine commun national de nature à permettre la réalisation de programme d’aménagement agricole en fonction des exigences du développement de l’économie nationale. La consécration au Togo d’un régime foncier complexe dans lequel le droit coutumier et le droit moderne coexistent est à l’origine de l’exacerbation du problème d’accès à la terre. A la suite de la réforme agraire opérée par l’ordonnance du 6 février 1974, les efforts déployés pour établir un système moderne d’enregistrement des terres ont donné des résultats limités. La procédure est longue et coûteuse si bien que la majorité des ruraux n’ont pas les moyens de la mettre en œuvre. La difficulté majeure est la dualité du régime juridique du foncier : un régime relevant du droit moderne qui côtoie, sans pouvoir réussir à l’éliminer, le droit coutumier qui est encore très vivace.

Somme toute, nous pouvons dire que la réforme agro-foncière initiée en 1974 n’a pas eu un impact positif sur l’accès des Togolais à la terre en général et particulièrement les femmes pour des raisons liées aux pratiques coutumières comme nous le verrons dans les développements ci-dessous.

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Décret n°55-581 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale au Cameroun et au Togo, promulgué au Togo par l’arrêté n°561-55/C du 14 juin 1955

Le décret n°55-581 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale au Cameroun et au Togo, promulgué au Togo par l’arrêté n°561-55/C du 14 juin 1955 consacre une conception plus restrictive qui limite le domaine privé de l’Etat et des autres collectivités publiques aux biens et droits immobiliers détenus par ceux-ci sous les formes et conditions prévues par le code civil ou le régime de l’immatriculation. La législation foncière coloniale n’a pas réussi à réduire l’importance des droits fonciers coutumiers au Togo, surtout en milieu rural où ils sont encore prédominants.

Décret du 23 décembre 1922 rendant applicable sur le Territoire du Togo, le décret du 24 juillet 1906, portant organisation du régime de la propriété foncière en Afrique Occidentale Française

Le décret du 23 décembre 1922 rendant applicable sur le Territoire du Togo le décret du 24 juillet 1906 portant organisation du régime de la propriété foncière en Afrique Occidentale Française, a introduit au Togo, la notion de propriété au sens romain du terme et consacré une rupture avec les règles foncières coutumières. Méconnaissant délibérément les caractéristiques des coutumes foncières, elle attribue au Territoire, aujourd’hui l’Etat, la propriété des terres vacantes et sans maîtres.

Ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la famille

Le Code des personnes et de la famille reconnaît à la femme le droit de succession. En effet, ce texte dispose en son article 400 que, "la loi ne considère ni la nature, ni l’origine des biens pour en régler la succession". Ce texte a reconnu à l’épouse survivante des droits dans la succession de son époux ; avant son avènement, les femmes n’héritaient pas de leurs époux. Ainsi, la femme exerce l’autorité parentale sur ses enfants et gère les biens de son mari décédé (article 242). La veuve succède à son mari même si celui-ci a des parents et des enfants (article 430). Elle a droit au quart des biens de son mari décédé si ce dernier a des enfants (article 431). Elle a droit à la moitié des biens de son mari décédé si ce dernier n’a pas d’enfants (article 432). La veuve a droit à la totalité des biens de son mari décédé si ce dernier n’a ni parents ni d’enfants (article 433). Ces dispositions constituent une innovation apportée et qui devraient en principe améliorer l’accès des femmes à la terre. Ce texte, bien appliqué, permettrait de faciliter l’accès de la femme à la terre.

Au-delà de ces instruments juridiques nationaux, le Gouvernement togolais s’est engagé, dans son Document Complet de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP-C) validé en atelier national en avril 2009, à définir une nouvelle politique foncière qui reconnaisse et sécurise les droits d’origine coutumière, dans un cadre juridique permettant d’évoluer graduellement vers une plus grande individualisation tout en protégeant les droits des groupes vulnérables. Il sera envisagé dans ce cadre : (i) la mise en place de marchés fonciers (de propriété ou locatif) transparents et efficaces permettant une bonne transmission et une mise en valeur optimale des ressources disponibles ; (ii) la recherche d’une plus grande décentralisation avec la participation des populations locales et institutions coutumières à la gestion foncière et à la gestion des conflits ; (iii) l’accès facile des femmes et des jeunes à la terre (y compris les veuves et orphelins de patients décédés du sida); (iv) la réduction des risques de morcellement des terres par le mode d’héritage, etc. Aussi, est-il envisagé d’initier un programme d’actions pilotes au niveau des zones représentatives de la diversité foncière en vue d’identifier des systèmes de gestion rationnelle de l’espace et des ressources naturelles en tenant compte à la fois, des besoins et intérêts des populations, des priorités socio-économiques et écologiques du

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22 Gouvernement. Le Gouvernement envisage aussi de récupérer, restaurer et remettre aux propriétaires pour leur exploitation agricole, les terres qui, dégradées par l’extraction du phosphate, sont laissées dans un état inexploitable.

3.1.3. Analyse critique de la politique et de la législation en matière successorale au Togo 3.1.3.1. Succession et conformité aux normes internationales et régionales

africaines de promotion des droits de la femme Au plan international, le Togo est Partie, entre autres, à la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) et au Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique. Des dispositions de ces deux textes internationaux sont relatifs aux droits de la femme en général et à la succession en particulier comme le relève l’analyse ci-après. Aux termes de l’article 20 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits de la Femme en Afrique, "Les Etats prennent les mesures légales appropriées pour s’assurer que la veuve jouisse de tous les droits humains". L’article 21.1 dispose que "La veuve a droit à une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint. La veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial, de continuer d’habiter dans le domicile conjugal. En cas de remariage, elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou lui a été dévolu en héritage". L’article 21.2 de ce Protocole dispose : "Tout comme les hommes, les femmes ont le droit d’hériter des biens de leurs parents, en parts équitables".

Aux termes de l’article 2 de la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes, les Etats Parties s'engagent, entre autres, à inscrire dans leur constitution ou toute autre disposition législative appropriée, le principe de l’égalité des hommes et des femmes, adopter des mesures législatives et d'autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard des femmes, instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes. Par ailleurs, les Etats devront "abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l'égard des femmes".

L’article 5 de la Convention impose aux Etats de prendre des mesures appropriées pour notamment, "modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes".

Aux termes de l’article 14.2 de la Convention, les Etats Parties s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans les zones rurales afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, leur participation au développement rural et à ses avantages et, en particulier, à assurer aux femmes le droit de recevoir un traitement égal dans les réformes foncières et agraires et dans les projets d'aménagement rural.

Enfin, son article 16.1 veut que les Etats Parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer " les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d'acquisition, de gestion, d'administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu'à titre onéreux".

Au plan national, l’article 50 de la Constitution précise que "les droits et devoirs énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Togo, font partie intégrante de la présente constitution". L’article 140 dispose en substance : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque

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23 accord ou traité, de son application par l’autre partie". Ces dispositions prédisposent à une meilleure prise en compte des droits de la femme au même titre que l’homme dans la législation nationale. Ce qui n’est pas encore le cas.

En effet, la législation togolaise n’est pas conforme aux normes internationales et régionales africaines de promotion des droits de la femme car l’ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la famille, qui est toujours en vigueur, est antérieure à la constitution et aux engagements internationaux. Elle n’a pas internalisé les dispositions de ces textes, notamment en ce qui concerne la succession. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 391 de ce Code, les dispositions de loi relative à la succession ne sont "applicables qu’à la succession de ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier en matière de successions". Cette disposition supplétive consacre la primauté de la coutume. La loi n’est donc applicable qu’en cas de renonciation à la coutume. Comme nous le verrons, plus loin, le régime de la succession diffère d’une région à l’autre, et n’est pas toujours favorable à la femme, surtout en milieu rural et en matière d’héritage foncier.

C’est ainsi que l’article 397 du Code des personnes et de la famille dispose que : "Le refus de la veuve de se soumettre à des rites de deuil de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle ou à sa délicatesse en peut constituer une injure envers le défunt constitutive d’indignité successorale. Le caractère non injurieux du refus sera apprécié au regard de la coutume du défunt". Comme on le voit, le code renvoie souvent à la coutume, laquelle coutume n’est pas uniforme et dépend des régions du pays. Sans trop exagérer, nous pouvons dire que certaines pratiques coutumières ne cadrent pas avec l’ère actuelle de promotion du genre. Il va sans dire que la législation togolaise paraisse, à nos yeux, dépassée et qu’elle devrait être réécrite pour non seulement prendre en compte l’égalité des sexes consacrée par la Constitution du 14 octobre 1992 mais aussi internaliser les dispositions des textes internationaux en matière de droits de l’Homme et surtout de la Femme, auxquels le Togo est Partie et les initiatives régionales et sous-régionales entreprises en la matière. D’ailleurs, comme il a été relevé plus haut le Gouvernement s’est engagé dans le DSRP-C, à définir une nouvelle politique foncière qui reconnaisse et sécurise les droits d’origine coutumière dans un cadre juridique approprié.

3.1.3.2. Succession dans les politiques et lois en vigueur au Togo

La succession désigne généralement la transmission des biens d’une personne décédée. Elle est donc un mode d’acquisition d’un bien. Aussi, permet-elle le transfert du droit de propriété d’un bien à cause de mort. Le bien peut être un meuble ou un immeuble. Dans le cadre de l’étude, il s’agit essentiellement de la terre agricole.

A l’instar de la succession en tant que mode d’acquisition de propriété, on peut citer les autres modes d’appropriation tels que les contrats translatifs de propriété, notamment la vente et la donation que nous n’analyserons pas ici.

La propriété foncière peut s’acquérir selon les coutumes africaines, par un fait matériel qui est l’occupation ou la mise en valeur. L’acquisition de la terre par voie successorale fait essentiellement appel à l’application des règles coutumières, qui posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

Face aux insuffisances des règles coutumières, l’Etat a dû intervenir par des lois et règlements, en matière foncière. Aux termes des textes, notamment de l’article 391 du Code des personnes et de la famille, en vigueur au Togo, les dispositions de loi relative à la succession ne sont "applicables qu’à la succession de ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier en matière de successions". Il s’agit là d’une disposition supplétive, la primauté étant accordée à la coutume. La loi n’est donc applicable qu’en cas de renonciation à la coutume. Ainsi, on est donc propriétaire du fait de la loi ou de la coutume. Cette dualité du régime foncier togolais s’applique donc en matière de succession de la terre. Mais quel que soit le droit, la loi ou la coutume, le problème de succession reste entier, comme nous le verrons dans les développements ci-après.

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Au Togo, la terre est un bien susceptible d’appropriation par voie héréditaire. La succession s’applique aux terres déjà occupées par les collectivités et les individus. Le législateur togolais n’établit pas de distinction entre les droits acquis par titre foncier et ceux acquis conformément au droit coutumier. Mais l’introduction dans la législation moderne de l’élément "travail" comme principal mode d’acquisition et de consolidation du droit de propriété foncière pose le problème des terres qui ne sont pas mises en valeur, les terres incultes.

Aux termes de l’article 400 du Code des personnes et de la famille, "la loi ne considère ni la nature, ni l’origine des biens pour en régler la succession". La nature du bien a donc peu d’importance pour être attribué à une personne. L’article 27 de la Constitution du 14 octobre 1992 ne distingue pas non plus la nature des biens. La terre étant un bien, peut alors être acquise par voie successorale. Ce qui suppose donc que tout citoyen togolais, sans distinction de sexe, peut être propriétaire de terre. Ce qui n’est pas le cas pour la femme en milieu rural.

La transmission de la terre peut être légale ou testamentaire en matière successorale. En effet, comme nous l’avons relevé plus haut, l’article 391 du code des personnes et de la famille laisse la faculté à toute personne de faire régir la succession de ses biens, y compris la terre, par le régime successoral légal. Cette option est faite devant un officier d’état civil ou par testament.

Si, contrairement à la coutume, la loi ne fait aucune distinction fondée sur la nature, ou sur l’origine des biens, elle reconnaît en matière foncière, l’attribution préférentielle. Aussi, le bénéficiaire de l’attribution aura-t-il la pleine propriété de l’exploitation. L’attribution préférentielle consacre l’idée de partage de la terre du de cujus (du défunt). Le partage successoral est le passage de la propriété privative du de cujus sur l’ensemble de ses terres en plusieurs propriétés privatives. Entre la mort de l’auteur commun et le partage des terres, on observe une période dite d’indivision. Le partage des terres se fait selon un ordre successoral établi par le Code des personnes et de la famille ; la structure de la parenté suit un ordre bien déterminé.

L’ordre successoral est en réalité, un classement des héritiers et il existe cinq (05) ordres d’héritiers à savoir :

les descendants ;

les ascendants ;

les collatéraux ;

le ou les conjoints survivants ; et

l’Etat.

Il faut préciser que cet ordre successoral, prévu par la loi, n’est applicable qu’en cas d’absence de testament. Contrairement au droit coutumier qui exclut certains des héritiers potentiels (surtout les femmes) du partage des terres, en droit moderne, tous les héritiers, surtout s’il s’agit des descendants, peuvent hériter des terres de leur auteur. En effet, aux termes de l’article 399 du Code des personnes et de la famille, "Les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et à son conjoint survivant dans l’ordre et suivant les règles (……) déterminées".

Il ressort de cette disposition légale que la loi n’établit pas de distinction entre les enfants du défunt. Ainsi, tout enfant qu’il soit de sexe masculin ou féminin, peut hériter des terres de son auteur. Quel que soit son sexe, l’enfant hérite de la terre de son père défunt, par voie héréditaire, à la seule condition d’exister à l’ouverture de la succession. Aussi, la loi permet-elle à un enfant simplement conçu à l’ouverture de la succession d’hériter. Sont donc incapables de succéder, les enfants non encore conçus et ceux nés non viables.

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25 L’existence d’un héritier n’est pas une condition suffisante, il faut en plus de l’existence, être digne de succéder. Ainsi, aux termes de l’article 396 du Code des personnes et de la famille, "Est indigne de succéder, celui qui a été condamné en tant qu’auteur, coauteur ou complice, pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort ou porté des coups mortels au défunt. Peut être déclaré indigne de succéder, celui qui a été condamné envers le défunt pour sévices, délits ou injures graves et atteinte grave à l’honneur, à la considération ou aux intérêts patrimoniaux du défunt ou de sa famille".

Tout enfant du défunt qui n’a pas été déclaré indigne pour les causes invoquées ci-dessus, peut devenir propriétaire des terres du défunt. Au demeurant, l’on peut retenir que le pardon accordé par le défunt fait cesser l’indignité.

Les héritiers qui peuvent succéder ou devenir propriétaires terriens à cause de mort, sont de prime abord les enfants du de cujus ; ensuite, viennent les autres. La détermination des héritiers soulève souvent deux problèmes essentiels : celui de l’envoi en possession et celui des obligations des héritiers.

L’envoi en possession est l’acte par lequel les héritiers présomptifs appréhendent les biens du défunt. La jouissance effective des terres transmises aux héritiers par voie successorale, diffère d’une région à l’autre. Dans certaines régions, l’envoi en possession intervient après l’inhumation ; ce qui suppose quelques jours seulement après le décès. Dans d’autres régions, il intervient après la levée du deuil, qui peut durer plusieurs années. Somme toute, l’envoi en possession ne peut intervenir avant l’accomplissement des rites d’inhumation. Durant le temps qui sépare le décès et l’envoi en possession, des mesures conservatoires peuvent être prises. Aussi, pourrait-on confier la gestion provisoire des terres à un administrateur des biens. Il en est ainsi en cas d’indivision.

En contrepartie de l’envoi en possession, les héritiers sont tenus de régler le passif

(dettes) de leur auteur, le règlement du passif étant proportionnel à l’actif reçu. En effet, aux termes de l’article 393 du Code des personnes et de la famille, "Les héritiers sont saisis de plein droit sous l’obligation d’acquitter toutes les charges de la succession". Il est bien évident qu’un héritier qui renonce à la succession n’est pas, en principe, tenu du règlement du passif de son auteur. Cependant, les héritiers peuvent renoncer à la succession du défunt ; mais cette renonciation ne saurait se justifier par le fait que le passif est d’une valeur supérieure à celle de l’actif. Car les héritiers sont tenus de rembourser certaines dettes de leur auteur.

