Essai de clarification du champ de la densité. Analyse de la théorie et de la pratique...

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   Mémoire de recherche Damien CADOUX Étudiant en Master 2 Génie Urbain spécialité Ingénierie de la Maîtrise d’Œuvre Université Paris-Est - Marne-la-Vallée [Essai de clarification du champ de la densité. Pourquoi cette notion est amenée à être centrale dans nos choix de société ? Quelles directions suivre pour améliorer sa compréhension et comment renouveler les pratiques urbanistiques d’aujourd’hui pour répondre aux besoins de demain ? ] 

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Mémoire M2

Transcript of Essai de clarification du champ de la densité. Analyse de la théorie et de la pratique...

  • 2009

    Mmoire de recherche

    Damien CADOUX tudiant en Master 2 Gnie Urbain spcialit Ingnierie de la Matrise duvre Universit Paris-Est - Marne-la-Valle

    [Essai de clarification du champ de la densit. Pourquoi cette notion est amene tre centrale dans nos choix de socit ? Quelles directions suivre pour amliorer sa comprhension et comment renouveler les pratiques urbanistiques daujourdhui pour rpondre aux besoins de demain ? ]

  • Essai de clarification du champ de la densit. Analyse de la thorie et de la pratique urbanistique. Rsum

    Cette recherche vient complter un cursus de deux annes en Master Gnie Urbain. Elle soriente sur les enjeux lis la notion de densit en urbanisme o on aborde aussi bien les concepts thoriques que les grandes problmatiques de socit qui lui sont directement lis. Un point est aussi fait sur les volutions de comportements et de penses des populations mais aussi des professionnels ce sujet. Une brve parenthse revient sur les fondements pistmologiques de la pratique urbanistique nous amenant ensuite vers une analyse et une tude de cas des processus participatifs dans la profession. Lobjectif du mmoire est finalement de mieux comprendre la notion dans toute sa complexit et en la comprenant mieux dessayer de donner des outils et des mthodes au praticien afin quil puisse amliorer sa pratique pour tendre vers plus defficacit mais aussi vers une meilleure acceptabilit sociale de son travail.

    Mots cls

    Densit / compacit / Urbanisme / dveloppement durable/ processus participatifs / dmocratie participative

    Analysis of density theory and practice in urban planning. Abstract

    This research is the final piece of two Urban Genius Master years. The research focuses on the concept of density in urban planning and links theory and major societal concerns to this concept. The evolution of behavior and thinking of the populations and professionals in with regard to this concept are discussed. A brief digression follows on the epistemological foundations of urban planning practice. This is followed by a survey and a case study on the participatory processes in this profession. This dissertation aims to a better understanding of the notion of density in its whole complexity. This will give tools and methods to the practitioner so as to enable him to work more efficiently. Moreover, it will facilitate a better social acceptability of the projects.

    Keywords

    Density / compactness / urban planning / sustainable development / participatory processes / participatory democracy

  • Table des matires

    I. tat des connaissances sur la densit en urbanisme : entre ralits, mythes et perceptions ........................................................................................... 2

    1. Analyse de la notion de densit du point de vue objectif ............................... 2 a. La densit ou les densits ? ......................................................................... 2 b. Les outils rglementaires .............................................................................. 3 c. Les indicateurs de densit statique............................................................... 6 d. De la densit statique la densit dynamique .............................................. 6 e. Densit ou compacit ? ................................................................................ 9

    2. Analyse de la densit du point de vue subjectif ...........................................10 a. Notion de densit perue et vcue ..............................................................10 b. Quelques exemples qui montrent la distorsion entre ralit et perceptions

    dans la densit perue non sociale..............................................................13 II. Analyse contextuelle de la densit. volution des mentalits et des pratiques

    urbanistiques. Pourquoi la densit devient-elle une question de socit majeure ? ....................................................................................................16

    1. Avnement de la notion de densit comme axe central de la politique de la ville et des territoires ....................................................................................16

    a. Croissance dmographique, utilisation des sols, agriculture, gestion des eaux pluviales ..............................................................................................16

    b. Enjeux conomiques - problmatique du foncier intrt de raisonner en cot global ...................................................................................................18

    c. Lenjeu de la mobilit ...................................................................................19 d. Enjeux sociaux et socitaux (vieillissement, prcarit, sant, ) ................21 e. Autres rflexions ..........................................................................................22

    2. Focus sur les inspirations de la socit .......................................................24 a. Une vision du dveloppement durable encore trs schmatique et

    rductrice .................................................................................................24 b. mais qui volue lentement. .....................................................................24 c. Un questionnement sur les modes de vie rendu ncessaires ......................24 d. Quelle demande du point de vue du processus dcisionnel ........................25 e. Un renouvlement des rflexions de la part du citoyen et du professionnel .26

    3. Un point sur les praticiens ...........................................................................27 a. Lente progression des savoirs et exprimentations, mme du ct des

    professionnels de la ville .............................................................................27 b. Questionnement sur les fondements pistmologiques de la pratique

    urbanistique des dernires dcennies .........................................................27 c. Les changements dapproche du but vis : du standard de vie la qualit de

    vie ...............................................................................................................30 III. Rflexion sur les outils et mthodes du praticien. Quels outils pour mieux

    cerner les besoins et dsirs des populations ? ............................................33 1. Les enjeux du processus participatif ............................................................33

    a. Agir sur les deux volets de la pratique : la pense et son processus dlaboration ................................................................................................33

    b. Les conditions runir pour amliorer lefficacit des propositions .............33 c. Que veut dire simpliquer, quels bnfices en tirer ? ...................................35

  • d. Exemples de stratgies ...............................................................................37 e. Les possibilits ouvertes par les NTIC dans lamlioration de la prise en

    compte des paramtres subjectifs ...............................................................38 2. Exemple montralais, analyse critique dune consultation publique .............41

    a. Le Qubec et la consultation publique .........................................................41 b. Le droulement dune assemble publique de consultation .........................41 c. Le projet de convention concernant la localisation de lantenne de diffusion

    de la socit Radio-Canada dans le parc du Mont-Royal ............................42

    Annexe 1 47 Annexe 2 47 Annexe 3 48 Annexe 4 48 Annexe 5 49 Annexe 6 50

    Bibliographie 51

  • 1 Introduction Le dbut du 21me sicle est le sige de nombreux bouleversements dans la socit.

    Lapparition de nouveaux paradigmes amne aussi bien les citoyens que les professionnels reconsidrer lespace urbain, de son mode de fonctionnement jusquaux questions desthtique et de reprsentations en passant par les processus contribuant son laboration et sa construction. La question de la densit tant transversale beaucoup de problmatiques de socit, elle se retrouve naturellement au cur dun nombre important de sujets durbanisme dactualit et ceci dans beaucoup de pays du globe (politiques publiques et outils durbanisme rglementaire en France (loi SRU, SCOT, PLU, ), concept du New Urbanism aux tats-Unis (Duany, Plater-Zyberk, 2000), ). Les visions de la densit diffrent gnralement en fonction du statut de la personne interroge. En gnral, citoyens et professionnels de la ville ont des visions radicalement opposes sur ce sujet, ce qui nest pas sans poser de problmes pour llaboration de la ville de demain Apprhender la notion de densit ( ville compacte1 vs ville diffuse (Secchi)) est un exercice trs complexe et souvent trs simplifi, mme par les professionnels de la ville.

    Lobjectif de cet lment de rflexion est double : dune part, expliciter la notion de densit en montrant la riche diversit de ses significations ainsi que les grands enjeux qui en dcoulent et dautre part, avoir une rflexion mthodologique sur les pratiques damnagement lies la densit. Lide tant de dvelopper une recherche complte sur un objet dtude qui combine thorie et mise en perspective des connaissances acquises dans le champ de la pratique.

    Dans un premier temps, nous nous attacherons faire un tat des lieux des connaissances sur la densit en urbanisme et analyser le plus compltement possible le champ smantique trs complexe de cette notion. Ensuite, nous tudierons les liens qui peuvent tre tisss entre densit et dveloppement durable ainsi que lvolution des rflexions sur la densit de mme que les pratiques amnagistes lors des dernires dcennies de manire bien comprendre la situation laquelle nous sommes exposs aujourdhui en tant que citoyen mais aussi en tant que futur professionnel intervenant sur la ville. Nous veillerons discerner, quand cela est ncessaire, les volutions qui sancrent dans le milieu professionnel et celles qui manent de la socit civile toute entire, les deux ntant bien videmment pas hermtiques, il conviendra aussi de montrer les facteurs qui influencent tel ou tel tat de fait. Enfin, dans une troisime et dernire partie, nous tenterons dapporter un clairage centr sur le ct non plus thorique mais pratique, sur les outils ou mthodes qui pourraient tre mis en uvre pour permettre une plus grande efficacit des propositions et ainsi permettre une meilleure comprhension des dcisions prises par ces concepteurs de la ville par les populations. De cette manire, nous aurons fait un tour dhorizon des problmatiques contemporaines lies la notion de densit et plus gnralement dans la troisime partie lurbanisme.

    1 Concept n aux Pays-Bas, trs utilis mais peu document, lauteur est difficilement identifiable.

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    2 ide trs rpandue dans le monde professionnel de lurbain que la densit est la cl de la ville durable semble tellement partage mais en mme temps

    tellement peu tudie en dtail quelle mrite des prcisions et une rflexion approfondie (Quincerot, revue Urbanisme, 2005, p28). Une telle approbation sans remise en question pourrait tre trs prjudiciable pour lavenir. claircir le rapport parfois ambigu entre ralit mesurable et perception de la ralit est un premier exercice indispensable pour commencer une rflexion ce sujet. Le glissement progressif de la standardisation des besoins - donc dune vision trs litiste de la planification une recherche de la qualit de vie (Fischler, 2000) prne par les tenants du projet urbain (Mangin, Panerai, 2002) ainsi que lavnement de la dmocratie participative (Bacqu, 2005 et Bevort, 2002) nous indiquent quun regard nouveau doit tre port sur la question de la densit, un regard qui prenne en considration les perceptions des usagers de la ville.

