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1 Environnement Economique et Gestion de l’Entreprise Marie-Christine Henriot et Stéphane Saussier IAE de Paris 1 – Schéma économique d’ensemble et création de richesse nationale 2 – Les décisions des consommateurs – les concepts de base 3 – Les décisions de l’entreprise – les concepts de base 4 – La détermination des frontières de l’entreprise 5 – les incitations dans les entreprises 6 – La concurrence 7 – Le rôle de l’Etat et de l’environnement légal

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Environnement Economique et Gestion de l’Entreprise

Marie-Christine Henriot et

Stéphane Saussier

IAE de Paris 1 – Schéma économique d’ensemble et création de richesse nationale 2 – Les décisions des consommateurs – les concepts de base 3 – Les décisions de l’entreprise – les concepts de base 4 – La détermination des frontières de l’entreprise 5 – les incitations dans les entreprises 6 – La concurrence 7 – Le rôle de l’Etat et de l’environnement légal

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Organisation des séances

Pour chacune des séances, une préparation en amont des étudiants est nécessaire et obligatoire. Certaines séances pourront donner lieu à des présentations en groupe des étudiants.

En plus des cas donnés ici, les étudiants pourront se référer aux chapitres pertinents de l’ouvrage de référence ainsi qu’aux éléments complémentaires mis en ligne sur l’Espace pédagogique interactif (EPI) de Paris 1 : vidéo, slides power points, articles de journaux, … se trouvant à l’adresse suivante : https://cours.univ-paris1.fr/. Enfin, au sein du forum ouvert sur l’EPI, les étudiants pourront poser des questions.

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Sommaire

CAS N�1 SCHEMA ECONOMIQUE D�ENSEMBLE ET CREATION DE RICHESSE NATIONALE 4

CAS N�2 LES DECISIONS DES CONSOMMATEURS – LES CONCEPTS DE BASE 16

CAS N�3 LES DECISIONS DE L�ENTREPRISE – LES CONCEPTS DE BASE 32

CAS N�4 LA DETERMINATION DES FRONTIERES DE L�ENTREPRISE 41

CAS N�5 LES INCITATIONS DANS L�ENTREPRISE 56

CAS N�6 LA CONCURRENCE 63

CAS N�7 LE ROLE DE L�ETAT ET DE L�ENVIRONNEMENT LEGAL 75

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Cas n°1

Schéma économique d’ensemble et création de richesse nationale

Objectif :

Ce premier cas a pour objectif de comprendre le schéma économique d’ensemble et quelques indicateurs économiques fondamentaux en prenant pour exemple les résultats de l’économie française. L’environnement macroéconomique de l’entreprise conditionne en grande partie ses choix et ses performances.

Composition du document :

• Schéma général du circuit économique! • La création de richesse nationale ou du PIB et ses moteurs, Source : Denis CAVAUD

« Regards sur l’année économique 2010 », Synthèse Nationale, Juin 2011- INSEE • La sensibilité de la croissance à la conjoncture, A quoi ressemble la conjoncture

actuelle ? Source : INSEE - Informations rapides – 14 aout 2013- N° 186 • !La création et la répartition de la valeur ajoutée –

• Source INSEE- Comptes nationaux 2013 • Source : JP COTIS, Directeur Général de l’INSEE, Rapport au Président de la

République, « partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France », Mai 2009

Chapitres à lire dans l’ouvrage de référence : Chapitre 13 (Sloman, pages 460 et suivantes)

Voir aussi sur l’EPI

- « L’entreprise : un acteur essentiel du système économique », S. Saussier et M.C. Henriot, Management des Entreprises, Eyrolles, 2013 -- http://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=lkB_GA2mg9EC&oi=fnd&pg=PA5&dq=eyrolles+saussier+management&ots=4rXa_1Adl9&sig=Kq4wTg-wYyou_em7HEGj_clMsLU#v=onepage&q=eyrolles%20saussier%20management&f=false

- « Que reste-t-il du rapport Stiglitz ? », Libération, 2 avril 2013 - Références aux nouveaux indicateurs de qualité de vie publiés par l’INSEE :

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1428 - « Les Etats-Unis révisent leur comptabilité et « gagnent » quelques points de PIB » -

http://economieamericaine.blog.lemonde.fr/2013/07/29/les-etats-unis-revisent-leur-comptabilite-et-gagnent-quelques-points-de-pib

- Hooray for GDP! GDP as a measure of wellbeing – Nicholas Oulton, VOX, http://www.voxeu.org/article/defence-gdp-measure-wellbeing#.UNwDd-dUfAM.twitter

- Interview de Erik Brynjolfsson – MIT -- Erik Brynjolfsson at Techonomy 2012: Why it Matters that the GDP Ignores Free Goods - http://www.youtube.com/watch?v=DTWUIXrm9yI

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1. Schéma général du circuit économique

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2. La création de richesse nationale : le PIB et ses moteurs

Questions :

a) Qu’est-ce que le PIB ? b) Quelles sont les variables constitutives du PIB ? c) En terme d’interprétation de la croissance du PIB, quelles différences entre la

notion de taux de croissance et celle de contribution ? d) Quelle différence entre une donnée en volume, en valeur ? e) Analyser les causes de la croissance en France entre 2008 et 2010.

Source : Denis CAVAUD « Regards sur l’année économique 2010 », Synthèse Nationale, Juin 2011- INSEE

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f) Calculez le taux de croissance du PIB de la Lituanie en 2009 en valeur et en volume sur la base des informations chiffrées ci-dessous. Analysez les origines de la croissance lituanienne :

3- La sensibilité́ de la croissance à la conjoncture Question : A quoi ressemble la conjoncture actuelle ?

Source : INSEE - Informations rapides – 14 aout 2013- N° 186.

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4- La création et la répartition de la valeur ajoutée Question : A quoi sert la valeur ajoutée dans l’économie ? Que devient-elle une fois produite ?

Source : INSEE- Comptes nationaux 2013

Source : JP COTIS, Directeur Général de l’INSEE, Rapport au Président de la République, « partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France », Mai 2009

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Source : Dossier – Les comptes Nationaux passent en base 2005. « L’économie Française », Edition 2011, INSEE

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Question : Le PIB vous apparaît-il comme un bon indicateur de la performance d�une économie ? Du bien-être dans la société en général ? (Voir notamment les éléments complémentaires sur l’EPI)

La pertinence du PIB comme indicateur de performance d’une économie

Source : Insee

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Cas n°2

Les décisions des consommateurs – les concepts de base

Objectif :

Ce cas a pour objectif de présenter les concepts de base en économie, qui sont essentiels pour comprendre la manière dont sont analysées les décisions de production des entreprises dans un environnement donné. Notamment :

• La rationalité et le choix des agents économiques (côté demande) • L’importance de l’information ! • Les externalités économiques • Le rôle de l’Etat

Composition du document :

1. Extraits du chapitre 2 du livre « Economie de l’éducation » de M. Gurgand 2. Extraits de « Une jeunesse en panne d’avenir » de C. Baudelot et R. Establet 3. « Smoking’s Internalities » de Jonathan Gruber (article) 4. Prix et consommation de tabac (Insee)

Chapitres à lire dans l�ouvrage de référence : Chapitres 1 et 2 (La demande pages 31-37) (Sloman)

EPI :

- Robbed at Gunpoint, Some Bronx Victims Resist, New York Times, 18 avril 2013 – http://www.nytimes.com/2013/04/29/nyregion/robbed-at-gunpoint-some-bronx-victims-resist.html?smid=tw-share

- You Say Repugnant, I Say � Let�s Do It! - http://freakonomics.com/2010/12/30/freakonomics-radio-you-say-repugnant-i-say-lets-do-it/?src=tptw

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Texte 1 : Extraits du chapitre 2 « demande d’éducation » du livre Economie de l’éducation de M. Gurgand, Collection repère, Edition La découverte pages 33-44.

Au début des années 1960 aux États-Unis, un ensemble d’économistes autour de Gary Becker et Jacob Mincer a élaboré un cadre théorique pour expliquer comment se détermine le niveau d’éducation des individus. Cette « théorie du capital humain » part d’un double constat :

1) les revenus du travail s’élèvent avec le niveau scolaire ;

2) les études ont un coût, non seulement parce qu’il faut financer le matériel scolaire et rémunérer les enseignants, mais aussi parce qu’un étudiant renonce à tout ou partie des salaires qu’il pourrait percevoir s’il interrompait ses études pour travailler.

D’un point de vue strictement financier, si un agent rationnel poursuit ses études c’est donc qu’il estime que l’augmentation de revenu qu’il peut en espérer pour l’ensemble de sa vie active compense le coût qu’il doit initialement supporter. À partir de ce constat simple, la théorie du capital humain s’est constituée par analogie avec la théorie de l’investissement.

L’ambition première de cette théorie est de décrire la demande d’éducation des jeunes ou de leur famille en fonction d’un ensemble de déterminants économiques. Mais ce courant de pensée est aussi associé à l’idée plus générale que, en se formant, les individus accumulent des connaissances et des savoir-faire qui les rendent plus productifs (d’où le terme de « capital humain »), ce qui justifie aussi leurs salaires plus élevés. Ce point de vue est contesté ou nuancé par différents auteurs. (…)

Si, dans sa forme la plus stylisée et la plus incisive, la théorie introduite par Gary Becker se concentre sur les flux monétaires associés à l’éducation, l’ensemble des plaisirs et des peines liés aux études peut être incorporé à l’analyse. Il importe seulement de maintenir l’hypothèse que les décisions sont le fruit d’une comparaison rationnelle entre des coûts et des avantages. De fait, certaines des approches empiriques les plus récentes s’efforcent de tenir compte des dimensions non financières délaissées dans l’épure initialement construite par les théoriciens du capital humain. (…)

La théorie du capital humain

La règle d’investissement

Considérons un individu qui doit choisir son niveau d’études. Abstraction faite des différentes filières, notons E le nombre d’années d’études. À chaque niveau atteint correspond un revenu annuel du travail R(E). Par souci de simplification, ce revenu sera supposé fixe durant toute la vie active (…) De façon générale, le revenu R a beaucoup d’autres déterminants que l’éducation, mais leur contribution n’a pas besoin d’être explicitée ici.

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Tableau 4. Salaires relatifs, en fonction des niveaux d’éducation. Population de 30 à 44 ans

Inférieur au

second cycle du secondaire

Second cycle du

secondaire

Supérieur court

Supérieur long

Allemagne 80 100 116 163 Corée 80 100 113 142 États-Unis 69 100 122 192 France 84 100 133 174 Portugal 58 100 146 202 Royaume-Uni 68 100 124 181

Source : OCDE [2003], années 1998 à 2001 selon les pays.

Comme l’illustre le tableau 4, l’augmentation des salaires avec l’éducation est très nette. Seuls quelques pays sont représentés, mais cette régularité est universelle. Le tableau 5 détaille cette relation pour la France en 2000 : le gain salarial y est de l’ordre de 6 % par année d’éducation supplémentaire en moyenne. Ce gain est élevé et les agents y sont certainement sensibles. À ceci devrait s’ajouter une protection contre le risque de chômage, dont la valeur peut également être considérable dans certains pays et qui, en pratique, revient à augmenter le gain moyen attendu.

Tableau 5. Durée d’études et salaire mensuel en France. Population de 30 à 44 ans

Nombre d’années de scolarité Salaire mensuel (euros) 10 1 085 11 1 197 12 1 240 13 1 317 14 1 400 15 1 523 16 1 638 17 1 806 18 1 895 19 1 845 20 1 942 21 1 841

22 et plus 1 815 Source : Enquête « Emploi 2000 », calculs de l’auteur.

L’individu qui détient le niveau E=12 et qui envisage d’étudier une année de plus peut augmenter ainsi ses revenus futurs de R(13)-R(12), soit, en France, de 924 euros annuels (tableau 5). Que lui coûte cette année supplémentaire ? D’une part, il doit financer des coûts directs : frais d’inscription, fournitures, déplacements liés aux études, etc. D’autre part, s’il étudie à temps plein, il doit renoncer au revenu R(12) qu’il aurait pu percevoir immédiatement en entrant sur le marché du travail (dans notre exemple, R(12)=14 880 euros). R(12) est donc le coût d’opportunité de l’année d’étude supplémentaire.

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Dans les systèmes éducatifs où les études sont quasi gratuites, le coût total est peu différent du coût d’opportunité. En revanche, lorsque les étudiants doivent contribuer fortement au financement des enseignements, les coûts directs peuvent peser. Aux États-Unis, par exemple, le coût direct moyen en premier et second cycle était de 3 500 dollars par an environ dans les années 1990 [Heckman et al., 2003]. C’est finalement la comparaison du coût marginal et du gain marginal qui va déterminer la durée des études (voir encadré).

Le critère du choix d’investissement Pour décider s’il prolonge ses études d’une année, l’étudiant doit comparer ce que cette année supplémentaire lui coûte, le coût marginal, et ce qu’elle lui rapporte, le gain marginal. Notons D les coûts directs : le coût marginal, supporté dès maintenant, est donc D + R(12). Pour évaluer le gain marginal, il faut tenir compte de deux choses. D’une part, le supplément de revenu R(13)-R(12) sera perçu pendant chaque année de la vie active. C’est donc une somme de ces gains annuels qu’il faut construire. D’autre part, les revenus à percevoir dans le futur n’ont pas la même valeur que s’ils étaient disponibles immédiatement. Situons-nous dans le cas le plus simple : les marchés financiers sont parfaits (chacun peut emprunter et prêter au taux annuel r sans frais et sans limite). Il s’agit évidemment d’une hypothèse très forte et nous la discuterons plus loin en détail. Pour comparer le coût marginal supporté aujourd’hui et le supplément de revenu perçu dans un an, il faut calculer ce que vaut aujourd’hui le flux annuel R(13)-R(12). Pour en disposer aujourd’hui, l’étudiant devrait emprunter cette somme et la rembourser dans un an, ce qui le conduirait à emprunter exactement [R(13)-R(12)]/(1+r). De la même manière, il peut disposer immédiatement de la somme [R(13)-R(12)]/(1+r)2 car il pourra la rembourser avec le gain touché dans deux ans. Le gain perçu dans trois ans vaut aujourd’hui [R(13)-R(12)]/(1+r)3, et ainsi de suite. Ainsi le gain marginal directement comparable au coût marginal est une somme actualisée de flux de revenus, où le taux d’actualisation est le taux d’intérêt. Elle vaut G(13)= [R(13)-R(12)]/(1+r) + [R(13)-R(12)]/(1+r)2 + [R(13)-R(12)]/(1+r)3 + etc., la somme courant jusqu’à la fin de la vie active. Attention, la théorie ne suppose pas que l’étudiant emprunte effectivement cette somme. Il s’agit simplement de calculer la valeur courante de la richesse supplémentaire, sachant que cette richesse peut être consommée à divers moments de la vie, en fonction des besoins et des préférences de l’agent. Notre étudiant a intérêt à suivre une treizième année d’études si elle lui rapporte, au cours de sa vie, plus qu’elle ne lui coûte immédiatement, donc si G(13)> D + R(12) ; une quatorzième année si G(14)> D + R(13) etc. Supposons que le gain marginal croisse moins vite que le coût marginal : cette hypothèse centrale paraît plausible, et elle est compatible avec le tableau 5 où l’augmentation des salaires finit par se tasser. Alors, il arrive un moment où le gain d’une année supplémentaire en excède le coût : l’étudiant s’appauvrirait s’il poursuivait ses études davantage. On voit donc que pour maximiser la richesse intertemporelle, il convient de suivre une règle d’investissement classique : s’éduquer jusqu’au point où le coût marginal excède le gain marginal.

Les déterminants des niveaux d’éducation

Il existe assurément une grande hétérogénéité des coûts de financement, parce que les agents disposent de plus ou moins de richesse et sont plus ou moins disposés à travailler ou à renoncer à consommer durant leurs études. L’individu A qui dispose de fonds moins coûteux

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choisit rationnellement un niveau EA plus élevé car le rendement est à ce niveau plus faible. L’individu B doit prévoir de rembourser un prêt à taux élevé et il doit donc aussi investir au niveau EB, qui présente un taux de rendement élevé. Gary Becker parle d’« inégalité d’opportunité » entre ces deux agents, comme une source vraisemblable de l’hétérogénéité des niveaux d’éducation. La cause principale de la dispersion des niveaux est, dans ce cadre, l’inégalité des richesses initiales.

À l’opposé, les individus peuvent également différer dans les taux de rendement associés à un niveau d’éducation donné. La source de telles différences est habituellement qualifiée de talent (ability) dans la littérature économique. Il existe une littérature en plein essor sur la nature – cognitive ou comportementale, construite par le milieu social ou familial, etc., – de ce talent [Bowles et al., 2001], mais sa nature exacte n’a pas d’importance ici. L’important est que le rendement [R(E)-R(E-1)]/ [D + R(E-1)] diffère entre les individus à la fois parce que les revenus R(E) diffèrent et parce que les individus réussissent plus ou moins facilement leurs études et y trouvent plus ou moins de plaisir, ce qui réduit le coût de l’investissement éducatif d’une manière qui n’a pas été formalisée jusqu’ici, mais qui est simple à concevoir. Il en résulte une seconde source d’hétérogénéité des niveaux d’éducation, qualifiée par Becker d’« inégalité des capacités ». Si l’agent A connaît, à tout niveau, un rendement plus élevé que l’agent B, l’un et l’autre ayant la même courbe de coût de financement des études, l’agent A aura intérêt à poursuivre plus longtemps ses études.

Lorsqu’on combine les deux sources d’hétérogénéité, inégalités d’opportunité et de talent, on obtient une très grande variété de niveaux d’éducation optimaux et de taux de rendements marginaux.

La théorie du capital humain face aux données

Le postulat élémentaire de la théorie du capital humain est que les individus sont sensibles, dans leurs choix éducatifs, aux incitations monétaires qu’ils rencontrent. En ce sens, elle fournit la structure de base d’une analyse des déterminants économiques de la demande individuelle d’éducation. Naturellement, d’autres approches disciplinaires sont indispensables pour comprendre les comportements d’éducation dans toutes leurs dimensions. Mais, pour s’en tenir à l’analyse économique, la théorie prédit que l’éducation souhaitée :

1) augmente avec le rendement attendu, qui dépend des salaires relatifs à différents niveaux et du coût direct des études ;

2) diminue lorsque les capacités de financement sont limitées. De nombreuses études ont permis de tester et de quantifier ces différentes implications, dans l’ensemble avec succès, ce qui permet d’envisager certains instruments de politique publique.

Quelques faits stylisés

Une théorie économique de la demande d’éducation peut-elle contribuer à expliquer l’augmentation générale et séculaire des niveaux d’éducation ? Naturellement, celle-ci s’explique aussi par l’évolution des conditions de l’offre d’éducation et par les déterminants sociaux de l’éducation, tels que le niveau d’études des parents eux-mêmes ou l’évolution du goût pour l’éducation et des normes éducatives, principalement dans la population féminine. Mais, si la dimension économique est importante, il doit exister un lien entre l’évolution des niveaux d’éducation et celle des taux de rendement salariaux.

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En France, pourtant, les écarts de salaires associés à l’éducation ont plutôt décru sur les dernières décennies, comme l’illustrent les estimations réalisées par Selz et Thélot [2004] (tableau 6). (…) Par ailleurs, en raison de l’importance du chômage sur la période considérée, les taux de rendement salariaux ne peuvent être considérés isolément. Ainsi on observe que la hausse du chômage maintient les jeunes dans le système scolaire ; à l’inverse, dans les périodes de reprise, les interruptions d’études sont plus fréquentes [Germe et Béduwé, 2003]. Ce type de mouvement s’explique à la lumière de la théorie du capital humain si l’écart entre le taux de chômage à différents niveaux d’étude s’accroît en période de récession et se résorbe lors des reprises.

Tableau 6. Taux de rendement salariaux et effet sur la probabilité d’emploi de l’éducation en France

Taux de rendement salarial

1964 11,11 % 1970 10,62 % 1977 9,63 % 1985 8,71 % 1991 8,73 % 1993 8,73 % 1995 8,81 % 1998 8,79 %

Source : rendement salarial : Selz et Thélot [2004].

Aux États-Unis, Mattila [1982] a calculé des taux de rendement salariaux de l’enseignement supérieur et a observé que ceux-ci ont cru fortement entre 1956 et la fin des années 1960 pour diminuer ensuite jusqu’en 1979. Dans le but de valider la théorie du capital humain, il montre que les taux d’inscription des hommes dans l’enseignement supérieur ont cru et décru parallèlement. (…)

Questions :

1. D’après le texte, comment se prend la décision des agents de prolonger ou non leurs études ?

2. Quels sont les déterminants du nombre d’années d’étude ? Qu’est-ce qu’un coût d’opportunité ?

3. Comment l’Etat peut-il influer sur la décision des agents ?

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Texte 2 : Extraits de « une jeunesse en panne d’avenir » Baudelot et Establet dans Une jeunesse difficile : Portrait économique et sociale de la jeunesse française, coordonné par Daniel Cohen, Editions rue d’Ulm. 2007. Pages 38 à 42.

(…) École : espoirs et désillusions

C’est à l’aune de la formation et du titre scolaire que se mesure aujourd’hui l’essentiel de la valeur d’un homme au moment décisif où il cherche à trouver sa place dans la société. La part croissante occupée par l’institution scolaire dans le placement des individus sur le marché du travail, et, plus largement encore, dans la vie des familles et des individus par l’attribution à chacun d’une valeur scolaire propre, constitue l’une des transformations majeures de la vie sociale depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Diverses raisons expliquent ce fait social de vaste ampleur dont les origines précèdent largement le défi – « 80 % de bacheliers à l’an 2000 » – que lancent à l’école les autorités politiques au début des années 1980. Vivement accéléré par la montée du chômage, ce mouvement plonge ses racines dans les premières années de croissance. Il s’agissait alors, pour les responsables de la politique économique, de doter le pays d’une force de travail hautement qualifiée, capable de moderniser l’économie française et de rivaliser avec les puissances les plus compétitives. Les modèles japonais et allemand ont persuadé tous les acteurs économiques de la pertinence pratique de la théorie américaine du capital humain. La formation des hommes est à la fois un facteur économique global de croissance et un placement rentable au niveau individuel. Il s’agit dans les deux cas d’un investissement. Avec les chocs pétroliers, s’ajoute la volonté de lutte contre le chômage. C’est à coup sûr la mesure « anticrise » qui a le plus vite convaincu et mobilisé les familles, y compris les plus défavorisées. L’idée juste selon laquelle le niveau du chômage est inversement proportionnel au diplôme s’est rapidement popularisée. Face à la dégradation des conditions d’insertion des jeunes, chacun a compris, dans tous les milieux sociaux, que l’école représentait une planche de salut puisque les risques de chômage étaient inversement proportionnels au niveau de diplôme atteint.

La croissance aidant, l’investissement dans l’école devient le point de convergence de plusieurs éthiques aux dimensions à la fois individuelles et collectives, économiques et sociales :

– l’éthique familiale de la reconnaissance individuelle ;

– l’éthique productiviste qui valorise l’innovation et l’investissement, donc les générations à venir

– l’éthique républicaine méritocratique qui attribue un rôle croissant à la compétition scolaire.

Au cours des trente dernières années, les aspirations scolaires des familles, surtout des familles populaires, se sont non seulement élevées mais aussi profondément transformées. La crise de l’emploi a en effet porté un coup mortel au modèle ouvrier de passage à l’âge adulte où il importait d’abord que, le plus tôt possible, le jeune ait un bon métier, puisse gagner sa vie et fonder une famille.

Dans le régime ancien, l’institution scolaire demeurait largement étrangère à l’univers familial et professionnel des ouvriers. Seule une minorité d’enfants d’ouvriers accédait au cycle long des lycées. Véritables « miraculés » scolaires, ils obtenaient, quand ils réussissaient, des diplômes rares qui consacraient leur droit d’entrer dans des professions relevant de la sphère des classes moyennes ou supérieures. Il s’agissait pour eux et pour leurs parents d’une promotion sociale objective. Quels que soient les déchirements et les ruptures endurés au

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cours de cette métamorphose parfois vécue sur le mode de la trahison, le résultat était là : l’investissement scolaire avait payé ce qu’on en attendait en termes de profits économiques et sociaux. Encore ne s’agissait-il que d’une infime minorité d’enfants d’origine populaire.

Pour l’immense majorité des autres, une voie traditionnelle était tracée : un enseignement professionnel court et une mise au travail précoce. La majorité des fils d’ouvriers devenaient ouvriers à leur tour. Cette transmission du statut entre les générations sous la forme de reproduction est aujourd’hui en partie interdite par la montée du chômage mais surtout l’objet d’un refus déterminé par les pères comme par les fils. La dévalorisation de la condition ouvrière, l’intensification des conditions de travail, la précarisation des statuts et la montée du chômage font de l’usine un pôle répulsif, pour les pères qui y travaillent comme pour leurs enfants qui feront tout pour ne pas y travailler. Le refus de l’usine n’est pas nouveau. Les parents ouvriers ont toujours souhaité que leurs enfants fassent mieux qu’eux. Mais ce refus n’a jamais connu l’ampleur et la dramatisation qu’il revêt aujourd’hui. Il faut « continuer ». Aller le plus loin possible et s’accrocher coûte que coûte au lycée afin d’éviter le chômage et de bénéficier d’un meilleur salaire. « Continuer… », l’infinitif est un impératif : il faut continuer. Mais la forme intransitive de la formule est révélatrice de l’absence d’objectif concret en matière de formation ou de profession. Parents et enfants partagent cette aspiration. La nouvelle donne du système scolaire et l’abaissement des barrières à l’entrée du lycée favorisent largement dans un premier temps la réalisation de ces désirs.

Au début des années 1960, en milieu populaire, dès que la réussite était simplement moyenne, on excluait une fois sur deux l’entrée en sixième. Lorsque les performances étaient en dessous de la moyenne, d’autres orientations étaient très majoritairement préférées : fin d’études, apprentissage. Il en allait de même pour le souhait du baccalauréat : seule une minorité d’enfants d’ouvrier aux résultats scolaires moyens envisageait de préparer le baccalauréat.

Pour les élèves d’aujourd’hui, entrés en sixième en 1989, les messages de l’institution sont intégrés dans les stratégies des familles ouvrières mais avec une force bien moindre. De longues études doivent être entreprises, contre vents et marées, même lorsque les résultats scolaires sont faibles. À ceux des enfants d’ouvriers qui se classent dans le peloton de queue des épreuves d’évaluation en sixième, les parents assignent tout de même comme objectif, dans 60 % des cas : « Continuer » les études jusqu’à 20 ans et plus.

