Endophtalmies

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74 Le Point Vétérinaire / 2012 / Urgences ophtalmologiques chez le chien et le chat URGENCES à PRéDOMINANCE MéDICALE pratique, cette distinction n’est possible que dans les tout premiers stades de l’évolution. 1. Endophtalmies post-traumatiques spontanées En ophtalmologie humaine, les endophtalmies post- traumatiques spontanées représentent une complication redoutable des traumatismes oculaires à globe ouvert. Leur fréquence est variable selon les pays et la nature des blessures oculaires qui en sont la cause. En milieu rural, les blessures dues à des instruments agricoles, plus fortement contaminées, conduisent à une fréquence d’en- dophtalmie plus élevée. Selon les études, celle-ci est de 3 à 17 % [5, 7, 9]. La fréquence exacte des endophtalmies chez les carni- vores domestiques n’est pas connue. Cependant, elles apparaissent peu répandues et en association avec un mode de vie particulier, prédisposant au traumatisme oculaire pénétrant. Les populations les plus à risque sont les chats mâles non castrés, au comportement belliqueux, et les chiens de chasse. D’après l’expérience de l’auteur, bien qu’aucune étude statistique ne vienne l’étayer, il semble que les perforations par griffure ou morsure lors de bagarre s’accompagnent plus fréquemment d’infections intra- oculaires profondes que les blessures par arme à feu ou dues à des corps étrangers végétaux chez les chiens de chasse. 2. Endophtalmies postchirurgicales Chez l’homme, l’endophtalmie est une complica- tion majeure en phase postopératoire d’une chirurgie endoculaire. Les endophtalmies après un traitement chirurgical de la cataracte sont les plus fréquentes compte tenu du nombre de cataractes opérées. Suivant les séries, la fréquence varie de 0,1 à 0,3 %. Celle-ci diminue grâce aux progrès de l’antisepsie et des techniques d’asepsie [6]. Chez le chien, l’endophtalmie postopératoire lors de chirurgie de la cataracte ne semble pas faire partie des complications courantes, bien que sa fréquence exacte ne soit pas évaluée [13]. Chez le chat, l’opération de la cataracte reste un acte anecdotique. Aucune donnée n’est disponible quant à la fréquence des endophtalmies postopératoires. L es endophtalmies sont des inflammations intra- oculaires profondes dont le pronostic visuel et anatomique reste réservé. Leur origine est variable, mais le plus fréquemment traumatique (complication postopératoire des interventions intra-oculaires). Redoutées en ophtalmologie humaine, où elles représentent un enjeu de santé publique et médico-légal, elles n’ont fait, à ce jour, l’objet d’aucune étude spécifique chez le chien et le chat. CLASSIFICATION Chez le chien et le chat, comme dans l’espèce humaine, les endophtalmies sont des inflammations intra-oculaires profondes, en général septiques. Selon leur mode d’appa- rition se distinguent : - des endophtalmies infectieuses endogènes (secondaires à une infection à distance). Elles sont rares et concernent des animaux immunodéprimés ; - des endophtalmies infectieuses exogènes. Ce sont les plus nombreuses et elles se différencient en endophtalmies postopératoires et en endophtalmies post-traumatiques ; - des endophtalmies non infectieuses (exemple du syn- drome du “segment antérieur toxique”, toxic anterior seg- ment syndrome) (encadré 1) [3, 5-7, 15, 17, 19]. Selon leur localisation anatomique sont décrites des endophtalmies antérieures (uvéites antérieures) ou postérieures (hyalites, choriorétinites), ou la panophtal- mie impliquant tous les secteurs du globe oculaire. En Les endophtalmies sont des infections intra-oculaires profondes dont le pronostic visuel et anatomique reste réservé. Leur origine est le plus fréquemment traumatique, en particulier en phase postopératoire des interventions intra-oculaires. fLes endophtalmies sont des infections intra-oculaires profondes, d’origine le plus souvent traumatique, notamment en phase postopératoire des interventions intra-oculaires. Cliniquement, elles présentent une association de signes inflammatoires antérieurs et postérieurs dont l’évolution, sans traitement, conduit à la perte visuelle. Le diagnostic repose sur un état des lieux de l’infection endoculaire fondé sur un examen échographique oculaire et une analyse bactériologique après une ponction du vitré. Le traitement médical comprend une antibiothérapie massive rapidement instaurée par voies locale et générale. Le traitement chirurgical est conservateur ou non (énucléation). Résumé OPHTALMOLOGIE CANINE ET FÉLINE Les endophtalmies chez le chien et le chat 0,05 CFC par article lu Frank Famose 42, avenue Lucien-Servanty 31700 Blagnac

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Article paru en décembre 2012 dans le Point Vétérinaire Article published in Point Veterinaire December 2012

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pratique, cette distinction n’est possible que dans les tout premiers stades de l’évolution.