    Les nouveaux enjeux de socit (crise du modle nergtique, dveloppement des proccupations environnementales, avnement du concept de dveloppement durable, accroissement de la mobilit, vieillissement de la population ) seront abords pour montrer comment chacun dentre eux peut tre analys sous langle de la question de la densit. De quelle manire pouvons-nous renouveler notre regard sur la densit en analysant simultanment lobjet (la ville) et le sujet (citadin), le statique et la dynamique, comment pouvons-nous nous dtacher des ides prconues et mal fondes qui sont lgions sur ce thme, comment lhistoire du dveloppement des villes peut nous amener rflchir autrement sur les situations actuelles et celles projeter Voil un aperu du questionnement relatif la notion de densit qui sera prsent dans cet essai, voil une partie des lments de rflexion qui deviendront ncessaires une bonne comprhension de cette nouvelle grande problmatique de socit qui se profile. Le dbut de cette recherche est thorique mais nous glisserons progressivement vers lanalyse de la pratique, objectif ultime de notre discipline quest lurbanisme.

    I. TAT DES CONNAISSANCES SUR LA DENSIT EN URBANISME : ENTRE RALITS, MYTHES ET PERCEPTIONS

    1. Analyse de la notion de densit du point de vue objectif a. La densit ou les densits ?

    Coefficient dOccupation des Sols (COS), Coefficient dEmprise au Sol (CES), Densit Btie (DB), densit de population, densit rsidentielle, densit demploi, densit dactivit humaine (Fouchier, 1997), plafond rglementaire et densit vgtale sont tous des indicateurs dune certaine densit. En rgle gnrale, citoyens et mme urbanistes parlent de LA densit sans lexpliciter comme si tout le monde tait expert, comme si tous avions la mme dfinition de la densit. Or, on voit ici, que dpendamment du contexte,

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    3 il existe plusieurs composantes la notion de densit; toutes sont applicables au domaine que nous tudions, savoir lamnagement urbain, toutes ont un intrt dans le sens o chacune peut apporter une information essentielle sur la structuration physique de la ville mais on ne parle plus de la densit mais du champ smantique de la notion de densit. Le but de cette partie est didentifier les densits mesurables qui permettent la dfinition dun langage commun au sein du monde des praticiens de la ville. Seul un langage commun permet la confrontation dides et par consquent lvolution des connaissances dans le domaine. Cest pourquoi, bien que ces indicateurs ne retransmettent que partiellement la notion de densit (en fait, on pourrait dire que leur addition forme le concept intgr de densit), ils ont une ncessit certaine dans notre champ de pratique et il convient de les tudier plus en dtail.

    Nanmoins, avant de dcrire tous ces indicateurs, il semble ncessaire de faire un point sur la dfinition de la densit dans dautres disciplines, ces dfinitions pouvant nous renseigner dune manire diffrente sur celle qui nous intresse. Sil on prend la physique par exemple (discipline o cette notion est trs largement employe), la densit dun liquide est le rapport entre la masse d'un certain volume d'un corps et celle d'un volume d'eau dans des conditions de pression et de temprature pralablement dfinies, on dirait normalises. Auparavant appele densit relative, elle est aujourdhui plus couramment employe sous sa forme courte. En urbanisme, la densit se dtache de la dfinition prcdente dans la mesure o lon ne fait pas de lien entre deux entits (on ne compare pas une densit dune ville une autre ville qui serait toujours la rfrence), la notion de densit dans notre cas est plus proche de la dfinition de la masse volumique (autrefois appele densit absolue ou densit propre). En effet, la masse volumique est le rapport entre la masse dun lment et son volume. Si on gnralise cette dfinition, on peut dire que cest le rapport entre une donne mesurable quelle quelle soit et une donne, elle aussi mesurable mais qui indique soit :

    - une distribution spatiale (dans ce cas ce sera une unit de longueur, de surface ou de volume), on parlera alors le plus souvent dhabitants/km, demplois/ha ou encore de logements/ha,

    - une distribution temporelle (une valeur ou un intervalle de temps). On retrouvera ce type de distribution quand on abordera les indicateurs de densit dynamique.

    Quoi quil en soit, avant mme davoir balay la notion dans notre champ disciplinaire, on peut se rendre compte quil existe dj un certain loignement smantique avec lusage qui peut tre fait du mme mot dans une autre discipline. Lvolution linguistique et surtout labsence de normalisation internationale constates aux 19 et 20me sicles dans le domaine de la physique ont certainement eu des rpercutions dans la dfinition que les premiers urbanistes de la fin du 19me sicle ont donne la densit2. Il en rsulte de fait quune diffrence existe aujourdhui et que des difficults peuvent natre dans la comprhension de la notion par des personnes non expertes.

    b. Les outils rglementaires

    Loutil rglementaire par excellence est le COS (Coefficient dOccupation des Sols). Ce dernier renseigne juste sur la surface de plancher que lon peut construire sur une parcelle donne. En aucun cas, la morphologie ne rentre en jeu. Ensuite, on dfinit ce quon

    2 On prend ici le postulat que la notion nat au mme moment que la dfinition de lurbanisme (thoria

    general de la urbanizacion, Cerda, 1867). Ceci est une hypothse car il est trs difficile de connatre les premiers amnageurs lemployer.

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    Figure 2 Espaces pris en compte pour le calcul de la densit btie brute et de la densit btie nette

    appelle un CES (Coefficient dEmprise au Sol). Ici, lide est de contrler la surface qua le droit de prendre le btiment vis--vis de la surface totale de la parcelle. Cest le rapport la terre. Enfin, on peut parler de la Densit Btie qui est un indicateur plus complet sil est accompagn de directives sur la hauteur (par exemple, plafond rglementaire) parce quil prend en compte la distribution du btiment sur la surface (avec le CES) mais aussi dans lespace volumtrique (avec la hauteur moyenne).

    Figure 1 Diffrentes formes urbaines pour un mme COS de 0,5

    Source : Sangouard, 2008

    Cet outil donne un renseignement plus proche de la perception de ce quoi pourrait ressembler le quartier car il intgre la question de la morphologie. Pour tre exhaustif sur cet indicateur, il faut faire la diffrence entre la densit btie brute et nette, les deux pouvant avoir des rsultats compltement diffrents sur un mme territoire de rfrence. La distinction se trouve dans la surface de llot que lon prend en compte. Pour ce qui est de la densit nette, on va prendre comme surface dlot uniquement les parcelles qui accueillent les btiments tandis que pour la densit brute, la totalit de lespace est prise, espaces privatifs, voiries, espaces verts,

    Figure 3 Quelques outils rglementaires ayant trait la densit Moulini C. et Naudin-Adam M, 2005

    Densit nette

    Densit brute

    Voirie

    Espace vert

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    5 La figure prcdente prsente les principaux outils de lurbanisme rglementaire. Prcisons que contrairement aux indicateurs de la densit prsents aprs, ces outils ne traduisent pas la ralit physique que nous pouvons apercevoir mais traduisent la volont des pouvoirs publics quant au contrle de loccupation des sols. Cette nuance est trs importante car elle introduit dj une distinction entre Matres dOuvrage (professionnels ayant le pouvoir de dcision) et chercheurs (professionnels qui tudient les structures et les volutions des territoires ainsi que les pratiques en urbanisme) ou Matres duvre (professionnels participant la conception des espaces urbains), les deux derniers groupes utilisant dans leur pratique quotidienne des outils diffrents pour parler dun mme sujet, ce qui peut dj tre sujet dincomprhension dans certains changes bipartite ou tripartite. Comme on parle des outils rglementaires, on peut aussi parler de la manire dont les politiques ont lgifr sur ce sujet. Les contradictions des lois Solidarit et Renouvlement Urbain (SRU) de 2000 et Urbanisme et Habitat de 2003 montrent trs bien la difficult de lgifrer sur la densit. En 2000, le gouvernement introduit une nouvelle loi pour permettre de mieux prendre en compte les nouvelles inspirations de la socit en matire de dveloppement durable dans le dveloppement des villes et des territoires. Cette loi affirme de manire trs forte lide que lon doit dsormais utiliser de faon plus conome lespace et que cela ne peut se faire que par une certaine densification du tissu urbain . La prise de position en faveur de la lutte contre ltalement (ou devrions nous plutt dire miettement ou mitage car ce sont eux qui posent le plus de problmes, ltalement voulant juste dire augmentation de lespace occup, il ny a pas cette notion de dilution) est nette et sans ambigit. Nanmoins, lgifrer est plus difficile que dnoncer de grands principes, ne serait-ce que parce que chaque territoire a sa propre singularit et quimposer un modle implique de grands risques en cas dchec et de grands risques de mcontentements de la part des populations et des lus, qui se verraient alors dpossder dun droit essentiel pour eux savoir dfinir le futur de leur territoire. Cest alors vers un assouplissement du code de lurbanisme que le gouvernement a prfr sorienter plutt que vers un durcissement. Par exemple, il tait dsormais interdit de fixer une taille minimum pour les parcelles btir, ce qui auparavant pouvait avoir pour effet dinterdire toute densification dun tissu. Autre point, le COS devenait un instrument facultatif dans les PLU. Avec la loi Urbanisme et habitat, les PLU [peuvent] nouveau fixer une superficie minimale des terrains constructibles, et ainsi dfinir un COS, notamment pour prserver l'urbanisation traditionnelle ou l'intrt paysager (http://carrefourlocal.senat.fr/doslegis/2003_juillet_2003_urbanisme_h/index.html). Ce retour en arrire montre en quelque sorte les difficults que lon peut rencontrer universaliser la question de la densit. Il montre aussi la volont trs forte des lus maintenir leur pouvoir de dcision en matire damnagement. On ne connait pas vraiment les raisons de ce changement de cap mais il y a fort parier que ce soit la consquence de pressions exerces par les dcideurs publics municipaux. En effet, interdire de fixer une superficie minimale pour les terrains constructibles leur enlevait un outil simple de contrle des formes et typologies urbaines. Quoi quil en soit, ce retournement de situation est symptomatique dun pouvoir politique qui se cherche, qui veut agir mais qui ttonne pour trouver des solutions lgislatives adquates en matire de contrle de lurbanisation.

    Aprs avoir tudi brivement les outils rglementaires, on peut sintresser aux outils plus conceptuels de mesure de la densit, ceux plus gnralement utiliss par les Matre duvre ou les chercheurs, dans le but non pas de contrler le dveloppement de la ville mais de mieux comprendre son fonctionnement.