Comme l’on peut le constater, la loi togolaise, n’exclut pas, à priori, la femme de la succession des biens de sa famille ou de son mari défunt. Seulement, les dispositions de la loi, applicables à la succession ne sont valables qu’en cas de renonciation aux coutumes, lesquelles coutumes ne sont pas souvent favorables à la femme en la matière.

3.1.3.3. Succession et pratiques traditionnelles

La question fondamentale posée en droit coutumier est de savoir si la terre est un bien susceptible d’appropriation en matière successorale. D’aucuns diront que la terre ne saurait faire l’objet d’héritage, car elle est un bien intransmissible, soit parce qu’elle est sacrée, soit parce que les utilisateurs ne sont pas propriétaires, soit parce que le propriétaire de la terre est un groupe familial c’est-à-dire la collectivité.

M. DELAFOSSE a pu écrire que "Le groupe étant en principe éternel, immuable, il ne saurait s’agir ni de cession, ni de transmission par voie d’héritage ou autrement d’un droit dont la possession dure indéfiniment et ne peut disparaître que dans le cas d’extinction totale ou une émigration définitive du groupe familial considéré".

La famille étant une personne morale, ne peut transmettre un droit à cause de mort, parce que, sauf cas exceptionnel, l’on ne peut parler de la mort d’une famille.

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26 Cependant, l’on peut dire que la terre qui est un bien collectif avait appartenu à un individu : l’auteur commun qui, à sa mort, la transmet à ses héritiers.

Au Togo, selon les milieux, l’héritage se transmet suivant la lignée paternelle ou celle maternelle. La loi togolaise, en l’occurrence l’article 391 du Code des personnes et de la famille, laisse la liberté aux citoyens de régler la succession par voie coutumière ; le droit coutumier, comme nous l’avons dit plus haut, l’emportant sur le droit moderne.

Les modalités de transmission de la terre par voie successorale en droit coutumier consacrent la transmission ab intestat qui est une transmission de succession en l’absence de testament ; le testament n’étant pas connu des coutumes togolaises. Mais dans les rares cas où le testament est utilisé, il ne s’agit en réalité que d’une confirmation des règles coutumières de dévolution successorale. Aussi, le testateur est-il tenu, dans son testament, au respect de l’ordre coutumier des héritiers. Il n’a pas, en principe, le droit de déshériter un de ses ayants-droits ; un principe qui consacre une maxime romaine selon laquelle : "Les héritiers naissent, ils ne sont pas institués".

Les coutumes togolaises connaissent deux systèmes successoraux : le système matrilinéaire et le système patrilinéaire.

Dans le système matrilinéaire, les enfants ne font pas partie de la famille de leur père, mais de celle de leur mère. De ce fait, ils n’accèdent pas à la succession du père lorsque celui-ci décède. C’est la famille maternelle du père (le de cujus) qui hérite seule des biens du défunt. La tradition veut que tout bien acquis de la terre ne fasse pas l’objet de partage ; la terre étant un bien collectif. Ce système a des conséquences désavantageuses, surtout pour les enfants qui passent la majeure partie de leur vie à travailler la terre avec leur père dont ils n’hériteront jamais. Il en est de même pour leur mère. Cependant, le système matrilinéaire a presque disparu dans nos sociétés contemporaines.

Le système patrilinéaire est le plus usuel de nos jours et il convient de rappeler que dans la plupart des coutumes togolaises, la terre est un bien collectif, appartenant à la famille. Seuls l’usage ou l’exploitation sont individuels. Ce qui nous intéresse ici, c’est la transmission, pour héritage, de la terre par son premier propriétaire. A la mort du premier propriétaire, les terres que ce dernier exploitait, sont transmises à ses héritiers. L’héritier, par excellence ici, est la famille du défunt, car c’est elle qui hérite de la terre.

Il arrive souvent qu’avant sa mort, l’auteur commun interdise tout partage en pleine propriété de la terre et en confie la gestion à son fils aîné. Le partage ayant le même effet translatif que la vente et la donation, il est donc interdit.

Outre la terre, les champs de l’auteur commun font l’objet de transmission successorale. Le caractère collectif du foncier en droit coutumier n’empêche pas qu’un individu puisse être titulaire de biens fonciers et personnels qu’il peut transmettre à ses héritiers directs. Ce sont principalement : le droit de culture et les champs personnels du de cujus.

En droit coutumier, la détermination des héritiers repose sur le lien de sang avec le défunt, qui habilite à recueillir les biens personnels de ce dernier. En matière foncière, il s’agit essentiellement du droit de culture et des champs personnels. Le défunt ne peut, en principe, limiter leurs droits par l’institution de légataire universel. Ce qui n’est, en réalité, qu’une conséquence de l’absence de testament. Mais si, en principe, tous sont habilités à recueillir, par voie successorale, les biens personnels du de cujus, l’ordre de concours diffère selon les degrés de parenté.

Traditionnellement dans le domaine foncier, la vocation successorale a souvent reposé sur des critères matériels tels que la règle de prime géniture, la discrimination fondée sur le sexe, etc. En effet, dans presque toutes les régions du Togo, les filles étaient exclues du partage des

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27 terres du défunt. En ce qui concerne les terrains ruraux, les filles sont souvent écartées de la succession afin d’éviter que les biens fonciers ne sortent du patrimoine de la famille paternelle.

La terre étant dans nos coutumes, un bien collectif, la fille en se mariant introduirait des "étrangers" (ses enfants), qui viendraient déposséder la collectivité de son patrimoine foncier. Elle hérite bien sûr d’autres biens de son auteur, mais pas de la terre ! En dehors des filles qui sont définitivement exclues du partage des terrains ruraux, existent des héritiers qui ne sont pas encore capables de mettre en valeur la terre.

Les héritiers reçoivent des parts variables en fonction de leur ordre de naissance. En effet, l’aîné reçoit, en plus de sa part, celles des héritiers mineurs incapables de mettre en valeur leurs parts et a la responsabilité de subvenir à leurs besoins. Mais, celui-ci a l’obligation de les leur transmettre quand ils auront la capacité de s’en occuper. Ce qui suppose qu’avant l’âge majeur, les héritiers mineurs ne peuvent poser aucun acte juridique relativement à la terre acquise en héritage. Ils sont temporairement exclus non pas du partage de l’héritage, mais de la gestion du bien dont ils sont propriétaires. Les héritiers mineurs sont donc privés de la capacité d’exercice.

L’on peut aussi relever que certaines règles coutumières consacrent un dédoublement du droit foncier : il y a d’une part, le droit d’appropriation qui appartient à la collectivité (la famille) et d’autre part, le droit d’usage (droit de culture) qui appartient aux individus, membres de la collectivité. Ce dédoublement suscite des problèmes car il assujettit l’individu à la collectivité, qui est l’unique propriétaire et peut à tout moment retirer le droit de culture à l’individu.

Comme il a été développé, la situation de la femme togolaise en matière de transmission des terres de sa famille ou de son mari, par voie successorale, n’est pas reluisante.

3.1.3.4. Succession et prise en compte du rôle de la femme dans le domaine agricole

Il découle des développements ci-dessus que dans la plupart des coutumes togolaises, la femme est exclue du partage des terres rurales alors qu’une forte proportion de femmes togolaises exerce dans le domaine agricole (56,4% de la population active en 2004). Malheureusement, des pesanteurs socioculturelles et psychologiques, les us et coutumes en vigueur dans les différents milieux, avec des variantes, ne lui facilitent pas l’accès à la terre, qui constitue le principal facteur de production.

En matière d’accès à la terre, nos enquêtes ont révélé que le principal mode est la cession par héritage (54,6%), ensuite viennent : l’usufruit (47,1%) et la location (31,9%) (Voir tableau 1 ci-dessous. Traditionnellement, les femmes n’héritent de terres ni de leurs parents, ni de leur mari. Elles ne peuvent donc accéder à la terre que par location ou par prêt, pour jouir d’un usufruit qui ne leur assure pas non plus une sécurité dans l’exploitation. L’insécurité foncière a pour conséquence l’incapacité des femmes à pratiquer des cultures pérennes, (elles ne font en général que des cultures vivrières), de faire des investissements durables, bref de jouir durablement de la mise en valeur de la terre.

Il ressort de nos enquêtes de terrain que si certaines coutumes reconnaissent à la femme le droit d’accéder à la terre par héritage, de son auteur, elles ne lui confèrent pas le droit de la transmettre en héritage à ses enfants. L’héritière ne peut vendre les terres reçues en héritage qu’à certaines conditions, comme nous le verrons plus avant.

3.2. RESULTATS DE TERRAIN 3.2.1. Modes d’accès à la terre et modes de faire-valoir

D’une manière générale, la terre agricole est appropriée collectivement par les lignages fondateurs des villages et chaque lignage exerce un droit sur une partie du terroir. C’est le droit coutumier qui continue de régir l’accès aux terres au niveau des différents terroirs comme le souligne la Note de Politique Agricole de la République du Togo. Cependant, les détenteurs de

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28 droits d'appropriation cèdent des droits d'usage (temporaires ou permanents) ou des droits d'appropriation à des individus ou à des groupes d'individus par des conventions formelles ou informelles. 3.2.1.1. Modes d’accès à la terre

Les formes d’acquisition de la propriété foncière dans les zones de l’étude se résument en acquisition par succession ou héritage et en acquisition par achat. Les formes d’accès conférant des droits d’usage aux bénéficiaires regroupent la location, l’hypothèque, l’usufruit et le métayage.

Les entretiens individuels avec les 238 exploitants agricoles tous sexes confondus sur les modes d’accès à la terre présentent les résultats qui sont consignés dans le tableau 1. Tableau 1 : Différents modes d’accès rencontrés au niveau des exploitants agricoles

Mode d'accès Effectifs Pourcentages (%) Héritage 130 54,6 Usufruit 112 47,1Location 76 31,9Achat 13 5,5Hypothèque 6 2,5Métayage 4 1,7Don 0 0Source : Résultats des enquêtes ; ADA Consulting Africa ; 2009

Il ressort de l’analyse des résultats que la propriété par héritage (54,6%) est le principal mode d’accès à la terre agricole au niveau national. L’usufruit vient en seconde position avec un taux de 47,1%. Cette importance relative de l’usufruit peut s’expliquer par le fait qu’il prend en compte les prêts à titre gratuit et les attributions coutumières aux niveaux paternel, conjugal et amical.

De même, ces résultats montrent que la location reste très importante avec un taux de 31,9%. Ceci s’explique par l’évolution de l’agriculture de subsistance vers l’agriculture commerciale, le niveau de pauvreté entraînant la monétarisation de la terre et l’effet de la pression démographique qui accentue les contraintes de disponibilité des terres cultivables au niveau de certains terroirs.

L’achat ne représente qu’un taux de 5,5% alors que l’hypothèque et le métayage ne sont respectivement que de 2,5% et 1,7%. Le faible taux de l’hypothèque s’explique par sa pratique dans la Région Maritime uniquement alors que le métayage est en voie de disparition.

Quant à l’acquisition par donation, la mission a constaté qu’elle est devenue quasi-inexistante dans les collectivités couvertes par l’étude.

Accès par succession ou héritage et analyse de son importance

Accès par succession ou héritage

L’accès à la terre par succession ou héritage s’effectue selon le droit coutumier à l’intérieur du lignage. Le droit foncier coutumier étant patrilinéaire, il favorise plus les hommes que les femmes du lignage. La répartition des exploitants agricoles, héritiers des terres en fonction du sexe est présentée dans le tableau 2. Tableau 2 : Répartition des exploitants agricoles, héritiers des terres en fonction du sexe Régions Maritime Plateaux Kara Savanes préfectures Vo Yoto Kloto Agou Kozah Doufelgou Tônes Cinkassé

Total

Masculin 4,5% 8,9% 10,7% 7,1% 10,7% 13,4% 17,0% 12,5% 84,8%Féminin 0,0% 0,0% 8,0% 5,4% 0,0% 1,8% 0,0% 0,0% 15,2%Total 4,5% 8,9% 18,8% 12,5% 10,7% 15,2% 17,0% 12,5% 100,0%

Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009

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D’une manière générale, 84,8% des héritiers de droit de propriété foncière sont des hommes et 15,2% seulement sont des femmes.

On note une disparité dans la répartition des femmes selon les régions et les préfectures, les cantons/villages d’une part et au sein des lignages et familles d’autre part.

Les femmes héritières sont rencontrées dans les préfectures de Kloto, d’Agou et de Doufelgou avec un taux respectif de 8%, 5,4% et 1,8%. Ces taux s’expliquent par le changement de vision apparue dans certaines familles qui reconnaissent que les femmes ont les mêmes droits que les hommes en matière de succession alors que d’autres dans le même milieu sont farouchement opposés à l’accessibilité des femmes à l’héritage foncier. Il est important de souligner que la succession n’est pas testamentaire. Ainsi, certains parents de leur vivant pour contourner le principe coutumier attribuent les terres à leurs filles en présence des membres de la famille.

Cependant, il convient de souligner que ces héritières n’ont pas le droit de faire hériter le foncier paternel à leurs enfants mais ont le droit de le faire valoir indirectement sans consultation préalable et de le vendre en cas de besoins urgents (problèmes de santé uniquement) sur consultation et décision du conseil de famille.

Il est important de signaler que les taux nuls observés dans les préfectures de Vo, Yoto dans la région Maritime, Kozah dans les préfectures la région de la Kara, Tône et Cinkassé dans la région des Savanes révèlent que les différentes familles demeurent attachées aux principes coutumiers. Toutefois, ceci n’exclut pas l’existence de quelques cas de femmes héritières dans ces milieux.

Analyse de l’importance de l’héritage

L’acquisition par succession devient indispensable dans la gestion efficace de l’exploitation compte tenu de l’insécurité foncière liée aux modes de faire valoir indirect. L’appropriation par succession tient non seulement son importance de l’insécurité foncière mais aussi de la garantie pour l’octroi du crédit agricole, de la liberté et de l’autonomie de gestion et de la protection contre l’inflation en matière foncière. A la lumière tout ce qui précède, il est important de remarquer une marginalisation très accentuée des femmes en matière de succession foncière.

Accès par achat

L’accès à la terre par achat confère à l’acquéreur un droit de propriété. Les données de l’enquête sont indiquées dans le tableau 3.

Encadre 01 : Persistance du droit coutumier Le groupement Féminin DOGBEDA du village de Lavié-Agoviépé dans la préfecture de Kloto raconte : « Dans notre village, le droit coutumier est encore très vivace et les chefs des lignages sont très conservateurs de la coutume. Certes, pour certains chefs de lignages aujourd’hui, il est normal de faire bénéficier le foncier paternel à la femme. Mais accorder à la femme tous les droits privatifs que confère l’héritage est hors de question. La survivance de la coutume fait que même le chef traditionnel du village qui a pris part à une formation sur le droit de l’accès à la terre des femmes, n’a pas voulu effectuer la restitution à ses notables, de peur d’entrer en conflit avec les anciens du village ».

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30 Tableau 3 : Répartition des exploitants agricoles suivant le mode d’accès par achat Régions Maritime Plateaux Kara Savanes Préfectures Vo Yoto Kloto Agou Kozah Doufelgou Tône Cinkassé

Total

Masculin 15,4% 23,1% 7,7% 15,4% 0% 23,1% 0% 0% 84,6%Féminin 0,0% 15,4% 0,0% 0,0% 0% 0,0% 0% 0% 15,4%

Total 15,4% 38,5% 7,7% 15,4% 0% 23,1% 0% 0% 100,0%Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009

En général, les résultats révèlent que ce mode d’accès à la terre n’est pas très fréquent dans les différentes collectivités enquêtées. C’est ainsi que sur les échantillons sondés dans les préfectures de la Kozah, de Tône et dans la sous-préfecture de Cinkassé, aucun exploitant n’a accédé à la terre par achat. Le faible taux de ce mode d’acquisition semble trouver son sens dans la crainte de manque de terres cultivables pour les descendants dans la mesure où la vente rend plus facilement aliénable la terre en faisant perdre le patrimoine foncier.

Parmi les treize (13) acquéreurs de la terre par achat (localité), onze (11) soit 84,6% sont des hommes et deux (02) soit 15,4% sont des femmes. La totalité des femmes ayant acquis la terre par achat sont rencontrées dans la préfecture de Yoto. On constate un faible niveau d’achat par les femmes par rapport aux hommes alors qu’il n’existe pas de restriction vis-à-vis du sexe en matière d’acquisition par achat.

