Esprit du dragon

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× 1 × ANNE MULLER 1 - L’ESPRIT DU DRAGON

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L'esprit du dragon est un roman de la saga les chroniques de shaa'l édité par les Editions Etherna.

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LES CHRONIQUES DE SHAA’L1 - L’ESPRIT DU DRAGON un roman de Anne MullerÉloigné de sa famille pour son propre salut dès sa plus tendre enfance, le jeune zéphyr devra apprendre, écouter et comprendre son destin pour devenir l’un des plus grands Rêveurs d’Etherna. Malgré les perversions et les complots dont il est indirectement victime, il devra s’élever et trouver le chemin qui mène vers ce qui l’attend. La route est longue. Les épreuves multiples et les traumatismes nombreux. Repoussé par les pro-dragons à cause de ses origines religieuses, renié par les siens pour avoir été éclaboussé par le mal incarné, parviendra-t-il à dépasser la haine et la rancœur qui coule dans ses veines et accepter sa véritable nature? Rêveur. Âme corrompue par la malfaisance des grands dragons de lumière ou clairvoyant prophète né pour guider les mortels vers la paix et la véritable solidarité ?Rien n’est joué. Le pari est osé et la victoire, des plus improbables.

« Kaar’tin ash kaar’men » (ton royaume est mon royaume)

Récit tiré de l ’univers du jeu de rôle DRAGONDEAD

ANNE MULLER

1 - L’ESPRIT DU DRAGON

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LES CHRONIQUES DE SHAA’L1 - L’ESPRIT DU DRAGON

ANNE MULLER

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Illustration de couverture : Dimitry Carre

D’après l’univers du Jeu de rôle DragonDead

© 2014 - Editions Etherna

www.etherna-shop.fr

É D I T I O N S É D I T I O N S

É D I T I O N S É D I T I O N S

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Un grand merci aux beta lecteurs qui m’ont guidé dans cette aventure et surtout, un énorme merci à Charline Gonzalez pour son enthousiasme et

son grand soutient.

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APPENDICESLes Origines d’Etherna

Amalis naquit des tréfonds de la Lumière-Mère. Il était fait de la même essence que sa mère et sa puissance était grande. Au com-mencement, le dieu unique explora le néant. Il rêva de couleurs et de chants qui résonnèrent dans les confins de son territoire. Ces cou-leurs se mélangèrent, puis explosèrent autour de lui en une multitude d’étoiles vivaces. L’une après l’autre, elles entrèrent dans une danse sans fin, tournoyant les unes autour des autres sans jamais se tou-cher. Amalis s’émerveilla longtemps du spectacle des astres mais sa solitude pesait comme une malédiction dont il ne parvenait à se dé-faire. Ses chants devenaient plus mélancoliques et plus douloureux au fil du temps et il se désintéressa du tableau qu’il avait peint avec tant d’habileté. Alors qu’il s’éloignait, il découvrit une terre stérile qui ne ressemblait pas à ses autres œuvres. Elle était trop loin de la Lu-mière-Mère, cachée dans les ténèbres du néant. Alors il l’attira vers la chaleur, insouciant du destin qui attendait ce simple caillou aride, puis s’éloigna à la recherche de son propre salut. Par amour pour son enfant, la Lumière-Mère lui permit d’engendrer un nouveau dieu. Elle se nommait Amelia, douce et tendre, sage et remplie d’amour. Amalis et Amelia se joignirent, enfin heureux et comblés.

Tandis que le peuple des dieux naissait, la terre livrée à elle-même se consumait dans une mer de lave. Sa proximité avec la Lumière-Mère la tuait à petit feu. Mais elle avait une âme et désespérait de voir un jour apparaitre une vie en son sein. Cette étoile se rebella contre son sort et généra de telles explosions à sa surface qu’elle recula de l’endroit où Amalis l’avait déposée jadis. La chaleur descendit rapidement, et bien-tôt de hautes montagnes percèrent l’océan de lave, découvrant de nou-velles terres torturées par des millénaires de souffrance. Attendrie par tant de ténacité, la Lumière-Mère fit don à cette planète de quelques gouttes de sa précieuse essence de vie. Elles tombèrent dans les mers en fusion et se déposèrent sur les roches, dans les profondeurs de ce

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nouveau monde. Peu à peu, la vie s’infiltra à l’intérieur de ces pierres de lave durcie, loin des yeux d’Amalis et des autres dieux qui vivaient heureux, dans une paix et une harmonie totale.