1. Endophtalmies post-traumatiques spontanéesEn ophtalmologie humaine, les endophtalmies post-traumatiques spontanées représentent une complication redoutable des traumatismes oculaires à globe ouvert. Leur fréquence est variable selon les pays et la nature des blessures oculaires qui en sont la cause. En milieu rural, les blessures dues à des instruments agricoles, plus fortement contaminées, conduisent à une fréquence d’en-dophtalmie plus élevée. Selon les études, celle-ci est de 3 à 17 % [5, 7, 9].La fréquence exacte des endophtalmies chez les carni-vores domestiques n’est pas connue. Cependant, elles apparaissent peu répandues et en association avec un mode de vie particulier, prédisposant au traumatisme oculaire pénétrant. Les populations les plus à risque sont les chats mâles non castrés, au comportement belliqueux, et les chiens de chasse.D’après l’expérience de l’auteur, bien qu’aucune étude statistique ne vienne l’étayer, il semble que les perforations par griffure ou morsure lors de bagarre s’accompagnent plus fréquemment d’infections intra-oculaires profondes que les blessures par arme à feu ou dues à des corps étrangers végétaux chez les chiens de chasse.

2. Endophtalmies postchirurgicalesChez l’homme, l’endophtalmie est une complica-tion majeure en phase postopératoire d’une chirurgie endoculaire.Les endophtalmies après un traitement chirurgical de la cataracte sont les plus fréquentes compte tenu du nombre de cataractes opérées. Suivant les séries, la fréquence varie de 0,1 à 0,3 %. Celle-ci diminue grâce aux progrès de l’antisepsie et des techniques d’asepsie [6].Chez le chien, l’endophtalmie postopératoire lors de chirurgie de la cataracte ne semble pas faire partie des complications courantes, bien que sa fréquence exacte ne soit pas évaluée [13]. Chez le chat, l’opération de la cataracte reste un acte anecdotique. Aucune donnée n’est disponible quant à la fréquence des endophtalmies postopératoires.

Les endophtalmies sont des inflammations intra-oculaires profondes dont le pronostic visuel et anatomique reste réservé. Leur origine est variable, mais le plus fréquemment traumatique (complication postopératoire des interventions

intra-oculaires). Redoutées en ophtalmologie humaine, où elles représentent un enjeu de santé publique et médico-légal, elles n’ont fait, à ce jour, l’objet d’aucune étude spécifique chez le chien et le chat.

claSSiFicationChez le chien et le chat, comme dans l’espèce humaine, les endophtalmies sont des inflammations intra-oculaires profondes, en général septiques. Selon leur mode d’appa-rition se distinguent :- des endophtalmies infectieuses endogènes (secondaires à une infection à distance). Elles sont rares et concernent des animaux immunodéprimés ;- des endophtalmies infectieuses exogènes. Ce sont les plus nombreuses et elles se différencient en endophtalmies postopératoires et en endophtalmies post-traumatiques ;- des endophtalmies non infectieuses (exemple du syn-drome du “segment antérieur toxique”, toxic anterior seg-ment syndrome) (encadré 1) [3, 5-7, 15, 17, 19].Selon leur localisation anatomique sont décrites des endophtalmies antérieures (uvéites antérieures) ou postérieures (hyalites, choriorétinites), ou la panophtal-mie impliquant tous les secteurs du globe oculaire. En

Les endophtalmies sont des infections intra-oculaires profondes dont le pronostic visuel et anatomique reste réservé. Leur origine est le plus fréquemment traumatique, en particulier en phase postopératoire des interventions intra-oculaires.

fLes endophtalmies sont des infections intra-oculaires profondes, d’origine le plus souvent traumatique, notamment en phase postopératoire des interventions intra-oculaires. Cliniquement, elles présentent une association de signes

infl ammatoires antérieurs et postérieurs dont l’évolution, sans traitement, conduit à la perte visuelle. Le diagnostic repose sur un état des lieux de l’infection endoculaire fondé sur un examen échographique oculaire et

une analyse bactériologique après une ponction du vitré. Le traitement médical comprend une antibiothérapie massive rapidement instaurée par voies locale et générale. Le traitement chirurgical est conservateur ou non (énucléation).R

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OPHTALMOLOGIE CANINE ET FÉLINE

les endophtalmies chez le chien et le chat0,05 cFc

par article lu

Frank Famose42, avenue Lucien-Servanty

31700 Blagnac

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était celui d’une endophtalmie suppurée, centrée sur le cristallin, et présentant un développement lent et différé par rapport au traumatisme initial [4].