Ce constat s’explique par le pouvoir d’achat relativement faible des femmes par rapport aux hommes en milieu rural.

Accès par location

La location de la terre est un mode d’accès qui était relativement peu connu dans le système traditionnel mais qui est très pratiqué actuellement. Le paiement de la rente foncière est de deux ordres dans le cadre de la location : en nature ou en espèces. Les entretiens individuels avec les exploitants agricoles ont abouti aux résultats suivants (Tableau 4). Tableau 4 : Répartition des exploitants agricoles suivant le mode de location

Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009

A l’analyse du tableau 4, il se dégage que 51,3% des locataires sont des hommes alors que 48,7% en sont des femmes. Les forts taux de location sont notés dans la préfecture de Tône et la sous préfecture de Cinkassé qui sont respectivement 25% et 29%.

L’accès par location est entrain de prendre de l’ampleur aussi bien pour les allochtones que pour les autochtones en raison du manque de terres fertiles ou du souci d’augmenter les superficies emblavées. Ces dernières raisons servent de motivation chez les exploitants agricoles sans distinction majeure de sexe. Le taux très important des femmes qui louent les terres de cultures explique le phénomène de la marginalisation dont elles sont victimes au niveau de la succession.

Accès par hypothèque

En agriculture, une hypothèque (garantie réelle), selon les règles coutumières, est un droit accordé à un créancier sur une terre en garantie d'une dette, sans que le propriétaire de la terre n’en soit dépossédé. Ce mode d’accès a cours dans le cas où le détenteur de droit de propriété est confronté à un besoin pressant de liquidité. Le propriétaire foncier confère au

Régions Maritime Plateaux Kara Savanes Préfectures Vo Yoto Kloto Agou Kozah Doufelgou Tônes Cinkasse

Total

Masculin 10,5% 5,3% 2,6% 2,6% 1,3% 5,3% 10,5% 13,2% 51,3%Féminin 7,9% 6,6% 1,3% 1,3% 0,0% 1,3% 14,5% 15,8% 48,7%

Total 18,4% 11,8% 3,9% 3,9% 1,3% 6,6% 25,0% 29,0% 100,0%

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31 créancier un droit d’usage de la terre hypothéquée jusqu’au moment où il lui rembourse le crédit en totalité.

Selon les résultats de l’étude, la mise en hypothèque est un mode rare et n’est observée seulement que dans le Sud-Est Maritime plus précisément dans la préfecture de Vo. Dans ce milieu, six (6) exploitants agricoles dont quatre (4) femmes et deux (2) hommes ont accédé à la terre par ce mode.

Ce mode d’accès ne garantit pas la pérennité de l’unité de production de l’exploitant dans la mesure où le propriétaire peut en tout moment rembourser le prêt et entrer en possession de sa terre.

Accès par usufruit

L'usufruit un droit réel principal, qui confère à son titulaire le droit d’utiliser la chose (l’usus) et celui d’en percevoir les fruits (le fructus) mais non celui d’en disposer. C’est un mode d’accès qui évolue vers la location. Les bénéficiaires sont le plus souvent des personnes liées par un lien de parenté ou d’amitié.

Les résultats des enquêtes sont présentés dans le tableau 5 ci-dessous. Tableau 5 : Répartition des exploitants agricole suivant le mode d’accès par usufruit

Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009

L’étude révèle que l’usufruit est le mode le plus répandu après l’héritage. L’analyse par sexe au niveau des différentes régions et préfectures illustre que les taux des femmes, qui accèdent à la terre par usufruit, sont nettement supérieurs à ceux des hommes. Ce taux est en moyenne de 75,6% pour les femmes contre 24,4% pour les hommes.

Ceci se justifie par le fait que dans toutes les collectivités locales, les droits fonciers des femmes se restreignent souvent aux droits d’utiliser (usus) et de faire fructifier la terre (fructus). Ces droits sont obtenus soit d’un parent (masculin) quand la femme vit dans la maison paternelle soit du mari ou de ses parents quand la femme est mariée. Quant aux hommes, ils ont accès par usufruit au cas où le père est vivant ou lorsque le foncier paternel est placé sous le contrôle du chef de lignage qui l’attribue aux descendants pour droit d’usage, comme il a été relevé plus haut.

Accès par métayage Le métayage est un type de bail de la terre dans lequel un propriétaire (bailleur) confie à un métayer le soin de cultiver une terre en échange d'une partie de la récolte. C'est une association où le propriétaire apporte le capital (terre), et le métayer son travail. Le bailleur souvent intervient directement dans la gestion de l'exploitation (le choix des productions, etc.), mais c'est le métayer qui gère au quotidien. Le terme "métayage" vient étymologiquement de "moitié" signifiant un partage par moitié des produits, mais cela peut être différent selon les localités, et la négociation lors de la conclusion du contrat fixe le plus souvent la part du bailleur au maximum au tiers. Les données des enquêtes montrent que le métayage est un mode de tenure foncière de faible envergure, car, pratiqué seulement que par quatre (4) exploitants agricoles. Il demeure en vigueur dans certaines localités de la région des plateaux. Il n’est rencontré que chez les hommes dont trois (3) dans la préfecture de Kloto et un (1) dans la préfecture d’Agou.

Régions Maritime Plateaux Kara Savanes Préfectures Vo Yoto Kloto Agou Kozah Doufelgou Tônes Cinkasse

Total

Masculin 4,7% 5,5% 1,6% 1,6% 5,5% 3,9% 1,6% 0% 24,4%

Féminin 6,3% 10,2% 10,2% 6,3% 11,8% 11,0% 10,2% 9,4% 75,6%Total 11,0% 15,7% 11,8% 7,9% 17,3% 15,0% 11,8% 9,4% 100,0%

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Au regard de l’analyse ci-dessus, il ressort que très peu de femmes sont propriétaires de terres agricoles (proportion relativement faible par rapport aux hommes). A cet effet, elles s’adonnent plus au mode de faire valoir-indirect alors que les hommes souvent propriétaires, font la mise en valeur directe. 3.2.1.2. Mode de Faire-valoir

Les systèmes de gestion d’exploitation rencontrés sur le terrain consacrent deux modes de faire-valoir : le faire-valoir direct et le faire-valoir indirect.

Faire valoir-direct

Le paysan exploite lui-même la terre qu’il possède selon un droit de propriété. Les exploitants en faire-valoir direct sont souvent aidés par une main d’œuvre familiale ou salariée. Ce mode de faire-valoir est du ressort des paysans jouissant de l’appropriation par succession (54,6%) et/ou par achat (5,5%).

Suivant les sexes, il est important de souligner que les femmes ne représentent que 15,2% dans le cas de l’héritage et 15,4% dans le cas de l’achat à pratiquer le faire-valoir direct. Ce qui sous-tend le phénomène d’insécurité foncière dont elles sont victimes.

Faire valoir-indirect

Ce mode allie l’agriculture de tenure et l’économie d’association. L’association se manifeste sous la forme d’une conjugaison entre le capital foncier qui est pris en charge par le propriétaire foncier (bailleur) et les travaux culturaux qui sont du ressort de l’exploitant. Dans une autre mesure, le propriétaire bénéficie seulement d’une redevance en nature ou en espèces. Ainsi, le propriétaire cède ses parcelles à l’exploitant pour leur mise en valeur. Ce mode de faire valoir regroupe le métayage et le fermage (location).

Métayage

Le métayer ne possède ni la terre et parfois, ni le capital d’exploitation. Il a pour obligation de verser au propriétaire une partie de la récolte en fonction de la production. Le système « Dibi-ma-dibi » qui signifie en Ashanti « tu manges je mange » en est un exemple. Ce système, en vigueur dans les plantations de café-cacao et de palmiers, est en voie de disparition comme les taux sus-indiqués le montrent.

Fermage (Location)

L’exploitant (e) agricole ne possède pas la terre mais la loue. Aussi, verse-t-il une somme fixe au propriétaire pour location. Dans ce mode de mise en valeur, le fermier apporte tous les moyens de production à l’exception de la terre. Les exploitants locataires (31,9%) utilisent cette forme de mise en valeur. Suivant les sexes, la proportion des femmes qui utilise ce mode est de 48,7% contre 51,3% pour les hommes. Bien que les deux sexes sont souvent victimes du phénomène d’insécurité foncière, il faut souligner que ce phénomène, au niveau des femmes est plus accentué.

Eu égard à ce qui précède, il se dégage que les différentes modalités de transfert temporaire de droit de culture jouent un rôle extrêmement important dans les dynamiques foncières. Elles sont les modes privilégiés d’accès à la terre des catégories sociales « dominées » surtout les femmes.

L’analyse du mode de faire-valoir indirect à partir du fermage et du métayage, paraît limitative pour décrire la diversité des formes de droits délégués sur le foncier rencontrés sur le terrain. C’est le cas du prêt à titre gratuit ou l’usufruit (47,1% dont 75,6% de femmes) qui est un transfert temporaire des droits d’exploitation accordé par un détenteur de droits fonciers permanents et transmissibles.

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33 3.2.2. Dynamique des transactions foncières dans les zones de l’étude 3.2.2.1. Evolution des transactions foncières dans les zones de l’étude

Les transactions foncières constituent les mouvements de cession des terres à titre définitif ou non. Elles sont considérées comme : « l’ensemble des conventions formelles ou informelles par lesquelles les détenteurs de droits d’appropriation (le plus souvent coutumier) cèdent des droits d’usage (temporaires ou permanents) ou des droits d’appropriation à des individus ou à des groupes d’individus » (Bobakebé, 2002).

Elles comprennent actuellement des formes très diversifiées, de la vente de terre à l’ensemble des formes que recouvre l’expression de droits délégués. En effet, les droits délégués sont l’ensemble des modalités d’accès à des droits d’exploitation sur des terres agricoles appropriées par un tiers. C’est donc un transfert non définitif des droits d’exploitation en dehors du cadre familial. Dans les zones couvertes par l’étude, les droits délégués recouvrent plusieurs modes d’accès à la terre à savoir : le métayage, la location, l’usufruit en dehors du cadre familial et l’hypothèque.

La vente de terre autrefois redoutée par les chefs de famille ou de collectivités est pratiquement devenue une réalité dans les milieux ruraux du Togo. Elle offre la possibilité de pouvoir disposer d’un droit de culture permanent sur une parcelle de terre. Aussi, cette forme de transaction foncière est-elle très convoitée par les producteurs. Mais le degré de vente de terre varie d’une région à une autre et est plus accentué dans les Régions Maritime et des Plateaux que dans les Régions de la Kara et des Savanes.

Les droits délégués d’exploitation de terre qui confèrent à leurs détenteurs un droit de culture temporaire ont connu une évolution dans les pratiques. Le métayage a complètement disparu dans les Régions Maritime, Kara et Savanes au profit de la location. Par contre, dans la région des Plateaux (préfecture d’Agou et de Kloto), le métayage est encore pratiqué mais la location de terre avec une redevance en espèces devient un mode de transaction foncière de plus en plus privilégié. Cependant, ce mode concerne plus les hommes que les femmes. Les hypothèques relatives à la terre n’étaient pas autrefois fréquentes. Aujourd’hui, du fait des situations socio-économiques difficiles, cette forme de transaction foncière est pratiquée dans les milieux ruraux et est plus remarquée dans la Région Maritime surtout dans le Sud-Est Maritime.

Les pratiques des transactions foncières ont évolué sous l’effet conjugué de la pression démographique et du contexte socio-économique difficile que traverse le monde rural togolais. La terre a presque perdu son caractère sacré et est devenue un bien marchand. La location de terre, il y a quelques décennies, n’était pas connue dans certains milieux ruraux du Togo. Mais, elle est devenue le mode d’accès à la terre le plus utilisé dans les transactions foncières. Car elle procure plus de ressources financières aux propriétaires terriens que les autres formes de droits délégués que sont le métayage et l’usufruit en dehors du cadre familial.

Dans les zones de l’étude, il y a quelques décennies les contrats de transactions foncières étaient oraux. Aujourd’hui, les producteurs prennent conscience de la nécessité de sécuriser les transactions foncières remarquables surtout dans les Régions Maritime et Plateaux. Cependant, ces contrats écrits ont un caractère informel. Toutefois, on retrouve des contrats écrits formalisés initiés par certaines ONGs et projets dont la Colombe et le PROSEM (Projet du Sud-Est Maritime) dans le Sud-Est Maritime, l’ONG ATPH (Association Togolaise pour la Promotion Humaine) dans le Sud-Ouest Maritime. L’introduction de ces contrats écrits entre dans la dynamique de sécuriser les cessions de terre afin d’éviter toute tentative inopinée de récupération de la terre par les propriétaires terriens.

Les transactions foncières liées à la location dans les milieux ruraux couverts par l’étude sont très dynamiques à cause de leur souplesse et du gain qu’elles en procurent aux acteurs. En effet, d’un coté, il est plus facile à un homme ou à une femme n’ayant pas la maîtrise foncière de pouvoir accéder à des parcelles de terre sans trop de formalités, de pouvoir l’exploiter et

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34 jouir des fruits. De l’autre côté, le cédant (le propriétaire) en tire un profit pécuniaire ou en nature. Toutefois, il faut noter que le caractère informel des contrats entretient une dynamique de transaction entraînant l’insécurité foncière pour les exploitants.

La dynamique des transactions foncières offre aujourd’hui à la femme des possibilités de pouvoir accéder à des terres cultivables indépendamment du cadre familial qui souvent ne lui reconnaît pas un droit de propriété. Cependant, l’absence de mesures de discrimination positive en termes de réduction des coûts de location et/ou d’achat pour les femmes rurales d’une part et leurs ressources financières limitées d’autre part constituent des facteurs limitant qui ne leur permettent pas de profiter de cette opportunité.

3.2.2.2. Impact de la dynamique des transactions foncières sur l’accès des femmes à la terre

Les transactions foncières offrent la possibilité de détenir un droit de culture temporaire ou définitif et favorisent tant bien que mal l’accès des femmes à la terre.

Aujourd’hui, la vente de terre permet à la femme de devenir facilement propriétaire. Lors des différents entretiens, les femmes ont fait savoir qu’elles ont maintenant la possibilité d’acheter la terre pourvu qu’elles disposent de moyens financiers. Cependant, du fait de la pauvreté (manque de moyens financiers), les femmes des zones de l’étude ont affirmé qu’elles éprouvent de difficultés à accéder à la terre par cette forme de transaction qui pourra leur procurer un droit de propriété. Par contre l’ampleur du caractère marchand que prenne la terre pourrait renforcer les attitudes des hommes à évincer les femmes ou à les dénier de leur droit de propriété sur la terre dans la mesure où les hommes seront plus pousser à tirer le maximum de profit pécuniaire de la vente/location des terres.

La location et l’usufruit en dehors du cadre familial offrent, de nos jours, à la femme la possibilité d’avoir accès à la terre cultivable. Toutefois, avec les problèmes d’éviction que connaissent les femmes, ces modes ne leur garantissent pas un accès durable à la terre. Eu égard à ce qui précède, il convient de souligner que les transactions foncières sont dynamiques et très monétarisées. Quoique l’achat offre la possibilité à la femme de devenir propriétaire, elle n’arrive pas à le saisir à cause de ses moyens financiers limités. Aussi, l’ampleur de la vente et de la location des terres risque t-elle de renforcer l’éviction et de déni de droit aux femmes dans les collectivités rurales.

3.2.3. Initiatives d’exploitation des zones aménagées et leur impact sur l’accès des femmes à la terre

3.2.3.1. Initiatives des zones aménagées

L’aménagement consiste en une série d’opérations destinées à préparer les bas-fonds en vue de leur exploitation. Il est parfois réalisé sous une forme moderne ou rudimentaire. Les opérations d’aménagement une fois réalisées peuvent servir durant plusieurs années.(Photo 02).

ENCADRE 02 : Femmes et insécurité foncière Je me nomme Sozangbé APETSI, cultivatrice à Katihoe (Vo). J’ai accédé par location à une portion de terre d’environ un hectare pour une période de dix ans avec contrat à l’appui. La rente versée était de 50 000 fcfa. J’ai exploité la terre pendant cinq (05) ans. Au cours de la sixième année, le propriétaire m’a remboursé le reste de ma rente foncière sans que le contrat soit arrivé à terme. Pour me rembourser, le propriétaire terrien a pris de l’argent chez un autre exploitant à qui il désire relouer cette portion de terre. Suite à mon refus de quitter la parcelle, il m’a menacé en ces termes : « Si tu viens encore dans mon champ et qu’il t’arrive quelque chose, je n’en serai pas responsable ». J’ai jugé mieux de prendre mon argent que de mettre ma vie en danger.