La réalité des scolarités et des débouchés professionnels a-t-elle été à la hauteur de ces grandes espérances placées dans l’institution scolaire ? Oui et non.

Oui, parce que la généralisation de la scolarisation à des catégories sociales hier reléguées dans les filières courtes et l’allongement des scolarités n’ont en rien démenti, en moyenne, la rentabilité de ce placement à l’échelle des individus, comme le montrent les deux chapitres suivants. L’investissement dans les études continue à rapporter du salaire et de l’emploi.

Non, parce que les aspirations scolaires se sont élevées plus nettement que ne se sont améliorées les scolarités. Et les scolarités se sont développées beaucoup plus fortement que les emplois de cadres supérieurs ou moyens. (…)

Questions :

1. Quels sont ici les principaux acteurs de l’allongement de la durée des études ? Comparez au texte précédent.

2. En quoi l’idée « d’éthique » dont parlent les auteurs contraste avec l’approche micro-économique ?

3. Quels sont, au contraire les éléments qui renvoient à la théorie du capital humain ?

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Texte 3 : « Smoking’s Internalities » de Jonathan Gruber, in Regulation, Winter 2002-2003, pp. 52-57.

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Questions :

1. Expliquez le modèle traditionnel de l’étude des fumeurs. En quoi peut-il être lié au texte 1 ?

2. Dans ce modèle traditionnel, à quoi se résume le rôle de l’Etat ? 3. Expliquez la nouvelle approche économique. Discutez du rôle de l’information

dans le processus de décision des agents. 4. En quoi cette nouvelle approche change-t-elle le rôle que l’Etat va jouer ? 5. Quelle approche vous semble plus proche de la réalité ? Pourquoi ?

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Questions :

1. L’évolution de la consommation de tabac en France est-elle le résultat d’un comportement rationnel des consommateurs ?

2. L’évolution du prix du tabac influe-t-il sur la consommation ?

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Cas n°3

Les décisions de l’entreprise – les concepts de base

Objectif : Comprendre les décisions des entreprises :

Choix des techniques et des facteurs de production (comment produire ?) Choix de production (combien produire ?) Choix des prix (à qui vendre et à quel prix ?) Les économies d’échelle

Composition du document :

1. Facteurs, coûts de production et taille optimale de l’entreprise 2. Entrée et sortie d’un marché 3. Disposition à payer et politique tarifaire 4. Délocalisation et relocalisation

Chapitres à lire dans l’ouvrage de référence : Chapitres 2 (L’offre) + éventuellement les chaiptres 5, 6 et 7 (La discrimination par les prix) (Sloman)

EPI :

− Interview de Wim Elfrink, CISCO sur les raisons de la délocalisation -- http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=p303tLTCKxA

− How Technology Is Destroying Jobs By David Rotman on June 12, 2013, Technology Review – http://www.technologyreview.com/featuredstory/515926/how-technology-is-destroying-jobs/

− Tracking IP : les pratiques inavouables des cybermarchands, 01Business, Février 2013 -- http://pro.01net.com/editorial/586539/tracking-ip-les-pratiques-inavouables-des-cybermarchands/

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1. Coût variable de production et taille optimale de l’entreprise

1.1. Courbes de coût

0

20

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60

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Quantités produites

Coût total

Coût variable total

Coût fixe

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Questions :

A partir de ces deux graphiques : 1. Expliquer comment se calcule le coût moyen. 2. Expliquer la forme de la courbe de coût moyen (en termes de rendements

d’échelles décroissants et de taille optimale de l’entreprise) – pages 137 et suivantes du Sloman.

1.2. Choix de la technique de production

Une entreprise qui produit des pièces détachées doit choisir entre deux techniques de production différentes. Technique de production 1 : 1 homme par machine Le salaire mensuel est de 2 000 €, le prix d’une machine est 10 000€, il y a 10 salariés, le coût variable de production est de 4€. Technique de production 2 : 1 chaîne de montage pour 10 personnes Le salaire mensuel est de 2 000 €, le prix de la chaîne de montage est 200 000€, il y a 10 salariés, le coût variable de production est de 1€. Le tableau 1 compare les coûts pour des quantités produits différentes.

Questions : 1. A partir de ce tableau, déterminer l’arbitrage de l’entreprise en termes

de techniques de production. 2. Quel serait l’impact d’une baisse du salaire mensuel ?

0

2

4

6

8

10

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14

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Quantités produites

Coût moyen

Coût moyen

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Tableau 1. Calcul du Coût Moyen pour les techniques de production 1 et 2

Technique de production 1 Technique de production 2

Coûts Totaux

Quantité Main d'œuvre CF CV CF CV CM1 CM2 0 20 100 0,004 200 0,001 120 220 2 20 100 0,004 200 0,001 128 222 4 20 100 0,004 200 0,001 136 224 6 20 100 0,004 200 0,001 144 226 8 20 100 0,004 200 0,001 152 228

10 20 100 0,004 200 0,001 160 230 12 20 100 0,004 200 0,001 168 232 14 20 100 0,004 200 0,001 176 234 16 20 100 0,004 200 0,001 184 236 18 20 100 0,004 200 0,001 192 238 20 20 100 0,004 200 0,001 200 240 22 20 100 0,004 200 0,001 208 242 24 20 100 0,004 200 0,001 216 244 26 20 100 0,004 200 0,001 224 246 28 20 100 0,004 200 0,001 232 248 30 20 100 0,004 200 0,001 240 250 32 20 100 0,004 200 0,001 248 252 34 20 100 0,004 200 0,001 256 254 36 20 100 0,004 200 0,001 264 256 38 20 100 0,004 200 0,001 272 258 40 20 100 0,004 200 0,001 280 260 42 20 100 0,004 200 0,001 288 262 44 20 100 0,004 200 0,001 296 264 46 20 100 0,004 200 0,001 304 266 48 20 100 0,004 200 0,001 312 268 50 20 100 0,004 200 0,001 320 270 52 20 100 0,004 200 0,001 328 272 54 20 100 0,004 200 0,001 336 274 56 20 100 0,004 200 0,001 344 276 58 20 100 0,004 200 0,001 352 278 60 20 100 0,004 200 0,001 360 280

2. Entrée et sortie du marché

Les coûts fixes de la firme peuvent être répartis entre coûts fixes récupérables (CFR) et coûts fixes irrécupérables (CFI) : CF = CFI + CFR Le profit de la firme (π) se définit comme le prix de vente (P) multiplié par la quantité produite (Q) moins les coûts totaux (C(Q)) : π = PxQ – C(Q) Si l’entreprise sort du marché son profit est π = -CFI Si l’entreprise reste sur le marché son profit est π = PxQ – C(Q) = PxQ – (CFR + CFI + CV(Q)) Questions :

1. Donnez des exemples de coûts fixes récupérables et de coûts fixes irrécupérables.

2. A partir des équations fournies ci-dessus, déterminez quand il est préférable pour la firme de quitter l’industrie.

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Illustration : le cas de « Activision Blizzard » (Vivendi Games) En 2004, une perte d'exploitation de 203 millions d'euros de la filiale Vivendi Games (aujourd’hui Activision Blizzard).

Des dirigeants tentés de vendre cette filiale … …mais le choix est finalement fait de la conserver.

Explication possible par les coûts irrécupérables ?

Figure 1. Cours de l’action Activision Blizzard de 2003 à 2011

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3. Disposition à payer et discrimination tarifaire

Tableau 3. Les offres commerciales Orange

Questions : 1. Quel est l’intérêt de la notion de surplus des consommateurs pour les

entreprises ? 2. Qu’est-ce que la disposition à payer ? 3. Qu’est-ce que la discrimination tarifaire ? Quel est son intérêt pour

l’entreprise ? 4. Analysez la discrimination tarifaire mise en place par Orange.

4. Délocalisation et relocalisation

ENQUETE • UNE HIRONDELLE NE FAIT PAS LE PRINTEMPS - Les Echos n° 17109 du 18 Mars 1996

Relocalisations au compte-gouttes Les retours d'entreprises au pays restent rares JEAN-FRANÇOIS POLO Rapatrier en France les activités exilées à l'étranger par l'intense mouvement de délocalisation des deux dernières décennies. Voilà bien, de prime abord, un moyen idéal pour doper l'emploi et la croissance ! A faire rêver tout ministre de l'Economie. D'autant que l'objectif ne paraît pas inaccessible. Déjà, certaines entreprises tricolores ont délaissé leurs sous-traitants turcs ou extrême-orientaux pour leur substituer des fournisseurs nationaux. Quelques-unes sont même allées jusqu'à implanter de nouvelles lignes de production dans l'Hexagone, afin d'y réaliser des opérations auparavant effectuées sous d'autres cieux. Un tel rapatriement d'activités présente des avantages macroéconomiques évidents: créations d'emplois, revitalisation des tissus régionaux, apport de recettes fiscales, contribution à l'équilibre du système de protection sociale. Les entreprises, elles aussi, y trouvent leur compte. La France, forte d'une expérience industrielle séculaire, leur offre un cadre très favorable en termes de savoir-faire technique, de formation de la main-d’œuvre et de qualité du travail. « Elle représente une concentration exceptionnelle de compétences productives », résume Pierre-Noël Giraud, directeur du Centre d'économie industrielle de l'Ecole des

Forfait "Classiques" Forfait "Pros" Prix Heures Prix Heures 23 € 1h 46 € 3h 32 € 2h 54 € 4h 40 € 3h 70 € 6h 48 € 4h 86 € 8h 64 € 6h 102 € 10h 80 € 8h 142 € 15h

182 € 20h 262 € 30h

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mines de Paris. La sophistication croissante des équipements, en autorisant sans cesse de nouveaux gains de productivité, constitue un bon moyen de préserver cette avance. Un besoin de proximité Il y a également les données géographiques. Fabriquer ou faire fabriquer à proximité de son marché, c'est pouvoir s'adapter à la demande dans des délais ultrarapides. Un avantage essentiel à une époque où les acheteurs se montrent de plus en plus versatiles et sensibles aux effets de mode. Commander à l'étranger impose, à l'inverse, un long délai d'attente. Et oblige à recourir à de grandes séries, ne serait-ce que pour amortir les coûts de logistique et de transport. Avec, à la clé, le risque de se retrouver propriétaire d'un stock devenu inadapté aux goûts de la clientèle. « Quand on met bout à bout les coûts du bateau, du camion, du crédit documentaire, des télécommunications, des déplacements et du stockage de grandes quantités de marchandises, l'Asie, ce n'est pas, si j'ose dire, le Pérou », lance Tony Fasciglione, directeur des achats de la Compagnie Générale de Vidéotechnique. Ce fabricant d'accessoires vidéo a décidé de privilégier l'Europe, d'où proviennent désormais 90 % de ses approvisionnements en composants. La mondialisation croissante de l'économie contribue dans le même temps à gommer bien des différences. « Que vous soyez à Shanghai ou en Franche-Comté, les prix des matières premières, de l'énergie et des machines-outils sont à peu près les mêmes », souligne Philippe Bérard, président de l'entreprise d'horlogerie Bérard. La moitié des 900.000 montres vendues l'an dernier par cette société de Besançon ont été fabriquées en France. Le besoin de proximité se manifeste même dans les domaines en apparence les plus standardisés. « Les claviers des ordinateurs sont différents d'un pays à l'autre. Il se révèle en conséquence plus intéressant de les produire près des marchés. Nous avons ainsi rapatrié vers la France les fabrications auparavant implantées à Taiwan », indique Charles Dehély, le directeur industriel de Bull. Le constructeur informatique travaille également dans son usine d'Angers pour le compte d'autres entreprises désireuses de se rapprocher de leurs clients français, tel le singapourien IPC. Le cas Nathan Une expérience résume à elle seule tout le profit qu'il est possible de tirer d'une relocalisation réussie: celle des Jeux Nathan. Un cas d'école si parlant qu'il a focalisé l'attention des experts. Six ans après avoir délocalisé sa production à Hongkong, supprimant du même coup 22 emplois en Bretagne, Nathan a décidé en 1993 d'effectuer un virage à 360 degrés en réouvrant à Loguivy, dans le Finistère, une unité de 50 salariés. C'est en découvrant que son partenaire chinois plagiait ses produits et les faisait même distribuer en France en cassant les prix que Nathan a décidé de faire machine arrière. Mais les raisons de l'échec vont bien au-delà de cette violation des règles du fair-play. Quand elle dresse aujourd'hui le bilan de l'aventure extrême-orientale, Joëlle Poirier, la directrice générale des Jeux Nathan, se livre à un véritable réquisitoire. « La délocalisation imposait de passer commande un an à l'avance, c'est-à-dire avant de connaître le marché. Les délais d'acheminement atteignaient un mois. Les gains obtenus sur les coûts de fabrication profitaient pour l'essentiel aux Chinois. Il en est résulté une perte globale de compétitivité », raconte-t-elle. Depuis la réimplantation en Bretagne, la productivité a fait un grand bond en avant. « Pour le même jeu, le montage prend une minute et demie quand il en fallait quatorze en Asie. Et nos prix ont baissé de 17 % », se félicite l'heureuse dirigeante. Belle Arlésienne Autre exemple de rapatriement industriel, cette fois-ci en cours: le chantier naval vendéen Jeanneau, récemment repris par Bénéteau, son grand concurrent. « L'entreprise avait cédé aux

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sirènes en délocalisant 30 % de sa production, en particulier en Pologne, où le coût de la main-d’œuvre est huit fois inférieur. Mais cette opération a entraîné de gros problèmes de qualité et d'image. Nous avons déjà ramené la fabrication de trois produits en France, et le reste suivra dans les prochaines années», explique Bruno Cathelinais, le directeur général de Bénéteau. Gare toutefois aux enthousiasmes trop hâtifs ! Quelques hirondelles ne font pas le printemps. Malgré tous les bons arguments développés en faveur des relocalisations, celles-ci ne font pas florès. On en parle plus qu'on ne les voit. Nul engouement de la part des industriels français. Force est de constater que les mouvements de fond ne s'inversent pas facilement. Les coûts salariaux, sociaux et fiscaux continueront pour longtemps de pénaliser les entreprises implantées dans l'Hexagone. « Même si les charges des entreprises françaises étaient divisées par deux, la Chine garderait sa compétitivité », relève Jean-Noël Giraud. Pis, le mouvement de délocalisation s'auto-entretient. Certains sous-traitants étrangers investissent leurs profits dans des équipements hautement productifs qui leur attirent en permanence de nouveaux clients. « La construction d'une unité de fabrication de tissus pour jeans se justifie pour 12 millions de mètres par an au minimum. Aucune usine française n'atteint un tel volume. En revanche, les Turcs réunissent des commandes en provenance de plusieurs pays et les traitent ensemble sur des machines énormes », explique un industriel français du textile. Dans un tel contexte, vouloir rapatrier une production sur le territoire français peut relever du geste kamikaze. Stéphane Kélian en a fait l'amère expérience quand il a tenté de transférer de l'Espagne vers la Drôme la fabrication des chaussures Mosquito. La carte du pragmatisme La relocalisation serait-elle donc condamnée à ne demeurer qu'une belle Arlésienne ? Tout est, en fait, question de nuances et de degré. « Le rapatriement dans le pays d'origine d'unités antérieurement délocalisées est relativement marginal. Mais le phénomène de relocalisation se manifeste en réalité sous des formes différentes et plus larges », affirme Mouhoud El Mouhoud, professeur d'économie à l'université de Brest. De plus en plus d'entreprises semblent jouer la carte du pragmatisme. Pas question, certes, de miser sur le tout-tricolore. Elles cherchent plutôt à réconcilier exotisme et terroir. Ce sont les distributeurs qui donnent le « la ». Les articles français réinvestissent certains de leurs rayons. « Nous ne recourons à des produits étrangers que si leur prix est inférieur de plus de 10 % à celui de leurs équivalents français », affirme Françis Cordelette, directeur général d'Auchan pour la France. Le poisson vient désormais de Port-en-Bessin, en Normandie, les cerfs-volants arrivent de Paimpol, dans les Côtes-d'Armor, et les tables de ping-pong de Breteuil, dans l'Oise. Les professionnels de l'habillement s'y mettent eux aussi. « Une bonne moitié de nos vêtements sont fabriqués hors d'Europe. Mais le cinquième est produit en France, deux fois plus qu'auparavant. Cette évolution est liée à la faible visibilité actuelle sur le marché », explique-t-on chez Naf Naf. Le groupe André fait, quant à lui, façonner chaque année dans le nord de la France, par l'intermédiaire d'une structure spécialisée créée il y a deux ans, 2,5 millions de pièces destinées à sa gamme d'habillement bon marché. Le charme du « made in France » Certains inscrivent leur démarche de relocalisation partielle dans le plus long terme. Ainsi Décathlon. Le spécialiste de la distribution d'équipements de sport remonte, étape après étape, les maillons de la production. Exemple, la chaîne... des vélos. A l'origine, ils étaient importés tout montés d'Asie. En 1991, le montage a été rapatrié. Depuis l'an dernier, les cadres sont peints en France, et les câbles de frein sont eux aussi d'origine nationale. « Nous allons maintenant faire fabriquer les cadres en France, après les avoir reconçus pour faciliter l'industrialisation », confie Marcel Bec, le directeur de la production du groupe.

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Démarche comparable pour les bancs de musculation et les porte-vélos pour voitures. Certaines techniques spécifiques qui avaient complètement disparu des usines françaises, tel le travail du Néoprène pour la confection de combinaisons de plongée, ont été réintroduites. Aujourd'hui, Décathlon fait fabriquer en France la moitié des produits qu'il commercialise. Au total, 350 sous-traitants et 2.000 emplois. Le « made in France » peut même devenir un véritable argument de vente. S'il se défend de tout esprit cocardier, le distributeur de matériel électroménager et audiovisuel Boulanger ne s'y est pas trompé. « Nous ne cherchons pas à jouer sur le sentiment de culpabilité des clients. Nous sélectionnons des produits français pour leur qualité, leur prix et leur absence de gadgets inutiles », affirme Benoît Vermersch, le directeur du marketing du groupe lillois. Aujourd'hui, 72 articles, du magnétoscope à l'ordinateur multimédia en passant par la friteuse ou le lave-linge, bénéficient, grâce au label exclusif décerné par Boulanger, d'un coup de pouce promotionnel dans les magasins du groupe. Des succès fragiles Il est certes difficile d'isoler l'influence du facteur géographique dans la motivation de l'acte d'achat. « Nous ne sommes pas parvenus à mesurer précisément les effets de notre campagne “Nos emplois sont nos emplettes”, engagée il y trois ans », reconnaît-on à l'Assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie. En tout cas, chez Boulanger, les produits estampillés sont à chaque fois en tête des ventes dans leur gamme. Mêmes résultats probants dans l'agroalimentaire. « Quand l'abattoir de Vitré a fait savoir qu'il remplaçait l'agneau néo-zélandais par des bêtes élevées en France, ses ventes ont bondi de 40 % », raconte l'ancien garde des Sceaux et maire de la ville, Pierre Méhaignerie. Ces succès demeurent toutefois fragiles. Car les distributeurs peuvent inverser brusquement leur stratégie en fonction de l'humeur des consommateurs. Le mouvement de relocalisation ne se déclenchera vraiment que le jour où l'industrie française aura trouvé en elle-même les ressources nécessaires pour accroître structurellement sa productivité. Or, sur ce terrain, beaucoup reste encore à faire pour que Pithiviers supplante Bangkok. Questions :

1. A partir de l’article des Echos, expliquez les raisons qui motivent les délocalisations et les éventuelles relocalisations.

2. Ces décisions sont-elles toujours liées aux coûts de production ? (Voir notamment sur l’EPI l’interview de Wim Elfrink à ce sujet)

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Cas n°4

La détermination des frontières de l’entreprise

Objectif : Comprendre les décisions d’internalisation des entreprises et déterminer les « frontières » adéquates de l’entreprise

Déterminants des choix d’externalisation Mécanismes et difficultés contractuels

Composition du document :

1. Services et externalisations HEC – Les Echos « Les nouvelles règles de l’externalisation »

2. Le cas du contrat Vélib’ Revue de presse de juin 2008 à juillet 2013

Chapitres à lire dans l’ouvrage de référence : Chapitre 8 (Douma) + pour approfondir chapitre 13 (Douma).

Voir alternativement, pour une version en français l’ouvrage de S. Saussier et A.Y. Billon « Economie des coûts de transaction », Repères, 2007 disponible en ligne ici : http://www.cairn.info/feuilleter.php?ID_ARTICLE=DEC_SAUSS_2007_01_0006

EPI :

− Interview de Stéphane Saussier : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=IyIpQItbBzM

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1. Services et Externalisation – Les nouvelles règles de l’externalisation

Questions : 1. En vous basant sur la définition de B. Quélin, citez des exemples de

sous-traitance que l’on pourrait qualifier d’externalisation et d’autres que l’on ne pourrait pas qualifier d’externalisation.

2. Quels sont les avantages comparatifs de l’externalisation ? 3. Comment se prend la décision d’externalisation pour une entreprise ?

Expliquez. 4. Identifiez les coûts de transaction dans le texte. 5. D’après le texte, quels comportements opportunistes peuvent être

adoptés par les acteurs ? Pour quelle(s) raison(s) ? 6. Que propose le texte pour remédier à ces comportements

opportunistes ? Quelle est la limite de cette solution ?

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LES NOUVELLES RÈGLES DE L’EXTERNALISATION

C’est la grande tendance du moment. Mais le transfert d’une partie des activitésde l’entreprise à des prestataires est souvent définitif. Ce qui exige une démarchedes plus rigoureuses et une réflexion sur le moyen terme pour une décisionstratégique d’ampleur.

Services et externalisation

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Diminution des coûts et efficacité accrueL’aspect financier reste pour les dirigeants lecritère numéro un d’une décision d’externa-lisation. “Il s’agit de réduire le coût d’une fonc-tion en la confiant à des prestataires qui ferontmieux pour moins cher”, explique BertrandQuélin. L’ensemble des coûts fixes et va-riables sont ainsi transférés au prestataire. Alui désormais d’engager les investissementslourds dans un contexte qui peut être de forteobsolescence (informatique et télécoms, notamment), mais attention ! l’entreprise -cliente devra alors s’engager pour longtemps.A lui aussi de payer les salariés et de faire bénéficier ses clients des économies d’échelle.Autre avantage de poids, l’entreprise clientebénéficie de l’expertise du prestataire dansson domaine d’activité. “Le prestataire vientavec une méthode éprouvée, précise PaulTremsal. Les procédures ont été améliorées surchaque chantier, l’organisation est rodée.” Lepersonnel est très qualifié, le matériel à lapointe des technologies. Une situation donc idéale ? Gare aux mira-ges, prévient néanmoins Jérôme Barthélemy(D.00), professeur de stratégie à Audencia –Nantes Ecole de Management, dans un dos-sier sur l’externalisation dans le magazinel’Expansion (juin 2002). “La valeur d’une opé-ration d’externalisation sera amputée par descoûts”, explique l’auteur de Stratégies d’exter-nalisation (Dunod, 2001). Ceux qu’il faut consacrer, avant la signaturedu contrat, à en définir les modalités, à iden-tifier le partenaire, à évaluer sa capacité à répondre au cahier des charges ; et ceux, pen-dant la durée du contrat, destinés à vérifier laprestation, et éventuellement à renégocier.Des sommes qu’il est impératif d’intégrerdans l’évaluation d’une externalisation aurisque de rencontrer assez vite une grosse déception.

Le cœur de métier en ligne de mireJusqu’où doit aller l’externalisation ? Telleest la question que se posent des dirigeantspartagés entre l’idée d’augmenter la valeurajoutée par ce biais et la crainte de toucherau cœur de métier, en réduisant la valeur del’entreprise. “Paradoxe : ce problème arrive en tête des critères d’analyse des dirigeants, explique Bertrand Quélin, mais rares sontceux qui évaluent rationnellement ce périmètrestratégique. L’approche reste souvent subjectiveet instinctive.”“Dans certains cas, il n’y a pas de doute : l’ex-ternalisation n’est pas envisageable car on touchedirectement à ce qui fait la valeur de l’entre-prise”, souligne Frédéric Tcherneian (H.89),DAF de Questel Orbit, leader de l’informa-tion spécialisée en propriété industrielle. Ceprestataire permet à ses clients de protéger etde valoriser par eux-mêmes leurs innova-tions, en leur donnant les moyens de maîtri-ser leur portefeuille de brevets, marques,noms de domaine, grâce à ses outils de recherche et de veille, ainsi qu’à une couver-ture géographique étendue. “Nous sommesun fournisseur d’informations permettant à nosclients de garder le contrôle de cet élément-clé deleur stratégie. En somme, notre succès tient à lanon-externalisation de cette activité”, expliqueen souriant Frédéric Tcherneian. C’est là unautre paradoxe : la tendance croissante àl’externalisation favorise les entreprises pres-tataires de services qui évoluent dans les domaines stratégiques non externalisables.Tout simplement parce que les entreprisesont là besoin d’un renfort permanent.

Une valeur ajoutée en permanente mutationMais identifier là où est le cœur de métier, làoù se concentrera bientôt la valeur ajoutéesuppose de mener un raisonnement à moyenterme sur ce que doit et veut être l’entreprise.“Car on constate, explique Bertrand Quélin,une migration permanente de la valeur ajoutéequi, dans le domaine industriel par exemple, nese cantonne plus au produit et à sa transforma-tion, mais se développe vers toutes les prestationsassociées au produit.” Par exemple, le verrierdans l’industrie automobile constate que savaleur ajoutée migre vers toutes les presta-tions associées à la livraison d’une vitre ar-rière de voiture, jusqu’au contrôle de l’étan-chéité. Aussi voit-on des décisions d’externalisationtoucher aujourd’hui ce qui a été le cœur demétier historique de certains groupes, alorsque la valeur ajoutée a déjà migré vers

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L ’externalisation a le vent en poupe.Mieux : le mot est à la mode. Mêmes’il est souvent ressenti comme parti-

culièrement... flou ! Toute sous-traitanced’un travail quelconque n’est-elle pas uneforme d’externalisation ? “Pas si l’on s’en tientà une définition précise, dit Bertrand Quélin,professeur au Groupe HEC et l’un des meil-leurs spécialistes du sujet. L’externalisation estle transfert durable d’activités dans lesquellesl’entreprise a investi dans le passé.” Pas deconfusion possible, donc : la sous-traitanceindustrielle en cas de surchauffe d’activité et lerecours à des services extérieurs au coup parcoup n’ont rien à voir avec l’externalisation.Au-delà des traditionnels restauration, jardi-nage, nettoyage et autres gardiennages, cesont aujourd’hui des fonctions stratégiquescomme l’informatique, la logistique ou lafonction financière qui sont de plus en plussouvent confiées à des sociétés externes.Exemple type d’une société prestataire dansle domaine industriel, KS Services. “Dans ledomaine industriel, raconte son président PaulTremsal (I.74), qui, en six ans, a fait passer lechiffre d’affaires de 6 millions de francs à plusde 18,5 millions d’euros, nous assurons trois

types de prestations. Les plus connues relèventdes services tertiaires (accueil, standard, sur-veillance ou nettoyage, mais également la requa-lification de fichiers ou le recouvrement decréances) ; le deuxième type de prestationsconcerne les services logistiques (gestion desstocks, des matières premières, des produits finis), qui tendent aujourd’hui à englober toutela gestion des flux à l’intérieur de l’entreprise etintègrent même les expéditions aux clients ; enfinle troisième est celui des services annexes à laproduction qui, partant de la maintenance, sedéveloppent dans le conditionnement, le contrôlequalité, etc.”Un champ d’activités, on le voit,en pleine expansion.