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    6 c. Les indicateurs de densit statique La figure qui suit prsente les principaux indicateurs de densit statique. A noter que les indicateurs de densit rsidentielle et demplois ont t beaucoup utiliss pendant la priode moderniste du fait de la volont de sparation des fonctions au sein de la ville. Aujourdhui, ils ne se suffisent plus eux mme et ncessitent un usage combin avec les autres indicateurs pour avoir un tat des lieux complet des ralits en place.

    Pour complter ces indicateurs, on peut en ajouter un qui sappelle densit vgtale. La densit vgtale [tant] calcule par tldtection partir dune image satellitaire qui repre les masses vgtales en volume et en qualit. Cet indicateur de lenvironnement vgtal ne diffrencie pas la vgtation des espaces publics de celle des espaces privs. Il

    prend en compte lensemble des espaces verts qui participent lambiance gnrale dun secteur (Moulini C. et Naudin-Adam

    M, 2005, 2. Les indicateurs de densit). Nul doute que cet indicateur est amen tre utilis de plus en plus du fait de la prise en compte toujours plus soigneuse des critres lis lenvironnement (prsence du vgtal en ville, diminution des lots de chaleur, diminution du ruisslement en priode de crue, ).

    Nous venons de prsenter, de manire synthtique, les indicateurs les plus utiliss dans le milieu des professionnels de lurbanisme et de larchitecture. La liste nest pas exhaustive car il existe presque autant dindicateurs que dacteurs ou dusagers de lespace (Moulini C. et Naudin-Adam M, 2005, 2. Les indicateurs de densit), chacun finalement pouvant avoir un regard sur la densit, pouvant choisir la paire de lunettes quil souhaite, pour autant bien sr quil en explique lintrt.

    Ces indicateurs permettent davoir une certaine ide de la ralit en place mais, comme nous lavons vu prcdemment, ce ne sont pas ceux-ci qui sont utiliss par les pouvoirs publics dans ce quon appelle lurbanisme rglementaire. On remarquera que ces outils (COS, CES, DB, plafond rglementaire) se concentrent uniquement sur le cadre bti. En passant en revue tous les outils qui servent aux collectivits locales encadrer loccupation du sol et donc le dveloppement physique de la ville, on se rend compte quon prend toujours une photographie, quon travaille sur des plans, sur des objets statiques alors quon sait trs bien que ce qui fait la force et la richesse de la ville, cest son perptuel mouvement. Comment passer de la photographie au cinma, comment prendre en compte la dynamique urbaine, particularit souvent oublie au sein des dcideurs ?

    d. De la densit statique la densit dynamique

    Dans ce deuxime point, nous tenterons danalyser le glissement dune mesure de la densit statique une mesure de la densit dynamique. Afin daffiner un peu plus la notion de densit, il convient de prendre en compte lexistence dune mobilit des acteurs du thtre urbain. Lide ici tant de sortir du cadre bti et de se rapprocher de la ralit en tudiant les flux intrinsques la vie de la cit (migrations pendulaires, activit touristique, marchande, commerciale,). Nous sommes entrs dans une socit de mobilit (Wiel,

    Figure 4 Tableau de quelques indicateurs de densit. Moulini C. et Naudin-Adam M, 2005

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    7 2002, p8) et ce titre les liens intangibles entre les lieux de vie se sont alors progressivement disloqus au profit dune perception temporelle des espaces. Il en rsulte des fluctuations quotidiennes sensibles des densits au sein des espaces urbains (Mille, 2000).

    Densit dactivit humaine

    Tout lheure, nous avons voqu un indicateur dactivit humaine. Ce dernier est un premier pas dans la construction doutils de mesure de la densit dynamique car il prend en compte le lieu de rsidence et le lieu de travail, deux cadres spatiaux de la vie du citoyen qui ncessitent le plus souvent un dplacement. Cet indicateur renseigne sur la pratique de lespace dans le temps (par exemple on sait que les quartiers daffaire vivent mal les soirs et week-end, avec cet indicateur, on est capable de savoir combien il y a de personnes rsidantes, combien il y a de travailleurs et donc on est dj mieux renseign sur la densit de mouvement et dactivit prsente sur cet espace).

    Indicateur dintensit urbaine ou densit prsentielle

    Certaines agences darchitecture-urbanisme tentent de saisir cet aspect de la densit, ainsi latelier Combarel-Marrec tente dvaluer limpact de ses projets sur lintensit urbaine ( city life ) et ce, plusieurs moments de la journe. Sont reprsents avec des petits points rouges les usagers de lespace. Lobjectif, pour eux ici, est de modliser loccupation spatiale sur une journe type et faire en sorte de placer des quipements qui permettent la population doccuper au mieux lespace pour ainsi amliorer certains facteurs comme la convivialit et la scurit. Cela peut aussi tre un outil pour mieux intervenir sur le site en termes de services urbains par exemple (gestion des dchets, emplacements de bancs, ).

    Dans lexemple prcdent, la cartographie reposait sur un raisonnement logique mais non sur des donnes relles car il sagissait dun projet et non dun cadre urbain existant. Dans

    Figure 6 Intensit de vie citadine, concept dvelopp par lagence darchitecture Combarel-Marrec lors du concours dides international Carlsberg 2007 (Danemark)

    Figure 5 Densit d'activit humaine. Moulini C. et Naudin-Adam M, 2005

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    8 cette deuxime partie, lemphase sera mise sur les outils qui peuvent nous permettre de mesurer lintensit urbaine despaces constitus. Le recensement INSEE nous donne beaucoup dinformations sur les populations

    rsidentes. De ce fait, les tudes urbaines sappuient beaucoup sur ces chiffres. Nanmoins, avec le dveloppement de la mobilit, la population prsente en un lieu donn ne reprsente pas forcment la population rsidente. tudier les flux touristiques devient un lment majeur quand on tudie les dynamiques urbaines, notamment la densit ; il est aussi trs important pour calibrer au mieux possible tous les quipements publics. Avant dentrer plus en dtails, il convient de faire un bref rappel smantique. En effet, selon les normes internationales, est touriste toute personne qui voyage, quel quen soit le motif, avec au moins une nuit passe hors du domicile (Terrier, 2006, p2). Prendre en compte les saisonnalits du tourisme (intrants) ainsi que les comportements touristiques des populations rsidentes (extrants) deviennent des enjeux majeurs pour la programmation des territoires et fortiori des nouveaux projets urbains3. Un chiffre intressant pour montrer limportance de ce facteur, la population prsente Paris passe de 109% de la population rsidente au dbut du mois de dcembre4 65% le 14 aot5 (Terrier, 2006, p5), tout cela a des consquences trs importantes sur ce que lauteur appelle lconomie prsentielle (en opposition lconomie productive). Pour donner un exemple, certains services urbains sorganisent essentiellement en rponse une prsence de population, on peut parler des services de gestion des dchets, dassainissement, de transports publics, de tlphonie mobile... Le secteur commercial est bien entendu aussi directement touch par ce phnomne. A lheure actuelle, cest surtout lextrme difficult de rcolter des donnes prcises une chelle plus fine que celle du dpartement qui bloquent les chercheurs dans la construction dindicateur ce sujet. En effet, il serait trs intressant de trouver un moyen de combiner le facteur touristique aux deux autres indicateurs de la densit dynamique que sont la densit dactivit humaine et lintensit urbaine en fonction du moment de la journe. De cette manire, on aurait une base de donnes plus exhaustive pour nous aider programmer quipements et services urbains (taille, emplacement, priode dutilisation, ).

    Paralllement ces recherches, on voit pointer de nouvelles approches non plus bases sur des donnes statistiques classiques mais sur la prise en compte des nouvelles technologies de linformation et de la communication et donc de donnes en temps rels. En effet, certaines recherches tentent de dresser le portrait de la ville vcue ou bien de mesurer le pouls de la ville. Sur cette notion de pouls, je citerai juste Ernest W. Burgess, sociologue urbain de lcole de Chicago qui dans les annes daprs-guerre disait dj que la mobilit est peut-tre le meilleur indicateur de ltat de mtabolisme de la ville. On peut concevoir la mobilit6, [disait-il], comme le pouls de la ville (Grafmeyer, 1979, p140). Pour revenir aux recherches actuelles, on notera celle de FaberNovel, jeune entreprise innovante depuis 2004, qui travers son programme Urban Mobs est en train de dvelopper, en collaboration avec la socit Orange, un outil de cartographie de lactivit de la ville en

    3 A ce titre, on peut noter une ralisation trs intressante Montral (CANADA). Il sagit du projet de

    quartier des spectacles o loriginalit est de donner un nouveau souffle un quartier en lui attribuant une spcificit (celle daccueillir des vnements culturels majeurs) tout en prenant en considration la saisonnalit de ces activits (absence dvnements lhiver) dans les amnagements. Lespace urbain devient flexible, volutif, ractif la vie de la cit, capable de faire face aux fluctuations prsentielles et programmatiques. 4 Population prsente maximale le 8 dcembre 2005 : 2 372 600 individus (Terrier, 2006, p89)

    5 Population prsente minimale le 14 aot 2005 : 1 403 500 individus (Terrier, 2006, p89)

    6 quil distingue dailleurs du dplacement qui nest que le parcours dun trajet routinier contrairement

    la mobilit, qui fait suite un stimulus , qui est lie laventure urbaine.

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    Figure 7 Les cahiers de l'IAURIF, n147, p167

    temps rel, travers lutilisation des tlphones portables. Une visite du site http://www.urbanmobs.fr est vivement conseille pour se rendre compte des consquences que peuvent avoir des outils comme celui-ci sur la comprhension des mobilits et des comportements sociaux urbains. Notons tout de mme quune rflexion thique en parallle doit-tre mene sur ces outils technologiques car ces derniers peuvent tre lourds de consquences sur nos liberts individuelles si les donnes ne sont pas exploites comme elles devraient ltre.

    e. Densit ou compacit ?