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Photo 02 : Zones aménagées par l’Etat et certains groupements dans la région des Savanes

Les initiatives d’exploitation des zones aménagées sont du ressort de divers groupes intervenant dans le développement rural. Au Togo, il existe des zones aménagées qui sont la réalisation du gouvernement togolais avec l’appui des bailleurs de fonds ou des Partenaires Techniques et Financiers (PTF). C’est le cas de la vallée rizicole de Kovié financée initialement par les Chinois et actuellement par la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) dans la Région Maritime et de quelques bas-fonds aménagés par le Projet de Développement Rural Intégré des Savanes (PDRIS) avec l’appui financier du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Des zones aménagées de façon rudimentaire sont l’œuvre de certaines Organisations non gouvernementales et des Groupements dans le but d’aider les producteurs à bien exploiter les bas-fonds. C’est l’exemple de l’ONG ARGIRNA dans les villages de la partie Est de la préfecture de l’Ogou : Kèlèkpè N’gbéri, Kotchadjo et Abégba, de RAFIA dans les villages de Tidonti, Kpong.

Les zones aménagées offrent des facilités d’exploitation. Mais leur aménagement est généralement coûteux. De plus, les bas-fonds aménagés permettent de pratiquer la culture du riz ordinairement lucrative et des cultures de contre saison (cultures maraîchères en général). Ce qui attire beaucoup de producteurs hommes ou femmes.

Le contrôle et la gestion des zones aménagées sont d’une importance capitale pour les producteurs du fait que celui qui dispose de terre en propriété dans les zones aménagées pourra facilement obtenir des retombées pécuniaires.

Vu l’importance que les populations locales accordent à des zones aménagées, l’accès est-il le même pour la femme et l’homme ? Les femmes ne sont-elles pas plus défavorisées dans l’accès aux zones aménagées ? 3.2.3.2. Impact des initiatives des zones aménagées sur l’accès des femmes à la

terre

Dans les zones aménagées de la vallée de Zio, le processus d’acquisition de terre pour la riziculture est le même pour les femmes que pour les hommes. Cependant, les femmes, par manque de moyens, n’ont pas facilement accès aux terres. Selon le droit coutumier, la femme dans le village de Ziowounou dans le périmètre irrigué de Kovié peut être propriétaire terrienne. Mais peu d’entre elles font la riziculture. La plupart sont des manœuvres qui sont payées en nature. Les propriétaires terriens de la zone de riziculture de Kovié, sont regroupés en un collectif comprenant les femmes (Meertens, 2001).

Les modes d’accès en vigueur dans les zones aménagées de la vallée de Zio sont par ordre décroissant : l’héritage (l’héritage concerne majoritairement les hommes), la location, l’achat. Les autres modes (prêts à titre gratuit, métayage et hypothèque) sont très insignifiants et sont en voie de disparition. Très souvent, la grande majorité des propriétaires terriens (par achat et héritage) n’exploitent pas les terres aménagées mais préfèrent les mettre en location. Les femmes et les hommes sont soumis aux mêmes conditions d’accès à la terre en ce qui concerne la location. Ainsi, un (1) hectare de terre est loué à 20 000 fcfa en espèce ou contre 100 kg de riz en nature.

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36 Il faut souligner que dans les zones aménagées de la vallée de Zio, 74% des exploitants sont des hommes. Les femmes en particulier, sont généralement confinées dans le rôle d’appui à leurs maris (repiquage, désherbage manuel, application d’engrais, récolte, etc.) et ne jouent pas de rôle important dans le contrôle et la gestion des terres.

Les femmes exploitantes accèdent aux terres de la vallée rizicole généralement par location. Cette dernière constitue un facteur d’alourdissement de leurs charges d’exploitation. Elles sont ainsi amenées à désister très tôt, ou obligées de se contenter de petites superficies, d’autant qu’elles éprouvent souvent des difficultés à mobiliser la main-d’œuvre familiale et elles n’ont pas toujours les moyens de recruter la main d’œuvre salariée (MAEP, 2008).

Dans les villages de la Région des Savanes, le projet PDRIS a aménagé des bas-fonds pour les cultures maraîchères et le riz. Au niveau du maraîchage, le projet, pour mesure de discrimination positive, a retenu un quota de 25% de superficies exploitables pour les femmes dont l’accès à la terre est essentiellement la location. Mais en réalité, les hommes n’ont pas respecté cette disposition et occupent toujours plus de 75% des superficies exploitables.

Quant à la riziculture, elle est une activité essentiellement féminine dans la Région des Savanes. Les femmes, majoritaires, accèdent aux bas fonds rizicoles par location. 3.2.4. Pratiques d’accès au foncier rural 3.2.4.1. Analyse des conditions d’accès au foncier

Conditions d’accès des hommes à la terre dans les milieux ruraux Les différents modes d’accès des hommes à la terre dans les zones de l’étude concernent l’héritage, l’achat, la location, le métayage, l’hypothèque et l’usufruit. Le tableau 6 donne un descriptif des conditions d’accès par rapport à chaque mode rencontré. Tableau 6 : Descriptif des conditions d’accès à la terre des hommes Modes d’accès Conditions d’accès à la terre

Héritage Etre un descendant direct d’un propriétaire terrien. Il s’acquiert par succession du père aux fils et résulte du partage de l’héritage paternel après le décès du père. L’homme a un droit privatif sur la terre acquise par héritage.

Achat Avoir les moyens financiers pour acheter la terre. La terre est accordée à l’homme en présence de témoins. La signature du contrat de vente est effectuée entre le vendeur, l’acquéreur et les témoins auprès du chef du village ou non.

Location

Elle s’obtient après négociation entre un propriétaire de terre et un homme autochtone ou allochtone désireux d’exploiter la terre par ce mode. L’accès est conditionné par le payement d’une redevance en espèce ou en nature. Selon les modalités définies avec le propriétaire, le payement peut se faire au début de la campagne agricole ou à la fin. L’interdiction de faire des cultures pérennes constitue aussi l’une des conditions d’accès. Des fois, un contrat formel ou informel est écrit entre les deux acteurs en présence de quelques témoins.

Métayage

Pour accéder à la terre par métayage, il suffit qu’un producteur s’adresse à un propriétaire de terre désireux de mettre en valeur sa terre par ce mode. La transaction est faite parfois en présence de témoins. Des fois, le preneur offre de la boisson locale (Sodabi ou Tchoukoutou) pour sceller l’accord. Le métayer est tenu de respecter les clauses. A la fin, la récolte est partagée en trois parties. Le propriétaire prend 1/3 et le métayer les 2/3.

Usufruit

Pour les hommes, ce mode renferme les prêts de terre. Là, sur demande de l’exploitant, le propriétaire met une parcelle de terre à sa disposition sans une contrepartie réelle. Le preneur offre le plus souvent de la boisson locale (Sodabi ou Tchoukoutou) comme symbole de la cession du droit de culture. Une partie de la production est donnée au propriétaire à volonté.

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Hypothèque Le propriétaire débiteur remet une parcelle de terre à son créancier pour garantir le payement de sa dette. La durée de l’hypothèque est variable et peut s’étaler de quelques jours à plusieurs années.

Source : ADA Consulting Africa ; 2009

Conditions d’accès des femmes à la terre dans les milieux ruraux Les différents modes d’accès des femmes à la terre dans les zones de l’étude se limitent à l’héritage, l’achat, la location, l’usufruit et parfois l’hypothèque. Le tableau 7 montre un descriptif des conditions d’accès par rapport à chaque mode rencontré. Tableau 7 : Descriptif des conditions d’accès des femmes à la terre Modes d’accès Conditions d’accès à la terre

Héritage

Etre une fille descendante directe d’un propriétaire de terre. Il s’acquiert par succession du père aux filles et résulte du partage de l’héritage paternel après le décès du père. Cependant, dans la plupart des cas, des conditions leur sont imposées : elles n’ont ni le droit de la vendre, ni de la faire hériter par leurs enfants. En cas de l’héritage maternel, aucune restriction n’est imposée.

Achat

Avoir les moyens financiers pour acheter la terre. La terre est accordée à la femme en présence de témoins parmi lesquels son mari. La présence de ce dernier n’est pas obligatoire. La signature du contrat de vente est effectuée entre le vendeur, l’acquéreur et les témoins auprès du chef du village ou non.

Location La location de terre est permise à la femme à condition qu’elle accepte les conditions de payement de la redevance. Mais, la présence de son mari est parfois requise. A cela s’ajoutent les interdictions de faire des cultures pérennes.

Usufruit

La femme jouit de l’usufruit dans trois conditions : être l’épouse d’un propriétaire terrien ; appartenir à une famille disposant de terre ; entretenir des relations de bon voisinage avec des propriétaires terriens. Suivant les cas, il est interdit ou non à la femme de faire des cultures pérennes.

Hypothèque Le propriétaire débiteur remet une parcelle de terre à son créancier pour garantir le payement de sa dette. La durée de l’hypothèque est variable et peut s’étaler de quelques jours à plusieurs années.

Source : ADA Consulting Africa ; 2009 3.2.4.2. Analyse comparée des conditions d’accès à la terre des hommes et des

femmes D’une manière générale, les hommes ont des conditions d’accès à la terre plus favorables que les femmes. En effet, les hommes et les femmes exercent un contrôle très inégal sur la terre. Les hommes ont la possibilité d’aliéner et de transmettre à leurs descendants la terre alors que les femmes se voient souvent refuser ce droit. A part ces deux restrictions, les femmes disposent des mêmes droits que les hommes sur les terres qui font objet d’héritage.

Dans la pratique, en termes de superficie, les hommes héritent plus que les femmes. Toutefois, dans certaines familles, le partage est fait à part égale.

En cas de location, les conditions imposées à l’homme en terme de payement de la redevance sont les mêmes que celles de la femme. Mais, il est ordinairement demandé à la femme, la présence de son mari lors des conclusions d’accords de cession de terre entre le propriétaire de terre et la femme locataire.

Les conditions exigées à l’homme pour le métayage sont les mêmes pour la femme : le partage des récoltes au prorata de 1/3 pour le propriétaire et de 2/3 pour les métayers (homme ou femme). En matière d’usufruit, la femme dispose de plus d’opportunités que l’homme.

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38 Après analyse, il convient de noter qu’en général les conditions d’accès à la terre sont plus favorables aux hommes qu’aux femmes. En matière de succession, l’accès et le contrôle de la terre par l’homme et la femme sont inégaux. 3.2.4.3. Quelques bonnes pratiques d’accès des femmes à la terre

L’accès par achat et l’héritage sont des moyens par lesquels la femme accède durablement à la terre. Mais compte tenu des difficultés financières, seulement une minorité de femmes ont accès à la terre par achat.

Les locations de terre avec des contrats écrits formalisés constituent aussi une forme de bonnes pratiques susceptibles de permettre à la femme une exploitation durable. De même, l’attribution de la terre aux filles du vivant de leur père ainsi que l’attribution de quota de superficies à occuper par les femmes dans les zones aménagées constituent de bonnes pratiques rencontrées sur le terrain.

3.2.4.4. Analyse des fondements des pratiques d’attribution des terres

Fondements des pratiques

Les pratiques d’attribution des terres dans les milieux ruraux entre hommes et femmes trouvent leurs justifications au niveau de la valeur que l’on accorde à la femme et à l’homme selon les us et coutumes dans le monde rural.

En effet, la femme est appelée à quitter la famille souche pour rejoindre la famille conjugale à laquelle elle s’assimilerait presque entièrement. En outre, la femme est considérée dans la coutume togolaise comme un sexe ne pouvant pas pérenniser la lignée paternelle. En réalité, le petit garçon est mieux accueilli par rapport à la petite fille dès la naissance depuis la cellule familiale dans la société togolaise. Cette situation résulte du fait que la structure de la société togolaise est régie par un régime de filiation patrilinéaire. L’enfant appartient au lignage et aux clans paternels. Il porte le nom de son père, le perpétue, respecte les interdits et reste un symbole de prestige social. La jeune fille n’est pas valorisée comme le jeune garçon. Elle ne bénéficie donc pas de certains privilèges dont l’accès à la terre par succession pouvant l’accompagner dans son épanouissement.

Ainsi, par souci de conservation du patrimoine foncier, la terre ne serait pas l’affaire de la femme. Dans cette perspective, l’héritage qui confère un droit privatif sur la terre n’est pas accordé à la femme au même titre que l’homme.

Il est essentiel de mentionner qu’afin de faire hériter la terre à leurs filles, certains parents de leur vivant, pour contourner le principe coutumier, attribuent des terres à leurs filles afin de les mettre à l’abri du déni de droit à leur mort. Cet avis est annoncé au conseil de famille, à certains sages ou à certaines personnes influentes de la famille ou du village. Cet avis peut être aussi annoncé à titre de vente à leur (s) fille (s).

Analyse de l’évolution des fondements

De nos jours, on observe l’accès des femmes (même si elles sont minoritaires) à l’héritage foncier dans certains milieux ruraux. Les raisons qui justifient l’attribution de terre en héritage à la femme trouvent leur origine dans les faits suivants:

- l’évolution des mentalités vers la reconnaissance des droits de la femme sous l’effet des actions de promotion de l’équité-genre (participation à des dépenses de sa famille d’origine : dépenses des funérailles des parents, traitement des maladies des parents, etc.);

- la formation et la sensibilisation des garants des us et coutumes (chefs traditionnels, notables, leaders d’opinions, etc.) ;

- l’émergence d’une élite féminine.

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39 3.2.5. Impact du statut de la terre des femmes sur la productivité et la durabilité de l’exploitation L’agriculture est l’activité principale des femmes en milieu rural. Elles attendent d’elle la satisfaction de leurs propres besoins et ceux de leurs enfants ou de leur foyer entier. Toutefois, elles demeurent majoritairement non propriétaire de terre. Ce qui a des répercutions négatives sur la gestion de l’exploitation. En effet, l’impact du statut des femmes sur la productivité et la durabilité des exploitations est ci-dessous analysé par rapport à l’accès et l’utilisation des facteurs de production par sexe et statut foncier.

3.2.5.1. Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques La première ressource vitale dont dispose le monde rural est la terre. Compte tenu de son état dégradé dans la plupart des zones couvertes par l’étude, elle mérite d’être restaurée et gérée d’une façon durable. Les options de gestion de la fertilité des sols les plus pratiquées sont : l’utilisation d’engrais minéraux, le compostage, les plantes de couverture et les pratiques agro-forestières. Les résultats portant sur l’utilisation des engrais minéraux et des plantes fertilitaires sont présentés dans le tableau 8. Tableau 8 : Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques en fonction du statut foncier

Utilisation d'arbres fertilitaires et des

plantes de couverture (%)

Utilisation d'engrais

minéraux (%) Statut foncier Sexe

Oui Non

Total (%)

Oui Non

Total (%)

Masculin 22,0 71,2 93,2 49,2 44,1 93,2Féminin 1,7 5,1 6,8 3,40 3,40 6,8Propriétaires S/Total 23,7 76,3 100 52,5 47,5 100Masculin 0,80 16,4 17,2 7,4 9,8 17,2Féminin 0,80 82,0 82,8 13,1 69,7 82,8

Non propriétaires

S/Total 1,6 98,4 100 20,5 79,5 100Masculin 22,8 50,9 73,7 45,6 28,1 73,7Féminin 5,3 21,1 26,3 10,50 15,75 26,3

Propriétaires et non

propriétaires S/Total 28,1 71,9 100 56,14 43,85 100Source : Enquête ADA Consulting Africa, 2009

L’analyse des données du tableau 8 révèle que l’utilisation des plantes de couverture (Mucuna) et des arbres fertilitaires (Leucaena leucocephala, Samanea saman, albizia sp, cajanus cajan, etc) est très faible. Cette faiblesse s’est traduite au niveau des non propriétaires, des propriétaires et les propriétaires et non propriétaires par des taux respectifs de 1,6%, 23,7% et 28,1%.