2. Signes postérieursLes signes postérieurs se caractérisent par l’apparition d’un trouble oculaire postérieur associé à un degré variable de baisse de l’acuité visuelle. Celle-ci est diffi-cile à objectiver chez l’animal. En revanche, elle se mani-feste de façon nette lorsque l’atteinte est bilatérale, par des troubles comportementaux ou des difficultés à se déplacer.

Chez l’homme, en France, la fréquence des endophtal-mies bactériennes reste inférieure à 1 % lors de chirurgie vitréo-rétinienne [1]. Elle est plus élevée chez certains patients, en particulier les diabétiques. Chez le chien et le chat, la pratique de la vitrectomie postérieure reste encore peu répandue et les travaux sta-tistiques sur les taux de réussite et de complications font défaut. La seule étude publiée sur les résultats du traite-ment chirurgical du décollement rétinien chez le chien fait état du développement d’un cas de panophtalmie sur une série de 145 animaux opérés [23].Chez l’homme, la fréquence des endophtalmies dans la chirurgie du glaucome est du même ordre que celle lors de chirurgie de la cataracte [6]. Les interventions chirur-gicales filtrantes ne sont que peu pratiquées chez les car-nivores domestiques car leurs résultats sont décevants. Aucune donnée bibliographique sur leurs complications n’est disponible.

SigneS cliniqueSLes endophtalmies se présentent sous la forme d’une asso-ciation de signes d’inflammation antérieurs et postérieurs.

1. Signes antérieursLes signes antérieurs sont ceux d’une uvéite antérieure : rougeur, douleur oculaire, hyphéma ou hypopion, myosis (photo 2)(1).Plus récemment, un syndrome d’implantation septique a été décrit chez le chien et le chat, qui résulterait de l’inoculation de bactéries dans le cristallin. Dans cette étude rétrospective, le tableau clinique le plus courant

(1) Voir l’article “Les uvéites aiguës chez le chien et le chat” de S. Medan, dans ce numéro.

De manière spécifique, une forme d’uvéite antérieure non septique est décrite dans la phase postopératoire de la cataracte. Ce syndrome, appelé toxic anterior segment syndrome, se caractérise par l’apparition, 24 à 48 heures après l’intervention, d’un œdème cornéen et d’un dépôt fibrineux important dans la chambre antérieure (photo 1). Ces signes sont liés au développement d’une inflammation stérile de la chambre antérieure résultant en des destructions tissulaires d’importance variable. Ils seraient dus à un mauvais nettoyage des instruments utilisés pendant l’acte chirurgical. Ce syndrome est à rapprocher des hypopions stériles dits “du troisième jour” décrits chez l’homme et des uvéites phaco-allergiques. Ces dernières entités ne s’accompagnent pas habituellement d’une inflammation du vitré.

Encadré 1

Syndrome du segment antérieur toxique, ou toxic anterior segment syndrome

1

1. Toxic anterior segment syndrome (syndrome du segment antérieur toxique) chez un chien. Une complication est survenue 2 jours après une opération de la cataracte, sous la forme d’un volumineux caillot de fibrine dans la chambre antérieure.

Photo : F. Famose

2

2. Endophtalmie antérieure post-traumatique chez un chien. Un hypopion et un écoulement oculaire sont observés.

Photo : F. Famose

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L’écoulement oculaire purulent, la douleur et la photo-phobie composent le tableau clinique de la panophtal-mie. Ces signes inflammatoires et douloureux sont parfois délicats à distinguer de ceux du traumatisme oculaire : chémosis, œdème cornéen, hypopion.

3. évolutionL’évolution de l’endophtalmie aboutit à la dégradation des tissus intra-oculaires : formation de synéchies, décol-lement de rétine. De plus, l’inflammation peut se compli-quer d’une hypertension oculaire entraînant la rupture du globe en regard de la zone de traumatisme ou sa phtisie (photo 3) [22]. Dans les deux cas, la vision est perdue.