    Dans cette sous-partie, nous allons claircir la diffrence subtile mais trs intressante quil peut exister entre la notion de densit et celle de compacit. La distinction majeure est que la compacit est lie la distance moyenne entre un point et un autre, la rfrence nest donc plus un rapport la surface au sol mais une relation de proximit ou dloignement entre un et plusieurs ensembles. Sur le schma qui suit, B. Raoux de lIAURIF7 conceptualise cette notion en prenant pour exemple la rgion le-de-France. Il a distingu une cinquantaine de ples rassemblant chacun 250 000 habitants et 100 000 emplois (5a). La reprsentation des ples en points montre la volont de thoriser ou de conceptualiser la notion, crant ainsi des dissimilitudes avec la ralit des situations mais permettant dautre part de simplifier la comprhension. Dans la fentre 5b, il a fait subir un doublement de densit de ces ples, cest--dire quils concentrent toujours le mme nombre dhabitants et demplois mais sur une surface deux fois plus petite. On parle bien ici de densit car on fait varier les surfaces au sol. Pour ce qui est de la fentre 5c, on multiplie la compacit par le facteur deux. Cela revient diviser par deux la distance initiale entre un habitant et tous les autres. Il en rsulte donc un rapprochement automatique vers le centre de lagglomration. Les ples qui taient alors composs du mme nombre dhabitants et demplois vont soit accueillir plus dactivit et

    devenir des ples primaires, soit voir leur activit se rduire et devenir des ples secondaires. Cependant, la superficie occupe par les ples est inchange, ce qui montre bien que ce nest pas un changement de densit mais simplement un transvasement de populations et dactivits. Cest uniquement la distribution des ples les uns par rapport aux autres qui dtermine leur capacit devenir importants ou non. Enfin, la fentre 5d montre une situation o densit et compacit sont multiplies par deux. L, les ples se sont resserrs au centre de lagglomration et la surface quils occupent a t divise par deux. Sans entrer dans les dtails, on se rend compte que chaque situation peut avoir des incidences trs fortes notamment vis--vis du mtabolisme urbain8 . En augmentant la

    7 Institut dAmnagement et dUrbanisme de la Rgion le-de-France

    8 A noter que nous faisons moins rfrence ici la notion dveloppe par le sociologue de lcole de

    Chicago Ernest W. Burgess qui a tudi le mtabolisme social (les processus dorganisations et de

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    10 densit des ples, on tire des bnfices plus particulirement sur le fonctionnement local. En effet, on peut esprer un gain notable sur les consommations nergtiques lies aux dplacements, les parcours pour se rendre lcole, la gare et plus gnralement aux services de proximit sont plus facilement ralisables pied ou en vlo. La mise en place de rseaux de chaleur est plus simple, la mutualisation de services plus facilement rentables. De lautre ct, en augmentant la compacit, on amliore lefficacit gnrale de lagglomration. Les distances entre ples tant plus faibles, on limite les dplacements pendulaires, les longueurs de circuit dapprovisionnement des produits alimentaires et manufacturs depuis les plateformes logistiques, on rduit les parcours des camions de ramassage des ordures mnagres, les linaires de canalisations jusqu la station dpuration Lincidence est plus forte sur le fonctionnement des gros quipements.

    Ltude de la densit dynamique permet de mieux cerner la problmatique de densit mais nous invite continuer la rflexion en nous appuyant cette fois-ci non plus sur des donnes physiques (et donc mesurables) mais sur des donns beaucoup plus difficiles rcolter et matriser savoir les aspects comportementaux des individus. Lanalyse de la densit dynamique nous a fait basculer du regard strictement objectif li la structure de la ville un premier regard sur les comportements des populations et donc une premire analyse du sujet sans toutefois aller jusqu lindividu, la personne. En effet, il ne faut pas perdre de vue que lurbaniste est au service des citadins et donc sil parle de densit dans ses projets, il doit avoir en tte ce que veut dire ce mot dans la tte des personnes directement affectes par ses choix. Aprs avoir analys la densit du point de vue de lobjet (de la ville, de sa structure physique), il convient de saisir les enjeux du point de vue du sujet, du citoyen, de lusager. Dans quelles mesures, la vision du professionnel peut tre modifie en prenant en compte ces facteurs propres lindividu ? Quels outils peuvent lui permettre dapprhender ces diffrentes sensibilits ?

    2. Analyse de la densit du point de vue subjectif a. Notion de densit perue et vcue

    Il sagit ici dtudier le lien entre densit et citoyen et non plus entre densit et cadre physique de la ville. Lide est de se rapprocher de lindividu pour analyser sa perception de lespace urbain, sa perception de son cadre de vie. Ausra Burns, professeure lUniversit dAlberta et chercheuse en thorie du design, critique le modle chercheur-observateur dtach et invite les praticiens plus prendre en compte les usagers pour qui ils travaillent. Cette rflexion est de plus en plus prsente dans les textes scientifiques qui traitent de thorie de design, elle conforte notre souhait de mieux comprendre la densit perue et vcue. Le designer simpliquant davantage savoir quelles seront les rpercussions envers les personnes associes aux projets de design, souvre un examen de sa pratique et sa propre redfinition. Traditionnellement, lmotion est lantithse de lobjectivit. Le progrs et la prcision sont tenus comme tant suprieurs lmotion, au priv et

    dsorganisations sociales) quau mtabolisme dit urbain . Ces cologues urbains de lcole de Chicago ont entam une rflexion sur ce thme puis dautres plus rcemment comme Suren Erckman, rflchissant lcologie industrielle dans un premier temps, ont tendue lanalyse la ville entire pour se concentrer sur les aspects plus physiques de la ville, sur des problmatiques attaches lidentification, lanalyse et la matrise des flux de matires et dnergies changs entre les villes et la biosphre, ce quon nomme aujourdhui mtabolisme urbain.

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    11 lexprience subjective [associe fminit et irrationalit] (Burns, 2000, p83). De la mme manire, le savoir expert tant souvent donn comme suprieur au savoir profane (notion dont on reparlera par la suite). A ce sujet, Burns surenchrit: they are many ways to approach and discuss the diversity of the city []. It can be argued that no one possesses all of the knowledge, and wisdom required to understand and act responsibly in this world (Burns, 2000, p83). Lauteure pense que les bnfices de cette stratgie dpassent les risques encourus : through discussion of how we or others feel about city living in various situations and differing circumstances we can increase our ability to relate our aesthetic responses to perceiving the environment to the practical actions we take within it (Burns, 2000, p83).

    Lurbanisme participe la construction du cadre de vie, il a pour mission damliorer les conditions de vie et le confort mais lapprciation subjective dun confort [] dpend de la pratique du lieu autant que du lieu, sinon de la personne (Wiel, 2006). Finalement, cest autant le mode de vie que la qualit urbaine du lieu et le rapport affectif de chacun envers ce lieu qui rendra la densit en place stimulante ou bien oppressante. Les facteurs psychosociologiques ou la densit psychosociale lie la perception et au vcu des espaces (Lacaze, 1995) sont prendre en compte. En effet, chaque personne un parcours rsidentiel propre et a vcu des expriences plus ou moins heureuses dans chacun des lieux o elle est passe. La relation entre exprience vcue et sensation envers un lieu semble tre un point sur lequel on peut insister. Certains se rappellent de lendroit o ils ont donn leur premier baiser ou bien o ils ont rencontr leur partenaire, ce lieu nest peut-tre pas extraordinaire pour le commun des mortels mais pour la personne en question, il est charg dmotion et jouit dune perception qualifie de positive. Il en va de mme avec la perception de la densit, lexprience urbaine des individus, facteurs trs difficiles mesurer et apprhender, jouent un rle dans la perception des espaces.

    Les facteurs individuels comme lge, le sexe et le bagage socioculturel entrent aussi en jeu. Plus lge de la personne est avanc, plus ses expriences sont nombreuses et plus ses attentes sont gnralement prcises en termes de cadre de vie. Ceci soppose la situation des enfants ou des adolescents qui de toute manire sont contraints de vivre dans lendroit o les parents ont choisi de simplanter. Le sexe de lindividu est aussi prendre en considration dans la mesure o la pratique de lespace peut tre diffrente. Il serait intressant danalyser plus prcisment les comportements de mobilit urbaine en priode nocturne en fonction du sexe. On pourrait penser premire vue que les femmes seraient plus enclines utiliser les avenues et grands boulevards bien clairs alors que les hommes ne modifieraient leurs chemins habituels que de manire moins systmatique. Prenons toutes nos prcautions sur ces informations qui relvent finalement plus de lexprience que dune relle tude scientifique. Enfin, pour complter ce tour dhorizon de la notion de densit perue ou vcue, V. Fouchier, docteur en urbanisme et directeur dlgu de lIAURIF distingue, quant lui, la densit perue sociale , faisant rfrence la prsence de personnes dans un espace, et la densit perue non sociale renvoyant la perception du cadre de vie sans tenir compte de la prsence humaine. Cette distinction est trs intressante car il est vrai que ces deux facteurs peuvent tre combins mais peuvent aussi jouer sparment. Il serait alors dommage de fustiger une certaine densit dans sa globalit si finalement il en ressort que seul un des deux composants est incrimin. On peut par exemple se sentir agress par des formes urbaines (btiments trop hauts, rues trop troites, architecture particulire, ), lexprience dune ville asiatique comme Tokyo ou Shanghai pouvant tre traumatisante cet gard pour un europen rural ou de ville moyenne. De la mme manire, une forte

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    Figure 8 Foule Shanghai

    Figure 9 Souk Marrakech

    Figure 10 Tokyo City Lights par Altus - Flicker

    Figure 11 Corviale, barre de 958 mtre de long rige dans les annes 80 en priphrie de Rome

    prsence sociale (dans le sens forte proximit entre les individus) peut aussi bien favoriser les relations entre individus ou bien rendre mal laise certaines personnes voire aviver certaines tensions (thme abondamment abord par lcole de Chicago). A ce sujet, on peut rappeler certains travaux de Chombart de Lauwe sur lexistence ou non de seuil de densit, cest--dire de niveaux de densit au-del desquels peuvent-tre observs des troubles comportementaux. Ces travaux raliss dans les annes 60 nont pas aboutis des rsultats trs probants mais la question reste ouverte. Sur cette question de la densit perue sociale, on peut donner un exemple trs simple mais trs significatif qui permet de tisser un lien troit en perception de la densit et bagage culturel des individus. Les grandes foules des zouks du Maghreb ou des villes asiatiques peuvent effrayer plus dun occidental (sentiment dentassement) et au contraire peu de monde dans la campagne franaise peut dsorienter plus dun parisien ! Enfin, un autre point peut tre cit, plus sensible politiquement mais nanmoins rel. Il sagit du facteur ethnique. En effet, il est certain que la multiethnicit des grandes villes fait partie de leur vitalit et de leur spcificit (terre daccueil des immigrants) mais il est certain aussi que cette dernire peut tre mal vcue par des personnes qui nen ont pas lhabitude. Ntant pas le sujet principal de ce mmoire, nous ne lapprofondirons pas mais il doit rester lesprit du lecteur.