Ce faible niveau d’utilisation est plus prononcé chez les femmes que chez les hommes quel que soit le statut foncier. En effet, les hommes propriétaires de terre utilisent plus les plantes de couverture que les femmes propriétaires, soit 22% d’hommes contre 1,7% de femmes alors qu’au niveau des exploitants non propriétaires, l’utilisation des plantes de couverture est quasiment nulle que l’on soit homme ou femme. Ainsi, 0,80% de femmes et 0,80% d’hommes n’ayant pas la maîtrise foncière utilisent les plantes de couverture. Cette situation est liée au statut foncier des exploitantes agricoles. En réalité, l’insécurité foncière qui gangrène les non propriétaires ne favorise pas l’utilisation des plantes de couverture. Le risque de retrait inopiné des parcelles décourage sérieusement les femmes. Cette situation n’est pas de nature à favoriser la production des femmes où elles sont majoritairement non propriétaires de terre.

Parmi les exploitants agricoles qui disposent les deux statuts, les hommes sont plus enclins à l’adoption des plantes de couvertures que les femmes, soit 22,8% d’hommes contre 5,3% de femmes.

Quant à l’utilisation des engrais minéraux par les exploitants agricoles, il se dégage à la lecture du tableau 8 que les hommes propriétaires utilisent plus d’engrais que les femmes propriétaires,

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40 soit 49,2% d’hommes contre 3,4% de femmes. Cette différence s’explique entre autres par les coûts élevés des engrais, le manque de systèmes et de mécanisme de distribution rapprochés qui engendrent des coûts de transactions (transport, durée d’attente, etc.) qui seraient plus élevés pour les femmes que pour les hommes en raison des coûts d’opportunité plus importants découlant des activités abandonnées.

Au niveau des non propriétaires, les hommes et les femmes emploient moins d’engrais. La proportion de femmes utilisant des engrais est de 13,1% contre 7,4% pour les hommes. On note une légère avance des femmes sur les hommes. Cette ascendance au niveau des femmes se justifie par le fait que les femmes non propriétaires sont souvent des usufruitières sur les parcelles de leur mari où elles ne sont pas très inquiétées à utiliser les engrais minéraux tant que leur époux est en vie.

Par ailleurs, parmi les exploitants qui ont les deux statuts, le degré d’utilisation d’engrais par les hommes est de 45,6% contre 10,5% de femmes.

A l’exception des femmes non propriétaires en ce qui concerne l’utilisation des engrais minéraux, l’accès et l’utilisation des engrais minéraux et organiques par les propriétaires, non propriétaires (utilisation d'arbres fertilitaires et des plantes de couverture) et des propriétaires/non propriétaires cumulant les statuts fonciers sont très en défaveur des femmes.

3.2.5.2. Accès et utilisation des semences améliorées En dehors des engrais minéraux et organiques, les semences améliorées constituent une catégorie non négligeable d’intrants agricoles dans le processus d’intensification agricole. L’utilisation des semences améliorées permet l’amélioration des rendements. Le tableau 9 montre l’utilisation des semences en fonction du statut foncier et du sexe. Tableau 9 : Accès et utilisation des semences améliorées en fonction du statut foncier

Variétés cultivées

Statut foncier Sexes Variétés améliorées

(%)

Variétés locales (%)

Variétés améliorées et locales (%)

Total (%)

Masculin 11,9 3,4 78 93,2Féminin 1,7 1,7 3,4 6,8Propriétaires S/Total 13,56 5,08 81,35 100Masculin 8,2 5,7 3,3 17,2 Féminin 32 45,9 4,9 82,8

Non propriétaires

S/Total 40,2 51,6 8,2 100 Masculin 3,5 7 63,15 73,7 Féminin 8,7 3,5 14,0 26,3

Propriétaires et non propriétaires S/Total 12,2 10,5 77,19 100 Source : Résultats des enquêtes ADA Consulting Africa ; 2009

L’analyse des résultats du tableau 9, montre une disparité dans l’utilisation des variétés cultivées en fonction du statut foncier et du sexe de l’exploitant.

En effet, les exploitants agricoles propriétaires combinent beaucoup plus dans leurs exploitations les variétés locales et améliorées (81,35%) que l’utilisation pure de variétés locales (13,56%) et de variétés améliorées (5,08%). Les hommes utilisant les deux variétés combinées sont nettement supérieurs aux femmes soit 78% d’hommes contre 3,4% de femmes. L’utilisation de la variété améliorée seule est notée auprès de 11,9% des hommes contre 1,7% des femmes. En ce qui concerne la variété locale, son degré d’utilisation pure est de 3,4% pour les hommes contre 1,7% de femmes. En effet, les variétés améliorées sont utilisées essentiellement pour le maïs et accessoirement pour le riz. L’utilisation des variétés améliorées se démontre par leur meilleure productivité et leur cycle plus court.

Pour les non propriétaires de terre, les femmes ont une forte propension à l’utilisation des variétés locales que les hommes, soit 45,9% de femmes contre 5,7% d’hommes. Au niveau des variétés améliorées, les femmes sont nettement en avance sur les hommes soit 32% de femmes contre 8,2% d’hommes. Ceci s’explique non seulement par le fait que les femmes les

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41 utilisent dans le souci d’améliorations des rendements mais aussi par le fait qu’elles ne font essentiellement que des cultures annuelles dont le maïs.

Pour les exploitants ayant les deux statuts (propriétaires et non propriétaires), il y a une forte adoption des variétés locales et améliorées. Ainsi, parmi les deux sexes utilisant les deux variétés, les hommes sont majoritaires, soit 63,1% d’hommes contre 14,03% de femmes.

Il ressort des résultats ci-dessus que malgré les bonnes performances reconnues pour les semences améliorées dans la productivité des spéculations des produits agricoles, le taux de leur utilisation par les femmes reste encore faible. Les raisons qui expliquent ce niveau faible d’utilisation sont entre autres le prix élevé des variétés sélectionnées, l’absence de systèmes de distribution rapprochés, le coût élevé et l’inaccessibilité temporaire ou permanente des engrais minéraux qui sont très indispensables pour les semences améliorées. 3.2.5.3. Accès et utilisation des crédits agricoles La disponibilité et l’accessibilité des crédits agricoles jouent un rôle important dans l’approvisionnement des intrants (engrais, semences sélectionnées) et l’utilisation de la main d’œuvre salariée. Le niveau d’utilisation des crédits agricoles par sexe et par statut foncier est résumé par le tableau 10. Tableau 10 : Niveau d’utilisation des crédits agricoles par sexe et par statut foncier

Utilisation de crédit (%) Statut foncier Sexes

Oui Non Total (%)

Masculin 25,4 67,8 93,2Féminin 5,1 1,7 6,8Propriétaires S/Total 30,5 69,5 100Masculin 0,8 16,4 17,2Féminin 11,5 71,3 82,8

Non propriétaires

S/Total 12,3 87,7 100Masculin 21,1 52,6 73,7Féminin 7 19,3 26,3

Propriétaires et non propriétaires S/Total 28,1 71,9 100Source : Résultats des enquête ADA Consulting Africa ; 2009 Les données du tableau 10 révèlent qu’au sein des propriétaires terriens, les hommes (25,4%) accèdent aux crédits plus que les femmes (5,1%) pour la production agricole alors que parmi les non propriétaires, les femmes (11,5%) ont plus accès aux crédits que les hommes (0,8%). Il faut mentionner que malgré cette situation, l’accès aux crédits des femmes non propriétaires est en faible proportion.

Quant aux exploitants propriétaires et non propriétaires, les hommes utilisent plus de crédits que les femmes, soit 21,1% d’hommes contre 4% de femmes.

Cette faiblesse dans l’utilisation des crédits provient des facteurs comme l’insécurité foncière d’une part les aléas climatiques et le manque de débouchés rémunérateurs pour les produits agricoles d’autre part.

En ce qui concerne les sources de financement de la production agricoles, les enquêtes indiquent que les hommes font recours aux crédits des IMF et des usuriers. Ceci se justifie par le fait que les hommes ont la possibilité non seulement de présenter leurs terres pour garantie mais leur capacité d’épargne plus important. Les femmes, dans leur grande majorité, qui accèdent aux crédits, l’obtiennent pour l’exercice des Activités Génératrice de Revenu (AGR) et non pour l’exercice d’activité agricole. Les quelques rares femmes ayant reçu les crédits rencontrés au cours de l’étude ont été obligées de convertir une partie des crédits reçus pour les AGR dans la gestion de leur exploitation agricole. Ceci ne leur permet pas de rentabiliser les crédits et de les rembourser suivant l’échéancier prévu.

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42 Au clair, il se dégage de l’analyse précédente que le manque de système de crédits agricoles adaptés aux statuts des femmes renforce davantage l’incapacité des femmes à faire des investissements (acquisition des intrants) rentables et durables en agriculture.

3.2.5.4. Accès et utilisation de la main d’œuvre Le facteur travail est un élément fondamental pour la valorisation des intrants agricoles en particulier de l’exploitation en général. Dans les zones couvertes par cette étude, le travail est fourni par deux principales formes de main d’œuvre : la main d’œuvre familiale et celle extérieure (salariale et entraide).

La main d’œuvre familiale est beaucoup plus mobilisée par le chef de ménage souvent homme. Les femmes pour exploiter leur propre unité agricole font recours à la main d’œuvre extérieure (67%) pour la réalisation des activités concernant principalement les travaux de préparation de sols et de sarclage.

La contrainte majeure à l’utilisation de cette main d’œuvre est le manque de moyens financiers car elle devient actuellement de plus en plus chère. Ainsi, la situation économique des femmes en milieu rural ne peut leur permettre que d’emblaver des unités de petites tailles en dehors des exploitations familiales. Les difficultés de mobilisation de la main d’œuvre (familiale et salariale) en temps réel par les femmes compromettent la rentabilité et la durabilité de son exploitation.

3.2.5.5. Types de cultures pratiquées Les cultures pratiquées par les exploitants agricoles sont étroitement liées à leur statut foncier. Dans les zones de l’étude, les unités de production portent soit les cultures annuelles, soit les cultures pérennes ou les deux à la fois (Tableau 11). Tableau 11 : Types de cultures pratiquées en fonction du statut foncier et du sexe (%)

Types de cultures

Statut foncier Sexes Cultures Annuelles

Cultures Pérennes

Cultures Annuelles et

Pérennes

Total

Masculin 0 1,7 91,5 93,2 Féminin 0 0 6,8 6,8 Propriétaires S/Total 0 1,7 98,3 100Masculin 15,6 0 1,6 17,2 Féminin 82 0 0,8 82,8

Non propriétaires

S/Total 97,5 0 2,5 100Masculin 0 1,8 71,9 73,7 Féminin 3,5 0 22,8 26,3

Propriétaires et non propriétaires S/Total 3,5 1,8 94,7 100Source : Résultats des enquête ADA Consulting Africa ; 2009 Le tableau 11 souligne qu’au sein des propriétaires terriens, 98,3% font à la fois les cultures annuelles et pérennes, 1,7% pratiquent les cultures pérennes alors qu’aucun ne pratique les cultures annuelles pures. Ce dernier constat se comprend par le fait qu’en milieu rural les propriétaires terriens pratiquent souvent l’association des vivriers avec les cultures pluriannuelles. Il est très important de noter que toutes les femmes propriétaires associent également les deux types de cultures dans leurs champs.

Photo 03 : Association de cultures annuelles et cultures pluriannuelles

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43 Du côté des non propriétaires, aucun exploitant ne fait les cultures pérennes car cette pratique culturale est interdite dans les clauses de mise en valeur indirecte dont ils jouissent les fruits. Mais il se dégage du tableau ci-dessus que 97,5% des non propriétaires dont 82% de femmes contre 15,6% d’hommes pratiquent les cultures annuelles. Ce fort taux des femmes pratiquant les cultures annuelles confirme les proportions élevées enregistrées pour les femmes qui accèdent à la terre par location (48,7%) et par usufruit (75,6%).

En ce qui concerne les propriétaires et non propriétaires terriens, les enquêtes ont montré qu’ils pratiquent les cultures pérennes pures, les cultures annuelles pures et les deux à la fois dont les taux sont respectivement de 1,8%, 3,5% et 94,7%. Il faut noter que les 3,5% pratiquant les cultures annuelles sont des femmes.

En somme, les femmes majoritairement non propriétaires ne font que les cultures vivrières. Une amélioration de leur statut foncier serait un facteur important pour leur permettre de pratiquer aussi bien les cultures vivrières que de rente. Car lorsque la femme accède à la terre par héritage ou par achat, elle peut y conduire une exploitation de manière à tirer le maximum de ressources. Elle peut investir et adopter les innovations (options de gestion de la fertilité des sols, utilisation de semences améliorées, etc.) pour augmenter la productivité de façon durable et sans crainte. De même, elle peut faire la production des cultures tant pérennes qu’annuelles. Ainsi, elle pourra obtenir une amélioration de son revenu et de ses conditions de vie.

3.2.5.6. Accès à l’encadrement Le transfert de technologies aux producteurs est une étape prépondérante pour l’intensification agricole qui favorise une plus grande utilisation des techniques et pratiques améliorées. Dans les milieux couverts par cette étude, deux catégories de structures encadrent les paysans. Il s’agit de l’Institut de Conseils et d’Appui Technique (ICAT) et des Organisations Non Gouvernementales (ONG) intervenant le dans le développement agricole.

A la lumière des entretiens individuels et de focus group, il ressort qu’en dépit du rôle prépondérant des femmes dans l’agriculture, elles ont un contact limité avec les services de vulgarisation et d’appui conseils. En effet, elles n’obtiennent pas leur juste part des conseils d’encadrement et de vulgarisation, ni d’autres services délivrés par le biais des services de vulgarisation et d’appui conseils (semences et engrais). De fait, les investigations sur le terrain montrent quelques contraintes qui restreignent leurs participations aux séances de démonstrations des structures d’appui. Ainsi, les responsabilités ménagères entravent parfois la mobilité des femmes, empêchant leurs participations aux réunions et formations. Le faible niveau d’instruction des femmes entrave également leur participation effective aux formations, aussi ont-elles souvent de difficultés à cerner les techniques culturales enseignées.

Cependant, certaines structures d’appui dans le souci de promouvoir l’égale participation des femmes et des hommes dans le processus de développement agricole en particulier et communautaire en général, ont introduit dans leurs stratégies d’intervention l’approche genre. C’est le cas de l’IFDC-Afrique qui, en partenariat avec ICAT, ITRA, RAFIA, etc, a intégré l’approche genre dans sa stratégie de développement du programme GIFS afin de permettre aux femmes et aux hommes de bénéficier des formations équitables en matière de l’Apprentissage Participatif et Recherche Action (APRA) appliqué à la Gestion Intégrée de la Fertilité des Sols (GIFS) dans les zones Sud, Centre et Nord du Togo. Cependant, le taux de participation des femmes (environ 10%) demeure toujours faible à cause des motifs ci-dessus mentionnés.

Il convient de retenir que les femmes, ne disposant pas de terre en propriété, manquant de moyens financiers, n’ayant pas accès aux informations sur les nouvelles techniques agricoles, ont des difficultés à adopter les innovations d’intensification agricole susceptibles de les amener à développer des systèmes et des entreprises agricoles durables et compétitifs.

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44 3.2.6. Statut juridique des exploitations agricoles familiales et rôles différenciés des hommes et des femmes dans la gestion de l’exploitation

3.2.6.1. Statut juridique des exploitations familiales

Les exploitations familiales sont détenues et gérées par le chef de ménage qui est souvent l’homme. Toutefois, certaines femmes sont des chefs de ménages. Les femmes chefs d’exploitation sont en majorité des veuves mais certaines d’entre elles sont des femmes mariées dont les époux ne sont pas sur place et elles ont la responsabilité de subvenir à tous les besoins de la famille. Le chef de ménage est l’autorité principale autour de qui se forment le ménage et l’unité de production. Il est le centre de décision et de contrôle de l’exploitation.