Les océans reculèrent. De nouvelles terres émergeaient, jeunes et robustes. Kaarn – car c’est ainsi qu’elle se nomma – portait amou-reusement les nouvelles créatures qui la peupleraient ; d’immenses seigneurs inspirés par ses pensées et ses espoirs, braves et fiers, puis-sants et éternels. Elle était sur le point d’accoucher de ses premiers enfants. Et le jour vint où, enfin, ils jaillirent de la lave écumante dans un rugissement terrible. A leur tête, le premier de tous. Elimdor, sei-gneur des dragons de lumière. Ils étaient portés par de puissantes ailes et leur tête était surmontée de cornes étincelantes. Leur corps miroitait de couleurs dorées qui illuminaient les endroits sombres de la surface de leur mère. L’envol des dragons de lumière, majes-tueux, fulgurants et invincibles attira l’attention des dieux. Curieux de découvrir ce qui s’agitait ainsi sur la jeune planète, ils s’élancèrent ensemble à la rencontre de ces créatures magnifiques.

Une profonde amitié naquit et les deux peuples s’allièrent dans la création d’une œuvre unique et somptueuse. Etherna. Leurs efforts mis en commun transformèrent Kaarn en une terre verdoyante, pro-pice à la naissance de nouvelles vies, riche et généreuse. Durant des temps infinis, la paix régna parmi les peuples, et les races mortelles s’étendirent sous l’œil bienveillant des dieux et des dragons.

Amalis s’était imposé en maître incontestable durant tout ce temps. Convaincu que les dragons devenaient instables et de nature cruelle, il fut pris de crainte lorsque l’un d’eux brava l’interdit qu’il avait ordonné en s’accouplant à une humaine. Les dragons clamèrent que l’amour était à l’origine de cette insoumission, mais il était déjà trop tard. La mort de l’enfant nouveau-né scella la fin de l’alliance et une terrible guerre éclata. Les mortels entrèrent en guerre à leur tour dans l’ombre des dieux pour les uns, des dragons pour les autres. La première guerre de religion frappa les populations de plein fouet, la plus violente de toutes celles qui allaient rythmer durant des mil-

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lénaires la vie et la culture des peuples d’Etherna. Le combat fut si terrible qu’il ébranla la planète jusque dans ses fondements. La fabu-leuse et gigantesque Pangée se déchira tandis que de mortelles ma-rées submergèrent une partie des continents dérivants. Finalement, Elimdor défia Amalis en duel singulier et la bataille prit fin après la victoire de ce dernier qui l’exila sur des terres reculées. Amalis condamna Elimdor à ne plus revenir sur Etherna, dernier continent encore épargné de Kaarn, désormais territoire des mortels.

Longtemps plus tard, tandis que les populations guérissaient des stigmates de ces guerres infernales, Amalis et les siens s’élevèrent hors de portée des vivants, laissant ces terres vivre leur destinée. Mais un jour, le grand dragon, remis de ses blessures, fît un dernier affront à l’interdit divin. Il revint sur Etherna et se lia à une humaine de lignée royale. De cette union naquit une enfant immortelle, fille de prin-cesse, héritière du trône d’Elathian, Aeniel. Amalis ne put ignorer ce coup bas. Il envoya sur le peuple des dragons une malédiction sans appel qui se déversa contre toute attente sur les races mortelles. Les Nécrodragons venaient de naître.

Ces êtres cruels et sanguinaires n’étaient autres que les rejetons maudits d’Elimdor. La colère d’Amalis provoqua malgré lui la perte de ses chers enfants. Les Nécrodragons, exilés par leur père qui dé-sespérait d’avoir abandonné sa princesse par peur des représailles di-vines sur son propre peuple, s’envolèrent des terres de Draconnie et se refugièrent sur celle d’Etherna. La fièvre noire se répandit comme une nuée de malheur à chaque battement de leurs ailes sombres dans les airs.

