Émile Durkheim - Villes, État Et Confédérations en Grèce (1903)

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Émile DURKHEIM (1903) “ Villes, États et confédérations en Grèce ” Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: [email protected] Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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Villes, État Et Confédérations en Grèce

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  • mile DURKHEIM (1903)

    Villes, tats etconfdrations en Grce

    Un document produit en version numrique par Jean-Marie Tremblay, bnvole,professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi

    Courriel: [email protected] web: http://pages.infinit.net/sociojmt

    Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi

    Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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    Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marie Tremblay, bnvole,professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi partir de :

    mile Durkheim (1903)

    Villes, tats et confdrations en Grce Une dition lectronique ralise partir d'un texte dmile Durkheim

    (1903), Villes, tats et confdrations en Grce. Texte extrait de la revuelAnne sociologique, n 6, 1903, pp. 373 376. Texte reproduit in mileDurkheim, Textes. 3. Fonctions sociales et institutions (pp. 246 250). Paris: Lesditions de Minuit, 1975, 570 pages. Collection: Le sens commun.

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    Villes, tats etconfdrations enGrce par mile Durkheim (1903)

    Une dition lectronique ralise partir d'un texte dmile Durkheim (1903), Villes,tats et confdrations en Grce. Texte extrait de la revue lAnne sociologique, n 6,1903, pp. 373 376. Texte reproduit in mile Durkheim, Textes. 3. Fonctions sociales etinstitutions (pp. 246 250). Paris: Les ditions de Minuit, 1975, 570 pages. Collection:Le sens commun.

    Quand les Grecs pntrrent dans le pays qui devait porter leur nom, ilsformaient de grands groupements ethniques, Arcadiens, Doriens, etc., quicomprenaient, leur tour, d'autres groupements de mme nature, mais demoindre tendue (Mainaliens, Parrhasiens, etc.). Une fois qu'ils se furent fixssur le sol, un double mouvement se produisit : d'abord, les grandes nations del'origine se dsintgrrent, se dispersrent en une multitude de petits villages

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    faiblement relis les uns aux autres ; puis, ces villages se concentrrent,s'intgrrent de manire former des groupes plus vastes qui, sans reproduireexactement ceux d'autrefois, ne laissaient pas de s'en rapprocher. Ce mouve-ment de concentration a pris plusieurs formes diffrentes. Le syncisme est laplus simple de ces formes. C'est celle qui est principalement tudie par M.Francotte 1 les autres n'en sont que des combinaisons varies.

    Le syncisme est une runion de groupes lmentaires qui s'agrgent lesuns aux autres et s'absorbent (ou sont absorbs) dans un seul et mme tat. Ilprsente lui-mme des varits diffrentes suivant la nature des groupes qui secombinent et suivant les rsultats de cette combinaison. La forme la plussimple (bien qu'elle ne soit pas mentionne en premier lieu par l'auteur) estcelle o les lments composants sont des dmes ou villages ; et alors il y alieu de distinguer selon que cette intgration de villages donne ou non nais-sance une ville. Sparte est un exemple du premier genre, Mgalopolis (etpeut-tre Athnes) du second. La forme plus complique est celle o lesyncisme a lieu entre des villes [mot grec] dj constitues ; dans ce cas,comme dans le prcdent, il y a lieu de distinguer suivant que de cette concen-tration rsulte ou non une ville nouvelle. Quand il s'en fonde une, les villesprexistantes disparaissent et leur population se groupe dans la nouvelleenceinte ; c'est ainsi que s'est forme la ville de Rhodes. Dans le cas contraire,les villes composantes subsistent, mais l'une d'elles devient le sige de l'tat.

    On voit par l que le syncisme est un fait social trs complexe. Il pr-sente un double aspect. C'est, en partie, un phnomne politique, puisqu'ilimplique toujours la constitution ou la transformation d'un ou de plusieurstats. Il a pour effet d'associer dans une mme vie publique des groupessociaux qui, jusque-l, taient relativement indpendants les uns des autres.Mais, en mme temps, c'est un phnomne morphologique. Il suppose unedistribution nouvelle de la population, surtout quand il y a fondation de ville ;car les habitants des campagnes ou des villes dj existantes quittent alors leurhabitat primitif pour venir s'tablir dans la ville fonde. Pour notre auteur,c'est l'unification politique qui est le caractre essentiel de tout syncisme.Cette dfinition trs large a l'inconvnient de confondre sous un mme termedeux ordres de faits aussi diffrents qu'une organisation politique et une op-ration gographique. L'auteur donne comme raison que le syncisme a le plussouvent pour point de dpart une ville prexistante ; que, seuls, les plusrcents ont donn lieu des fondations de villes et, par consquent, des

    1 Francotte, Henri, Formation des villes, des tats, des confdrations et des ligues dans la

    Grce ancienne (Extrait des Bulletins de l'Acadmie royale de Belgique, Classe deslettres, 1901, n 9-10). Paris, 1901.

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    phnomnes morphologiques de quelque importance. L'assertion surprend :est-ce que les villes primitives de la Grce ne sont pas elles-mmes le produitd'un syncisme d'un certain genre ?