Services et externalisation

Quand on touche au cœur mêmede la valeur ajoutée, il est inenvisageable

d’externaliser. L’entreprise doit au

contraire chercher à se renforcer.

Frédéric Tcherneian (H.89), DAF de Questel Orbit

!

Les entreprisesont recours à l’externalisation dans les domaines

où elles doiventconstater qu’en interne

elles ont désappris à faire du bon travail.

Paul Tremsal (I.74), président de KS Services

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Services et externalisation

d’autres métiers et prestations, à forte domi-nante tertiaire. Dans ce domaine, les groupesles plus novateurs sont ceux qui anticipentsur ce qu’ils seront demain. L’externalisationbien menée est indissociable d’une réflexionstratégique sur le moyen terme.

Gérer les risquesReste que l’importance des risques pris gèlesouvent certaines décisions. Qu’il s’agisse durisque industriel, de celui portant sur l’imagede l’entreprise (en cas de défaillance du pres-tataire vis-à-vis de la marque), ou du risquesocial afférent à toute décision d’externalisa-tion, l’entreprise et ses dirigeants se retrou-vent exposés sans pouvoir maîtriser en direct

une crise éventuelle. “Il n’y a pas de lien de subordination entre l’entreprise cliente et les em-ployés du prestataire, rappelle Paul Tremsal.D’où la nécessité d’avoir un périmètre précis d’in-tervention et une interface permanente – le res-ponsable de site – entre le client et le prestataire.”Autre garde-fou, le contrat. Etabli sur unedurée moyenne de 6 à 7 ans, il prévoit des pé-nalités de plus en plus lourdes en ce quiconcerne les défaillances du prestataire. “Lerisque majeur, commente Jérôme Barthéle-my, réside dans l’existence de coûts anormaux,liés à l’impossibilité de changer de prestataire oude réintégrer une activité externalisée. Dans ce cas, le prestataire peut utiliser sa position deforce pour augmenter ses tarifs ou réduire la qua-lité de ses prestations.” Un scénario-catas-trophe où l’externalisation se traduit alorspar une destruction de valeur !

La nécessité d’une démarche stratégiqueLourde donc de conséquences, de risques etd’enjeux, la décision d’externalisation doitrépondre à une méthodologie rigoureuse.Première étape, délimiter le périmètre straté-gique de l’entreprise, son cœur de métier.Deuxième phase, générer les élémentscomptables et financiers associés aux activi-tés externalisables, permettant analyses etcomparaisons. Troisième phase, rédiger le cahier des charges. Enfin dernière étape,contractualiser. Il arrive que ce travail abou-

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Il ne faut pas oublier que la relation “entreprise externalisatrice-prestataire” reste avant tout une relationcommerciale dans laquelle les deuxparties cherchent à s’approprier la plus grande partie de la valeur créée par l’externalisation” (l’Expansion - juin 2002)

Jérôme Barthélemy (D.00), Professeur de stratégie

!

tisse... à une réorganisation rendant inutilel’externalisation. “Mais quand le choix de l’externalisation est fait,on demande de plus en plus au prestataire de reprendre l’équipement, de le mettre à niveau,explique Bertrand Quélin. Quant aux trans-ferts de personnes, le volet social est tout à la foisquantitatif – salaires, avantages – et qualitatifsur le plan de l’évolution de carrière et de la for-mation.”

Le danger d’une entreprise virtuelle“A moins de se transformer en entreprise vir-tuelle, la conception du produit, la gestion de lamarque, le marketing et le relationnel clients, neme semblent pas pouvoir être totalement exter-nalisés”, souligne Bertrand Quélin. Ce qui nedevrait pas empêcher le mouvement versl’externalisation de croître : d’une part, parceque les activités “support” dans l’entrepriseauront toujours plus de mal à répondre auxcritères de productivité des groupes. Recalés,elles sont conduites automatiquement à êtreexternalisées. D’autre part, l’externalisation devrait êtrerenforcée par la mondialisation de groupesqui ont déjà confié à certains pays (Inde, Europe centrale) certaines prestations, com-me la création de programmes informa-tiques. Sans oublier un élément importantd’accélération du processus : l’inévitable mimétisme d’entreprise. ■

300milliards de dollars, dont la moitié en Europe, c’est l’estimation du marché mondialde l’externalisation. (Source : Les Echos du mercredi 29 août 2001)

70%, c’est le taux de recours à l’externalisation pour les grandes entreprises françaises

en 2001, pour une moyenne de services externalisé de 2,2 et un taux de satisfaction de 90 %.

31%des grandes entreprises citent en 2001 la flexibilité comme raison pour externaliser

de nouvelles fonctions. Ce taux était de 9 % en 1999.

34%des grandes entreprises souhaitent externaliser de nouvelles fonctions dans les

deux années à venir, et seulement 6 % en envisagent l’arrêt. (Source pour les trois derniers chif fres : troisième baromètre Outsourcing d’Ander,sen).

PEUT-ON TOUT EXTERNALISER ?Tableau comparatif en termes de demande et tendances

LES CHIFFRES CLÉS

UNE EXTERNALISATION DIFFÉRENTE SELON LE TYPE D’ENTREPRISEFonctions externalisées en 2001

Entreprise Grandes entreprisesdu nouveau marché

Informatique et télécommunication 26 63Distribution, logistique, transport 33 52Services généraux 15 37Production 22 21Ressources humaine 56 20Administration ou finances 19 14Le marketing ou la commercialisation 9 17

Source : troisième baromètre Outsourcing d’Andersen.

PRESTATIONS CLASSIQUES EXTERNALISATIONDE SERVICES

Production-Transformation ■■■ ! ■■

Ressources humaines ■■■■ ! ■

Immobilier ■ !! ■

Optimisation financière ■

Marketing & publicité ■■■ ! ■

Recherche & Développement ■ !! ■

Comptabilité & audit ■■■ ! ■

Marketing téléphonique ■■■■ !!

Relations clients, SAV et CRM ■■■■ ! ■■

Informatique ■■■■■ !!! ■

Services transports & logistiques ■■■■ !!! ■

Gardiennage/Jardinage ■■ ! ■■

Surveillance ■■ ! ■■

Accueil ■■ ! ■■

■ = Niveau d’intensité de la demande des entreprises clientes

! = Tendance de la croissance

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2. Le cas Vélib’ – Choix du mécanisme contractuel et difficultés

LE CAS VELIB’ – REVUE DE PRESSE DE JUIN 2008 A JUILLET 2011 Le Vélib', si populaire mais si cher Le Figaro – 24 juin 2008 Marie-Christine Tabet Le Vélib', un concept emprunté à Lyon, a fait oublier les ratés de la politique des transports En un an, il a conquis 200 000 abonnés pour 25 millions d'utilisations, mais les vols et les dégradations concerneraient près de 30 % du parc. C’est un coup marketing incontestable. Un de ces «tops» dont les magazines raffolent et qui alimentent leurs sagas annuelles. La Ville de Paris a d'ailleurs l'intention de fêter la première année du Vélib', son vélo en libre-service, sur les Champs-Élysées… Comme toutes les grandes victoires françaises. Le 27 juillet prochain, 350 heureux élus, des amateurs de la petite reine parisienne recrutés par un jeu Internet, remonteront l'avenue quelques heures avant les coureurs du Tour de France. En réalité, c'est le 15 juillet dernier que le premier coup de pédale a été donné. L'heure des premiers bilans a sonné. Loin d'être une légende rose et verte de l'écologie, le Vélib' est une redoutable machine de guerre économique et politique, fruit d'une bataille féroce entre deux géants de l'affichage publicitaire et de l'ambition d'un homme, Bertrand Delanoë… Avec 25 millions de locations en un an d'exercice, 200 000 abonnés et plus de 16 000 vélos, le Vélib' s'est imposé à Paris comme la colonne Morris et le petit noir au comptoir. Chaque jour, les Parisiens effectuent quelque 120 000 trajets, avec une pointe à 141 200 le 21 juin pour la Fête de la musique, et même à 180 000 en octobre dernier pendant les grèves. Selon un sondage commandé pour la Ville par l'opérateur JCDecaux , le taux de satisfaction des utilisateurs frise les 98 %. Cerise sur le gâteau, la Ville devrait encaisser cette année près de 30 millions d'euros grâce au seul produit des locations. Sans compter le profit politique dont Bertrand Delanoë a bénéficié au cours de la dernière campagne électorale. Le Vélib' a fait oublier les ratés de la politique des transports de la première mandature. Les embouteillages, la suppression des places de parking, les couloirs de bus, les travaux du tramway ont pourtant alimenté la grogne des Parisiens pendant quatre ans. «C'est une bonne idée, reconnaît Pierre-Yves Bournazel, élu UMP de la Ville de Paris, d'ailleurs nous l'aurions mise en œuvre. Mais de là à oublier l'inconséquence de l'équipe municipale en matière de transport…» Signe du succès : Delanoë et l'ancien adjoint chargé des transports entre 2001 et 2007, Denis Baupin, aujourd'hui réorienté sur le développement durable, se disputent la paternité du Vélib'. Dans l'entourage du maire, on n'hésite pas à confier que l'élu Vert ne croyait pas «vraiment» à Vélib', en tout cas «pas à cette échelle». «Je suis tout de même président des villes cyclables, se défend Baupin, et je me suis rendu à Lyon pour étudier le système lyonnais de prêt. En tout cas, je suis sans doute l'élu qui se sert le plus de sa carte d'abonnement.» Rétropédalage À la fin 2006, l'équipe de Bertrand Delanoë a conscience que le bilan transport n'est pas à l'avantage du maire. Ce dernier prend alors ses distances avec les Verts, dont le discours anti-automobilistes fait des ravages.

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Au même moment, à Lyon, le maire socialiste, Gérard Collomb, fait figure de deus ex machina du déplacement urbain. Il reçoit les maires du monde entier pour présenter son Vélo'v. À Paris, Delanoë comprend vite qu'il tient là une façon de reprendre la main. La communication est progressivement recadrée, quelques couloirs de bus rectifiés et Bertrand Delanoë demande à ses équipes de lancer Vélib' au plus vite. «Au début, ils nous ont envoyé des espions, plaisante Gilles Vesco, conseiller délégué aux déplacements à Lyon. Puis Baupin et Delanoë sont venus officiellement.» L'opération est menée tambour battant. En six mois, la Ville dénonce le contrat publicitaire qui la lie avec JCDecaux et lance un appel d'offres qui couple comme à Lyon espace publicitaire et vélos en libre-service. Les deux géants de l'affichage, l'américain Clear Channel et le champion national JCDecaux, se retrouvent face à face avec l'envie d'en découdre. De surenchères commerciales en recours devant les tribunaux, c'est JCDecaux qui remporte le marché. «Dans un premier round, reconnaît un agent municipal, Clear Channel avait fait la meilleure offre. À l'époque, JCDecaux n'avait proposé que 8 000 vélos et une redevance supplémentaire d'un euro par an. Ils ont finalement mis dans le panier 20 000 vélos, 1 450 stations et 11 millions sur dix ans.» L'extension à la banlieue bloquée Socialiste et libéral, Delanoë a fait jouer à plein la loi du marché. Pour obtenir 1 600 panneaux publicitaires (2 et 8 mètres carrés) roulants dans Paris, l'une des plus belles vitrines du monde, JCDecaux a accepté un contrat léonin. Le nom Vélib' appartient à la Ville qui est également propriétaire du système. JCDecaux, prestataire de services, doit fournir en permanence 20 000 vélos alimentant 1 450 stations. Pour l'instant, il y en a 16 000 en circulation pour 1 300 stations. L'entreprise Cyclocity, filiale du groupe, est en effet confrontée à un problème de vandalisme et de dégradation d'usage important qui obère la rentabilité de l'opération. À Lyon, où le service a été inauguré, JCDecaux demande toutefois une révision du contrat. «Il nous dit perdre 3 millions d'euros par an, reconnaît Gilles Vesco, une entreprise ne peut accepter un déficit chronique mais nous ne sommes pas prêts à revoir le contrat pour autant. Lyon a pris un risque.» À Paris, ce serait quelque 3 000 vélos qui auraient été volés depuis un an et presque autant mis hors service sur la même période, soit près de 30 % du parc. Les douaniers retrouvent fréquemment à Marseille des Vélib' dans les containers des ferries qui se rendent au Maghreb. Et les touristes se sont habitués à les croiser dans les rues de Casablanca. Il y a quelques semaines, c'est en Roumanie qu'une bicyclette parisienne a été retrouvée dans un camp de Roms. Les surcoûts sont importants. Quelque 1 500 bicyclettes doivent être réparées chaque jour et dans 20 % des cas, l'intervention doit être effectuée dans un atelier de Cyclocity. Dans de telles conditions, les tarifs attractifs offerts aux Parisiens (29 euros l'abonnement annuel, 7 euros pour une semaine et 1 euro la journée avec les trente premières minutes gratuites) sont-ils tenables sur le long terme ? D'autant que la durée moyenne d'utilisation du Vélib' n'excède jamais les vingt-deux minutes. Cyclocity a déjà dû apporter des modifications importantes de son vélo. Les chaînes de vélos ont notamment dû être renforcées, comme les cadres trop légers pour résister à l'utilisation urbaine. Enfin, les paniers ont également dû être soudés plus solidement pour éviter les vols en série. Chaque vélo coûterait près de 2 500 euros à Decaux alors que le business plan d'origine les avait budgétés autour de 1 000 euros. Jean-Charles Decaux, président du directoire de JCDecaux, reste très discret sur ces chiffres d'exploitation. «Notre entreprise est cotée, rétorque-t-il avec le sourire, ces éléments font partie de nos secrets maison. Nous investissons 85 millions d'euros sur ce programme qui allie mobilier urbain, contenu de services et publicité. C'est un axe de développement majeur pour le groupe. Aujourd'hui, nous avons 38 000 vélos en circulation dans le monde et plusieurs grandes capitales sont intéressées.» L'extension du Vélib' aux villes des banlieues est pour l'instant bloquée. Et JCDecaux ne peut compter sur un marché captif en Ile-de-France, Clear Channel a en effet engagé un recours

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devant le Conseil d'État pour obliger chaque municipalité à passer un appel d'offres et à choisir son propre opérateur. Le «Grand Paris du vélo» n'est pas pour demain. Vélib' change de braquet Le Parisien – 23 novembre 2009 Catherine Balle La lune de miel est terminée, place au mariage de raison. Deux ans et demi après avoir signé un contrat de dix ans, la Ville et JCDecaux ont renégocié âprement les termes de leur accord. Les modifications au contrat seront discutées ce matin au Conseil de Paris. En coulisses, elles ont fait l'objet d'un bras de fer entre les deux parties depuis plus d'un an. Un contrat initial trop « théorique ». De l'aveu de JCDecaux comme de celui de la Ville, lors de la signature du contrat en février 2007, certaines données étaient « impossibles à prévoir ». Ainsi, en raison du succès de Vélib', 196 stations se sont révélées trop petites et ont dû être étendues. Au centre d'appels, JCDecaux a dû embaucher plus d'une quinzaine de personnes supplémentaires. Pour compenser ces dépenses, la Ville va verser 2,6 millions d'euros à JCDecaux. La mauvaise « surprise » du vandalisme. Vélos tordus, cassés, taggués, plongés dans la Seine ou dérobés… Depuis leur installation, les Vélib' souffrent. JCDecaux comptait, cet été, 8 000 vélos volés et plus de 18 000 abîmés. « En deux ans, le vandalisme nous a coûté 8,5 millions d'euros », révèle Albert Asseraf, directeur général Stratégie, études et marketing de JCDecaux. Un coût qu'il ne pouvait pas imaginer « car il n'y a aucun programme comparable à Vélib' dans le monde ». Le « nouveau » contrat prévoit donc que la Ville rembourse 400 € par Vélib' vandalisé dès lors que 4 % du parc de vélos est touché, et jusqu'à ce que 25 % du parc le soit (un précédent texte limitait ce remboursement à 20 % du parc). Le vandalisme pourrait coûter, à la mairie, jusqu'à 1,6 million d'euros par an. Un service à améliorer. Les utilisateurs déplorent l'usure de ces vélos ou le fait qu'il est difficile d'en trouver sur les hauteurs de Paris, mais aussi le temps d'attente au centre d'appels de JCDecaux. Récemment, des usagers ont mis plus d'un mois à obtenir le renouvellement de leur abonnement… La Ville exige donc un délai de réponse moyen de 2 minutes au téléphone et de 15 jours par courrier. « On va titulariser les personnes qui sont en CDD dans notre centre d'appels », promet Albert Asseraf. La Ville va céder une partie de ses recettes. Pour améliorer le service de Vélib', la Ville croit avoir trouvé la solution : il faut que JCDecaux ait intérêt financièrement à ce que l'utilisation de ses vélos augmente. Alors que le contrat de 2007 stipulait que la Ville toucherait l'intégralité des recettes de location (en échange de l'exploitation de 1 600 panneaux publicitaires), le nouveau contrat propose qu'entre 14 millions et 17,5 millions d'euros, JCDecaux perçoive 35 % de la recette marginale et, qu'au-delà, le groupe en reçoive 50 %. Un divorce impossible. Selon certaines rumeurs, JCDecaux aurait menacé Delanoë de cesser Vélib' s'il n'acceptait pas les nouvelles conditions du contrat. Tandis que JCDecaux nie, à la Ville, on se contente de souligner qu'aucune des deux parties n'a intérêt à ce que Vélib' s'arrête. Les deux y jouent leur

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image et JCDecaux ne peut pas se passer des panneaux publicitaires parisiens. « On détient tous les deux la bombe nucléaire », résume-t-on à la mairie. La Ville veut plus de transparence. Jusqu'à présent, la Ville ne disposait pas des informations de JCDecaux. Désormais, elle exige d'avoir accès aux données de location en temps réel. Sur le vandalisme, JCDecaux devra effectuer un rapport trimestriel et s'expliquer chaque mois. La Ville et JCDecaux poursuivent leur relation… Mais, désormais, ils devront tout se dire.

Les clés 1 451 stations dans Paris 300 stations en banlieues 23 900 Velib’ en circulation 90 millions d’euros d’investissements réalisé par JCDecaux pour l’installation des Velib’ 15 millions d’euros de recettes rapportées par Velib’ à la Ville en 2008

Chaque vélo revient à 610 € Le prix demeurait, jusqu’à présent, inconny « pour des raisons de concurrence ». Mais, depuis que l’hebdomadaire « Backchich Hebdo » a assuré qu’un Velib’ neuf coûtait 280 € alors que JCDecaux facture 40 0€ à la Ville par vélo vandalisé), JCDecaux a décidé de révéler le vrai prix d’un Velib’: 610 €. « On a travaillé avec les meilleurs fabriquants de pièces détachées, soulogne Albert Asseraf. La selle est fabriquée par la marque Italienne Roayl, le pneu par l’allemand Schwalbe et les dérailleurs et systèmes de frein par le japonais Shimano. Et puis il y a un système électronique sophistiqué ». Assemblés en Hongrie, les vélos, qui pèsent plus de 22kg, sont censés parcourir 100 000 km par an.

Lettre ouverte de Denis Baupin à Bertrand Delanoë 27 novembre 2009 « Vélib’ : renégociation du contrat avec JC Decaux

Monsieur le Maire,

Sur cette délibération, je voudrais donner l’avis de notre groupe, avis déjà assez largement connu.

Nous sommes évidemment très favorables à Vélib’. Ce serait surprenant que je vous dise l’inverse. C’est un projet qui a permis de modifier de façon extrêmement importante la vision de la Ville de la part de nos concitoyens et leurs déplacements.

Simplement, nous avons déjà dit à de nombreuses reprises que nous aurions largement préféré que ce service soit mis en œuvre sous forme, par exemple, de régie, et c’est une position que nous avons défendue systématiquement. Et on en touche d’ailleurs une partie des limites du dispositif retenu, à la fois sur les difficultés à étendre le service à l’extérieur du territoire parisien et sur les contraintes liées au régime juridique de ce type de contrat. Nous en touchons les limites aussi aujourd’hui lorsque nous voulons renforcer le service et que le prestataire, qui n’est pas un prestataire de déplacements, qui n’a donc pas un intérêt direct au développement de Vélib’, fait payer le prix fort à la collectivité.

Pour autant, nous ne sommes pas défavorables à l’idée qu’il faille éventuellement faire des ajustements dans le contrat qui a été passé avec Decaux, pour citer l’entreprise, parce que c’est vrai qu’il y a des dégradations plus importantes que prévu au service, parce qu’il y a des dispositions qui ont été préparées dans un contexte de dialogue compétitif, etc., et qui méritent sans doute d’être toilettées au jour d’aujourd’hui.

Cependant, nous avions fait une proposition complémentaire qui consistait à dire que tant qu’à passer des avenants avec Decaux pour réajuster le service, on pouvait par la même occasion apporter des services supplémentaires aux usagers de Vélib’. Nous regrettons donc que cette proposition que nous avions portée n’ait pas été reprise aujourd’hui dans la

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délibération, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement que je vais présenter car nous considérons que d’ores et déjà, dès l’implantation de Vélib’ sur le territoire parisien, certains déplacements faisaient plus d’une demi-heure.

Je rappelle évidemment pour ceux qui ne s’en souviendraient pas que la première demi-heure pour Vélib’ est gratuite et donc, pour ces usagers dont le déplacement quotidien est supérieur à une demi-heure, ils ne sont pas incités à se déplacer à vélo avec un une gratuité limitée à la demi-heure.

Par ailleurs, nous avons étendu le service au-delà du territoire parisien, sur un périmètre encore plus large et évidemment, le nombre d’usagers potentiels qui peut avoir des déplacements excédant la demi-heure a augmenté. Et donc, le caractère dissuasif de cet effet de seuil de la demi-heure s’est accru. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé, et nous continuons de proposer, qu’il y ait un dispositif permettant à ceux qui font des déplacements supérieurs à une certaine distance - et nous avons chiffré cette distance à cinq kilomètres, mais le débat pourrait être ouvert sur cette question -, que pour tout déplacement supérieur à cinq kilomètres, le temps de gratuité pour l’usager soit accru de 15 minutes, c’est-à-dire de passer d’une demi-heure à trois quarts d’heure pour les déplacements classiques, et pour les stations Vélib’+, c’est-à-dire les stations qui sont en haut de côtes, que ce temps passe de 45 à 60 minutes.

C’est la proposition de notre amendement. Nous pensons qu’elle serait significative pour beaucoup d’usagers, qu’elle marquerait la volonté de la Ville de Paris de poursuivre le développement de Vélib’ et d’avoir une politique tarifaire incitative pour les usagers qui soit plus attractive encore, plus dynamique et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons vivement que cet amendement soit repris dans le travail qui va être effectuée avec Decaux. »

Vélib':le tarif jour passe de 1 à 1,70 € LeFigaro.fr – 29 mars 2011 Le Conseil de Paris a voté mardi les nouveaux abonnements concernant le système de vélo en libre service Vélib à Paris dont un forfait annuel à 39 euros offrant 45 minutes gratuites.

Ce système géré par JCDecaux et qui fêtera ses quatre ans le 15 juillet, continuera à proposer un abonnement classique à 29 euros permettant 30 minutes d'utilisation gratuite.

Un tarif annuel à 29 euros pour 45 minutes gratuites sera proposé à partir de fin avril aux 14-26 ans tandis que les jeunes boursiers ou en insertion professionnelle se verront proposer une offre annuelle à 19 euros, toujours pour 45 minutes gratuites.

Le tarif du ticket d'un jour, qui est de 1 euro depuis juillet 2007, va être porté à 1,70 euro, soit le prix d'un ticket de métro, sans limitation du nombre de trajets, avec les 30 premières minutes gratuites.

Selon les chiffres donnés par la mairie de Paris, 100 millions de déplacements ont été comptabilisés pour Vélib' depuis son lancement le 15 juillet 2007.

Vélib': quatre ans après, un bilan mitigé Le Figaro – 30 juin 2011 Jérémy Collado Problèmes de sécurité, augmentation des prix, vols et dégradations multiples: un anniversaire sur fond de critiques.