Les races mortelles tombaient en masse, emportées par cette ma-ladie irréversible, qui, au-delà de ses conséquences létales, relevait les morts sous la forme d’abominations dépourvues de souvenir et de réflexion. Les non-morts, ainsi appelés par les survivants, s’éten-dirent sur le continent, en hordes affamées et au tempérament im-prévisible. La fin était proche.

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Alors que tout espoir de survivre s’éteignait pour les peuples du monde, une nouvelle résistance apparut. Les immunisés naquirent. Des mortels ayant développé naturellement une résistance totale à la fièvre noire et qui se réunirent pour lutter contre les hordes et les Nécrodragons, de moins en moins nombreux car incapables de se reproduire. Depuis ce jour, Etherna s’organisa autour de ces sauveurs en créant des guildes, des cités fortifiées, des armes plus puissantes que jamais et des moyens de lutter efficacement. Ces guildes se ré-partirent l’ensemble des métiers du monde et prirent le pouvoir dans tous les royaumes, car elles étaient au centre de tout. A la tête de chacune d’elles, un politicien abattait ses cartes dans le but de gagner plus encore de pouvoir qu’il n’en avait déjà.

L’Empire d’Etherna vit le jour avec l’avènement de l’impératrice Aeniel. Elle fédéra les royaumes et imposa ses lois durant des siècles en s’appuyant sur le pouvoir des guildes et leur influence auprès des populations. Les jeux et les complots s’amplifièrent dans les cités, plus encore dans la capitale impériale où chaque once de pouvoir à prendre pouvait hisser les chefs de guilde au sommet.

Les Races d’Etherna

Arak : Les araks sont des êtres étranges aux capacités étonnantes. Ils sont nés de la reproduction entre une Arachnéenne et un hu-main. Malgré leur apparence et leurs coutumes, les araks peuplent toute la surface d’Etherna même si leurs lieux de vie de prédilection restent les grottes, les colonies construites dans les forêts ou encore les petits villages de bord de mer. Ce sont de bons navigateurs, des chasseurs reconnus et de très bons artisans.

Draconien : Le désert et les roches brûlantes sont leur royaume. Illustres descendants de la race des grands dragons, ils ont hérité de leur force et de leur tempérament. Au fil des siècles et des millénaires, nombre d’entre eux ont migré vers des zones peuplées d’autres races, d’autres peuples et d’autres croyances. Ils y ont trouvé de nouvelles connaissances et ont apporté leur pierre à l’édifice de la culture du

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monde d’Etherna. Redoutables guerriers, ils sont aussi d’excellents forgerons, extracteurs, mineurs et bâtisseurs.

Humain : Les humains sont la race prédominante sur le conti-nent d’Etherna. Chef d’œuvre né de l’orfèvrerie des dieux et de la puissance des dragons, les ancêtres des humains ont été capables de mettre à profit leurs rêves pour créer des citées absolument magni-fiques et des cultures d’une variété que personne n’a su répertorier à ce jour. Chaque région, chaque cité, chaque village a développé au fil du temps des ethnies, des cultures et des technologies très diffé-rentes.

Phyte : Aux origines, les phytes n’auraient jamais dû voir le jour. En effet, lors de la guerre contre les dragons, les énergies magiques déchaînées réagirent de manière inattendue. Les arbres séculaires furent touchés, leur descendance fut alors bouleversée et le prin-temps suivant naquirent des créatures bipèdes à la peau d’écorce mais sans âme. C’est alors que la déesse de la nature, Naaiëlï posa son regard sur ces créatures et eut pitié de leur condition. Elle leur offrit alors une âme et leur demanda de lui jurer que, coûte que coûte, ils seraient les bergers de la nature. Depuis, les phytes honorent la pro-messe de leurs ancêtres.