    Le rle de limaginaire

    Limaginaire peut aussi jouer un rle non ngligeable dans la perception de la densit. Tout au long de notre vie, des images, des informations nous parviennent et nous figurent des pseudo-ralits. Il se produit alors tout un imaginaire qui va agir intrieurement sur notre conduite alors mme que notre exprience nest pas intervenue. Lide que la grande ville est sale, que la banlieue est dangereuse Autant de reprsentations aussi rpandues que trompeuses. A ce sujet, une anecdote qui me renvient trs souvent. Je demande des amis ce quil pense dun des grands ensembles de ma ville. A chaque fois, la rponse est la mme savoir que cest dangereux. Je pose alors une deuxime question : est-ce que tu y es dj all ? La plus part du temps la rponse est non. Quest-ce qui fait que mes amis ont une image ngative de ce lieu et ne le parcours jamais si ce nest limaginaire ?!

    La premire partie a pos les principales cls de comprhension des enjeux lis la perception de la densit. La sous-partie qui suit montre travers un sondage quel point ralit et perception peuvent tre diffrentes. Bien que le sondage ne soit pas un instrument des plus scientifiques, surtout de la manire dont il a t men, en prenant toutes les prcautions ncessaires, ce dernier

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    13 permet de nous donner un premier clairage sur ce dcalage. b. Quelques exemples qui montrent la distorsion entre ralit et perceptions Cette partie a pour objectif dlargir notre champ de vision traditionnel centr sur les

    donnes physiques pour intgrer aussi le point de vue de lacteur principal, le citoyen. Pour affiner le jugement, nous faisons en fait ce quon appelle en littrature un changement de point de vue, nous passerons dun point de vue externe ou focalisation externe (o lurbaniste fonde son action uniquement sur ce quil est capable de voir et dentendre) un point de vue interne (o nous irions chercher dans une personne ou un groupe social une expertise citoyenne du quotidien qui nous permettrait dapprhender dautres lments propres aux ressentis des populations et donc par la mme occasion de remettre en question notre jugement et notre pratique). A propos du sondage, il faut savoir quil a t command par lobservatoire franais de la ville au mois de janvier 2007 et ralis par la socit TNS-Sofres. Le titre de ce sondage les franais et leur habitat : perceptions de la densit et des formes dhabitat montre quil rentre parfaitement dans le cadre de notre tude. Dans ce sondage, on remarque que certaines donnes nous renseignent directement sur cette distorsion entre densit relle et perue/vcue. Les grands ensembles sont vus comme des espaces trs denses et lhabitat haussmannien peu dense alors que physiquement cela peut tre compltement faux, les grands ensembles par exemple peuvent avoir une densit btie proche de 0.75 alors que lhabitat haussmannien se situe gnralement vers 4,5 (Moulini C. et Naudin-Adam M, 2005, 1. Les repres historiques). Lhabitat haussmannien est gnralement cinq six fois plus dense en terme de bti que le modle grand ensemble alors quil est peru dans ltude comme le modle le moins dense de lhabitat collectif. On peut aussi noter le lien entre densit perue et inscurit, peut-tre spcifique la situation franaise. En effet, les grands ensembles, appartenant au logement social, sont souvent points du doigt dans les mdias pour des problmes dinscurit. Lassimilation densit-inscurit est alors vite injustement tablie et la promiscuit difficile vivre dans les esprits relve peut-tre plus dune promiscuit sociale (Duhayon, Pages, Prochasson, 2002) que dune promiscuit physique. Autrement dit, ce sondage semble uniquement poser des questions sur la densit perue non sociale (morphologie) mais on peut penser quelle ne se dtache que trs rarement de son homologue la densit perue sociale, du moins pour la question sensible des grands ensembles en France. Concernant cette tude, on peut remarquer quelque chose de trs troublant en mme temps que trs parlant. On a demand des personnes de se prononcer sur une question de densit sans mme la dfinir. Or, on vient de dmontrer toute la difficult de bien saisir cette notion. On pourrait alors penser quon ne peut rien tirer dun exercice aussi mal men. Nanmoins, il semble quand mme intressant dans la mesure o lexercice nest pas influenc par lerreur dapprciation des sondeurs au moment de poser la question. En effet, les sondeurs ont une vision partielle et quelque peu errone de la densit (ils font aussi lerreur dans leur analyse de comparer densit et formes urbaines) et ils proposent aux sonds de donner un jugement sur des formes urbaines (les petits schmas que lon voit ci-dessus). Cest donc au sond de se faire sa propre ide de ce que la densit reprsente pour lui. Cest alors ce moment l que lon voit la distorsion entre densit relle et perue. On peut se poser la question du rsultat si on avait expliqu dans les dtails toutes les rfrences qui entrent dans la dfinition de la densit, le rsultat final aurait certainement t

  • totalement diffrent et de ce fait il ne nous aurait jamais renseign sur le regard priorcitoyens sur ce thme.

    On peut aussi se dire que les sonds ont t font croire que densit et formes sont directement sur des typologies dhabitation et non des typologies de quartiers influence grandement les choix et autorise aussi les erreursque ce sont ces erreurs mthodologiques qui ont permis de dceler un lment important du regard des citoyens sur la densit et notamment la confusion qui existe entre la densit existante (mesure par la densit btie) et sa perception (les rsultats donns par le sondage). Maintenant, il est vident quon ne peut se satisfaire dun tel sondage etfaudrait un mieux men pour affirmer ou infirmer les rsultats de celui

    Une autre tude mrite dtre prsentperception de la densit. Il sagit dune enqute mene par lAtelier Parisien dUrbanisme (APUR), sortie dans le numro 10 de juin 2003 de la revue quelle forme urbaine pour quelle densit vcueslectionns, chacun avec des profils diffrents en termes de densit et de composition sociale, Rochechouart dans le 9dans le 13me et enfin Falguire dans le 15Un tirage au sort dun chantillon de cent personnes a t ralis pour chaque quartierau final une cinquantaine de questionnaires exploitables chaque fois. sont des habitants et donc que lon aborde la densit non plus uniquement perue mais vcue. Un premier rsultat va dans le sens de ce que lon a vu prcdemmentcart entre la densit mesure et celle ressentie15me arrondissement, une majorit de personnes dit souffrir dune trop grande densit btie.

    Figure 12 Tableau illustrant les rsultats du sondage tns

    totalement diffrent et de ce fait il ne nous aurait jamais renseign sur le regard prior

    On peut aussi se dire que les sonds ont t influencs par les dessins qui demble leur font croire que densit et formes sont directement corrles. En effet, le fait davoir zoom sur des typologies dhabitation et non des typologies de quartiers influence grandement les choix et autorise aussi les erreurs de jugement. Quoi quil en soit, on peut peutque ce sont ces erreurs mthodologiques qui ont permis de dceler un lment important du

    rd des citoyens sur la densit et notamment la confusion qui existe entre la densit e par la densit btie) et sa perception (les rsultats donns par le

    vident quon ne peut se satisfaire dun tel sondage etmieux men pour affirmer ou infirmer les rsultats de celui-ci.

    e mrite dtre prsente afin daffiner un peu la rflexion sur la perception de la densit. Il sagit dune enqute mene par lAtelier Parisien dUrbanisme (APUR), sortie dans le numro 10 de juin 2003 de la revue note de 4 pages

    forme urbaine pour quelle densit vcue ? . Quatre secteurs de Paris ont t slectionns, chacun avec des profils diffrents en termes de densit et de composition

    , Rochechouart dans le 9me arrondissement, la Roquette dans le 11et enfin Falguire dans le 15me.

    Un tirage au sort dun chantillon de cent personnes a t ralis pour chaque quartierau final une cinquantaine de questionnaires exploitables chaque fois. Prcisons ici que ce

    t donc que lon aborde la densit non plus uniquement perue mais Un premier rsultat va dans le sens de ce que lon a vu prcdemment

    cart entre la densit mesure et celle ressentie. Dans les deux secteurs du 13ndissement, une majorit de personnes dit souffrir dune trop grande densit btie.

    Tableau illustrant les rsultats du sondage tns-sofres

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    14 totalement diffrent et de ce fait il ne nous aurait jamais renseign sur le regard priori des

    par les dessins qui demble leur e fait davoir zoom

    sur des typologies dhabitation et non des typologies de quartiers influence grandement les de jugement. Quoi quil en soit, on peut peut-tre affirmer

    que ce sont ces erreurs mthodologiques qui ont permis de dceler un lment important du rd des citoyens sur la densit et notamment la confusion qui existe entre la densit

    e par la densit btie) et sa perception (les rsultats donns par le vident quon ne peut se satisfaire dun tel sondage et quil en

    afin daffiner un peu la rflexion sur la perception de la densit. Il sagit dune enqute mene par lAtelier Parisien dUrbanisme

    note de 4 pages et intitule . Quatre secteurs de Paris ont t

    slectionns, chacun avec des profils diffrents en termes de densit et de composition arrondissement, la Roquette dans le 11me, Jeanne dArc

    Un tirage au sort dun chantillon de cent personnes a t ralis pour chaque quartier avec Prcisons ici que ce

    t donc que lon aborde la densit non plus uniquement perue mais Un premier rsultat va dans le sens de ce que lon a vu prcdemment, savoir un

    Dans les deux secteurs du 13me et du ndissement, une majorit de personnes dit souffrir dune trop grande densit btie.

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    15 Or le COS net montre au contraire que la densit btie est la plus leve dans le secteur Rochechouart (4,5), la plus faible dans le secteur Falguire (1,93) et quelle est infrieure dans le secteur Jeanne dArc (3,15) par rapport au secteur de la Roquette (3,4) .