Micro-organiSMeS en cauSe1. BactériesChez l’homme, les bactéries à Gram+ représentent plus de 75 % des agents pathogènes identifiés dans les endoph-talmies [5, 6, 9]. Dans 80 % des cas, la même bactérie (Staphylococcus epidermidis) est retrouvée dans le vitré et le cul-de-sac conjonctival. La périphérie oculaire reste la source principale de contamination lors de traumatisme pénétrant [11, 19]. La présence d’agents pathogènes du genre Bacillus (en particulier Bacillus cereus) est associée à un mauvais pronostic visuel. La perte visuelle serait plus rapide qu’avec les autres bactéries à Gram+ [5, 6]. Les bactéries à Gram- représentent autour de 20 % des agents pathogènes identifiés chez l’homme [6]. Celles des genres Pseudomonas et Proteus sont les plus fréquentes [10].Aucune étude statistique de représentation des agents pathogènes dans les cas d’endophtalmie n’a été réalisée chez les carnivores domestiques. Cependant, les proces-sus de contamination sont vraisemblablement voisins de ceux de l’espèce humaine. La contamination par les agents pathogènes de la sphère conjonctivale (Gram+ des genres Streptococcus et Staphylococcus) a été incriminée lors de complications infectieuses de cataracte chez le chien [13]. Une endophtalmie unilatérale associée au développement d’une bactérie du genre Actinomyces a été décrite chez un chien, en association avec des signes de pneumonie [3]. Trois cas de brucellose oculaire ont été décrits chez le chien [15]. La présentation clinique était celle d’une uvéite antérieure et postérieure unilaté-rale récurrente, sans autre signe.Chez le chat, la flore conjonctivale normale est rela-tivement pauvre. Les cultures réalisées sur des frottis conjonctivaux d’animaux sains sont stériles dans plus de la moitié des cas [12]. Cela pourrait expliquer la rareté des endophtalmies postopératoires chez cette espèce. De plus, la fréquence relativement élevée de blessures oculaires par coups de griffe dans cette espèce met en jeu d’autres bactéries telles que Pasteurella multocida ou Escherichia coli (observations personnelles non publiées). Leur fréquence exacte reste inconnue.

3

3. panophtalmie chez un chien. noter l’hypopion, la néovascularisation et l’œdème cornéens.

Photo : F. Famose

Encadré 3

Facteurs affectant le pronostic visuel

fPrésence d’un décollement de rétine.fVirulence des micro-organismes.fCaractéristiques de la blessure oculaire (étendue des lésions cornéennes ou sclérales).fCaractéristiques du corps étranger (métallique, végétal, organique).D’après [5].

FigUrE

conduite diagnostique devant une suspicion d’endophtalmie

Suspiciond’endophtalmie

Examenéchographique

oculaire

Ponction humeuraqueuse et vitré

Extensionfacteurs

de risque

Bactériologie

Historique

Signescliniques

Traitement

fPrésence d’un corps étranger intra-oculaire.fRupture du cristallin.fDélai excessif avant la mise en place du traitement.

fNature du traumatisme (contaminé ou pas, pénétrant ou perforant, projectile lent ou rapide, site du trauma, prolapsus de tissus oculaires).

Encadré 2

Facteurs de risque du développement d’une endophtalmie

D’après [5].

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2. agents fongiquesChez l’homme, chez lequel l’infection par Candida albi-cans concerne essentiellement des patients immunodé-primés, la perte de vision est décrite comme tardive dans l’évolution lente de ces endophtalmies fongiques [6, 7].Les contaminations fongiques sont exceptionnelles chez les carnivores. De rares infections par Candida albicans ont été décrites chez le chien. Dans le cas rap-porté par Linek, la contamination a vraisemblablement eu lieu par voie hématogène, en association avec une entérite lymphoplasmocytaire [16]. Les symptômes étaient ceux d’une panuvéite unilatérale évoluant sur 3 semaines, avec un décollement rétinien et un glau-come secondaire.