Zéphyr : La recherche de perfection, d’harmonie et de beauté fait des zéphyrs le peuple le plus proche des dieux qu’Etherna n’ait jamais porté. Les zéphyrs reçurent le don de la finesse d’esprit et de la beauté gestuelle, mais aussi des pouvoirs ancestraux comme la lévitation ou la maîtrise de l’air. De tout temps, ils ont honoré les dieux par leur ar-chitecture, leurs arts et leurs prières. Les zéphyrs sont reconnus par le monde comme les plus grands artistes, les plus fervents prêtres et les plus avertis professeurs des cinq races mortelles d’Etherna.

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[Et Amalis, par amour pour les mortels, exila le grand dragon Elimdor sur des terres lointaines et stériles. La corruption et la haine qui empoisonnent le cœur des inconscients seront lavées par nous, qui connaissons la vérité et qui prions chaque jour pour que justice rai-sonne sur tout Etherna, et qu’enfin tous puissent vivre en paix, unis et les yeux levés vers la grandeur de notre Père à tous.]

TOME I :L’EsPRIT Du DRAgOn

Soudain, il perça les nuages lourds et menaçants, plongea et traversa la chape de brume puis bifurqua et survola les douces plaines qui bordaient le Sardagg jusqu’aux mers du nord. Le wombala étendit plus encore ses ailes lisses et glissa dans les courants d’air en direction de la grande capitale d’Etherna. Rares et précieux, les wombalas étaient les illustres montures réservées aux chevaucheurs, zéphyrs nés et destinés à ces bêtes majestueuses avec lesquelles ils unissaient leur vie à jamais. Leur large corps pouvait abriter un petit groupe d’explorateurs ou de guerriers et fendre les airs à la vitesse d’un aigle en pleine chasse. Leur morphologie trouvait leur reflet dans les mers, à l’image des grandes raies sauvages qui peuplaient l’océan du nord et des archipels du sud. Mais il ne fallait pas se fier à leur allure pacifique. Tout autre qu’un zéphyr risquait la mort en ten-tant d’approcher ces animaux agiles, souples et d’une vivacité hors du commun. Ils communiquaient grâce au lien mental qui

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se formait le jour de leur naissance commune, et qui s’intensi-fiait lorsque le temps de l’union arrivait. Les êtres qui naissaient pour devenir chevaucheurs grandissaient dans cet unique but : atteindre l’âge de se rendre dans la vallée de l’envol et s’unir à l’animal qui attendait parmi les siens, le jour où celui-ci se pré-senterait à eux.

Combien de légendes, combien de récits illustraient ces danses vertigineuses et ces échappées formidables, jeux sen-suels entre wombala et zéphyr ! Lorsqu’enfin la reconnaissance et ce formidable lien mental éclatait entre eux, ils fusionnaient en une promesse de fidélité et de solidarité dans l’intimité des grandes vallées de l’ouest. Venait ensuite le moment tant atten-du du premier vol.

Le chevaucheur aperçut Elathian. Son sourire s’agrandit lorsque ses compagnons de vol le rejoignirent et, ensemble, indiquèrent à leurs bêtes aux aguets de se mettre en forma-tion. Montrer au monde la grâce et la perfection d’une arrivée de wombalas était toujours fort plaisant pour eux et ils ne s’en lassaient pas. Côte à côte, les immenses animaux plongèrent et contournèrent le grand temple d’Amalis, colosse architectural d’Elathian. La large et haute tour faite de colonnes ajourées, de décrochés vertigineux, de miroirs et de sculptures titanesques était le point central de la ville, construite en une gigantesque spirale autour d’elle. Les immeubles se serraient les uns contre les autres, formant ces volutes parfaites et symétriques qui déli-mitaient les rues, les impasses, les terrasses et les toits verdoyants de la cité. Ils étaient faits pour durer et dominaient toute la popu-lation cosmopolite à l’abri du sol et de ses dangers. Il y avait des centaines d’années de là, les non-morts avaient réussi à envahir les rues et toutes les places de la cité, alors construite à même le sol. L’histoire raconte que son port était le plus riche de l’époque, avec ses bateaux à voile et ses embarcations commerçantes qui naviguaient vers la mer du nord, emmenant vin, nourriture, tis-