    Tableau 1 Distorsion densit relle, densit perue

    Densit objective du COS net le plus lev au COS net le plus bas

    Perception des rsidents du sentiment de trop grande densit celui dacceptable

    Rochechouart Jeanne dArc La Roquette Falguire Jeanne dArc La Roquette - Rochechouart Falguire

    De plus, et cest l que cette tude devient intressante, il apparat que la morphologie joue un rle essentiel dans lapprciation de la densit par les populations. Plus les habitants vivent dans des immeubles hauts et plus ils ont tendance considrer, non seulement que la hauteur des btiments est oppressante, mais plus encore quil y a trop de constructions dans leur quartier . Paralllement, lanalyse de la densit perue sociale nous indique dautres enseignements. Le principal est quune forte densit relle (exemple de la Roquette et de Rochechouart) peut tre bien vcue lorsquelle saccompagne dune diversit des populations et des activits susceptibles de crer une vraie animation . Tous ces renseignements qui nous indiquent des ressentis sur la perception des densits sont aussi rares que trs enrichissants et mriteraient dtre plus souvent cits.

    La premire partie sattachait donner le vocabulaire et les points cls pour la comprhension des enjeux lis lanalyse de la densit. La deuxime partie mettra lemphase sur les enjeux ainsi que sur les raisons qui expliquent que ce thme est sans doute amen jouer un rle moteur dans le renouvlement de la rflexion sur la ville et les territoires, voire mme sur nos modes de vie. Lobjectif de la partie tant donc dexpliquer les raisons de ce changement de paradigme.

    Figure 13 Photos prise dans le rapport sur l'enqute de l'APUR, note de quatre pages, n10, juin 2003

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    16 II. ANALYSE CONTEXTUELLE DE LA DENSIT. VOLUTION DES MENTALITS ET DES PRATIQUES URBANISTIQUES. POURQUOI LA DENSIT DEVIENT-ELLE UNE

    QUESTION DE SOCIT MAJEURE ?

    1. Avnement de la notion de densit comme axe central de la politique de la ville et des territoires

    Lobjet de cette partie est de recenser les principales questions de socit qui gravitent autour de la densit pour sortir des considrations partisanes propres lexpert et lusager, sortir de lopposition manichenne densit/talement urbain. La densit rsout-elle vraiment le problme de ltalement ? Pourquoi mais aussi pour qui ltalement est-il un problme ? La gestion urbaine trouve-t-elle une solution dans la ville dense ? Ny a-t-il pas l aussi des effets de seuil ? La densit est-elle forcment positive ? A chaque fois, nous exposerons une donne qui invite un questionnement, chaque partie pouvant tre lobjet dun mmoire au complet. Dans un souci de clart, nous effectuerons une distinction de tous les paramtres mais videmment la grande difficult du problme est leur combinaison ; nous essayerons, dans la mesure du possible, de faire les parallles quand ils existent.

    a. Croissance dmographique, utilisation des sols, agriculture, gestion des eaux pluviales

    De 2003 2030, il va se crer une ville dun million dhabitants toutes les semaines (ONU-Habitat, 2004). En parallle, le taux durbanisation ne cesse de crotre (29% en 1950, 50% en 2008 et une prvision de 60% en 2030) (ONU-Habitat, 2004) en privilgiant gnralement ltalement urbain (Downs, 1998 et Schneider, Woodcoc, 2008). Sachant que la majeure partie des villes ont t tablies sur des terres arables, il en rsulte, par la combinaison de ces facteurs, une diminution significative des surfaces cultivables traditionnelles. La question est alors de savoir comment lhomme va faire pour nourrir toujours plus de bouches tout en diminuant la superficie de sa terre nourricire alors mme quil nest pas inutile de rappeler qu en 2005, quelque 854 millions de personnes souffraient [encore] de la faim dans le monde (rapport FAO, 2006).

    Densifier les villes pour pargner les terres qui nous nourrissent est souvent un argument dvelopp, la discussion est encore ouverte. En effet, il ne faut pas non plus tirer de conclusions htives ce sujet et surtout il faut faire une distinction entre les situations des pays du Nord et ceux du Sud. La crise alimentaire nest pas uniquement le fait de la diminution des terres arables, dautres facteurs comme le manque de connaissances agronomiques de certaines populations qui rduit les rendements, le manque de moyens conomiques allous ce secteur par certains pays, lorientation de lutilisation des vgtaux pour en faire de lnergie (biocarburants), les guerres ou bien mme le jeu du libre march peuvent aussi expliquer cette situation dramatique (linde est par exemple un grand pays exportateur de denres alimentaires alors mme quune grande proportion de sa population est en tat de sous alimentation). Nanmoins, il faut tre conscient que cet accroissement dmographique sans prcdent dans lhumanit cre un vritablement bouleversement sur

  • lenvironnement. Nous exerons des pressions sur la Terre, pression sur la demande alimentaire, pression sur la demande en eau, pression sur les ressources naturelles, pression sur les terres arables. Toutes ces nouvelles donnes peuvent et doivent tre mises en relation avec notre pratique urbanistique et la rflexion sur la densit est une composante essentielle.

    Pour revenir sur le cas de la France, le Ministre de lagriculture et de la pche indique que la superficie agricole utilise (SAU) diminuent rgulirement depuis un demisicle alors mme que le territoire non agricole accentue son extensionp14). Les tableaux qui suivendurbanisation et lvolution des SAUils montrent la forte corrlation entre urbanisation galopdexemple, en 57 ans, la France mtropolitaine a perdu un peu plus de 4 fois la surface de lle-de-France en terres cultiveshausse du fait du taux de natalit lev, la devoir tre aussi regarde en rflchissant lind

    A lchelle mondiale, il devient aussi urgent dentamer une rflexion sur le devenir des villes car entre 1950 et 1990, la poces dernires consomment les trois quarts de lnergie mondiale et de part leur cologique trs leve, elles sont considres comme de vrais parasites pour lenvironnement. Ces donnes renfode la ville et la ncessit de mieux tudier leur mtabolisme afin que ces dernires rduisent leurs consommations de ressources naturelles. La rflexion sur la densit doit faire partie intgrante de la rflexion sur le devenir de nos cits.

    La question de leau en rapport avec la densiteffet, elle se pose surtout avec le risque inondation (lapprovisionnement tant plus un problme de positionnement gographique). La densit est souvent assimile des terres. La question du ruissellement des eaux de pluie et la gestion du risque inondation devenant un problme majeur pour bon nombre de mtropoles. Concilier densification et gestion du risque inondation nest pas insolvable mais ncessite tout de mme des rflexions importantes en amont des projets. Une rflexion est alors ncessaire sur la densit du bti mais aussi sur la densit vgtale des villesdveloppe).

    Figure 14 Croissance dmographique et dcroissancedes surfaces agricoles utilises en France mtropolitaine de 1950 2007

    lenvironnement. Nous exerons des pressions sur la Terre, pression sur la demande la demande en eau, pression sur les ressources naturelles,

    pression sur les terres arables. Toutes ces nouvelles donnes peuvent et doivent tre mises en relation avec notre pratique urbanistique et la rflexion sur la densit est une composante

    Pour revenir sur le cas de la France, le Ministre de lagriculture et de la pche superficie agricole utilise (SAU) diminuent rgulirement depuis un demi

    territoire non agricole accentue son extensionvent mettent en relation laccroissement dmographique, le taux

    durbanisation et lvolution des SAU en France mtropolitaine sur la priode 1950 ils montrent la forte corrlation entre urbanisation galopante et mitage du territoire

    en 57 ans, la France mtropolitaine a perdu un peu plus de 4 fois la surface France en terres cultives. Compte-tenu des prvisions dmographiques en

    hausse du fait du taux de natalit lev, la question de la densit des espaces urbains va devoir tre aussi regarde en rflchissant lindpendance agricole de la France.

    A lchelle mondiale, il devient aussi urgent dentamer une rflexion sur le devenir car entre 1950 et 1990, la population urbaine a t multiplie par 10. Aujourdhui,

    ces dernires consomment les trois quarts de lnergie mondiale et de part leur cologique trs leve, elles sont considres comme de vrais parasites pour lenvironnement. Ces donnes renforcent lide de renouveler les pratiques de construction de la ville et la ncessit de mieux tudier leur mtabolisme afin que ces dernires rduisent leurs consommations de ressources naturelles. La rflexion sur la densit doit faire partie

    e la rflexion sur le devenir de nos cits.

    a question de leau en rapport avec la densit est aussi une problmatique dactualit. En , elle se pose surtout avec le risque inondation (lapprovisionnement tant plus un

    ionnement gographique). La densit est souvent assimile des terres. La question du ruissellement des eaux de pluie et la gestion du risque inondation devenant un problme majeur pour bon nombre de mtropoles. Concilier densification et

    on du risque inondation nest pas insolvable mais ncessite tout de mme des rflexions importantes en amont des projets. Une rflexion est alors ncessaire sur la densit du bti mais aussi sur la densit vgtale des villes (notion pralablement

    Croissance dmographique et dcroissance lises en France

    Figure 15 Croissance du taux d'urbanisation en France mtropolitaine de 1950 2005

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    17 lenvironnement. Nous exerons des pressions sur la Terre, pression sur la demande la demande en eau, pression sur les ressources naturelles, pression sur les terres arables. Toutes ces nouvelles donnes peuvent et doivent tre mises en relation avec notre pratique urbanistique et la rflexion sur la densit est une composante

    Pour revenir sur le cas de la France, le Ministre de lagriculture et de la pche superficie agricole utilise (SAU) diminuent rgulirement depuis un demi-

    territoire non agricole accentue son extension (Bimagri, 2008, laccroissement dmographique, le taux

    sur la priode 1950 2007, ante et mitage du territoire. A titre

    en 57 ans, la France mtropolitaine a perdu un peu plus de 4 fois la surface des prvisions dmographiques en

    question de la densit des espaces urbains va pendance agricole de la France.

