Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10...

32
Aphasie F Viader J Lambert V de la Sayette F Eustache P Morin I Morin B Lechevalier Résumé. Cet article est une revue des formes cliniques, des causes et des lésions anatomiques de l’aphasie. Il inclut également une étude détaillée des modèles du langage oral et écrit élaborés par la neuropsychologie cognitive. Les troubles de la parole en dehors de l’aphasie (dysarthrie et dysphonie) sont brièvement passés en revue. Un chapitre est consacré à l’aphasie de l’enfant, incluant le syndrome de Landau-Kleffner. Enfin, les méthodes et les stratégies de rééducation de l’aphasie sont discutées. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : aphasie, alexie, agraphie, anarthrie, dysarthrie, dysphonie, syndrome de Landau-Kleffner, rééducation, neuropsychologie cognitive. Introduction On a volontiers tendance à opposer une neuropsychologie « clinique » d’autrefois, entièrement dédiée au diagnostic topographique des lésions, à une neuropsychologie « cognitive » d’aujourd’hui, qui, déchargée de ses servitudes médicales par la neuro-imagerie moderne, pourrait se consacrer pleinement à l’élucidation du fonctionnement cérébral. Ce dilemme n’est qu’apparent, et l’étude des aphasies l’illustre de façon éclatante. Loin de détourner les cliniciens de l’aphasiologie, les progrès de l’imagerie diagnostique leur ont permis d’affiner la connaissance des phénomènes pathologiques en multipliant les confrontations clinicolésionnelles autrefois subordonnées à la neuropathologie. Les rudes controverses passées entre localisationnistes et noéticiens ont fait place à des échanges plus productifs autour de schémas à double face anatomique et fonctionnelle, arbitrés par les études d’imagerie fonctionnelle conduites tant chez les patients que chez les volontaires sains. Enfin, les modèles inspirés de la psycho- linguistique sont devenus moins ardus et plus accessibles aux cliniciens, lesquels savent désormais y reconnaître un moyen d’affiner leur connaissance des phénomènes pathologiques, mais aussi une arme thérapeutique rendue plus efficace par une délimitation plus précise des cibles de la rééducation. Repères historiques 1861 : le 18 avril, Paul Broca, chirurgien de l’hospice de Bicêtre présente à la Société d’anthropologie de Paris le cerveau d’un homme de 51 ans nommé Leborgne, décédé la veille dans son service où il était hospitalisé depuis vingt ans à la suite d’une perte du langage qui se réduisait à la syllabe TAN alors qu’il comprenait Fausto Viader : Professeur de neurologie, praticien hospitalier. Jany Lambert : Orthophoniste. Vincent de la Sayette : Neurologue, praticien hospitalier. Francis Eustache : Professeur de psychologie à l’Université, Inserm U320. Pierre Morin : Professeur de neurologie. Isabelle Morin : Orthophoniste. Bernard Lechevalier : Professeur de neurologie, membre de l’Académie de médecine, service de neurologie Vastel, CHU Côte-de-Nacre, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France. assez bien ce qu’on lui disait. Broca décrit un grand ramollissement de l’hémisphère gauche qui atteint le lobe frontal dans sa quasi- totalité, s’étend aux lobes pariétal et temporal. Il ne retient comme origine de l’aphasie que la 3 e circonvolution frontale gauche. En 1984, Signoret et al [170] soumettront le cerveau de Leborgne à un examen scanographique qui confirmera la description de 1861 et montrera, en outre, une atteinte du noyau caudé et de la partie antérieure du noyau lenticulaire, l’aire de Wernicke et le gyrus supramarginalis étant respectés. 1868 : Broca, qui a observé plusieurs cas anatomiques proches de celui de Leborgne, écrit qu’il croit avoir découvert que « l’exercice de la faculté du langage articulé est subordonné à l’intégrité (...) de la moitié postérieure, peut-être même du tiers postérieur seulement de la 3 e circonvolution frontale » de l’hémisphère gauche. 1874 : Carl Wernicke, de Breslau, décrit d’autres types d’aphasies, dont la forme qui porte maintenant son nom ou aphasie sensorielle due à une lésion temporale gauche, l’aphasie motrice (Broca) et l’aphasie de conduction. 1885 : Lichtheim publie dans Brain une mémorable description de sept types d’aphasies : les aphasies corticales motrice (Broca) et sensorielle (Wernicke), l’aphasie de conduction, les aphasies transcorticales motrice et sensorielle, les aphasies sous-corticales motrice et sensorielle. 1891 : S. Freud, dans une monographie restée célèbre, nie l’existence des centres du langage : la région corticale du langage est une aire continue du cortex hémisphérique gauche. La représentation du mot déclenche de nombreuses associations : visuelles, tactiles, acoustiques. Il décrit un symptôme nouveau : l’agnosie. 1906 : Pierre Marie publie une monographie intitulée Révision de la question de l’aphasie : la 3 e circonvolution frontale gauche ne joue aucun rôle spécial dans la fonction du langage. L’aphasie de Broca (dont il ne nie pas l’existence) n’est que l’addition d’une aphasie de Wernicke et d’une anarthrie. Celle-ci est due à une lésion située dans un quadrilatère englobant les noyaux gris centraux et la capsule interne. 1908 : Jules Déjerine, contre Pierre Marie, reste fidèle à la conception de Broca. En 1892, il décrit l’alexie sans agraphie, inaugurant la conception associationniste de l’aphasie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J, de la Sayette V, Eustache F, Morin P, Morin I et Lechevalier B. Aphasie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-018-L-10, 2002, 32 p.

Transcript of Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10...

Page 1: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

AphasieF ViaderJ LambertV de la SayetteF EustacheP MorinI MorinB Lechevalier

Résumé. – Cet article est une revue des formes cliniques, des causes et des lésions anatomiques de l’aphasie.Il inclut également une étude détaillée des modèles du langage oral et écrit élaborés par la neuropsychologiecognitive. Les troubles de la parole en dehors de l’aphasie (dysarthrie et dysphonie) sont brièvement passésen revue. Un chapitre est consacré à l’aphasie de l’enfant, incluant le syndrome de Landau-Kleffner. Enfin, lesméthodes et les stratégies de rééducation de l’aphasie sont discutées.© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : aphasie, alexie, agraphie, anarthrie, dysarthrie, dysphonie, syndrome de Landau-Kleffner,rééducation, neuropsychologie cognitive.

Introduction

On a volontiers tendance à opposer une neuropsychologie« clinique » d’autrefois, entièrement dédiée au diagnostictopographique des lésions, à une neuropsychologie « cognitive »d’aujourd’hui, qui, déchargée de ses servitudes médicales par laneuro-imagerie moderne, pourrait se consacrer pleinement àl’élucidation du fonctionnement cérébral. Ce dilemme n’estqu’apparent, et l’étude des aphasies l’illustre de façon éclatante. Loinde détourner les cliniciens de l’aphasiologie, les progrès del’imagerie diagnostique leur ont permis d’affiner la connaissance desphénomènes pathologiques en multipliant les confrontationsclinicolésionnelles autrefois subordonnées à la neuropathologie. Lesrudes controverses passées entre localisationnistes et noéticiens ontfait place à des échanges plus productifs autour de schémas à doubleface anatomique et fonctionnelle, arbitrés par les études d’imageriefonctionnelle conduites tant chez les patients que chez lesvolontaires sains. Enfin, les modèles inspirés de la psycho-linguistique sont devenus moins ardus et plus accessibles auxcliniciens, lesquels savent désormais y reconnaître un moyend’affiner leur connaissance des phénomènes pathologiques, maisaussi une arme thérapeutique rendue plus efficace par unedélimitation plus précise des cibles de la rééducation.

Repères historiques– 1861 : le 18 avril, Paul Broca, chirurgien de l’hospice de Bicêtreprésente à la Société d’anthropologie de Paris le cerveau d’unhomme de 51 ans nommé Leborgne, décédé la veille dans sonservice où il était hospitalisé depuis vingt ans à la suite d’une pertedu langage qui se réduisait à la syllabe TAN alors qu’il comprenait

Fausto Viader : Professeur de neurologie, praticien hospitalier.Jany Lambert : Orthophoniste.Vincent de la Sayette : Neurologue, praticien hospitalier.Francis Eustache : Professeur de psychologie à l’Université, Inserm U320.Pierre Morin : Professeur de neurologie.Isabelle Morin : Orthophoniste.Bernard Lechevalier : Professeur de neurologie, membre de l’Académie de médecine, service de neurologieVastel, CHU Côte-de-Nacre, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.

assez bien ce qu’on lui disait. Broca décrit un grand ramollissementde l’hémisphère gauche qui atteint le lobe frontal dans sa quasi-totalité, s’étend aux lobes pariétal et temporal. Il ne retient commeorigine de l’aphasie que la 3e circonvolution frontale gauche. En1984, Signoret et al [170] soumettront le cerveau de Leborgne à unexamen scanographique qui confirmera la description de 1861 etmontrera, en outre, une atteinte du noyau caudé et de la partieantérieure du noyau lenticulaire, l’aire de Wernicke et le gyrussupramarginalis étant respectés.

– 1868 : Broca, qui a observé plusieurs cas anatomiques proches decelui de Leborgne, écrit qu’il croit avoir découvert que « l’exercicede la faculté du langage articulé est subordonné à l’intégrité (...) dela moitié postérieure, peut-être même du tiers postérieur seulementde la 3e circonvolution frontale » de l’hémisphère gauche.

– 1874 : Carl Wernicke, de Breslau, décrit d’autres types d’aphasies,dont la forme qui porte maintenant son nom ou aphasie sensorielledue à une lésion temporale gauche, l’aphasie motrice (Broca) etl’aphasie de conduction.

– 1885 : Lichtheim publie dans Brain une mémorable description desept types d’aphasies : les aphasies corticales motrice (Broca) etsensorielle (Wernicke), l’aphasie de conduction, les aphasiestranscorticales motrice et sensorielle, les aphasies sous-corticalesmotrice et sensorielle.

– 1891 : S. Freud, dans une monographie restée célèbre, niel’existence des centres du langage : la région corticale du langageest une aire continue du cortex hémisphérique gauche. Lareprésentation du mot déclenche de nombreuses associations :visuelles, tactiles, acoustiques. Il décrit un symptôme nouveau :l’agnosie.

– 1906 : Pierre Marie publie une monographie intitulée Révision dela question de l’aphasie : la 3e circonvolution frontale gauche ne joueaucun rôle spécial dans la fonction du langage. L’aphasie de Broca(dont il ne nie pas l’existence) n’est que l’addition d’une aphasie deWernicke et d’une anarthrie. Celle-ci est due à une lésion située dansun quadrilatère englobant les noyaux gris centraux et la capsuleinterne.

– 1908 : Jules Déjerine, contre Pierre Marie, reste fidèle à laconception de Broca. En 1892, il décrit l’alexie sans agraphie,inaugurant la conception associationniste de l’aphasie.

Ency

clop

édie

Méd

ico-

Chi

rurg

ical

e1

7-0

18

-L-1

0 17-018-L-10

Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J, de la Sayette V, Eustache F, Morin P, Morin I et Lechevalier B. Aphasie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droitsréservés), Neurologie, 17-018-L-10, 2002, 32 p.

Page 2: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

– 1915 : Jackson est réticent pour localiser le langage. Il pense quele langage propositionnel peut dépendre de l’hémisphère gauche,mais que le langage automatique est plutôt hémisphérique droit.– 1928 : Charles Foix établit des corrélations anatomocliniquesstrictes entre le siège du ramollissement cérébral et le type d’aphasieprésentée.– 1933 : Kurt Goldstein préconise une conception globaliste del’aphasie, résultat d’une perturbation de l’organisation fonctionnelledu cerveau.– 1939 : Théophile Alajouanine inaugure l’ère linguistique del’aphasie avec son ouvrage La Désintégration phonétique dansl’aphasie, fruit de ses observations. Il se réfère au principe deBaillarger-Jackson pour démontrer la dissociationautomaticovolontaire dans l’aphasie. Avec François Lhermitte etBlanche Ducarne, il fonde à la Salpêtrière le premier centre derééducation du langage.– 1964 : Alexandre Luria formule la première classificationneurolinguistique des aphasies.– 1965 : Norman Geschwind réaffirme, dans deux grands articlesparus dans Brain, la pertinence des théories associationnistes.– 1975 : un nouveau courant, la neuropsycholinguistique, s’assignepour objectif fondamental d’élaborer des théories du traitement del’information chez le sujet sain à partir de l’analyse des troublesaphasiques. Dans un second temps, ses modèles théoriques et sesméthodologies sont utilisés pour décrire et comprendre lesperturbations observées chez les patients. Cette approche cognitivene s’intéresse pas aux corrélations anatomocliniques. Dans la mêmepériode se développent les techniques d’imagerie morphologique etfonctionnelle du cerveau. Le scanner X puis l’imagerie par résonancemagnétique (IRM) permettent une visualisation précise des lésions.Les mesures métaboliques en tomographie par émission de positons(TEP) étudient leurs répercussions fonctionnelles dans des secteursplus étendus. Des activations verbales chez le sujet sain sontentreprises avec la TEP et l’IRM fonctionnelle (IRMf).Les travaux actuels tentent de concilier les modèles cognitivistes etl’exploration fonctionnelle du cerveau. Opérations mentales etactivations cérébrales constituent la nouvelle formulationdynamique des localisations cérébrales. Ces connaissances sontexploitées pour la prise en charge et la rééducation. Celles-ciintègrent à la fois des « approches écologiques », et des supportstechniques tels que la micro-informatique.

Examen d’un sujet aphasique

DÉFINITION DE L’APHASIE

Parmi les nombreuses définitions de l’aphasie, nous retiendrons cellede AR Damasio [38] qui regroupe les caractéristiques différentiellesles plus importantes. L’aphasie représente « la perturbation de lacompréhension et de la formulation des messages verbaux quirésulte d’une affection nouvellement acquise du système nerveuxcentral ». Chacun des termes de cette définition permet dedifférencier l’aphasie d’autres pathologies et déviationslinguistiques : nouvellement acquise versus troubles du langagecongénitaux ou du développement ; du système nerveux centralversus utilisation déviante du langage en rapport avec un usagesocial particulier ou une affection psychogène ; messages verbauxversus trouble de la communication gestuelle ou émotionnelle ;compréhension des messages verbaux versus troubles perceptifs auditifs(surdité) ou visuels (cécité) ; formulation des messages verbaux versustroubles de la phonation ou de l’articulation. Enfin, Damasiodifférencie l’aphasie des troubles du langage pouvant être observésdans les états de confusion mentale faisant suite à une altération dela conscience.

EXAMEN CLINIQUE DES TROUBLES LINGUISTIQUESDES APHASIES : MÉTHODES

Les examens les plus couramment utilisés en France sont :

– le test pour l’examen de l’aphasie [47] ;

– l’échelle française pour l’examen de l’aphasie : HDAE [117, 135],adaptation de l’échelle anglaise BDAE de Goodglass et Kaplan ;– le protocole d’examen linguistique de l’aphasie MT86.Ces batteries explorent les capacités linguistiques à travers lesmêmes principales fonctions : l’expression et la compréhensionorales, l’expression et la compréhension écrites, la répétition, lalecture à haute voix et l’écriture sous dictée.

¶ Étude de l’expression oraleElle distingue plusieurs situations.

– Le langage spontané ou conversationnel est induit par desquestions posées par l’examinateur.– Le discours narratif est apprécié à partir de la description de scènesimagées (ou éventuellement à partir d’un texte lu ou entendu). Cessituations permettent d’évaluer non seulement la disponibilitélexicale, mais aussi les capacités syntaxiques et la cohérence du récit,de même que l’adéquation des productions sur le plan phonétique,phonologique ou sémantique.– Les épreuves de dénomination d’images pouvant représenter desobjets, des symboles, des formes géométriques, des couleurs, desnombres ou des actions explorent l’accès lexical. Le choix des itemsrépond à des critères de fréquence, de classe (nom, verbe) àl’opposition nom générique versus nom spécifique (outil versushache), au critère manipulable versus non manipulable (échelleversus village), comme dans le MT86.– Les épreuves de disponibilité lexicale (encore appelée fluenceverbale) sans support visuel consistent à faire évoquer des itemslexicaux suivant une contrainte sémantique (noms d’animaux) ouformelle (mots commençant par la lettre P ou R) en un temps limité,le plus souvent de 1 minute 30.

Langage, parole, phonèmeLe langage est une fonction abstraite pouvant être matérialisée enexpression orale par la parole et en expression écrite par l’écriture.La parole est un acte moteur particulièrement complexe quinécessite la mise en jeu et la coordination des organes de laphonation, du larynx et de l’appareil buccopharyngé. Le son de lavoix, support de la parole, est produit au cours de l’expiration parla vibration des cordes vocales. Il est caractérisé par des paramètresd’intensité (fonction de la pression sous-glottique), de timbre et dehauteur. Il est ensuite modifié dans les espaces supraglottiques.Les phonèmes constituent les sons de la parole. Leur articulation estassurée par les cavités de résonance supralaryngées (pharynx, nez,bouche, lèvres) qui sont elles-mêmes délimitées par la position de lalangue et du voile du palais. Ils résultent de la réalisation quasiconcomitante d’un groupe bien défini de traits phonétiques. Lesystème phonologique français comprend des sons vocaliques (11à 15, selon les variantes), des sons consonantiques (17) et des semi-consonnes (3). Du point de vue de la phonétique articulatoire, lesphonèmes représentent des entités phonologiques décomposablesen un faisceau de traits articulatoires et acoustiques organisés dansun système binaire. Classiquement, les voyelles sont définies àtravers les traits (ouvert versus fermé, antérieur versus postérieur,arrondi versus étiré, oral versus nasal), les consonnes par les traitsliés au mode d’articulation (occlusif versus constrictif), au pointd’articulation (labial versus dental, palatal ou vélaire), au délaid’établissement de voisement (sourd versus sonore), ainsi que parl’opposition oral versus nasal. Du point de vue de la phonétiqueacoustique, les sons du langage sont des sons complexes, c’est-à-dire comportant un son fondamental et des harmoniques. Lesvoyelles sont des sons périodiques (chaque harmonique est unmultiple du fondamental). Les consonnes sont des bruits, c’est-à-dire des sons non périodiques dont le spectre de fréquence est plusétendu que celui des voyelles. Toutefois, les consonnes sonores sontproduites avec des vibrations laryngées. Les consonnes peuventêtre caractérisées par les transitions de formants consonne-voyelle.

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

2

Page 3: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

– L’exploration des « automatismes verbaux » est induite parl’évocation des jours de la semaine, des mois de l’année, desnombres de 1 à 20 ou encore par la complétion de phrases et deproverbes.

– La répétition est explorée à partir de syllabes, de mots et dephrases. Le choix des syllabes et des mots tient compte de lacomplexité des mécanismes articulatoires et de la combinatoire dusystème phonologique français. Les phrases se distinguent suivantla longueur, la prédominance d’items lexicaux versus grammaticauxou encore le contenu sémantique concret versus abstrait. Larecherche d’un effet lexical (mot versus non-mot) est plus rarementeffectuée.

– La lecture à haute voix permet d’apprécier les capacités deverbalisation du langage écrit, indépendamment des capacités decompréhension. Le matériel proposé comprend des mots et desphrases dont le choix a été guidé par les mêmes variablespsycholinguistiques retenues pour la répétition.

¶ Étude de la compréhension orale

Elle fait appel classiquement à des épreuves de désignation d’imagesà partir d’une production verbale énoncée par l’examinateur. Cettedésignation s’effectue toujours en situation de choix multiple. Lechoix multiple est très variable d’un test à un autre. Une premièresérie d’épreuves étudie la compréhension au niveau lexical :appariement d’un mot entendu avec sa représentation picturale. Lessubtests sont construits de façon que le choix multiple proposécomporte un ou plusieurs distracteurs : phonémique (poule/moule),sémantique (bouton/fermeture éclair), visuel (bouton/roue). Uneseconde série d’épreuves étudie la compréhension au niveau lexical,syntaxique et morphologique : appariement d’une phrase entendueavec une image. Les oppositions entre la cible et les distracteurspeuvent se situer sur le plan lexical (stimulus entendu « l’hommemange », images : l’homme boit, la femme boit, l’homme mange, lafemme mange), sur le plan morphosyntaxique (stimulus entendu :« la petite fille montre la dame qui pousse le bébé », stimulireprésentés : la petite fille qui montre la dame pousse le bébé, lapetite fille que montre la dame pousse le bébé, la petite fille montrela dame qui pousse le bébé). Dans le premier cas, la compréhensions’appuie sur l’intégration lexicosémantique, dans le second, elle meten jeu l’intégration des procédés syntaxiques. Les épreuvesprécédemment citées utilisent un support visuel (l’image), d’autresfont appel à une réponse gestuelle et requièrent des praxiesgestuelles intactes comme l’exécution d’ordres simples et complexes.D’autres encore demandent une réponse orale minimale à unequestion (oui/non : est-ce qu’une pierre coule dans l’eau ?).

¶ Étude de la compréhension écrite

Elle est évaluée par des épreuves d’appariement mot/image etphrase/image qui suivent des principes identiques à ceux évoquéspour la compréhension orale. Il s’agit d’épreuves d’appariement enchoix multiples, mais, dans ce cas, le « mot écrit » reste enpermanence à la vue du patient. De la même façon, on peut choisirdes distracteurs ayant avec la cible des similarités sur le planphonologique, sémantique ou visuel. Pour les phrases, le choix varieselon le contenu lexical et la structure syntaxique. Certains testsproposent des épreuves reposant uniquement sur la lecture, sansrecours à une représentation iconographique : il s’agit d’associationsde segments de phrases et de textes à partir d’un choix multiple dephrases. Le récit d’une histoire lue peut être demandé aux patientsne présentant pas de troubles importants de l’expression orale. Destâches de discrimination littérale et verbale (HDAE) explorent plusparticulièrement les capacités d’analyse visuelle des stimuli.

¶ Étude de l’expression écrite

Elle comporte plusieurs subtests : expression écrite spontanée,narration écrite, dénomination écrite portant sur le même typed’items qu’en expression orale. L’écriture de l’alphabet, ainsi que lenom et l’adresse étudient les modes d’expression écrite les plus

automatisés. La copie de mots et de phrases met en jeu desprocédures de transposition visuographiques qui peuvent s’effectuersans recours à l’évocation orthographique du mot. Une large placeest faite à l’écriture sous dictée. Le choix des items tient compte d’uncertain nombre de variables linguistiques telles que la fréquence, lalongueur, la classe (il s’agit le plus souvent de substantifs), larégularité versus l’ambiguïté ou encore l’irrégularité orthographique(bac-pharmacien-femme). L’effet de lexicalité (mot versus non-mot)est peu étudié dans les tests. Les phrases peuvent s’opposer suivantleur longueur ou leur forte charge en items lexicaux versusgrammaticaux.

¶ Étude des praxies buccofaciales

Elle permet d’apprécier la motilité volontaire des organesbuccofaciaux.

COTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

L’examen du langage des patients aphasiques donne lieu à unecotation quantitative et qualitative. La cotation quantitatives’exprime à travers des scores (points ou pourcentages)comptabilisés pour chaque subtest. Elle permet d’effectuer descomparaisons entre épreuves ou même à l’intérieur d’une épreuvesuivant les variables étudiées. La cotation qualitative répertorie lestypes d’erreurs et éventuellement les modes de facilitation efficaces.Ces données quantitatives et qualitatives sont reportées sur desgrilles d’analyse qui visualisent plus aisément le profil deperturbations et le syndrome aphasique auquel il s’apparente.Le recueil de ces données ne doit pas s’effectuer sans un certainnombre de mises en garde. Toute tentative d’interprétation desperformances nécessite d’avoir suffisamment d’informations sur leniveau socioculturel et professionnel, le niveau scolaire et lecomportement linguistique habituel du patient. L’interprétation d’unscore bas à une tâche nécessite de confronter les résultats obtenus àdifférentes épreuves. Étant donné la pluralité des canaux sensorielssollicités lors d’une même tâche, l’examinateur doit toujours avoirla préoccupation de déterminer si l’échec du patient est dû à unedéfaillance de la fonction linguistique supposée être testée ou ducanal sensoriel utilisé pour évaluer cette fonction. Aussi, lorsqu’uneépreuve de désignation d’images à partir d’un mot oral estperturbée, les questions suivantes doivent-elles être posées : s’agit-ild’un déficit de perception visuelle en rapport avec l’imageprésentée ? d’un déficit de perception auditive ? ou d’un défaut decompréhension de niveau linguistique ? Ce dernier peut lui-mêmeêtre imputé à différents niveaux de perturbation dans le cadre d’uneinterprétation cognitive.

PERTURBATIONS APHASIQUES : LES SIGNES

¶ Expression orale

Apraxie buccofaciale

Indépendante de toute perturbation motrice ou sensorielleélémentaire, elle se traduit par l’impossibilité d’exécutervolontairement certains gestes buccofaciaux qui peuvent enrevanche être produits de façon automatique ou réflexe. Elle estfréquemment associée à l’aphasie.

Dysprosodie

La prosodie permet, par des variations de la fréquence fondamentaleet par des éléments rythmiques, d’introduire dans le discours desnuances linguistiques et des contenus émotionnels. La prosodielinguistique est marquée par des variations d’intonation (phrasedéclarative, interrogative, exclamative) ou d’accentuation (insistancesur un mot dans une phrase). Dans d’autres langues que le français,ces variations portent sur l’accentuation syllabique dans un mot(stress en anglais) ou sur des variations tonales (dans des languesdites à tons). D’autres facteurs, comme la durée des segments ou

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

3

Page 4: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

l’intensité et le timbre, participent à la prosodie. Dans les aphasiesnon fluentes comme l’aphasie de Broca et les formes avec troublearticulatoire, l’augmentation de la durée des segments phonémiqueset des pauses, ainsi que les difficultés de contrôle de paramètrescomme la hauteur et l’intensité perturbent le contour mélodique etla place des accentuations. La courbe mélodique est plate ou bien,dans certains cas, les modifications donnent un tableau de prosodieétrangère (appelé encore syndrome d’accent étranger) : dysprosodieanglo-saxonne surtout liée à des troubles parétiques des organesbuccopharyngés, dysprosodie de type germanique liée à desphénomènes dystoniques et aux difficultés de production desgroupes consonantiques. La prosodie émotionnelle exprime les étatsaffectifs (joie, colère, surprise, tristesse). Chez les cérébrolésésgauches, les études insistent sur la prédominance des altérations dela fonction linguistique de la prosodie : interrogation, affirmation,ordre. Chez les sujets cérébrolésés droits, les modifications les plusimportantes touchent la fonction émotionnelle : colère, joie, tristesse.

Troubles de la fluence

La taxonomie distingue les aphasies fluentes (aphasie de Wernicke,aphasie de conduction) des aphasies non fluentes (aphasie globale,aphasie de Broca). La fluence désigne le nombre de mots émis parminute, environ 90 chez un sujet normal. Elle est évaluée au coursdu langage spontané ou de la description de scènes imagées etdépend du nombre de pauses ou de leur allongement. Elle doit êtredifférenciée de la disponibilité lexicale, couramment appelée fluenceverbale, que l’on évalue par des tâches d’évocation lexicaleconsistant à donner en un temps limité le plus grand nombrepossible de mots en suivant une contrainte déterminée, sémantique(animaux) ou formelle (lettre p). Un aphasique peut à la fois être« fluent », c’est-à-dire parler abondamment, et avoir une faibledisponibilité lexicale.

Mutisme

La suspension du langage peut être totale, parfois même aucun sonn’est émis. On distingue les mutismes liés principalement à desdifficultés articulatoires, et qui vont évoluer rapidement vers uneanarthrie, de ceux qui résultent de perturbations linguistiques deplus haut niveau, notamment lexical. Enfin, le mutisme akinétiquesurvient dans le contexte d’une perte globale de l’initiative motrice.

Déviations phonétiques

Elles affectent la réalisation articulatoire d’un phonème. Les troublesarticulatoires se traduisent sur le plan acoustique par des distorsionsphonétiques. Les phonèmes sont difficilement identifiables.Classiquement, on distingue les distorsions de type parétique liées àune faiblesse articulatoire, les distorsions dystoniques liées à l’excèsde force articulatoire et les perturbations de type dyspraxique. Cestroubles articulatoires sont caractéristiques de l’anarthrie (appeléeencore désintégration phonétique). Ils sont plus fréquemmentobservés dans les aphasies « antérieures » comme l’aphasie de Brocaque dans les lésions postérieures. Les aspects dyspraxiquescaractérisent le syndrome d’apraxie de la parole, qui peut être observéen l’absence d’apraxie buccofaciale. Les troubles articulatoires desdysarthries affectent les étapes les plus périphériques desmécanismes articulatoires et frappent par la stabilité des réalisations,tandis que dans l’anarthrie, les performances peuvent varier, enparticulier au gré d’une dissociation automaticovolontaire.

Paraphasies

Les termes de « paraphasie » ou d’« erreur » sont utilisés pour lestroubles observés en expression orale.

• Erreurs phonémiques

Ce sont des transformations qui affectent la forme phonologique dumot. Les productions ne sont pas des mots de la langue. Toutefois,le mot cible est reconnaissable et les productions peuvent aisémentêtre transcrites à l’aide de l’alphabet phonétique international. Les

erreurs portent sur la substitution, l’omission, l’ajout ou latransposition d’un ou plusieurs phonèmes du mot (exemple : baleine/balEn/→/banEn/, champignon /SãpiNf/ → /Sãpf/, bottes/bOt/→/bOlt/, carotte /kaLOt /→/gaLOt/). Lorsque le mot ciblen’est plus identifiable (éléphant →/benEm/) et que la productionest très éloignée du mot cible (moins de 50 % de phonèmescommuns), le terme de néologisme est utilisé. Le jargon phonémiqueou néologique rend compte de l’abondance des néologismes dansl’expression. Plus récemment, le terme « erreur segmentale » a étépréféré à celui de « paraphasie phonémique » dans le dessein derester neutre quant à la nature de ces erreurs. Leur interprétation esten effet complexe : il est parfois difficile de savoir si l’erreur est dueà un trouble phonologique ou à un trouble de la programmationdes gestes moteurs articulatoires.

• Troubles affectant les mots

Le manque du mot est le signe le plus courant, présent quel que soitle type d’aphasie. Ce défaut d’évocation lexicale, dont les originespeuvent être diverses, réduit la qualité informative du langage. Ilpeut toucher le lexique dans son ensemble ou ne se manifester quelors de la recherche d’items appartenant à certaines classes de mots(noms versus verbes) ou à certaines catégories sémantiques (objetsbiologiques versus objets manufacturés).Les erreurs lexicales sont les substitutions du mot cible par un motappartenant au lexique et comprennent plusieurs possibilités. Leserreurs sémantiques partagent des liens sémantiques avec l’item cible(soleil → ciel). Les liens sont répertoriés suivant une classificationlinguistique de type hiérarchique. Ainsi pour les cibles, chien etvoiture : hyperonyme (animal, objet), co-hyponyme (loup, camion),hyponyme (dogue, R5), relation contextuelle (os, route), évocationd’attributs (patte, roue), lien fonctionnel (aboie, route). Les erreursverbales formelles sont des substitutions lexicales entretenant avecl’item cible non une relation sémantique mais une relation de forme(ressemblance phonologique) (bateau → râteau). Enfin, les erreursverbales n’entretiennent ni relation sémantique, ni relation de formeavec l’item cible (bateau → patte). Ces paraphasies peuvent avoir lamême origine que les paraphasies phonémiques et résulter de lasubstitution ou de l’omission de phonèmes (caneton → /katf..kanf/,canon). Une grande abondance d’erreurs sémantiques ou d’erreursverbales réalise un tableau de jargon sémantique ou jargon verbal.Les erreurs de lexicalisation désignent la substitution d’un non-motpar un mot, en répétition par exemple (« brupa » → « brutal »).