En ce qui concerne les localités touchées par l’étude, en dehors des exploitations familiales dont le chef de ménage qui est surtout l’homme contrôle la gestion. Toutefois, il existe des centres de décision secondaires qui s’opèrent au niveau des unités de production gérées par des femmes. Cependant, qu’on soit en face de l’unité de production contrôlée par l’homme et celle gérée par la femme, la taille varie beaucoup suivant le sexe et le mode d’accès (Tableau 12). Tableau 12 : Taille des exploitations en fonction du genre et des modes d’accès (en %)

Taille des exploitations Modes d'accès Sexes

< 0,25 ha [0,25 -0,5 ha [ [0,5 - 1 ha [ [1 -2 ha [ [2-5 ha [ [5 - 10 ha [ ≥ 10 ha Total Homme 2,68 3,57 11,61 24,11 33,93 8,04 0,89 84,82 Femme 0,89 9,82 3,57 0,00 0,89 0,00 0,00 15,18 Héritage Total 3,57 13,39 15,18 24,11 34,82 8,04 0,89 100,00

Homme 0,00 11,54 6,41 20,51 10,26 2,56 0,00 51,28 Femme 2,56 19,23 15,38 10,26 1,28 0,00 0,00 48,72 Location Total 2,56 30,77 21,79 30,77 11,54 2,56 0,00 100,00

Homme 0,94 6,60 3,77 8,49 3,77 0,00 0,94 24,53 Femme 6,60 26,42 19,81 14,15 8,49 0,00 0,00 75,47 Usufruit Total 7,55 33,02 23,58 22,64 12,26 0,00 0,94 100,00

Source : Résultats des enquêtes ; ADA Consulting Africa, 2009 L’analyse des résultats du tableau 12 montre que les femmes exploitent des superficies moins grandes que les hommes, quels que soient les modes d’accès. En effet, les exploitants ayant accédé à la terre par héritage ont des parcelles dont la taille des exploitations emblavées de plus de 5 ha, moins de 1 ha et entre 1 et 5 ha correspondent respectivement aux proportions de 8,93%, 32,14% et 58,93%. Plus précisément, pour les exploitants de moins de 1 ha, on remarque que 17,86% sont du sexe masculin et 14,28% sont du sexe féminin. Quant aux producteurs dont la taille des exploitations se situe entre 1 et 5 ha, 58,04% sont des hommes alors que 0,89% sont des femmes. Par ailleurs, on constate qu’aucune femme n’exploite une superficie héritée de plus de 5 ha ; seuls les hommes en dispose mais dans une proportion faible (8,93%). En ce qui concerne les exploitants locataires de terre, 2,56%, 42,31% et 55,12% ont des exploitions de tailles respectives de plus de 5 ha, entre 1 et 5 ha et moins de 1 ha. Au niveau des exploitations de moins de 1 ha, les hommes occupent une proportion de 17,95% contre 37,17% pour les femmes. Pour les exploitations de taille comprise entre 1 et 5 ha, 30,77% des exploitants sont du sexe masculin tandis que 11,54% sont du sexe féminin. Les superficies de plus de 5 ha sont exclusivement exploitées par des hommes (2,56%). Dans le cas des producteurs jouissant de l’usufruit, 0,94% exploitent une superficie de plus de5 ha, 34,9% sont dans la fourchette de 1 à 5 ha et 64,14% emblavent moins de 1 ha. En effet, pour les exploitants de moins de 1 ha, 11,31% sont des hommes et 52,83% sont des femmes. Pour les producteurs dont la taille des exploitations se situe entre 1 et 5 ha, 12,26% sont des hommes et 22,64% sont des femmes. Comme dans les cas précédents, aucune femme n’exploite une superficie en usufruit de plus de 5 ha.

En bref, la taille des différentes superficies des exploitations emblavées par les femmes sont relativement petites et comprises dans la plupart des cas entre moins 0,25 ha et 2ha. Cette

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45 situation ne les favorise pas à l’amélioration de leurs conditions de vie du fait que la grande majorité sont des agricultrices de profession. 3.2.6.2. Rôles différenciés des hommes et des femmes dans la gestion de

l’exploitation familiale

Traditionnellement en milieu rural, les hommes ont la suprématie sur les femmes. Au sein des exploitations, l’homme est le premier responsable quel que soit son statut foncier : jouissance de droit de culture temporaire, propriétaire individuel ou collectif ou locataire.

L’homme gère donc la terre, décide des cultures à pratiquer, des superficies à cultiver et des périodes de travail de chaque membre sur ses différents champs. C’est lui qui gère également la main d’œuvre familiale et extérieure notamment son utilisation dans les champs de famille placés sous son autorité. C’est également lui qui supporte les dépenses et qui gère les récoltes et les revenus des champs familiaux. Il s’occupe de la production des principales cultures vivrières (maïs, igname, sorgho, niébé, etc.), des cultures de rente (café, cacao, coton, palmier à huile, teck etc.) et de toutes autres cultures qui pourront lui procurer un revenu suffisant.

L’homme a également obligation d’attribuer à sa femme des parcelles. Au cas où il n’est pas propriétaire terrien, de l’aider à emprunter ou à louer des parcelles pour cultiver des champs personnels. Il est important de signaler que surtout dans les familles polygames, les chefs de ménages laissent plus de terre à exploiter aux femmes de manière à permettre à chacune d’elles de produire suffisamment pour couvrir ses propres besoins et ceux de ses enfants.

Au sein des exploitations, on assiste à une division du travail. Généralement, les hommes sont sollicités pour les travaux exigeant un effort physique important tel que le défrichement, le fauchage, le nettoyage, le labour, le battage etc. (Photo 04). Dans les ménages, la femme seule s’occupe de toutes les activités ménagères, du champ de son mari et de son propre champ en plus des charges de mère et d’épouse. Dans les champs familiaux, elles sont sollicitées pour des travaux demandant beaucoup d’attention, de patience, de persévérance ou d’endurance notamment le semi, le désherbage, le vannage et le décorticage, le transport et la commercialisation des produits (Photos 05). La femme apporte également un appui précieux à l’homme dans l’exploitation et se charge de préparer et de servir la nourriture à son époux, aux autres actifs agricoles du ménage ou aux ouvriers prestataires de services.

Photo 05 : Femmes exerçant les activités d’entretien, de récoltes et de vannage

Photo 04 : Hommes préparant le sol par billonnage et déterrant du manioc

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46 Elles jouent aussi un rôle important dans la transformation des produits agricoles. Elles achètent souvent ces produits mais au moment des récoltes, certaines se servent de leur produit récolté. Dans les régions méridionales, le maïs produit peut être transformé en galettes (klanko), en boules d’akassa (akpan, égblin), etc. Le manioc quant à lui, est vendu frais, utilisé pour les besoins du ménage ou alors transformé en gari ou tapioca. Dans les régions septentrionales, le sorgho ou le mil est transformé en boisson locale communément appelée Tchoukoutou. La transformation permet aux femmes d’ajouter de la valeur à leur produit.

3.2.6.3. Impacts des rôles différenciés sur les activités des femmes

Impacts négatifs

Les activités exercées ci-dessus occupent tellement certaines femmes qu’elles n’ont plus le temps de s’occuper de leurs propres activités champêtres. Elles ne disposent pas non plus de moyens financiers pour supporter les charges d’une main-d’œuvre salariée de plus en plus coûteuse et ne peuvent mobiliser les autres actifs du ménage car ils servent au prime abord dans le champ du chef de ménage. Ces contraintes ne permettent pas aux femmes d’exploiter de grandes superficies ou d’avoir un contrôle durable sur une portion de terre exploitée. L’agrandissement du champ du chef de l’exploitation amène parfois la femme à abandonner son propre champ.

L’acquisition des intrants de haute productivité en l’occurrence les engrais vivriers exige des démarches que les femmes ne peuvent faire seules en raison de leurs occupations familiales (prise en charge des enfants, manque de temps pour répondre à tous les rendez-vous infructueux dans les DRAEP à la recherche d’engrais) et du manque de moyens de transport (elles se servent minoritairement de vélos utilisés par les hommes sur de longue distance).

Le statut foncier de la femme en cas de location de terre ne permet pas d’adopter et d’appliquer les technologies de haute productivité (engrais, semences améliorées etc.) même si la femme dispose de moyens financiers. Par ailleurs, une femme qui renouvelle trop son contrat de location est perçue comme entretenant des relations douteuses avec le propriétaire terrien. De plus, une femme qui parvient à obtenir de bons rendements est perçue dans certaine société comme une sorcière (cas dans la région de la Kara).

Toutes ces contraintes sus évoquées limitent la production de la femme, réduisant ainsi considérablement ou annulant son revenu et la maintiennent dans un cercle de pauvreté. La femme rurale éprouve notamment des difficultés à satisfaire ses besoins les plus élémentaires (acquisition de pagnes et d’objets de beauté), ainsi que ceux du ménage (achat de poisson, de sel, de pétrole, de savon, des vêtements pour enfants, etc.) que la plupart des époux leur confient au fur et à mesure que la taille du foyer augmente et que les membres prennent de l’âge.

Impacts positifs

La participation de la femme aux activités agricoles du chef de ménage et la réalisation de ses propres activités (agricoles et génératrices de revenus) pour soutenir le foyer contribuent à un équilibre et à une stabilité de ce dernier (équité et une justice sociale au niveau du foyer, respect mutuel des partenaires, association de la femme aux prises de décision).

Photo 06 : Femmes assurant la transformation et la commercialisation des produits

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47

3.2.7. Obstacles et difficultés empêchant l’accès pérenne des femmes rurales à la terre 3.2.7.1. Difficultés d’ordre coutumier

Pour pouvoir subvenir à ses besoins, l’homme, tout comme la femme rurale, a besoin d’exploiter la terre qui est considérée comme une richesse dans toutes les familles. Cependant, les traditions en milieu rural ne favorisent pas l’héritage de la terre par les femmes qui est pourtant un mode d’accès pérenne à cette ressource. Dans toutes les régions, les raisons évoquées sont similaires et se résument comme suit :

• la terre est un bien inaliénable or la femme de par son statut pourrait disséminer les biens fonciers hors de la famille patrilinéaire ;

• le sexe féminin est considéré dans les coutumes togolaises comme un sexe faible ne pouvant préserver l’unité et la cohésion du lignage ; elle ne peut bénéficier des mêmes droits que le sexe masculin considéré comme le sexe fort ;

• l’enfant du sexe féminin est considéré comme n’appartenant pas entièrement à sa famille d’origine, parce qu’elle sera amenée à rejoindre son mari pour s’assimiler presque entièrement à la famille de celui-ci.

Ces contraintes liées à l’acquisition de la terre par voie successorale des femmes commencent par subir des inflexions dans certaines localités où les actions des ONG à savoir la Colombe, ATPH et CREDI dans la Région Maritime œuvrant pour la promotion du droit de la femme amorcent des changements non négligeables.

3.2.7.2. Difficultés d’ordre social

Comme cité dans les difficultés d’ordre coutumier, selon le rang social, le sexe féminin est et demeure un sexe faible. Cette discrimination d’ordre social renforce la marginalisation de la femme au niveau du partage de l’héritage surtout celui foncier dans les familles.

Le manque d’information des femmes sur leurs droits d’une part et le taux élevé d’analphabétisme de la population agricole féminine au Togo, estimé à 72,6% (RNA, 1996) d’autre part, constituent aussi un obstacle majeur ne leur permettant pas d’engager des procédures de revendication et de recouvrement de leurs droits en cas de déni et d’éviction.

Suivant l’organisation sociale dans les collectivités rurales, l’assignation des membres de la famille devant les tribunaux par les femmes pour les litiges en général et les problèmes fonciers en particulier, est très mal vue et constitue donc un inhibiteur pour les femmes. A cause des menaces dont sont victimes les femmes dans leurs tentatives de recours au droit aussi bien coutumier que moderne dans certaines localités, celles-ci finissent par se résigner. 3.2.7.3. Difficultés d’ordre économique

Les femmes participent moins que les hommes aux autres formes de transactions marchandes portant sur la terre en raison de leur caractère onéreux. La location avec rente en espèce exige des sommes d’argent relativement importantes qu’un nombre restreint de femmes peut réunir. De surcroît, l’achat de terre, un mode accordant des droits complets de propriété, est très onéreux et hors de portée de la plupart des femmes.

En clair, le développement du marché foncier reflète une vulnérabilité croissante à la pauvreté de larges fractions de femmes paysannes.

3.2.8. Analyse des recours pour les femmes en cas de déni de droit et d’éviction de la terre

3.2.8.1. Règlement selon le droit coutumier

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48 Le règlement des problèmes fonciers est le vécu quotidien des autorités traditionnelles. Les problèmes relatifs à l’accès des femmes à la terre sont de deux ordres : le déni de droit et les évictions.

Le déni de droit porte sur le refus d’accorder aux femmes le droit d’hériter, au même titre que les hommes, le foncier paternel. En ce qui concerne les évictions, les conflits proviennent de: la double ou triple location d’un même terrain, le non respect de la durée de location, le transfert d’une locataire vers un autre terrain après qu’elle ait mis de l’engrais sur le premier terrain, le retrait après l’aménagement du sol par dessouchage et défrichement (Encadré 3), les difficultés de paiement du loyer terrien, l’absence ou la remise en cause de contrat.

Dans les milieux ruraux couverts par l’étude, les femmes qui osent recourir au règlement par voie coutumière suivent une hiérarchie. En effet, les femmes ont d’abord recours à leur mari qui porte le problème soit chez le chef de famille ou le chef du village. Au cas où l’une des parties n’est pas satisfaite du verdict, elle porte l’affaire au niveau du chef du canton. Cependant, particulièrement pour les cas de déni de droit concernant la femme, certains chefs du village ou de canton renvoient l’affaire au tribunal (Encadre 04). Par ailleurs, certaines femmes font abstraction de cette hiérarchie et se plaignent directement auprès des chefs de canton.

Les verdicts rendus au niveau des chefs de famille ou de village de même qu’au niveau du chef de canton sont en général équitables pour les cas d’éviction. Cependant, il ressort des entretiens avec les notables et chefs d’une part et des entretiens individuels et de groupes de femmes d’autre part, que les verdicts ne sont pas souvent respectés par les propriétaires (hommes) qui procèdent par des menaces spirituelles. Ces dernières renforcent la résignation des femmes.

Encadré 04 : Règlement du déni de droit par la justice Le chef du village de Yokélé dans la préfecture de Kloto raconte : « dans mon village avait existé une femme qui a eu 7 enfants dont 6 filles et 1 garçon. La femme avait des terres que ses enfants mettaient en valeur de son vivant. Après sa mort, le seul garçon des enfants a défendu à ses sœurs de continuer par mettre en valeur les parcelles de leur mère. Il s’apprêtait à vendre la terre héritée de leur mère quand les filles sont venues se plaindre à moi. J’ai fait porter l’affaire devant le tribunal de Kpalimé. C’est là qu’elle a été tranchée, et les filles ont été établies dans leur droit après un partage équitable des parcelles entre les héritiers.

ENCADRE 05 : Non respect de contrat écrit et l’insécurité foncière Je me nomme Sozangbé APETSI, cultivatrice à Katihoe (Vo). J’ai accédé à une portion de terre d’environ un hectare en location pour un délai de dix ans avec un contrat à l’appui. La rente versée était de 50 000 fcfa. J’ai exploité la terre pendant cinq ans. Au cours de la sixième année, le propriétaire est parti prendre de l’argent chez un autre et est passé me remettre le montant restant sans l’épuisement du contrat ; j’ai riposté et il m’a menacé que si je viens encore dans son champ et quelque m’arrive qu’il ne sera pas responsable. J’ai jugé mieux de prendre mon argent que de mettre ma vie en danger.

ENCADRE 03 : L’usufruit et l’insécurité foncière Je m’appelle Alobahouin AMETEPE, je suis cultivatrice à Katihoe (Vo). J’exploite en usufruit une portion de terre de mon beau-père. Après le décès de ce dernier, un de mes beaux-frères m’a demandé d’étendre ma parcelle en occupant une portion couverte de chiendent et d’arbustes. J’ai dépensé une somme de cent quinze mille (115 000) francs cfa empruntés auprès des usuriers pour dessoucher le champ. Au début de la campagne suivante, il m’a chassée de la parcelle. N’eut été les conseils de mon père j’aurais divorcé de mon mari.