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sus et richesses vers le Limadion et l’Edalie. Mais il ne restait de ce monde qu’une basse-ville sordide et terrifiante, où quelques hordes se battaient pour un malheureux tombé des hauteurs et se succédaient à l’issue de terribles et bruyants conflits de terri-toires. Les maisons et les villas de jadis devinrent de vertigineux immeubles reliés les uns aux autres par de longs ponts suspen-dus, des passages couverts, escaliers tortueux, places ouvertes et ruelles sombres. Le colimaçon que formaient toutes ces struc-tures faisait l’admiration des chevaucheurs qui aimaient survoler la ville avant de se poser devant les grandes portes. Les rues qui donnaient sur le vide pouvaient être larges et rehaussées d’un grand mur de protection, ou simples et étroites, dangereuses et sources de crimes odieux. Les hauteurs, réservées aux plus grands de ce monde, étaient l’image même de la richesse et de la puissance d’Elathian. Les demeures bourgeoises, faites du plus pur matériau, étincelaient dans la Lumière-Mère naissante. Là, des colonnes sculptées, d’où pendaient les étendards des guildes de l’Empire, supportaient le poids d’autres habitations toujours plus vastes et plus luxueuses au fur et à mesure que l’on gravis-sait les étages. Les toits plats sur lesquels la nature retrouvait des droits représentaient la richesse ultime. Chaque immeuble supportait prairies et petits bosquets, lacs, ruchers, cours d’eau, parcelles élégamment fleuries et petits temples pro-dieux de plein air. De leur point de vue unique, les mortels privilégiés par leur naissance et leur rang pouvaient admirer la cité entière. Statues et fontaines des boulevards bourgeois, puis les niveaux inférieurs et leurs tavernes, boutiques et places aux marchés où les habitants se pressaient le matin. Enfin, les « corridors » d’entrée d’Elathian. De larges et hauts couloirs fermés, faits d’innombrables marches à l’abri de la basse-ville. Cet unique passage allait du dehors vers les rues et les ponts de la cité. Les portes étroitement surveillées étaient source d’un éternel spec-tacle d’allées et venues de voyageurs, commerçants, militaires

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et ambassadeurs venus de tout le continent. La plupart étaient immunisés, mais quelques têtes brûlées attirées par l’attrait de la capitale parvenaient aux portes, épuisées et conscientes d’avoir frôlé la mort chaque jour depuis leur départ. Peu, en réalité, ar-rivaient entiers sans une escorte de taille.

Le chevaucheur bifurqua vers le nord et survola le palais im-périal. Puissant, splendide et imposant, il faisait face au temple, unis contre le temps et les épreuves du monde. Seul ce monstre de pierres éclatantes échappait à la règle et brisait la spirale par-faite du reste de la ville. Il couvrait de ses ailes quelques quar-tiers des plus puissants, les enjambant par de grandes et hautes coursives ajourées qui ouvraient sur l’extérieur grâce à de splen-dides arabesques creusées à même la pierre. Elles desservaient salles de bals, caserne impériale et forges immenses seulement accessibles par les passages protégés d’où partaient en tous sens d’autres ponts suspendus, multiples rubans brisant la monotonie des façades de la ville. De fines et hautes fenêtres parsemaient le palais, comme autant de joyaux sur un diadème, éclairées la nuit par les ombres et les lumières de fêtes extrêmement prisées et appréciées des illustres familles.

L’heure du rappel arriva. Les chevaucheurs laissèrent l’idyl-lique vision de leur ville et descendirent jusqu’au lieu de rassem-blement, à l’est des portes d’Elathian.