• Agrammatisme

Il est défini par un trouble de l’agencement syntaxique et de lamorphologie des phrases dû à une utilisation insuffisante oudéfectueuse des morphèmes grammaticaux libres (articles,prépositions, pronoms) ou liés (flexions concernant le genre, lenombre, le temps). Classiquement, le terme d’agrammatisme étaitréservé aux perturbations allant dans le sens d’une réduction (« styletélégraphique » des aphasies de Broca), tandis qu’unedésorganisation dans l’utilisation des procédés syntaxiques et desmots fonctionnels était qualifiée de dyssyntaxie ou deparagrammatisme. La distinction entre agrammatisme etparagrammatisme semble aujourd’hui moins forte. L’agrammatismepeut être associé ou non à un trouble de compréhension de mêmenature.

• Stéréotypie

C’est une production itérative (syllabe, mot, syntagme) que lepatient ne peut inhiber et qui surgit lors de toute tentatived’émission orale.

¶ Erreurs en lecture

La lecture à haute voix fait appel à des mécanismes de productionorale, et peut donc subir des perturbations dans les mêmesdomaines : articulatoire, phonémique, et même sémantique. D’unautre côté, elle met en jeu des processus qui lui sont propres et dont

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

4

Page 5: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

la perturbation s’exprime à travers des erreurs spécifiques. Le termede paralexie (phonémique, verbale, sémantique) est souventemployé.

Erreurs visuelles

Elles désignent les substitutions du mot-cible par un mot de formeécrite proche (bouquet → baquet). Elles peuvent affecter uniquementla partie gauche (dessin → bassin) ou la partie droite (compléter →complexe) d’un mot lors de déficits hémiattentionnels.

Erreurs phonologiquement plausibles

Elles traduisent un décodage phonologique correct des unités sous-lexicales (graphèmes) mais un non-respect des règles contextuellesou de l’irrégularité orthographique (cidre → /kidR/, gars → /gaR/,oignon → /waNf/).

Erreurs phonémiques ou non phonologiquement plausibles

Il s’agit de productions qui ne correspondent pas à un mot de lalangue et qui contiennent des substitutions, des ajouts, desomissions ou des transpositions de phonèmes par rapport au motcible.

Erreurs dérivationnelles ou morphologiques

La production est un mot erroné mais respectant le morphèmeracine du mot-cible rêve → rêveur).

Erreurs de lexicalisation

On décrit également des erreurs de lexicalisation (voir supra).

¶ Erreurs en expression écrite

On les désigne par l’appellation « paragraphies ».

Erreurs non phonologiquement plausibles

Elles comprennent toutes les erreurs ne respectant pas la phonologiedu mot en raison de la substitution, l’omission, l’ajout ou latransposition d’une ou plusieurs lettres (carabine → caribe). Lestermes de paragraphie « phonémique » ou même « graphémique »sont moins employés actuellement. Une grande abondance de cetype de perturbation réalise un tableau de jargonagraphie.

Erreurs phonologiquement plausibles

Elles ne respectent pas l’orthographe spécifique du mot maispréservent sa forme phonologique (femme → fame ; second →segon) en utilisant des règles de correspondance phonème-graphème. (Le graphème est la représentation écrite d’un phonème.Il peut s’agir d’une lettre : f, p, t, a, i ou de plusieurs lettres : ou, ph,oin, ch).

Erreurs de réalisation graphique

Elles affectent la réalisation de la lettre et perturbent l’agencementde ses traits constitutifs : barres horizontales ou verticales, hampessupérieures ou inférieures, boucles. La production ne correspond pasà une vraie lettre et peut être difficilement identifiable. De mêmeque pour la lecture, des erreurs dérivationnelles, sémantiques,verbales ou de lexicalisation peuvent être relevées.

LIMITES DES BILANS

Une première limite des protocoles d’évaluation des capacitéslinguistiques réside dans l’arbitraire des situations de langageinduites, fort éloignées des comportements linguistiques habituelsqui reposent, eux, sur des situations d’échange. Ils s’opposent sur cepoint aux échelles fonctionnelles et pragmatiques (par exemplel’échelle de communication verbale de Bordeaux [41]), qui visent àévaluer le retentissement de l’aphasie sur les activités de la viequotidienne.

Une autre limite concerne le niveau d’analyse des troubles. Lesbilans font l’inventaire des signes cliniques et aident à classerl’aphasie du patient suivant une taxonomie de référence. Cetteopération suffit en général au neurologue pour poser un diagnostic,discuter les corrélations clinicolésionnelles et en déterminer lesimplications médicales, mais elle apporte peu d’informations sur lesmécanismes du langage. Cette lacune est aujourd’hui comblée parl’approche cognitiviste qui, en appliquant des grilles d’analyseinspirées par la linguistique, vise à exploiter les troubles causés parla pathologie en vue tout à la fois d’élaborer des modèles théoriquesdu langage normal et de prédire les conséquences de leursdysfonctionnements ( [161] ; Eustache, Lambert et Nore-Mary [57] dansle domaine de l’expression écrite).Enfin, au delà de son intérêt purement scientifique, l’analyseneurolinguistisque permet, par sa précision, de saisir les singularitésde chaque cas d’aphasie et constitue, à ce titre, un complémentindispensable à la rééducation [96].

Étude clinique des aphasies

À la fin du XIXe siècle, la classification des aphasies n’était fondée nisur leurs caractères sémiologiques, ni sur le siège anatomique deslésions responsables, mais sur un modèle prévoyant une strictecorrespondance terme à terme entre les éléments de ces deuxregistres. Il était admis que les mots, unités constitutives du langage,étaient représentés dans le cerveau sous forme d’« images » auniveau de centres corticaux, dont au moins trois étaient bienindividualisés sur le plan anatomique : images motrices (aire deBroca), images auditives (aire de Wernicke), images visuelles (plicourbe). Ces centres étaient connectés :

– entre eux ;

– avec le centre cortical de l’idéation ;

– avec les récepteurs et effecteurs (périphériques et donc « sous-corticaux ») ; chaque centre ayant son effecteur ou récepteur propre.La fonction des centres était d’élaborer le langage intérieur, le centrede l’idéation avait pour tâche de transmettre la pensée aux centresdu langage, et les effecteurs et récepteurs assuraient la mise enœuvre des fonctions du langage. De ce modèle anatomofonctionneldécoulait naturellement la typologie suivante (fig 1) due àLichtheim :

– atteinte des centres = trouble du langage intérieur = aphasiescorticales (1, 2) ;

– dysconnexion entre aire de Broca et aire de Wernicke = aphasie deconduction (3) ;

M

4

A

C

5

2 1

3

7 6

1 Schéma dit « de la maison » d’après Lichtheim [102]. A. Centre des images auditi-ves des mots ; M. centre des images motrices des mots ; C. centre de l’idéation ; 1. apha-sie de Wernicke ; 2. aphasie de Broca ; 3. aphasie de conduction ; 4. aphasie transcorti-cale sensorielle ; 5. aphasie transcorticale motrice ; 6. surdité verbale pure ; 7. anarthriepure.

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

5

Page 6: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

– dysconnexion entre centres de l’idéation et du langage = aphasiestranscorticales (4, 5) ;

– dysconnexion entre centres et effecteurs ou récepteurs = aphasiessous-corticales (6, 7).Cette nomenclature, même si elle n’a plus aujourd’hui deprétentions théoriques ou explicatives, a l’avantage de fournir unegrille dans laquelle toutes les variétés possibles d’aphasie trouventleur place et peuvent être classées selon des critères sémiologiquessimples en catégories mutuellement exclusives. Le modèleanatomoclinique simple qu’elle proposait s’est considérablementcompliqué sous l’effet de la linguistique et de l’imagerie, et laterminologie a, elle aussi, été rajeunie. Le terme génériqued’aphasies corticales, devenu à la fois trop imprécis et décidémentinexact, est tombé en désuétude, mais les appellations d’aphasie deBroca et de Wernicke restent universellement utilisées en clinique.Les termes d’aphasie de conduction et d’aphasie transcorticale ontété consacrés par l’usage, parce qu’ils ont gardé toute leur efficacitésémiologique : leur trait distinctif, l’atteinte ou la conservation,respectivement, de la capacité de répéter est aussi celui qui lesoppose radicalement. Quant au terme purement anatomiqued’« aphasie sous-corticale », il a perdu son ancienne significationd’« aphasie pure » pour désigner aujourd’hui certaines aphasies parlésion du thalamus ou des noyaux gris centraux qui appartiennent àla catégorie des aphasies transcorticales, mais dont les singularitéssémiologiques justifient l’individualisation comme une entitéanatomoclinique à part entière. La surdité verbale, qui figure auchapitre de l’Encyclopédie médicochirurgicale consacré aux agnosiesauditives [103] ne sera pas traitée ici.

APHASIE DE BROCA

Le synonymes sont : aphasie motrice (Wernicke, 1874 [102]), aphasiemotrice corticale (Lichtheim, 1885 [102]), aphasie d’expression(Déjerine, 1914 [102]), aphasie verbale (Head, 1926 [102]), aphasiemotrice périphérique (Goldstein, 1948 [127]), aphasie motrice efférente(Luria, 1964 [112]).Deux traits essentiels sont nécessaires au diagnostic : l’expressionorale peu fluente et les troubles de l’articulation. Les difficultés sontmaximales en expression spontanée. Celle-ci est réduite, nécessitantun effort considérable notamment d’initiation, et peut se limiter àune stéréotypie, à quelques mots (noms, verbes d’action à l’infinitif)ou à des formules automatiques. La parole est lente, laborieuse,souvent syllabique et dysprosodique. Les transformationsphonétiques sont au premier plan, masquant des paraphasiesphonémiques qui deviennent plus nettes au cours de larécupération. Le manque du mot est constant, d’intensité variable,prédominant dans le langage spontané. La dénomination estaméliorée par l’ébauche orale (prononciation de la première syllabe,voire simple mouvement des lèvres). La répétition est anormale,mais meilleure que l’expression spontanée ; les difficultés principalesconcernent la répétition des mots ou phrases dont l’expressionspontanée est déjà la plus perturbée (mots grammaticaux, structuressyntaxiques complexes). Le langage « automatique » (énumérer lesmois de l’année, les jours de la semaine) est également meilleur. Lestroubles arthriques peuvent s’atténuer, voire disparaître pour unmême mot selon qu’il est produit spontanément, lors d’une activitéde transposition (répétition ou lecture à haute voix), dans une sérieautomatique ou au cours de mélodies familières. La compréhensionorale est variable mais toujours supérieure à l’expression oralespontanée. Les difficultés portent surtout sur les structuresgrammaticales et syntaxiques complexes, les mots grammaticaux, lesmessages complexes surtout lorsqu’un certain nombred’informations sont déterminées dans une séquence ordonnée (parexemple toucher successivement différentes parties du corps).La lecture à haute voix et la compréhension écrite sont mauvaises.Là encore, les performances sont meilleures pour les mots isolés quepour les phrases et la difficulté s’aggrave avec le degré decomplexité syntaxique. L’échec de la lecture à haute voix des lettreset des non-mots (logatomes) contraste avec les capacités de lecturedes items lexicaux isolés. Dans l’écriture, on observe une réduction

de la production, un agrammatisme, des troubles du graphisme, desparagraphies [127]. La réduction est particulièrement marquée dansl’écriture spontanée et dictée par rapport à la copie ; la productionde substantifs et l’absence de mots grammaticaux peuvent aboutir àune écriture agrammatique. Les caractères peuvent êtreméconnaissables. Lorsque l’analyse de l’écriture est possible, lesparagraphies littérales constatées sont le plus souvent à type dedysorthographie et d’oubli de lettres. L’évolution est fréquemmentmarquée par une dissociation entre les performances du langage oralet écrit, le plus souvent au détriment de l’écrit. L’écriture peut êtretrès peu altérée dans certaines formes d’aphasies où prédominentles troubles arthriques, proches de l’anarthrie.L’aphasie de Broca fait souvent suite à une aphasie globale ou à unmutisme [102]. L’évolution est marquée par la récupérationprogressive de mots concrets, le développement d’un agrammatismemarqué par des phrases courtes, de style « télégraphique » (quin’existe jamais d’emblée) et un langage de plus en pluspropositionnel (Lecours et Lhermitte [102]). L’évolution des troublesarthriques et de la réduction de la fluence peut être dissociée ; lapersistance d’un mutisme ou de stéréotypies est rare. Lorsque letableau initial est celui d’une aphasie de Broca, la récupération esthabituellement bonne. Les troubles neurologiques associéscomportent dans 80 % des cas une hémiplégie ou une hémiparésiebrachiofaciale sensitivomotrice droite, une apraxie idéomotrice de lamain gauche et, dans 90 % des cas, une apraxie bucccofaciale [44]. Laconscience aiguë que ces aphasiques ont de leur trouble génère des« réactions catastrophiques » et de véritables états dépressifs face àleurs échecs répétés dans leurs tentatives de communication avecl’entourage. Cette dimension affective doit être prise enconsidération dans l’interprétation des performances et justifiesouvent un traitement spécifique.L’anarthrie pure (aphasie motrice pure, désintégration phonétique)survient rarement d’emblée et constitue plutôt l’étape ultime d’uneaphasie de Broca [102]. La compréhension et l’expression écrite sontnormales. Les transformations phonétiques sont isolées,prédominent en répétition ou en conversation et peuvent disparaîtrecomplètement dans le langage automatique. L’apraxie buccofacialeest constante. Dans les formes intermédiaires avec l’aphasie deBroca, il existe des paraphasies phonémiques, un graphismemaladroit et une dysorthographie. Le terme « aphémie » proposé en1861 par Broca pour désigner « une perturbation acquise de lafaculté du langage articulé » reste de nos jours ambigu, même s’ilrenvoie pour l’essentiel à des troubles arthriques dans une acceptiontrès proche de l’anarthrie. Pour Schiff et al [155], l’aphémie recouvreun syndrome dysarthrique sans aphasie ou presque, déterminé parde petites lésions corticales ou sous-corticales du « système moteurresponsable de l’articulation ».

APHASIE DE WERNICKE

Les synonymes sont : aphasie sensorielle (Wernicke, 1874), aphasiesensorielle corticale (Lichtheim, 1885), aphasie syntaxique (Head,1926), aphasie sensorielle centrale (Goldstein, 1948), aphasie deWernicke de type I (Lecours et Lhermitte, 1979) [102, 127].Une fluence normale ou exagérée, l’absence de trouble del’articulation, la production de nombreuses paraphasies, un langagesouvent vide de sens et des troubles importants de la compréhensionla caractérisent. La fluence ne traduit aucun effort de production ; lalongueur des phrases est normale et leur structure grammaticaleglobale respectée. L’exagération de la fluence peut aboutir à unelogorrhée incontrôlable. L’articulation est normale, la prosodieégalement, mais elle est souvent mal adaptée au contexte. En dépitde la production correcte de nombreux mots et d’une syntaxenormale, les pensées et les sentiments du patient ne peuvent êtrecorrectement traduits ; seules persistent quelques phrases ouexpressions toutes faites. La production déviante comportel’addition de nombreuses syllabes en fin de mots et de mots en finde phrase, des paraphasies verbales et sémantiques, mais aussiphonémiques et des néologismes. Quand la production est pourl’essentiel constituée de paraphasies, le langage peut être totalement

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

6

Page 7: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

incompréhensible et aboutir à une jargonaphasie. La répétition estdéfectueuse, assez bien corrélée à la compréhension : ce qui estcorrectement compris peut être relativement bien répété etréciproquement. Le langage automatique (réciter les jours de lasemaine, les mois de l’année...), pour peu que l’attention du patientpuisse être captée et que celui-ci comprenne la consigne, peut êtremeilleur. En dénomination, le manque du mot est très important,non amélioré par l’ébauche orale et la production de paraphasies estfréquente. Alors que les paraphasies constatées dans le langagespontané sont essentiellement verbales, les erreurs en dénominationsont plus fréquemment des néologismes ou des paraphasiesphonémiques. Cette fréquente « dissociation » n’est cependant pasconstante, de même que la dénomination peut, dans certains casrares, être de bonne qualité sans que le diagnostic d’aphasie deWernicke puisse être remis en cause.Les troubles de la compréhension du langage parlé sont constants.La compréhension peut être nulle. Souvent, un mot isolé ou unecourte phrase peuvent être compris, mais les difficultés croissentrapidement avec l’augmentation du nombre d’informations. Ainsi, àquelques secondes d’intervalle, un mot initialement compris peutne plus l’être, comme s’il existait une « saturation » des capacités decompréhension. Les difficultés deviennent majeures lorsqu’il s’agitde passer d’une tâche à une autre (par exemple montrer lesdifférents objets de la pièce, puis désigner sur des images différentsanimaux). En revanche, les consignes à référence corporelle (toucherune partie du corps, bouger un segment de membre, mimer tel outel mouvement) sont souvent mieux exécutées que les autres tâches.Les phrases longues ou à structure syntaxique complexe ne sonthabituellement pas comprises.La lecture et la production écrite sont perturbées parallèlement à laproduction orale. Dans l’écriture, les lettres sont bien formées et laproduction abondante. Les caractères sont disposés en mots avec denombreuses paragraphies, verbales et littérales, et aussi desnéologismes. Les mots grammaticaux sont mieux écrits que lessubstantifs. La copie est meilleure que l’écriture spontanée ou dictée.Lecours et Lhermitte (1979) [102] ont qualifié d’aphasie de Wernickede type III les observations comportant une compréhension et uneexpression écrites très inférieures aux performances orales (alexieavec agraphie). Que ce soit pour la compréhension ou pourl’expression, il existe des cas, rares mais spectaculaires, dedissociation des performances entre l’oral et l’écrit (Hier et Mohr,1977 [127]).Habituellement, les déficits neurologiques associés à l’aphasie deWernicke sont peu marqués (il peut exister une hémiparésie, destroubles de la sensibilité, une amputation du champ visuel,notamment une quadranopsie supérieure droite). Forme d’aphasiefréquente chez le sujet âgé, l’aphasie de Wernicke ne doit pas êtreconfondue avec un état confusionnel ou psychotique, risque d’autantplus grand que les patients sont anosognosiques de leur trouble dulangage.

APHASIE DE CONDUCTION

Les synonymes sont : aphasie centrale (Goldstein, 1948 [127]), aphasiemotrice afférente [102], aphasie de conduction afférente et efférente[88, 112].L’existence de l’aphasie de conduction fut postulée dès 1874 parWernicke. Il supposa qu’une lésion interrompant la connexion entrele cortex temporal et le cortex frontal devait entraîner une aphasiecaractéristique. Cette hypothèse fut ultérieurement reprise parLichtheim (1885) [102]. L’aphasie de conduction représenterait 10 à15 % du total des aphasies [13]. Le langage spontané est fluent (moinsque dans l’aphasie de Wernicke, mais plus que dans l’aphasie deBroca), riche en paraphasies. La longueur des phrases est légèrementréduite. Le discours est entrecoupé d’hésitations traduisant lestentatives spontanées d’autocorrection (conduites d’approchephonémiques), d’autant plus abondantes que ces patients sontparfaitement conscients de leurs difficultés. La dénomination estperturbée par des paraphasies phonémiques, ou plus rarementsémantiques, de même que la répétition ; les difficultés sont parfois

éludées par l’emploi d’une périphrase ou d’un synonyme. Tous lesmots (substantifs, adjectifs, verbes, mots grammaticaux) sontconcernés, et plus encore les non-mots. La compréhension orale estbonne, avec parfois une difficulté pour des phrases complexes.Comme l’expression orale, la lecture à haute voix est marquée deparaphasies phonémiques, alors que la compréhension du messageécrit reste bonne. L’agraphie est constante, l’écriture spontanéetoujours plus perturbée que l’expression orale. Le graphisme est debonne qualité et la copie préservée. La production spontanée oudictée comporte de nombreuses paragraphies littérales, unedysorthographie et une atteinte phonologique prédominante [127]. Lesmots grammaticaux sont plus souvent omis que les substantifs. Lagrande difficulté ou l’incapacité d’écriture des non-mots estcaractéristique de l’aphasie de conduction. Les substitutions delettres peuvent rendre l’écriture quasi jargonnante (Assal, 1982 [127]).Il existe, comme dans l’expression orale, de nombreuses tentativesd’autocorrection.L’aphasie de conduction peut exister d’emblée ou faire suite à uneaphasie de Wernicke. Les symptômes neurologiques associéscomportent une hémi-hypoesthésie, parfois suivie d’un syndromedouloureux, une asymbolie à la douleur, une quadranopsiesupérieure ou inférieure ou une hémianopsie, une apraxieidéomotrice sur commande verbale, mais non en imitation et, plusrarement, une hémiplégie. Le pronostic de l’aphasie de conductionest favorable.

APHASIE GLOBALE

L’aphasie globale est une altération sévère de toutes les fonctionsdu langage. Le mutisme initial est fréquent, l’expression spontanéeest nulle ou très réduite, limitée à une syllabe, à quelques mots oustéréotypies. La compréhension est altérée, mais Benson (1979) [102]

souligne la compétence habituelle de ces patients à comprendre le« langage non parlé » (gestes, mimiques, position du corps) et lesinflexions et intonations de la voix.Le déficit neurologique associé est important (hémiplégie,hémianesthésie, hémianopsie latérale homonyme). De raresobservations sont remarquables par la discrétion ou l’absence dedéficit neurologique ; ces dernières pourraient connaître uneévolution meilleure [38] et indiquer une lésion limitée aux territoiresde jonction en avant de l’aire de Broca et en arrière de l’aire deWernicke [175], une topographie plus habituellement rencontrée dansl’aphasie transcorticale sensorielle.

APHASIES TRANSCORTICALES

Les aphasies transcorticales sont les aphasies respectant les capacitésde répétition.

¶ Aphasie transcorticale motrice

L’aphasie transcorticale motrice peut survenir d’emblée ou fairesuite à une aphasie de Broca. Elle se caractérise par une expressionspontanée nulle ou limitée à quelques syllabes, mots ou phrasescourtes et agrammatiques, hésitante, parfois écholalique [102].L’existence d’une dysarthrie la distingue de l’aphasie dynamique deLuria [112], à laquelle elle est parfois assimilée. Pour Luria, « les piresdifficultés surgissent quand le malade doit composer de façonindépendante un schéma d’énonciation et le développer dans lelangage spontané ». AR Damasio [38] signale la possibilité d’erreursphonétiques, phonémiques et lexicales. Benson (1979) [102] insiste surl’effet facilitant d’une activité motrice : un comportement dedéambulation ou des mouvements incessants de la main paraissentfavoriser, chez certains patients, la production orale. La disponibilitélexicale est particulièrement faible et encore entravée par despersévérations. La dénomination est entravée par le manque du motet surtout par des difficultés d’initiation et des persévérations, elleest améliorée par l’ébauche orale ou les indices contextuels. Lelangage automatique est conservé à condition d’être initié parl’examinateur. Les capacités à compléter les phrases, les proverbes,les poèmes sont excellentes. La répétition est bonne, pour les lettres

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

7

Page 8: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

comme les mots, les phrases ou les non-mots. La compréhensionorale est bonne. La compréhension écrite est meilleure que dansl’aphasie de Broca. La lecture à haute voix est peu perturbée.L’écriture spontanée, calquée sur la production orale, est réduite, legraphisme est maladroit, avec des omissions de lettres ou de motset un agrammatisme.Le déficit neurologique associé varie selon les lésions, mais comportehabituellement une hémiplégie, qui prédomine souvent au membreinférieur, et une apraxie idéomotrice. La récupération est variablemais généralement bonne.

¶ Aphasie transcorticale sensorielle

Les synonymes [102] sont : aphasie nominale (Head, 1926), aphasie deWernicke de type II (Lecours et Lhermitte, 1979).Le langage spontané est fluent et bien articulé, mais entravé par denombreuses erreurs (paraphasies sémantiques, néologismes,paraphasies phonémiques) et par une écholalie. En dénomination,le manque du mot est intense, compensé par des périphrases. Larépétition est parfaite et même servile, le patient pouvant répétersans poser de questions des items inhabituels sans les rectifier(structures syntaxiques, mots ou phonèmes inappropriés) ni lescomprendre (non-mots ou phrases en langue étrangère). Initié parl’examinateur, le langage automatique est bon, de même que lecomplètement de proverbes et de phrases ou la récitation depoèmes. La compréhension orale est défectueuse ; ce qui est répétéet complété n’est pas nécessairement compris. La désignation estsévèrement perturbée. La lecture à haute voix est de qualitévariable ; le plus souvent, elle suscite de nombreuses paraphasiesou une production sans rapport avec le texte. La compréhension del’écrit, même correctement lu, est déficiente. L’écriture seraitperturbée de façon assez semblable à ce qui est constaté dansl’aphasie de Wernicke, avec des performances correctes en copie, etmeilleures en dictée qu’en écriture spontanée.Les signes neurologiques associés peuvent être un déficit sensitif etune hémianopsie ou une quadranopsie supérieure ou inférieure.Comme dans l’aphasie de Wernicke, l’absence de signesneurologiques focaux peut égarer et faire évoquer par erreur untrouble psychiatrique. L’aphasie transcorticale sensorielle peut fairesuite à une aphasie initialement plus intense. Le pronostic à longterme est incertain. L’aphasie transcorticale sensorielle peut aussis’installer peu à peu, dans le cadre d’une démence ou de toute autreaffection neurologique progressive. Elle est alors inaugurée par uneanomie.

¶ Aphasie transcorticale mixte

Cette aphasie cumule les déficits des aphasies transcorticales motriceet sensorielle. Dans la majorité des cas, l’écholalie résume l’ensemblede la production. La répétition est préservée, mais limitée à quelquesmots. Certains patients peuvent corriger une formulationinappropriée en dépit de la compréhension défectueuse.L’articulation est normale ou un peu dysarthrique et le langageautomatique est conservé. La compréhension orale et écrite estdéfectueuse, souvent nulle, la lecture à haute voix impossible outrès mauvaise. L’agraphie est le plus souvent totale, y compris encopie et n’offre pas de dissociation semblable à celle de l’expressionorale.Les signes neurologiques peuvent associer un déficitsensitivomoteur et une hémianopsie.

APHASIE AMNÉSIQUE

Les synonymes sont : aphasie anomique (Benson, 1979 [102]), aphasiesémantique (Head, 1926 [102]), anomie [67].Le manque du mot est ici le trouble principal ou exclusif. La fluenceest normale ou réduite par des pauses, l’articulation et la prosodiesont normales, les phrases correctement construites, mais pauvresen substantifs, parfois inachevées. Le langage est peu informatif. Ladénomination est particulièrement défectueuse quelle que soit la

modalité : canal visuel, auditif, tactile ou évocation d’après ladéfinition. Le manque du mot est compensé par des périphrases,des mots passe-partout (chose, machin) ou une définition par l’usage(brosse : « pour se coiffer ») ou plus rarement des paraphasiessémantiques. L’ébauche orale est inopérante. Les difficultés sont plusmarquées pour les noms propres et les substantifs que pour lesverbes. La disponibilité lexicale est déficiente. Le malade peutéprouver des difficultés aux épreuves de classement sémantique etmême de décision lexicale (Lecours et Lhermitte, 1979 [102]). Lemanque du mot peut prédominer sur une catégorie sémantique (parexemple êtres vivants versus objets) et, à l’intérieur d’une catégorie,sur une sous-classe (par exemple végétaux versus animaux) [38]. Lamémoire verbale (mots couplés, apprentissage d’une liste de motsou d’un texte) est altérée. La répétition est normale. Dans les formespures d’aphasie amnésique, la compréhension, la lecture, l’écriturecopiée et dictée sont normales et l’écriture spontanée reflète letrouble de l’expression orale [127].Pour Benson (1979) [102], l’aphasie transcorticale sensorielle etl’aphasie amnésique sont les deux pôles d’un même processusphysiopathologique, que la pathologie peut parcourir dans un sensou dans l’autre. Ainsi, l’aphasie amnésique peut être soit le stadeinitial d’un état démentiel, soit le stade final d’une aphasietranscorticale sensorielle ayant évolué favorablement. Dans cedernier cas, la compréhension, la lecture et l’écriture peuvent resterlégèrement perturbées.L’anomie a une faible valeur localisatrice. L’examen neurologiqueest souvent normal par ailleurs. Cependant pour H Damasio [39], unelésion de la partie antérieure du lobe temporal de l’hémisphèredominant serait déterminante.

APHASIES SOUS-CORTICALES

Nous avons vu que pour les auteurs anciens, les centres du langageétaient corticaux, et que les aphasies sous-corticales étaientconsidérées comme des troubles « purs » (on dirait aujourd’huiunimodaux) résultant d’une dysconnexion entre ces centres etl’effecteur (aphasie motrice pure) ou le récepteur (surdité verbalepure) périphérique. On comprend pourquoi, bien plus tard, Luria [113]

et ceux qui, à sa suite, entreprirent d’étudier la sémiologieaphasiologique des lésions sous-corticales, commencèrent parnommer prudemment « quasi-aphasie » les troubles qu’ils avaientconstatés. L’imagerie couplée à la neuropsychologie clinique aprouvé depuis lors que de telles lésions peuvent être responsablesd’authentiques syndromes aphasiques [25, 133, 145].L’étude de Puel et al [145] donne une idée de la répartition desdifférents types d’aphasie observés. Sur 25 patients ayant une lésionvasculaire sous-corticale définie par le scanner, quatre présentaientune dysarthrie isolée, neuf une aphasie « classique » (deux aphasiesglobales, trois aphasies de Broca, trois aphasies de Wernicke et uneaphasie de conduction) et 12 une sémiologie originale : défautd’incitation verbale, altérations de la parole avec hypophonie etparfois dysarthrie, anomie « dissociée » (plus marquée en langagespontané qu’en dénomination), paraphasies verbales étranges oubizarres, prédominant également dans le langage spontané et, enfin,une incohérence du discours qui est peut-être l’aspect le plusremarquable du tableau. La compréhension était imparfaite,meilleure pour les mots que pour les phrases. La répétition et lelangage automatique étaient préservés. Il faut ajouter à cessymptômes proprement aphasiques un trouble des apprentissageset de la mémoire verbale. En résumé, il s’agit d’une aphasie avanttout expressive, associant une perte de l’autonomie et de l’initiativeverbale, un trouble de la réalisation de la parole et une incohérencesémantique due à une instabilité du discours et à des choix lexicauxapproximatifs. Cette aphasie, qui laisse intactes les capacités derépétition, se rattache au groupe des aphasies transcorticales, maissa sémiologie (qualifiée par Puel et al de « dissidente ») justifie sonindividualisation, admise par la plupart des auteurs actuels, sous leterme d’aphasie sous-corticale.Les lésions peuvent atteindre la substance blanche, les noyaux grisou les deux. Les infarctus profonds du territoire sylvien donnent

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

8

Page 9: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

une aphasie motrice importante, voire une aphasie globale, leslésions limitées au thalamus ou au striatum une aphasie de type« sous-cortical », ainsi parfois que les lésions capsulaires internes.Les lésions purement putaminales donnent une dysarthrie sansaphasie. Les lacunes capsulaires ou latéroventriculaires ne donnentpas d’aphasie, mais une dysarthrie [140] avec parfois une composantecérébelleuse. Les hématomes profonds donnent presque toujours aumoins initialement une aphasie dont le pronostic dépend del’extension des lésions vers la substance blanche latéroventriculaire.Les hématomes lobaires frontaux peuvent donner une aphasietranscorticale motrice, les hématomes temporaux une aphasie deWernicke. Les lésions sous-jacentes au cortex insulaire ou au lobulepariétal inférieur peuvent donner une aphasie de conduction. Leslésions sous-corticales expansives donnent d’abord un manque dumot en langage spontané puis en dénomination, qui peut résumerlongtemps le tableau clinique.Les troubles associés varient naturellement selon les structuresatteintes. La présence d’une hémiplégie témoigne d’une atteinte dela substance blanche latéroventriculaire antérieure ou capsulaire.L’absence de troubles moteurs ou leur discrétion (négligence motricepar exemple) oriente soit vers une lésion thalamique (on peut noteralors des troubles associés de la mémoire, de la vigilance, del’oculomotricité ou de la sensibilité), soit vers une lésion de lasubstance blanche postérieure (il existe alors une hémianopsie).