DiagnoSticLe diagnostic repose sur un état des lieux de l’infection endoculaire comprenant la recherche des facteurs de risque et des agents en cause, ainsi que l’identification des éléments qui influencent le pronostic visuel (enca-

drés 2 et 3, figure). Un examen ophtalmologique complet est réalisé, dans lequel la tonométrie, l’examen échogra-phique, permettant de visualiser les structures oculaires en cas d’opacité, et l’analyse bactériologique occupent une place essentielle.L’examen échographique permet de préciser l’étendue des lésions intra-oculaires, qui conditionne le pronostic (photos 4 et 5) [21]. Le prélèvement de vitré est considéré, en ophtalmologie humaine, comme le plus pertinent (encadré 4) [5, 19]. Malgré tout, l’identification bactérienne reste parfois en décalage par rapport aux éléments cli-niques. Les cultures sont stériles dans environ 25 % des

cas, et le délai d’identification des agents pathogènes et de leur sensibilité aux antibiotiques est incompatible avec un traitement spécifique immédiat [9].

traiteMentLes objectifs du traitement sont de neutraliser les agents pathogènes intra-oculaires et de limiter les conséquences de l’inflammation oculaire. Concrètement, les moyens mis en place sont médicaux, par l’administration d’antibio-tiques et d’anti-inflammatoires et par l’élimination méca-nique des tissus infectés [10]. D’autres actes (retrait d’un corps étranger, suture d’une plaie) viennent compléter ces gestes de base.

1. Traitement médicalLe traitement médical repose sur une antibiothérapie massive instaurée rapidement. Cette dernière peut être conduite de manière empirique, sans connaître l’agent pathogène en cause, et administrée à la fois par voies intravitréenne et intraveineuse. Les antibiotiques topiques ou sous-conjonctivaux ont un intérêt limité en cas d’infec-tion profonde [5, 9, 19]. À ce jour, aucun protocole n’a été validé chez les carnivores domestiques. L’auteur utilise la marbofloxacine (Marbocyl FD®) à la dose de 2 mg/kg par voie intraveineuse et à celle de 2 mg in toto en injection intravitréenne. Ces injections sont suivies d’un relais par voie orale (2 mg/kg/j) jusqu’à l’obtention des résultats de bactériologie.L’emploi des corticostéroïdes reste controversé, entre des effets anti-inflammatoires et antalgiques positifs et l’inhi-bition variable et imprévisible des défenses immunitaires oculaires [5, 6, 19].

Cristallin

Bridevitréenne

Iris

Décollementrétinien

4

SclèreLogettes

antérieures

ComblementSegmentpostérieur

5

4. Examen échographique oculaire en coupe sagittale 10 mHz chez un chien atteint d’endophtalmie post-traumatique à la suite d’un plomb de chasse intra-oculaire. Un hypopion, un déplacement postérieur du cristallin et un décollement de la rétine sont présents.

5. Examen échographique oculaire sagittale 10 mHz chez un chien atteint d’une endophtalmie consécutive à un coup de griffe de chat. Un comblement du segment postérieur est observé. la structure du cristallin n’est pas reconnaissable et des logettes hypoéchogènes sont présentes dans le segment antérieur.

Photos : F. Famose

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Elle permet l’élimination des tissus infectés et le recueil des fluides pour l’identification bactérienne [8].Chez les carnivores, la vitrectomie n’est que rarement réa-lisée. Le matériel nécessaire reste coûteux et les ophtal-mologues vétérinaires sont peu formés à cette méthode. De plus, le pronostic de ces affections étant très réservé, l’énucléation est souvent préférée par le propriétaire de l’animal. Cependant, la vitrectomie commence à être pra-tiquée par plusieurs centres d’ophtalmologie vétérinaire en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, en particulier dans le traitement des décollements rétiniens chez le chien [23]. À ce jour, aucune donnée bibliographique n’est dis-ponible sur son intérêt dans le traitement des endophtal-mies chez les carnivores domestiques, mais sa mise en œuvre, au regard des résultats obtenus chez l’homme, est prometteuse.

Retrait des corps étrangersLes corps étrangers doivent être retirés si leur localisa-tion peut provoquer des dégâts supplémentaires(2). Chez l’homme, ce geste complète la vitrectomie ou est réalisé sous endoscopie oculaire. Chez l’animal, les corps étran-gers métalliques (plombs de chasse) sont, en général, laissés en place.

Gestion de la rupture du cristallinLa rupture du cristallin reste un facteur d’entretien de l’inflammation par les mécanismes phaco-allergiques. Son retrait est un temps indispensable de la gestion de l’endophtalmie et est réalisé soit par phaco-émulsification, soit par exérèse intracapsulaire(3).