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C'est dans l'euphorie que Vélib' a fêté ses 100 millions de trajets. Venue décrocher son vélo début juin, avenue de Verdun à Paris, une femme s'est vu remettre une carte de transport géante par une dizaine de Japonais déguisés façon manga, dans un décor de jeu télévisé. Malgré l'enthousiasme des uns, le bilan est mitigé à la veille du quatrième anniversaire du vélo en libre-service. Soucis de régulation et de sécurité, vols et dégradations multiples… Les zones d'ombre sont nombreuses. http://www.lefigaro.fr/assets/images/300611-velib-mega.jpg Pour couronner le tout, les tarifs ont augmenté: depuis fin avril 2011, les usagers occasionnels déboursent 8 euros pour une semaine, contre 5 auparavant et 1,70 euro au lieu de 1 euro pour profiter du service à la journée. Une augmentation de près de 70% dont le but avoué est «d'inciter les usagers à s'abonner», puisque l'offre s'est étoffée, avec des tarifs préférentiels pour les jeunes et les chômeurs et une location étendue à 45 minutes. Objectif: enrayer la baisse de fréquentation qui a succédé à l'engouement. Officiellement, tout le monde, ou presque, se félicite du «succès populaire» de Vélib' qui a «modifié l'image du vélo et le rapport à la mobilité des Parisiens», selon Denis Baupin, ancien adjoint chargé des transports à la Mairie de Paris. «Le Vélib' a cassé certains tabous, juge Isabelle Lesens, consultante en politique cyclable. I l règle les problèmes de stationnement et c'est un moyen facile de rejoindre son travail, mais ces avantages auraient pu être obtenus pour moins cher.» L'exploitation du parc de 24.000 vélos, de ses 1800 stations et 180.000 abonnés incombe à JCDecaux, moyennant la concession de panneaux publicitaires. Chaque vélo lui coûte 3000€ par an, tout compris. Régulation à revoir Comme une mauvaise surprise, les nombreux vols et dégradations ont plombé la facture qui est payée en partie par la Mairie. Les trois premières années, 16.000 engins ont été vandalisés: 8000 volés et 8000 autres remplacés car inexploitables. Au-delà de 4% de perte annuelle, la Ville assure le remplacement des Vélib' détruits à hauteur de 400€. Le coût s'élève à 1,6 million d'euros par an pour les contribuables parisiens. Albert Asséraf, directeur de la stratégie et des études chez JCDecaux, assure que «ces incivilités ont baissé d'un tiers cette année même si cela reste un problème prioritaire». Autre priorité, la régulation, «qui ne fonctionne toujours pas» du propre aveu d'Annick Lepetit, adjointe chargée des transports à la Mairie de Paris. Le soir, les stations situées dans les «hauteurs» de la capitale restent désespérément vides. Des camions sont chargés de les remonter, ce qui alourdit le bilan carbone du Vélib'. Ce souci de maintenance, délaissé au départ, est désormais mieux pris en charge par Decaux, qui est «intéressé» à l'augmentation des recettes des locations. Au-dessus de 18,1 millions d'euros, Decaux perçoit 50% de la recette marginale. «Il fallait mettre fin à un système où Decaux n'avait pas intérêt à ce que les stations soient remplies», admet Annick Lepetit. «Les services se sont largement améliorés», termine-t-elle. Voyants plus simples, centres d'appels renforcés, des efforts qui ne résolvent toutefois pas les problèmes de sécurité, liés aux imprudences et à la politique vélo de la Mairie, comme la suppression des sens interdits et les aménagements des couloirs de bus. On dénombre 700 accidents par an en vélo et 7 personnes sont mortes à ce jour sur un Vélib'. Mais la préfecture assure que le nombre d'accidents n'a pas autant augmenté que le nombre de vélos, ce qui n'est pas un succès pour autant. Malgré cela, les problèmes techniques sont moins fréquents. Pour preuve, le site vélib-pourri.com , créé par des usagers mécontents, a vu sa fréquentation baisser. Un vote sur le contrat Vélib' annulé

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Le Parisien – 29 juillet 2011 Petit coup dur pour Vélib', le système de vélos en libre service lancé par la mairie de Paris et géré par la société Decaux. La justice a annulé mardi une délibération du Conseil de Paris qui validait le 21 novembre 2009 une modification des termes du contrat entre Decaux et la mairie de Paris. Les magistrats estiment que cette modification, un « avenant », aurait dû être étudiée par la commission d'appel d'offres de la mairie de Paris. Avec cet avenant, la mairie acceptait notamment de participer aux frais dus aux dégradations des vélos. L'équipe de Bertrand Delanoë conteste ce jugement et a décidé de faire appel. En attendant, « la jurisprudence la plus récente du Conseil d'Etat permettant la régularisation de ce vice de procédure, la Ville de Paris soumettra cet avenant à une prochaine commission d'appel d'offres et en délibérera de nouveau dès le mois de septembre », explique la mairie dans un communiqué. Les Vélib', plus volés que jamais

Libération, 12 août 2013 ENQUÊTE Depuis deux ans, le nord-est de Paris connaît chaque été une recrudescence des vols et du vandalisme visant son système de vélos en libre-service. Un phénomène important mais très localisé. Par GUILLAUME GENDRON Un soir d’été, aux abords du parc de la Villette (Paris, 19e arrondissement). Deux gosses déboulent sur un Vélib’, volé a priori (l’attache du vélo a disparu), sur une des rares stations de vélos en libre-service encore ouvertes dans le quartier. Il fait encore jour et il y a de nombreux passants mais ça n’empêche pas l’un des ados de sortir un gros tournevis et de s’attaquer à une bornette. Il essaie de desceller l’attache d’un vélo, une fois, deux fois, rien à faire, ça ne lâche pas. Une femme d’une quarantaine d’années l’interpelle et commence à prendre des photos avec son téléphone. «J’appelle les flics !» Les deux apprentis voleurs de bicyclettes prennent la tangente. La scène a un air de déjà-vu dans le nord-est parisien, où les vols de Vélib’ sont en pleine recrudescence. Tabou pendant longtemps (JCDecaux, le prestataire, refuse toujours d’aborder le sujet), l’ampleur du phénomène a forcé la mairie de Paris à communiquer pour répondre à la colère des usagers dans un post de blog (1). Sur le site dédié au service, qui compte 250 000 abonnés annuels, Stéphane Thiébaut, responsable des déplacements en Vélib’ et Autolib’ à la Direction parisienne de la voirie et des déplacements, annonce que «les années 2012 et 2013 marquent le retour à un très haut niveau du vol et du vandalisme», particulièrement pendant les vacances scolaires. «C’est un phénomène récurrent qui s’accentue avec les beaux jours» confirme la mairie d’Aubervilliers, où 1 000 Vélib' ont été volés ou vandalisés depuis le début de l’année, alors que la ville ne dispose que de 10 stations pouvant accueillir 500 vélos. «Pour 2012, 9 000 vélos volés ou vandalisés ont été comptabilisés» détaille l'article de l’Hôtel de Ville, avant de préciser que «le phénomène est très concentré sur le nord-est parisien et les communes avoisinantes», concernant «une cinquantaine de stations au quotidien.» A l’heure actuelle, une vingtaine de stations de cette zone (couvrant le 18e, 19e et 20e arrondissements ainsi que Pantin, Aubervilliers et Bagnolet) ont été fermées «jusqu’à nouvel ordre». Il y est donc impossible de déposer ou de retirer un Vélib’, obligeant les usagers de ces quartiers à déposer leur vélo de plus en plus loin de leur lieu de déplacement, voire à abandonner temporairement le service. «Rite initiatique» Qui sont les voleurs de Vélib' ? «Principalement des mineurs, explique Christophe Crépin du syndicat UNSA Police. C’est une criminalité saisonnière, liée à d’autres actes d’incivilité, principalement parce que ces jeunes sont désœuvrés. Ils n’ont pas l’impression de voler quelqu’un mais juste de s’en prendre à l’Etat.» Pas de filières organisées et spécialisées donc,

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malgré les fantasmes alimentés par la désormais célèbre photo du Vélib’ à Bamako. «Les vélos sont difficilement revendables en France, ajoute Christophe Crépin, il s’agit généralement plus d’opportunisme qu’autre chose.» A la mairie d’Aubervilliers, on a une analyse plus sociologique du phénomène : «Dans les quartiers, c’est un peu devenu un rite initiatique, un symbole de virilité pour les 13-16 ans que de voler un Vélib’. Après, il y a aussi le fait que le service a longtemps été perçu comme un élément allogène sur "leur" territoire, une pratique issue de la culture bobo. Qu’ils se sont réappropriée de manière délictueuse.» Les techniques de «prédation», terme utilisé par les municipalités, changent d’année en année. «L’été dernier, on a eu une grosse vague de vols car ils avaient trouvé une combine en ouvrant les trappes d’alimentation électrique des stations, se rappelle-t-on à la mairie du 19e. Ils coupaient les fils et désactivaient les bornes. Aujourd’hui c’est plus de l’arrachage pur et simple en secouant le vélo jusqu’à ce que l’attache cède...». La plupart des Vélib' sont d’ailleurs retrouvés, souvent endommagés, à proximité de leur lieu de disparition. Ce qui a un coût pour la mairie de Paris, qui s’est engagée avec JCDecaux à prendre en charge les frais au delà de 5% de dégradation ou de disparition du parc de Vélib’, à hauteur de 400 euros par vélo perdu. Les villes de province relativement épargnées En dehors de Paris, la plupart des villes de province admettent avoir connu une vague de vandalisme au moment de la mise en service de leur déclinaison du Vélib', mais qui s’est rapidement tassée. A Rennes, on assure qu’après des débuts difficiles, «le vol et le vandalisme ne sont plus un enjeu ici, on est à mille lieues de la situation parisienne.» La ville d’Orléans a quant à elle fait chuter de manière drastique les dégradations avec un nouveau système d’attache et l’installation de caméras de vidéosurveillance. Seule Toulouse, considérée comme «la capitale de la casse» avec 75% de son parc cycliste malmené chaque année, semble rivaliser avec Paris. «On voit des choses assez incompréhensibles, explique Bernard Marquié, adjoint au maire en charge des transports. Des rangées entières de bornes sont vandalisées, sans raison apparente. Pour ce qui est des vols, c’est une constante à l’année, il n’y a pas de pics l’été. Cela dit, on retrouve environ 60% des vélos.» La ville commence malgré tout à étendre son système aux quartiers sensibles de la ville, comme la Reynerie et le Mirail, mais assure que pour le moment, c’est le centre-ville qui est le plus concerné. «La plupart du temps, ce sont des fêtards qui arrachent les vélos». Une phénomène difficile à enrayer A Paris, le fait que «les mineurs s’avèrent être les principaux auteurs de ces actes complique la réponse judiciaire» reconnaît Stéphane Thiébaut de la mairie de Paris. D’autant plus que dans ces quartiers, comme le souligne le policier Christophe Crépin, «la surveillance des Vélib’ n’est pas vraiment une priorité», en raison de la criminalité importante de ces arrondissements. Une convention entre le parquet de Paris et la préfecture de police a cependant été mise en place pour contraindre les mineurs pris sur le fait à des travaux d’intérêt général : un passage de 48 h dans les ateliers de réparation de JCDecaux est prévu. Le parquet de Bobigny planche actuellement sur une convention similaire. Par ailleurs, les municipalités réfléchissent à différentes manières de compliquer la tâche des voleurs : caméras de surveillance à Orléans, petits plots bloquant la roue arrière pour empêcher les «arrachages latéraux» à Aubervilliers, stations protégées dans des espaces fermés, maraudes de «médiateurs de l'espace public». Mais en banlieue comme à Paris, l’accent est désormais mis sur la sensibilisation. «Il faut casser ce phénomène de mode, explique-t-on à la mairie d’Aubervilliers. C’est bien que la mairie de Paris soit sortie du silence et assume le problème. On veut tout faire pour garder le système mais on ne peut pas cacher nos difficultés aux utilisateurs». Des actions pédagogiques dans les collèges et une campagne de communication auprès des habitants des quartiers concernés devraient se mettre en place à la rentrée.

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(1) L’Hôtel de Ville n’a cependant pas souhaité répondre à nos questions pour cause de «vacances de ses conseillers en charge des Transports».

Questions :

A partir de la revue de presse sur le cas du contrat Vélib’, répondez aux deux questions suivantes :

1. Analysez le choix de la structure de gouvernance qui régit la relation entre JC Decaux et la Ville de Paris. Quelles en sont les motivations ? Comment la notion de coûts de transaction permet d’éclairer les raisons de ce choix ?

2. Comment expliquez la renégociation du contrat entre la Ville de Paris et JC Decaux ? Quels en sont les enjeux ?

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Cas n°5

Les incitations dans l’entreprise

Objectif : Comprendre les problèmes générés par les asymétries d’information :

• Sélection adverse et aléa moral ნ • Incitations monétaires et organisationnelles

Composition du document :

− La baisse des rémunérations variables affecte le pouvoir d’achat des cadres – Les Echos 2009

− Motivation du personnel et avantage compétitif – Les Echos 2005 − Performance hospitalière, motivation et effort au travail. La théorie de l’agence en

question. PHAR n°50 - Septembre 2009 − Salaire à la performance : incitation ou sélection ? E. Lazear, (extrait), Economie et

prévision 2004, 164, 17-25

Chapitres à lire dans l’ouvrage de référence : Chapitres 4 et 7 (Douma)

EPI :

- Better employee engagement could deliver £26bn GDP growth in the UK -- http://www.bath.ac.uk/news/2012/11/13/engage-for-success/

- Note d’analyse du Conseil d’analyse stratégique (CAS) sur les entretiens annuelles d’évaluation -- http://www.strategie.gouv.fr/content/les-entretiens-individuels-devaluation-note-danalyse-239-septembre-2011

- Why incentives don’t work – vidéo de Steve Levitt : http://www.youtube.com/watch?v=FdkQwQQWX9Q Pour approfondir :

- Steven Levitt and Stephen Dubner - Superfreakonomics Video : http://www.youtube.com/watch?v=gfA76djbLAY

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Texte 1 & 2

Questions :

1. En quoi la conjoncture économique peut-elle affecter l’efficacité des rémunérations incitatives dans l’entreprise ?

2. Préciser les différences entre incitation monétaire et motivation au sein de l’entreprise, et les formes qu’elles peuvent prendre.

Texte 3

Questions :

1. Décrivez la relation d’agence exposée ici (principal ? agent ? sélection adverse ? aléa moral ?)

2. Comment la théorie de l’agence justifie l’introduction de la rémunération à la performance ?

3. Quelles sont les limites de la rémunération à la performance ?

Texte 4

Question :

1. En quoi une politique de salaire à la performance permet-elle de mieux sélectionner les employés ? Pourquoi l’auteur attache-t-il autant d’importance à cet effet ? Pouvez-vous donner des exemples pour lesquels cet effet est majeur ?

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2009

19/05/09

P. 3

France

ENTREPRISES Le tabou de la baisse des salaires des cadresn’est plus demise en France.Sans suivreHertz ouHewlett-Packard, les entreprisespeuvent jouer surles rémunérations variables, qui représententprèsde 14%dusalaire des cadres.

Labaissedes rémunérations variablesaffecte le pouvoir d’achat des cadres

près Hewlett-Packard,« l’affaire » Hertz conti-Anue de faire des remous.

Ces deux entreprises américainesimplantées en France ont ébranléle paysage social en brisant untabou : celui de la baisse des sa-laires. Le ministre du Travail,BriceHortefeux, a jugé dimancheque d’éventuelles baisses de ré-munération des salariés en tempsde crise n’étaient « pas cho-quantes » si elles se décidaient autermed’unenégociation et si elless’accompagnaient de « contrepar-ties », au premier rang desquelles« lapréservationde l’avenirde l’en-treprise ».Pour l’heurecependant,les cas de ce type se comptent

encore sur les doigts d’une main.Outre Hertz et Hewlett-Packard,qui font figure de francs-tireurs,Poclain Hydraulics a fait accepterpar sesemployés leprinciped’unebaisse de salaire de 5 % à 15%selon les échelons de rémunéra-tion, en échange d’une réductiondu temps de travail de 20%.

Un avenant au contratAu mois de février dernier, IBMFrance avait suivi une autre voieen changeant de statut une cin-quantaine de technico-commer-ciaux. Décision qui conduisait àfaire passer de 70% à 55% leurpart de rémunération fixe, et en-traînait, selon les syndicats, une

baisse de 6% à 15% des salairesnets. Renault a, quant à lui, de-mandéà ses cadresd’abandonnerdes joursde congépouraméliorerl’indemnisation du chômage par-tiel des salariés.

Le recours aux baisses de sa-laires est courant outre-Atlan-tique, car il est plus simple àmettre en œuvre (lire ci-dessous).En France, la loi interdit toutedécision unilatérale de l’em-ployeur, et impose que chaquesalarié concernéacceptede signerun avenant à son contrat de tra-vail.Avec le risque, pour la direc-tion de l’entreprise, comme dansle cas de HP, de voir monter uneopposition syndicale qui devrait

rendre difficiles les réunions pro-grammées cette semaine afin defaire avaliser le principe de cettebaisse de rémunération (« LesEchos » du 16 mai).

Plongeon des bonusLa menace d’une baisse de pou-voir d’achat des cadres n’est pourautantpasminime. Si lesbaissesdesalaire fixe sont ultrasensibles, lesentreprises peuvent jouer beau-coup plus facilement sur les rému-nérations variables, et notammentles primes des performances indi-viduelles et collectives de leurscadres.Les primes� toutes causesconfondues � dépassent enmoyenne13%de la rémunération

brute de l’ensemble des salariésfrançais. Plus d’un cadre sur trois(37%) touche une rémunérationvariable liéeàsesperformancesouà celle de son entreprise. Et cettepart atteint 14,2%du salaire brut,plus de la moitié du variable étantliée à des critères de performance.C’est avant tout dans la finance, lecommerce et les services aux en-

treprisesquece typedeprimesauxperformances s’avèrent les plusimportantes. Autant de secteursoù les cadresontvu leursbonus autitrede2008plonger.L’année2009ne sera sans doute pas meilleure.

C. F.

Lire également l’éditorialde Daniel Fortin page 16.

La décomposition du salaire des cadres

idé / Source : Insee (nov. 2008)

Répartition, en %

0,2

46 %

6 %

7 %

4 %

37 %

Salaire de base(y compris congés payés)

Primes et compléments

Performance individuelle

Performance collective

Ancienneté

Contraintes de poste

Autres

Heuressupplémentaires

et complémentaires

urce : Insee (nov 2008)

lémentaires

14,2

85,6

Si les baisses de salaire fixe sont ultrasensibles, les entreprises peuventjouer beaucoup plus facilement sur les rémunérations variables, notammentles primes des performances individuelles et collectives des cadres.

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10 - Les Echos - Jeudi 20 octobre 2005 L’ART DU MANAGEMENT

Motivationdupersonneletavantagecompétitif

OPTIMISATIONQu’attendent les salariés ? Une rémunération en rapport avecleurs qualifications et leurs efforts. Savoir où va l’entreprise. Etre écoutés et reconnus.C’est l’ensemble de ces leviers qui conditionnent la compétitivité d’une entreprise.

raditionnellement, les efforts deschercheurspouridentifierlesfacteursstratégiques essentielsà la compétiti-vitéàmoyenetlongtermedel’entre-prise(ceuxquipermettentauxentre-prises de réaliser un avantage enTtermes de performance et de la pré-

server) seconcentrent sur l’étudedes phénomènes telsque le positionnement de marché et la technologiemanufacturière.Cependant,depuisquelquesannées,lepositionnement stratégique des ressources humainesn’a cessé de prendre de l’importance. Cela n’est passeulementdûaufaitquelesfraisdepersonnelreprésen-tent une portion significative des coûts totaux desentreprises aujourd’hui, mais aussi au fait que lesressources humaines constituent de nos jours unecomposante clef de la compétitivité d’une entreprise.Dansuneéconomiedeplusenplusfondée sur les connaissances,l’avantage compétitif dépend sou-vent de la capacité relative de cer-taines firmes d’innover et de gérerleurs connaissances. Ces connais-sances sont détenues par les sala-riés, c’est pourquoi la gestion stra-tégique des ressources humainesest si importante.

Il existe une autre raisonjustifiant l’importance stratégiquedu personnel d’une entreprise.Sans sous-estimer le rôle primor-dialdes savoirsetdescapacitésdesemployés, c’est tout autant leurdispositionàdéployercesconnaissancesetcescapacitésqui influence fortementlaperformance de l’entreprise.Ainsi, une firme peut seulement réaliser toutes sespotentialités si elle maîtrise bien son capital humain.Prenons l’exemple d’une firme où tous les facteurs decompétitivitésontdéjàenplace :unpositionnement demarché se prêtant à une rentabilité supérieure (parexemple, un duopole), la meilleure technologie manu-facturière disponible et un personnelhautement quali-

fié. Potentiellement, cette firme pourra réaliser desperformances financières extraordinaires (c’est-à-diregénérer« desrenteséconomiques »). Cependant, sisesemployés ne sont pas suffisamment motivés pourtravailler de manière à faire avancer les objectifsstratégiques de la firme, il est clair que sa compétitivitérestera bien en dessous de celle de ses concurrents.Aussi,sisonconcurrentagissantsurlemêmeespace demarché avec une technologie manufacturière compa-rable et des employés qui ne sont pas seulement toutaussi qualifiés mais également très motivés aura sansdoutedemeilleuresperformances.En conséquence, ledegrédemotivationdesmembresd’uneorganisationàse comporter de manière à atteindre les objectifs deladite organisation qu’on appellera ici l’alignementdesintérêtsorganisationnels(AIO)!constitueunélémentclef de la capacité d’une entreprise pour réaliser son

pleinpotentielentermesdeperformance.Parlàmême,cela revêtune importance stratégique pour lacompéti-tivité de cette société. Toutes choses étant égales parailleurs, laperformanced’une firmecaractériséeparunmoindre alignement des intérêts sera inférieure à cellede ses concurrents. En revanche, une firme à mêmed’aligner les intérêts de son équipe directrice et de sesemployésavecses propres intérêts stratégiquespourraprétendre à un avantage compétitif.

Conscients de l’importance stratégique quereprésente la motivation, nous avons conduit un pro-grammeexhaustifderecherchedontl’objectifétait :(a)d’identifier les mécanismes par le biais desquels lesfirmes pourront gagner un avantage compétitif enprenant l’initiative d’améliorer leur alignement desintérêts organisationnels ; et (b) d’appréhender lesfacteurs qui empêcheront les concurrents d’une firmede tout simplement copier ses meilleures pratiquesd’alignement des intérêts organisationnels.

La question de savoir comment une firme peutmotiver ses employés afin qu’ils travaillent pour at-teindresesobjectifsorganisationnelspeutêtreabordéeautrement,encesensqu’onpeutsedemandercequelesgens cherchent vraiment dans leur travail. Appliquantdes concepts tirés de recherches antérieures dans ledomaine de la psychologie sociale, nous nous concen-trerons sur trois facteurs généraux. Primo, les genscherchent une forme de « récompense » pour leurcomportement au travail. De telles récompenses peu-vent se matérialiser sous forme de salaires, primesd’intéressement ou avantages sociaux, encore qu’ellespeuvent également être de nature intangible, offrant àl’individu un surcroît de pouvoir ou de la reconnais-sance. Deusio, les gens cherchent de la satisfactionpersonnelle, de l’autoréalisation et des possibilitésd’apprendre et de grandir. Ce qui prime ici sont desfacteurs comme l’attractivité de leur emploi, l’autono-mie qu’il permet et l’opportunité de faire carrière.Tertio, les gens souhaitent s’intégrer dans la commu-nautésocialequiseconstituesurleurlieudetravailetselaissent donc influencés par les normes et valeurscaractérisant leur environnement professionnel. Lespsychologues ont donné diverses étiquettes aux diffé-rentstypesdemotivationrésultantdecestrois facteurs.Lamotivation desevoir récompenserpar l’environne-ment externeestappelée motivationextrinsèque ;cellequi est fondée sur l’attractivité des caractéristiques del’emploi est la motivation intrinsèque hédonique ; en-fin, celle qui est fondéesur l’internalisation desnormesetvaleursdelafirmeestappeléemotivationintrinsèquenormative.L’importancedechacundecestroisfacteurs

OLIVER GOTTSCHALG ET MAURIZIO ZOLLO

Si une firme essaie de fonctionnercomme une méritocratie, mettantparticulièrement l’accentsur l’utilisation de systèmesde récompenses, elle devrait recruterdes individus qui adhèrent à cesystème et y réagissent positivement.

Oliver Gottschalgest professeur assistanten stratégie et politiqued’entreprise au GroupeHEC. Ses travaux actuelsportent, notamment,sur les questions demotivation des salariés.

Maurizio Zolloest professeur associéde stratégie à l’Insead.Ses travaux portentsur le managementdes processusde développementdes entreprises.

Sans sous-estimer le rôle primordial des savoirs et des capacitésdesemployés, c’est toutautant leurdisposition àdéployer ces connaissances etces capacitésqui influence fortementlaperformancede l’entreprise. Ainsi, une firmepeut réaliser toutes sespotentialités seulementsi ellemaîtrise biensoncapital humain.

MAX

PPP

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- 11Les Echos - Jeudi 20 octobre 2005L’ART DU MANAGEMENT

L’alignement des intérêts à l’œuvre

Confirmation.Unepartiedenotreprogrammederechercheconsistait à chercher des preuves empiriques, aussi bien durôle attendu de l’alignement des intérêts comme détermi-nant de la performance que de l’efficience avec laquelle lestrois leviersd’alignementdes intérêtsexercentuneinfluencesur la motivation globale. Nous avons ainsi examiné unéchantillon important d’investissements du genre « opéra-tions de rachat des entreprises avec le soutien financier dumanagement en place » (« management buy-out ») auRoyaume-Uni. Un rachat MBO provoque non seulementdes modifications importantes dans un système organisa-tionnel de récompenses, mais a également un effet sur lafaçon dont les employés perçoivent les caractéristiques deleurs postes d’emploi, et sur les liens de solidarité quiexistent entre les membres de la communauté sociale de

l’entité acquise. Nous avons comparé 118 rachats MBOpour voir jusqu’à quel point ils se sont traduits par deschangementsdans les trois leviersd’alignementdes intérêts,puis nous avons mesuré les niveaux de motivation globaleavant et après ces rachats, par des questionnaires détaillés.Nosdonnéesont confirmé le rôle attendude ces trois leviersd’alignement des intérêts en tant que déterminants de lamotivation globale, confirmant que le degré auquel unrachat de ce genre crée des améliorations dans l’alignementdes intérêts organisationnels constitueun facteur importantdans la réussite dudit rachat. Etonnement, nous avons puobserver que la motivation intrinsèque hédonique globale,c’est-à-dire un comportement tiré par le plaisir des tâches àremplir et par la satisfaction au travail, exerce la plus grandeinfluence sur la performance des rachats.

RÉSUMÉCe ne sont passeulement lescompétences desemployés qui sontessentielles à laperformance d’uneentreprise, mais aussi lavolonté qu’ont cesemployés à pleinementles utiliser. Les auteursexpliquent quels sont lesleviers qu’une entreprisepeut utiliser afind’aligner les intérêts deses salariés et sesobjectifs stratégiques,cela en vue d’améliorersa compétitivité.

peut évidemment varier de manière substantielled’une personne à l’autre, voire que, à l’extrême, lesgens peuvent s’en moquer entièrement.

Une firme qui comprend parfaitement bien cequi motive ses employés pourra utiliser cette connais-sancepouralignerlesintérêtsdesamain-d’œuvreavecsespropresobjectifs stratégiques.Nousavons identifiétrois mécanismes stratégiques, qu’on appellera lesleviers d’alignement des intérêts, qu’une firme peututiliser pour influencer la motivation globale de sonpersonnel. Par exemple, on peut influencer la motiva-tion extrinsèque en récompensant (ou en sanction-nant) un certain comportement. Récompenser lesemployés qui se comportent comme l’entreprise lesouhaite, et sanctionner ceux qui ne s’exécutent pas, al’air simple, mais les choses sont beaucoup plus com-plexes en réalité. Une firme devrait spécifier exacte-ment ce qui constitue ce« comportementsouhaité » sielle veut mettre sur pied des systèmes de récompenseappropriés ; suivre et contrôler les comportementsultérieurs ; et, enfin, attribuer les récompenses ou dessanctions adéquates.