APHASIES CROISÉES

Stricto sensu, l’aphasie croisée résulte d’une lésion cérébraleipsilatérale à la main préférentiellement utilisée par le patient. Ellecorrespond donc aux fréquentes aphasies par lésion gauche chez legaucher et aux rares aphasies par lésion droite chez le droitier. Enfait, seules ces dernières sont considérées comme des aphasiescroisées. Joanette [84] a fait une revue exhaustive de la littérature, etn’a retenu, des 75 cas publiés, que les 11 qui lui semblaient présentertous les critères du diagnostic. Six d’entre eux ressemblent à uneaphasie de Broca, mais les cinq autres s’écartent de la typologieclassique.La compréhension orale et écrite est respectée, l’expressionspontanée est souvent réduite avec un certain degréd’agrammatisme, des paraphasies phonémiques et une bonnearticulation. L’expression écrite est moins réduite, moinsagrammatique et plus « jargonnante » que l’expression orale. Un casdécrit par Assal (1982) [127] comporte une jargonagraphie. Lesactivités de transposition sont en général défectueuses. Larécupération des troubles aphasiques serait assez favorable etrapide. Au déficit du langage s’ajoutent fréquemment une apraxievisuospatiale, une négligence gauche, une dyscalculie, ainsi que desdifficultés d’évaluation du temps chez deux patients. Enfin, lafréquence inhabituelle des lésions sous-corticales est un autre pointoriginal.

TROUBLES DE LA COMMUNICATION VERBALEDANS LES LÉSIONS DE L’HÉMISPHÈRE DROIT CHEZ LE

DROITIER EN DEHORS DES APHASIES CROISÉES

La dominance de l’hémisphère gauche pour le langage, établiedepuis la découverte de Broca, mérite d’être nuancée (Hannequin etal, 1987 [102]). D’une part, l’étude des dysconnexions calleuses a établique l’hémisphère droit peut accomplir certaines performanceslinguistiques, en particulier au niveau lexicosémantique. D’autrepart, cet hémisphère intervient dans des aspects non verbaux de lacommunication. Des troubles de la prosodie sont présents (sinontoujours recherchés) chez les patients cérébrolésés droits. Lestroubles de la compréhension prosodique sont les mieuxdocumentés. Ils semblent liés, au moins en partie, à une perturbationdu décodage perceptif prosodique, indépendamment de sa fonctionlinguistique ou émotionnelle. L’expression prosodique émotionnelleest amoindrie chez certains de ces patients, mais il reste à savoir sicette perturbation affecte la conception du contour intonatifémotionnel ou sa mise en œuvre dans le langage parlé.Enfin, on insiste sur les modifications du comportement langagieren situation « naturelle » de communication : c’est le domaine de

l’organisation du discours, de la pragmatique, des actes de langage.L’intégrité de l’hémisphère droit semble particulièrement importantepour une adéquation contextuelle des comportements decommunication, y compris dans l’intégration de l’implicite dulangage (sous-entendus), dans l’usage des métaphores, voire del’humour.

Étiologies des aphasies

Sauf précision contraire, les indications topographiques donnéesdans ce chapitre s’appliquent à des lésions de l’hémisphère gauche.

APHASIES D’ORIGINE VASCULAIRE

Une étude prospective a trouvé, sur 881 accidents vasculairescérébraux aigus, 38 % d’aphasies (9/10 par lésion gauche, 1/10 parlésion droite), dont la moitié d’aphasies sévères [142]. La gravité del’aphasie était corrélée à l’âge et à l’importance des autres signesneurologiques. Le pronostic était fonction à la fois de la gravité del’aphasie et du tableau neurologique général, et 95 % des aphasiquesavaient atteint un plateau dans la récupération en 6 semaines.Inversement, l’aphasie était en elle-même un facteur de gravité del’accident vasculaire, puisque la mortalité atteignait 31 % chez lesaphasiques contre 18 % en moyenne sur l’ensemble de la série.

¶ Infarctus cérébraux

Dans l’hémisphère gauche, les structures anatomiques nécessairesau fonctionnement de la boucle audiphonatoire sont situées dans leterritoire sylvien. Des zones plus périphériques mais néanmoinsindispensables à l’accomplissement des fonctions linguistiques sontvascularisées, soit par d’autres branches de la carotide (cérébraleantérieure, choroïdienne antérieure), soit par la cérébrale postérieure.Le type d’aphasie observé au cours d’un infarctus hémisphériquegauche sera donc étroitement lié au territoire vasculaire.

Artère sylvienne

C’est la plus grosse branche de la carotide interne, et la plusfréquemment affectée dans les accidents ischémiques [125]. Elle irriguela plus grande partie du cortex de la convexité hémisphérique. Sonterritoire sous-cortical comprend le putamen, la partie latérale dupallidum, une partie du noyau caudé, le claustrum et les capsulesexterne et extrême, la partie supérieure de la capsule interne, ainsiqu’une large étendue de substance blanche latéroventriculaire. Letronc de l’artère sylvienne donne naissance aux artèreslenticulostriées, qui vont irriguer le territoire sous-cortical. Ensuite,la sylvienne se divise, le plus souvent, en deux branches : la branchesupérieure donne les artères à destinée frontale, rolandique etpariétale antérieure, et porte souvent les lenticulostriées externes.Pour cette raison, l’occlusion de la branche supérieure à son origineentraîne un infarctus non seulement superficiel antérieur mais aussiprofond, capsulolenticulaire. La branche inférieure vascularise lecortex temporal et pariétal postérieur.L’infarctus sylvien total gauche, dû à une occlusion du tronc de lasylvienne ou de la terminaison carotidienne, s’accompagne d’uneaphasie globale. Les infarctus sylviens profonds étendus donnentdes syndromes aphasiques variés affectant de façon prédominantel’expression orale (supra « Aphasies sous-corticales »). Les petitsinfarctus profonds correspondent le plus souvent à des lacunes [139].Moins de 10 % donnent lieu à une aphasie. Dans ces cas, il s’agiraiten fait d’infarctus emboliques, comme semblent l’attester la présencefréquente d’une source embolique et les dimensions de la lésion auscanner, dépassant 15 mm de diamètre.Les occlusions de la branche corticale supérieure donnent lieu à desinfarctus sus-sylviens. Ces lésions, même si elles intéressent l’aire deBroca, donnent rarement une aphasie durable. En revanche, lorsqueles lenticulostriées externes naissent de la branche de bifurcationsupérieure, l’infarctus est cortico-sous-cortical. Le tableau est celuid’une hémiplégie droite à prédominance brachiofaciale, associée à

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

9

Page 10: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

des troubles sensitifs de même topographie et à une aphasie deBroca. Les occlusions de la branche inférieure, épargnant les artèresà destinée rolandique, ne donnent pas d’hémiplégie mais uneaphasie de Wernicke. Celle-ci peut être dissociée, avec des troublesprédominants de la compréhension orale (ramollissement temporo-pli courbe) ou du langage écrit (ramollissement pariéto-plicourbe) [62]. Les embolies cruoriques, qui rendent compte de 15 à30 % des infarctus [123], peuvent donner des aspects sémiologiquesparticuliers. Du fait de leur aptitude à se déliter spontanément et àmigrer en aval de l’occlusion initiale, elles sont souvent responsablesde lésions du territoire sylvien postérieur. Un tableau d’aphasie deWernicke précédée d’une hémiplégie régressive [125] ou d’aphasieglobale aiguë [178] est particulièrement évocateur. Chez le sujet âgé,la proportion d’aphasies de Wernicke d’origine vasculaire est plusélevée que chez le sujet jeune. Classiquement attribué à unemodification de l’organisation fonctionnelle des aires du langage liéeà l’âge, ce fait serait dû, en réalité, à une surreprésentation desinfarctus postérieurs dans cette population [60].

Artère cérébrale antérieure

Elle vascularise deux structures importantes pour le langage : la têtedu noyau caudé, par sa branche profonde (l’artère de Heubner), etl’aire motrice supplémentaire. Les infarctus de l’artère cérébraleantérieure se traduisent typiquement par une hémiplégie àprédominance crurale, un grasping , souvent des troublessphinctériens. Lorsque la lésion est gauche, il s’y associe une aphasietranscorticale motrice par atteinte de l’aire motrice supplémentaireou de la substance blanche sous-jacente [15], voire une aphasietranscorticale mixte en cas d’extension postérieure de l’infarctus. Lapréservation de la répétition peut aller jusqu’à l’écholalie [153]. Enoutre, les infarctus atteignant la partie antérieure du gyrus cingulaire(territoire de l’artère péricalleuse) donnent un mutisme, qui peutrégresser totalement ou évoluer sous forme d’aphasie transcorticalemotrice.

Artère choroïdienne antérieure

Bien qu’étant la plus petite des branches terminales de la carotideinterne, elle vascularise un territoire d’une grande importancefonctionnelle : le bras postérieur de la capsule interne (et la pointepallidale adjacente). L’infarctus résultant de son occlusion donneune hémiplégie, pouvant s’associer à une hémianesthésie et à unehémianopsie classiquement sans aphasie. En fait, l’occlusion del’artère choroïdienne antérieure gauche peut donner une aphasie detype « sous-cortical », avec diminution de la fluence verbale etdifficulté dans le langage élaboré [27].

Infarctus des territoires de jonction des branches de la carotideinterne gauche

Ils épargnent les aires périsylviennes du langage. Dans 75 % des cas,ils surviennent en aval d’une occlusion ou d’une sténose serrée dela carotide interne, associée à un facteur supplémentaire de baissede la pression de perfusion : polyglobulie, hypotension,cardiopathie [16]. Les infarctus de jonction antérieurs donnent uneaphasie transcorticale motrice ou un manque du mot isolé. Dans lesaccidents de jonction postérieurs, l’aphasie est le plus souventtranscorticale sensorielle, parfois de type Wernicke avec des troublesde la répétition et un jargon. L’aphasie transcorticale mixte aiguë estrare (1/300 accidents vasculaires cérébraux [AVC]) mais hautementévocatrice d’une occlusion carotidienne [17].

Artère cérébrale postérieure

L’infarctus du territoire superficiel (cortex occipital et temporalinférieur) de l’artère cérébrale postérieure gauche peut donner uneaphasie transcorticale sensorielle aiguë. L’évolution se fait vers larégression en moins de 3 mois, avec parfois persistance d’uneanomie.Le territoire profond inclut une partie du mésencéphale et lethalamus. À l’exception des lacunes du noyau ventro-postéro-latéralresponsables du syndrome de Déjerine et Roussy, tous les types

d’infarctus thalamique peuvent causer une aphasie, y comprisparfois les lésions droites au début. L’aphasie est constante au coursdes infarctus tubérothalamiques gauches, fréquente dans lesinfarctus paramédians, mais le pulvinar peut aussi être intéressé.Devant une aphasie aiguë d’allure vasculaire, la topographiethalamique de l’accident peut être suggérée par l’association detroubles de la vigilance, de la mémoire ou du comportement, plusinhabituels dans les accidents carotidiens.

Infarctus sous-corticaux [79]

La moitié des infarctus sous-corticaux de l’hémisphère gauchesupérieurs à 15 mm de diamètre sont responsables d’aphasie.Contrairement aux lacunes, ces infarctus sont le plus souvent (deuxcas sur trois) de mécanisme embolique, et la présence de signes« corticaux » tels que l’aphasie est un des principaux argumentscliniques du diagnostic différentiel.

¶ Aphasies transitoires

Plus d’un tiers des accidents ischémiques transitoires (AIT)comportent un trouble du langage [100], mais toutes les aphasiestransitoires ne correspondent pas à des AIT. Le principal diagnosticdifférentiel est l’aura migraineuse. La confusion est d’autant plusfacile qu’une céphalée peut accompagner ou précéder un AIT dans30 % des cas [109], et que d’authentiques migraines peuvent se limiterà l’aura, celle-ci comportant un trouble du langage dans 16 % descas [45]. En fait, le déroulement des symptômes permet de reconnaîtrel’aura migraineuse. Les symptômes s’installent progressivement, enplusieurs minutes (contre moins de 2 minutes dans un AIT), etcomportent presque toujours des prodromes visuels [45]. L’aphasietransitoire peut aussi correspondre à un phénomène critique (voir« Épilepsie et aphasie »). Enfin, elle peut révéler un hématome sous-dural [130], une tumeur ou une hypoglycémie.

¶ Accidents vasculaires cérébraux hémorragiques

Les hémorragies représentent 18 % de l’ensemble des AVC [124]. Leshématomes profonds de l’hypertension atteignent soit les noyauxgris, soit le thalamus, donnant des tableaux aphasiques en rapportavec la localisation [26]. Les hématomes lobaires frontaux ettemporopariétaux donnent respectivement une aphasie dynamiqueou une aphasie de Wernicke. Sous réserve des complicationsprécoces liées à l’effet de masse, le pronostic fonctionnel de l’aphasieaprès hématome intracérébral est nettement meilleur que celui desinfarctus.La survenue d’une aphasie au cours d’une hémorragie méningéeoriente vers le diagnostic d’anévrisme sylvien gauche. Le trouble dulangage peut être dû à l’épanchement sanguin dans la valléesylvienne, ou bien à un infarctus sylvien compliquant un spasmeartériel. Il faut signaler la possibilité d’aphasies transitoires enrapport avec des malformations artérielles ou artérioveineusesn’ayant pas saigné, soit par migration embolique à partir d’unanévrisme partiellement thrombosé, soit par hémodétournement lorsd’une fistule artérioveineuse à haut débit.Enfin, les thromboses veineuses corticales peuvent, lorsqu’ellesaffectent l’hémisphère gauche, donner une aphasie associée àd’autres signes cliniques (épilepsie, fièvre, infarctushémorragique) [83].

TUMEURS

Les tumeurs malignes sont les plus génératrices d’aphasie (gliomes,métastases, lymphomes). Chez le sujet âgé (> 65 ans), l’aphasie est,avec la céphalée et la confusion mentale, l’un des trois principauxsymptômes révélateurs des tumeurs cérébrales [111]. Elle est le plussouvent progressive sur 2 à 3 semaines, mais elle peut aussi êtresoudaine ou paroxystique. Le trouble du langage le plus fréquentest le manque du mot. Sa valeur localisatrice n’est pas absolue,l’aphasie anomique pouvant être en rapport avec une hypertensionintracrânienne, même en l’absence de lésion focale des aires du

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

10

Page 11: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

langage. En cas de tumeur hémisphérique gauche, l’anomie évoluevers une aphasie plus spécifique : aphasie dynamique au cours destumeurs frontales, aphasie de Wernicke dans les tumeurs temporalesou temporopariétales. L’aphasie de Broca et l’aphasie de conductionne sont jamais observées (Lecours et Lhermitte, 1979 [102]), saufcirconstances exceptionnelles : une aphasie de Broca attribuée à unoligodendrogliome est survenue dans le contexte particulier d’unerécidive postchirurgicale [33].

APHASIES DE CAUSE INFECTIEUSE ET INFLAMMATOIRE

– L’abcès temporal gauche est une cause rare, mais importante àconnaître, d’aphasie. Il faut l’évoquer en présence d’une aphasierapidement progressive avec des céphalées. La fièvre est inconstante.Les agents pouvant être responsables d’aphasie sont trop nombreuxpour pouvoir être énumérés dans le cadre de cet article, mais lesétiologies infectieuses ou parasitaires doivent figurersystématiquement au rang des diagnostics possibles en cas de lésionintracrânienne responsable d’aphasie.

– L’aphasie représente 12 % des complications neurologiques dusida [108]. Elle peut être causée par tous les types de lésionscérébrales : infections (encéphalites virales, toxoplasmose, mycoses),lymphomes, accidents vasculaires. L’aphasie est minime au coursde l’encéphalite à virus d’immunodéficience humaine (VIH),marquée seulement par une baisse de la fluidité verbale [134].

– L’encéphalite herpétique, qui comporte une aphasie dans 75 % descas, est une considération diagnostique majeure en cas d’aphasieassociée à une fièvre et à des crises d’épilepsie.

– L’aphasie est exceptionnelle dans la sclérose en plaques, de l’ordrede 1 % des cas [85]. Elle survient volontiers dans un tableau évocateurde tumeur [154] et s’accompagne fréquemment d’une épilepsiefocale [138]. Elle peut prendre la forme d’une aphasie de conduction [6].La dysarthrie paroxystique, évoluant par accès de 15 à 20 secondesrépétés plusieurs fois dans la même journée et souvent associés àune ataxie, est pathognomonique de cette affection [54].

– Une aphasie peut également survenir au cours d’affectionsinflammatoires générales à détermination cérébrale, parl’intermédiaire d’une vascularite, de troubles de la coagulation oude lésions démyélinisantes spécifiques (neurolupus, syndrome desantiphospholipides, syndrome de Gougerot-Sjögren, angiopathiecérébrale gigantocellulaire, thyroïdite de Hashimoto).

APHASIE ET ÉPILEPSIE(EN DEHORS DU SYNDROME DE LANDAU-KLEFFNER)

Les troubles de la parole survenant au cours des crises sont de troiscatégories : vocalisations indifférenciées (bruits continus oudiscontinus, à type de cris, grognements, sifflements, râles),lambeaux de langage normal (mots ou phrases identifiables)stéréotypés ou non, ou langage anormal : arrêt de la parole,dysarthrie, aphasie, ou langage « indifférencié ». Une aphasie detype variable peut également s’observer dans la période postcritique.La suspension de la parole peut survenir lors d’absences de type« petit mal » ou de crises partielles. Associée à des vocalisationsélémentaires ou à des activités de langage répétitives (compter), elleévoque des crises de l’aire motrice supplémentaire. L’aphasiepostcritique et les crises aphasiques évoquent un foyer épileptogènetemporal gauche. Les crises comportant des lambeaux de langagenormal proviennent du lobe temporal droit. Le déroulement descrises aphasiques lui-même n’est pas aléatoire. Kanemoto et Janz [86]

ont étudié le déroulement de l’aura épileptique chez 143 patientsfaisant des crises partielles complexes dont 24 avaient des crisesaphasiques. Dans tous les cas, l’aphasie survenait en fin d’auraprécédée le plus souvent de sensations de déjà vu ou de déjà vécuou de troubles du cours de la pensée (accélération de la pensée,pensée forcée), elles-mêmes précédées de sensations plusélémentaires (malaise épigastrique, hallucinations gustatives). Letype d’aphasie varie en fonction du phénomène qui l’a précédé. Lestroubles de la compréhension prédominent lorsque l’aphasie est

précédée d’un trouble du cours de la pensée, les paraphasies sontplus souvent isolées quand l’aphasie fait suite à une sensation dedéjà vu. Le déroulement de ces phénomènes reflète la propagationdes décharges épileptiques au sein du système limbique suivant descircuits bien définis.Il convient enfin de mentionner la possibilité d’états de mal partielsaphasiques, pouvant réaliser une aphasie isolée durant plusieursheures [156, 174].

APHASIES POSTTRAUMATIQUES

Les aphasies dues à des plaies craniocérébrales ne diffèrent desaphasies vasculaires que par la constance des lésions corticales. Enrevanche, les aphasies après des traumatismes crâniens fermés (TCF)constituent une catégorie à part. Dans ce cas, les lésions sont descontusions liées à la brusque décélération du crâne et au mouvementrelatif de la masse cérébrale à l’intérieur de celui-ci. Les pôlesfrontaux, ainsi que les pôles et la convexité temporale en sont lesiège préférentiel. Des hématomes extracérébraux ou plus rarementintracérébraux peuvent survenir, se comportant comme desprocessus expansifs.L’incidence de l’aphasie après un TCF varie selon la gravité de celui-ci. De l’ordre de 2 % sur un ensemble de TCF « tout-venant » [73], elleatteint 30 % si l’on ne considère que les TCF avec coma, et 46 %pour les TCF avec coma de plus de 24 heures [107]. L’aphasie la plusfréquente est l’aphasie anomique. Le 2e type est l’aphasie deWernicke. L’aphasie globale est plus rare. L’aphasie de Broca sembleexceptionnelle [182]. La suspension initiale complète de l’expressionorale, plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte, est souventassociée à un hématome des noyaux gris. Son pronostic estfavorable.La qualité de la récupération dépend de la gravité initiale del’aphasie. L’anomie est la séquelle la plus fréquente, mais il peutpersister une aphasie de Wernicke définitive. Il faut insister sur lafréquence des troubles résiduels du langage élaboré et en particulierdu discours, qui sont à l’origine, malgré une bonne restauration descapacités linguistiques élémentaires (dénomination, compréhension,répétition), de troubles durables de la communication susceptiblesde compromettre la réinsertion socioprofessionnelle.

DÉMENCES

¶ Maladie d’Alzheimer

Les troubles du langage sont présents dans un tiers des cas dès ledébut de la maladie [43], mais cette proportion pourrait être plusélevée si on y inclut les cas d’aphasie progressive qui se révèlentêtre des maladies d’Alzheimer [66]. Les troubles de la compréhensionverbale et l’anomie sont d’aggravation plus rapide dans les formesà début précoce que dans les formes à début tardif [82].Les troubles du langage oral évoluent en trois stades (Huff, 1990 [55]).Le premier est caractérisé par une baisse de la fluence verbale et unmanque du mot accompagné de paraphasies sémantiques. Cesperturbations se rapprochent du tableau d’aphasie amnésique. Ledeuxième stade est marqué par une accentuation de ces symptômes(manque du mot, circonlocutions, persévérations, paraphasiessémantiques et verbales, néologismes) et l’apparition de troubles dela compréhension verbale, mais la répétition reste préservée. Lestroubles lexicosémantiques contrastent avec une relative intégrité dela syntaxe et de la phonologie. Le tableau se rapproche alors del’aphasie transcorticale sensorielle. Au troisième stade, toutes lescapacités linguistiques sont affectées, comme dans une aphasieglobale, mais le respect de certaines capacités de répétition peutlaisser persister des phénomènes d’écholalie. Cette règle généraleconnaît des exceptions, avec par exemple la survenue précoce detroubles phonémiques et phonétiques corrélés à une prédominancepérisylvienne gauche inhabituelle de l’atrophie corticale [34].Les troubles de l’écriture peuvent aussi être décrits en trois stadesévolutifs (Platel et al, 1991 [55]). Le premier comporte des erreurs dites

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

11

Page 12: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

de « régularisation » : erreurs phonologiquement plausibles àl’écriture sous dictée de mots irréguliers (exemple : femme → fame)(Rapcsak et al, 1989 [55]). Le deuxième est caractérisé par uneprépondérance d’erreurs non phonologiquement plausibles touchantles mots irréguliers et les non-mots. Ces erreurs résultent del’atteinte de processus centraux, mais également de processus pluspériphériques tels que le buffer graphémique et le système deconversion allographique. Le troisième stade est dominé par destroubles de la réalisation graphique s’apparentant à une agraphieapraxique [56].Le trouble de la lecture le plus caractéristique de la maladied’Alzheimer est, dans un premier temps, celui de « dyslexie desurface » (utilisation préférentielle de la voie lexicale). Lorsque lacompréhension écrite est en même temps altérée, ce tableau évoqueune stratégie de lecture par voie lexicale non sémantique (3e voie).Ultérieurement apparaît une lecture du type alexie lexicalecorrespondant au recours exclusif à la voie phonologique, avec deserreurs de régularisation des mots irréguliers.Cette description schématique des troubles du langage dans lamaladie d’Alzheimer montre l’importance des perturbationslexicosémantiques. En utilisant conjointement des épreuvesd’écriture sous dictée de mots réguliers, irréguliers et de logatomes,et des tâches de décision à partir de mots et d’images faisant appelà un traitement phonologique, lexical ou sémantique, Lambert et al(1991) [55] ont montré que la perte ou la difficulté d’accès auxreprésentations orthographiques des mots est indépendante descapacités de traitement lexical et sémantique impliquées dansd’autres modalités. Ainsi, le trouble lexicosémantique de l’écrituredans la maladie d’Alzheimer serait spécifique à cette modalité. Ilsemble en exister deux grands types. Le premier est un déficitd’accès au lexique s’apparentant au manque du mot observé chezles aphasiques (Grober et al, 1985 [55]). Ce déficit d’accès explique lavariabilité des performances pour un item donné et le fait que lespatients soient aidés par des indices lors de la dénomination telleque la clef phonémique. Le second type de perturbations réalise une« perte du concept » due à une atteinte de la mémoire sémantique.Celle-ci toucherait plus spécifiquement l’organisation des attributsspécifiques qui permettent de distinguer des concepts lexicauxdifférents au sein de catégories sémantiques larges (Warrington,1975 [55]). Les informations concernant ces dernières seraient aucontraire préservées. Il en résulte en dénomination des réponsessuperordonnées ou évoquant des items appartenant à la mêmecatégorie sémantique. La constance des erreurs lors d’essaissuccessifs ou quel que soit le mode d’entrée lexical vient supporterl’hypothèse d’une perte des informations lexicosémantiques. Ce typede trouble, lorsqu’il survient isolément, correspond à la démencesémantique (voir infra).

¶ Démence vasculaire

Dans la démence multi-infarctus, les troubles du langage varientnaturellement selon la topographie des lésions ischémiques.L’existence d’une aphasie dans le tableau clinique d’un accidentvasculaire cérébral est un facteur de probabilité accrue d’évolutionvers une démence vasculaire [32].Lorsque les lésions respectent les aires du langage (maladie deBinswanger, états lacunaires) les troubles consistent en une réductionde la complexité des phrases et les perturbations lexicosémantiquessont moins marquées que dans la maladie d’Alzheimer [55]. Ladénomination est préservée et la baisse de la fluidité verbale est àrapprocher d’un ralentissement plus global. Les troubles de la parolesont fréquents, s’intégrant dans un syndrome pseudobulbaire.

¶ Démences « sous-corticales »

Les altérations du langage dépendent avant tout des troublesmoteurs ou cognitifs associés, en particulier les troubles de la parole,le ralentissement idéomoteur et les éléments frontaux. Ils expliquentla baisse de la fluence verbale, qui est particulièrement nette dans laparalysie supranucléaire progressive. Dans la chorée de Huntingtonapparaissent successivement une perte de l’initiative verbale, un

raccourcissement et une simplification de la structure syntaxique desphrases, des troubles de l’écriture liés à l’incoordination motrice, deserreurs de type visuel en dénomination [144], enfin des troubles de lacompréhension d’intensité proportionnelle à la détériorationintellectuelle.La démence à corps de Lewy peut comporter des troubles cognitifsde type « cortical » analogues à ceux de la maladie d’Alzheimer, ycompris une aphasie [23]. La différenciation clinique repose surl’intensité plus nette du syndrome « fronto-sous-cortical » associé,sur les fluctuations spontanées et sur les signes extrapyramidaux.En dehors de toute démence, la maladie de Parkinson peut donnerdes « troubles cognitifs mineurs » [69], comportant une baisse de lafluence verbale qui, lorsqu’elle est associée à des troubles del’articulation et de la voix, amoindrit les capacités decommunication. Une véritable aphasie au cours d’un syndromeextrapyramidal doit faire évoquer une démence à corps de Lewy, outoute autre étiologie. Après chirurgie fonctionnelle, les aphasiestransitoires succèdent plus volontiers aux interventions pallidalesque sous-thalamiques.

¶ Démences frontotemporales

Elles comportent un appauvrissement progressif du contenuinformatif du langage avec des persévérations idéiques et formelles,contrastant avec une conservation des aspects phonémiques etsyntaxiques. La dégénérescence corticobasale peut débuter commeune aphasie progressive non fluente si elle affecte de façonprédominante l’hémisphère gauche. Certaines aphasies progressivespeuvent aussi marquer le stade initial d’une sclérose latéraleamyotrophique (SLA) avec démence, voire d’une maladie deCreutzfeldt-Jakob.

¶ Atrophies corticales focales [46]

Ce sont des affections dégénératives se manifestant par un troublecognitif d’évolution progressive, longtemps isolé, mais pouvant finirpar un état démentiel, en rapport avec une atrophie cérébralelocalisée. L’histologie est variable (lésions de maladie de Pick, demaladie d’Alzheimer ou non spécifiques). Les atrophies focaless’intègrent à un ensemble plus vaste (« complexe de Pick ») quiinclut en outre les démences frontotemporales et la dégénérescencecorticobasale [87] et dont la caractéristique commune est l’existenced’anomalies de la protéine tau. Cliniquement, les atrophies focalesprogressives peuvent prendre la forme d’une apraxie, d’uneamnésie, de troubles visuels ou d’une aphasie, qui seule retiendranotre attention ici. L’aphasie progressive [186] comprend trois aspectscliniques :

– le premier fut décrit par Mesulam en 1982 : aphasie non fluente,avec au premier plan un manque du mot, puis dans un secondtemps des troubles phonémiques et syntaxiques, sans troubleslexicosémantiques, une compréhension normale et une conservationprolongée de l’autonomie ;

– le deuxième, également appelé anarthrie progressive [20], est aussiune aphasie progressive non fluente, mais avec un syndrome dedésintégration phonétique associé à un agrammatisme et à uneapraxie buccofaciale. Le langage écrit est longtemps préservé. Destroubles frontaux apparaissent ultérieurement ;

– le troisième, qui est la forme fluente de l’aphasie progressive, estégalement appelé « démence sémantique » [78] et associe une anomie,des troubles de la compréhension verbale, une dyslexie, uneagraphie de surface et une réduction de la fluence catégorielle,contrastant avec une préservation de la compréhension en langageconversationnel, de la syntaxe, de la phonologie, des capacités nonverbales et de la mémoire épisodique. Ce trouble est proche del’aphasie transcorticale sensorielle de la maladie d’Alzheimer, maisdans ce dernier cas, la mémoire épisodique est toujours affectée.Dans la démence sémantique, la perte des concepts est nonseulement longtemps isolée, mais sélective, épargnant une série deconnaissances pragmatiques nécessaires à la vie quotidienne d’oùune conservation parfois surprenante de l’autonomie. La

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

12

Page 13: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

dissociation est telle que certains de ces patients ont pu être prispour des hystériques au début de leur maladie.