    A lchelle mondiale, il devient aussi urgent dentamer une rflexion sur le devenir pulation urbaine a t multiplie par 10. Aujourdhui,

    ces dernires consomment les trois quarts de lnergie mondiale et de part leur empreinte cologique trs leve, elles sont considres comme de vrais parasites pour

    rcent lide de renouveler les pratiques de construction de la ville et la ncessit de mieux tudier leur mtabolisme afin que ces dernires rduisent leurs consommations de ressources naturelles. La rflexion sur la densit doit faire partie

    est aussi une problmatique dactualit. En , elle se pose surtout avec le risque inondation (lapprovisionnement tant plus un

    ionnement gographique). La densit est souvent assimile au btonnage des terres. La question du ruissellement des eaux de pluie et la gestion du risque inondation devenant un problme majeur pour bon nombre de mtropoles. Concilier densification et

    on du risque inondation nest pas insolvable mais ncessite tout de mme des rflexions importantes en amont des projets. Une rflexion est alors ncessaire sur la

    (notion pralablement

    d'urbanisation en France

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    18 b. Enjeux conomiques - problmatique du foncier intrt de raisonner en cot global La problmatique conomique est sans aucun doute la plus difficile traiter, non

    seulement car elle demande une exploitation trs minutieuse des donnes statistiques mais aussi car elle fait appel des concepts encore balbutiants et qui ne donnent pas encore entire satisfaction (prise en compte des externalits, analyse de cot global notamment). Cest pourquoi, dans cette partie, nous nous garderons bien de donner des rponses, lessentiel tant plutt de soulever les interrogations.

    La densit vis--vis des services, conomies ou charges supplmentaires?

    A ce sujet, lide gnralement adopte va dans le sens que la densit des territoires permet une certaine conomie dchelle au niveau des services urbains. Les ratios distances de parcours (camions poubelles par exemple) par usager, longueurs de rseaux par usager sont plus leves et semblent donc aller dans le sens dune conomie dchelle. Quand on regarde les tudes existantes, on note sur ce point des rsultats trs varis et parfois contradictoires. Dans une tude quil a faite sur 17 oprations entre 1998 et 1999, Olivier Morlet, urbaniste lADEF (Associations Des tudes Foncires) conclut que les cots de construction des logements neufs au m sont suprieurs pour lhabitat collectif que pour lhabitat individuel. A noter que ces cots comprennent les prix des travaux et les honoraires divers de conception. Disons que seul le cot dinvestissement a t pris en compte, ce qui au final nest pas trs intressant mais qui malheureusement parle beaucoup aux dcideurs politiques et aux acteurs conomiques classiques. Vincent Fouchier, lui, a regard une composante des cots dexploitation. Sur le chauffage, il en conclut que les cots sont moindres pour le logement collectif (Fouchier, 1997a) en raison de la composition des immeubles o les logements peuvent bnficier du chauffage des logements mitoyens (mme discours du ct de lIAURIF, voit Les cahiers de lIAURIF, 2008, p177). Sur ce mme thme, Olivier Morlet assure, via une tude statistique sur lensemble du parc franais, que cette conclusion est fausse pour les logements construits aprs 1975, date qui a vu natre les premires rglementations contraignantes en matire de thermique des btiments. Des tudes toutes aussi indcises existent sur les services urbains denlvement des ordures mnagres par exemple. A ce sujet, je citerai Guillaume Pouyanne, qui dans sa thse intitule forme urbaine et mobilit quotidienne nous indique, page 69, que dun ct [les] cots peuvent dcrotre avec la densit car les distances parcourir sont plus faibles et le centre de collecte moins loign en milieu dense (SOFRES-Conseil, 1997) ; de lautre ils peuvent crotre, car la capacit de stockage est plus importante en habitat individuel, donc la frquence de collecte est moins leve et les cots plus faibles (PrudHomme & Yatta, 1995, pour 230 communes dle-de-France) .

    La problmatique du foncier

    Les obstacles que rencontrent aujourdhui les professionnels et les lus [] rsident dans la difficult mobiliser du foncier disponible, dans la demande des populations nouvelles qui ne va pas dans le sens dune densification voire dans le refus systmatique de toutes nouvelles constructions de la part des habitants (ORF, 2005, p4). Cette information manant de lObservatoire Rgional du Foncier en le-de-France semble indiquer que la difficult de construire en milieu dense est corrle trois facteurs principaux. On peut

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    19 commencer par analyser la demande avant daborder loffre. Pour lORF, la demande des populations soriente vers des milieux peu denses, on verra dans la partie qui traite des volutions de penses des citoyens comment on peut claircir ce point. Pour ce qui est des comportements rfractaires de la socit face aux nouvelles constructions, nous tenterons de dvelopper dans la troisime partie une mthode pour faire face ce phnomne. Enfin, troisime aspect, celui qui nous intresse ici, est la difficult mobiliser du foncier. La difficult de renouveler la ville sur elle-mme est bien relle et peut sexpliquer assez facilement : les cots de portage du foncier sont trs levs en milieu urbain constitu. Ceci peut sexpliquer par la longueur des processus damnagement (proprit du sol morcele et donc acquisitions complexes, relogements et/ou dplacements tudier, procdures de ngociation plus longues quen milieu rural, problmatiques de pollution (activits prcdentes), aspects archologiques (proccupation plus actuelle quauparavant et donc nayant peut tre pas t tudie au moment de la construction prcdente), prise en compte du risque inondation, raccords aux rseaux existants... La complexit de la ville alourdit toute tentative damnagement comparativement un amnagement en milieu rural ou urbain peu constitu, ceci est une ralit.

    Maintenant, la question est de savoir si ceci doit tre considr comme un cot supplmentaire ou bien comme un gain de valeur?

    Il est trs difficile dvaluer la cration de valeur et de richesses directement lie un amnagement. Quand on parle de valeur, cest toute la question de lvaluation des externalits qui est pose, vaste champ de lanalyse conomique. [Il faut alors prendre] en compte des externalits environnementales (PUCA, 2008) et sociales et savoir les valuer correctement. Or aujourdhui, aucune mthode ne russit bien corrler lments chiffrables (cot du terrain, cot de construction et dexploitation des difices et des services urbains, bnfices de vente, rente ) et lments non chiffrables (bien tre, qualit de vie, attractivit, valeur symbolique, respect de lenvironnement ). Focalises sur les cycles de la dcision publique, les analyses articulent mal les temps courts (de la dcision dinvestissement et de lannualit budgtaire) et les temps longs (de la gestion, du patrimoine, de la ville) (PUCA, 2008). Estimer les avantages/inconvnients de la densification des territoires ncessite des outils conomiques quil reste inventer, cette absence de mthodologie explique en grande partie linexistence de recherche sur les cots de la densit. Au final, on se rend compte qutudier les incidences conomiques dun amnagement urbain nest en rien comparable une analyse conomique de rentabilit immobilire ou dentreprise. Les facteurs prendre en compte sont trs nombreux et la mesure de leur efficacit trs complexe modliser.

    c. Lenjeu de la mobilit

    Le rythme de croissance annuel [des dplacements] est de prs de 4% depuis une vingtaine dannes [en France], nettement plus lev que la croissance conomique (Orfeuil, 2004, p3). Lenjeu de la mobilit est un enjeu transversal. On est entr dans un monde de mobilit croissante et il alors important de se poser les questions de limpact de ses dplacements sur lenvironnement en gnral (dpenses nergtiques, impacts environnementaux, ). La ville-automobile telle quon la connat est trs nergivore et des impacts importants sur lenvironnement (dgagements de CO2, NOx, particules, ). Newman & Kenworthy (annexe 1) reprennent les trois grands ges de la ville et tentent de cette manire de faire un lien direct entre modes de transport et densit, exercice

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    20 relativement russi. Ils proposent aussi une tude trs sduisante et beaucoup reprise sur la relation entre densit de population et nergie consomme par les modes de transport (annexe 2). Cette dernire savre pourtant quelque peu simpliste. En effet, des coefficients de correction ont certes t appliqus mais ces derniers ne sont pas capables de juger correctement les diffrences de modes de vie et de comportements face aux transports. Ces coefficients prennent difficilement en compte les incidences :

    du prix de lnergie dans les diffrents pays (or un pays dont lnergie est peu chre comme aux tats-Unis sera forcment tent de consommer plus, linstar de la France par exemple o elle est trs taxe). Le graphique pourrait tre trs diffrent si les lgislations sinversaient alors mme que les densits resteraient identiques,

    de lefficacit nergtique des vhicules (hors, on sait trs bien quelle peut prendre des valeurs trs diffrentes entre un pays du Sud o le parc est souvent plus g et un pays du Nord o, par des mesures fiscales, on aide son renouvlement). Il serait alors intressant de corriger ses donnes en fonction des caractristiques locales. La prime la casse en France est un levier important de renouvlement du parc. Si ce dernier nexistait pas, on peut penser que notre score nergtique serait plus lev. Cet lment nest en rien attribuable la densit, pourtant il influe grandement sur les valeurs de ce graphique. du niveau de vie des habitants. Ce nest pas certain qu Moscou par exemple, en 1989, ce soit uniquement la densit de la ville qui limite les moscovites dans leur consommations nergtiques, il faut peut-tre chercher ailleurs

    Bien que cette tude montre certaines limites, elle permet tout de mme de soulever des points intressants comme lexistence de grands modles de dveloppement travers le monde, en fonction des zones gographiques, modles ayant des incidences trs diffrentes sur les consommations nergtiques.

    Se reposer la question de notre mobilit ne peut se faire quen se questionnant aussi sur la densit btie et la structure viaire qui lui est associe ; dans certains secteurs de ville, lautomobile y est devenue une ncessit, et non plus un choix (Newman & Kenworthy, 1998, p. 28). Concernant la mobilit, il convient danalyser aussi bien les bienfaits de la densit de bti ( accessibilit et comptitivit-temps relative des modes de transport (Pouyanne. 2004, p54) que la congestion induite (Fouchier, 1997a, p. 164)). Les annexes 3, 4 et 5 aident mieux saisir le lien quil existe entre lorganisation spatiale et lenjeu de la mobilit, lui-mme trs fortement li au thme trs actuel de performance nergtique.