UnexercicecomplexeLamotivation intrinsèquehédoniquedépendquant àelle de l’attractivité des caractéristiques d’un posteparticulier et peut donc être influencée par desvariations dans les caractéristiques du poste. Unexemple répandu de comment certaines entreprisesessaient d’utiliser ce levier est la tendance vers uneplus grande autonomie (« empowerment ») des em-ployés se trouvant en bas de l’échelle hiérarchique.Non seulement cela peut éventuellement accentuerl’efficacité des processus internes, mais cela peutégalement enrichir les caractéristiques des différentspostes, jusqu’à ce qu’ils soient perçus comme étantplus agréables, stimulants, permettant une plusgrande autonomie. Cela alimente à son tour la moti-vation intrinsèque hédonique. Finalement, les firmespeuvent motiver leurs employés grâce aux effets queles normes et les valeurs organisationnelles peuventavoir surleurcomportement. Cettemotivationintrin-sèquenormative s’appuie sur certains mécanismes desocialisation bien déterminés comme les événementsauxquels participe toute l’entreprise oules séancesdeformation aidant les employés à s’identifier le pluspossible avec leur organisation, accentuant par làmême l’assimilation parmi eux des normes et valeursorganisationnelles.

Comme on l’a vu, les réactions individuelles àces tentatives d’optimiser la motivation globale peu-vent varier substantiellement. Après tout, les gensdiffèrent non seulement en ce qui concerne leursobjectifs et valeurs personnels, mais également dansl’importanceattribuéeà larécompense ; dansl’attrac-tivité relative exercée par les différents types despécification des postes ; et dans la facilité aveclaquelle lesgens intériorisent lesnormeset lesvaleursorganisationnelles. Ainsi, quand une firme mobiliseses leviers d’alignement des intérêts, elle devraitprendre en considération les caractéristiques particu-lièresdeseseffectifsactuels.L’alignementdesintérêtspourraitdoncavoirdesimplicationsimportantespour

le processus de recrutement. Les firmes doivent nonseulement s’assurer que les connaissances, qualifica-tions et capacités d’un candidat correspondent auxexigences d’un poste particulier, mais également quecettepersonneseraréceptiveauxleviersd’alignementdes intérêts qui sont déjà en place. Par exemple, unefirmequi faitdegroseffortspouroffriràsesemployésdes postes particulièrement stimulants, permettantune plus grande autonomie et offrant de grandespossibilités d’apprentissage individuel et d’autoréali-sation devrait préférer des candidats qui apprécientcette attractivité de leur poste et y répondent, aug-mentant ainsi leur motivation intrinsèque hédonique.En revanche, si une firme essaie de fonctionnercomme une méritocratie, mettant particulièrementl’accent sur l’utilisation de systèmes de récompenses,elle devrait recruter des individus qui adhèrent ausystème de récompensesetyréagissentpositivement.

Néanmoins, la motivation en tant que telle nesignifie pas forcément un alignement des intérêts ouune performance supérieure. La motivation n’estbénéfiquepour la performancequesi elleest axéesurla réalisation des objectifs stratégiques de la firme.Ainsi faut-il tenir compte des objectifs stratégiques etdes caractéristiques spécifiques d’une organisationdonnée (les normes et valeurs existantes de la struc-ture organisationnelle) lorsqu’on essaie d’établir lameilleurefaçonde concevoirdes leviersd’alignementdes intérêts.

Si l’alignementdes intérêtsconstitue undéter-minant aussi important de la performance, il faut sedemander pourquoi toutes les firmes ne font passuffisamment d’efforts pour s’assurer que les intérêtsde leurpersonnel sont alignésautantquefaire sepeutavec leurs propres objectifs stratégiques. Un examenplus détaillé de ce qu’il faut faire pour optimiserl’alignement des intérêts démontre dans quelle me-sure cet exercice est complexe, nécessitant une priseen compte simultanée de plusieurs des caractéris-tiquesspécifiquesd’uneorganisation,d’uncôté,etdespréférences motivationnelles de son personnel, del’autre ! en sus de sa capacité organisationnelled’ajuster les leviers d’alignement des intérêts.

Lorsqu’une firme cherche à motiver ses em-ployésafin qu’ils s’orientent davantage vers un objec-

tif stratégique précis, ses tentatives de déterminer lesmodifications qui s’imposent dans les systèmes derécompenses et dans la conception des spécificationsd’un poste d’emploi sont tout sauf anodines. Ladifficulté d’une telle initiative est évidente, d’autantque les conclusions de certaines études démontrentque le fait de changer un levier d’alignement desintérêts peut affecter l’efficience des autres leviers dece genre. Par exemple, l’utilisation de récompensespour une performance individuelle pourrait, souscertaines conditions, nuire aux efforts simultanés desocialiser lesemployésàunensemble denormesetdevaleurs renforçant le partage des connaissances etl’entraide.

Gagnant-gagnantS’il semble plutôt difficile de parvenir à l’alignementdes intérêts, les sociétés parvenant à un niveau supé-rieur d’alignement des intérêts seront partiellement àl’abri du risque que leurs concurrents copient leurméthodes afin de réaliser ce même alignement desintérêts. En effet, la meilleure façon d’aligner sesintérêts organisationnels est spécifique à chaque firmeetdépenddesnombreusescaractéristiquesidiosyncra-siques de l’organisation et de son personnel. Autre-mentdit,cequifonctionnepourunefirmenefonction-nera pas forcément de la même façon pour une autre.Qui plus est, on a souvent du mal à distinguer les liensexactsdecausalité sous-jacentspermettant spécifique-ment à une firme de mieux motiver ses employés,puisque de nombreux aspects relatifs aux leviers d’ali-gnementdesintérêts,etàleur impactsur lamotivationglobale, restent implicitesetdifficilement identifiables.

Notre étude nous amène à la conclusion quenon seulement il est possible pour une entreprised’atteindreunemeilleureperformancequesesconcur-rentsenaméliorantl’alignementdesesintérêtsorgani-sationnels, s’emparantpar làmêmed’unvraiavantagecompétitif, mais aussi qu’elle peut s’en servir pourperpétuer cet avantage à moyen voire à long terme. Ilfautdoncquelesdécideursstratégiquesseconcentrentdavantage sur les facteurs qu’ils peuvent utiliser pourinfluencer l’alignement des intérêts dans leurs firmes,et qu’ils cherchent proactivement à manier ces fac-teurs, de sorte qu’ils peuvent améliorer leurs perfor-mances et garder une avance sur la compétition.

Cependantlacapacitéd’unefirmeàalignersesintérêts n’influence pas seulement sa performance.Elle détermine aussi jusqu’à quel point les individussont capables de satisfaire leurs propres besoins etd’atteindreleursobjectifspersonnelsdans letravail.Siune firme aligne ses intérêts organisationnels et par-vient ainsi à une meilleure performance « en donnantaux gens ce qu’ils recherchent », c’est-à-dire en ajus-tant lesleviersd’alignementdes intérêtsde sorte qu’ilsrépondent au mieux aux besoins qu’ont les employésd’êtrerécompensés,des’autoréaliseretd’apparteniràune communauté sociale, cela pourrait nous éloignerdu mode de pensée traditionnel qui se focalise sur ladivision des bénéfices (ou des rentes économiques)entre« lesemployés »et « la firme »(comment parta-ger le gâteau ?).

Utiliser des leviers d’alignement des intérêtsintelligemment pourrait devenir une façon de créerune véritable situation gagnant-gagnant, et pour lesemployés, et pour la firme (comment agrandir legâteau ?). Les objectifs des deux partis, c’est-à-dire lasatisfaction des besoins individuels des salariés et laréalisation des objectifs stratégiques de la firme,pourraient être atteints simultanément. Cela pourraitmener, au bout du compte, à un mode très novateurpour penser la nature de la firme, une vision moinsaxée sur l’efficacité avec laquelle les transactionséconomiques sont accomplies en tant que telles, etdavantage sur le rôle que joueraient des entreprisesappréhendées comme des dispositifs motivant leursemployés, réalisant simultanément les objectifs éco-nomiquesdelafirmeetsatisfaisantlesplusimportantsbesoinsintrinsèquesetextrinsèquesdesesemployésl

Bibliographiel O. Gottschalg, M. Zollo,« Interest Alignment andCompetitive Advantage »,Working Paper of theInsead-Wharton Alliance,2003.l O. Gottschalg, M. Zollo,« Motivation and theTheory of the Firm :Integrating Governanceand Competence-BasedApproaches », InseadWorking Paper, 2004.l O. Gottschalg, M. Zollo,« Rewards and FirmPerformance. A Look intothe Motivation-BlackBox », HEC WorkingPaper, 2004.

Les réactions individuelles à ces tentativesd’optimiser lamotivationglobalepeuventvarier substantiellement.

Comment se servir de leviers d'alignement des intérêtspour améliorer la performance d'une firme

Ce qui suscitela motivationCe qui suscitela motivation

Formede motivation

Formede motivation

Leviersd'alignementdes intérêts

Leviersd'alignementdes intérêts

Comment une firmepeut influencercette motivation

Comment une firmepeut influencercette motivation

AvertissementAvertissement

Il est dangereux desocialiser les employéspar le biais de normeset de valeurs qui sont

en conflit avecles objectifs

organisationnels

Utiliser des séancesde formation et desévénements pour

accélérer la proliférationde normes et valeursorganisationnellesparmi les employés

Régimede socialisation

Le désir d'agiren harmonie

avec les normeset valeurs

organisationnelles

Motivationintrinsèque normative

Il faut concevoirdes postes qui sont

motivants et permettentune division efficace

du travail

Donner aux employésles moyens

de s'approprier plusde pouvoir personnel;

enrichir le contenudes postes individuels

Spécificationdu posted'emploi

Le désir de s'impliquerdans une activité

agréable,auto-déterminéeet enrichissante

sur le plandes compétences

Motivationintrinsèque hédonique

Il est difficilede spécifier

le comportementsouhaité et d'évaluerla contribution faitepar chaque individu

à la performance

Récompenserle comportement

souhaité

Systèmede récompenses

Le désir d'obtenirdes récompensesexternes tangibles

ou intangibles(compensation,

pouvoiret reconnaissance)

Motivation extrinsèque

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DOSSIER : LA PERFORMANCE

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Performance hospitalière, motivation eteffort au travail :

la théorie de l’agence en question

’introduction de la rémunération à la performance (RAP) au sein du secteur publichospitalier renvoie aux questionnements suivants : quel lien peut-on établir entreperformance hospitalière, motivation et effort au travail ? Quels sont les fondements

théoriques de la RAP comme outil de motivation et, surtout, quelles en sont les limites ?

LAlors que le montant de la dépense courante de santé s’élève pour la France, en 2007, à 206,5 milliards d’euros, soit10,9 % du PIB, les établissements de santé, publics et privés,sont confrontés, depuis le début des années 1980, à une dou-ble contrainte aux fondements parfois antagonistes (Bonafini,2005). Une contrainte économique d’abord, essentiellementimputable au resserrement des finances publiques, du fait dela crise des économies développées, et une contrainte socialeensuite qui suppose le maintien de l’accès de tous les citoyensà des soins de qualité. La question de la maîtrise et de la régulation des dépenseshospitalières – et plus largement de la performance hospita-lière – représente donc un enjeu central aux plans économiqueet social, attendu que l’essentiel du financement des établis-sements de soins, tant publics que privés, est aujourd’huiassuré de manière collective par le système d’assurance mal-adie. Cet enjeu est d’ailleurs au centre des nombreuses réfor-mes du secteur hospitalier français mises en œuvre depuis plu-sieurs décennies. Le « plan hôpital 2007 », entré en vigueuren 2003, tout comme le plan « Hôpital 2012 » qui lui succèdeet la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », récemmentadoptée, s’inscrivent pleinement dans cette logique. Si les transformations en cours du secteur hospitalier fran-çais s’articulent autour de nombreuses mesures, l’une d’en-tre elles est susceptible d’avoir un effet structurant à notresens plus important. Il est en effet question d’étendre à l’en-semble des médecins du secteur public hospitalier des sys-tèmes de « rémunération de la performance », qualifiés éga-lement de « rémunération à la performance » (RAP), systèmesdont bénéficient les chirurgiens hospitaliers depuis 2007. Lavolonté de généraliser de tels modes de rémunérations,classiquement définis comme « des augmentations de salaireindividuelles, basées sur la performance de l’employé, éva-luée individuellement au cours d’une période de temps anté-rieure » (Roussel, 2000), est par ailleurs conforme aux recom-mandations du « rapport Larcher » paru au cours de l’année2008. De même, cette individualisation des modes de rému-nérations est au centre du récent « rapport Aboud » sur la pro-motion et la modernisation des recrutements à l'hôpitalpublic.

LA PERFORMANCE HOSPITALIÈRE EST

LE PRODUIT DE MULTIPLES ACTEURS

INTERVENANT À DES ÉCHELONS

DISTINCTS

La performance hospitalière : unconcept difficilement mesurableIl n’est pas toujours aisé d’évaluer objectivement, et à moin-dre coût, les résultats de l’activité hospitalière et, plus pré-cisément, les résultats de ceux qui y contribuent. En effet,si l’on se représente assez facilement ce que peut être unindicateur de performance quand il est question de produireun bien en un temps donné, il est en revanche plus délicatd’appréhender ce que recouvre la notion de performancepublique, notamment en matière de santé. La variété des défi-nitions proposées témoigne de la difficulté à caractériser leconcept de performance hospitalière.

Un concept multidimensionnel,résultant de la combinaison de troisvisions coexistantes Blanc et al. (2007), auteurs d’un rapport relatif aux AgencesRégionales d’Hospitalisation et au pilotage des dépenseshospitalières, proposent la définition suivante : « La perfor-mance recouvre à la fois l’efficacité socio-économique (laprestation de soins répond-elle aux besoins de santé, est-elle adaptée au standard de qualité attendu ?), l’efficience(la réalisation du service se fait-elle au moindre coût ?) et laqualité de service (l’accessibilité des soins, les délais d’at-tente, etc.) ». L’approche de Claveranne et Pascal (2004) com-plète en partie cette première définition assez générale.Trois visions interdépendantes de la performance hospita-lière sont ainsi distinguées :– une vision externe, fondée sur des indicateurs sanitairesde santé publique (espérance de vie à la naissance, taux demortalité infantile, etc.) ;

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– une vision médicale qui suppose une mesure de l’efficacitédes résultats relativement à des référents et qui vise à minimi-ser le risque clinique (évaluation de la douleur, délai d’évalua-tion d’un accident vasculaire cérébral, etc.) ;– une vision administrative, renvoyant à l’efficience des activi-tés d’un établissement de soins.

La performance hospitalière se doitd’être appréhendée à différents niveauxElle peut, en effet, être mesurée à l’échelon d’un établissementet résulter alors de sa capacité à répondre aux besoins desanté de la population locale, mais également au niveau d’unterritoire de santé, à l’aide de schémas de planification, et enfinau niveau national, échelon auquel la politique de santé est, dansune large mesure, définie tout comme l’allocation des moyens. Si la performance des médecins hospitaliers dépend natu-rellement de leur motivation et du niveau d’effort qu’ilsdéploient, elle est également tributaire du fonctionnementd’ensemble du système de soins. Cette question renvoiedonc à l’imputabilité des résultats, sachant que les indi-cateurs de mesure de la performance individuelle nesont que partiellement maîtrisables par les praticiens concer-nés. Ces derniers ne contrôlent qu’une partie de ce proces-sus collectif, rendant dès lors difficile de les tenir pourentièrement responsables des résultats obtenus (et donc deles rémunérer selon leurs performances individuelles).

LES DÉTERMINANTS DE LA MOTIVATION

AU TRAVAIL

Le concept de la motivation au travail a fait l’objet de nombreuxtravaux reposant, le plus souvent, sur des approches pluridis-ciplinaires, mêlant des éléments de psychologie, de science éco-nomique, de science de gestion ou, encore, de sociologie. Pourautant, et malgré le développement de diverses analyses per-mettant de mieux appréhender les mécanismes complexesde la motivation humaine, il n’existe à ce jour aucun cadre uni-fié qui permettrait d’identifier de manière systématique l’ensem-ble des causes qui amènent un individu à adopter un compor-tement motivé et à fournir un niveau élevé d’effort au travail. Unconsensus semble toutefois émerger quant à la définition quel’on peut proposer de ce concept. Ainsi, la motivation renver-rait aux « forces internes et/ou externes produisant le déclen-chement, la direction, l’intensité et la persistance du compor-tement » (Vallerand et Thill, 1993).

LA THÉORIE DE L’AGENCE JUSTIFIE UN

MODE DE RÉMUNÉRATION EN PARTIE

« VARIABLE »

Si diverses propositions ont été formulées pour identifier lesdéterminants de la motivation et de l’effort au travail, un para-

d i gmeexplicatif – la théo-

rie de l’agence ou encore lathéorie principal-agent – tend

cependant à dominer la littérature surces sujets. Laffont (2006) décrit ce courant

d’analyse « (…) comme l’étude de l’élaboration derègles et d’institutions qui induisent les agents écono-

miques à exercer des niveaux d’effort élevés et à transmet-tre correctement toute l’information privée qu’ils possè-dent et qui est socialement pertinente1. La théorieprincipal-agent s’emploie à analyser des relations dites « d’a-gence » qui s’entendent comme « un contrat par lequelune (ou plusieurs) personne(s) (le principal) engage(nt) uneautre personne (l’agent) pour exécuter en son(leur) nom unetâche quelconque qui implique une délégation d’un certainpouvoir de décision à l’agent » (Coriat et Weinstein, 1995). De telles relations impliquent, notamment dans le cadre d’unerelation d’emploi, que :– les intérêts du principal et de l’agent sont contradictoires, l’agentcherchant, par hypothèse, à minimiser sa motivation et son effortau travail qu’il perçoit comme systématiquement coûteux, et le prin-cipal à tirer le plus haut niveau d’effort de l’agent à rémunérationdonnée ;– les niveaux d’information détenus par le principal et par l’agentdiffèrent, créant une situation dite d’« asymétrie d’information ».En effet, le principal n’est pas en mesure de connaître parfaite-ment ex-ante (donc avant signature du contrat de travail) les carac-téristiques des agents, au risque de ne sélectionner que lescandidats les moins productifs. De même, il ne peut observerparfaitement ex-post (donc après signature du contrat) leurs com-portements au travail et, in fine, les niveaux de motivation et d’ef-fort qu’ils déploient.C’est, entre autres, pour limiter les effets supposés négatifs deces asymétries d’information que diverses réformes ont étéconduites, notamment dans le secteur public hospitalier, et ce,

DOSSIER : LA PERFORMANCE

1- Laffont ajoute par ailleurs : « D’un point de vue plus théorique, c’est une simplifica-tion de la théorie des jeux qui a éliminé le problème du marchandage en attribuant à uneunité économique, le principal, tout le pouvoir de construire les règles du jeu et la capa-cité de s’engager à respecter ces règles ».

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afin d’encourager à une modification des comportements à l’aidede modes de rémunération individualisés. Selon cette perspec-tive, la rémunération à l’ancienneté est jugée inadaptée à la sélec-tion et à la rétribution des personnels les plus efficaces, pré-cisément parce qu’elle implique une progression systématiquedes revenus au cours du temps et qu’elle ne permet pas de dis-criminer les salariés en termes de productivité et de perfor-mance. Cette rémunération « fixe » enverrait finalement un signalnégatif aux plus productifs, les décourageant de fournir unniveau élevé de motivation et d’effort. En d’autres termes,seul un mode de rémunération en partie « variable », fondé surle versement d’incitations monétaires en contrepartie de l’at-teinte d’objectifs prédéfinis, serait susceptible de contribuer àla performance d’ensemble du secteur public hospitalier.

LES LIMITES DE LA THÉORIE DE

L’AGENCE

Si les solutions proposées par la théorie principal-agentpeuvent sembler a priori novatrices, et si elles sont présen-tées comme telles dans de nombreux rapports publics,elles sont en réalité mobilisées depuis plus d’un siècle – quel’on pense au salaire à la pièce, diffusé par Taylor – et s’a-vèrent le plus souvent simplistes, dans la mesure où ellesse fondent essentiellement sur l’usage d’incitations et derécompenses monétaires. Or, de telles solutions compor-tent de nombreuses limites. Outre les difficultés classiquesliées à la multiplicité et à la complexité des tâches, lesquel-les caractérisent la pratique médicale et rendent dès lors déli-cate toute évaluation quantifiée, trois d’entres elles nous sem-blent essentielles à rappeler.

Une approche fondée sur laconviction que tout agent est un « tire-au-flanc »En premier lieu, l’utilisation de RAP, et plus généralement d’in-citations monétaires comme outil de motivation, repose surune hypothèse comportementale forte, laquelle veut que lesagents, systématiquement opportunistes, chercheraient conti-nuellement à minimiser leur effort au travail. C’est sur la seulebase de cette hypothèse, à la fois réaliste dans certains casmais excessive dès lors qu’elle est généralisée à l’ensembledes comportements, que ces modes de rémunération inci-tatifs ont été conçus. Cette approche repose donc sur la conviction que tout agentest un « tir-au-flanc » et qu’il est vain d’attendre qu’il atteignespontanément un niveau de motivation et d’effort élevé,notamment s’il n’est rémunéré qu’en fonction de son ancien-neté. On notera ici le caractère particulièrement réducteurd’une telle hypothèse, qui exclut d’emblée la confianceou encore l’altruisme comme fondements d’une relationd’emploi.

Une non-reconnaissance de la réalité des fortes « motivations de service public »En opposition à la théorie de l’agence, plusieurs approchesmontrent que si les agents publics éprouvent de fortesmotivations de service public, au sens de Perry et Wise(1990), il est alors fondé de recourir à des schémas de moti-vation faiblement incitatifs, et ce, aussi bien dans les orga-nisations publiques que dans toutes celles produisant desservices sociaux. Selon cette approche, qui a d’ailleurs faitl’objet de nombreuses validations empiriques, certains indi-vidus se caractériseraient par des « préférences individuel-les à répondre à des motifs portés en premier lieu, sinon uni-quement, par des institutions et organisations publiques ».De telles motivations rendraient les RAP dans une largemesure inefficaces, précisément car les comportementsau travail de certains agents publics ne reposeraient pas surla recherche systématique d’un surcroît de rémunération2.

La rémunération à la performancepourrait évincer la motivation interneEnfin, et plus problématique encore, l’utilisation d’incitationsmonétaires peut entraîner, sous certaines conditions, uneffet d’éviction de la motivation intrinsèque par la motivationextrinsèque, étant entendu que « les individus sont intrinsè-quement motivés lorsqu’ils effectuent une activité pour le plai-sir, l’intérêt ou encore la satisfaction de leur curiosité » alors« [qu’ils] sont extrinsèquement motivés lorsqu’ils s’engagentdans une activité pour satisfaire un objectif en dehors del’activité elle-même » (Amabile, 1993). Aussi, en tant qu’ou-til de motivation externe, la rémunération à la performancepourrait nuire à cette motivation interne, et donc diminuer, àterme, le niveau total d’effort et de motivation au travail. Si l’ondoit à Deci (1975) d’avoir, le premier, analysé un tel phéno-mène, de nombreux travaux empiriques ont, depuis, mis enévidence cet effet d’éviction ainsi que les coûts cachés asso-ciés à l’usage des incitations monétaires (Frey et Jegen, 2001).Les quelques éléments que nous venons d’évoquer limitentà notre sens fortement la pertinence et la portée des RAPdans le secteur public hospitalier. D’autres outils de moti-vation existent pour accroître la motivation et l’effort au tra-vail des médecins hospitaliers. Sans prétendre à l’exhaus-t ivité, la variété des tâches, l ’autonomie dans l’emploi, la participation aux prises de décisions ou encorela détermination d’objectifs clairs représentent autantd’éléments à même d’influencer positivement la perfor-mance hospitalière, et ce, quel que soit le secteur consi-déré, public ou privé.

Virginie FOREST, Maître de Conférence en Sciences Économiques, Université Claude Bernard, Lyon 1

DOSSIER : LA PERFORMANCE

!!2- Sur ce point précis, nous renvoyons le lecteur intéressé au n° 42 du PHAR paru enseptembre 2007 qui traite plus en détail de cette approche.

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Depuis plusieurs décennies, le recours au salairevariable s’est largement répandu. Ce mode derémunération a été encouragé à la fois par la gaucheet par la droite. Les salariés bénéficient en partie de larentabilité de l’entreprise dans la mesure où ils sont àl’origine des profits, ce qui plait à la gauche. Lessalariés qui ne satisfont pas aux critères deperformance sont sanctionnés, ce qui convient à ladroite.

Le salaire variable est pratiqué dans de nombreuxpays, en particulier au Japon, aux États-Unis, auRoyaume-Uni et en Italie. Au Japon, le salaire à laperformance fut introduit pour des raisonshistoriques afin d’accroître le niveau de capital aprèsla seconde guerre mondiale. Les salariés étaienttaxés sur les salaires de façon implicite. Ils étaientrécompensés sous la forme de bonus pouvantreprésenter jusqu’à 30% de leur rémunération totalelorsque les bénéfices de l’entreprise étaient élevés.Cette pratique s’est aussi largement développée auxEtats-Unis, bien qu’initialement réservée aux cadressupérieurs. Par exemple, une grande partie de larémunération des cadres dirigeants prend la formed’actions ou de stock options.

Au Royaume-Uni, c’est sous le gouvernement deMargaret Thatcher que le salaire à la performance aété expérimenté pour réduire le chômage. En effet,l’utilisation du salaire à la performance est justifiéepar la théorie macroéconomique selon laquelle lessalaires flexibles permettent d’accroître le niveau del’emploi en périodes de récession. Martin Weitzmanfut le principal défenseur de ce point de vue(Weitzman, 1984).

La justification du salaire à la performance qui vientle plus souvent à l’esprit est qu’il génère desincitations pour les travailleurs, alors que le salaireau temps génère une productivité faible. Ainsiqualifie-t-on souvent de dispositif « à fort potentielincitatif » le système de salaire à la performance.Nous verrons dans cet article que l’utilisation de ceterme n’est pas nécessairement appropriée.