LANGAGE DES SCHIZOPHRÈNES

Le délire schizophrénique se traduit par une incohérence verbalemarquée par des néologismes, un discours abstrait, une abondancede formules énigmatiques, des métaphores obscures, associée à destroubles du débit verbal [59].Deux formes particulières de schizophasie méritent d’êtreindividualisées. Dans la glossomanie, le discours est fait de mots dulexique, mais choisis non en fonction d’une finalité decommunication, mais de caractéristiques intrinsèques sans valeursignifiante : glossomanie formelle (tous les mots, par exemple,commencent par la même lettre), glossomanie sémantique(utilisation systématique de mots appartenant tous au même champsémantique). La rareté des paraphasies, la disponibilité lexicale, lemaniement correct de la syntaxe, et parfois, l’analyse faite par lesujet lui-même de ses productions verbales, distinguent ce troubled’une véritable aphasie. Dans la glossolalie, le discours est unmonologue néologique incompréhensible, semblable à une nouvellelangue inventée par le sujet, caractérisée par la surreprésentationd’un petit nombre de phonèmes, un débit accéléré, une modificationdes accents et de la mélodie. La glossomanie et la glossolalie sontdes phénomènes temporaires, n’affectant que quelques patients [104].Plus généralement, on insiste actuellement sur les altérations dulangage liés aux troubles de la pensée formelle, présents chez ungrand nombre de patients [149]. Les tests sémantiques révèlent unedésinhibition des associations sémantiques, en d’autres termes une« hyperactivation » entre les concepts reliés sémantiquement. Cettedésinhibition des associations peut se traduire par des effetsd’hyperamorçage sémantique [128].

Aphasie et neuropsychologie cognitiveDepuis les années 1980, la psychologie cognitive a considérablementinfluencé la pratique clinique et thérapeutique de laneuropsychologie. La psychologie cognitive repose sur la notionfondamentale que toute fonction peut être décomposée en un certainnombre de processus autonomes. Son objectif est d’éluciderl’architecture de ces processus et de décrire les liens qu’ilsentretiennent entre eux. Pour y parvenir, elle cherche à identifier lesdiverses opérations mentales requises lors de l’accomplissementd’une tâche (enfoncer un clou par exemple). Ces opérations mentalessont considérées comme autant de processus de traitement desinformations (celles-ci correspondant par exemple auxreprésentations perceptives et aux représentations d’action dansl’exemple du clou). Les modèles théoriques utilisés en psychologiecognitive sont de deux types : les modèles sériels, décrivant lesprocessus comme des interactions entre différents modules placés àla suite les uns des autres, et les modèles connexionnistes danslesquels le traitement est distribué de façon parallèle entre denombreuses unités disposées en couches. Ces derniers (qui sontd’ailleurs appelés « réseaux de neurones ») ont l’avantage deprésenter une analogie de structure avec le système nerveux, et dese prêter aux analyses et aux simulations de dysfonctionnementsconçues par les théoriciens de l’intelligence artificielle [105].L’objectif de la neuropsychologie cognitive est de mettre à l’épreuvede la pathologie ces modèles de traitement de l’information élaboréspar la psychologie cognitive et issus de l’étude de sujets sains. Lamise en évidence d’une double dissociation (perturbation d’unprocessus A + préservation d’un processus B chez un patient etdéficit inverse chez un autre) permet en principe d’établirl’indépendance fonctionnelle (« modularité ») entre les processus Aet B. Le langage est ainsi représenté comme un système lexical quipeut rendre compte des différentes opérations mentales effectuéespar un sujet pour accomplir une activité linguistique. Les modèlesvarient également dans leur degré de spécification en fonction de lafenêtre d’analyse : traitement du mot isolé, traitement de la phrase,traitement du discours.

En neuropsychologie, et particulièrement dans le domaine del’aphasie, la taxonomie clinique et la neuropsychologie cognitivesont complémentaires car elles servent, encore aujourd’hui, desobjectifs différents. Indispensable à la connaissance des maladies, laréférence anatomique n’est pas nécessaire à la compréhension desmécanismes mentaux de la cognition normale, et lescorrespondances entre les syndromes décrits par ces deux approchessont rares. On peut espérer que les correspondances déjà entrevuesentre la nouvelle sémiologie cognitive et les lésions cérébrales grâceà l’imagerie fonctionnelle deviendront de plus en plus précises etcontribueront à un profond renouvellement de la neuropsychologieclinique.Nous restreindrons ici notre propos au traitement du mot isolé enproduction orale (dénomination et répétition) et en compréhension.Nous exposerons dans un premier temps l’architecture générale dusystème lexical suivant un modèle cognitif sériel. Nous décrironsensuite les étapes de traitement et les syndromes cognitifs observésen pathologie pour la dénomination, la répétition et lacompréhension. Enfin, nous donnerons un exemple de l’approcheconnexionniste avec la compréhension orale. Le langage écrit(lecture et écriture) sera abordé dans la section suivante.

ARCHITECTURE DU SYSTÈME LEXICAL (fig 2)

La modélisation de la production et de la reconnaissance des motsisolés constitue le système lexical. La description de ses principalescomposantes s’appuiera de façon prioritaire sur le modèle dePatterson, 1986 [141] ou sur celui de l’équipe de Caramazza (Rapp etCaramazza, 1991 [146] ; Hillis et Caramazza, 1994 [76] ; voir égalementSegui et Ferrand, 2000 [158] ; Seron et Van der Linden 2000b [162] pourrevues). Le système lexical comporte les composantes suivantes.

¶ Représentations de différentes natures(sémantique, phonologique, orthographique, perceptive)

Elles sont assimilées à des connaissances stockées à long terme etschématisées sous la forme de systèmes ou de lexiques). La plupartdes modèles distinguent les lexiques recrutés dans la reconnaissancede ceux impliqués dans la production, mais cette différenciationlexique d’entrée versus lexique de sortie est parfois controversée [173]

Analyseauditive

Lexiquephonologique

d'entrée

Analysevisuelle

Lexiqueorthographique

d'entrée

Mémoire tamponphonologique

Expression orale

Lexique phonologique

de sortie

Lexiqueorthographique

de sortie

Systèmesémantique

Écriture

Conversionphonème-graphème

Mémoire tampongraphémique

Conversionaccoustico-phonologique

Conversiongraphème-phonème

Système dedescriptionsstructurales

2 Modèle simplifié des mécanismes du langage. Les voies lexicales sont en traitspleins et les voies phonologiques en pointillés (d’après [76, 114]).

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

13

Page 14: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

(Valdois et de Partz [176] pour revue). Les lexiques d’entrée assurentla reconnaissance d’une forme linguistique indépendamment de sasignification et permettent d’effectuer une tâche de décision lexicalequi consiste à distinguer les mots connus (déjà inscrits dans lelexique) de non-mots : lexique phonologique d’entrée pour les motsentendus et lexique orthographique d’entrée pour les mots vus. Leslexiques de sortie sont les lieux des récupération des formes cibles :lexique phonologique de sortie pour la production orale (évocationspontanée, dénomination d’images, lecture à haute voix, répétition)et lexique orthographique pour la production écrite (évocationspontanée, dénomination écrite, épellation orale).

¶ Mécanismes de conversion

Ils mettent en correspondance et transforment des informationsacousticophonologiques en informations phonologiques (répétition),des informations acousticophonologiques en informationsgraphémiques (correspondance phonème-graphème en écriture sousdictée) ou des informations graphémiques en informationsphonologiques (correspondance graphème-phonème en lecture àhaute voix). Ces mécanismes opèrent sur des unités sous-lexicales(phonèmes, graphèmes, syllabes).

¶ Mécanismes de mémoire tampon (« buffers »)

Ils assurent le maintien à court terme d’informations. phonologiques(mémoire tampon phonologique) ou d’informations graphémiques(mémoire tampon graphémique).

¶ Composants plus « périphériques »

Ils sont également décrits : mécanismes perceptifs visuels et auditifsainsi que mécanismes impliqués dans la production orale (activationdes programmes articulatoires et exécution neuromusculaire) et dansla production écrite (conversion allographique, activation desprogrammes moteurs graphiques, exécution neuromusculaire).

¶ Composants moins spécifiques

Outre ces processus exclusivement verbaux, les modèles font parfoisfigurer des composants moins spécifiquement linguistiques. Il s’agitpar exemple du système de représentations structurales visuelles quipermet la reconnaissance d’un objet en tant qu’objet familier, recrutélors de l’identification d’images.Cette architecture rend compte également des connexions entre lesdifférents mécanismes, qui sont matérialisées par des flèches. Aussiest-il possible de suivre sur le modèle les différentes étapes ducheminement cognitif accompli lors de toute tâche verbale(répétition, dénomination, évocation lexicale, compréhension oraleou écrite, lecture à haute voix, copie…). Ce type de modélisationsuppose que le langage fait appel à deux types de traitement : untraitement lexical avec activation des représentations lexicales quandil s’agit de mots connus et un traitement qui procède par analyse etmise en correspondance d’unités sous-lexicales pour des non-motsou des mots nouveaux. Un des postulats fondamentaux des modèlescognitifs sériels est que le traitement de l’information s’effectue defaçon unidirectionnelle : le passage à une étape suivante supposeque le traitement de l’étape précédente soit terminé. Les modèlesdits en « cascade » introduisent la notion d’un recouvrementtemporel partiel entre deux étapes de traitement.

DÉNOMINATION

¶ Étapes

Six étapes peuvent être distinguées au cours de la dénominationd’images ou d’objets :

– analyse visuelle (incluant l’analyse de la forme, de la couleur, legroupement perceptif) ;

– activation de la représentation structurale perceptive visuelle (relativeà la connaissance de la forme d’un objet et permettant l’identification

du percept comme objet réel). Ces deux premières étapes, quiconstituent des traitements non linguistiques, ne seront pasdéveloppées dans cette section (voir Boucart, Hénaff et Belin pourinformation [19]) ;

– activation des propriétés sémantiques dans le système sémantique ;

– activation de la représentation phonologique adéquate dans lelexique phonologique de sortie ;

– maintien de cette représentation dans la mémoire tamponphonologique ;

– activation des programmes articulatoires dans des systèmes deprogrammation et d’exécution articulatoire liées à la commande et àla coordination neuromusculaire des mouvementsbucco-pharyngo-laryngés.Certains cas de la pathologie, qui restent cependant exceptionnels,suggèrent une alternative à cette voie lexicosémantique classiqueavec la possibilité de dénommer par une voie directe reliant lesystème des représentations structurales au lexique phonologiquede sortie : il s’agit de patients qui dénomment correctement malgrédes performances médiocres à des tâches de compréhensionconcernant les mêmes items [94].Le lexique sémantique ou système sémantique est impliqué dansl’extraction du sens des mots et dans la formulation conceptuelle. Ilconcerne les propriétés sémantiques qui lient les concepts aux mots,c’est-à-dire leur appartenance catégorielle et leurs attributsspécifiques fonctionnels et physiques (exemple : « cerise » = [végétal]+ [fruit] + [rouge] + [sucré] + [lisse]). Chaque concept est doncreprésenté sous la forme d’un faisceau de traits sémantiquespouvant être communs au moins partiellement à un autre concept.Par exemple, les traits [végétal] + [fruit] + [sucré] sont partagés parla cerise et la framboise. Ce type d’organisation postule par ailleursque l’activation d’un concept va se diffuser aux concepts voisins.Dans les conceptions les plus couramment acceptées enneuropsychologie, le système sémantique serait une étape detraitement commune à différents types de stimuli (mots ou objets).De plus, il est considéré comme une composante centrale communeaux différentes modalités d’entrée et de sortie de l’information (motentendu ou lu, production orale ou écrite). Cette théorie amodale(soutenue par Caramazza et al ou Humphreys et al [80, 81]) s’oppose àd’autres propositions (Warrington et Shallice [184] ; Shallice [165]) quienvisagent l’existence de systèmes sémantiques spécifiques etdifférents pour les objets et les mots (Hannequin [70] pour revue).Dans le lexique phonologique, les représentations phonologiquescorrespondent à la forme sonore abstraite d’une unité lexicale etcontiennent des informations sur l’identité des phonèmes, sur lastructure syllabique et sur l’accent ou « stress » (voir Béland, Peretz,Baum et Valdois [12] pour une description détaillée des différentspaliers de la représentation phonologique). Bock et Levelt [14] ontsuggéré l’existence d’un niveau lexical intermédiaire entre systèmesémantique et lexèmes (représentations phonologiques). Cette étapedes Lemmas coderait l’item lexical cible sur le plan sémantique et surle plan de ses propriétés syntaxiques (catégorie grammaticale,genre). Des arguments allant plutôt à l’encontre de cette distinctionlemmas versus lexèmes ont été exposés par Caramazza [28]. L’accèsaux représentations est décrit en termes d’activation. Chaquereprésentation possède un niveau d’activation de base qui va êtremodifié par les stimulations. Ainsi, après stimulation, le seuild’activation de la représentation se trouve momentanément abaisséet celle-ci est plus rapidement accessible.La mémoire tampon phonologique se trouve impliquée dans toute tâchede production orale, y compris la répétition et la lecture à hautevoix. Le caractère séquentiel de la production orale nécessite lareconstruction de la représentation phonologique avec la prise encompte de l’information segmentale (phonèmes) et métrique(nombre de syllabes, structure de la syllabe et structure accentuelle)en vue de la récupération du geste articulatoire. En conséquence,l’information phonologique issue du lexique phonologique doit êtremaintenue en mémoire à court terme durant les opérations deplanification [12].

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

14

Page 15: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

¶ Pathologie

Le dysfonctionnement de chacune de ces étapes de dénominationorale occasionne des perturbations différentes [50, 51, 76] (voirLambert [97], pour revue). Les dysfonctionnements des deuxpremières étapes (analyse visuelle et système de représentationstructurale) donnent lieu à des tableaux d’agnosie visuelle [148].

Perturbation du système sémantique

Elle engendre des absences de réponse et des erreurs sémantiques.Le patient a des difficultés dans toutes les tâches nécessitant untraitement sémantique (dessin d’un objet non dénommé,associations suivant un lien fonctionnel à partir d’images ou demots, questionnaires testant les connaissances sémantiques, et toutparticulièrement les attributs spécifiques). La dénomination écrite etla dénomination orale donnent lieu aux mêmes erreurs. Suivant lespatients, le déficit peut affecter les représentations sémantiques dansleur ensemble ou être spécifique de certaines catégoriessémantiques : de nombreuses dissociations ont été rapportées, maisl’atteinte des objets animés semble être plus fréquente que celle desobjets inanimés. Ce niveau de perturbation peut donc provoquer lestableaux d’aphasie anomique avec perte du sens des mots etconstitue vraisemblablement la principale cause des perturbationslinguistiques de la démence sémantique. Il est également incriminédans des aphasies globales en association à d’autres niveaux deperturbation. La distinction entre un déficit sémantique central et undéfaut d’accès aux représentations sémantiques a fait l’objet denombreux débats. Selon Warrington et Shallice [184] ou Shallice [165], ladégradation des représentations (trouble sémantique central) seraitcaractérisée par :

– la constance des erreurs à différents temps d’examen ;

– un effet marqué de la fréquence lexicale ;

– la disparition de l’effet d’amorçage sémantique ;

– de meilleures performances pour le traitement d’informationssuperordonnées par rapport aux attributs spécifiques ;

– l’absence d’amélioration par un rythme de présentation plus lent.Un défaut d’accès (ou état réfractaire) serait caractérisé par un tableauen miroir du précédent. La pertinence de ces critères a étévigoureusement contestée (Rapp et Caramazza [147]), mais restesoutenue par Warrington et Cipolotti [183]. Dans le cadre théoriqued’un modèle postulant un système sémantique amodal [77],l’hypothèse d’un déficit d’accès aux représentations sémantiquespeut être posée lorsque le traitement sémantique est perturbé àpartir d’une modalité d’entrée, mais conservé à partir des autresmodalités.

Déficit d’accès au lexique phonologique de sortie

Lors d’un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie, lareprésentation phonologique est inaccessible et le patient montre desabsences de réponse souvent facilitées par l’ébauche orale, sansaucune difficulté de compréhension ou de traitement sémantiqueconcernant les mots non dénommés. Des erreurs sémantiquespeuvent également être observées et sont expliquées de la façonsuivante : lorsque la représentation phonologique de l’item ciblen’est pas disponible, une autre représentation phonologiquepartageant des traits sémantiques communs serait activée pardéfaut. Des dissociations ont été rapportées : noms propres versusnoms communs ou noms versus verbes. Un déficit d’accès aulexique phonologique de sortie n’affecte pas (ou peu) la répétition etla lecture à haute voix [98]. Le mot entendu en vue de sa répétitionapporte une source directe d’activation (lexique phonologiqued’entrée vers le lexique phonologique de sortie). La lecture à hautevoix bénéficie également d’une activation supplémentaire directe àpartir du lexique orthographique d’entrée. De plus, la répétition etla lecture à haute voix peuvent être réalisées par le biais de stratégiesphonologiques. À ce niveau, un dysfonctionnement n’a pas derépercussion sur la production écrite et un certain nombre de casmontrant une dissociation entre la perturbation de la dénomination

orale avec une relative préservation de la dénomination écrite ontété publiés. Ce défaut d’accès à la forme phonologique des mots estsans doute présent dans de nombreux types d’aphasie (aphasieanomique, aphasie de Broca…).

Dégradation des représentations phonologiques elles-mêmesou récupération partielle

Elle pourrait se traduire selon Butterworth [22] par la production denéologismes ou de paraphasies phonémiques. Ces erreurs secaractériseraient alors par une grande constance d’occurrence(erreurs identiques observées à différents temps sur les mêmesitems).

Situation de « blocage de réponse » [94]

Elle se réfère à une impossibilité de production du mot alors que lestimulus a été correctement adressé dans le lexique phonologiquede sortie. Ce cas de figure est illustré par le comportement d’unpatient [74] qui, en cas d’absence de réponse, pouvait décrire le liend’homophonie de deux items. Ainsi lors de la présentation del’image d’une « fraise » (outil de fraisage) il disait : « je ne peux pastrouver le mot mais cela a à voir avec un fruit ? »

Perturbation des étapes de planification phonologiqueau niveau de la mémoire tampon phonologique

Elle entraîne des paraphasies phonémiques qui surviennent danstoute tâche de production orale (dénomination, répétition et lectureà haute voix) de mots et de non-mots. Les erreurs phonologiquesauraient ainsi deux sources (dégradation des représentations dansle lexique phonologique de sortie et défaut de planification).Certains travaux ont tenté de différencier ces deux déficits(Nickels [136] pour revue). Les conduites d’approches successives,devenant correctes, sont le signe que les représentationsphonologiques ne sont pas dégradées et qu’elles sont utilisées lorsdes autocorrections. La possibilité de réaliser correctement destâches de jugements de rimes ou d’homophonie reposant sur unephonologie « silencieuse » est également un argument en faveur dela préservation des représentations lexicales phonologiques. Enrevanche, une réalisation défectueuse ne constitue pas un élémentd’interprétation fiable dans la mesure où la difficulté peut aussi êtreliée à une impossibilité à maintenir l’information à court terme envue de son traitement. Alors que dans le cas d’une difficulté deplanification, des performances similaires sont attendues aux tâchesde dénomination, de répétition et de lecture à haute voix, ladénomination devrait être plus perturbée que les autres tâches dansle cas d’un déficit touchant la représentation phonologique. Parailleurs, un effet de longueur est classiquement évoqué pour undéficit postlexical. Dans la mesure où la mémoire tamponphonologique est très liée au mécanisme de planification, plus unitem cible est long, plus la demande en maintien à court terme vaêtre importante et plus le risque d’erreur s’accroît. Ceci estparticulièrement manifeste pour les non-mots. Les mots peuvent êtremoins touchés car ils offrent la possibilité de procédures derafraîchissement par le biais des représentations phonologiques(intactes dans ce cas de déficit postlexical). Toutefois, lespropositions de distinction suivant des effets de fréquence (présentsdans un déficit lexical) et de longueur (présents dans un déficitpostlexical) semblent insuffisamment justifiées selon Nickels [136].

RÉPÉTITION

¶ ÉtapesLa répétition suppose tout d’abord la mise en jeu de mécanismesd’analyse acoustique qui traitent le stimulus auditif dans sescomposantes acoustiques et phonétiques. Au-delà de cette étape,plusieurs possibilités sont envisagées :

– voie lexicosémantique : activation du lexique phonologique d’entrée,du système sémantique, récupération de la forme phonologiquedans le lexique phonologique de sortie, maintien à court terme etplanification phonologique ;

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

15

Page 16: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

– voie lexicale directe : activation du lexique phonologique de sortieà partir du lexique phonologique d’entrée sans passer par le systèmesémantique. Dans ce cas, le patient répète sans comprendre ;

– voie phonologique utilisant un mécanisme de conversionacousticophonologique. Cette dernière voie a été envisagée pourrendre compte de la possibilité de répéter les non-mots n’ayant pasde représentation phonologique stockée. La répétition partage uncertain nombre de mécanismes avec la production orale et lacompréhension orale (voir infra).

¶ Pathologie

Un déficit de l’analyse acoustique retentit sur le traitement des mots etdes non-mots entendus en vue de leur répétition, de leur écrituresous dictée (avec soit des absences de réponse, soit des substitutionspar des items proches partageant un certain nombre de phonèmes :cadeau → gâteau, cadeau → râteau) ou de leur compréhension. Cedéficit est également appelé surdité au son des mots.Les perturbations des voies lexicales peuvent résulter de différentsniveaux de localisation : lexique phonologique d’entrée, systèmesémantique, lexique phonologique de sortie. Dans ce cas, larépétition de mots et de non-mots serait possible par le biais de lavoie phonologique.La perturbation de la voie phonologique entraîne un effet de lexicalitéavec une atteinte de la répétition des non-mots n’ayant pas dereprésentation stockée, mais une préservation de la répétition desmots.Un déficit de la mémoire tampon phonologique altère la répétition demots et de non-mots (voir supra).Le trouble de la répétition est classiquement considéré comme lenoyau sémiologique de l’aphasie de conduction. Celle-ci a été« revisitée » par Shallice et Warrington [166] (voir aussi Kohn [92] pourrevue), qui en ont distingué deux types. Dans le premier, de type« répétition », les patients ont des difficultés à répéter des listes demots mais non les mots isolés, et ne produisent pas d’erreursphonologiques. Shallice et Warrington attribuent ce trouble à undéficit de mémoire à court terme. Le second, l’aphasie de conductionde type « reproduction », qui serait la « véritable » aphasie deconduction, s’applique à des patients qui ont du mal à répéter desmots isolés. Cette difficulté se traduit par des erreurs phonologiqueset est plus importante pour les mots longs. Elle est observée nonseulement en répétition, mais également en expression oralespontanée, en dénomination orale ou en lecture à haute voix. Cetteforme peut aussi être associée (mais non due) à un trouble demémoire à court terme. L’interprétation cognitive en serait un déficitaffectant la planification des unités phonologiques au niveau de lamémoire tampon phonologique en vue de leur réalisationarticulatoire. Cette interprétation va dans le sens des études récentesqui tendent à considérer davantage l’aphasie de conduction commele résultat d’un trouble phonologique (paraphasies phonémiques)plutôt que comme un trouble de la répétition [4, 75].Le tableau de dysphasie profonde a pour caractéristiques principalesdes troubles de répétition (erreurs sémantiques, effet de concrétudelors de la répétition de mots et effet de lexicalité – difficultés plusimportantes pour les non-mots). Il montre souvent l’association deperturbations en production orale (erreurs phonémiques et erreurssémantiques), et d’un déficit de la mémoire verbale à court terme.Du point de vue des modèles cognitifs, la dysphasie profondesuppose plusieurs déficits associés : déficit d’accès aux informationssémantiques à partir du lexique phonologique d’entrée, déficit de larépétition en rapport avec une perturbation de la voieacousticophonémique et déficit de la mémoire verbale à court terme.

COMPRÉHENSION

¶ Étapes

Selon Ellis, Franklin et Crerar [50], la compréhension orale repose surtrois mécanismes :

– identification des sons de parole au niveau du système d’analyseauditive ;

– activation des items lexicaux dans le lexique phonologiqued’entrée, ce qui permet à ce stade de différencier un percept familier(mot ayant une représentation stockée à long terme dans le lexique)d’un percept nouveau (non-mot ou mot inconnu) ;

– activation de la signification des mots dans le système sémantique.Cette organisation séquentielle unidirectionnelle (de bas en haut),très hiérarchisée, suppose que l’accès à un niveau supérieurnécessite l’intégrité du niveau immédiatement inférieur. Dans unepublication ultérieure [52], les auteurs incluent l’existence de relationsbidirectionnelles entre lexique phonologique et système sémantique.

¶ Pathologie

Différents syndromes cognitifs concernant la perception d’un motentendu ont été décrits [50, 52] (voir également Lambert et Nespoulous[97] pour revue).

Surdité au son des mots

Elle résulte de la perturbation du système d’analyse auditive dessons verbaux et correspond, dans la terminologie classique, ausyndrome de surdité verbale pure décrit par Lichtheim. Elle semanifeste par de nombreuses erreurs lors d’épreuves de répétitionou d’écriture sous dictée et lors de tâches de discrimination etd’identification phonémique. La compréhension est améliorée par lalecture labiale ou la connaissance du thème de la conversation. Cetteperturbation peut également être présente dans d’autres syndromesaphasiques comme l’aphasie de Wernicke.

Surdité à la forme des mots

Elle résulte d’un trouble d’activation de la représentationphonologique au niveau du lexique phonologique d’entrée. Lesépreuves de discrimination de phonèmes sont correctes en raison dela fonctionnalité du système d’analyse auditive. Le patient échoue àdes épreuves de décision lexicale en modalité auditive alors qu’ilréussit en modalité écrite. Des erreurs entre mots phonologiquementproches sont observées lors des tentatives de répétition. Cesyndrome cognitif, qui n’a jamais été observé de façon pure, n’a pasété repris dans la classification d’Ellis et Young [52].

Surdité au sens des mots

Ele a pour origine un déficit d’accès au système sémantique [63, 64, 91].Le patient réussit les épreuves de discrimination phonémique et dedécision lexicale, ce qui indique que les deux premiers niveaux sontfonctionnels. La compréhension des mots entendus est altérée alorsque la répétition est possible. De plus, la préservation de lacompréhension écrite permet d’exclure la perturbation du systèmede traitement sémantique lui-même. Les perturbations peuventaffecter plus spécifiquement les mots abstraits.

Atteinte du système sémantique

Elle correspond à une dégradation des représentations sémantiques.Ce dernier syndrome ne constitue pas un trouble de compréhensionspécifique à la modalité auditive car la compréhension estdéfectueuse quelle que soit la modalité de présentation. Des troublessont également présents en production orale ou écrite (voir supra lasection consacrée aux troubles de dénomination).

MODÈLES CONNEXIONNISTES

Les modèles connexionnistes diffèrent des modèles cognitifs sur leplan du sens des activations et de leur étendue. Leur application àla compréhension orale est bien implantée en neuropsychologie(modèle Trace de McClelland et Elman, 1986 [116, 118]). Nous prendronspour exemple le modèle de Martin et Saffran.

¶ CompréhensionL’architecture globale du modèle de Martin et Saffran [116] comporteplusieurs niveaux d’unités (de type phonologique, lexical et

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

16

Page 17: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

sémantique) connectés entre eux par des processus d’activationbidirectionnels (« feedforward » et « feed-back »). Ses caractéristiquesfondamentales sont les suivantes :

– les activations des différents niveaux se recouvrent partiellementsur le plan temporel ou peuvent s’effectuer de façon simultanée ;

– les processus « feedforward » propagent l’activation aux itemscibles et aux items proches d’une même couche d’unités (candidatspotentiels), alors que les processus « feed-back » servent à stabiliserl’activation des items cibles à partir d’informations provenant desniveaux inférieurs ou supérieurs. Les auteurs insistent sur le décourstemporel de la propagation des activations d’un niveau dereprésentation à un autre et sur le caractère très éphémère desactivations au niveau phonologique.

¶ Pathologie

Cette modélisation a conduit à des interprétations différentes decelles proposées dans le cadre de modèles cognitifs sériels [97].La dysphasie profonde s’explique ici en termes de déclinanormalement rapide de l’activation phonologique [116]. L’occurrenced’erreurs sémantiques suggère que le niveau des représentationssémantiques a été activé et qu’il ne s’agit pas d’un trouble depropagation d’activation. L’effacement pathologique des indicesphonologiques empêche la poursuite des activations en boucleunissant cibles phonologiques et sémantiques et ne permet plus deguider le choix entre les représentations sémantiques activées (cibleet candidats potentiels).Cette section consacrée à l’approche cognitive de l’aphasie a exposél’architecture générale des processus mentaux requis par laproduction et la reconnaissance des mots. Les dysfonctionnementsdes divers stades de traitement de l’information ont suscité uncertain nombre d’hypothèses qui, pour la plupart, ont été validéespar des cas relativement purs. L’apport original de l’interprétationcognitive est de montrer que sous des aspects extérieurs similaires,les troubles peuvent avoir des origines différentes. C’est le cas dumanque du mot, des erreurs sémantiques ou des erreursphonémiques. Cette approche constitue une base théoriqueincontestable à la rééducation. Toutefois, une de ses limites résidedans sa totale dépendance vis-à-vis du modèle théorique sur lequelelle s’appuie, ce que nous venons d’illustrer avec l’exemple de ladysphasie profonde. On peut espérer que de nouveauxdéveloppements sauront mieux rendre compte de toute ladynamique du langage en intégrant les interactions avec d’autresfonctions comme par exemple l’attention, certains composantsmnésiques ou encore, les fonctions exécutives.

Troubles du langage écrit

DONNÉES DE LA MÉTHODE ANATOMOCLINIQUE

¶ Alexies

Déjerine (1891, 1892) [102] a décrit l’alexie pure ou agnosique etl’alexie-agraphie. À ces deux formes est venue s’ajouter unetroisième alexie ou alexie antérieure.

Alexie pure

Le trouble de la lecture peut être total : aucun mot, aucune lettre nesont identifiés. Assez souvent, d’emblée ou après une phase d’alexietotale, une lecture lettre à lettre est possible. L’écriture est enprincipe normale, mais souvent un peu altérée par un défaut decontrôle visuel. Le langage oral est lui aussi en principe normal. Enfait, un certain degré d’aphasie amnésique est fréquent. Par ailleurs,le malade peut « lire » à condition qu’un canal non visuel soitutilisé : lettres en relief palpées, mots reconstitués à partir de lettresépelées par l’examinateur. Ceci permet d’affirmer que lesmécanismes linguistiques ou « centraux » de la lecture sontconservés et que le trouble se situe sur un versant perceptif visuel.

Néanmoins, l’atteinte peut être parfaitement limitée aux symbolesécrits. D’autres troubles visuels sont fréquemment associés : unehémianopsie latérale homonyme droite avec ou sans épargnemaculaire, un trouble de la vision des couleurs, beaucoup plusrarement, une agnosie visuelle pour les objets et les images. Leslésions responsables siègent toujours dans le lobe occipitaldominant. Il s’agit le plus souvent d’un infarctus du territoire de lacérébrale postérieure détruisant la région calcarine et le spléniumdu corps calleux. D’autres lésions, notamment tumorales, peuventêtre en cause. Selon la conception de Déjerine et plus récemment deGeschwind, elles auraient toujours pour résultat de réaliser unedéconnexion entre informations visuelles et aires du langage.