ÉnucléationL’énucléation est indiquée lorsque les traitements sont inefficaces (écoulement purulent ou douleur persis-tante), ou que l’animal est présenté tardivement et/ou

2. Traitement chirurgicalLe traitement chirurgical est décidé en l’absence d’amé-lioration sous traitement médical ou d’emblée lorsque des facteurs de risque sont présents.

Sutures des plaies oculairesDans le cadre des endophtalmies post-traumatiques, un soin particulier est à apporter aux plaies cornéennes ou sclérales associées. Les tissus incarcérés doivent être retirés et les sutures étanches. Chez le chat, la sclère est peu visible car elle est recouverte en totalité par les paupières. La recherche des plaies sclérales est délicate et peut faire l’objet de procédures chirurgicales complé-mentaires (canthotomie latérale d’exposition, dissection conjonctivale).

VitrectomieChez l’homme, la vitrectomie est la technique de choix dans le traitement des endophtalmies, à condition que les milieux antérieurs soient suffisamment transparents [5].

La ponction et l’injection intravitréennes sont réalisées sous anesthésie générale ou tranquillisation associée à une anesthésie locale.La sphère oculaire est nettoyée puis désinfectée (polyvidone iodée 10 % pour les paupières [Vétédine solution®], polyvidone iodée 5 % pour les cul-de-sac conjonctivaux). Le globe est maintenu ouvert par un blépharostat.Une aiguille à injection hypodermique 30, 31 ou 32 G est insérée dans le quadrant temporal supérieur en direction du centre du globe oculaire, 4 mm en arrière du limbe (photo 6). La ponction et l’injection doivent être effectuées lentement. Le volume à injecter ne doit pas dépasser 0,3 ml. Après le retrait de l’aiguille, un tamponnement est effectué avec un coton-tige sur le site de ponction.

Encadré 4

Ponction et injection intravitréennes

6. Site de ponction ou d’injection intravitréenne.

Photo : F. Famose

(2) Voir l’article “Les corps étrangers oculaires chez le chien et le chat” de H. Arnold-Tavernier, dans ce numéro.(3) Voir l’article “Les urgences cristalliniennes chez le chien et le chat” de T. Azoulay, dans ce numéro.

Site de ponction/injection

intravitréenne

Temporal

Nasal

+

6

Points forts�Les endophtalmies sont le plus souvent trau-matiques et peuvent compliquer une intervention chirurgicale intra-oculaire.

�Sans traitement, l’évolution d’une endophtalmie est la perte fonctionnelle ou anatomique du globe oculaire.

�Le diagnostic repose sur l’examen échogra-phique oculaire et la ponction du vitré.

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avec des lésions intra-oculaires irrémédiables ou doulou-reuses. Elle est réalisée par voie transconjonctivale dans le cas où seul le globe oculaire est l’objet de l’infection. Lors d’extension péri-oculaire, une exentération orbitaire est préférable. L’éviscération oculaire avec mise en place d’une prothèse intrasclérale est contre-indiquée dans les endophtalmies.

ProPhylaxieLa prévention des endophtalmies comporte la gestion des traumatismes oculaires iatrogènes tels que les interven-tions chirurgicales endoculaires, en particulier l’opération de la cataracte. Chez l’homme, elle repose sur l’adminis-tration d’antibiotiques systémiques ou par voie intraca-mérulaire (injection dans la chambre antérieure) [11].Les principales mesures de prévention comprennent l’asepsie des zones opératoires, l’antisepsie de l’équipe chirurgicale et la stérilisation du matériel. Elles ont été précisées de nouveau par le groupe de prévention des

endophtalmies de l’ESCRS (European Society for Cataract and Refractive Surgery) [2].Une fréquence élevée d’endophtalmie postopératoire est évocatrice d’un processus de contamination péri-opéra-toire dont l’origine est à déterminer [14, 18].

conclusionLes endophtalmies sont des affections redoutables qui compromettent gravement la récupération visuelle. Leur origine est essentiellement traumatique et elles consti-tuent une complication rare mais dramatique des inter-ventions chirurgicales intra-oculaires. Leur traitement est fondé sur l’injection intravitréenne d’antibiotiques. La prévention des endophtalmies postopératoires repose sur le respect de l’asepsie et de l’antisepsie chirurgicales.Le développement futur de la vitrectomie devrait per-mettre une approche plus pertinente que la prise en charge actuelle, qui se limite dans la majorité des cas à un choix entre un traitement médical systémique ou par voie intravitréenne et l’énucléation. ❚

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