On néglige souvent le fait que le salaire à laperformance est aussi un instrument de sélection desmeilleurs salariés par les entreprises. Cette capacitéde sélection tient au fait que les meilleurs élémentstendent à préférer le salaire à la performance dans lamesure où ils savent que leur performance est plusélevée que celle du reste de la main-d’œuvre. Uncorollaire de ce point de vue est que, lorsque lesalaire à la performance est utilisé pour rémunérerles cadres, cela fournit aux investisseurs uneinformation sur la qualité de l’investissement.L’objectif de cet article est de montrer que l’analyseen termes de sélection n’a pas été suffisammentconsidérée et que les données doivent êtreréexaminées à la lumière de cette explication.

Les chauffeurs de taxi sont rémunérés de la mêmefaçon dans la plupart des villes à travers le monde. Ilsacquittent un droit fixe quotidien pour louer le taxi,paient leur essence et, en contrepartie, ils conserventtout ce qu’ils gagnent. L’histoire des chauffeurs detaxi compte cependant un cer ta in nombred’exceptions. Par exemple jusqu’à récemment àNew York, une règle de partage répartissait la valeurdu kilométrage au compteur entre les chauffeurs et lacompagnie. Ainsi, un chauffeur acquittait un droitfixe restreint, voire nul, à la compagnie pour lalocation du taxi, mais il ne conservait que la moitié duproduit des courses au compteur. Ce schéma crée à lafois de mauvaises incitations et une mauvaisesélection des travailleurs. Pourquoi cela?

À l’arrivée à un aéroport à New York, il n’était pasrare dans le passé que les chauffeurs de taxinégocient d’abord un forfait. Un chauffeur de taxipouvait commencer par demander aux clients leurdestination et si les clients répondaient qu’ilsvoulaient aller au centre de Manhattan, il disait,“Bon, la course pour le centre de Manhattan coûteraprobablement autour de 55 dollars au compteur, maisje peux vous faire le trajet pour 40 dollars”. Lesclients sont satisfaits dans la mesure où 40 dollarsc’est moins que 55, ainsi que le chauffeur de taxi dansla mesure où au lieu de gagner 27,50 dollars, ce quireprésente la moitié des 55 dollars au compteur, ilconserve la totalité des 40 dollars. Cette pratique estillégale et lorsque les chauffeurs de taxi nedéclenchent pas le compteur, la lumière sur le toit dutaxi reste allumée, ce qui signifie qu’il est libre. Unpolicier qui surprend un taxi avec cette lumièreallumée et un passager à l’arrière est supposé arrêterle taxi et verbaliser le chauffeur pour infraction à lalégislation en vigueur. Cependant, les policiersnew-yorkais ont peut-être autre chose à faire de leurtemps. Par conséquent, une compagnie de taxiscomptant sur la police pour faire respecter soncontrat salarial n’adopte probablement pas lameilleure stratégie.

Ce schéma de rémunération soulève un autreproblème d’incitation. Les chauffeurs de taxiconduisent souvent de nombreuses heures chaquejour. Supposons qu’il soit 19 h et que le chauffeur detaxi a déjà travaillé 13 heures. Il se demande s’ilcontinue encore une heure ou s’il ramène le taxi chezlui pour regarder la télévision. Il effectue alors uncalcul et conclut que s’il peut encore gagner 7 à 8dollars en une heure, il ferait mieux de continuer àtravailler. En revanche, il vaudrait mieux rentrerchez lui si le gain est inférieur. Supposons qu’il pensetrouver une course à 10 dollars dans l’heure qui suit.S’il partage le gain au compteur avec sa compagnie,il ne gardera que 5 dollars et il décidera donc derentrer chez lui dans la mesure où cette somme est

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inférieure aux 7 ou 8 dollars nécessaires pour leconvaincre de continuer à travailler. En revanche,s’il garde la totalité des 10 dollars après avoir loué letaxi pour la journée, il continuera à travailler encoreune heure. Par conséquent, rémunérer destravailleurs en totalité en fonction de leurperformance les incite à plus d’effort.

Le salaire à la performance ne résout cependant pastous les problèmes. Les passagers qui ont déjàemprunté un taxi dont le chauffeur était lepropriétaire du véhicule et qui ont fai t lacomparaison avec un taxi loué à une compagnienoteront que les taxis des chauffeurs propriétairestendent à être en bien meilleur état. Ce résultatmontre à l’évidence que lorsque le travailleur nepossède pas le capital, il n’est pas suffisammentincité à en prendre soin. Cette question étaitrécurrente dans le domaine agricole lorsque lespaysans étaient engagés dans un contrat de métayageavec des propriétaires terriens. Des métayers quipouvaient aller d’une ferme à l’autre n’avaient pasles bonnes incitations pour prendre soin de la terre.Ils n’alternaient pas les cultures de manière adéquateni ne laissaient la terre en jachère lorsque c’étaitnécessaire. La solution à ce problème a consisté àremplacer le métayage de courte durée par dumétayage de longue durée de telle sorte que lesmétayers savaient qu’ils allaient vivre sur la mêmeterre pendant plusieurs années. Cette approche faitapparaître le contrat comme un contrat de propriétéet résout le problème de l’épuisement du capital.

La solution générale du problème en l’absence decontrainte de capital est de faire de l’agent leprincipal. Plutôt que de le louer, la compagniedevrait simplement vendre le taxi et la plaqued’identification au chauffeur. Cependant, cetteapproche ne fonctionne qu’en l’absence decontraintes de capital. La raison principale pourlaquelle les chauffeurs travaillent pour descompagnies plutôt qu’à leur propre compte est qu’ilsne peuvent pas accumuler suffisamment de capitalpour acheter le taxi et la plaque.

En plus des incitations, le mécanisme de sélectionfournit une autre raison importante pour louer le taxiaux travailleurs et leur permettre de conserver latotalité de la recette au-delà des coûts de location.Examinons le graphique du schéma 1. La politiquede rémunération à 100% au-delà de la location estreprésentée par la droite qui commence sousl’origine à ! " et a une pente de 1. La droite Rq, quireprésente la politique de partage des gains aucompteur sans droit de location du taxi, commence àl’origine et a une pente inférieure à 1, par exemple1/2. L’intersection entre les deux droites est notée q* .

Il est clair que tous les chauffeurs qui espèrent gagnerplus que q* préfèrent travailler pour une compagniequi paye ( )q ! " . Tous ceux qui pensent produiremoins que q* préfèrent travailler pour unecompagnie qui paie Rq. Le résultat est la sélection.L’entreprise qui paye ( )q ! " attire les travailleurs lesplus productifs, alors que l’entreprise qui partage lesgains kilométriques attire les travailleurs les moinsproductifs. Est-ce une mauvaise chose? Pasnécessairement.

Attirer les meilleurs travailleurs ne constitue pasnécessairement la meilleure politique. Par exemple,les entreprises n’embauchent pas des titulaires dedoctorat pour tenir des postes d’employés de bureau.Bien que les docteurs puissent être meilleurs pour cetravail que les employés actuels, ils ne sont passuff isamment product i fs pour rentabi l iserl’investissement. En revanche, en ce qui concernenotre exemple de chauffeurs de taxi, il est évidentque la sélection rend avantageuse l’utilisation dutravailleur le plus productif dans la mesure où chaquetravailleur va de pair avec une unité de capital, enl’occurrence le taxi lui-même.

Considérons un cas extrême. Prenons le cas d’untravailleur dont la production est quasiment nulle.Puisque le taxi tout comme la plaque ont une valeur etun coût, l’entreprise perçoit un montant négatif,c’est-à-dire qu’elle perd de l’argent sur lestravailleurs très peu productifs. En fait, en règlegénérale, en payant tous les travailleurs Rq,l’entreprise perd de l’argent sur tous ceux quiproduisent moins que q* . Ainsi, les travailleursattirés par l’entreprise Rq sont ceux qui ne sont pasren tab les . Par conséquen t , l e schéma derémunération ( )q ! " domine, simplement pour desraisons de sélection. Même en l’absence d’effetincitatif, il vaudrait mieux pour l’entreprise payer( )q ! " , ne serait-ce que pour attirer les travailleurs demeilleure qualité.

Considérons désormais un modèle de sélectiongénéralisé dans lequel à la fois le salaire fixe et lesalaire à la pièce sont pris en compte (Lazear ,1986).Il n’y a aucune incitation dans ce schéma mais ilexiste une asymétrie d’information, les travailleursconnaissant leur aptitude mais pas l’entreprise, dumoins au départ. Il existe une distribution des

19

q* q

Rq

q - !

Rémunération

0

- !

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Cas n°6

La concurrence Objectif : Comprendre les différents comportements anticoncurrentiels des entreprises et comment ils sont détectés et sanctionnés:

L’abus de position dominante Les ententes

Composition du document :

1. Décision de l’Autorité de la concurrence dans le secteur du fret ferroviaire – 18 décembre 2012

2. Consommateurs, les ententes vous spolient, Emmanuel Combe - Thélos – 14 Avril 2008

3. Amende exceptionnelle pour le cartel de la lessive Cécile Prudhomme - Le Monde – 9 Décembre 2011

4. Décision sur le secteur des jouets – Autorité de la Concurrence 2007 5. Présentation du programme de Clémente – Site web de la Commission

Européenne 6. Statistiques de la Commission Européenne sur les ententes

Chapitres à lire dans l’ouvrage de référence : Chapitre 12 (Sloman)

EPI :

1. A propos de la loi de Benford pour détecter les cartels – http://www.economist.com/news/finance-and-economics/21568364-how-antitrust-economists-are-getting-better-spotting-cartels-scam-busters?fsrc=scn/tw_ec/the_scam_busters

2. La lutte impitoyable contre les cartels – Les Echos Mai 2011 – http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/politique-eco-conjoncture/221135060/lutte-impitoyable-contre-cartels

3. La politique de la concurrence, un instrument au service de la croissance et de l’emploi, Emmanuelle Combe, Interview, Concurrences N°1-2013, www.concurrences.com

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1. L’abus de Position Dominante : Texte 1

Questions : 1. Analysez le marché pertinent. La SNCF est-elle en position dominante ? 2. Quelles formes prennent les pratiques constitutives d’un abus de

position dominante reprochées à la SNCF ?

2. Les Ententes : Textes 2, 3, 4, 5 et 6

Questions : 1. Au regard de la position de l’auteur du Texte 2. peut-on s’attendre à

ce que les ententes entre les entreprises soient nombreuses ? Cette position vous paraît-elle fondée ?

2. Dans quels cas peut-on s’attendre à ce que les ententes fonctionnent ?

3. Ces conditions sont-elles réunies dans le cas des Textes n°3 et 4 ? Connaissez-vous des contre-exemples ?

4. Comment les entreprises stabilisent-elles les accords collusifs ? 5. Quel est le rôle du programme de clémence ? 6. Au regard des statistiques européennes (document 4) diriez-vous

que le programme de clémence est un succès ?

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Espace Presse

Communiqués

Communiqués de 2012

18 décembre 2012 : Une décision structurante pour le secteur dufret ferroviaire

L'Autorité de la concurrence intervient pour rétablir le bon fonctionnement de laconcurrence et garantir que les règles soient respectées à l'avenir.

Une sanction et une injonction sont, dans cet objectif, prononcées à l'encontre dela SNCF.

> English version

A la suite d'une saisine d'office en 2008 et d'une plainte d'Euro Cargo Rail en 2009,l'Autorité de la concurrence rend aujourd'hui une décision par laquelle elle sanctionne laSNCF à hauteur de 60,9 millions d'euros pour avoir mis en œuvre plusieurs pratiquesayant entravé ou retardé l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché du transportferroviaire de marchandises.

Ces pratiques sont constitutives d'un abus de position dominante et ont faussé lefonctionnement de la concurrence dans le contexte particulier de l'ouverture effective dece secteur à la concurrence à partir du 31 mars 2006.

En substance, les pratiques sanctionnées ont consisté, pour la SNCF :

à utiliser, dans son propre intérêt commercial, des informations confidentiellesstratégiques concernant ses concurrents dont elle disposait en tant que gestionnairedéléguée des infrastructures ; à empêcher ses concurrents, par différents moyens, d'accéder à des capacitésferroviaires indispensables à leur activité (cours de marchandises, sillons, wagons) ;

Par ailleurs, la SNCF a pratiqué auprès de certains clients des prix très bas -inférieurs àses coûts de production- pour ses prestations de transport par train massif, qui rendaientimpossible toute concurrence de la part des nouveaux entrants. L'Autorité n'a passanctionné pécuniairement la SNCF à ce titre mais a prononcé à son encontre uneinjonction afin qu'elle prenne toutes les dispositions nécessaires, notamment comptables etcommerciales, pour prévenir à l'avenir ce type de pratique. Ces mesures devront êtreeffectives à l'issue d'une période de 3 ans.

L'Autorité a écarté les autres reproches qui avaient été adressés à la SNCF par les

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services d'instruction, estimant qu'ils n'étaient pas fondés.L'ACTIVITÉ DE TRANSPORT FERROVIAIRE DE MARCHANDISES

Les entreprises en présenceLa SNCF est active sur le marché du fret par l'intermédiaire de sa branche SNCF Géodis(à l'époque dénommée branche Fret). En tant qu'opérateur historique, elle détenait audébut des pratiques la totalité du marché en raison de son monopole légal. Par la suite, sapart de marché est demeurée très élevée (77 % sur le segment du train massif en 2009).Ses moyens matériels et humains lui donnaient la capacité d'absorber la totalité de lademande à l'époque des faits, à la différence des autres entreprises ferroviaires présentessur le marché.

Son principal concurrent est Euro Cargo Rail (filiale de la Deutsche Bahn, ci-après « ECR»). Dans une moindre mesure, d'autres entreprises ferroviaires sont présentes sur lemarché : Europorte France (filiale d'Eurotunnel), Colas Rail (filiale du groupe de BTPColas), SNCB Logistics et CFL Cargo.

Les clientsLes chargeurs sont les clients finaux des entreprises ferroviaires. Il s'agit par exemple desindustriels de la chimie, de la sidérurgie, du secteur automobile, d'exploitants de carrièresou de fabricants de produits de grande consommation.

Les clients ayant un volume très important de marchandises à faire transporter utilisent leplus souvent les services de train massif, c'est-à-dire uniquement composés de leurspropres marchandises (par opposition aux services de wagons isolés). Ils doiventdisposer pour cela d'installations dites « embranchées », c'est-à-dire reliées au réseauferré national, afin de pouvoir accueillir les trains et les décharger.

LES PRATIQUES SANCTIONNÉES (60,9 MILLIONS D'EUROS)1. L'utilisation à des fins commerciales par la SNCF d'informationsconfidentielles obtenues dans le cadre de sa mission publique de gestion desinfrastructures

Parallèlement à son activité de transport ferroviaire, la SNCF est gestionnaired'infrastructure déléguée (GID) pour le compte de Réseau Ferré de France (RFF) qui larémunère à cet effet. A ce titre, elle recueille, à l'occasion des demandes d'attribution desillons ou de visites de sites techniques par les nouvelles entreprises ferroviaires, desinformations sensibles et confidentielles concernant la stratégie et les intentionscommerciales de ces concurrents. Elle a ainsi connaissance, par exemple, des clientsdémarchés, des appels d'offres concernés, des plans de transport envisagés par sesconcurrents (sillons utilisés, longueur des trains, tonnages transportés, calendrier,provenance et destination du trafic, etc.).

Les perquisitions menées dans les locaux de la SNCF ont montré que la branche Fret dela SNCF a eu accès à des informations confidentielles de ce type et les a utilisées dansson propre intérêt commercial. Dans certains cas, elle a adapté sa stratégie commercialesur les trafics spécifiquement visés par ses concurrents (prise de contact immédiate avecles clients pour mieux définir leurs besoins ou discuter des prix et des raisons pourlesquels le client veut changer d'opérateur ; remise à plat de la stratégie commerciale surcertaines zones géographiques et pour certains types de marchandises ; reconstitution aposteriori du plan de transport d'un concurrent sur la base des informations fournies afind'en « tirer avantage » et de formuler des offres commerciales agressives et ciblées).

Cette pratique, qui ne relève pas d'une concurrence par les mérites, a entravé

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artificiellement le développement de ses concurrents et porté atteinte au fonctionnementconcurrentiel du secteur.

2. Les obstacles mis à l'accès des concurrents aux capacités ferroviaires

La SNCF a mis en œuvre des pratiques visant à empêcher ses concurrents d'accéder àdes capacités ferroviaires indispensables à leur activité (cours de marchandises, sillons,wagons).

L'accès aux cours de marchandises

Les cours de marchandises sont des terrains adaptés et reliés au réseau permettant decharger et décharger les marchandises entre le rail et la route. Ces terminaux constituentdes infrastructures indispensables pour les entreprises ferroviaires de fret qui doiventpouvoir y accéder pour exercer leur activité. Pour de nombreuses d'entre elles, la SNCFest à la fois utilisateur et gestionnaire de ces infrastructures en ce qui concerne leur accèspour les autres entreprises ferroviaires.

En dépit de ses obligations réglementaires et de multiples interventions de RFF, la SNCFa publié tardivement la liste de ces équipements et surtout s'est abstenue d'en préciser,de façon transparente et suffisamment claire, les conditions d'utilisation et de tarification,obligeant les entreprises ferroviaires concurrentes à s'adresser à son guichet unique.

En l'absence d'informations suffisamment précises leur permettant d'anticiper de façonautonome les conditions dans lesquelles cette utilisation serait possible, les entreprisesferroviaires se sont trouvées dans l'incapacité de démarcher utilement leurs clients et deformuler des offres de façon crédible.

La surréservation des sillons

Les sillons sont les capacités d'infrastructure requises pour faire circuler un train donnéd'un point à un autre dans un créneau horaire précis. Leur attribution, sur demande desentreprises ferroviaires, est effectuée par RFF en sa qualité de Gestionnaired'Infrastructure (GI). L'accès à ces sillons des entreprises nouvelles entrantes conditionneleur capacité à offrir des services de transport ferroviaire sur le marché.

Les pièces réunies par l'Autorité montrent que la SNCF a pratiqué une politique desurréservation des sillons dans des proportions très importantes et qu'elle n'a pas restituéceux qu'elle n'utilisait pas (ou l'a fait très tardivement).

Les autres entreprises ferroviaires actives dans le secteur du fret ont de ce fait été privéesde la possibilité de les utiliser : certaines d'entre elles ont pu être dissuadées de concourirà certains appels d'offres ou se sont trouvées dans l'incapacité d'honorer des commandesd'ores et déjà reçues.

Cela a été par exemple le cas d'ECR qui, en l'absence de sillons disponibles du faitde leur réservation par la SNCF, n'a pas pu effectuer, en 2008, les prestations detransport pour lesquelles elle avait été sélectionnée par l'entreprise Lafarge.

Dans certains cas, l'indisponibilité de sillons a obligé les opérateurs concurrents à recourirà des solutions alternatives qui ont dégradé la qualité du service offert aux chargeurs etaugmenté leurs coûts.

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Par exemple, en l'absence de sillons permettant de desservir le groupe Basaltes audébut de l'année 2007 sur le site de la carrière de Vignats, ECR a été contrainted'accepter un acheminement par la ligne de nuit et d'assurer par camion laterminaison finale avec le client à ses propres frais.

La surréservation des wagons EX

Les wagons de type « EX » sont des wagons spécialisés pour le transport des grostonnages : ils sont de ce fait particulièrement adaptés pour livrer, par exemple, lesproduits de carrière ou les granulats pour centrales à béton ou à bitume. En 2006, aumoment de l'ouverture du secteur du fret ferroviaire à la concurrence, le seul loueur de cetype de wagons en France était la société SGW (groupe SNCF), à laquelle tous lespropriétaires ou détenteurs de wagons EX avaient confié la gestion locative de leur parc.

Il a été établi que la SNCF se réservait l'exclusivité d'utilisation de l'intégralité du parc dewagons EX disponibles géré par SGW et qu'elle n'utilisait ensuite en réalitéqu'incomplètement ce parc.

Durant les deux premières années d'ouverture à la concurrence du marché, les wagonsEX constituaient pourtant une ressource indispensable à court terme pour permettre auxconcurrents de la SNCF de pénétrer sur le marché et de s'y développer.

Confrontés à cette indisponibilité de wagons EX, ECR et Colas Rail ont étécontraintes d'avoir recours à des solutions alternatives pour assurer leursprestations de transport de granulats. Ils ont recouru soit à des wagons moinsperformants qui ont dû être adaptés, soit à des wagons importés non prévusinitialement pour le transport de granulats, soit à des wagons EX fabriqués pour eux,mais qui n'ont été disponibles, au mieux, que dans le courant de l'année 2008.

Par ailleurs, cette pénurie a permis à la SNCF de retenir certains clients qui envisageaientde passer à la concurrence et de s'abstraire de toute pression concurrentielle en leurimposant, dans certains cas, des conditions commerciales moins avantageuses pour eux.

Une sanction pécuniaire de 60,9 millions d'euros

Le fait pour une entreprise, en position dominante et ancien opérateur historique, dechercher à évincer ses concurrents dans un contexte d'ouverture du marché est grave eta généré un dommage à l'économie certain. Cependant, l'Autorité a relevé qu'aucunélément au dossier ne permet de penser que les pratiques en cause relèvent d'unestratégie globale ou d'un plan d'ensemble conçus ou élaborés par la SNCF.

LES PRIX D'ÉVICTION PRATIQUÉS AUPRÈS DES CHARGEURS

La SNCF a pratiqué auprès de certains clients et sur certains trafics des prix inférieurs àses coûts, dans le but de conserver ses positions et d'empêcher artificiellement sesconcurrents de pénétrer le marché.

Dans le cadre de l'ouverture du marché à la concurrence, des entreprises ferroviaires sontentrées sur le marché à partir de 2007 en proposant des prix sensiblement plus bas queceux de la SNCF (jusqu'à 20% pour certains trafics). Ces écarts de prix ont, entre autres,conduit la SNCF à adopter une politique commerciale consistant à baisser ses prix,

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notamment pour les trafics les plus rentables, prioritairement visés par ses concurrents.Cette politique de prix inférieure à ses coûts a été mise en œuvre alors que la SNCFsubissait pourtant, à l'époque des faits, des pertes lourdes et récurrentes dans le cadre deson activité de transport ferroviaire de marchandises.

Les éléments au dossier montrent que pour les années 2007, 2008 et 2009, la SNCFcouvrait en général l'ensemble de ses coûts directs liés à ses trafics par train massif, maisne couvrait pas ses coûts de support et de structure. Pour certains trafics, la SNCF adélibérément formulé des offres sans considération de rentabilité et utilisé des cotationsde coûts sous-estimées, ce qui lui a permis de conserver le marché.

Un courrier électronique du 15 décembre 2006 de l'ancien directeur commercial deFret SNCF, saisi lors des perquisitions, est à cet égard très éloquent :

« Je reviens sur la question des contrats tri annuels qui seraient malgré tout enperte. (cf. notre discussion d'hier) (…) Dans 3 cas et pour des raisons défensives,nous avons vendu aux prix du marché sans considération de rentabilité pourempêcher l'implantation hégémonique de nos concurrents (Basaltes sur VoutreNeuillé, Ineos sur Fos Italie, et Eurorail sur Epinal Espagne).(…) nous avonstoujours amélioré la marge sans pour autant pouvoir garantir qu'elle était positive.Cette action s'est inscrite dans notre volonté de limiter AU MAXIMUM la pénétrationdes nouveaux entrants » (cote 38 749).

La SNCF a ainsi pu conserver -au détriment de concurrents au moins aussi efficacesqu'elle- les contrats, les plus importants en termes de chiffres d'affaires et les plusstratégiques ; la pénétration de nouvelles entreprises ferroviaires n'a pu s'effectuer quesur la base de contrats de petite taille moins propices à leur développement.

L'injonction prononcée

Il est dans l'intérêt du marché que la SNCF, dont l'activité fret contribue à denombreuses missions d'intérêt général (aménagement du territoire, préoccupationsenvironnementales…) puisse demeurer un acteur essentiel et performant du marché.C'est pourquoi l'Autorité de la concurrence n'a pas prononcé, sur ce point, de sanctionpécuniaire, considérant qu'il était préférable de prononcer une injonction à l'encontre dela SNCF. Cette injonction va conduire la SNCF à faire évoluer son modèle économiqueprogressivement mais dans un délai de 3 ans prévu par la décision.

Elle a enjoint à la SNCF :

de mettre en place dans un délai de 18 mois, par étapes successives précises, unecomptabilité analytique qui permettra d'identifier précisément les coûts supportéspour son activité de fret par train massif, et de garantir que les prix des services de train massif qu'elle offre aux chargeurscouvrent les coûts à horizon de trois ans.

LES REPROCHES NON RETENUS À L'ENCONTRE DE LA SNCFAu cours de l'instruction, 13 griefs ont été notifiés à la SNCF. L'Autorité de la concurrencea écarté 8 d'entre eux, considérant que les pratiques visées n'étaient pas établies :

- Débauchage de personnels formés pour Véolia Cargo (grief 1/voir page 100 à 101 de ladécision)- Pratique tarifaire dissuasive concernant la mise à disposition des cours de marchandises

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(grief 5/voir pages 99 à 100 de la décision) ;- Pratiques de discrimination tarifaire concernant l'accès aux cours de marchandises de laSNCF par VFLI (griefs 6 et 7), la location de locomotive à Naviland Cargo (grief 9) et lalocation de wagons par Ermewa Ferrovaire (grief 13) (voir pages 103 à 106 de ladécision) ;- Maintien des contrats liant les conventions d'occupation des terrains embranchés auxservices ferroviaires (grief 12/voir pages 101 à 102 de la décision) ;- Pratiques de vente liée de prestations par train massif et par wagon isolé (grief 11/voirpages 102 à 103 de la décision).

> Pour plus de détails sur cette affaire, consulter l'intégralité du texte de la décision12-D-25 du 18 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans lesecteur du transport ferroviaire de marchandises, disponible sur le site internet del'Autorité de la concurrence

> Contacts presse :Virginie Guin 01 55 04 02 62 / MelYannick Le Dorze 01 55 04 02 14 / Mel

> Cette décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris (affairependante).

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Texte 2 : Consommateurs, les ententes vous spolient

Emmanuel Combe – Thélos – 14 Avril 2008

La question du pouvoir d’achat occupe aujourd’hui en France le devant de la scène au point de constituer – situation inédite – la première préoccupation des Français. Plutôt que de se focaliser sur le niveau des rémunérations, l’attention s’est rapidement centrée sur la dérive des prix : pourquoi le panier de la ménagère est-il si cher dans notre pays ?