Alexie-agraphie

Elle résulte pour Déjerine de la perte des images optiques des lettresen rapport avec une lésion du gyrus angulaire de l’hémisphèredominant. Cette atteinte centrale du langage écrit explique qu’elleaffecte ses deux modalités : réceptive et expressive. L’atteinte de lalecture est massive avec une compréhension nulle, une lecture àhaute voix impossible ou jargonnée. Ce tableau peut être isolé ouassocié à des signes d’aphasie de Wernicke ou surtout d’aphasieamnésique. Il est fréquent d’observer d’autres signes d’atteintepariétale : apraxie constructive et idéomotrice, syndrome deGerstmann.

Alexie de Benson ou troisième alexie

Elle s’observe en liaison avec l’aphasie de Broca. La lecture et lacompréhension sont meilleures pour les mots, surtout les substantifsconcrets. Elles sont particulièrement mauvaises pour les lettresisolées. Ce syndrome, connu en fait depuis longtemps, avait étéretenu par Freud comme un argument contre la conceptionlocalisatrice des aphasies puisque l’atteinte d’une région cérébralecensée être spécialisée dans le contrôle de l’expression oraleentraînait aussi des troubles de la lecture (Freud, 1892 [102]).

Alexie des aphasies

En dehors des variétés d’alexie bien définies citées ci-dessus, lalecture est troublée dans presque toutes les variétés d’aphasie. Leplus souvent, la lecture à haute voix est altérée au même degré queles autres variétés d’expression orale. Nous citerons quelquessituations où cette règle se trouve en défaut ou revêt des aspectsparticuliers. Outre les rapports étroits unissant la troisième alexie etl’aphasie de Broca, dans l’aphasie de conduction, la lecture estfréquemment meilleure que la répétition. Les troubles prédominentsouvent sur les mots grammaticaux qui sont omis ou substituésentre eux. Dans l’aphasie de Wernicke, il n’est pas rare d’observerune dissociation entre les atteintes du langage oral et du langageécrit. La prédominance des troubles sur ce dernier se rapproche del’alexie-agraphie. Le cas contraire a l’intérêt de montrer que lelangage écrit possède une certaine autonomie et n’est pas une simpletransposition du langage oral. Dans l’aphasie transcorticalesensorielle, au contraire, le parallélisme entre les épreuves detransposition, répétition et lecture à haute voix, toutes deux bieneffectuées mais sans compréhension, confirme une atteinte duniveau sémantique, au-delà des mécanismes propres à chaquemodalité de langage.

¶ Agraphies

Parmi les classifications des agraphies, aucune n’est réellementsatisfaisante d’un point de vue sémiologique. La plupart s’appuientsur les troubles associés ou sur des topographies anatomiques etseulement de façon accessoire sur les caractères propres de laproduction graphique (Morin et al, 1990 [102]).Une descriptionclinique pourrait distinguer les agraphies suivantes.

Classique agraphie apraxique

La réalisation des lettres y est impossible ou si altérée qu’elles sontméconnaissables.

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

17

Page 18: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

Agraphie appelée « de l’aphasie de Broca »

Elle accompagne assez régulièrement cette aphasie : la production,réalisée le plus souvent de la main gauche, est très réduite, limitée àquelques substantifs composés de grandes lettres majuscules trèsmaladroitement réalisées

Autres

On peut regrouper le reste sous l’appellation d’agraphies fluentes,caractérisées par l’exécution de lettres suffisamment bien formées etpar une production d’une certaine abondance. Ce groupe, trèsimportant, est bien entendu hétérogène. En première analyse, onpeut distinguer d’abord des erreurs de type verbal avec desparagraphies surtout démonstratives lorsqu’elles sont de typesémantique ou morphologique, pouvant ou non se retrouver dansl’expression orale. Un deuxième groupe comprendrait les erreurs« phonologiquement plausibles » où les mots d’orthographeirrégulière sont écrits « comme ils se prononcent ». Dans le troisièmegroupe, on rencontrerait les erreurs littérales : substitutions,déplacements, omissions, intrusions de lettres. Ces erreurs peuventêtre relativement rares, laissant le mot reconnaissable, ou trèsnombreuses, pouvant aboutir à une jargonagraphie.

Agraphies pures

Elles ont été recherchées par des générations de neurologues commepouvant élucider les mystères de cette modalité du langage etpermettre de localiser un centre de l’agraphie conforme ou non àcelui qu’Exner (1881) [127] avait situé à la partie postérieure de ladeuxième circonvolution frontale. Elles sont restées très rares ouimparfaitement pures, parfois décrites chez des sujets pour lesquelsl’époque et la profession faisaient douter qu’ils aient possédé avantleur maladie une bonne maîtrise de l’écriture. Elles ne sontunivoques ni dans leur symptomatologie ni dans leur localisationlésionnelle, cette dernière paraissant toutefois plus pariétale quefrontale.

APPORT DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE

L’approche cognitive des troubles du langage écrit peut êtreeffectuée à partir du schéma général des activités de langageproposé au chapitre précédent. Nous envisagerons successivementles perturbations de la lecture à haute voix et celles de l’écriture endifférenciant les troubles centraux et les troubles périphériques [31],Morin et al, 1990 [102, 176, 188].

¶ Lecture à haute voix

Modèle théorique

Les mécanismes de lecture à haute voix sont décrits à partir d’unmodule d’analyse visuelle et de deux voies principales de lecture :lexicale et phonologique [31, 102, 168, 169].L’analyse visuelle regroupe différentes opérations qui assurent letraitement des propriétés visuelles (analyse rétinocentrée en traits)et l’identification des lettres suite à une analyse de regroupementdes traits (centrée sur le stimulus) et l’accès à un niveau dereprésentation graphémique abstraite. Cette dernière étape est, seloncertains auteurs, assimilée à un buffer graphémique pouvant êtrecommun à la lecture et à l’écriture. Par ailleurs, ces différentesopérations seraient sous l’étroite dépendance de processusattentionnels (fenêtre attentionnelle, filtre attentionnel).La voie lexicale, à partir du module d’analyse visuelle, gagne lelexique orthographique d’entrée où est activée la représentationorthographique correspondant au mot présenté, puis le systèmesémantique où il est compris, le lexique phonologique de sortie oùest activée sa forme phonologique et enfin, la mémoire tamponphonologique, relais obligé de toute expression orale. Une voielexicale non sémantique reliant le lexique orthographique au lexiquephonologique de sortie est envisagée.La voie phonologique relie le module d’analyse visuelle à la mémoiretampon phonologique en passant par un module de conversion desgraphèmes en phonèmes. Elle est utilisable pour les non-mots et lesmots à orthographe régulière.

Alexies périphériques

Un déficit lors de l’analyse visuelle se traduit par une incapacité àlire des lettres isolées ou des séquences de lettres, l’alexie littérale.Un retard dans l’identification des lettres et des substitutions entrelettres physiquement proches sont observés, ainsi qu’uneaugmentation des difficultés lors de la présentation de mots longs.La nature perceptive des troubles est particulièrement manifestechez des patients qui indiquent une impression de chevauchementdes lettres et dont la lecture est améliorée par un espacement plusgrand entre les lettres.Un déficit de la composante attentionnelle peut expliquer unedifficulté à traiter en parallèle les différentes lettres d’un mot. Cetteperturbation est particulièrement démonstrative dans les troublesd’attention spatiale unilatéraux qui montrent des omissions delettres au début ou à la fin de mots suivant la latéralisationlésionnelle.

Alexies centrales

L’alexie phonologique se caractérise par une impossibilité à lire leslogatomes ou non-mots : séries de lettres prononçables, mais necorrespondant à aucun mot de la langue. La raison de cetteincapacité est évidente : quand on utilise exclusivement la voielexicale, seuls les mots figurant au lexique peuvent être lus. Cettedifficulté contraste avec une préservation de la lecture des motsqu’ils soient d’orthographe régulière ou irrégulière (les motsd’orthographe régulière sont ceux où le rapport graphème-phonèmeest le plus habituel dans la langue et les mots d’orthographeirrégulière ceux où ce rapport est inhabituel, par exemple « fusil »).Ce trouble de la lecture peut être presque isolé [10] ou associé àcertains effets lexicaux tels un effet de classe des mots : les nomssont mieux lus que les verbes, les adjectifs et les mots grammaticauxsont encore plus mal lus et il existe des erreurs dérivationnelles : lemorphème central est conservé mais l’affixe est erroné (chanteur→ chanson).L’alexie profonde comporte les caractéristiques de la dyslexiephonologique plus des erreurs sémantiques et un effetd’imageabilité : les mots imageables sont mieux lus que les motsabstraits non imageables tels que « option » [21]. L’interprétation deces faits est discutée. Pour certains, ils traduisent undysfonctionnement partiel du système lexicosémantique associé àcelui, prédominant, du système phonologique. Pour d’autres, ilsrefléteraient le fonctionnement de la voie lexicosémantique seule,amputée de la voie phonologique et de la voie lexicale nonsémantique. Selon un autre niveau d’analyse, la dyslexie profondesurviendrait lorsque les activités de lecture sont assurées parl’hémisphère droit en présence de lésions importantes del’hémisphère gauche. L’alexie phonologique et la dyslexie profondene peuvent survenir que chez des sujets bien entraînés à la lecture,et aussi dans les langues ayant une orthographe irrégulière commel’anglais et le français, conditions nécessaires au développementd’une forte voie non phonologique.L’alexie lexicale ou de surface se traduit par une incapacité à lire lesmots irréguliers avec conservation de la lecture des mots régulierset des non-mots [167]. Les erreurs concernant les mots irréguliers sontle plus souvent une « régularisation » : les mots sont lus enappliquant les règles de correspondance graphème-phonème lesplus usuelles (gars → acR).

¶ Écriture

Mécanismes d’écriture dictée

Ils comportent un module d’analyse auditive, une voie lexicale etune voie phonologique qui convergent vers une mémoire tampongraphémique puis mettent en jeu des mécanismes périphériques[95, 173].

– L’analyse auditive traite les stimuli entendus sur le plan acoustiqueet phonétique.

– La voie lexicale passe par le lexique phonologique d’entrée, lesystème sémantique et le lexique orthographique de sortie pour

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

18

Page 19: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

atteindre la mémoire tampon graphémique. Une voie lexicale directereliant le lexique phonologique d’entrée au lexique orthographiquede sortie est également envisagée.

– La voie phonologique relie le module d’analyse auditive à lamémoire tampon graphémique par l’intermédiaire d’un module deconversion des phonèmes en graphèmes et de la mémoire tamponphonologique. Alors que la voie lexicale (lexicosémantique oulexicale directe) repose sur l’activation de représentationsorthographiques stockées (qui concernent les mots appris), la voiephonologique est surtout utilisée pour l’écriture de non-mots ou demots inconnus, mais peut également être efficiente pour des motsréguliers.

– La mémoire tampon graphémique constitue un centre deconvergence des voies phonologique et lexicale et le relaisobligatoire de toute expression écrite. Elle est assimilée à unemémoire de travail spécifique du langage écrit qui a pour rôle lemaintien à court terme des informations graphémiques issues dulexique orthographique ou de la voie phonologique, qu’il s’agissede mots ou de non-mots. Ces informations concernent l’identitéabstraite des graphèmes, leur nombre, leur agencement linéaire, leurcatégorie (consonne/voyelle), la structure graphosyllabique.

Troubles centraux

L’agraphie phonologique est caractérisée par des troubles sélectifs del’écriture des non-mots [164]. Des effets de classe des mots etd’imageabilité, similaires à ceux décrits en lecture, peuvent êtrenotés.

La dysgraphie profonde associe les caractéristiques de l’agraphiephonologique avec des erreurs sémantiques [21].

L’agraphie lexicale ou de surface comporte des troubles sélectifs del’écriture des mots irréguliers. Les erreurs sont principalement des« erreurs phonologiquement plausibles » se faisant dans le sens dela régularisation de l’orthographe (femme → fame). Un effet defréquence des mots est souvent présent [11].

L’alexie phonologique et l’agraphie de même nom sont presquetoujours associées, mais il existe des exceptions, notamment un casd’agraphie phonologique sans alexie et un autre où l’alexie est detype lexical. Il est donc admis qu’il existe deux systèmesphonologiques distincts pour la lecture et l’écriture et quel’association habituelle de l’atteinte des deux modalités s’expliquepar la probable proximité de leurs supports anatomiques [150].L’agraphie lexicale est, elle aussi, habituellement associée à unealexie, mais celle-ci est de type variable : lexicale, phonologique ousans spécificité.

Les associations entre les deux grands types d’alexie ou d’agraphieet les autres troubles des fonctions supérieures sont assez biendéfinies. Les troubles phonologiques sont presque toujours associésà une aphasie, de type variable, avec une prédominance desaphasies de Broca. Les troubles lexicaux sont moins souvent enliaison avec une aphasie, mais davantage avec des symptômesévocateurs d’une lésion pariétale : apraxie idéomotrice ouconstructive, syndrome de Gerstmann. Un siège plus pariétal deslésions, aux alentours du gyrus angulaire, peut ainsi être supposé.

L’atteinte de la mémoire tampon graphémique se caractérise par deséléments négatifs. Il en est ainsi de l’absence de signe faisant penserà une atteinte sélective des voies phonologiques et lexicales. Lestroubles sont similaires pour les mots réguliers et irréguliers et pourles non-mots. Il n’y a pas d’erreur phonologiquement plausible,d’effet de classe, d’imageabilité. Il n’y aura pas non plus dedifférence entre les diverses modalités de réalisation de l’écriture :manuscrite, épelée, réalisée avec des lettres mobiles ou à la machine.Les symptômes positifs se limitent à des erreurs nonphonologiquement plausibles (carabine → cadabine), c’est-à-dire deserreurs de lettres : omissions, substitutions, adjonctions,déplacements. Ces troubles sont plus marqués pour les motslongs [29].

Mécanismes périphériques de l’écriture

Si l’écriture comporte une organisation centrale ou linguistiqueparallèle à celle de la lecture, elle comporte aussi une organisation« périphérique » [49, 115] qui lui est propre et qui met en jeu l’activationsuccessive du système allographique et des programmes moteursgraphiques qui sont ensuite traduits en informationsneuromusculaires spécifiques. La figure 3 représente un modèlesimple susceptible de rendre compte de cette organisation.Le système allographique reçoit les informations concernant lesreprésentations graphémiques abstraites maintenues au niveau dela mémoire tampon graphémique et assure le choix de la formegénérale de la lettre en tenant compte des caractères particuliers :majuscule ou minuscule, script ou cursive.Les programmes moteurs graphiques spécifient pour chaque type delettre la séquence, la direction et la taille relative des traits. Cetteinformation est à son tour transformée en commande proprementmotrice par le système moteur.L’existence même de représentations allographiques intermédiairesentre mémoire tampon graphémique et programmes moteursgraphiques n’est pas soutenue par tous les auteurs [165, 177].L’ensemble du processus est soumis à un contrôle spatial assuré parl’hémisphère mineur.Des processus périphériques propres à chaque modalité de sortiesont envisagés. Une voie de l’épellation orale se dégagerait à lasortie de la mémoire tampon graphémique, et conduirait à latraduction de l’identité abstraite des graphèmes en nom de lettre.Des conceptions alternatives ont été proposées. Les mécanismesrelatifs à l’écriture avec des lettres mobiles ont été peu étudiés. Desraisons théoriques plaideraient pour son individualisation après lesystème allographique comme cela est indiqué sur la figure 3. Lesquelques observations publiées qui correspondentvraisemblablement à une atteinte du système allographique seraientplutôt en faveur d’une origine plus proximale, après la mémoiretampon graphémique et parallèle aux voies de l’écriture manuscriteet de l’épellation orale.

Perturbations périphériques

À partir de ces notions théoriques, il est possible de prévoir dessyndromes neuropsychologiques correspondant à l’atteinte desdifférents modules. Si les observations évoquant une atteinte desprogrammes moteurs graphiques sont nombreuses, elles restent en

Voie phonologique Voie lexicale

Mémoire tampongraphémique

Conversiongraphème - nom de

la lettre

Processus moteursde la parole

Épellation

Conversionallographique

Programmesmoteurs graphiques

Exécutionneuromusculaire

Écriture

Lettres mobilesDactylographie

3 Modèle des mécanismes périphériques de l’écriture.

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

19

Page 20: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

très petit nombre quand il s’agit de l’atteinte allographique etmontrent de surcroît des tableaux sémiologiques disparates [57, 95].En cas d’atteinte allographique, les prédictions théoriques sont lessuivantes : respect de l’épellation orale et absence de lettres malformées. La perturbation la plus caractéristique porterait sur le choixdes formes de lettres avec notamment des confusions entremajuscules et minuscules (café → caFé), mais des erreurs quant auchoix de la forme générale de la lettre sont aussi décrites.L’atteinte des programmes moteurs graphiques donne des altérationsmorphologiques des lettres par la perturbation de la forme, de lataille et de l’orientation des traits. Le tableau réalisé correspond à laclassique agraphie apraxique [8]. Un déficit concernant seulementl’accès aux programmes moteurs a été évoqué pour desperturbations se traduisant par des substitutions de lettres montrantdes similarités physiques, surtout graphomotrices.La dysgraphie spatiale résulte d’une perte du contrôle assuré parl’hémisphère mineur sur l’écriture : négligence de la partie gauchede la page, mauvaise orientation des lignes, redoublement de lettreset de jambages, superposition de lettres.

APPROCHE CONNEXIONNISTE

La première modélisation connexionniste des mécanismes de lectureà haute voix a été conçue par Seidenberg et McClelland [159]. Lastructure générale en est la suivante : trois couches d’unitésconnectées entre elles, codant chacune pour des informationsspécifiques (visuo-orthographique, phonologique ou sémantique).Dans ce modèle, la prononciation d’un mot écrit peut s’effectuer soitpar un réseau qui connecte directement l’orthographe à laphonologie, soit par un réseau qui fait intervenir la couchesémantique. Seule la mise en application sur ordinateur d’unapprentissage résultant de connexions entre orthographe etphonologie avait été réalisée. Plus récemment, un modèleconnexionniste alternatif a été proposé par Ans, Carbonnel, etValdois [5]. Il repose sur une base d’apprentissage qui comporte à lafois des mots entiers et les segments syllabiques de ces mots etpermet d’obtenir des performances de lecture tout à fait comparablesà celles de sujets normaux en montrant notamment les mêmes effetsde fréquence et de régularité. De plus, deux lésions distinctes dusystème aboutissent à des profils de lecture tout à fait proches destableaux d’alexie de surface et d’alexie phonologique rencontréschez des patients. Ces résultats sont d’un grand intérêt car ilsconfortent la double dissociation (relative à l’atteinte phonologiqueversus lexicale de la lecture) mise en évidence en pathologieneuropsychologique qui a parfois été remise en question [30].

Neurobiologie des aphasies

Nous aborderons successivement dans cette section les corrélationsanatomocliniques des différents syndromes, puis des symptômesaphasiques, les renseignements fournis par l’imagerie fonctionnellesur le support anatomique des différentes composantes du langage,aussi bien chez le patient aphasique que chez le sujet normal etenfin, les relations entre la préférence manuelle et la dominancehémisphérique pour le langage.

CORRÉLATIONS ANATOMOCLINIQUESDES SYNDROMES APHASIQUES (tableau I)

L’essentiel des connaissances dans ce domaine provient de l’étudedes accidents vasculaires cérébraux, qui représentent la premièrecause d’aphasie chez l’adulte. La distribution des territoiresvasculaires, en traçant des frontières anatomiques peut-êtrearbitraires d’un point de vue fonctionnel, a largement contribué àdessiner les contours de la taxonomie classique, qui a le doublemérite d’être universellement connue des neurologues et d’êtreapplicable à la majorité des patients. Toutefois, cette taxonomieatteint bien souvent ses limites lorsqu’il s’agit d’interpréter untrouble du langage consécutif à des pathologies moins habituelles,

ou de tenter des corrélations avec les modèles de la psychologiecognitive. Il faut alors conduire une description plus analytique del’aphasie, sous peine de méconnaître un trouble particulier par sonintérêt physiopathologique ou comme cible de la rééducation. Enfin,l’anatomie (pathologique) de l’aphasie fût-elle élucidée, on nepourrait en déduire simplement l’anatomie (fonctionnelle) dulangage. L’imagerie fonctionnelle apporte aujourd’hui dans cedomaine des informations inédites.

¶ Aphasie de Broca

Les infarctus limités à l’aire de Broca donnent une légère aphasiemotrice transitoire qui guérit rapidement. Les lésions pouvantdonner l’aphasie de Broca siégeraient dans la partie postérieure deF3 et dans les régions voisines : partie inférieure du gyrus précentral,insula antérieur, F2, partie adjacente du cortex temporal et pariétal,putamen, noyau caudé et capsule interne. En définitive, l’aphasie deBroca persistante avec agrammatisme et diminution de la fluenceverbale est associée à une large lésion frontopariétale gauche avecgénéralement une extension sous-corticale. C’est d’ailleurs une tellelésion qu’a montré l’examen au scanner du cerveau de Leborgne, lecas princeps de Broca [170]. Il semble prouvé qu’une lésion profondepeut donner une aphasie de Broca. Naeser et Hayward (1978) [102]

pensent que les lésions capsuloputaminales peuvent donner desaphasies de Broca sans agrammatisme ni trouble de lacompréhension, ni trouble de l’écriture, tableau proche de l’anarthriepure. L’extension en arrière d’une telle lésion ajoute aux signesprécédents des troubles de la compréhension et des paraphasies.

¶ Aphasie de Wernicke

Quel que soit le type d’aphasie de Wernicke, l’atteinte de l’aire 22de Brodmann (aire TA d’Economo) située en arrière des aires 41 et42 (aires auditives primaires) dans la partie postérieure de T1 estconstante. La lésion peut s’étendre en avant au cortex auditifprimaire, en profondeur à la substance blanche sous-jacente et àl’origine du faisceau arqué, en arrière au gyrus angularis (aire 39 ouPG d’Economo) et au gyrus supramarginalis (l’aire 40 ou Pf), en baset en arrière aux aires 21 (2e temporale), 20 (3e temporale) ou 37(4e temporale).L’aphasie de Wernicke à prédominance de surdité verbale (type II)correspond à une atteinte de la partie postérieure de Tl et T2, enarrière du gyrus de Heschl, qui est presque toujours un infarctus duterritoire de l’artère temporopli courbe. La forme avec atteinteprédominante du langage écrit (type III) s’observe dans les infarctuspariéto-pli courbe occupant les aires 39 et 40. L’aphasie de Wernickeest relativement plus fréquente chez le sujet âgé que l’aphasie deBroca. Cette différence provient, d’une part du fait que les infarctussylviens affectent plus souvent le territoire postérieur chez les sujetsâgés que chez les sujets jeunes [60], et d’autre part que les tumeurscérébrales malignes, autre cause classique de l’aphasie de Wernicke,sont également plus fréquentes chez le sujet âgé.

¶ Aphasie de conduction

Suivant le modèle classique de Lichtheim et Wernicke, repris parGeschwind, l’aphasie de conduction résulte d’une interruption entrel’aire de Wernicke (« centre des images auditives des mots » ou defaçon plus contemporaine support anatomique du lexiquephonologique) et l’aire de Broca (« centre des images motrices desmots », responsable de la réalisation phonétique). Ce schéma cognitifcorrespond ici à un processus langagier (la boucle audiphonatoire)en même temps qu’à une structure anatomique (le faisceau arqué).L’aphasie de conduction est, de fait, souvent associée à des lésionssous-corticales atteignant la capsule externe ou la substance blanchesous-jacente aux aires 22 et 40 [93], mais aussi à des lésions du cortexinsulaire ou pariétal inférieur. Un cas a été décrit au cours d’unesclérose en plaques [6]. L’interprétation cognitive en termes dedysconnexion doit être nuancée en tenant compte des cas dus à deslésions corticales limitées ou même obtenus chez des sujetsépileptiques par des stimulations corticales limitées de la partiepostérieure de T1 [4]. Pour Alexander [3], l’aphasie de conduction

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

20

Page 21: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

constitue l’expression, dans le langage oral, d’un troublefondamental du maniement de la phonologie, pouvant se manifesterpar ailleurs dans l’écriture ou dans la lecture sous la formerespectivement de l’agraphie et de l’alexie phonologiques. Sacorrélation anatomique la plus constante est l’atteinte du gyrussupra-marginalis.

¶ Aphasies transcorticales

Types de lésions pouvant causer une aphasie transcorticale motrice

Ce sont celles du cortex prémoteur et préfrontal (aires 6 et 8 ;aires 9, 10 et 11 ; aires 44, 45, 46) d’une part, celles de l’aire motricesupplémentaire et des voies qui en viennent cheminant dans lasubstance blanche juste en avant de la corne frontale d’autre part. Ilfaut en rapprocher les lésions donnant des états prolongés demutisme.

Aphasie transcorticale sensorielle

Elle se présente comme une aphasie de Wernicke sans trouble de larépétition avec souvent une écholalie. Les lésions ne sont pasunivoques : sur la convexité de l’hémisphère gauche, elles touchentles aires 37 et 39, elles peuvent s’étendre aux aires voisines 21 enavant, 18 et 19 en arrière. D’autres fois, elles siègent en profondeurdans la partie de la substance blanche irriguée par l’artère cérébralepostérieure. L’aphasie transcorticale mixte est due soit à une lésionentourant les aires périsylviennes en couronne (« isolement des aires

du langage »), soit à une lésion profonde de la substance blanche oudu thalamus. La survenue aiguë d’une aphasie transcorticale mixteserait pathognomonique d’une occlusion carotidienne gauche.

¶ Aphasie globaleL’aphasie globale est due soit à une lésion étendue de l’hémisphèregauche (infarctus sylvien total par exemple), soit à une lésionprofonde interrompant à la fois les voies motrices efférentes issuesde l’hémisphère gauche et les fibres d’origine calleuse provenant del’hémisphère droit. L’évolution pourrait être meilleure dans cedernier cas, laissant tout de même persister une réduction sévère etdurable de la fluence verbale. Sur le plan étiologique, il convient denoter qu’une aphasie globale aiguë sans hémiplégie estcaractéristique d’un accident vasculaire cérébral de mécanismeembolique [178].

¶ Aphasies sous-corticales

Aphasies par lésions du thalamus et du striatum

C’est l’étude des troubles du langage consécutifs aux lésions desnoyaux gris et en particulier du thalamus qui a conduit à ladescription du syndrome d’« aphasie sous-corticale », au sens actueld’aphasie « dissidente », et dont on peut rappeler ici les trois niveauxde perturbation (Cambier [25]) :

– dynamique attentionnelle et intentionnelle de la communication ;

– choix lexical et cohérence sémantique ;

Tableau I. – Principaux types d’aphasie. Corrélations anatomocliniques généralement observées.

Type d’aphasie Signes Localisation Étiologies habituelles Signes associées

Aphasie globale Expression et compréhensionorales et écrites très réduites ounulles

Lésion étendue corticale (fronto-temporo-pariétale) ou sous-corticale

Infarctus sylvien total, tumeur,traumatisme, hémorragie

Hémiplégie, hémianopsie, hémi-anesthésie

Aphasie de Broca Expression orale réduiteAgrammatismeTroubles arthriquesCompréhension relativementpréservée

Cortex frontal inférieurNoyaux gris et substance blanchesous-corticale du lobe frontal

Infarctus sylvien antérieur super-ficiel et/ou profondHématome profond

Hémiplégie brachiofacialeApraxie

Aphasie de Wernicke (type I) Expression abondanteTroubles de la compréhensionParaphasies

Lobe temporal, parfois lésionsthalamiques

TumeurInfarctus sylvien postérieurEncéphalite herpétiqueHématome lobaire

Hémianopsie ou quadranopsieTroubles sensitifsPeu ou pas de troubles moteurs

Aphasie de conduction Paraphasies phonémiquesCompréhension normaleRépétition perturbée

Cortex pariétal inférieurCapsule externe

Infarctus sylvien postérieur (ori-gine embolique fréquente)

Troubles sensitifsQuadranopsie

Surdité verbale pure(Wernicke type II)

Trouble de la compréhension etde la répétitionÉcriture sous dictée impossible

Gyrus temporal supérieur (lésiongauche ou bilatérale)

InfarctusTumeurAbcès

Aucun

Alexie-agraphie(Wernicke type III)

Trouble de la lecture et de l’écri-tureExpression et compréhensionorales préservées

Pli courbe (gyrus angulaire) InfarctusTumeurHématome lobaire

HémianopsieSyndrome de Gerstmann

Alexie pure(alexie sans agraphie*)

Trouble isolé de la lecture avecconservation de l’écriture et dulangage oral

Lobe occipital et splénium ducorps calleux

Infarctus de l’artère cérébralepostérieureHématome lobaire, tumeur

HémianopsieAgnosie visuelle

Aphasie anomique Manque du mot isolé Profondeur du lobe temporalRégion hippocampique (faiblevaleur localisatrice)

Tumeur (ou autre processusexpansif)AlzheimerInfarctus ACPEncéphalite herpétique

ApraxiePeu ou pas de troubles sensitivo-moteursQuadranopsie supérieure

Aphasie transcorticale motrice Manque d’incitation verbaleRépétition et compréhension nor-males

Région préfrontaleAire motrice supplémentaireNoyaux gris

Infarctus ACA ou jonctionACA-ACMHématomeTumeur

Syndrome frontalDysarthrieHémiplégie crurale

Aphasie transcorticale sensorielle Compréhension perturbée avecrépétition conservée et langage« creux ». Manque du mot

Jonction temporo-occipitaleThalamus

Infarctus ACP étenduAlzheimerInfarctus de jonction postérieur

DémenceHémianopsie

Aphasie transcorticale mixte Langage écholalique Zones de jonction entre territoiressylvien et cérébral antérieur etpostérieur

Infarctus de jonction étendu uni-ou bilatéral (hypotension,hypoxie, arrêt cardiaque)

Troubles de l’attentionHémiplégie crurale uni- oubilatérale

*Trouble n’appartenant pas au domaine de l’aphasie proprement dite. ACA : artère cérébrale antérieure ; ACM : artère cérébrale moyenne ; ACP : artère cérébrale postérieure.

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

21

Page 22: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

– exécution motrice de la parole.

Crosson [35], en s’appuyant sur les observations cliniques etl’imagerie fonctionnelle, a proposé un modèle incluant le thalamus,les noyaux caudé et lenticulaire, plusieurs aires corticales et leursconnexions réciproques, dont s’inspire la figure 4. Les noyauxthalamiques appelés à jouer un rôle dans le langage seraient leventral antérieur, le noyau réticulaire, le centre médian et lepulvinar. L’hypophonie et la dysarthrie s’expliqueraient par uneatteinte du noyau ventrolatéral, celle du noyau antérieur et desfaisceaux mamillothalamique et amygdalo-dorso-médian expliquantles troubles de la mémoire verbale. Pour rendre compte desparticularités sémiologiques des aphasies sous-corticales, Crossonfait l’hypothèse d’un « engagement sélectif » de l’attention en vuede la sélection lexicale, engagement dans lequel le thalamus joueraitun rôle essentiel. En effet, en langage spontané ou même endénomination, le choix lexical est une opération beaucoup moinscontrainte, parce que moins automatisée, que ne le sont par exemplela lecture ou la répétition. Il mobilise de ce fait une chargeattentionnelle élevée, et représente pour cette raison le maillon faiblede la chaîne de production verbale. La défaillance de cet engagementsélectif provoque une instabilité de l’interface lexicosémantique,d’où une sélection approximative dans un stock lexical par ailleursintact. Cette interprétation vise à expliquer la singularité de certainesparaphasies et la fréquence des glissements sémantiques, parfoisfavorisés par un certain degré de désinhibition où interviennent lesconnexions thalamofrontales. Les cas d’aphasie thalamique avecdéficits lexicosémantiques catégoriels (anomie pour les nomspropres [126] ou pour les termes médicaux [36]) sont des argumentssupplémentaires en faveur de l’implication du thalamus dans lesprocessus sémantiques.