    Quoi qu'il en soit de ce point, ces transformations, soit politiques soit mor-phologiques, ncessitaient un renouvellement des cadres sociaux ; car il fallaitque les groupes lmentaires vinssent se fondre dans une mme organisation.Deux types de groupement taient possibles : l'un purement gentilice, l'autrepurement territorial. Dans le premier, les hommes sont groups suivant leursrapports de parent (relle ou suppose, il n'importe) ; dans le second, suivantleurs rapports avec le sol. Ni l'un ni l'autre principe n'a servi de base exclusiveaux diffrents syncismes. Partout, nous retrouvons dans les formes primiti-ves de la cit l'organisation gentilice, gnralement avec ses trois degrs,gen, phratries, phylai. Mais elle n'y est plus l'tat de puret. En effet, parelle-mme, elle ne comporte aucune forme rgulire, puisqu'elle dpend duhasard des naissances, des morts, des adoptions, de l'extinction ou du dvelop-pement des groupes familiaux ; elle ne saurait donc s'enfermer dans descadres rigoureusement dfinis. Or, en Grce, elle se prsente toujours avecune symtrie parfaite qui indique la main du lgislateur, chaque phyl contienttant de phratries, chaque phratrie tant de gen. Nous sommes donc en prsen-ce d'un rgime gentilice remani par l'art politique et, par suite, plus ou moinsaltr, sans qu'il nous soit possible d'apercevoir en quoi consistrent exacte-ment ces altrations. - On sait comment, dans la suite de l'histoire, ce carac-tre gentilice, ds lors entam mais dans une mesure restreinte, alla de plus enplus en s'affaiblissant. Cette organisation, en se dveloppant, devint troite-ment aristocratique ; il fallut donc la briser et la remplacer le jour o la dmo-cratie fut en tat de faire valoir ses droits. La meilleure manire d'effacer lesdistinctions sociales qui avaient ainsi pris naissance, fut de prendre directe-ment pour base des groupements sociaux les groupements territoriaux (lesdmes) : c'est ainsi, notamment, que procda Clisthne Athnes. Et cepen-dant, tant tait forte la puissance de la tradition, les nouveaux cadres sociauxfurent conus, jusqu' un certain point, sur le modle des anciens. Il y euttoujours des phylai, des phratries, etc. ; d'ailleurs, c'tait la filiation, principeessentiellement gentilice, qui dterminait l'appartenance au dme. On peutdonc dire que l'ide d'une souverainet strictement territoriale ne s'est jamaisdveloppe en Grce d'une faon complte (p. 32). Sous le rgime nouveau,le rgime ancien transparat, quoique plus effac. Il ne disparut jamais entire-ment, et pourtant, depuis l'apparition des villes, il n'exista jamais que mitig etaffaibli.

    Ce rle du principe gentilice dans le syncisme nous parat inexplicable sil'on perd de vue que ce dernier phnomne est tout aussi morphologique que

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    politique. Si les dmes ne s'taient groups que politiquement, ils auraient puentrer tels quels dans l'organisation nouvelle qui, par suite, aurait t territo-riale sa base : l'tat aurait t une confdration, plus ou moins troite, devillages. Mais il n'en pouvait plus tre ainsi du moment o cette concentrationmorale et politique tait accompagne d'une concentration matrielle, c'est -dire du moment o une unit morphologique, d'un genre nouveau, la ville, sesuperposait celles qui existaient prcdemment (village). Car le village nepouvait plus rester le cadre social lmentaire, puisque la ville n'tait pas uncompos de villages. Le seul principe qui ft ds lors commun la ville et lacampagne se trouvait donc tre le principe gentilice qui, base premire desanciennes organisations ethniques, n'avait jamais compltement disparu : onpeut mme croire que chaque village n'tait, l'origine, qu'un clan fix. Onn'eut donc aucun mal restaurer ce principe. Mais prcisment parce qu'il futrestaur d'une manire volontaire, adapt une socit pour laquelle il n'taitpas fait naturellement, il fallut le retoucher ; de l cette symtrie, cettergularit que prsente la manire dont il fut mis en uvre et qui caractrisentles uvres dlibres de l'homme.

    Nous n'insistons pas sur les autres formes de concentration politiquetudies par l'auteur. Il en distingue trois : la sympolitie, la ligue et le p-ricisme. Cette terminologie n'est pas sans quelque confusion. A parlerrigoureusement, il y a dj sympolitie (confdration de [mot grec]) dans lesyncisme simple, toutes les fois o il s'tablit entre des cits dj consti-tues, Rhodes par exemple. Mais sans doute M. Francotte rserve le motpour les cas o les cits confdres gardent leur personnalit dans un tatfdral d'une certaine tendue ; telle, la confdration Achenne. Il y apricisme, quand une des cits composantes se subordonne l'autre ou lesautres, les rduit l'tat de dmes : mais c'tait dj le cas de Stiris et deMedon dont l'union tait pourtant considre comme une forme de syncis-me. La ligue est une confdration temporaire, en vue d'un but dtermin, etplace sous l'hgmonie d'un tat dtermin. Ce qu'il faut surtout retenir decette classification, c'est la preuve de la tendance qu'eurent les Grecs formerdes groupements sociaux de plus en plus vastes, qui rappelaient, tout endiffrant, les groupements de l'origine.

    Cette tendance, d'ailleurs, n'est pas spciale la Grce. Il n'y a peut-trepas de groupe ethnique qui, une fois dispers, ne cherche reconstituer sonunit premire, mais sous des espces nouvelles. Le panlatinisme, le pansla-visme, le pangermanisme, etc., ne sont que des formes diffrentes de ce mmephnomne.