Première réponse, qui emporte l’unanimité : c’est la faute à la Chine, à l’Inde et aux pays émergents, qui – rattrapage économique oblige – découvrent les délices de la consommation de masse et viennent alimenter la demande mondiale. On s’est ainsi alarmé de la flambée générale du cours des matières premières, qui vient mécaniquement renchérir le prix du pain, de l’essence, bref de toutes ces marchandises que nous consommons chaque jour et qui constituent pour nous des dépenses devenues « incompressibles ».

Ce diagnostic d’une « inflation importée » est juste mais il n’explique toujours pas le différentiel de prix des produits alimentaires entre la France et un pays comme l’Allemagne. De plus, l’inflation sur les matières premières – notamment agricoles – a parfois servi de prétexte, d’alibi à certains industriels pour répercuter aux consommateurs des hausses de tarifs sans commune mesure.

A supposer que la flambée des cours mondiaux soit la cause principale du dérapage des prix, que pouvons-nous faire ? Les racines de l’inflation sont à chercher dans notre réglementation sur le commerce de détail, l’une des plus pléthoriques et malthusiennes qui soit. Interdiction de la revente à perte (loi Galland), interdiction pour les producteurs de faire de la discrimination tarifaire entre distributeurs, autorisation préalable pour toute ouverture d’une surface commerciale de plus de 300 m² (lois Royer Raffarin) : autant de règles qui ont eu pour principal effet de limiter la concurrence en amont et en aval, sur le dos des consommateurs.

Le constat n’est plus à faire sur ce sujet, tant les expertises sont nombreuses et convergentes : rapports Cahuc-Kramarz, Canivet, Camdessus, Beigbeder, Attali, Hagelsteen…

A la fin 2007, le gouvernement a entrepris de réformer la loi Galland, en instaurant le « triple net ». Il s’apprête aujourd’hui, dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie soumise au Parlement en avril 2008, à autoriser la négociabilité tarifaire et à assouplir les lois sur l’urbanisme commercial. Toutes ces mesures vont dans le bon sens, celui d’une concurrence restaurée dans la grande distribution, notamment en favorisant l’arrivée de nouveaux distributeurs (tels que le hard discount) et en incitant les producteurs à se faire concurrence par les prix.

Mais nous devons également nous tourner vers une troisième cause d’inflation, peu visible par nature mais qui ronge notre pays depuis des décennies : les ententes sur les prix entre concurrents, notamment dans la grande distribution. Plusieurs affaires récentes sont venues nous rappeler que ces pratiques se portent bien, y compris de la part d’opérateurs se vantant d’afficher des prix bas : affaire des jouets en décembre 2007, après celle des parfums en 2006, de la téléphonie mobile en 2005, etc.

Les cartels touchent tous les secteurs de notre économie, y compris les services (banque). Ces pratiques, toujours secrètes, prennent des formes variées : on fixe les prix ensemble ; on se répartit les clients en concluant une sorte de « pacte de non agression » ou un « Yalta des parts de marché » (pour reprendre l’expression d’un membre du cartel de la téléphonie mobile) ; on désigne à l’avance le vainqueur dans un appel d’offre tout en déposant des offres « bidon » (ou « offres de couverture ») pour laisser croire à une concurrence ; on se concerte

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pour boycotter l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le marché ; on fixe ensemble des quotas de production, etc.

Quelle qu’en soit la forme, le but d’un cartel est toujours le même : faire monter artificiellement les prix. A défaut de supprimer ses concurrents, on supprime la concurrence.

Ces pratiques sont injustifiables économiquement et elles sont contraires à l’esprit de l’économie de marché. Elles ne génèrent aucune contrepartie positive pour les consommateurs mais conduisent à des augmentations de prix substantielles : de l’ordre de 20% en moyenne, sur une durée de vie de l’ordre de 6 à 7 ans… pour celles qui se font prendre.

Elles ne transfèrent pas seulement de la richesse des consommateurs aux entreprises mais, plus grave, elles conduisent certains consommateurs à renoncent à consommer.

Elles trahissent la logique de l’économie de marché, qui est fondée sur la conquête permanente de nouveaux clients, et notamment de ceux de son concurrent. En économie de marché, le client doit être roi et le concurrent l’adversaire naturel. Les cartels reposent sur un principe inversé, parfaitement résumé (malgré lui) par un membre du cartel de la lysine, dont la formule a connu un grand succès médiatique : « nos concurrents sont nos amis, nos clients nos ennemis ».

Face à un comportement aujourd’hui considéré comme un « cancer de l’économie » (Mario Monti), que doit-on faire ? Une seule chose : renforcer les sanctions.

Une sanction, quelle qu’elle soit, vise à dissuader les agents d’enfreindre la loi. Un agent rationnel ne commettra pas d’infraction, si son profit illicite reste inférieur à ce qu’il lui en coûtera en cas de sanction, tenant compte de la probabilité de détection. Pour qu’une sanction exerce un effet dissuasif il faut que son montant soit d’autant plus élevé que la probabilité de détection est faible.

Appliquons cette règle générale au cas des cartels, en faisant abstraction de la nature juridique des sanctions (amende, sanctions pénales, réparations). Concernant la probabilité de détection d’un cartel, peu d’études empiriques sont disponibles mais une probabilité de 15% constitue la borne supérieure la plus réaliste.

Cela revient à dire que les sanctions, pour être vraiment dissuasives, devraient atteindre au moins 6 fois le gain illicite ! Autant dire que l’on en est loin et que les amendes, dans le meilleur des cas, viennent confisquer le profit illicite mais sans aller au delà : la fonction dissuasive des sanctions est délaissée, au profit de sa seule fonction restitutive. Dans ces conditions, on ne sera pas étonné par les comportements de récidives de certaines entreprises, notamment au niveau communautaire.

Si l’on veut vraiment faire de la lutte contre les cartels une priorité, il faut s’en donner les moyens.

On ne peut que se réjouir, à la suite du rapport Attali, de la réforme institutionnelle annoncée, qui devrait consacrer la naissance d’une autorité antitrust aux pouvoirs renforcés, notamment dans l’articulation entre l’enquête et l’instruction.

A l’heure où la Commission Européenne insiste sur le rôle des actions civiles dans la pleine effectivité des règles de concurrence, la France pourrait aussi adopter une véritable procédure d’action de groupe, étendue aux pratiques anti-concurrentielles. En effet, les consommateurs victimes d’un cartel ne demandent jamais réparation : si le dommage global peut être considérable, celui causé à chaque consommateur reste trop faible pour qu’il engage une action individuelle à lui seul. Si l’on prend le cas de l’entente dans la téléphonie mobile entre

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2000 et 2002, le dommage global a été estimé à plus d’un milliard d’euros, mais la perte pour chaque abonné se chiffre à quelques dizaines d’euros. Qui ira individuellement en justice pour si peu ? D’ailleurs, seulement 12000 plaintes ont été déposées dans le cadre de l’action conjointe engagée par une association de consommateurs … sur un parc d’abonnés qui avoisinait les 30 millions de clients à l’époque des faits.

L’action collective permettra de renforcer l’effet dissuasif de l’action publique, la crainte de réparations contribuant à accroître le coût pour une entreprise d’une violation des règles de concurrence.

A l’heure où la France s’engage sur la voie de la dépénalisation partielle du droit des affaires, il faut sans doute exclure de ce mouvement des pratiques aussi graves que les cartels. La pénalisation des pratiques anti-concurrentielles envoie en effet un signal fort à tous les managers qui seraient tentés par de tels agissements.

Texte 3 : Amende exceptionnelle pour le cartel de la lessive

Cécile Prudhomme – Le Monde – 9 Décembre 2011

Une amende de 361,3 millions d'euros. C'est la somme globale que devront acquitter Unilever, Procter & Gamble, Henkel et Colgate-Palmolive. Elle a été fixée, jeudi 8 décembre, par l'autorité française de la concurrence et vient sanctionner une entente sur les prix, qui a duré six ans, entre les quatre grands groupes internationaux fabricants des lessives en France. "Ces entreprises ont coordonné leurs stratégies commerciales en décidant en commun les prix de vente et les promotions qu'elles entendaient pratiquer auprès de la grande distribution en France", et par voie de conséquence auprès du consommateur, indique l'Autorité de la concurrence. Entre 1997 et 2004 – hormis quelques mois entre octobre 1998 et novembre 1999 – les quatre groupes se sont entendus pour décider des écarts de prix sur toutes les gammes des grandes marques de lessive commercialisées en France (Ariel, Skip, Le Chat, Dash, Omo, Super Croix, Gama, Persil, et X Tra), sous toutes leurs formes, qu'il s'agisse de lessive en poudre, liquide ou en tablettes. L'affaire est digne d'un roman policier. Les directeurs commerciaux des filiales françaises se réunissaient trois à quatre fois par an, dans le plus grand secret, dans des hôtels ou des restaurants de la banlieue ouest parisienne (Marne-la Coquette, Louveciennes). Pour préserver le secret, ces réunions étaient baptisées "store checks", vérification de magasin. Et, pour éviter toute fuite, les intéressés se donnaient des noms de codes : "Hugues" pour Henkel, "Pierre" pour Procter & Gamble, "Laurence" ou "Louis" pour Lever (Unilever) et "Christian" pour Colgate. Tous les documents confidentiels étaient gardés au domicile des salariés pour éviter qu'ils ne soient trouvés en cas de perquisition. "Les directeurs généraux et PDG des filiales françaises de ces sociétés pouvaient aussi être amenés à intervenir si les négociations achoppaient ou si le pacte convenu n'était pas respecté", indique l'autorité de la concurrence. Ensemble, ils déterminaient par exemple que le prix de la lessive haut de gamme de Procter & Gamble, Ariel, était 3 % plus élevé que celui de Skip (Unilever) et du Chat (Henkel), qui, eux, étaient commercialisés au même prix. En contrepartie, dans le milieu de gamme, le prix de Dash (Procter & Gamble) était fixé à 10 % au-dessus de ceux d'Omo (Unilever), Super Croix (Henkel) et Axion (Colgate-

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Palmolive), qui, eux, étaient tous alignés. Le tout donnait une apparence de concurrence entre les marques. "Toutes les hausses de tarifs envisagées par les lessiviers pour le marché français faisaient ensuite l'objet d'une négociation commune, de façon à préserver le positionnement des différentes marques", indique l'autorité de la concurrence. De la même manière, le cartel des lessives discutait des opérations promotionnelles, de leur forme, du calendrier, du montant, du nombre, et de la communication… Produit par produit. L'affaire a été débusquée en 2008. A cette époque, l'autorité de la concurrence qui soupçonnait l'existence d'un cartel dans les produits d'hygiène a commencé à perquisitionner ces entreprises. Au mois de mars, Unilever vient voir les inspecteurs, quelques mois après qu'un de ses salariés a porté à la connaissance de sa direction juridique un document de près de 300 pages avec toutes les preuves expliquant le fonctionnement du cartel. L'entreprise demande une procédure de clémence aux autorités en échange de sa coopération. Un système qui existe depuis 2001 en France, permettant au premier qui se dénonce d'être exonéré d'amende. L'Autorité de la concurrence poursuit ses investigations lorsque fin avril, Henkel frappe à sa porte pour bénéficier aussi de la procédure d'indulgence, croyant être le premier délateur. En septembre, arrive Procter & Gamble, disant qu'il a quelque chose à révéler, puis Colgate en février 2009. Tous coopèrent, apportant aux autorités toutes les preuves sur un plateau. Le cartel écope d'une amende de 361,3 millions d'euros, soit à peine moins que celle de 384,9 millions infligée aux banques en 2010 pour les commissions interbancaires sur les chèques, et loin derrière les 534 millions pour les opérateurs de téléphonie mobile en 2005. Procter & Gamble doit payer 233,6 millions d'euros, Henkel 92,3 millions, et Colgate-Palmolive 35,4 millions, Unilever ayant été exonéré. Sans le système de procédure de clémence, l'amende de l'autorité de la concurrence aurait été beaucoup plus élevée, puisque Unilever aurait dû, à lui seul, payer plus de 248 millions d'euros. C'est la seconde fois que les lessiviers sont épinglés cette année. Trois d'entre eux, Unilever, Procter & Gamble, Henkel ont écopé en avril d'une amende 315,2 millions d'euros de Bruxelles dans une autre affaire. Dans huit pays européens, entre janvier 2002 et mars 2005, ils avaient maintenu les prix des lessives en poudre, alors que les produits avaient été compactés pour respecter une réglementation européenne. Les différentes entreprises concernées ont un délai d'un mois pour contester l'amende de l'autorité de la concurrence.

Texte 4 : Communiqué de 2007 – Conseil de la Concurrence

20 décembre 2007 : Ententes de prix dans le secteur de la distribution des jouets

Le Conseil de la concurrence sanctionne à hauteur de 37 millions d'euros 5 fabricants de jouets et 3 distributeurs

Saisi par le ministre de l'économie, le Conseil de la concurrence vient de rendre une décision dans laquelle il sanctionne 5 fournisseurs pour s'être entendus avec leurs distributeurs sur le prix de vente des jouets de Noël, au détriment des

consommateurs. Il a également sanctionné trois distributeurs pour les mêmes faits.

Le montant total des amendes s'élève à 37 millions d'euros et se décompose comme suit:

Fournisseurs: Chicco – Puériculture de France : 600 000 euros ; Goliath France: 25 000 euros ; Hasbro France: 5,1 millions d'euros ; Lego SAS: 1,6 million d'euros ; MegaBrands Europe NV : 240 000 euros

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Distributeurs : Carrefour France : 27,4 millions d'euros ; Maxi Toys France : 1,8 million d'euros ; EPSE-JouéClub : 300 000 euros

Le Conseil a considéré que les éléments au dossier - notamment en matière de police des prix - étaient insuffisants pour établir la participation à l'entente des autres entreprises auxquelles des griefs avaient été notifiés. La plupart de celles-ci n'ont pas, en effet, fait l'objet de visites et saisies dans le cadre de l'enquête menée par la DGCCRF, qui a précédé la saisine ministérielle.

Les fournisseurs en cause se sont entendus avec l'ensemble de leurs distributeurs afin que leurs produits soient vendus au même prix dans tous les points de vente. Ils ont parallèlement mis en place des actions de surveillance du marché et de police des prix, auxquelles ont activement participé les distributeurs

Durant les périodes de Noël des années 2001 à 2003, les fournisseurs en cause se sont respectivement entendus avec leurs distributeurs pour faire cesser toute concurrence entre points de vente et obtenir un prix de détail unique pour chacune de leur référence.

Ces ententes verticales se sont accompagnées d'actions de "police des prix" de leur part, auprès des distributeurs « déviants » afin de faire remonter le prix des jouets « posant problème » et obtenir un réalignement rapide. Les nombreux errata publiés par les distributeurs pour rectifier a posteriori - et toujours à la hausse - les prix indiqués dans leur catalogue de Noël en témoignent.

Les trois distributeurs sanctionnés ont également participé activement à ces actions de police :

C'est notamment le cas de Carrefour, qui a mis en place, pendant plusieurs années successives, une opération intitulée « Carrefour rembourse 10 fois la différence », incitant les consommateurs à effectuer une veille des prix pour son compte. Utilisant les remontées d'informations relatives aux demandes de remboursement des consommateurs, Carrefour est intervenu systématiquement auprès des fournisseurs concernés pour qu'ils « règlent le problème » du produit moins cher constaté chez ses concurrents.

C'est également le cas de MaxiToys, qui a accepté à de nombreuses reprises de remonter ses prix à la demande de ses fournisseurs, alors que - se fournissant au Bénélux à des prix d'achat inférieurs - il est en mesure de proposer des prix de détail plus avantageux pour le consommateur. A cet égard, le dirigeant de MaxiToys a indiqué lors de l'instruction que « Afin que MaxiToys ne perturbe pas le marché français, les fabricants de jouets français nous présentent les tarifs d'achat en France et nous demandent de nous aligner sur le SRP [seuil de revente à perte] français. Cela évite de perturber le marché et nous permet d'obtenir des marges supérieures et par conséquent de gagner de l'argent »

C'est enfin le cas de EPSE, tête du réseau JouéClub, qui a participé à la police des prix conduite par Goliath et par MegaBrands en 2002

Le Conseil a considéré que les distributeurs sanctionnés ne pouvaient justifier leurs interventions auprès des fournisseurs, en vue de faire remonter les prix de leurs concurrents, par l'obligation de respecter la législation sur la revente à perte et cela d'autant plus que le dossier a réuni – pour la généralité du secteur – de nombreux indices démontrant que le seuil de revente à perte avait été artificiellement rehaussé (identité du seuil de revente à perte pour tous les points de vente, quel que soit le distributeur, imprécision des services de coopération commerciale, qui ne sont pas spécifiés ni individualisés, rendant ainsi impossible la vérification de la réalité de la prestation offerte, intégration dans la coopération commerciale

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de services qui relèvent à l'évidence de l'acte d'achat-vente, présentation faussement conditionnelle de ristournes).

Ces constatations ont d'ailleurs conduit le Conseil à transmettre le dossier aux tribunaux de commerce compétents.

Ces ententes de prix constatées ont abouti à l'élimination de toute concurrence entre distributeurs pour les jouets de chaque marque concernée, au détriment du consommateur

L'observation des prix relevés dans les catalogues de treize distributeurs (Toys'R'Us, JouéClub, KingJouet, LaGrandeRécré, PicWic, MaxiToys, Auchan, Cora, Casino, Intermarché, Leclerc, HyperU et Carrefour) et les déclarations des distributeurs sanctionnés montrent que ces ententes ont bien fonctionné et que les prix souhaités par les fournisseurs ont été significativement appliqués par les distributeurs.

Les consommateurs en ont été les principales victimes, l'achat des jouets de Noël étant incontournable en fin d'année.

Le Conseil de la concurrence considère que ces pratiques sont graves

Les pratiques ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché constituent, en droit national et communautaire, des "restrictions caractérisées" de concurrence.

En l'espèce, elles sont d'autant plus graves qu'elles ont été en partie mises en œuvre par des entreprises ou groupes détenant des marques à très forte renommée, comme c'est le cas pour Hasbro, Lego ou Chicco.

S'agissant de Carrefour, le Conseil a relevé que « L'utilisation des consommateurs qui sont ainsi amenés à contribuer, à leur insu et à leur détriment, à l'alignement des prix des jouets sur le prix plus élevé de Carrefour, alors que l'opération publicitaire [«Carrefour rembourse 10 fois la différence»], a pour objectif de présenter l'enseigne comme ayant une politique de prix agressive, ajoute à la gravité de la pratique ».

Décision 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets

Cette décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris (affaire pendante)

Le texte intégral de cette décision se trouve à l’adresse suivante : http://www.conseil-concurrence.fr/user/avis.php?avis=07-D-50

Document 5. Présentation du programme de Clémence – Site Commission européenne

About the leniency policy

Along with the other detection and investigation tools at the Commission’s disposal, the leniency policy proves very successful in fighting cartels.

In essence, the leniency policy offers companies involved in a cartel - which self-report and hand over evidence - either total immunity from fines or a reduction of fines which the Commission would have otherwise imposed on them . It also benefits the Commission, allowing it not only to pierce the cloak of secrecy in which cartels operate but also to obtain

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insider evidence of the cartel infringement. The leniency policy also has a very deterrent effect on cartel formation and it destabilizes the operation of existing cartels as it seeds distrust and suspicion among cartel members.

In order to obtain total immunity under the leniency policy, a company which participated in a cartel must be the first one to inform the Commission of an undetected cartel by providing sufficient information to allow the Commission to launch an inspection at the premises of the companies allegedly involved in the cartel. If the Commission is already in possession of enough information to launch an inspection or has already undertaken one, the company must provide evidence that enables the Commission to prove the cartel infringement. In all cases, the company must also fully cooperate with the Commission throughout its procedure, provide it with all evidence in its possession and put an end to the infringement immediately. The cooperation with the Commission implies that the existence and the content of the application cannot be disclosed to any other company. The company may not benefit from immunity if it took steps to coerce other undertakings to participate in the cartel.

Companies which do not qualify for immunity may benefit from a reduction of fines if they provide evidence that represents "significant added value" to that already in the Commission’s possession and have terminated their participation in the cartel. Evidence is considered to be of a "significant added value" for the Commission when it reinforces its ability to prove the infringement. The first company to meet these conditions is granted 30 to 50% reduction, the second 20 to 30% and subsequent companies up to 20%.

The Commission considers that any statement submitted to it within the context of its leniency policy forms part of the Commission’s file and may therefore not be disclosed or used for any other purpose than the Commission’s own cartel proceedings.

Document 6. Statistiques de la Commission Européenne concernant les cartels

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Cas n°7

Le rôle de l’Etat et de l’environnement légal Objectif : Comprendre le rôle de l’Etat dans l’économie et son influence sur les décisions de production des entreprises. Insister sur les limites de la concurrence Composition du document :

1. Rapport CAE “La protection du consommateur”, Septembre 2012 (p. 1-20) 2. Article Libération “Consommation : les actions collectives sur les rails” 3. Article 3. Orange menace Free au nom de la qualité de service

Chapitres à lire dans l�ouvrage de référence : Chapitres 10 et 12 (Sloman)

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Texte 1

Questions :

1. Décrivez les limites de la rationalité des consommateurs

2. Précisez en quoi ces limites remettent en cause le bon fonctionnement des marchés, même en situation de concurrence.

3. Cela peut-il changer les décisions de production des entreprises et leurs frontières ?

Texte 2 & 3

Questions :

1. La mise en place d’actions collectives (class action à la française) peut-elle influencer les décisions de production et les frontières des entreprises ?

2. La mise en place d’actions collectives (class action à la française) peut-elle influencer la volonté d’innover des entreprises ? Illustrer avec l’entrée de Free comme 4ième opérateur mobile.

3. Pouvez-vous trouver d’autres exemples de changement de réglementation qui pourraient influencer les décisions des entreprises ?

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La protection du consommateur : rationalité limitée et régulationRapport de Xavier Gabaix, Augustin Landier et David Thesmar

Analyses

Économiques

Site Internetwww.cae.gouv.fr

Selon une étude de la Commission européenne, près de 40 % des consommateurs français s’estiment très mal ou mal protégés. Appréhender l’effi cacité des dispositifs de protection du consommateur s’avère donc un enjeu social d’un intérêt central.

L’objet du rapport de Xavier Gabaix, Augustin Landier et David Thesmar est d’expli-citer les fondements économiques de la protection du consommateur afi n d’apprécier l’effi cacité du dispositif actuel et de proposer des mesures à même de l’améliorer.

En présence de biais psycho-cognitifs des ménages, cette contribution montre que les marchés s’avèrent inaptes à protéger effi cacement les consommateurs : assurer par la régulation la protection des consommateurs se révèle donc nécessaire. Ce rapport formule ainsi six propositions visant à améliorer la protection des consom-mateurs en agissant sur trois principaux leviers : faciliter le choix des consommateurs, favoriser leur mobilité effective et accentuer les sanctions susceptibles de pénaliser les entreprises déviantes.

Ce rapport a été discuté en présence du ministre de l’Économie et des Finances et de son ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, le 10 septembre 2012. Cette lettre, publiée sous la responsabilité de la cellule permanente, en reprend les principales conclusions.

n° 1/2012Rapport CAE n° 101

SEPTEMBRE 2012

Christian de Boissieu

É D I T O R I A L

113 rue de Grenelle 75007 Paris – Tél. : 01 42 75 53 00 – Fax : 01 42 75 51 27Directeur de la publication : Christian de Boissieu

Rédacteur en chef : Pierre JolyConception et réalisation graphique : Christine Carl

Premier ministre

Les rapports du CAE sont disponibles à La Documentation française

29 quai Voltaire75344 PARIS Cedex 07

Téléphone : 01 40 15 70 00Télécopie : 01 40 15 72 30

et sur : www.cae.gouv.fr

Les Rapports duConseil d’analyse économique

70. Perspectives agricoles en France et en Europe

71. Mondialisation : les atouts de la France

72. Les leviers de la croissance française

73. Mesurer le pouvoir d’achat

74. Gaz et électricité : un défi pour l’Europe et pour la France

75. Private equity et capitalisme français

76. La mondialisation immatérielle

77. Innovation et compétitivité des régions

78. La crise des subprimes79. Salaire minimum et bas revenus

80. Politique de change de l’euro

81. Performances à l’exportation de la France et de l’Allemagne

82. Loger les classes moyennes

83. Le fi nancement des PME

84. Immigration, qualifi cations et marché du travail

85. Le partage des fruits de la croissance en France

86. Épargner à long terme et maîtriser les risques fi nanciers

87. Politique climatique : une nouvelle architecture internationale

88. Refondation du droit social : concilier protection des travailleurs

et effi cacité économique

89. Investissement direct étranger etperformances des entreprises

90. Les mobilités des salariés

91. Investissements et investisseurs de long terme

92. Créativité et innovation dans les territoires

93. Les effets d’un prix du pétrole élevé et volatil

94. Les marchés de brevets dans l’économie de la connaissance

95. Évaluer la performance économique, le bien être et la soutenabilité

96. Banques centrales et stabilité fi nancière

97. Valoriser le patrimoine culturel de la France

98. L’émergence de la Chine : impact économique et implications de politique

économique

99. Réformer le système monétaire international

100. Crise et croissance : une stratégie pour la France

101. La protection du consommateur :rationalité limitée et régulation

Pourquoi les marchés ne protègent-ils pas effi cacement le consommateur ?De nombreux travaux tant théoriques qu’empiriques aboutissent au constat suivant : les consommateurs souffrent d’une rationalité limitée que les marchés ne permettent pas de pallier.

Psychologues et économistes ont lar-gement analysé les fondements psy-cho-cognitifs susceptibles de limiter la rationalité des choix opérés par les consommateurs. En substance, ces der-niers ne sont pas parfaitement capables de recenser voire de comprendre l’infor-mation disponible : l’infor mation tantôt pléthorique et complexe, tantôt cachée

serait très coûteuse à recueillir et à ana-lyser pour un consommateur même motivé. Quand bien même il ne serait confronté à aucun problème informationnel, il aurait également des diffi cultés à inférer les conséquences de ses choix sur son propre bien-être : la préférence pour le présent, l’optimisme excessif voire cer-taines limites cognitives l’empêcheraient de défi nir et de mettre en œuvre le choix a priori idoine.

En présence de rationalité limitée, les consommateurs peuvent en conséquence se voir offrir par les marchés des biens et services chers et de moindre qualité. En premier lieu, si la concurrence par les prix protège tous les consommateurs

L’objet de ce rapport est d’étudier les fondements de la protection des

consommateurs et les modalités des régulations pour assurer cette

protection.