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49 En cas de déni de droit, comme les coutumes ne reconnaissent pas le droit d’accès à la terre par héritage à la femme, la majorité des chefs traditionnels n’abordent pas le problème. Mais d’autres renvoient les parties en conflit au tribunal moderne. Néanmoins, certaines autorités traditionnelles sensibilisées et formées par l’ONG la Colombe dans le Sud-Est Maritime sur les droits d’accès des femmes à la terre par voie successorale et les chefs para-juristes ont commencé par mener des actions d’amélioration du système coutumier relatif aux droits fonciers des femmes (Encadré 06). En effet, les chefs des villages et de cantons de Kpotavé, d’Atsitsogbé (Vo), de Tokpli (Yoto), de Niamtougou (Doufelgou) sont des pionniers dans ce processus. 3.2.8.2. Règlement selon le droit moderne

Le règlement des conflits fonciers selon le droit moderne, se fait par les autorités judiciaires qui existent dans chaque préfecture. Le juge est l’autorité compétente chargée du règlement de ces conflits. Les problèmes fonciers sont récurrents selon les juges rencontrés mais ceux portés par les femmes en situation de déni de droit ou d’éviction sont relativement faibles par rapport aux hommes. Dans le cadre de cette étude, aucune des femmes victimes de déni de droit ou d’éviction de terre interrogées ne s’est plainte à la justice. Ce comportement des femmes se justifie par l’ignorance, la recherche d’un règlement à l’amiable, le poids de la coutume, la peur d’être mal vue par la société ou la peur d’être envoûtée.

En dehors des juges, certains plaignants saisissent les préfets ou les Commandants de Brigade. Ces derniers les orientent souvent vers la justice ou essaient parfois de trancher le problème si possible. C’est le cas du préfet d’Agou qui a tranché un problème de déni de droit d’accès à l’héritage foncier dans une famille à Agou Gadzépé (Encadré 07). Les quelques rares problèmes fonciers portés par les femmes devant les tribunaux, sont tranchés suivant le droit moderne consacré par le Code des personnes et de la famille sans tenir compte de l’article 391, dans le souci de prendre en compte les dispositions prévues dans les instruments juridiques régionaux et internationaux relatifs aux droits des femmes en matière de succession, ratifiés par le Togo.

ENCADRE 06 : Application de la loi coutumière et la loi moderne par un chef de canton Je suis Togbui DEGBE Yawovi Toudji IV, chef canton de Tokpli. En tant que chef traditionnel, j’ai bénéficié, dans le cadre de la promotion des droits des femmes, d’une formation de la part de l’ONG la Colombe (sise à Vogan) relative à l’accès des femmes à la terre. De retour dans mon village, j’ai convoqué les notables et à la suite de la restitution, nous avons décidé d’établir dans la collectivité de Tokpli l’accès équitable des hommes et des femmes à la terre par voie successorale. Nous avons commencé l’application effective. Ainsi, les familles KPOKOSSIOU, ELO et TOROSSI ont-elles accepté et respecté le verdict que nous avons prononcé à leur égard. Je tiens à préciser que les femmes en situation de déni de droit foncier abondent chez nous mais elles ont peur d’être envoûtées par les hommes et renoncent à revendiquer leur droit auprès du trône et encore moins au tribunal. Actuellement, j’applique selon les cas la loi coutumière et la loi moderne dans la collectivité de

ENCADRE 07 : Règlement selon le droit moderne Dans le village d’Agou Gadzépé, un homme avait 6 filles. A sa mort, ses frères directs ont confisqué ses terres et ont refusé d’en donner à leurs nièces car, pour eux, les terres de leur feu frère leur revenaient de droit selon la coutume. Ils ont commencé par vendre les terres quand les filles se sont plaintes auprès du préfet. Ce dernier a tranché en leur faveur conformément au droit moderne en vigueur.

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50 Pour le règlement des conflits fonciers les juges se basent sur le code civil, le code des personnes et de la famille, les coutumes non contraires à la loi nationale en vigueur et la constitution togolaise.

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QUATRIEME PARTIE CONCLUSION ET RECOMMANDATION

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52 4.1. CONCLUSION Au regard de l’évaluation des cadres juridiques, il ressort que les principes juridiques dans les protocoles, chartes et conventions dont le Togo est partie consacrent le principe de l’égalité devant la loi ; ce qui laisse dire que les femmes devraient avoir accès à l’héritage et à tous les autres modes d’acquisition de la terre tant que des citoyens hommes soit disant du sexe fort peuvent en jouir, principe de l’égalité oblige. Pour les principes juridiques contenus dans les textes nationaux, il convient de noter que le régime foncier togolais se caractérise par la coexistence de deux systèmes, l’un dit coutumier et l’autre moderne. Ce dernier permet aux femmes d’acquérir des biens immobiliers et d’en disposer à leur guise. Les textes de lois surtout le code des personnes et de la famille donnent lieu à d’énormes difficultés d’application et par voie de conséquence à l’exclusion des pauvres qui sont en majorité des femmes. L’analyse du cadre juridique a révélé également que la question du genre n’a pas été clairement abordée par les instruments juridiques nationaux, ce qui nécessite des réformes législatives et réglementaires. Par ailleurs, il ressort des enquêtes que beaucoup de femmes se retrouvent dans des ménages soit pour avoir reçu la dot, soit pour avoir vécu avec des hommes de qui elles ont eu des enfants. Malheureusement, devant la loi, elles ne sont pas considérées comme mariées et par conséquent, ne peuvent prétendre à aucun droit dans la succession de leurs époux. Cette situation ne favorise pas l’accès des femmes à la terre. En matière d’accès à la terre, l’héritage, l’usufruit et la location sont les plus courants. Les faire valoir direct et indirect sont les formes de mise en valeur des terres dans les différentes localités. Les modes d’accès des femmes à la terre sont majoritairement l’usufruit et la location. Cette situation de précarité de la femme se justifie par le dualisme juridique (droit moderne rivalise avec le droit coutumier). Ainsi sous le droit coutumier, les droits des femmes à la terre font partie d’un système plus large de distribution des terres ancestrales. La terre est toujours perçue comme appartenant d’abord aux chefs, ensuite à l’homme, chef du ménage. L’homme chef du ménage peut, et par la coutume doit, attribuer une terre à son épouse. Les transactions foncières dans les milieux ruraux sont très dynamiques et souples. En dehors de l’usufruit et du métayage, les autres formes de transactions foncières à savoir la vente et la location sont très monétarisées. Les transactions foncières offrent des opportunités à la femme d’accéder facilement à la terre cultivable. Parmi les transactions foncières monétarisées, la vente accorde à la femme la liberté de gestion de l’exploitation de façon durable. Par contre, la location rétrécit la possibilité d’une exploitation durable des parcelles obtenues par le truchement de ce mode. De fait, la location et les autres formes de droit délégué comme l’usufruit et le métayage donnent des ouvertures à la femme pour accéder à des terres cultivables. Toutefois, les différents entretiens de terrain ont révélé qu’ils constituent des nids d’insécurité foncière. Les hommes sont, en général, détenteurs des superficies relativement grandes. Ils sont en majorité héritiers et peuvent produire aussi bien des cultures pérennes que celles annuelles. Ils sont les chefs des exploitations qu’ils conduisent pour obtenir une production maximale selon les moyens dont ils disposent. Les femmes quant à elles, détiennent des superficies relativement petites et font souvent des cultures annuelles. Dans une exploitation familiale l’homme et la femme exercent des activités complémentaires pour le bien-être de leur ménage. La femme apporte une précieuse contribution qui permet à l’homme d’assurer une sécurité alimentaire et une vie descente à son ménage. Les résultats montrent aussi que les femmes, ne disposant pas de terre en propriété, ont un accès limité aux crédits agricoles, n’ont pas un accès équitables aux informations sur les nouvelles techniques agricoles et ont de difficultés à adopter les innovations d’intensification agricole susceptibles de les amener à développer des systèmes et des entreprises agricoles durables et compétitifs. Le problème foncier relatif à la femme se rencontre dans toutes les régions et les causes y afférentes sont similaires. L’obstacle majeur à l’accès des femmes au foncier est relatif à la coutume. Selon la coutume au Togo la femme n’accède pas à la terre par héritage pour la

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53 simple raison qu’elle est appelée à partir pour se marier dans une autre famille. Pour garder l’intégrité et la pérennité du patrimoine foncier, les femmes sont exclues de cet héritage. Les explications tirées de la tradition semblent non convaincantes parce que même si la femme est amenée à s’assimiler à la famille de son mari, elle ne pourra pas pour autant hériter dans cette nouvelle famille. En matière d’accès durables aux ressources naturelles en générale et à la terre en particulier, le sexe féminin en milieu rural au Togo est donc très marginalisé. Devant cette injustice, la solution pourrait venir d’un changement de mentalité, d’une mobilisation nationale et de réformes législative, et réglementaire pour promouvoir l’accès équitable et durable des femmes à la terre. 4.2. RECOMMANDATIONS 4.2.1. Reformes législatives et réglementaires Les textes de lois applicables au Togo en matière foncière sont multiples et multiformes, désuets et d’interprétation difficile. Dans leur mise en œuvre, ces textes donnent lieu à d’énormes difficultés et par voie de conséquence à l’exclusion des pauvres qui sont en majorité des femmes. Il importe de procéder à des réformes législatives et réglementaires. La sécurité foncière pour tous au Togo et plus spécialement pour les femmes implique nécessairement le vote par les autorités étatiques, de nouveaux textes (Elaboration et vote d’un code foncier unique) lois et la mise en conformité de certains cadres juridiques existants (Code des Personnes et de la famille). En ce qui concerne les nouveaux textes, ils devront nécessairement :

Réécrire le code foncier en conformité avec les instruments juridiques internationaux, régionaux et sous-régionaux ratifiés par le Togo;

Adopter le plus rapidement possible le Code Togolais des Personnes et de la Famille révisé ;

consacrer dans la législation foncière les dispositions des textes internationaux interdisant toute discrimination à l’égard des femmes ;

mettre en place un cadre institutionnel multisectoriel cohérent de gestion du foncier rural ;

transférer effectivement les compétences et ressources aux institutions foncières locales ;

clarifier le cadre institutionnel de gestion des conflits au niveau local et améliorer l’efficacité des instances locales de résolution des conflits ;

rapprocher les institutions et services fonciers des usagers ; renforcer les capacités des services de l’Etat, des collectivités locales et de la société

civile en matière foncière ; mettre en place des tribunaux fonciers et des instances spécialisées de proximité ; créer une synergie entre les institutions de proximité en matière de gestion foncière et

les organes des collectivités locales ; faire participer les différentes catégories d’acteurs, y compris les femmes, aux structures

de proximité ; formaliser, valider et enregistrer les transactions foncières locales ; aborder clairement la question du genre ; promouvoir la pleine citoyenneté des femmes et le respect de leurs droits ; prescrire la forme écrite à tous les modes d’accès à la terre ; constituer un système juridique idéal dans lequel les lois s’appliquent et s’interprètent de

façon équitable et efficace pour toutes les couches de la population ; prévoir une réglementation judicieuse des marchés fonciers urbains et ruraux ; faciliter l’accès des femmes à la propriété foncière en levant les différentes barrières

liées : au poids de la tradition, à l’ambiguïté des statuts de certaines terres due à l’existence du système traditionnel, au caractère onéreux, à la complexité et à la

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longueur de la durée de la procédure d’immatriculation des terres, et du règlement des conflits par nos juridictions ;

prévoir des sanctions rigoureuses en cas de violation de la loi en matière foncière ; créer un titre de propriété fiable pour tous (Homme comme Femme) en supprimant les

titres de propriété précaire car les femmes dont la propriété est sécurisée peuvent dire leur mot dans la conduite des affaires de la cité sans craindre d’être dépossédées de leurs terres ;

prévoir un mécanisme de règlement équitable et rapide des litiges. Les réformes entraînant ainsi la modification du droit foncier et du droit d’héritage des femmes au Togo, constitue une stratégie directe pour améliorer l’accès des femmes à la terre et à la propriété foncière. Elles permettront de renforcer l’accès des femmes au droit foncier et faciliteront la transaction foncière. Ce qui entraînera forcément des avantages économiques et sociaux. 4.2.2. Elaborer et mettre en œuvre un plan de communication pour une appropriation des lois relatives à la propriété foncière Les enquêtes ont révélé sans aucun doute que les Femmes Togolaises ignorent leurs droits et que pour améliorer leur situation, il y a lieu qu’elles soient informées sur lesdits droits que consacrent les textes de droit togolais. Les pouvoirs publics et les OSC pour favoriser l’accès des femmes à la terre devront sensibiliser et informer les populations. Les premiers concernés sont les parents pour les amener à faire :

des donations de terre selon la procédure légale (acte authentique) pour éviter par la suite que leurs donataires parmi lesquels figurent beaucoup de femmes soient dépossédées de leur terre faute de preuve et se trouvent empêchées de pratiquer l’agriculture ou d’autres activités génératrices de revenus ;

des testaments qui règlent les problèmes de succession.

La communication et l’information consistent à faire prendre conscience à tout le monde et en particulier aux femmes que la sécurisation de la terre est un facteur important de développement. Elles permettront d’éduquer et de sensibiliser à grande échelle, d’améliorer la connaissance générale des textes de loi en matière foncière. Les femmes qui constituent plus de la moitié de la population seront alors en mesure de comprendre leurs droits et être capables de les défendre. Ce qui leur permettra de contribuer considérablement et efficacement au développement du Togo. De même, par le canal de la sensibilisation et de l’information, l’analphabétisme juridique sera diminué, la lutte contre la spéculation foncière et l’exclusion des femmes seront efficacement menées.

Pour une sensibilisation réussie, l’implication de tous s’avère nécessaire notamment celle des autorités religieuses, des chefs traditionnels, des Chefs de ménage qui ont une influence certaine sur leur public, des leaders d’opinion et des ONG qui serviront d’interface entre les administrations foncières et les femmes propriétaires. Enfin, les hommes et les garçons doivent être nécessairement associés à cette campagne. Leur contribution est essentielle à la discrimination sexiste. Ils peuvent être des alliés puissants dans la lutte pour l’accès des femmes à la terre. La réussite de la sensibilisation et de l’information passe également par le renforcement et la création des cliniques de consultation foncières (expérience des para-juristes) qui sont des espaces d’aide juridique aux citoyens en particulier les femmes. Par ailleurs, le plan de communication doit s’adresser aussi aux acteurs judicaires en renforçant leur capacité dans l’application des textes juridiques internationaux ayant valeur juridique supérieure aux lois nationales.

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55 4.2.3. Mesures socio-économiques et d’incitation pour accroitre l’accès des femmes à la terre En matière foncière, l’inégalité entre le sexe masculin et féminin est très accrue parce que malgré l’existence de textes et de l’effort politique, la Femme même intellectuelle continue d’être considérée comme inférieure au regard de la tradition. Ayant des ressources limitées, la femme ne peut alors s’acquérir des terres. Pour améliorer son statut et lui permettre d’accéder au même titre que l’homme au patrimoine foncier, il y a lieu en dehors de son information, éducation et dialogue permanent, de prendre des mesures spécifiques la concernant sur les plans socio-politique et économique. 4.2.3.1. Organisation de concours de village meilleur élève en application des textes en faveur des femmes. Les gouvernants locaux en partenariat avec les OSC peuvent décider de mesures sociales et d’incitation de leurs administrés en vue d’une application des textes en faveur des femmes. Il s’agit de retenir les villages ayant fait leurs preuves en matière d’application des textes en faveur de l’accès des femmes à la terre et de les récompenser par la mise en place à leur profit de microprojets de développement (Adduction d’eau ; construction d’infrastructures sociocommunautaires)…etc. 4.2.3.2. Aide à la constitution et à la dynamisation de groupements de femmes Les femmes en groupement seront plus fortes, leurs efforts conjugués leur permettront d’emblaver plus de superficies et d’avoir par conséquent plus de moyens financiers et de pouvoir bénéficier de crédits importants. Il sera judicieux de renforcer ceux qui existent déjà par l’appui technique et financier, susciter et aider à la création desdits groupements dans les zones où ils sont inexistants. La bonne organisation de ces groupements et leur cohésion leur permettront de déléguer facilement leurs représentantes dans les instances de décision sur la problématique de la gestion foncière et d’organiser des visites d’échanges d’expériences entre groupements. 4.2.3.3. Constitution d’une plate forme des OSC pour l’appui à l’accès des femmes à la terre dans les milieux ruraux Wildaf-Togo doit poursuivre ses efforts pour l’accès des femmes à la terre au Togo en s’ouvrant à d’autres OSC intervenant en milieu rural en constituant une plate forme qui aura pour mission:

d’organiser des campagnes de sensibilisation sur le rôle de la femme dans le processus de développement et l’importance de leur accès durable aux ressources naturelles en générale et à la terre agricole en particulier ;

de promouvoir l’éducation et l’alphabétisation fonctionnelle des femmes ; de faire le plaidoyer auprès des leaders d’opinion et des autorités traditionnelles ; de faire le plaidoyer auprès des élus locaux, maires et autres en vue de leur

engagement constant à favoriser les actions des femmes : il s’agit pour les élus locaux, autorités administratives d’aider les femmes dans l’accomplissement des formalités administratives, de développer à leur profit des programmes spécifiques de sensibilisation et de formation.