    Revenir lhistoire de la mobilit pour mieux comprendre notre situation actuelle

    Le premier sentiment de l'homme fut celui de son existence, son premier soin celui de sa conservation. Les productions de la terre lui fournissaient tous les secours ncessaires, l'instinct le porta en faire usage (Discours sur lorigine et les fondements de lingalit parmi les hommes, Jean Jacques Rousseau, 1754). Au tout dbut de lhumanit, lhomme tait nomade. Mais, comme disait Aristote, lhomme est un animal social , il a un besoin trs fort de communiquer et dchanger. Au cours de son dveloppement, il a rencontr des semblables et naturellement, lide lui est venu de rester au contact des ses derniers pour sassurer une existence plus aise, pour mutualiser certains moyens et par la mme, bnficier de la solidarit intracommunautaire pour mieux lutter contre les rudesses de la nature. Cest ce moment l que les premiers villages se forment, lhomme se sdentarise. Il est alors mieux arm contre la nature, peut dsormais envisager une vie meilleure, la

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    21 population totale saccrot plus vite. Au Moyen-ge, lessentiel des hommes est sdentaire et presque autonome. La majeure partie dentre eux vie la campagne et se sont constitus des jardins pour subvenir leurs besoins vitaux. Mais trs vite, le commerce prend une ampleur insaisissable, les villages et petites villes se mettent en rseau, lautonomie devient moins grande. Avec larrive de la machine vapeur au dbut du 19me sicle, les villes explosent, lexode rural est sans prcdent. Lnergie, jusque l puise dans les cours deau est dsormais disponible partout, pourvu que lon soit approvisionn en charbon. La main duvre et les nuds du commerce tant dans les villes, lactivit sy dplace, favorisant de ce fait ce formidable accroissement dmographique. Se produit alors quelque chose qui a plus ou moins toujours exist mais qui se dveloppe dans ces annes l une vitesse jamais mesure, cest ce que Durkheim a appel la division du travail social (Durkheim, 1967, 8me dition). Cette notion renvoie la diversification et la spcialisation des mtiers dans notre socit, notion qui ne cesse de se renforcer depuis lre industrielle jusqu aujourdhui. Outre le fait que cette particularit des socits modernes explique en grande partie la solidarit organique (Durkheim, 1967, 8me dition) que les individus ont entre eux, elle explique aussi, dans certaines mesures, le besoin toujours plus grand de mobilit, besoin qui devient ds lors inluctable. En effet, quel occidental peut se targuer aujourdhui dtre capable de se passer du travail des autres ? Qui peut subvenir seul et immdiatement son besoin le plus vital, celui de se nourrir ? Chacun de nous exerce un mtier trs spcialis, a t form trs prcisment sur une science, une discipline, le rendant trs performant sur cette dernire mais laffaiblissant sur dautres activits pourtant ncessaires sa vie. Nous sommes alors obligs de nous dplacer pour assouvir nos besoins en nourriture, en biens de consommation, notre obligation de travailler, nos envies de se rcrer, la question devient dsormais celle l : comment concilier ce besoin toujours plus important de se dplacer en limitant les impacts collatraux que lon connait ? Il devient ds lors trs important de rflchir une politique couple transport-densit ( travers les plans locaux durbanisme mais aussi les plans locaux de lhabitat9) car nous lavons vu, les deux thmatiques ne peuvent tre traites sparment. Cest ce qui commence tre fait en Amrique du Nord avec un concept comme le TOD (Transit Oriented Development). Ce type de raisonnement tant un peu plus avanc en Europe o beaucoup de pays ont relanc, depuis quelques annes dj, leurs politiques de transports en commun tout en insistant sur les consquences du mitage du territoire.

    d. Enjeux sociaux et socitaux (vieillissement, prcarit, sant, )

    En France, lhorizon 2050, selon lINSEE, le nombre de personnes de plus de 60 ans pourrait quasiment doubler par rapport 2000, celui des personnes de 75 ans tripler (pour atteindre 11,6 millions) et enfin le nombre de personnes ges de 85 ans et plus, potentiellement concernes par une perte dautonomie voire de

    9 On a tendance aujourdhui dire quil faut viter la priurbanisation alors mme que dans le mme

    temps, on favorise laccession la proprit des plus modestes sans condition sur la localisation. Les prts taux 0 pour les jeunes participent aussi se renforcement de ltalement car ces jeunes mnages accdent la proprit mais avec peu de moyens. Ils sont alors obligs de trouver des communes o les prix sont bas, ce sont les communes du priurbain, je dirai mme plus ce sont les terrains agricoles de ces communes, pas les bourgs (et ceci autant pour des raisons de cots que doffre non adapte).

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    22 dpendance, pourrait tre multipli par quatre (1,3 million en 2000 et 4,8 millions en 2050). []Laugmentation du nombre de personnes ges dpendantes lhorizon 2040 pourrait atteindre 1,2 million, soit une hausse de 43% (PUCA, 2006). A la lumire de ces donnes, on comprend aisment lampleur de la tche accomplir afin de permettre ces nouveaux usagers un accs adapt la ville. Pour que la ville ne leur soit pas interdite, il va falloir ds aujourdhui, prendre en compte leurs spcificits savoir le manque dautonomie et donc le besoin dun accs facilit un grand nombre de services, Densit et vieillissement, voil encore un sujet qui mriterait lui seul une recherche spcifique.

    Francis Beaucire, gographe et professeur lUniversit Paris 1 Panthon-Sorbonne mentionne le prix de l'nergie [qui] est [selon lui] la base de l'ensemble du systme rseaux-mobilit-dispersion. Or, on situe autour de 2015 le pic de la consommation d'nergie fossile. C'est dire que la question de la densit va se reposer trs vite sur des bases diffrentes (Quincerot. 2005), l accs plus quitable aux ressources urbaines (Pouyanne, 2004, p66), le prix du sol versus les cots de transport pour des jeunes qui subissent des situations toujours plus prcaires par exemple. Des enjeux de socit comme celui de la prcarit de certaines couches de la population peuvent donc aussi tre mises en relation avec la question de la densit.

    Dautre part, il faut peut-tre fixer certains lments essentiels pour mieux comprendre la problmatique dmiettement urbain.

    e. Autres rflexions

    Ne pas assimiler systmatiquement talement urbain et secteur rsidentiel . En 2004 (et cest certainement vrai encore aujourdhui), quand on construisait 10 mtres carrs, il y avait 5 mtres carrs dactivits et de btiments industriels (Comby, 2004, p9). La faute vient en partie de la demande du march mais aussi en partie du fait quon accorde des subventions lamnagement de parcs dactivits (Comby, 2004, p14). Au final, en se baladant en province, de nombreux villages ont construit ces zones lcart du centre pour profiter des subventions et ce avant mme de trouver des propritaires. Rsultat : une grande partie de ces zones sont vides, elles sont quipes, impermabilisent des sols, ont englouti des sommes importantes dargent public pour se retrouver ltat de friche avant mme davoir t utilises. Ceci est un exemple de mauvais usage des deniers publics mais montre aussi comment la lgislation peut influencer les pratiques de densification ou de ddensification sans pour autant en avoir la volont priori. La plupart du temps, les urbanistes sont invits rflchir sur le secteur rsidentiel mais trs peu finalement sont sollicits pour avoir des rflexions sur le secteur secondaire (le tertiaire est relativement bien trait). Pour lindustrie, on privilgie souvent la zone dactivit, sur des formats assez identiques alors que l aussi, on pourrait proposer des solutions innovantes pour amliorer le lien avec le reste de la ville, augmenter lurbanit des ces lieux, viter quelles se retrouvent perdues lextrieur de la ville dans des no mans land . En poussant la rflexion sur cette thmatique, il serait trs intressant de privilgier lavenir des pratiques lies lcologie industrielle. A ce sujet, les travaux de Suren Erkman sont trs enrichissants et mritent dtre cits ( vers une cologie industrielle notamment).

    Ne pas amnager pour ne pas tendre la ville . Ceci est une phrase que lon peut entendre dans beaucoup de bouches de maires. On a tendance croire quen ne faisant pas dopration damnagement, il ny aura pas dextension de la ville. Or au lieu de se faire de manire cohrente, elle va se faire de manire anarchique (Comby, 2004, p31).

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    23 Dans le contexte franais, la hausse continue de la dmographie couple au desserrement des familles conduit invitablement un besoin de construction (sans parler du phnomne dimmigration). A partir de l, les communes sont obliges de construire pour atteindre leur point mort10 sous peine de voir leur population dcrotre, leurs services publics devenir surdimensionns et perdre ainsi tout rayonnement et efficacit. Si les grandes villes et

    villes moyennes ne rpondent pas cette demande en dveloppant des programmes dans les zones urbaines constitues, nul doute que les agents privs se retourneront vers les communes alentours, plus petites et plus vulnrables. Ces dernires tant souvent dsireuses de construire sur les parcelles encore non urbanises, la taxe sur le foncier bti additionne la taxe dhabitation offrent des gains plus intressants que la taxe sur le foncier non-bti seule, ce qui explique aussi pourquoi les maires de petites communes peuvent difficilement rsister des promoteurs ou amnageurs privs qui souhaitent construire du lotissement conventionnel. Finalement, cela rejoint une nouvelle fois les ides de Comby, une des raisons pour laquelle la priurbanisation se projette loin cest parce quon ne produit pas assez de terrains btir dans les bonnes localisations (Comby, 2004, p13). L encore, ceci montre combien la loi, cette fois-ci du march, a une incidence sur les paysages que lon retrouve aujourdhui. Certes, les SCOT prnent une redensification des ples urbains constitus mais on le voit clairement ici, si les moyens ne sont pas donns aux communes-centres, la tendance ne peut pas sinverser delle-mme.

    A travers cette partie, nous avons inscrit notre analyse sur laxe des temps et donn les principales cls de lecture pour comprendre les liens trs troits qui existent entre notre sujet dtude - la densit en urbanisme - et les grands enjeux de socit. La question de la densit, plus quune question de formes semble tre une question de modes de vie. Lenjeu majeur pour la socit daujourdhui et de demain est de se prononcer sur un mode de vie souhait, la question de la densit sera alors au cur du dbat et les politiques devront sorienter toutes dans la mme direction, ce qui est le principal point faible aujourdhui11.

    La prochaine partie est centre sur les volutions de la pense socitale en rapport avec les enjeux cits auparavant, nous analyserons