Enfin, la Lumière-Mère vint déposer ses rayons bienfaiteurs sur les façades des grands immeubles. Peu à peu, les rues s’em-plirent du brouhaha et de la vie cosmopolite, ambiance unique au monde, si sécurisante, si effrayante et addictive à la fois. Tan-dis que les étals se couvraient de fruits et légumes, de viandes et de poissons ou pâtisseries et d’autres marchandises jusqu’aux objets exotiques, le palais ouvrait ses portes aux sénateurs. Ces dignes représentants profitaient de la tiédeur matinale, assis sur les bancs devant les murs d’apparat de la somptueuse demeure

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des anciens rois. Ils échangeaient les ragots et les dernières nou-velles qui rythmaient leur vie. Tous, sans exception, étaient ici à l’apogée de leur carrière et portaient sur eux la fierté d’avoir fait don de leur vie entière pour le bien-être de leurs guildes respectives.

Les Elonas vivaient en Elathian depuis plusieurs généra-tions. En quelques siècles, ces zéphyrs issus d’une lignée noble du temple d’Amalis, alors vivant dans la ville originelle de cette race, se propulsèrent vers les hauteurs de la cité et s’imposèrent comme une famille puissante et respectée.

Malgré la fortune acquise au cours de ces dernières généra-tions, aucun d’eux n’avait jamais pu espérer infiltrer les hautes sphères politiques. Si les biens et l’ambre, monnaie nationale d’Etherna, n’avaient jamais cessé de couler à flots dans leurs mains, les guerres et la fièvre noire la réduirent au simple cocon familial. Torkal et Sa’alyn, frère et sœur, leurs conjoints respec-tifs, leurs enfants et quelques cousins éloignés qui profitaient de façon indirecte de la puissance de leur nom étaient encore de ce monde. Les Elonas n’avaient en réalité de grand que le souvenir des années passées. Les ambitions ancestrales de par-ticiper à l’effort de l’Empire pour unifier les royaumes dans la ferveur et la croyance d’Amalis furent réduites à néant après la mort du grand père des derniers membres de cette ancienne et fantastique famille. Un grand bien aux yeux de Torkal, l’aîné des deux héritiers. Il aimait la simplicité de sa vie, son travail et son épouse. Le scandale de son mariage avait fini par s’essouf-fler avec le temps. Une prêtresse d’Amalis et un chercheur en biologie qui ne pratiquait la religion que par la force de l’habitu-de, il s’en fallut de peu pour que le Temple parvienne à annuler cette union. L’amour des deux zéphyrs était parvenu à faire taire les mauvaises langues, finalement. Sa’alyn, mariée par intérêt alors qu’elle terminait ses études littéraires, regrettait le manque d’ambition de son frère plus encore que les lois d’Etherna qui

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favorisaient honteusement les droits des aînés à ceux de leurs cadets. Mais il en était ainsi en Elathian. La bourgeoisie des pre-miers cycles, ceux qui se trouvaient aux sommets des grands immeubles, était à l’origine de ces lois. Elle en faisait partie et acceptait les règles du jeu. Sa vie s’écoulait au rythme des prières et des banquets qu’elle organisait avec un talent indéniable. Les meilleurs musiciens, poètes et comédiens de la ville défilaient dans sa vaste demeure aux pièces aérées. La salle de bal était de-venue l’endroit le plus à la mode depuis de nombreuses années. On pouvait y croiser les jeunes gens issus des classes sociales les plus aisées, accompagnés de leur muse du moment, qui tour-noyaient joyeusement entre les colonnes gravées de symboles pro-dieux sur une musique entraînante. Torkal, lui, évitait ce genre d’affichage public. Il préférait passer le peu de temps que son métier lui laissait avec Milhinia et son fils, Isthlën. Le Pôle des sciences, illustre établissement regroupant des disciplines extrêmement précises telles que la médecine, l’alchimie, l’ar-chéologie, la géographie, la biologie, la sociologie et d’autres en-core qui permettaient à la société d’évoluer vers les âges futurs, était le monde de Torkal Elonas. Il s’était frayé un chemin parmi ses pairs et avait forcé le respect à force de travail et de persévé-rance. Torkal et Pense-Vent, un arak réputé pour sa folie douce et son tempérament effronté, avaient bousculé par plusieurs ou-vrages scientifiques une quantité de certitudes établies qui ne leur avaient pas dévoilé que des alliés. Mais ceci est une autre histoire…