4.2.3.4. Financement du foncier Les propositions qui paraissent judicieuses ici surtout pour les zones de fortes pressions foncières sont le crédit foncier et l’épargne foncière à des taux d’intérêt réduits qui seront

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56 destinés à favoriser l’accès des femmes à la propriété foncière. Pour ce faire, la mise en place d’une Banque Agricole s’avère indispensable. En ce qui concerne le crédit foncier, il pourra consister en un crédit pour achat au profit d’une agricultrice. Dans ce genre de crédit, la femme ne deviendra propriétaire, qu’après avoir totalement remboursé l’institution financière prêteuse. Mais il y a lieu d’assortir ces crédits d’une assistance technique pour le renforcement des capacités des bénéficiaires pour éviter des impayés. Quant à l’épargne-foncier, elle offre au bénéficiaire la possibilité d’obtenir un crédit foncier en épargnant. Ces différents crédits encourageront les bénéficiaires à investir dans la terre. Ainsi après avoir remboursé totalement les institutions financières prêteuses, les emprunteuses pourront, si elles le désirent, acheter de nouvelles terres pour l’agriculture ou pour une autre activité génératrice de revenus. Ce qui rendra les femmes autonomes et contribuera à la relance de l’économie. Mais au cas où certaines femmes, pour des raisons ou d’autres opteront pour la location des terres, il faudrait alors prévoir dans ces cas, des baux sécurisés qui ne les exposent pas à la dépossession des terres sur lesquelles elles exercent leurs activités. Ces baux doivent être constatés par écrit et portés sur des terres ayant des titres de propriété fiables reconnus par l’administration foncière. Ce qui permettra de garantir la sécurité aux preneurs. 4.2.3.5. Assistance technique adéquate des structures d’appui aux producteurs S’il est exact qu’en accordant des crédits aux femmes, elles pourront disposer de moyens pour acquérir des terres, il demeure aussi vrai que dans certains cas, le crédit n’est parfois pas l’élément le plus important. Il faut également l’appui-accompagnement technique. La mission recommande aux structures techniques (gouvernementales et non gouvernementales) d’appui aux producteurs de faire obtenir aux femmes agricultrices et leur groupement la part juste aux matériels, innovations et technologies agricoles. En effet, il faut faire bénéficier aux femmes leur juste part des conseils de vulgarisation, de renforcement des capacités, d’alphabétisation et d’autres services (semences améliorées, engrais, crédits délivrés par le biais du système de vulgarisation agricole, eau et électricité).

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Document Complet de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, (2009).

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Politique Nationale d’Aménagement du Territoire, (2009)

Textes juridiques internationaux Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Protocole à la charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits de la Femme en Afrique.

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ANNEXES

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Annexe 1 : Termes de référence

Etude : les politiques foncières et l’accès des femmes à la terre Projet: “Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”

I. Contexte

Les présents termes de référence pour le recrutement de deux consultants s’inscrivent dans le cadre d’un projet sous-régional intitulé « Using law for rural women’s empowerment in West Africa». Il s’agira d’utiliser la loi comme outil pour l’autonomisation des femmes rurales. Ce projet initié par le bureau sous-régional du WILDAF pour l’Afrique de l’ouest s’inscrit dans le cadre du 3ème Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD). Il intervient dans le contexte d’une Afrique occidentale marquée par des inégalités fortes entre hommes et femmes dans les rapports familiaux, notamment en matière de violence et d’héritage, dans le domaine de l’accès aux ressources et opportunités économiques, au pouvoir et à la prise de décision. Les cibles principales et bénéficiaires sont les femmes membres des coordinations d’organisations paysannes au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, et Togo. Les autres cibles en sont les autorités traditionnelles, les populations (hommes et femmes), les coordinations d’organisations paysannes, et les autorités gouvernementales.

Le projet a pour objectif global de permettre aux femmes membres des coordinations d’organisations paysannes et des milieux ruraux des 5 pays d’Afrique de l’Ouest, de connaître leurs droits, de les revendiquer afin d’en jouir au même titre que les hommes dans leur vie familiale, communautaire et professionnelle, et de les faire appliquer au profit des femmes de leurs milieux respectifs.

De manière spécifique, le projet vise à :

- éduquer 250 à raison de 50 par pays) femmes membres des coordinations d’organisations paysannes, sur les droits qui leur sont reconnus dans le cadre familial, communautaire, professionnel et en tant que citoyennes ;

- contribuer à la réduction de la violence à l’égard des femmes en milieu rural par l’implication des communautés dans la lutte contre le phénomène ;

- assurer le respect des droits des femmes dans le règlement des conflits familiaux par les instances familiales et communautaires, notamment en matière d’héritage ;

- favoriser l’accès des femmes à la terre en pleine propriété ou dans des conditions de sécurité.

- contribuer à la participation des femmes aux prises de décision au sein des communautés et dans les coordinations d’organisations paysannes.

Les femmes bénéficiaires directes du projet travailleront en tant que volontaires et bénévoles et mèneront les actions suivantes dont l’impact combiné rendra possible l’atteinte des résultats :

i) Campagne sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Les composantes de la campagne sont :

• Les activités d’information et de sensibilisation en vue du changement des coutumes, des connaissances, attitudes et comportements au regard des droits des femmes ;

• Les conseils et assistance juridique aux femmes pour les aider individuellement à se servir du droit pour résoudre les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans les cadres familiaux, communautaire et celui de leurs activités économiques.

• Les activités de lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural. Les femmes paysannes ayant reçu la formation de parajuriste utiliseront à cet effet une approche impliquant les communautés y compris les hommes, dans la lutte. Les activités se mèneront à travers les comités communautaires qu’elles auront réussi à mettre en place.

ii) Plaidoyer aux niveaux communautaire et national en vue de l’accès des femmes vivant en milieu rural à l’héritage et à la propriété de la terre indispensables au développement de leurs activités agricoles et commerciales,

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61 iii) Plaidoyer pour la participation des femmes aux prises de décisions au niveau local. Dans le cadre du plaidoyer pour l’accès des femmes à la propriété de la terre en milieu rural, il est prévu une étude dont les résultats serviront de base pour les activités de plaidoyer. A cet effet, le WILDAF-TOGO Cherche à recruter deux consultants pour la conduite d’une étude au plan national sur les politiques foncières et l’accès des femmes à la terre. II. Objectifs de l’étude. La terre est un moyen de production important notamment dans les activités économiques et une source principale de revenu en milieu rural. Les droits d’accès à la terre, d’utilisation et de contrôle de cette dernière sont reconnus aux femmes en milieu rural par la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes et le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux droits des femmes en Afrique. Cependant des limitations diverses à la capacité des femmes africaines à posséder et à contrôler la terre entravent sérieusement leur capacité à mener des activités économique et réduit ainsi considérablement leur moyen de subsistance de même que la contribution qu’elles apportent au développement de leur pays.

L’étude vise à faire un état des lieux sur l’accès différencié, l’utilisation et le contrôle de la terre par les femmes et les hommes en milieu rural, les facteurs qui constituent des obstacles pour les femmes en vue de faire des propositions en guise de contribution à des réformes de politiques et lois agro foncières. De manière spécifique, l’étude devra :

• Entreprendre une compilation et une analyse critique des politiques et lois foncières, de la législation en matière successorale, du point de vue : - de la conformité aux normes internationales et régionales africaines de promotion des

droits de la femme ; - de la prise en compte du rôle des femmes dans le domaine agricole ; - de la capacité de ces politiques et lois à permettre aux femmes d’accéder à la terre

ainsi que la nature juridique des droits que les politiques et lois leur confèrent sur cette terre (usufruit, propriété, autre droit plus précaire ?) ;

• Déterminer les différents modes d’accès à la terre en milieu rural, par les hommes et les femmes et l’importance en particulier de l’accès par l’héritage ;

• Analyser les pratiques d’accès des hommes et femmes à la terre en milieu rural (conditions d’accès, fondements des pratiques) ;

• Déterminer l’impact du statut de la terre sur l’exploitation qui en est faite par les femmes, la productivité et la durabilité de l’exploitation ;

• Analyser les rapports entre le statut juridique des exploitations agricoles familiales, les rôles différenciés des hommes et des femmes, la production agricole et l’impact sur les hommes et les femmes ;

• Analyser la dynamique des transactions foncières en milieu rural et leur impact sur l’accès des femmes à la terre ;

• Analyser les initiatives de zones d’exploitation aménagées et leur impact différencié sur les hommes et les femmes travaillant en milieu agricole ;

• Relever les obstacles et difficultés qui empêchent les femmes rurales d’avoir un accès pérenne et un contrôle sur les terres de cultures ;

• Analyser l’efficacité des recours (instances formels et informels de règlement des conflits) disponibles pour les femmes en cas d’éviction de la terre ;

• Identifier quelques bonnes pratiques ;

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62 • faire des recommandations :

pour un plaidoyer efficace pour l’adoption des reformes législatives et politiques. Pour l’attribution par les autorités coutumières des terres aux femmes paysannes en propriété ou dans des conditions pérennes.

L’étude doit permettre de recueillir des informations et données aussi détaillées que possible et suffisantes, y compris des études de cas, pour permettre aux coordinations nationale et sous régionale du projet, de mener un plaidoyer pour l’adoption de réformes législatives et politiques, notamment foncières, auxquelles participeront les parties prenantes du projet.

III. Produits attendus Les chercheurs nationaux auront à produire dans chaque pays:

- un rapport d’étude en format électronique et sous forme papier - un document de synthèse pouvant servir au plaidoyer.

IV. Organisation de la mission Le consultant doit produire au plus tard 9 semaines après le démarrage de l’étude un rapport provisoire qui sera transmis au WiLDAF-TOGO pour observations et remarques qui parviendront au consultant au bout de 2 semaines. Le consultant tiendra compte des observations et remarques du WiLDAF-TOGO dans l’élaboration d’une deuxième version qui devra faire l’objet d’un atelier de validation dans les 4 semaines qui suivront la production de la deuxième version. La version définitive devra être prête au plus tard 2 semaines après l’atelier de validation. V. Délai de la mission Selon notre estimation, cette étude ne devra en aucun cas dépasser 40 jours. VI. Profil des consultants clés L’étude sera confiée à un bureau d’étude ou à une équipe de consultants associés, ayant de solides références en matière d’études foncières et en milieu rural au Togo. L’équipe de consultants experts devant conduire l’étude devra avoir les profils suivants : 1 juriste, chef de mission. Il devra être titulaire d’un diplôme universitaire en droit, de préférence en droit rural ; avoir une bonne expérience du droit foncier. Il devra avoir au moins 5 ans d’expériences dans le domaine du droit rural et avoir effectuer au moins 3 missions de consultation en matière d’études foncières en milieu rural.

1 sociologue. Il devra être titulaire d’un diplôme universitaire de sociologie de préférence sociologie rurale, ou dans une discipline connexe. Il devra avoir au moins 5 ans d’expériences dans la pratique d’enquête sociologiques en milieu rural et au moins 3 missions de consultation en matière d’études socio-économiques, en milieu rural.

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Annexe 2 : Tableau récapitulatif de l’échantillonnage

Régions Préfectures / Sous préfecture

Villages Nombre d’Exploitants agricoles

Groupements féminins ou mixtes

Autorités traditionnelles et coutumières

Autorités judiciaires et administratives

Organisations d’appui/préfecture

Fanworgou 10 2 2Garo 10 2 2Cinkassè Sam-Naba 10 2 2

2 -

Nioukpourmah 10 2 2

Babogou 10 2 2

Goandjoaga 09 2 2

Savanes

Tône

Moldjaga 10 2 2

2 RAFIA REFED

Wiodè 10 2 2

Atchangbadè 09 2 2Kozah

Waldè 10 2 2

3 DRAEP, PADESS, ACM

Raouka 10 2 2Koukou 10 2 2

Kara

Doufelgou Ténéga 10 2 2

2 ICAT

Gbalavé Tchadomé 10 1 2Yokélé 10 2 2Kloto Lavié Agoviépé 10 1 2

1ICAT, RADI, CAPLAD

Nyogbo 10 1 2Plateaux

Agou Nyamessi 10 1 0

1 CONGAT, ICAT

Mamissi 10 2 2Katihoé 10 2 2Vo Akogoé 10 2 2

1 ICAT, CREDI, COLOMBE

Séva 10 2 2Sika-Condji 10 2 2

Maritime Est

Yoto Tchékpo-Dévé 10 2 2

2 ICAT, CREMA

Total 8 24 238 44 46 14 16

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Annexe 3 : Liste des personnes rencontrées

Noms et prénoms Fonctions Structures Adresse

AGBEKA Georgette Responsable Communication-Genre et Droit de l’Homme

ONG RADI Tél : 4410808/3357373, BP :489 Kpalimé

AHONDO Fiagan Coordinateur ONG CAPLAD Tél : 9465431, BP : 166 Kpalimé, E-mail : [email protected]

NOUNYAVA Kokou Préfet Préfecture d’Agou Tél : 9334367/4471046

ATAYI-TCHEKOUVI Ayayi Responsable Organisation Payanne ONG CONGAT

Agou Tél : 3357543/9184668, E-mail : [email protected]

QUIST Réné/ ADJOHONOU Kodjo Chargés de Projets ONG la Colombe

Tél : 333 10 83 E. mail : [email protected]

ADZIGAN Kodjo/ AGBANGLO Lucas

Chef d’Agence/ Responsable Agriculture durable

ONG CREDI Tél : 333 10 18 Vogan

FOLLY Kossi Président du Tribunal Tribunal de Vogan Tél : 333 10 97

DELOU Kokou Animateur ONG CREMA Tél : 959 87 60 ; BP : 31326 Lomé

GBADOE Akouété Directeur Préfectoral DPAEP (Vo) Tél : 339 61 73 FIABOE Mawuli Chef d’Agence ICAT Tabligbo Tél : 234 58 30

ATTIGANKOU Alex Chef d’Agence ICAT Vogan Tél : 234 58 29

KOUGNIDO Ablam Secrétaire Général Préfecture de Yoto Tél : 334 03 14

El Hadj –A.S. MOSSYAMBA Préfet Bureau de préfecture 770 80 10 / cel: 903 39 05

KOKOROKO Koku Dzifa Juge Justice 770 88 79 / 983 60 25 [email protected]

LARE Monoka Raymond Directeur de Délégation ICAT Région des Savanes

770 85 62 / 901 95 42 [email protected]

KOUDJALE Georges Chef Division Promotion féminine Affaires sociales 770 80 29 / cel : 938 51 34

DAMETOUGLE Totitiebe Chef de programme ONG RAFIA 770 84 56 / cel : 918 60 47 KABISSA Confort Coordinatrice REFED 770 84 56 / cel : 925 83 89 KAMOUA Matieyedou Chef d’agence Agence ICAT 770 84 56 / cel : 933 95 64

Mr KADJAMA Di-Rem Préfet Préfecture de Doufelgou

Tél. 665 00 34

Mr PALANGA Kolu Secrétaire Général Préfecture de Kozah Tél. 660 60 80

Mr ADJESSOUM Komi Président du Tribunal Tribunal de Niamtougou Tél. 665 01 64

Mr AWIDJOLO Toutourém David Président du Tribunal Tribunal de Kara

BP : 571 ; Tél. 913 30 03 e-mail : [email protected]

Mr DONSO Kpatcha Gendarme Brigade Territoriale de Kara

s/c Tél. 982 52 80

Mme SAMA-TCHALLA Mazalo Directrice ONG ACM Tél. 660 00 81

Mr KPANDIKA Trikotna Responsable Agro-foncier DRAEP Kara Tél. 660 60 50

Mr BATCHALE Agouda Directeur ONG PADES-Kozah BP : 22 Pya Kozah Tél. 909 47 47

Mr KENDO Blao Bidam Agent de l’ICAT Niamtougou BP : 92 Niamtougou Tél. 062 02 74