Aphasies par lésions de la substance blanche

Comme l’ont montré Puel et al [145], une lésion sous-corticale donne,dans 50 % des cas, une aphasie de type « cortical » (Broca, Wernicke,

aphasie globale). L’imagerie fonctionnelle a révélé en pareil cas lerôle de l’hypométabolisme cortical à distance (diaschisis inter- etintra-hémisphérique), affectant l’activité neuronale des aires dulangage pourtant épargnées par la lésion [119, 127]. Le parallélismeparfois observé entre la régression du diaschisis et la récupérationaccrédite l’idée que l’aphasie, liée avant tout à une dysconnexion,n’est alors « sous-corticale » qu’en apparence, expliquant lesanalogies sémiologiques avec les aphasies classiques. Naeser et al [133]

puis Alexander (1989) [102] ont étudié des séries de patients ayant uneaphasie par lésions de la substance blanche sous-corticale, dont ilsont effectué un repérage topographique en secteurs :

– la substance blanche périventriculaire, comprenant un secteurantérolatéral situé autour des cornes frontales (qui inclut notammentle faisceau sous-calleux) et un secteur supérieur divisé en troisparties (tiers antérieur, moyen et postérieur) ;

– la substance blanche sous-corticale ;

– les isthmes frontal et temporal situés respectivement entre lesextrémités antérieure et postérieure du cortex insulaire et lesventricules latéraux ;

– la capsule interne (bras antérieur, bras postérieur et genou).Une lésion de la substance blanche périventriculaire antérolatéraleentraîne un mutisme transitoire suivi d’une réduction plus durabledu langage spontané. Il peut exister également un manque du motet parfois des paraphasies sémantiques, mais le défaut d’initiationde la parole et de l’écriture est le trouble essentiel. Ces symptômesrésulteraient d’une interruption des voies issues de l’aire motricesupplémentaire et du cortex moteur associatif. Une lésion de lasubstance blanche périventriculaire supéroantérieure donne dessymptômes identiques avec, en outre, une dysarthrie, unehémiparésie et une apraxie de la main gauche, dus à unedysconnexion à la fois intra-hémisphérique (entre le lobe pariétal etle cortex moteur associatif) et inter-hémisphérique entre les cortexmoteurs associatifs droit et gauche. Une lésion de la substanceblanche supéropostérieure est pratiquement sans effet sur le langage.Une lésion combinée de la substance blanche antérolatérale etsupérieure (tiers antérieur et moyen) suffit, en coupant à la fois lavoie motrice et le faisceau sous-calleux, à entraîner une suspensiondurable de l’expression orale ou une production réduite à quelquesstéréotypies. Ces lésions multiples de la substance blanchepériventriculaire joueraient un rôle primordial dans les formespersistantes d’aphasie de Broca. Une lésion de la partie antérieurede l’isthme temporal donnerait un trouble modéré de lacompréhension du langage oral en interrompant les connexionsentre le corps genouillé médian et le cortex auditif, déficit encoremajoré en cas de lésion périventriculaire supéropostérieure associée.Une lésion postérieure de l’isthme temporal serait responsable d’untableau proche de l’aphasie transcorticale sensorielle.Les atteintes de la substance blanche sous-jacente à l’opercule frontalou au cortex central inférieur sont associées à des paraphasiesphonémiques. La dysconnexion ainsi réalisée entre l’aire deWernicke et l’opercule frontal serait une des causes possibles dessubstitutions phonémiques particulièrement fréquentes dansl’aphasie de conduction.

CORRÉLATIONS ANATOMOCLINIQUESDES SYMPTÔMES APHASIQUES (tableau II)

L’analyse neuropsychologique d’un trouble du langage ne permetpas toujours d’aboutir à un diagnostic syndromique précis. Letableau de chaque patient, s’il peut être inclus dans l’une desgrandes catégories de la classification précédente, présente souventdes spécificités qui nécessitent une analyse plus poussée. L’étudedes symptômes pris isolément a l’avantage d’une moindreambiguïté dans les définitions, et elle offre la possibilité d’unequantification (pourcentage d’erreurs ou de réussite à des épreuvesde dénomination, compréhension, fluence) et d’une qualification(proportion des différents types de paraphasies, ou des erreursphonologiques versus lexicales, par exemple) que ne permet pasl’approche syndromique globale. Malgré ce surcroît de précision, les

CORTEX FRONTAL

CORTEXMOTEUR

CLA

CLP

CORTEXVISUEL

Boucleaudiphonatoire

CORTEXAUDITIF

NC PALL

SYSTÈMESÉMANTIQUE

V A

PUL

CM

NR

__

_

+

+

FA

+

FRAA

4 Rôle présumé des structures sous-corticales dans le contrôle de la productiondu langage. D’après Crosson [35, 36]. Le pallidum (PALL) inhibe en permanencele noyau ventral antérieur (VA). Le noyau caudé (NC), lorsqu’il est stimulé, inhibe lui-même le pallidum. Lorsqu’un segment linguistique est formulé par le « cortex linguis-tique antérieur » (CLA), celui-ci active partiellement le noyau caudé, mais cette actionest insuffisante pour mettre en marche le système. Grâce aux connexions entre CLAet CLP (« cortex linguistique postérieur »), lesquelles passeraient notamment par lepulvinar (PUL), le contenu sémantique du segment linguistique formulé par le CLAest contrôlé par le CLP, qui active à son tour le noyau caudé. Le niveau d’activationde celui-ci devient alors suffisant pour inhiber le pallidum, levant l’inhibition du VAet permettant l’exécution du programme moteur nécessaire à l’énonciation de la phrase.Le thalamus reçoit également les projections du cortex frontal relayées en partie par lenoyau réticulaire (NR), et de la formation réticulée activatrice ascendante (FRAA) re-layée par le centre médian (CM). Des opérations réalisables sans recours au système sé-mantique comme la répétition et la lecture à haute voix, sont assurées par l’ensembleCLP-faisceau arqué (FA)-CLA, et ne sont pas affectées par l’atteinte du dispositif pré-cédent

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

22

Page 23: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

résultats des études à visée épidémiologique et de corrélationlésionnelle portant sur les caractéristiques élémentaires des troublesdu langage se heurtent à une difficulté que la plus précise desméthodologies ne peut vaincre, celle de la variabilité étiologique.Les modifications du langage dues à une lésion cérébrale sontinfluencées non seulement par la topographie de la lésion, mais parla nature et la vitesse d’installation de celle-ci, deux facteurs ayantune influence décisive sur la réorganisation fonctionnelle ducerveau, sur laquelle va, en définitive, reposer le tableau cliniqueobservé. Les données supposées acquises sur les corrélations clinico-anatomiques des symptômes aphasiques sont donc à nuancersensiblement en fonction de l’étiologie et de l’évolution de lamaladie causale. Ces importantes réserves étant faites, nous faisonsfigurer dans le tableau II ces corrélations, tirées d’études portant surdes séries de patients cérébrolésés examinés par IRM [3, 93].

CERVEAU ET LANGAGE

¶ Aires de Broca et de Wernicke

L’aire de Broca est le support de la fonction syntaxique du langage.Cette fonction comprend non seulement l’utilisation des motsgrammaticaux, mais aussi le maniement des verbes et, en particulier,de l’expression et de la compréhension des verbes d’action. Lesautres éléments de l’ensemble syndromique constituant l’« aphasiede Broca », telle qu’elle fut décrite par son auteur, sont imputables àl’atteinte de structures avoisinantes : cortex moteur operculaire(troubles arthriques et phonétiques), cortex pariétal inférieur(troubles phonémiques), cortex frontal dorsolatéral (dynamique dudiscours, mémoire de travail verbale, incitation verbale, inhibitiondes persévérations, cohérence sémantique). L’aire motricesupplémentaire et le gyrus cingulaire gauche interviendraient dansl’incitation verbale, et les structures sous-corticales dans les aspectsmoteurs, ainsi que dans la cohérence sémantique.

L’anatomie fonctionnelle de l’aire de Wernicke a été décrite sous desformes tellement variées qu’il est difficile de prétendre actuellementen donner une vision exacte ou même cohérente [ 1 8 7 ] .Schématiquement, il est possible de retenir que la partie postérieuredu gyrus temporal moyen et les régions avoisinantes (aires 22, 21 et37 de Brodmann) sont concernées par le traitement lexical et lacorrespondance lexicosémantique. Des sous-spécialisationscatégorielles semblent exister, avec une relation fonctionnellepréférentielle entre les noms d’animaux et êtres animés et le cortextemporal latéral inférieur, les noms d’objets manufacturés et le cortextemporal postérosupérieur à la jonction avec le lobe pariétal. Legyrus temporal supérieur et le gyrus supramarginal (aire 40) sont,quant à eux, responsables du traitement phonologique, ainsi que dela mémoire verbale à court terme. Le gyrus temporal supérieur lui-même répond à la stimulation par des sons de parole (stimulationphonétique), mais seule sa partie antérieure serait activée lorsque lestimulus forme un message intelligible [157].

¶ Architecture tridimensionnelle des aires cérébralesdu langage

Alexander [3] a proposé les correspondances suivantes entre lesstructures de l’hémisphère cérébral gauche et le langage envisagécomme un ensemble de systèmes fonctionnels complémentaires :

– un système d’initiation impliquant l’aire motrice supplémentaireet peut-être le cingulum antérieur. Ces structures projettent sur lecortex frontal dorsolatéral via la substance blanche périventriculaireantérolatérale ;

– un système de production de la parole assurant la qualité del’articulation et du volume vocal incluant l’opercule frontal et lecortex moteur inférieur, qui projettent sur les noyaux gris centraux(putamen et noyaux caudés) via la substance blanche

Tableau II. – Corrélations des symptômes aphasiques (d’après [3] et [93]).

Symptômes Lésions

Surdité verbale pure Aires 41 et 42 (gauches ou bilatérales)

Alexie pure Lésion occipitale gauche :- cortex + splénium- substance blanche sous-corticale

Troubles lexicosémantiques • Néocortex temporal gauche (aires 41, 42 et 22)

• Troubles de la compréhension- trouble purement verbal- trouble sémantique

- dissociation en fonction du contenu :- objets animés (prépondérance des processus d’identification)- objets inanimés (prépondérance des processus d’utilisation)

- dissociation en fonction du statut grammatical- noms- verbes

• Anomie- langage spontané et épreuves de dénomination- langage spontané seulement- par entrée visuelle

- lésion limitée- lésion étendue (22, 37, 40)

- lésion inférieure (temporo-occipitale)- lésion supérieure (temporopariétale)

- cortex temporal- cortex frontal dorsolatéral ou pariétal

- aires corticales périsylviennes et toute lésion étendue- lésions sous-corticales- lésion occipitale gauche

Paraphasies verbales • Lésions frontales, temporales et sous-corticales

Persévérations • Noyau caudé

Paraphasies phonémiques • Aires 40 et 22

Réduction de la production orale« Aphasies non fluentes »

• Lésions frontales postéro-inférieures et sous-corticales• Lésions frontales sous-corticales étendues• Putamen• Lésions rolandiques et sous-rolandiques

Syntaxe et discours• Pertes de l’initiative verbale, mutisme régressif• Déficit plus durable• Troubles du discours (lacunaire, tronqué, diffluent)

• Syntaxe

• Aire motrice supplémentaire et/ou gyrus cingulaire antérieur• Lésion associée du corps calleux et de la substance blanche adjacente- Cortex préfrontal- Structures sous-corticales• Aire de Broca

Répétition Insula et capsule externe

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

23

Page 24: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

périventriculaire supérieure antérieure et moyenne, le genou de lacapsule interne et la partie postérieure du bras antérieur de lacapsule interne ;

– un système d’organisation phonémique impliquant l’operculefrontal, le cortex moteur inférieur et leurs efférences (substanceblanche périventriculaire supérieure, antérieure et moyenne), ainsique l’aire de Wernicke et ses connexions vers l’opercule frontal quicheminent dans la substance blanche sous-corticale ;

– un système de compréhension auditive comprenant le cortex auditif,l’aire de Wernicke, le cortex associatif temporopariétal et lesprojections du thalamus sur le cortex d’association auditif vial’isthme temporal ;

– un système sémantique qui impliquerait le thalamus antérieur etlatéral, la jonction temporo-occipito-pariétale, ainsi que leursconnexions empruntant l’isthme temporal postérieur et la substanceblanche périventriculaire postérieure et supérieure.

APPORTS DE L’IMAGERIE FONCTIONNELLE (tableau III)

Les hypothèses visant à corréler les processus cognitifs à l’anatomiecérébrale doivent désormais se confronter non plus seulement auxdonnées morphologiques, mais à celles de l’imagerie fonctionnelle.

¶ Techniques

L’imagerie fonctionnelle utilise trois types de protocoles :

– études du débit sanguin et/ou du métabolisme cérébral régionalau repos chez les aphasiques, permettant d’une part d’identifier desrégions hypométaboliques au-delà des lésions vues en imageriemorphologique (diaschisis) et, d’autre part, d’effectuer descorrélations clinicométaboliques ;

– études d’activation chez des aphasiques visant à comprendre lesmécanismes de la récupération ;

– études d’activation chez le sujet normal visant à repérer lesrégions cérébrales dont le métabolisme est modifié au cours d’unetâche donnée.Les études au repos font généralement appel à la TEP, les activationsà la TEP ou à l’IRMf.Nous avons fait figurer dans le tableau III un choix de donnéesrecueillies chez le sujet sain ou aphasique, au repos ou en activation.Compte tenu de la véritable explosion que connaît aujourd’hui larecherche dans ce domaine, cette brève mise au point doit êtreconsidérée comme provisoire.

¶ RésultatsLes premières mesures du débit sanguin cérébral chez des patientsaphasiques remontent à 1978 [172], montrant pour la première fois unediminution du débit sanguin cérébral plus étendue que la lésionvisible au scanner. La confirmation que cet hypodébit reflète enréalité un hypométabolisme à distance de la lésion a été apportéepar la TEP dès 1981 [119]. L’intérêt de ces constatations est renforcé

Tableau III. – Études en imagerie fonctionnelle chez le sujet sain ou aphasique.

Références Étude Imagerie Sujets Résultats

Kircher et al, 2000 [89] Génération de mot : commentaire sur test de Rors-chach

IRMf Volontaires sains Corrélation entre production verbale et aires 22, 39et 40 gauches

Bookheimer et al, 2000 [18] Langage « automatique » : répétition de pho-nèmes, mois de l’année, passage de prose apprispar cœur

IRMf Volontaires sains Mois versus phonèmes : activation postérosupé-rieure du cortex temporal postéro supérieur GRécit versus mois : aire de Broca G

Embick et al, 2000 [53] Lecture : détection d’erreurs syntaxiques versusorthographiques

IRMf Volontaires sains Activation prédominante de l’aire de Broca aucours de la tâche syntaxique

Hickok et al, 2000 [75] Dénomination subvocale IRMf Volontaires sains Activation région dorsale postérieure du gyrustemporal supérieur gauche

Ohyama et al, 1996 [137] Répétition de mots TEP Volontaires sains Activation bilatérale à prédominance gauche ducortex frontal postéro-inférieur et temporal posté-rosupérieur

Ohyama et al, 1996 [137] Répétition de mots TEP Aphasiques Activation droite plus marquée que chez les volon-taires sains, mais performances corrélées à l’activa-tion gauche

Scott et al, 2000 [157] Compréhension orale : sons versus phonèmesversus parole intelligible

TEP Volontaires sains Activation du sillon temporal supérieur par laparole, mais de sa partie antérieure seulement sielle est intelligible

Friederici et al, 2000 [65] Compréhension orale : phrases versus listes demots et de non-mots

IRMf Volontaires sains Langage normal : activation aires auditives pri-maires et secondaires bilatéralesTraitement syntaxique : opercule frontal gauche

Mummery et al, 1999 [132] Audition parole versus bruit TEP Volontaires sains Activation temporale postérosupérieure gauche

Mummery et al, 1999 [132] Audition parole versus bruit TEP Aphasiques Activation temporale postérosupérieure droite

Weiller et al, 1995 [185] Compréhension orale et génération de verbes TEP Volontaires sains Activation aires de Wernicke et Broca (générationde verbes) gauches et, à un moindre degré, droites

Weiller et al, 1995 [185] Compréhension orale et génération de verbes TEP Aphasie de Wernicke Activation aire de Broca gauche et aires de Broca etWernicke droites

Rosen et al, 2000 [151] Génération de mots versus lecture IRMf Infarctus FIG (aire de Broca) Activation aire de Broca D ; activation résiduelleaire de Broca G corrélée aux performances

Miura et al, 1999 [121] Tâches verbales IRMf 1 aphasie de Broca Activation croissante de l’aire de Broca gaucheavec la récupération

Adair et al, 2000 [1] Lecture de non-mots avant et après rééducation TEMp 1 alexie phonologique Apparition d’une activation hémisphérique droite(cortex périsylvien postérieur et aire de Broca)après rééducation

Calvert et al, 2000 [124] Épreuve de rimes IRMf 1 aphasie de Broca Activation frontale droite symétrique de l’aire deBroca

Certains résultats ont été présentés de façon séparée pour plus de clarté. Les « résultats » mentionnés dans ce tableau, résumés en quelques mots, ne donnent qu’une idée très incomplète des travaux réalisés, et le lecteur intéressé est invitéà se reporter aux articles originaux. IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle; TEP : tomographie par émission de positons ; TEMP : tomographie par émission monophotonique ; FIG : frontal inférieur gauche ; G : gauche ; D :droit(e).

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

24

Page 25: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

par les études de débit sanguin et/ou de métabolisme cérébral aucours de la récupération des syndromes aphasiques. Pionniers en cedomaine, Weiller et al [185] ont mesuré le débit sanguin cérébral aurepos, puis au cours d’une tâche de langage chez des patients ayantrécupéré d’une aphasie de Wernicke, et comparé les résultats avecceux d’un groupe de sujets normaux. Chez ces derniers, les tâcheslinguistiques entraînaient une augmentation du débit sanguincérébral affectant presque exclusivement les aires corticalestemporales et frontales gauches, tandis que chez les patientscérébrolésés, l’augmentation portait également sur les aireshomologues de l’hémisphère droit. Ces résultats suggèrent que larécupération de l’aphasie repose en partie sur la mise en œuvre dezones hémisphériques droites qui ne sont pas mises en jeu par lelangage en temps habituel. Malheureusement, comme l’ont montrédes études en TEP ou en IRMf [121, 137, 151], la compétence linguistiquede ces aires vicariantes est généralement insuffisante pour assurerune récupération de qualité. Dans les trois études citées, les patients,aphasiques en cours de récupération, soumis à des tâches delangage, voient leur débit sanguin augmenter lors de cette activationdans des proportions variables, mais la qualité de la récupérationclinique est seulement corrélée à l’activation des aires corticalesgauches juxtalésionnelles épargnées par la lésion, et jamais auxactivations des aires corticales homologues de l’hémisphère droit.Par conséquent, chez les sujets adultes clairement latéralisés, leschances de récupération reposent avant tout sur la préservationd’une partie des aires normalement dévolues au langage au niveaude l’hémisphère gauche.

LANGAGE ET PRÉFÉRENCE MANUELLE

La dominance gauche pour le langage varie de façon linéaire avec lapréférence manuelle, passant de 96 % chez les droitiers stricts à 27 %chez les gauchers stricts [90]. Ces chiffres montrent aussi que chez lestrois quarts des gauchers, une lésion gauche risque d’être génératriced’aphasie, et que d’authentiques aphasies croisées peuvent survenirchez seulement 4 % des droitiers. Chez les droitiers, les lésionshémisphériques droites symétriques des aires du langage dansl’hémisphère gauche donnent des troubles de la prosodie ou dumaniement d’aspects implicites du langage, ainsi que de lareconnaissance de ces caractéristiques chez l’interlocuteur, suivantque les lésions sont antérieures ou postérieures (voir supra). Lessujets gauchers ayant une dominance gauche pour le langage ont,comme les droitiers, un planum temporale plus étendu à gauchequ’à droite, mais aussi un corps calleux plus épais que les sujetsdont la dominance manuelle et linguistique concorde [122]. Ce faitsuggère que la répartition dans les deux hémisphères desreprésentations motrices liées à la dominance manuelle et des airesdu langage se traduit par une nécessité accrue de communicationinterhémisphérique.

Troubles de la paroleen dehors de l’aphasieIl s’agit des troubles dus à la perturbation de la motricité desorganes phonatoires, quelle qu’en soit la cause : affections desmuscles, de la plaque motrice, du nerf périphérique, du systèmepyramidal et des systèmes de contrôle cérébelleux etextrapyramidal. L’examen neurologique commence par l’écoute dela production du malade et l’examen des organes phonatoires. Lesrésultats de l’écoute sont entachés de subjectivité et l’examen nepermet pas toujours un diagnostic précis. Si nécessaire, on peutcompléter cet examen par un enregistrement de la productionvocale, permettant une analyse plus précise des capacitésarticulatoires, de la prosodie, de la qualité de la voix et du débit. Ilest classique de proposer des épreuves de tenue de son, de répétitionde phrases incluant les intonations déclaratives, interrogatives etexclamatives. Cet examen apporte des indications sur la hauteur, letimbre et l’intensité de la voix et permet d’identifier les altérationsde la parole : faiblesse articulatoire, explosion excessive,assourdissement, imprécision des phonèmes.

Des méthodes instrumentales peuvent être utilisées en milieuspécialisé. La laryngoscopie indirecte ou mieux directe parfibroscope nasal permet de voir l’aspect des cordes vocales et leurmobilité. La laryngostroboscopie permet l’examen dufonctionnement des cordes vocales au cours de la voix chantée. Lesexamens électromyographiques et cinéradiographiques renseignentsur l’amplitude des mouvements articulatoires et les mesuresaérodynamiques étudient les mouvements d’expansion et decontraction du thorax et le volume d’air utilisé lors de la respirationet lors de la phonation. Les études acoustiques reposent surl’examen oscillographique. Il s’agit de l’analyse physique de l’ondesonore qui est visualisée sur un écran cathodique et peut être filmée.Cette technique permet l’analyse de l’intensité sonore, de lafréquence fondamentale, de la structure acoustique et de la duréedes différents segments de la parole (phonèmes, mots, phrases), ainsique de la durée des pauses.

TROUBLES DE LA VOIX (DYSPHONIES)

Leur diagnostic repose sur la laryngoscopie, montrant l’aspect et lamobilité des cordes vocales, et sur l’examen neurologique qui meten évidence d’éventuels troubles associés. On décrit des paralysieset des dysphonies fonctionnelles.

¶ Dysphonies paralytiques

L’innervation des muscles laryngés est assurée en totalité par ladixième paire crânienne ou nerf pneumogastrique (X). Dans laparalysie des cordes vocales par atteinte du X, la voix est faible,parfois chuchotée, soufflée ou présente des cassures en fausset. Desvariantes existent selon que l’atteinte est uni- ou bilatérale (lestroubles sont évidemment plus marqués dans ce dernier cas) et selonque la totalité du territoire du nerf ou seulement certaines de sesbranches sont atteintes. Les atteintes globales sont dues soit à unelésion centrale (bulbaire), soit à une neuropathie, les lésionspartielles à une compression distale (intrathoracique ou cervicale).Dans les lésions totales, une paralysie du voile avec nasonnement ettroubles de la déglutition s’ajoute aux troubles de la voix. Uneparalysie bilatérale des nerfs récurrents fixe les cordes vocales enadduction, donnant une dyspnée inspiratoire intense associée à unedysphonie. Une dyspnée laryngée sans dysphonie doit faire évoquerun syndrome de Gerhardt (paralysie sélective des dilatateurs de laglotte), qui peut être d’origine centrale (atteinte partielle du noyauambigu au cours du syndrome de Shy et Drager), ou périphérique(polyradiculonévrite). On décrit enfin des cas de paralysieidiopathique des cordes vocales, plus souvent unilatérale (plusfréquente à gauche) que bilatérale, d’évolution régressive et quiconstitueraient une forme de mononeuropathie des nerfs crâniens.

¶ Dysphonies « fonctionnelles »– Des phénomènes de conversion hystérique peuvent comportermutisme ou voix chuchotée, ou soufflée, enrouée, en fausset. Lediagnostic se fait sur la conservation de la toux qui atteste d’unecapacité conservée de fermeture glottique.

– La dysphonie spasmodique est une forme de dystonie focale. Lavoix est heurtée, bégayante, étranglée, produite avec effort. Letrouble est variable, exagéré lors des émotions, parfois absent lorsd’une émission imprévue. À la laryngoscopie, il existe un spasmeen adduction des cordes. Elle peut s’accompagner d’un tremblementde la voix. Son traitement repose sur l’injection locale de toxinebotulinique.

TROUBLES DE L’ARTICULATION (DYSARTHRIES)

¶ Sémiologie des dysarthriesDarley et al [40] distinguent :

– une dysarthrie flasque (paralysies périphériques :polyradiculonévrites, myasthénie, paralysie bulbaire progressive) :faiblesse articulatoire, forte nasalité, découplage de la parole et de larespiration ;

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

25

Page 26: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

– une dysarthrie spastique (syndromes pseudobulbaires) : faiblessearticulatoire, parole lente, de tonalité basse, voix rauque etétranglée ;

– une dysarthrie ataxique (syndromes cérébelleux) : accentuationexcessive et inégalement répartie, prolongation des phonèmes et desintervalles, irrégularités dans la parole spontanée et la répétition,lenteur d’élocution, intensité vocale souvent excessive et irrégulière ;

– une dysarthrie hypokinétique (maladie de Parkinson) : parolemonotone dans sa hauteur et son intensité, d’intensité globalementréduite, de rapidité variable, comportant de courtes accélérations etdes silences inappropriés, parfois, une palilalie ;

– une dysarthrie hyperkinétique rapide des chorées où la précision del’articulation, le nasonnement et l’intensité varient rapidement d’unmoment à l’autre, celle des myoclonies où existent des interruptionsrythmiques de la parole et des nasonnements et celle du syndromede Gilles de la Tourette.

– une dysarthrie hyperkinétique lente (athétose, dyskinésies etdystonies) : variations de la qualité articulatoire, prosodie excessiveet inadaptée, troubles intermittents de la voix ;

– une dysarthrie des tremblements (surtout tremblement essentiel) :voix chevrotante du fait d’altérations rythmiques en hauteur et enintensité ;

– une dysarthrie mixte : (SLA, SEP, maladie de Wilson) (voir infra) ;

– sclérose latérale amyotrophique combinant une atteintepériphérique et pyramidale ;

– sclérose en plaques qui combine des éléments paralytiques etcérébelleux ;

– maladie de Wilson de type hypokinétique avec monotonie del’accentuation, baisse de la hauteur et de l’intensité se distinguantde la dysarthrie parkinsonienne par l’absence d’épisoded’accélération.

¶ Étiologie des dysarthries

Accidents vasculaires cérébraux

Le syndrome dysarthrie-main malhabile [61] comporte une parésiefaciale centrale, une dysarthrie et une dysphagie combinées à uneincoordination manuelle unilatérale, de mécanisme tantôtcérébelleux tantôt ataxique. Deux topographies lésionnelles sontpossibles : le pied de la protubérance à l’union du tiers supérieur etdu tiers moyen ou le genou de la capsule interne dans sa partiesupérieure, régions où les fibres pyramidales sont relativementdispersées et où une atteinte sélective du contingent corticobulbaireest possible. Un tableau analogue pourrait être dû à un infarctuscortical, mais il existe alors un trouble sensitif péribuccal associé.Une dysarthrie mixte (parétique et cérébelleuse) accompagneégalement le syndrome d’hémiparésie ataxique, dû à une lésionprotubérantielle ou capsulaire interne. Une dysarthrie parétique estfréquente au cours des lésions vasculaires sous-corticales affectantla voie motrice principale ou les noyaux gris, et peut même résumerla symptomatologie après lésion putaminale.

Autres causes

Les causes des dysarthries sont trop nombreuses pour être passéesen revue ici. Nous insisterons seulement sur celles dont le diagnosticpeut être difficile parce qu’elles constituent le signe inaugural ouprédominant de la maladie.Dans la sclérose latérale amyotrophique à début bulbaire et surtoutpseudobulbaire, la parole est lente, l’articulation faible, la voixnasonnée, rauque et étranglée avec une perte de la prosodie. Lamotilité de la langue est réduite. Des troubles de la déglutitionpeuvent être associés. En cas d’atteinte du motoneuronepériphérique, l’examen montre une atrophie et des fasciculations dela langue, avec, à l’électromyogramme (EMG), des signesneurogènes dans la houppe du menton ou la langue et, en cas

d’atteinte centrale, une exagération du réflexe massétérin et unelabilité émotionnelle. La conservation du réflexe du voile contrasteavec une motilité volontaire médiocre.La myasthénie peut réaliser un tableau très proche, mais il n’y a nifasciculations de la langue ni signes centraux. On peut recueillir lanotion d’une variabilité des troubles ou la mettre en évidence parune épreuve de fatigabilité phonatoire (par exemple, compterjusqu’à 100). Le diagnostic repose sur le test à la prostigmine ou auchlorure d’édrophonium.Dans la sclérose en plaques, de brefs épisodes de dysarthrie sont unexemple typique des manifestations paroxystiques de la maladie.Dans la maladie de Wilson, la dysarthrie serait, en fréquence, ledeuxième signe révélateur après le tremblement. Il s’agit d’unedysarthrie typiquement hypokinétique avec une parole lente,monotone et de faible volume qui s’évanouit avant la fin de laphrase. Sa survenue chez un adolescent doit absolument faireévoquer le diagnostic. Il s’y associe souvent une modification dufaciès avec un aspect figé et un peu grimaçant et une rétraction de lalèvre supérieure qui donne au malade un air souriant mais niais.Une dysarthrie progressive peut marquer le début d’unedégénérescence corticobasale ou d’une atrophie corticale focaleprogressive (voir « Étiologies »).