En pratique, le consommateur ne se comporte pas nécessairement comme

le suppose l’analyse microécono-mique des manuels. L’information

imparfaite et la rationalité limitée ne peuvent être prises en charge et cor-rigées par la seule auto-régulation.

Dans de nombreux cas, l’inter-vention des pouvoirs publics est

indispensable. Cette intervention prend aussi bien la forme de régu-

lations ex ante (exigences et contraintes défi nies a priori) que

de régulations ex post (recours et sanctions…).

L’analyse menée par les auteurs les conduit à formuler des propositions

très concrètes. Certaines visent à améliorer sensiblement l’information

du consommateur.

D’autres propositions relèvent de la régulation ex post. Le rapport pro-pose un durcissement des amendes

prononcées par la DGCCRF. Il prône la reconnaissance en France

des actions de groupe, comme cela existe déjà aux États-Unis mais aussi

dans nombre de pays européens.

Le Conseil d’Analyse Économique

Président : Jean-Marc Ayrault, Premier ministrePrésident délégué : Christian de Boissieu

Secrétaire général : Pierre Joly

MembresPhilippe AghionProfesseur à l’Université de Harvard (États-Unis)Patrick ArtusDirecteur des études économiques à NATIXISAgnès Bénassy-QuéréDirectrice du CEPII, Professeur à l’École polytechniqueJean-Paul BetbèzeChef économiste de Crédit agricole SAGilbert CetteDirecteur des Études microéconomiques et structurelles à la Banque de France, Professeur associé à l'Université de la MéditerranéePhilippe ChalminProfesseur à l’Université de Paris-DauphineDaniel CohenProfesseur à l’École normale supérieureÉlie CohenDirecteur de recherche au CNRS, FNSPJacques DelplaConsultantMichel DidierPrésident de COE-RexecodeEmmanuel FarhiProfesseur à l’Université de Harvard (États-Unis)Jean-Paul FitoussiProfesseur à l’Institut d’études politiquesXavier GabaixProfesseur à l’Université de New York (États-Unis)Olivier GarnierChef économiste du groupe Société généraleMichel GodetProfesseur au CNAMFrancis KramarzDirecteur du CRESTAugustin LandierProfesseur à l’Université de Toulouse IMathilde LemoineDirectrice des Études économiques et de la Stratégie Marchés à HSBC FranceJean-Hervé LorenziProfesseur à l’Université de Paris-DauphinePhilippe MonginDirecteur de recherche au CNRS, Professeur affi lié à HECJean Pisani-FerryProfesseur associé à l’Université de Paris-Dauphine, Directeur de BruegelHélène ReyProfesseur à la London Business School (Royaume-Uni)Gilles Saint-PaulProfesseur à l’Université de Toulouse IDavid ThesmarProfesseur associé à HECJean TirolePrésident de la Fondation Jean-Jacques Laffont/École d’économie de Toulouse (TSE), Directeur scientifi que de l’Institut d’économie industrielle (IDEI), Université de ToulousePhilippe TrainarÉconomiste en chef à la SCORJean-Pierre VesperiniProfesseur à l’Université de Rouen

Membres de droitJean-Luc TavernierDirecteur général de l’INSEEVincent ChriquiDirecteur du Centre d’analyse stratégiqueClaire WaysandDirectrice générale adjointe du Trésor, ministère de l’Économie et des FinancesFranck Von LennepDirecteur de la DREES, ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue socialAntoine MagnierDirecteur de la DARES, ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue socialLuc FerryPrésident délégué du Conseil d’analyse de la société

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ANALYSES ÉCONOMIQUES – N° 01/2012ANALYSES ÉCONOMIQUES – N° 01/2012 32

de biens simples même en présence d’un petit nombre d’entreprises, tel n’est pas le cas pour les consommateurs de biens complexes. Dans ce cas, informer les clients d’un concurrent sur ses mauvaises pratiques ne serait pas bénéfi que pour une entreprise car elle ne récupérerait in fine que les consommateurs avisés par essence peu rentables. En second lieu, il n’est pas avéré qu’une entreprise ait intérêt à favoriser la qualité afin d’asseoir sa réputation et donc son pou-voir de marché. En effet, la répu tation ne permet pas à un consommateur potentiel d’apprécier en temps réel la satisfaction de l’ensemble des consommateurs ayant acheté le bien concerné. Entreprises court-termistes, consommation occasionnelle, délai dans la diffusion de la satisfaction des consommateurs ou coûts de sortie élevés sont autant de facteurs qui font de la réputation un signal imparfait de la satisfaction des consommateurs et donc de la qualité des produits.

La régulation s’avérant par conséquent nécessaire pour protéger les consomma-teurs, il convient de déterminer à quelle institution celle-ci doit être confiée : associations professionnelles ou État. Si l’effi cacité relative de l’auto-régulation et de l’État dépend a priori du degré de corruption et de la compétence des instances publiques, l’auto-régulation peut néanmoins renforcer le pouvoir de marché de certaines entreprises au détriment des consommateurs et n’aboutit pas en général à des sanctions suffisamment dissuasives pour inciter les entreprises à respecter les normes édictées.

Comment mieux protéger les consommateurs ?

Après avoir établi la nécessité d’une protection légale du consommateur, le présent rapport détaille six principales propositions à même d’améliorer la pro-tection des consommateurs. Ces mesures visent en outre à faire la lumière sur la qualité des produits en utilisant les possi-bilités d’Internet, à proposer des options par défaut bien choisies, à faciliter les changements de fournisseur de service et à permettre aux consommateurs d’exercer un véritable pouvoir de menace sur les comportements illégaux.

Commentaires

D’après Jean Tirole et Philippe Mongin, ce rapport explicite très clairement les deux principales défaillances de marché justifiant la protection des consom-mateurs : la manipulation par les four-nisseurs de leur rationalité limitée et l’imperfection de l’information dont ils disposent.

Selon Jean Tirole, conformément aux propositions du rapport, il convient tou-tefois de ne pas tomber dans l’écueil d’un paternalisme excessif. En premier lieu, une économie moderne ayant besoin de contrats et d’engagements, les possibilités de rétractation des consommateurs ne doivent pas toujours être universelles et gratuites. L’éducation des consommateurs constitue en outre un levier à ne pas négliger. En second lieu, si l’obligation d’informer est pertinente, Jean Tirole insiste sur le

Les six principales propositions du rapport

Proposition 1L’information rendue publique par la DGCCRF devrait, idéalement, avoir les caractéristiques suivantes :

• elle doit être détaillée : elle doit proposer une ventilation des plaintes par secteur fi n (par exemple, « commerce d’informatique » et pas simplement « commerce »), et par région lorsque c’est pertinent. Par exemple, dans les services/BTP une répartition géographique et dans le commerce électronique, une ventilation par secteur fi n (hi-fi , librairies, etc.) ;

• les séries doivent être les plus longues possibles : pour l’instant l’information remonte à 2007, il est donc impossible de détecter des tendances ou des ruptures. Ces informations seraient utiles pour les consommateurs mais aussi simplifi eraient les procédures de détection des fraudes en interne, à la manière des données de pharmacovigilance ;

• l’information disponible ne doit pas se limiter aux plaintes, mais doit aussi comprendre les sanctions décidées par la DGCCRF (poursuite en justice, amende, etc.). Ces sanctions sont la mesure effective des comportements frauduleux (sectoriels, individuels), et de l’action entreprise par l’État pour y remédier ;

• une publication des données entreprise par entreprise, avec un délai de latence de six mois devrait être envisagée, de manière à limiter les possibilités de manipulation.

Proposition 2La DGCCRF ou l’INC deviennent administrateurs d’une plate-forme de rating en ligne basée sur des technologies similaires à celles utilisées par les grandes entreprises de vente en ligne. Les clients peuvent écrire un bref commentaire et donner une note refl étant leur expérience de consommateur sur chaque produit ou service spécifi que :

• l’accès à cette base de rating sera gratuit, et des recherches par mots-clés (nom de produit ou de prestataire) seront possibles ;

• le client doit entrer ses données personnelles pour que son commentaire soit valide (mais celles-ci ne seront bien sûr pas rendues publiques) ;

• la DGCCRF aurait, via sa tâche d’administrateur, le droit de fi ltrer ou de retirer les commentaires jugés non pertinents ;

• lorsqu’ils entrent un commentaire, les clients peuvent en cochant une case spécifi que faire de leur commentaire une plainte offi cielle (le site web les fait alors transiter vers une page web qui collecte les pièces justifi catives et données personnelles qui valident la plainte).

Proposition 3Les organismes de gestion de l’épargne salariale doivent être contraints de proposer, dans leur menu d’options, une option par défaut qui devrait satisfaire aux contraintes suivantes : frais faible, risque modéré, rendement (net de frais) maximal étant donné ce risque. Le risque peut dépendre de l’horizon d’investissement (avec un poids d’action supé-rieur pour les PERCO – plans épargne pour la retraite collectifs), et faible pour les PEE (plans d’épargne entreprise classiques). Cette option doit être défi nie de manière centralisée et proposée par tous les FCPE. Elle constitue l’option par défaut, à moins que le salarié n’en choisisse une autre.

Proposition 4Exiger que les consommateurs aient le droit d’obtenir de leur fournisseur gratuitement et dans un format standardisé l’historique de leur consommation et facturation (notamment dans le domaine de la téléphonie, de l’Internet, de l’énergie et des services fi nanciers). Afi n que des entreprises concurrentes ou des intermédiaires puissent informer le consommateur sur ses alternatives, ces fi chiers doivent pouvoir être téléchargés par des tiers à qui le consommateur en donne le droit.

Proposition 5Pour être vraiment dissuasive, la DGCCRF doit pouvoir prononcer des sanctions administratives élevées.

Proposition 6Il faut mettre en place un mécanisme d’action collective en France. Afi n de résoudre le problème d’action collective inhérent à ce type d’action, le nouveau dispositif doit respecter les principes économiques suivants :

• le coût de participation doit être faible pour les plaignants : cela implique de retenir, soit la logique d’opt-out, soit celle d’opt-in avec publicité par courrier et voie de presse ;

• il faut éviter de donner une rente trop importante aux intermédiaires que représenteraient les associations agréées : le dispositif doit donc permettre la constitution d’associations ad hoc afi n de mener l’action de groupe, poten-tiellement en étroite liaison avec les associations de consommateurs ;

• le champ couvert doit être le plus large possible.

fait que l’information fournie doit être régulée afi n d’être intelligible par tous les consommateurs et non manipulée par les fournisseurs. En conclusion, Jean Tirole appuie les recommandations concernant la constitution de rating et de standards, la proposition systématique d’option par défaut ainsi que la mise en œuvre d’actions de groupe.

Selon Philippe Mongin, si le rapport a le mérite de mettre en exergue certains biais cognitifs des consommateurs susceptibles d’être manipulés par les entreprises, l’éco-nomie comportementale demeure encore riche en enseignements qu’il convien-drait d’intégrer à une réflexion plus exhaustive sur la protection des consom-mateurs. Concernant les recommandations, Philippe Mongin émet certaines réserves : il regrette que les auteurs n’aient pas plus précisément pris en compte le contexte juridique de leur recommandation relative aux actions de groupe. Celles-ci heurtent en effet certains principes essentiels du droit français tels que l’autorité relative de la chose jugée et la qualité pour agir. Par ailleurs la question des risques vitaux qu’elle induirait pour certaines entreprises est éludée. Concernant les propositions relatives à une notation publique des fournisseurs, il convient d’être vigilant aux biais d’ancrage, de même qu’il convient de tenir compte des biais de traitement liés à un accroissement de l’information.

Portugal Royaume-Uni Suède Allemagne Pays-Bas Italie 1995 2000 2002 2005 2005 2009

Champ d'application Illimité Illimité Illimité Finance Illimité Concurrence

Tribunaux compétents Tous Tous Tous Restreint Restreint Restreint

Conditions de recevabilité restreintes

Aux demandes fondées, gagnables et bien représentées

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Source : Synthèse des auteurs.

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ANALYSES ÉCONOMIQUES – N° 01/2012ANALYSES ÉCONOMIQUES – N° 01/2012 32

de biens simples même en présence d’un petit nombre d’entreprises, tel n’est pas le cas pour les consommateurs de biens complexes. Dans ce cas, informer les clients d’un concurrent sur ses mauvaises pratiques ne serait pas bénéfi que pour une entreprise car elle ne récupérerait in fine que les consommateurs avisés par essence peu rentables. En second lieu, il n’est pas avéré qu’une entreprise ait intérêt à favoriser la qualité afin d’asseoir sa réputation et donc son pou-voir de marché. En effet, la répu tation ne permet pas à un consommateur potentiel d’apprécier en temps réel la satisfaction de l’ensemble des consommateurs ayant acheté le bien concerné. Entreprises court-termistes, consommation occasionnelle, délai dans la diffusion de la satisfaction des consommateurs ou coûts de sortie élevés sont autant de facteurs qui font de la réputation un signal imparfait de la satisfaction des consommateurs et donc de la qualité des produits.

La régulation s’avérant par conséquent nécessaire pour protéger les consomma-teurs, il convient de déterminer à quelle institution celle-ci doit être confiée : associations professionnelles ou État. Si l’effi cacité relative de l’auto-régulation et de l’État dépend a priori du degré de corruption et de la compétence des instances publiques, l’auto-régulation peut néanmoins renforcer le pouvoir de marché de certaines entreprises au détriment des consommateurs et n’aboutit pas en général à des sanctions suffisamment dissuasives pour inciter les entreprises à respecter les normes édictées.

Comment mieux protéger les consommateurs ?

Après avoir établi la nécessité d’une protection légale du consommateur, le présent rapport détaille six principales propositions à même d’améliorer la pro-tection des consommateurs. Ces mesures visent en outre à faire la lumière sur la qualité des produits en utilisant les possi-bilités d’Internet, à proposer des options par défaut bien choisies, à faciliter les changements de fournisseur de service et à permettre aux consommateurs d’exercer un véritable pouvoir de menace sur les comportements illégaux.

Commentaires

D’après Jean Tirole et Philippe Mongin, ce rapport explicite très clairement les deux principales défaillances de marché justifiant la protection des consom-mateurs : la manipulation par les four-nisseurs de leur rationalité limitée et l’imperfection de l’information dont ils disposent.

Selon Jean Tirole, conformément aux propositions du rapport, il convient tou-tefois de ne pas tomber dans l’écueil d’un paternalisme excessif. En premier lieu, une économie moderne ayant besoin de contrats et d’engagements, les possibilités de rétractation des consommateurs ne doivent pas toujours être universelles et gratuites. L’éducation des consommateurs constitue en outre un levier à ne pas négliger. En second lieu, si l’obligation d’informer est pertinente, Jean Tirole insiste sur le

Les six principales propositions du rapport

Proposition 1L’information rendue publique par la DGCCRF devrait, idéalement, avoir les caractéristiques suivantes :

• elle doit être détaillée : elle doit proposer une ventilation des plaintes par secteur fi n (par exemple, « commerce d’informatique » et pas simplement « commerce »), et par région lorsque c’est pertinent. Par exemple, dans les services/BTP une répartition géographique et dans le commerce électronique, une ventilation par secteur fi n (hi-fi , librairies, etc.) ;

• les séries doivent être les plus longues possibles : pour l’instant l’information remonte à 2007, il est donc impossible de détecter des tendances ou des ruptures. Ces informations seraient utiles pour les consommateurs mais aussi simplifi eraient les procédures de détection des fraudes en interne, à la manière des données de pharmacovigilance ;

• l’information disponible ne doit pas se limiter aux plaintes, mais doit aussi comprendre les sanctions décidées par la DGCCRF (poursuite en justice, amende, etc.). Ces sanctions sont la mesure effective des comportements frauduleux (sectoriels, individuels), et de l’action entreprise par l’État pour y remédier ;

• une publication des données entreprise par entreprise, avec un délai de latence de six mois devrait être envisagée, de manière à limiter les possibilités de manipulation.

Proposition 2La DGCCRF ou l’INC deviennent administrateurs d’une plate-forme de rating en ligne basée sur des technologies similaires à celles utilisées par les grandes entreprises de vente en ligne. Les clients peuvent écrire un bref commentaire et donner une note refl étant leur expérience de consommateur sur chaque produit ou service spécifi que :

• l’accès à cette base de rating sera gratuit, et des recherches par mots-clés (nom de produit ou de prestataire) seront possibles ;

• le client doit entrer ses données personnelles pour que son commentaire soit valide (mais celles-ci ne seront bien sûr pas rendues publiques) ;

• la DGCCRF aurait, via sa tâche d’administrateur, le droit de fi ltrer ou de retirer les commentaires jugés non pertinents ;

• lorsqu’ils entrent un commentaire, les clients peuvent en cochant une case spécifi que faire de leur commentaire une plainte offi cielle (le site web les fait alors transiter vers une page web qui collecte les pièces justifi catives et données personnelles qui valident la plainte).

Proposition 3Les organismes de gestion de l’épargne salariale doivent être contraints de proposer, dans leur menu d’options, une option par défaut qui devrait satisfaire aux contraintes suivantes : frais faible, risque modéré, rendement (net de frais) maximal étant donné ce risque. Le risque peut dépendre de l’horizon d’investissement (avec un poids d’action supé-rieur pour les PERCO – plans épargne pour la retraite collectifs), et faible pour les PEE (plans d’épargne entreprise classiques). Cette option doit être défi nie de manière centralisée et proposée par tous les FCPE. Elle constitue l’option par défaut, à moins que le salarié n’en choisisse une autre.

Proposition 4Exiger que les consommateurs aient le droit d’obtenir de leur fournisseur gratuitement et dans un format standardisé l’historique de leur consommation et facturation (notamment dans le domaine de la téléphonie, de l’Internet, de l’énergie et des services fi nanciers). Afi n que des entreprises concurrentes ou des intermédiaires puissent informer le consommateur sur ses alternatives, ces fi chiers doivent pouvoir être téléchargés par des tiers à qui le consommateur en donne le droit.

Proposition 5Pour être vraiment dissuasive, la DGCCRF doit pouvoir prononcer des sanctions administratives élevées.

Proposition 6Il faut mettre en place un mécanisme d’action collective en France. Afi n de résoudre le problème d’action collective inhérent à ce type d’action, le nouveau dispositif doit respecter les principes économiques suivants :

• le coût de participation doit être faible pour les plaignants : cela implique de retenir, soit la logique d’opt-out, soit celle d’opt-in avec publicité par courrier et voie de presse ;

• il faut éviter de donner une rente trop importante aux intermédiaires que représenteraient les associations agréées : le dispositif doit donc permettre la constitution d’associations ad hoc afi n de mener l’action de groupe, poten-tiellement en étroite liaison avec les associations de consommateurs ;

• le champ couvert doit être le plus large possible.

fait que l’information fournie doit être régulée afi n d’être intelligible par tous les consommateurs et non manipulée par les fournisseurs. En conclusion, Jean Tirole appuie les recommandations concernant la constitution de rating et de standards, la proposition systématique d’option par défaut ainsi que la mise en œuvre d’actions de groupe.

Selon Philippe Mongin, si le rapport a le mérite de mettre en exergue certains biais cognitifs des consommateurs susceptibles d’être manipulés par les entreprises, l’éco-nomie comportementale demeure encore riche en enseignements qu’il convien-drait d’intégrer à une réflexion plus exhaustive sur la protection des consom-mateurs. Concernant les recommandations, Philippe Mongin émet certaines réserves : il regrette que les auteurs n’aient pas plus précisément pris en compte le contexte juridique de leur recommandation relative aux actions de groupe. Celles-ci heurtent en effet certains principes essentiels du droit français tels que l’autorité relative de la chose jugée et la qualité pour agir. Par ailleurs la question des risques vitaux qu’elle induirait pour certaines entreprises est éludée. Concernant les propositions relatives à une notation publique des fournisseurs, il convient d’être vigilant aux biais d’ancrage, de même qu’il convient de tenir compte des biais de traitement liés à un accroissement de l’information.

Portugal Royaume-Uni Suède Allemagne Pays-Bas Italie 1995 2000 2002 2005 2005 2009

Champ d'application Illimité Illimité Illimité Finance Illimité Concurrence

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Source : Synthèse des auteurs.

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Article 2. Consommation : les actions collectives sur les rails 10 septembre 2012 à 16:34

Elles figureront dans un projet de loi porté par Benoît Hamon au printemps prochain, qui devrait aussi encadrer plus strictement le «crédit revolving».

Par DOMINIQUE ALBERTINI

L’assemblée examinera au printemps 2013 un «paquet législatif» visant à mieux protéger les consommateurs, a annoncé ce lundi le ministre de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation, Benoît Hamon. Comme annoncé fin juin par sa collègue à la Justice, Christiane Taubira, le texte rendra notamment possibles les «actions collectives» de consommateur, souvent présentées comme des «class actions» à la française. La procédure permettra à un groupe de consommateurs victimes d'un même préjudice de la part d'une entreprise, de se porter en justice ensemble au lieu de multiplier les procédures individuelles. Reste à préciser les contours de la mesure, vieille revendication des associations de consommateurs. Faudra-t-il accomplir une démarche volontaire pour participer à l'action collective, ou, au contraire, tous les consommateurs lésés y seront-ils inclus par défaut, sauf désaccord ? La plainte devra-t-elle être portée par une association de consommateurs, faisant l'interface entre ceux-ci et la justice ? Limites Quoiqu'il en soit, les limites posées aux actions collectives viseront à empêcher une dérive «à l'américaine», débouchant parfois sur des mégaprocès impliquant des millions de consommateurs, et sur des amendes de plusieurs milliards de dollars. «L’action de groupe doit d’abord être une arme de dissuasion, il ne s’agit pas de pénaliser l'économie, a précisé Benoît Hamon. L’objectif est que les dédommagements soient proportionnels aux dommages.» Le ministre s'est d'ores et déjà déclaré partisan de limiter la procédure aux préjudices économiques et matériels, traités par le tribunal civil. A l'exclusion, donc, des dommages corporels liés aux produits de santé, comme dans l'affaire du Mediator, jugée par un tribunal pénal. Une réponse aux inquiétudes du patronat, vent debout contre un projet accusé de nuire à l'innovation. Crédit Autre élément important du futur projet de loi, un encadrement plus strict du crédit revolving, déjà visé par la loi Lagarde. Ce crédit autoreconstituant, à l’origine de nombreux cas de surendettement, est dans le viseur des associations de consommateurs. Pour Benoît Hamon, «il y a trois options : laisser la loi Lagarde en l'état, encadrer davantage le crédit revolving, ou encore le supprimer complètement», comme le prônent un certain nombre de parlementaires, dont le groupe socialiste. Le ministre attend la remise d’un rapport, fin septembre, pour affiner sa position, mais l’issue la plus probable est un encadrement plus strict de ce type de crédit. «Il faut protéger les consommateurs sans mettre en péril la consommation», a justifié Benoît Hamon. Les nouvelles règles pourraient viser à améliorer l’information sur les conditions d’un crédit revolving, à interdire les cartes de fidélité faisant aussi office de cartes de crédit. En revanche, la création d’un registre national des crédits aux particuliers, pour lutter contre le

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surendettement, ne sera sans doute pas au programme. «La plupart des associations de consommateurs y sont opposées», a rappelé Benoît Hamon. Le nombre de comptes de crédit renouvelable a déjà diminué de trois millions d’unités en France entre fin avril 2011 et fin avril 2012, selon des chiffres publiés la semaine passée par l’Association des sociétés financières (ASF), qui relie ce mouvement à la loi Lagarde. Parmi les autres dispositions que devraient comprendre la loi, un renforcement de la lutte contre les clauses abusives des contrats proposés au consommateur, et de nouveaux pouvoirs de sanction de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Texte 3. Orange menace Free au nom de la qualité de service

Publiée par Alexandre Laurent le Lundi 26 Mars 2012

Orange laisse entendre qu'il pourrait dénoncer le contrat d'itinérance qui permet à Free Mobile d'emprunter son réseau, si les problèmes rencontrés par ce dernier venaient à perturber la qualité de ses propres services.

Un porte-parole d'Orange a affirmé samedi à l'AFP que l'opérateur « n'hésitera pas à suspendre » le contrat qui le lie à son concurrent « si des incidents sur le réseau de Free Mobile devaient affecter la qualité de service » de ses propres offres commerciales. Cette déclaration, dont il est difficile de dire si elle relève de la menace réelle ou de la rodomontade, fait suite aux propos de jean-Luc Silicani, président de l'Arcep, qui avait laissé entendre, la veille au Figaro, que les dysfonctionnements rencontrés par les abonnés Free Mobile tenaient essentiellement à des « difficultés techniques dans l'interconnexion entre les réseaux de Free et d'Orange ».

La formulation laisse supposer la mise sur un pied d'égalité des deux parties, ce que réfute Orange. « Contrairement à certaines affirmations visant Orange dans les pannes intervenues sur le réseau de Free Mobile ces derniers jours, le groupe décline toute responsabilité dans ces dysfonctionnements », a ajouté un porte-parole du groupe, suite à la panne du 20 mars. La 2G et le forfait à 2 euros en cause ?

« Je pense que les deux parties ont sous-estimé à la fois le nombre d'abonnés et la quantité de trafic passant par le réseau d'Orange, mais aussi que les offres à 2 euros de Free Mobile conduiraient les consommateurs à ressortir d'anciens téléphones utilisant le réseau 2G. », a précisé vendredi Jean-Luc Silicani. « Aujourd'hui, près de la moitié des appels de Free Mobile sont en 2G, mais comme il ne dispose pas d'un tel réseau, ses clients utilisent celui d'Orange ». Le président de l'Arcep rappelle enfin que les deux opérateurs sont libres de renégocier le contrat d'itinérance qui les lie, se positionnant comme le dernier ressort en cas de litige. Le régulateur des télécoms a par ailleurs rappelé vendredi, lors d'une conférence de presse, que Free respectait pour l'instant ses obligations réglementaires en matière de couverture. Il

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indique qu'un nouveau point d'étape sera réalisé d'ici la fin juin 2012. Problème : la qualité de service ne dépend pas uniquement du nombre d'antennes installées sur le territoire, mais cette composante - essentielle du point de vue du consommateur, ne sera pas analysée avant « fin 2012 », dans le cadre du bilan annuel de l'Arcep sur le marché mobile. Free, qui selon son concurrent Bouygues Télécom pourrait compter quelque 2,2 millions d'abonnés à ses forfaits mobiles, s'est pour l'instant bien gardé de commenter son actualité récente.