BÉGAIEMENT

Il s’agit d’un trouble de la parole caractérisé par des répétitions ouprolongations involontaires de l’émission d’un son : syllabe ou mot.Il s’y associe souvent une activité accessoire de l’appareil dulangage, donnant l’apparence d’une lutte ainsi qu’un état émotionnelavec peur, tension, irritations [152]. Le bégaiement se rencontre plussouvent chez l’homme que chez la femme et nettement plus souventchez l’enfant que chez l’adulte, ce qui implique que beaucoup decas, trois sur quatre environ, guérissent en chemin. L’incidencefamiliale et même génétique est certaine puisque le bégaiement estconcordant à 90 % chez les jumeaux vrais et à 20 % chez lesdizygotes.Le bégaiement disparaît lors du chant, de la parole en inhalation et,le plus souvent, de la lecture à haute voix. L’audition d’un bruitblanc ou de la parole différée du patient le fait également disparaître,ce qui impliquerait le contrôle auditif dans la pathogénie destroubles. Mais l’attention est surtout retenue par la possibilité d’undésordre laryngé. Les blocages surviennent le plus souvent au débutdes phrases et souvent à la transition entre sons voisés quidemandent une adduction des cordes et sons non voisés quis’accompagnent de leur relâchement. Surtout, on a observé chez lesbègues un trouble de la relation entre agonistes et antagonistes dularynx. Ce trouble peut être observé chez les bègues, même lorsquela parole apparaît fluente, mais non dans l’imitation du bégaiement,par des bègues ou des sujets normaux.Différentes théories du bégaiement ont été proposées [143]. Certainesinsistent sur le rôle de la dominance cérébrale pour le langage quiserait imparfaite chez ces sujets. Les études de dominance manuelleont donné des résultats incertains. Les autres théories sont d’ordrepsychodynamique : le bégaiement normal du jeune enfant quiapprend la parole par essais et erreurs serait pérennisé par uneattitude inadéquate de l’entourage qui cristallise autour de la paroleanxiété et crainte de l’échec. Malgré un large succès d’opinion, cesthéories ne semblent pas avoir été suivies de résultatsthérapeutiques satisfaisants.Des lésions cérébrales peuvent être responsables d’unpseudobégaiement [101], présentant des différences sémiologiquesavec le bégaiement idiopathique : les blocages ne surviendraient passeulement au début des phrases et persisteraient dans la lecture, larépétition et le chant. Les lésions sont vasculaires ou traumatiques,concernant le plus souvent les aires motrices ou les noyaux gris [68].La lésion responsable peut être droite ou gauche. Dans ce derniercas, le trouble est souvent associé à une aphasie sans qu’il y aittoutefois de parallélisme dans l’évolution. Certains cas d’aphasietranscorticale motrice peuvent faire exception : la difficulté à

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

26

Page 27: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

progresser dans le discours, la tendance à la répétition peuvent êtredirectement responsables du bégaiement. Un bégaiement del’enfance disparu peut aussi réapparaître à l’occasion d’une affectionneurologique, accident vasculaire cérébral [131] ou maladie deParkinson [163].

Aphasie de l’enfant

L’aphasie de l’enfant est « un trouble du langage consécutif à uneatteinte objective du système nerveux central et survenant chez unsujet ayant déjà acquis un certain niveau de connaissanceverbale » [160], c’est-à-dire l’âge d’acquisition des premières phrases,estimé en moyenne à 2 ans [179]. Un trouble du langage plus précoceentre dans la catégorie des « dysphasies de développement ». Lediagnostic d’aphasie chez l’enfant exclut aussi les troubles de lacommunication liés à un déficit sensoriel ou intellectuel, à unautisme ou à une psychose, et les troubles de la parole comme lebégaiement. Un mutisme peut être délicat à interpréter, car il peutreprésenter la phase initiale d’une aphasie aiguë.

SÉMIOLOGIE

Les progrès des connaissances du développement du langage del’enfant et l’analyse plus fine des troubles d’expression et decompréhension ont montré que la sémiologie est moins éloignéequ’on ne le croyait autrefois de celle de l’adulte, avec cependant unemeilleure récupération dont les mécanismes restent hypothétiques.Dans 85 % des cas, les troubles expressifs prédominent sur lestroubles de compréhension et la réduction peut aller jusqu’aumutisme à la phase initiale. En fait, certains mutismes,posttraumatiques notamment, sont dus à une inhibitionpsychologique qu’il faut savoir lever pour mettre en évidence lasémiologie proprement aphasique. La syntaxe serait plus incorrecteque simplifiée [2]. Dans ce domaine, il est très important de compareravec l’expression de l’enfant du même âge, tout en sachant qu’ilexiste une grande variabilité dans le développement normal. Lestroubles articulatoires seraient fréquents, sans toutefois destéréotypies ni de persévérations motrices [2], mais les étudesdonnent des résultats contradictoires.Les aphasies sensorielles sont, comme chez l’adulte, marquées pardes troubles de la compréhension, une articulation et une syntaxeconservées et des paraphasies. Contrairement à ce qui est observéchez l’adulte, il semble exister, avant l’âge de 8 ans, une corrélationinverse entre l’abondance des paraphasies et la fluidité du débitverbal. L’influence de l’âge de survenue de l’aphasie sur l’intensitédes troubles de la compréhension est débattue [2]. En revanche,quand ils sont importants à la phase aiguë, ces troubles semblent depronostic défavorable [180].Toutes les autres formes classiques d’aphasie de l’adulte (aphasiestranscorticales motrice et sensorielle, aphasie de conduction) ontégalement été décrites chez l’enfant, avec des localisationslésionnelles analogues, suggérant une spécialisation précoce desaires cérébrales du langage.Les troubles de la lecture peuvent être importants et durables. Ilspeuvent impliquer l’analyse graphémique, le décodage et lacompréhension. Quant aux capacités d’écriture, elles n’ont donnélieu à aucune étude détaillée. Cependant, Alajouanine et Lhermitte [2]

et Hécaen [72] ont rapporté que le langage écrit était plus perturbéque le langage oral et que ces difficultés avaient tendance à persister,pouvant jouer un rôle important dans l’échec scolaire ultérieur deces enfants.

ÉTIOLOGIES

Les traumatismes crâniens sont la première cause d’aphasie chezl’enfant. L’aphasie succède souvent à un coma initial suivi d’unephase de mutisme akinétique. Le pronostic est lié à la gravité deslésions plus encore qu’à l’âge. Les accidents vasculaires (dus à des

troubles de la coagulation, des malformations vasculaires ou descardiopathies emboligènes) donnent des aphasies identiques à cellesdes adultes ayant des lésions de même topographie. Même si cesaphasies vasculaires de l’enfant sont moins bénignes qu’on ne l’avaitsupposé autrefois, leur évolution est comparativement plusfavorable que chez l’adulte. Les infections bactériennes génératricesd’aphasie sont devenues rares chez l’enfant. En revanche,l’encéphalite herpétique est une cause d’aphasie sensorielle pouvantlaisser de lourdes séquelles. Les tumeurs, plus souvent localisées àla fosse postérieure qu’aux hémisphères cérébraux, sont une caused’aphasie beaucoup plus rare que chez l’adulte. Elles donnentsurtout lieu à une anomie.

PRONOSTIC ET RÉCUPÉRATION

Le pronostic est nettement plus favorable que chez l’adulte, mais 25à 50 % des enfants aphasiques auraient encore des troubles dulangage 1 an après le début [179]. Une épilepsie est un élémentdéfavorable. D’autre part, les lésions diffuses et/ou bilatérales(souvent d’étiologie infectieuse) sont de mauvais pronostic [181].Lenneberg [106] a esquissé une évolution en fonction de l’âged’acquisition de la lésion. De 18 mois à 3 ans, on observe une reprisede l’acquisition du langage après une brève période de mutismedont le caractère aphasique n’est pas démontré. Cette reprise se faitselon le schéma du développement normal : lallations, mots isolés,holophrases, mais à un rythme accéléré. Entre 3 et 4 ans, les troublesaphasiques sont rapidement résorbés. De 4 à 10 ans, le tableaud’aphasie de l’enfant typique (expression réduite, mais troubles decompréhension modérés) se résorbe plus lentement, sans que lavitesse de récupération soit clairement influencée par l’âge aumoment de la lésion [110].

« PRIX DE LA RÉCUPÉRATION » [179]

Lenneberg a considéré la plasticité cérébrale comme le facteurexpliquant la meilleure récupération de l’enfant. Cette plasticité apour conséquence le transfert des capacités de langage, que les airesinitialement prévues sont devenues incapables d’assumer, versl’hémisphère contralatéral ou vers d’autres aires du mêmehémisphère. Un effet pervers de ce mécanisme serait d’empêcher lesaires nouvellement investies de fonctions linguistiques d’accomplirleur spécialisation dans des processus non verbaux, expliquant ainsiune partie des difficultés scolaires que rencontrent les enfantsaphasiques en cours de récupération dans de multiples domainescognitifs autres que le langage. Une autre explication pour cesdifficultés serait la présence de lésions présentes initialement auniveau de ces mêmes aires « vicariantes », mais passées inaperçuesen raison de leur relative discrétion par rapport à l’aphasie. Lesconséquences de ces lésions sur les capacités cognitives non verbalesdeviendraient apparentes à la reprise d’une activité nécessitant unemobilisation de l’ensemble du fonctionnement cérébral.

SYNDROME DE LANDAU-KLEFFNER

Le syndrome de Landau-Kleffner (SLK) associe une aphasie acquiseet des anomalies paroxystiques à l’électroencéphalogramme (EEG),ainsi qu’une épilepsie dans 70 % des cas [99]. Les deux tiers despatients sont des garçons. Le début se fait dans 80 % des cas entre 3et 8 ans, dans 45 % des cas par une aphasie, dans 16 % des cas parune épilepsie et dans 17 % par les deux simultanément [9]. L’aphasiedébute par des troubles de la compréhension orale, pouvant êtrepris pour une surdité, puis comporte des paraphasies et des erreursphonémiques, une inattention et une agnosie auditives. Il peut s’yassocier une hyperkinésie. Dans les cas les plus précoces (10 %),l’aphasie peut se présenter comme un retard de langage. Les testsmontrent une préservation des capacités non verbales. Les crisesd’épilepsie, quand elles surviennent, peuvent évoquer une épilepsieà paroxysmes rolandiques, ou se présenter sous la forme declignements, de déviation du regard, de petits automatismesmoteurs ou de chute de la tête, suivis ou non d’une généralisation

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

27

Page 28: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

secondaire. L’EEG est un élément essentiel du diagnostic. Il montre,sur une activité de fond normale, des pointes et pointes-ondes degrande amplitude à 2 Hz de topographie variable dans l’espace etdans le temps, mais à prédominance temporale (50 % des cas) outemporo-occipitale (un tiers des cas). Ces anomalies sont bilatérales,mais il a été montré par des tests pharmacologiques que le point dedépart est unilatéral avec une diffusion contralatérale [129]. Lesanomalies sont accentuées au cours du sommeil lent, où ellespeuvent prendre l’aspect d’un état de mal. Les signes EEG sont lesplus fréquents entre 3 et 5 ans, et disparaissent toujours au plus tardaprès 15 ans.L’imagerie morphologique (scanner et IRM) est normale. Lesmesures de débit sanguin et de métabolisme cérébral peuventmontrer des zones d’hypo- ou d’hypermétabolisme correspondantaux foyers EEG [37, 71]. Les anomalies métaboliques sont purementcorticales, sans altérations au niveau du thalamus [114]. La magnéto-encéphalographie et les enregistrements par électrodes corticales ontdémontré que le maximum des anomalies paroxystiques se situe àla partie postérieure de la face dorsale de la première circonvolutiontemporale, en arrière du gyrus de Heschl [129]. L’évolution destroubles du langage est d’autant plus sévère que le début estprécoce, pouvant aboutir à un tableau proche d’une surdi-mutité. Àl’inverse, l’épilepsie est peu invalidante et régresse toujourstotalement avant l’âge de 15 ans. La normalisation de l’aphasie suitcelle des tracés EEG. Cependant, 10 % des enfants gardent uneaphasie grave, et 40 % des difficultés suffisantes pour compromettreleur insertion scolaire et sociale ultérieure.Le diagnostic différentiel [171] comporte l’autisme et les retardsglobaux de développement (dans lesquels les troubles cognitifs sontplus diffus), les retards mentaux symptomatiques (dans lesquels ilexiste des anomalies cliniques et en imagerie), les épilepsiesbénignes de l’enfant (où il n’y a pas de troubles du langage), et lesaphasies de développement (où manquent les signes EEG).Le SLK est aujourd’hui considéré comme une forme clinique dusyndrome de pointes-ondes continues du sommeil lent (POCS) [48,

171]. L’activité épileptique persistante bilatérale empêcherait, auniveau d’un cortex temporal encore immature, la formation desréseaux neuronaux nécessaires à l’acquisition du langage, sanspossibilité de compensation par le cortex contralatéral(contrairement aux aphasies lésionnelles, dont la récupération estbien meilleure chez l’enfant).L’épilepsie, lorsqu’elle existe, répond en général favorablement à untraitement par benzodiazépines, associées ou non à du valproate. Letraitement à visée étiologique varie selon la gravité des troubles dulangage. Lorsque ces derniers sont sévères ou durables, lacorticothérapie est recommandée. Des succès ont été obtenus par lachirurgie (transsections sous-piales intracorticales multiples [129]) etpar les immunoglobulines intraveineuses [120].

PRISE EN CHARGE DES ENFANTS APHASIQUESDans les cas d’aphasie de l’enfant comme dans ceux de syndromede Landau-Kleffner, une prise en charge pluridisciplinaire estsouhaitable. Un bilan orthophonique est nécessaire, même dans lescas où le langage est cliniquement satisfaisant. En effet, des troubleslinguistiques discrets (de discrimination phonémique notamment)peuvent ne se révéler handicapants que plus tard, au moment del’acquisition du langage écrit. Les troubles plus importantsnécessitent naturellement une rééducation. Elle doit s’accompagnerd’un examen psychologique pour évaluer la composantepsychoaffective du mutisme ou des troubles du comportement. Lorsde la prise en charge de ces enfants, il est sage d’éviter de formulertrop tôt un pronostic, celui-ci étant incertain en l’état actuel desconnaissances.

Rééducation des troubles du langageLa bibliographie concernant la rééducation des troubles du langageest désormais importante et nous renvoyons le lecteur à desouvrages récents (Azouvi et al [7], Eustache et al [58], Seron et Van DerLinden [162]).

RÉCUPÉRATION SPONTANÉE

La restauration des mécanismes du langage dépend de multiplesfacteurs qui viennent peser sur la récupération spontanée etl’efficacité des techniques thérapeutiques.

¶ Mécanismes neurophysiologiques

Ils incluent la levée du diaschisis et les phénomènes de plasticitécérébrale et de vicariance. Des travaux récents utilisant lestechniques d’imagerie fonctionnelle (TEP et IRMf) ont ainsi confirméle rôle tantôt de régions intrahémisphériques gauches, tantôt del’hémisphère droit dans la récupération de certaines fonctionslinguistiques. De plus, ils ont montré que la rééducation, même àdistance de la survenue de la lésion cérébrale pouvait améliorer lesperformances déficitaires et modifier la réorganisation cérébrale(patients suivis en thérapie mélodique et rythmée, alexiephonologique rééduquée 25 ans après un accident vasculaire).

¶ Facteurs liés à la lésion

La taille de la lésion est le facteur prédictif de récupération le plusimportant. L’étiologie est mentionnée avec une influence pluspositive lors de traumatismes crâniens que de lésions vasculaires.Aucun résultat généralisable n’apparaît en ce qui concerne le site dela lésion, ni le tableau clinique.

¶ Variables individuelles

Les données concernant l’âge sont parfois contradictoires, mais laprésence d’affections associées au cours du vieillissement pèse surles capacités de récupération. La préférence manuelle semble avoirun impact, avec un avantage pour les gauchers (en raison d’uneorganisation fonctionnelle cérébrale moins asymétrique que chez lesdroitiers). Le niveau d’éducation aurait surtout une influence dansle profil du tableau aphasique. Les effets liés au sexe et aumultilinguisme restent peu démonstratifs. La motivation et lesfacteurs psychosociaux qui sont vraisemblablement très importantsont été peu étudiés.

STRATÉGIES DE RÉÉDUCATION

Trois grandes orientations peuvent être distinguées.

¶ Approche empiriqueL’intervention est basée sur la stimulation et/ou le réapprentissageet s’appuie essentiellement sur des faits sémiologiques. Cettedémarche intuitive a inspiré durant des décennies les premièrestechniques de rééducation. Si elle manque de justification théorique,elle s’avère néanmoins souvent efficace et peut être rapidement miseen place chez des patients pour lesquels un diagnostic de typecognitif paraît difficilement envisageable.

¶ Approche cognitiveCe type d’intervention, qui s’est développé depuis la fin des années1980, montre beaucoup plus de rigueur théorique, tant dansl’évaluation et l’interprétation des troubles que dans la délimitationdes objectifs de rééducation et des techniques choisies. Son principalinconvénient réside dans la longueur des analyses devant conduireau diagnostic cognitif, lequel consiste à faire des hypothèses sur lesmécanismes cognitifs lésés et préservés par rapport à un modèle defonctionnement du sujet sain. Cependant, cette étape de diagnosticest tout à fait indispensable pour la mise en place de la thérapie.Cette approche peut être envisagée même pour des patientssouffrant d’atteintes cognitives multiples (perturbation de la voiephonologique de lecture + déficit d’accès au lexique phonologiquede sortie…). Dans ce cas, plusieurs objectifs sont fixés et lethérapeute choisira d’y répondre dans le cadre d’interventions soitsuccessives, soit simultanées.

¶ Approche pragmatique (ou écologique)Elle est centrée sur la communication. L’objectif de la thérapie n’estpas la production de messages linguistiques normaux ou corrects

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

28

Page 29: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

du point de vue formel, mais l’utilisation optimale de toutes lescapacités résiduelles de communication (mimiques, gestes, dessins).Un des premiers exemples est la PACE (Promotion Aphasic’sCommunicative Efficiency) mise au point par Davis et Wilcox [42] quiutilise diverses formes de communication non verbale et tientcompte des paramètres de la conversation spontanée avec le respectde tours de parole pour susciter des échanges dans une situation decommunication naturelle. Cette thérapie est applicable à diversmoments de la prise en charge. Au stade initial, elle est intéressantepour la mise en place de tableaux de communications. Elle est derègle quand les essais de restauration des fonctions linguistiquess’avèrent infructueux. Elle a pour avantage de favoriser les échangesdans des situations moins arbitraires que celle de l’examenorthophonique et sans doute de favoriser les transferts dans la viequotidienne, mais l’étendue de la communication reste limitée. Larééducation en groupe, entre aphasiques ou avec des membres del’entourage, s’inscrit également dans ce type d’intervention.

MISE EN ŒUVRE DE LA RÉÉDUCATION

Les stratégies concernent les procédés mis en place en vue del’amélioration des performances ; il s’agit de restauration, deréorganisation d’une fonction ou d’utilisation de stratégiespalliatives.

¶ Restauration

Cette stratégie vise à rétablir une conduite linguistique selon sonmode de fonctionnement antérieur à la lésion cérébrale. Cerétablissement peut s’appuyer sur des techniques de réapprentissageou de facilitation.

Réapprentissage

Il s’applique aux perturbations résultant d’une dégradation desreprésentations ou des procédures. Il est utilisé par exemple dans lecas d’agraphie lexicale où le patient garde la possibilité d’écrire enutilisant la voie phonologique de transposition phonème-graphème,mais présente une atteinte des représentations orthographiques quise traduit par des erreurs de régularisation (hôpital → opital, second→ segon, antenne → entaine). Le travail consiste à réacquérir laconnaissance orthographique spécifique des mots. Ceréapprentissage peut être soutenu par des techniques d’associationsde dessins venant souligner et s’intriquer dans les lettres àmémoriser. C’est le cas également de techniques visant à restaurerdes représentations sémantiques à travers des exercices portant surles traits sémantiques constitutifs d’un concept (évocation,différences entre deux concepts proches…).

Techniques basées sur la facilitation

Elles sont utilisées en cas de défaut d’accès à l’information versusdégradation des représentations. Dans le cas d’un trouble de ladénomination ayant pour origine un déficit d’accès au lexiquephonologique de sortie, plusieurs modes de facilitation peuvent êtrefournis au patient : clef phonémique, c’est-à-dire première syllabedu mot, ou phonème initial, induction du mot en fin de phrase ouencore répétition et lecture à haute voix pour déclencher laproduction du mot cible. Sur le plan théorique, il s’agit de restaurerl’accès phonologique (et plus exactement d’abaisser les seuilsd’activation des unités lexicales se trouvant anormalement élevés [76])en amenant le patient à produire le mot cible de façon itérative. Ceprocédé est ancien et son effet bénéfique à long terme avait étécontesté. Il a été au contraire démontré dans bon nombre d’étudesrécentes très rigoureuses sur le plan méthodologique, tant du pointde vue du diagnostic cognitif que de l’application de la thérapie etde l’évaluation de son efficacité.

¶ Réorganisation

Elle est utilisée quand les stratégies de réapprentissage ou defacilitation s’avèrent inefficaces. Elle vise à contourner le déficit par

le recours à des mécanismes ou à des voies préservés qui servent derelais. Plusieurs publications ont montré l’intérêt et l’efficacité decette stratégie. Dans le cas d’un trouble de dénomination résultantd’un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie et associé àdes troubles modérés du langage écrit, la thérapie s’était donné pourobjectif de réorganiser cet accès en prenant appui sur lareprésentation orthographique des mots. Dans un premier temps,un travail a porté sur la restauration des capacités de transpositiongraphème-phonème (voie phonologique de lecture). Dans un secondtemps, en situation de dénomination, le thérapeute a amené lepatient à d’abord se représenter mentalement le mot écrit ou aumoins ses premières lettres, à lire à haute voix ces premiersgraphèmes et à utiliser cette verbalisation comme clef phonémiqueen vue de produire le mot cible. Il s’agit donc d’accéder à la formephonologique du mot en utilisant un moyen de facilitationphonémique généré à partir de la lecture des premières lettres dumot.

¶ Stratégies palliatives

Elles font appel à des procédures de substitution telles que ledéveloppement de la communication non verbale par recours auxgestes, mimiques, dessins, pictogrammes. Elles visent parallèlementl’aménagement de l’environnement. Il s’agit ici de recourir à d’autresmodes de communication que le langage et d’apprendre àl’entourage familial à modifier et adapter sa parole (débit plus lent),son langage (phrases simples, courtes), ainsi qu’à utiliser ou exagérerles mimiques.La rééducation neuropsychologique s’oriente vers des prises encharges de plus en plus spécifiques et adaptées à un individuparticulier. Les différentes approches présentent des intérêtscomplémentaires et ont parfois recours à des stratégies communesou aux mêmes exercices. Le rééducateur ne doit pas être partisand’un seul type de thérapie, et son choix doit être guidé par lesperturbations aphasiques du patient. Chez un même individu,différentes approches et stratégies peuvent être envisagées enfonction des phases d’évolution.

ÉVALUATION

Les tentatives d’évaluation de l’efficacité de la thérapie sontlongtemps restées difficilement interprétables en raison deproblèmes méthodologiques majeurs qui sont principalement :

– le regroupement de patients présentant des profils disparates dupoint de vue de leurs perturbations cognitives, ou encore du pointde vue des variables sociodémographiques et psychologiques ;

– l’absence de prise en compte de la diversité des modes derééducation utilisés.Cet état s’est considérablement modifié grâce au développement del’approche cognitive dont la rigueur méthodologique appliquée audiagnostic et à la mise en œuvre de la thérapie a également servi laconstruction de paradigmes d’évaluation fiables. Notons quel’appréciation de l’effet thérapeutique n’est entreprise qu’au niveauindividuel. Ces paradigmes permettent de repérer des effets liés à larécupération spontanée, un effet général de la prise en charge et,plus précisément, de déterminer, parmi les techniques disponibles,lesquelles sont les mieux adaptées au trouble. Ils permettent enfinde mieux prendre en considération le retentissement de la thérapieen termes de généralisation à des items ou à des tâches nontravaillées. Parallèlement, l’approche fonctionnelle tente égalementd’élaborer des grilles d’évaluation de la communication verbale etnon verbale dans des situations simulant ou reproduisant la viequotidienne. On peut en effet se demander s’il serait justifié depoursuivre une rééducation sans transfert des acquisitions dans lavie quotidienne.

INTERVENTION : QUESTIONS PRATIQUES

Sur le plan pratique, il est actuellement difficile de donner desindications généralisables concernant les questions qui suivent.

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

29

Page 30: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

¶ À quel moment la rééducation doit-elle être initiée ?

Il faut envisager l’intervention du rééducateur aussitôt que possible.Son rôle consiste alors à informer le patient et sa famille sur sestroubles, sur leur origine et sur les possibilités de prise en charge.Le bon sens veut que la rééducation elle-même débute dès que, et àcondition, que l’état de vigilance et de fatigue du patient le permet.La précocité de l’intervention semble essentielle dans les cas demutisme afin d’éviter l’installation de stéréotypies. Toutefois, denombreuses études à orientation cognitive ont montré qu’unethérapie pouvait être efficace même longtemps après un accidentvasculaire cérébral (plusieurs années) pour des objectifs biendélimités avec des stratégies et des techniques bien définies sur leplan théorique.

¶ À quel rythme la thérapie doit-elle être dispensée ?

Les données de la littérature semblent indiquer qu’une prise encharge intensive mène à de meilleurs résultats qu’une prise encharge sporadique. Toutefois, il faut considérer que la rééducationne se limite pas au travail effectué avec le thérapeute, mais qu’elleinclut le travail fourni par le patient lui-même lorsqu’il a acquis uncertain degré d’autonomie. Parfois, il peut être envisagé d’alternerdes périodes de prise en charge intensive (six fois par semainependant 3 mois suivant l’objectif visé) avec des périodes sans priseen charge.

¶ Quelle est la durée optimale de la thérapie ?

Il n’est pas rare de mener des rééducations sur plusieurs années enconstatant une amélioration continuelle. Les objectifs évoluent aucours de cette longue prise en charge : si, à la phase initiale, ils visentla restauration totale du langage, ils se tournent, en cas derécupération modérée, vers des objectifs moins ambitieux. De plus,il paraît parfois difficile de travailler d’emblée et parallèlementl’ensemble des mécanismes perturbés (concernant la compréhension,l’écriture et la production orale par exemple) et le rééducateur estcontraint de planifier les objectifs sur le plan temporel. La questionde la poursuite de la prise en charge en l’absence de bénéfice notablesur la vie quotidienne pose problème, mais est souvent justifiée parun soutien psychologique indispensable. Dans ce cas, il seraitdéraisonnable que le rythme des séances soit élevé. Cependant, letravail de deuil des capacités antérieures pour le patient et pour lesproches doit faire partie des objectifs de rééducation. Notons que laparticipation à des associations d’aphasiques permet de faciliterl’acceptation du déficit.

ASPECTS MÉDICAUX ET PSYCHOLOGIQUES

Pour le praticien, neurologue ou médecin généraliste, qui suit unpatient aphasique en cours de rééducation, il est essentiel de fairerégulièrement l’inventaire des acquis du traitement et de leurtraduction en termes de qualité de vie. La rééducation n’a de senspour le patient que si elle lui permet d’améliorer ses capacités decommunication avec l’entourage et le milieu extérieur, et danscertains cas particuliers, mais rarement de façon prioritaire, sescapacités de lecture ou d’écriture. Il est judicieux de confronterrégulièrement les données de l’examen du patient avec lestémoignages de la famille ou des amis. Un tiers en moyenne despatients rendus aphasiques par un accident vasculaire cérébralsouffrent d’un état dépressif. Celui-ci est réactionnel au handicapcausé par l’aphasie, et aussi favorisé, dans certains cas, par l’effetdirect des lésions sur le système limbique. Les essais de traitementpharmacologique de l’aphasie, visant à lutter contre la réduction del’expression qui pèse sur les mécanismes d’initiation de la paroledans les aphasies antérieures, n’ont pas fait la preuve de leurefficacité. En revanche, un traitement antidépresseur, lorsqu’il estjustifié, peut faciliter l’adhésion du patient à la rééducation, leverl’inhibition anxieuse, améliorer l’état général en agissant sur lesommeil, et réduire les réactions agressives dont on connaît les effetsdestructeurs sur l’entourage familial. Les états dépressifs peuventsurvenir aussi en cours d’évolution, et il faut savoir les détecter chezun malade ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral etqui se plaint, sans raison organique apparente, d’une aggravationde séquelles aphasiques jusqu’alors stabilisées.

Lorsque l’état neurologique et général du patient aphasique permetd’envisager une reprise de l’activité professionnelle, il est essentielde dresser un bilan des capacités restantes et du potentiel derécupération, et d’en confronter le résultat aux exigences du postede travail définies par le médecin du travail. Ces précautions visentà éviter soit de négliger une possibilité de reprise par surestimationde la difficulté, soit au contraire, par une reprise prématurée ou malpréparée, de risquer une situation d’échec qui rendrait les tentativesultérieures encore plus hasardeuses.

Enfin, on ne saurait trop insister sur l’importance de l’évaluation del’aphasie dans le cadre de l’expertise médicolégale. L’expert doitsavoir, chaque fois que la complexité, voire l’apparente discrétiondes troubles l’impose, dépasser l’examen sommaire du langageeffectué au cours de l’examen neurologique et demander un bilande langage fait par un(e) orthophoniste connaissant parfaitementl’aphasie, sous peine de pénaliser le patient en sous-estimant sesséquelles neuropsychologiques.

Références[1] Adair JC, Nadeau SE, Conway TW, Gonzalez-Rothi LJ,

Heilman PC, Green IA et al. Alterations in the functionalanatomy of reading induced by rehabilitation of an alexicpatient. Neuropsychiatry Neuropsychol Behav Neurol 2000 ;13 : 303-311

[2] Alajouanine T, Lhermitte F. Acquired aphasia in children.Brain 1965 ; 88 : 653-662

[3] Alexander MP. Aphasia : clinical and anatomic aspects. In :Feinberg TE, Farah MJ eds. Behavioral neurology and neu-ropsychology. New York : McGraw-Hill, 1997 : 133-149

[4] Anderson JM, Gilmore R, Roper S, Crosson B, Bauer RM,Nadeau S et al. Conduction aphasia and the arcuate fas-ciculus: a reexamination of the Wernicke-Geschwindmodel. Brain Lang 1999 ; 70 : 1-12

[5] Ans B, Carbonnel S, Valdois SA. Connectionist multiple-trace model for polysyllabic word reading. Psychol Rev1998 ; 105 : 678-723

[6] Arnett PA, Rao SM, Hussain M, Swanson SJ, Hammeke TA.Conductionaphasia inmultiple sclerosis: acase reportwithMRI findings. Neurology 1996 ; 47 : 576-578

[7] Azouvi P, Perrier D, Van derLinden M. La rééducation enneuropsychologie : études de cas. Marseille : Solal, 1999

[8] Baxter D, Warrington EK. Ideational agraphia: a single casestudy. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1986 ; 49 : 369-374

[9] Beaumanoir A. Le syndrome de Landau-Kleffner. In : RogerJ, Bureau M, Dravet C, Dreyfus FE, Perret A, Wolf P éd. Lessyndromes épileptiques de l’enfant et de l’adolescent.Paris : John Libbey, 1992 : 231-244

[10] Beauvois MF, Derouesné J. Phonological processing inreading: data from alexia. J Neurol Neurosurg Psychiatry1979 ; 42 : 1125-1132

[11] Beauvois MF, Dérouesné J. Lexical or orthographicagraphia. Brain 1981 ; 104 : 21-49

[12] Béland R, Peretz I, Baum S, Valdois S. La sphère auditivo-vocale. In : Seron X, Van der Linden M éd. Traité de neuro-psychologie clinique, Tome 1. Marseille : Solal, 2000 :157-186

[13] Benson DF, Sheramata WA, Bouchard R, Segarra JM, PriceD, Geschwind N. Conduction aphasia: a clinicopathologi-cal study. Arch Neurol 1973 ; 28 : 339-346

[14] Bock K, Levelt W. Language production. In : GernbacherMA ed. Handbook of psycholinguistics. San Diego :Academic Press, 1994 : 945-978

[15] Bogousslavsky J, Assal G, Regli F. Infarctus du territoire del’artère cérébrale antérieure gauche II : Troubles dulangage. Rev Neurol 1987 ; 143 : 121-127

[16] Bogousslavsky J,Regli F.Unilateralwatershed infarcts.Neu-rology 1986; 36 : 373-377

[17] Bogousslavsky J, Regli F, Assal G. Acute transcortical mixedaphasia. Brain 1988 ; 111 : 631-634

[18] Bookheimer SY, Zeffiro TA, Blaxton TA, Gaillard PW, Theo-dore WH. Activation of language cortex with automaticspeech tasks. Neurology 2000 ; 55 : 1151-1157

[19] Boucart M, Hénaff MA, Belin C. Vision : aspects perceptifset cognitifs. Marseille : Solal, 1998

[20] Broussolle E, Bakchine S, Tommasi M, Laurent B, Bazin B,Cinotti L et al. Slowly progressive anarthria with late ante-rior opercular syndrome: a variant form of frontal corticalatrophy syndromes. J Neurol Sci 1996 ; 144 : 44-58

[21] Bub D, Kertesz A. Deep agraphia. Brain Lang 1982 ; 17 :146-165

[22] ButterworthB.Disordersofphonologicalencoding.Cogni-tion 1992 ; 42 : 261-286

[23] Byrne EJ, Lennox G, Lowe J, Godwin-Austen RB. DiffuseLewy body disease: clinical features in 15 cases. J NeurolNeurosurg Psychiatry 1989 ; 52 : 709-717

[24] Calvert GA, Brammer MJ, Morris RG, Williams SC, King N,Matthews PM. Using fMRI to study recovery from acquireddysphasia. Brain Lang 2000 ; 71 : 391-399

[25] Cambier J. Les aphasies sous-corticales. In : Eustache F,Lechevalier B éd. Langage et aphasie. Bruxelles : De Boeck,1993 : 71-84

[26] Cambier J, Elghozi D, Graveleau P. Neuropsychologie deslésions du thalamus. Rapport de neurologie du congrès depsychiatrie et de neurologie de langue française. Paris :Masson, 1982

[27] Cambier J, Graveleau P, Decroix JP, Elghozi D, Masson M.Le syndrome de l’artère choroïdienne antérieure. Étudeneuropsychologique de 4 cas. Rev Neurol 1983 ; 139 :553-559

[28] Caramazza A. How many levels of processing are there inlexical access?Cogn Neuropsychol 1997 ; 14 : 177-208

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

30

Page 31: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

[29] Caramazza A, Miceli G, Villa G, Romani C. The role of thegraphemic buffer in spelling: evidence from a case ofacquired dysgraphia. Cognition 1987 ; 26 : 59-85

[30] Carbonnel S. Les dyslexies centrales : implications pour lesmodèles de la lecture. In : Carbonnel S, Gillet P, MartoryMD,ValdoisSéd.Approchecognitivedestroublesde l’écri-ture chez l’enfant et l’adulte. Marseille : Solal, 1996 :207-224

[31] Carbonnel S, Gillet P, Martory MD, Valdois S. Approchecognitivedes troublesde l’écriturechez l’enfantet l’adulte.Marseille : Solal, 1996

[32] Censori B, Manara O, Agostinis C, Camerlingo M, Casto L,Galavo B et al. Dementia after first stroke. Stroke 1996 ; 27 :1205-1210

[33] Cole SJ, Fraser DE, Whittle IR. Rapid resolution followingchemotherapy of Broca’s dysphasia due to recurrent ana-plastic astrocytoma. Br J Neurosurg 1994 ; 8 : 205-208

[34] Croot K, Hodges JR, Xuereb J, Patterson K. Phonologicaland articulatory impairment in Alzheimer’s disease: a caseseries. Brain Lang 2000 ; 75 : 277-309

[35] Crosson B. Subcortical mechanisms in language: lexical-semanticmechanismsandthe thalamus.BrainCogn1999 ;40 : 414-438

[36] Crosson B, Moberg PJ, Boone JR, Rothi LJG, Raymer AM.Category-specific naming deficit for medical terms afterdominant thalamic/capsular haemorrhage. Brain Lang1997 ; 60 : 407-442

[37] Da Silva EA, Chugani DC, Muzik O, Chugani HT. Landau-Kleffner syndrome: metabolic abnormalities in temporallobe are a common feature. J Child Neurol 1997 ; 12 :489-495

[38] Damasio AR. Signs of aphasia. In : Sarno MT ed. Acquiredaphasia. San Diego : Academic Press, 1991 : 27-43

[39] Damasio H. Neuroanatomical correlates of the aphasias.In : Sarno MT ed. Acquired aphasia. San Diego : AcademicPress, 1991 : 45-71

[40] DarleyFL,AronsonAE,Brown JR.Differentialdiagnosispat-ternsofdysarthria. J SpeechHearDisord1969 ;12 :246-269

[41] Darrigaud B, Mazaux JM, Dutheil S, Kolek M, Pradat-DiehlP. Échelle de communication verbale de Bordeaux - ECVB.Isbergues : L’ortho-édition, 2001

[42] Davis A, Wilcox MS. Incorporating parameters of naturalconversation in aphasia treatment. In : Chapey R ed. Lan-guage intervention strategies in adult aphasia. Baltimore :Williams and Wilkins, 1978 : 169-190

[43] Davous P, Delacourte A. Maladie d’Alzheimer. Encycl MédChir (ÉditionsScientifiquesetMédicalesElsevierSAS,Paris),Neurologie, 17-056-A-10, 1999 : 1-16

[44] De Renzi E, Pieczuro A, Vignolo LA. Oral apraxia andaphasia. Cortex 1966 ; 2 : 50-73

[45] Dennis M, Warlow C. Migraine aura without headache:transient ischemic attack or not ? J Neurol Neurosurg Psy-chiatry 1992 ; 55 : 437-440

[46] Didic M, Felician O, Ceccaldi M, Poncet M. Les atrophiescorticales focalesprogressives.RevNeurol1999;155(suppl4) : S73-S82

[47] Ducarne B. Test pour l’examen de l’aphasie. Paris : ECPA,1989

[48] Dulac O. Épilepsies et convulsions de l’enfant. Encycl MédChir (ÉditionsScientifiquesetMédicalesElsevierSAS,Paris),Pédiatrie, 4-091-A-10, 1998 : 1-26

[49] EllisAW.Normalwritingprocessesandperipheralacquireddysgraphias. Lang Cogn Process 1988 ; 3 : 99-127

[50] Ellis AW, Franklin S, Crerar A. Cognitive neuropsychologyand the remediation of disorders of spoken language. In :RiddochMS,HumphreysGWeds.Cognitiveneuropsycho-logy and cognitive rehabilitation. Hove : LEA, 1994 :287-315

[51] Ellis AW, Kay J, Franklin S. Anomia: differentiating betweensemantic and phonological deficits. In : Margolin DI ed.Cognitive neuropsychology in clinical practice. New York :Oxford University Press, 1992 : 207-228

[52] Ellis AW, Young AW. Recognising and understandingspoken words. In : Ellis AW, Young AW eds. Human cogni-tive neuropsychology: a textbook with readings. Hove :Psychology Press, 1996 : 143-161

[53] Embick D, Marantz A, Miyashita Y, O’Neil W, Sakai KL. Asyntactic specialization for Broca’s area. Proc Natl Acad SciUSA 2000 ; 97 : 6150-6154

[54] Espir ML, Watkins SM, Smith HV. Paroxysmal dysarthriaand other transient neurological disturbances in dissemi-nated sclerosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1966 ; 29 :323-330

[55] Eustache F. Langage, vieillissement et démences. In : Eus-tache F, Lechevalier B éd. Langage et aphasie. Bruxelles :De Boeck, 1993 : 205-227

[56] Eustache F, Lambert J. Les composantes apraxiques del’agraphie. In : Le Gall D, Aubin G éd. Apraxie et désordresapparentés. Paris : Édition de la société de neuropsycholo-gie de langue française, 1993 : 164-192

[57] Eustache F, Lambert J, Nore-Mary F. L’agraphie apraxiqueet les formespériphériquesd’agraphie. In : LeGallD,AubinG eds. L’apraxie. Marseille : Solal, 2001

[58] Eustache F, Lambert J, Viader F. Rééducations neuropsy-chologiques. Bruxelles : De Boeck, 1997

[59] Ey H, Bernard P, Brisset C. Manuel de psychiatrie. Paris :Masson, 1978

[60] Ferro JM, Madureira S. Aphasia type, age and cerebralinfarct localisation. J Neurol 1997 ; 244 : 505-509

[61] Fisher CM. Lacunar strokes and infarcts: a review. Neuro-logy 1982 ; 32 : 871-876

[62] Foix C, Lévy M. Les ramollissements sylviens. Rev Neurol1927 ; 11 : 1-51

[63] Franklin S, Howard D, Patterson K. Abstract word meaningdeafness. Cogn Neuropsychol 1994 ; 11 : 1-34

[64] FranklinS, Turner J, LambonRalphMA,Morris J, BaileyPJ. Adistinctive case of word meaning deafness?Cogn Neurop-sychol 1996 ; 13 : 1139-1162

[65] Friederici AD, Meyer M, VonCramon DY. Auditory lan-guage comprehension: an event-related fMRI study on theprocessing of syntactic and lexical information. Brain Lang2000 ; 74 : 289-300

[66] Galton CJ, Patterson K, Xuereb J, Hodges JR. Atypical andtypicalpresentationsofAlzheimer’sdisease: a clinical, neu-ropsychological, neuroimaging and pathological study of13 cases. Brain 2000 ; 123 : 484-498

[67] Goodglass H, Kaplan E. The assessment of aphasia andrelated disorders. Philadelphia : Lea and Febiger, 1972

[68] Grant AC, Biousse V, Cook AA, Newman NJ. Stroke-associated stuttering. Arch Neurol 1999 ; 56 : 624-627

[69] GuillardA,FénelonG,MahieuxF.Lesaltérationscognitivesaucoursde lamaladiedeParkinson.RevNeurol1991 ;147 :337-355

[70] Hannequin D. Modèles de la mémoire sémantique. In :Eustache F, Lechevalier B, Viader F éd. La mémoire : neuro-psychologie clinique et modèles cognitifs. Bruxelles : DeBoeck, 1996 : 279-297

[71] Harbord MG, Singh R, Morony S. SPECT abnormalities inLandau-Kleffner syndrome. J Clin Neurosci 1999 ; 6 : 9-16

[72] Hécaen H. Acquired aphasia in children: revisited. Neurop-sychologia 1983 ; 21 : 581-587

[73] Heilman KM, Safran A, Geschwind N. Closed head traumaand aphasia. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1971 ; 34 :265-269

[74] Hénaff-Gonon MA, Bruckert R, Michel F. Lexicalization inan anomic patient. Neuropsychologia 1989 ; 27 : 391-407

[75] Hickok G, Erhard P, Kassubek J, Helms-Tillery AK, Naeve-Velguth S, Strupp JP et al. A functional magnetic resonanceimagingstudyof theroleof leftposterior superior temporalgyrus in speech production: implications for the explana-tion of conduction aphasia. Neurosci Lett 2000 ; 23 :156-160

[76] Hillis AE, Caramazza A. Theories of lexical processing andrehabilitation of lexical deficits. In : Riddoch MJ, Hum-phreys GW eds. Cognitive neuropsychology and cognitiverehabilitation. Hove : LEA, 1994 : 449-484

[77] Hillis AE, Caramazza A. The computationality of lexicalsemantic representation: clues from semantic errors inobject naming. Memory 1995 ; 3 : 333-358

[78] Hodges JR, Patterson K, Oxbury S, Funnel E. Semanticdementia. Progressive fluent aphasia with temporal lobeatrophy. Brain 1996 ; 115 : 1783-1806

[79] Horowitz D, Tuhrim S. Stroke mechanisms and clinical pre-sentation in large subcortical infarctions. Neurology 1997 ;49 : 1538-1541

[80] Humphreys GW, Lamote C, Lloyd-Jones TJ. An interactiveactivation approach to object processing: effects of struc-tural similarity, name frequency and task in normality andpathology. Memory 1995 ; 3 : 535-586

[81] HumphreysGW,RiddochMJ,QuinlanPT.Cascadeprocessin picture identification. Cogn Neuropsychol 1988 ; 5 :67-103

[82] Imamura T, Takatsuki Y, Fujimori M, Hirono N, Ikejiri Y,ShimomuraTetal.Ageatonsetand languagedisturbancesin Alzheimer’s disease. Neuropsychologia 1998 ; 36 :945-949

[83] Jacobs K, Moulin T, Bogousslavsky J, Woimant F, DehaeneI, Tatu L et al. The stroke syndrome of cortical vein throm-bosis. Neurology 1996 ; 46 : 376-382

[84] JoanetteY.Aphasia in left-handers andcrossedaphasia. In :Boller F, Grafman J eds. Handbook of neuropsychology.Amsterdam : Elsevier, 1989 : 173-183

[85] Kahana E, Leibowitz U, Alter M. Cerebral muItiple sclerosis.Neurology 1971 ; 21 : 1179-1185

[86] Kanemoto K, Janz D. The temporal sequence of aura-sensations inpatientswithcomplex focal seizureswithpar-ticular attention to ictal aphasia. J Neurol Neurosurg Psy-chiatry 1989 ; 52 : 52-56

[87] Kertesz A, Martinez-Lage P, Davidson W, Munoz DG. Thecorticobasal degeneration syndrome overlaps progressiveaphasia and frontotemporal dementia. Neurology 2000 ;55 : 1368-1375

[88] KerteszA,Phipps JB.Numerical taxonomyofaphasia.BrainLang 1977 ; 4 : 1-10

[89] Kircher TT, Brammer MJ, Williams SC, McGuire PK. Lexicalretrieval during fluent speech production : an fMRI study.Neuroreport 2000 ; 11 : 4093-4096

[90] Knecht S, Dräger B, Deppe M, Bobe L, Lohmann H, Flöel Aet al. Handedness and hemispheric language dominancein healthy humans. Brain 2000 ; 123 : 2512-2518

[91] Kohn S, Friedman R. Word-meaning deafness: aphonological-semantic dissociation. Cogn Neuropsychol1986 ; 3 : 291-308

[92] Kohn SE. Conduction aphasia. Hillsdale : LEA, 1992[93] Kreisler A, Godefroy O, Delmaire C, Debachy B, Leclercq

M, Pruvo JP et al. The anatomy of aphasia revisited. Neuro-logy 2000 ; 54 : 1117-1123

[94] Kremin H. Perturbations lexicales : les troubles de la déno-mination. In : Seron X, Jeannerod M éd. Neuropsychologiehumaine. Bruxelles : Mardaga, 1994 : 375-389

[95] Lambert J. Les dysgraphies périphériques. In : Carbonnel S,Gillet P, Martory MD, Valdois S eds. Approche cognitivedes troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte. Mar-seille : Solal, 1996 : 237-274

[96] Lambert J. Approche cognitive de la rééducation dulangage. In : Eustache F, Lambert J, Viader F éd. Rééduca-tions neuropsychologiques. Bruxelles : De Boeck, 1997 :43-82

[97] Lambert J, Nespoulous JL. Perception auditive et compré-hension du langage. Marseille : Solal, 1997

[98] Lambon Ralph MA, Cipolotti L, Patterson K. Oral namingand oral reading: do they speak the same language? CognNeuropsychol 1999 ; 16 : 157-169

[99] Landau WM, Kleffner FR. Syndrome of acquired aphasiawith convulsive disorder in children. Neurology 1957 ; 7 :523-530

[100] Larsen BH, Sorensen PS, Marquardsen J. Transientischemic attacks in young patients: a thrombo-embolicor migrainous manifestation? J Neurol NeurosurgPsychiatry 1990 ; 53 : 1029-1033

[101] Lebrun Y. Le bégaiement neurogène. Rééduc Orthophon1992 ; 170 : 217-227

[102] Lechevalier B. Neurobiologie des aphasies. In : EustacheF, Lechevalier B éd. Langage et aphasie. Bruxelles : DeBoeck, 1993 : 41-70

[103] Lechevalier B, Lambert J, Eustache F, Platel H. Agnosiesauditives et syndromes voisins. Étude clinique, cognitiveet physiopathologique. Encycl Méd Chir (ÉditionsScientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris),Neurologie, 17-021-B-20, 1999 : 1-9

[104] Lecours AR, Navet M, Ross-Chouinard A. Langage etpensée du schizophrène. Confront Psychiatr 1981 ; 19 :109-144

[105] Lemaire P. Psychologie cognitive. Bruxelles : De Boeck,1999

[106] Lenneberg E. Biological foundations of language. NewYork : Wiley, 1967

[107] Levin HS. Aphasia after head injury. In : Sarno MS ed.Acquired aphasia. San Diego : Academic Press, 1991 :455-498

[108] Levy RM, Bredesen DE. Central nervous systemdysfunction in acquired immuno-deficiency syndrome.In : Rosenblum ML, Levy RM, Bredesen DE eds. AIDS andthe nervous system. New York : Raven Press, 1988 :29-63

[109] Loeb C, Gandolfo C. Transient neurologic deficits. In :Vinken PJ, Bruyn GW, Klawans HL eds. Handbook ofclinical neurology. Vascular diseases (part 1).Amsterdam : Elsevier, 1990 : 257-290

[110] Loonen MC, Van Dongen HR. Acquired childhoodaphasia. Arch Neurol 1990 ; 47 : 1324-1328

[111] Lowry JK, Snyder JJ, Lowry PW. Brain tumors in theelderly : recent trends in a Minnesota cohort study. ArchNeurol 1998 ; 55 : 922-928

[112] Luria AR. Factors and forms of aphasia. In : De RenckASO’Connor M eds. Disorders of language. London :Churchill Livingstone, 1964 : 1-143

[113] Luria AR. Les fonctions corticales supérieures del’homme. Paris : PUF, 1978 : 1-570

[114] Maquet P, Hirsch E, Metz-Lutz MN, Motte J, Dive D,Marescaux C et al. Regional cerebral glucose metabolismin children with deterioration of one or more cognitivefunctions and continuous spike-and-wave dischargesduring sleep. Brain 1995 ; 118 : 1497-1520

[115] Margolin DI, Goodman-Schulman R. Oral and writtenspelling impairments. In : Margolin DI ed. Cognitiveneuropsychology in clinical practice. New York : OxfordUniversity Press, 1992 : 263-297

[116] Martin N, Saffran EM. A computational account of deepdysphasia: evidence from a single case study. Brain Lang1992 ; 43 : 240-274

[117] Mazaux JM, Orgogozo JM. Boston diagnostic aphasiaexamination - HDAE - échelle française. Paris : ESP, 1981

[118] McClelland JL, Elman JL. The TRACE model of speechperception. Cogn Psychol 1986 ; 18 : 1-86

[119] Metter EJ, Wasterlain CG, Kuhl DE, Hanson WR, PhelpsME. 18FDG Positron emission computed tomography ina study of aphasia. Ann Neurol 1981 ; 10 : 1973-1983

[120] Mikati MA, Saab R. Successful use of intravenousimmunoglobulin as initial monotherapy in Landau-Kleffner syndrome. Epilepsia 2000 ; 41 : 880-886

[121] Miura K, Nakamura Y, Miura F, Yamada I, Takahashi M,Yoshikawa A et al. Functional magnetic resonanceimaging to word generation task in a patient withBroca’s aphasia. J Neurol 1999 ; 246 : 939-942

[122] Moffat SD, Hampson E, Lee DH. Morphology of theplanum temporale and corpus callosum in left handerswith evidence of left and right hemisphere speechrepresentations. Brain 1998 ; 121 : 2369-2379

Neurologie Aphasie 17-018-L-10

31

Page 32: Encyclopédie Médico-Chirurgicale AphasieEncyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J,

[123] Mohr JP, Barnett HJ. Classification of ischemic strokes.In : Barnett HJ, Stein BM, Mohr JP, Yatsu FM eds. Stroke.New York : Churchill Livingstone, 1986 : 281-292

[124] Mohr JP, Caplan LR, Melski JW, Goldstein RJ, DuncanGW, Kistler JP et al. The Harvard cooperative strokeregistry: a prospective registry. Neurology 1978 ; 28 :754-762

[125] Mohr JP, Gautier JC, Hier DB, Stein RW. Middle cerebralartery. In : Barnett HJ, Stein BM, Mohr JP, Yatsu FM eds.Stroke. New York : Churchill Livingstone, 1986 : 377-450

[126] Moreaud O, Pellat J, Charnallet A, Carbonnel S, BrennenT. Deficiency in the reproduction and learning propernames after left tubero-thalamic ischemic lesion. RevNeurol 1995 ; 151 : 93-99

[127] Morin P, Viader F, Eustache F, Lambert J. Rapport deneurologie. Les agraphies. Congrès de psychiatrie et deneurologie de langue française. Paris : Masson, 1990

[128] Moritz S, Mersmann K, Kloss M, Jacobsen D, AndresenB, Krausz M et al. Enhanced semantic priming inthought-disordered schizophrenic patients using a wordpronunciation task. Schizophr Res 2001 ; 48 : 301-305

[129] Morrell F, Whisler WW, Smith MC, Hoepner TJ, DeToledo-Morrell L, Pierre-Louis SJC et al. Landau-Kleffnersyndrome. Treatment with subpial intracorticaltransections. Brain 1995 ; 118 : 1529-1546

[130] Moster ML, Johnston DE, Reinmuth OM. Chronicsubdural hematoma with transient neurological deficits.A review of 15 cases. Ann Neurol 1983 ; 14 : 539-542

[131] Mouradian MS, Paslawski T, Shuaib A. Return ofstuttering after stroke. Brain Lang 2000 ; 73 : 120-123

[132] Mummery CJ, Ashburner J, Scott SK, Wise RJ. Functionalneuroimaging of speech perception in six normal andtwo aphasic subjects. J Acoust Soc Am 1999 ; 106 :449-457

[133] Naeser MA, Alexander MP, Helm-Estabrooks N, LevineHL, Laughlin SA, Geschwind N. Aphasia withpredominantly subcortical lesion sites. Arch Neurol 1982 ;39 : 2-14

[134] Navia BA, Price RW. The acquired immunodeficiencydementia complex as the presenting or solemanifestation of human immunodeficiency virusinfection. Arch Neurol 1987 ; 44 : 65-69

[135] Nespoulous JL, Lecours AR, Lafond D, Lemay A, Puel M,Joanette Y et al. Protocole Montréal-Toulouse d’examenlinguistique de l’aphasie. Isbergues : L’ortho-édition,1986

[136] Nickels L. Spoken word production and its breakdown inaphasia. Hove : Psychology Press, 1997

[137] Ohyama M, Senda M, Kitamura S, Ishii K, Mishina M,Terashi A. Role of the nondominant hemisphere andundamaged area during word repetition in poststrokeaphasics. A PET activation study. Stroke 1996 ; 27 :897-903

[138] Olmos-lau N, Ginsberg MD, Geller JB. Aphasia inmultiple sclerosis. Neurology 1977 ; 27 : 623-626

[139] Orgogozo JM, Bogousslavsky J. Lacunar syndromes. In :Vinken PJ, Bruyn GW, Klawans HL eds. Handbook ofclinical neurology. Vascular diseases, part II, Amsterdam :Elsevier, 1989 : 235-269

[140] Ozaki 1, Baba M, Narita S, Matsunaga M, Takabe K. Puredysarthria due to internal capsule and/or corona radiatainfarction. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1986 ; 49 :1435-1437

[141] Patterson K. Lexical but non semantic spelling?CognNeuropsychol 1986 ; 3 : 341-357

[142] Pedersen PM, Jorgensen HS, Nakayama H, Raaschou HO,Olsen TS. Aphasia in acute stroke: incidence,determinants, and recovery. Ann Neurol 1995 ; 38 :659-666

[143] Perkins WH. What is stuttering? J Speech Hear Disord1990 ; 55 : 370-382

[144] Podoll K, Caspary P, Lange HW, Noth J. Languagefunctions in Huntington’s disease. Brain 1988 ; 111 :1475-1503

[145] Puel M, Demonet JF, Cardebat D, Bonafé A, GazounaudY, Guiraud-Chaumeil B, et al. Aphasies sous-corticales.Étude neurolinguistique avec scanner X de 25 cas. RevNeurol 1984 ; 140 : 695-710

[146] Rapp BC, Caramazza A. Lexical deficits. In : Damasio ARed. Acquired aphasia. New York : Academic Press, 1991 :181-222

[147] Rapp BC, Caramazza A. On the distinction betweendeficits of access and deficits of storage: a question oftheory. Cogn Neuropsychol 1993 ; 10 : 113-141

[148] Riddoch MJ, Humphreys GW, Boucart M. Hiérarchie desdéficits dans l’agnosie visuelle. In : Boucart M, HénaffMA, Belin C éd. Vision : aspects perceptifs et cognitifs.Marseille : Solal, 1998 : 259-277

[149] Rodriguez-Ferrera S, McCarthy RA, McKenna PJ.Language in schizophrenia and its relationship to formalthought disorder. Psychol Med 2001 ; 31 : 197-205

[150] Roeltgen DP. Agraphia. In : Heilman KM, Valenstein Eeds. Clinical neuropsychology. New York : OxfordUniversity Press, 1993 : 63-89

[151] Rosen HJ, Petersen SE, Linenweber MR, Snyder AZ, WhiteDA, Chapman L et al. Neural correlates of recovery fromaphasia after damage to left inferior frontal cortex.Neurology 2000 ; 55 : 1883-1894

[152] Rosenfeld DB, Boller F. Stuttering. In : Fredericks SA ed.Handbook of neurology. Amsterdam : Elsevier, 1985 :21-46

[153] Rubens AB. Aphasia with infarction in the territory of theanterior cerebral artery. Cortex 1976 ; 11 : 239-250

[154] Sagar HJ, Warlow CP, Sheldon PW, Esiri MM. Multiplesclerosis with clinical and radiological features of cerebraltumor. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1982 ; 45 : 802-808

[155] Schiff HB, Alexander MP, Naeser MA, Galaburda AM.Aphemia: Clinical-anatomic correlations. Arch Neurol1983 ; 40 : 720-727

[156] Scholtes FB, Renier WO, Meinardi H. Simple partial statusepilepticus: causes, treatment, and outcome in 47patients. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1996 ; 61 : 90-92

[157] Scott SK, Blank CC, Rosen S, Wise R. Identification of apathway for intelligible speech in the left temporal lobe.Brain 2000 ; 123 : 2400-2406

[158] Segui J, Ferrand L. Leçons de parole. Paris : Odile Jacob,2000

[159] Seidenberg MS, McClelland JL. A distributeddevelopmental model of word recognition and naming.Psychol Rev 1989 ; 96 : 523-568

[160] Seron X. L’aphasie de l’enfant, quelques questions sansréponses. Enfance 1977 ; 2 : 149-170

[161] Seron X, Van der Linden M. Traité de neuropsychologieclinique : Tome 1 : Évaluation. Marseille : Solal, 2000

[162] Seron X, Van der Linden M. Traité de neuropsychologieclinique : Tome 2 : Rééducation. Marseille : Solal, 2000

[163] Shahed J, Jankovic J. Re-emergence of childhoodstuttering in Parkinson’s disease: a hypothesis. MovDisord 2001 ; 16 : 114-118

[164] Shallice T. Phonological agraphia and the lexical route inwriting. Brain 1981 ; 104 : 413-429

[165] Shallice T. From neuropsychology to mental structure.Cambridge : Cambridge University Press, 1988

[166] Shallice T, Warrington EK. Auditory-verbal short-termmemory impairment and conduction aphasia. Brain Lang1977 ; 4 : 479-491

[167] Shallice T, Warrington EK, McCarthy R. Reading withoutsemantics. Q J Exp Psychol 1983 ; 35 : 111-138

[168] Siéroff E. Les dyslexies périphériques : principauxsyndromes et questions théoriques. In : Carbonnel S,Gillet P, Martory MD, Valdois S éd. Approche cognitivedes troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte.Marseille : Solal, 1996 : 195-206

[169] Siéroff E. Alexie sans agraphie. In : Boucart M, HénaffMA, Belin C éd. Vision : aspects perceptifs et cognitifs.Marseille : Solal, 1998 : 323-337

[170] Signoret JL, Castaigne P, Lhermitte F, Abelanet R, LavorelP. Rediscovery of Leborgne’s brain: anatomicaldescription with CT scan. Brain Lang 1984 ; 22 : 303-319

[171] Smith MC. Landau-Kleffner syndrome and continuousspikes and waves during slow sleep. In : Engel J Jr, PedleyTA eds. Epilepsy: a comprehensive textbook.Philadelphia : Lippincott-Raven Publishers, 1997 :2367-2377

[172] Soh K, Larsen B, Skinhoj E, Lassen NA. Regional cerebralblood flow in aphasia. Arch Neurol 1978 ; 35 : 625-632

[173] Tainturier MJ. Les dysgraphies centrales : état desrecherches et nouvelles perspectives. In : Carbonnel S,Gillet P, Martory MD, Valdois S éd. Approche cognitivedes troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte.Marseille : Solal, 1996 : 253-274

[174] Thomas P, Kullman B, Chatel M. État de mal épileptiqueà expression aphasique. Rev Neurol 1991 ; 147 : 246-250

[175] Tranel D, Biller J, Damasio H, Adams HP, Cornell S.Global aphasia without hemiparesis. Arch Neurol 1987 ;44 : 304-308

[176] Valdois S, DePartz MP. Approche cognitive des dyslexieset dysorthographies. In : Seron X, van der Linden M éd.Traité de neuropsychologie clinique : Tome 1. Marseille :Solal, 2000 : 157-186

[177] VanGalen GP. Handwriting: issues for a psychomotortheory. Hum Mov Sci 1991; 10 : 165-191

[178] VanHorn G, Hawes A. Global aphasia withouthemiparesis. A sign of embolic encephalopathy.Neurology 1982 ; 32 : 403-406

[179] VanHout A. Acquired aphasia in children. Semin PediatrNeurol 1997 ; 4 : 102-108

[180] VanHout A, Evrard P, Lyon G. On the positive semiologyof aphasia in acquired aphasa in children. Dev Med ChildNeurol 1985 ; 27 : 231-241

[181] VanHout A, Lyon G. Wernicke’s aphasia in a 10-years oldboy. Brain Lang 1986 ; 26 : 268-285

[182] VanZomeren AH, Saan RJ. Psychological and socialsequelae of severe head injury. In : Braakman R ed.Handbook of clinical neurology: head injury.Amsterdam : Elsevier Science Publishers, 1990 : 397-420

[183] Warrington EK, Cipolotti L. Word comprehension: thedistinction between refractory and storage impairments.Brain 1996 ; 119 : 611-625

[184] Warrington EK, Shallice T. Semantic access dyslexia. Brain1979 ; 102 : 43-63

[185] Weiller C, Isensee C, Rijntjes M, Huber W, Muller S, BierD et al. Recovery from Wernicke’s aphasia: a positronemission tomographic study. Ann Neurol 1995 ; 37 :723-732

[186] Westbury C, Bub D. Primary progressive aphasia. BrainLang 1997 ; 60 : 381-406

[187] Wise RJ, Scott SK, Blank SC, Mummery CJ, Murphy K,Warburton EA. Separate neural subsystems within’Wernicke’s area’. Brain 2001 ; 124 : 83-95

[188] Zesiger P. Écrire : Approches cognitive,neuropsychologique et développementale. Paris : PUF,1995

17-018-L-10 Aphasie Neurologie

32