Émile Durkheim - Socialisme Et Science Sociale (1897)

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Émile Durkheim (1897) « Socialisme et science sociale. » Un document produit en version numérique par Mme Marcelle Bergeron, Professeure à la retraite de l’École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec et collaboratrice bénévole Courriel: mailto:[email protected] Site web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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Socialisme Et Science Sociale (1897)

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  • mile Durkheim (1897)

    Socialismeet science sociale.

    Un document produit en version numrique par Mme Marcelle Bergeron,Professeure la retraite de lcole Dominique-Racine de Chicoutimi, Qubec

    et collaboratrice bnvoleCourriel: mailto:[email protected]

    Site web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin

    Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay,

    professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi

    Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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    Un document produit en version numrique par Mme Marcelle Bergeron, bnvole,professeure la retraie de lcole Dominique-Racine de Chicoutimi, Qubeccourriel: mailto:[email protected] web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin

    partir de :

    mile Durkheim (1897)

    Socialisme et science sociale.

    Une dition lectronique ralise partir de l'article dmile Durkheim Socialisme et science sociale Une analyse critique de l'ouvrage de GastonRichard, Le socialisme et la science sociale. Revue philosophique, XLIV, 1897, pp.200-205.

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    Socialismeet science sociale

    Par mile Durkheim (1897)L'objet de ce livre 1 est de constituer la notion du socialisme et de la con-

    fronter avec les rsultats de la sociologie comparative.

    C'est aux grandes uvres des matres et non aux programmes des partispolitiques ou aux dlibrations des congrs ouvriers que M. Richard demandeles lments de sa dfinition. C'est, suivant lui, diminuer le socialisme que dele rduire n'tre que la liste plus ou moins longue des revendications ouvri-res et des rformes pratiques destines y faire justice. Quand on ne consi-dre la doctrine que sous cet aspect, il est ais d'en avoir raison ; car il esttoujours facile de faire voir que les procds, recommands par les diffrentssystmes comme remdes souverains au mal dont nous souffrons, ou sontinapplicables aux faits, ou n'auraient pas les consquences qu'on en attend,etc. Une formule gnrale et abstraite est, par hypothse, trop loin du relpour pouvoir le pntrer tout d'un coup et sans rsistance. L'inapplicabilit im-mdiate d'une loi chimique n'en dmontre pas la fausset ; de mme, de ceque les applications qu'on a dduites des thories socialistes sont irralisablesou iraient contre leur but, on n'a pas le droit de conclure que ces thories sontfausses. Le socialisme est, avant tout, une certaine manire de concevoir etd'expliquer les faits sociaux, leur volution dans le pass et leur dveloppe-ment dans l'avenir. Cette conception doit donc tre examine, en elle-mme,

    1 Analyse critique de l'ouvrage de Gaston RICHARD, Le socialisme et la

    science sociale, Alcan, 1897.

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    abstraction faite de toute considration relative aux consquences pratiquesqui peuvent en rsulter.

    Ainsi entendu, le socialisme, malgr les variations incontestables qu'il aprsentes dans l'histoire, est loin d'tre sans unit. Quelque diverses quesoient les formes qu'il a successivement revtues, il y a tout au moins une pro-position sur laquelle toutes les sectes sont unanimes : c'est l'affirmation qu'unesocit nouvelle, o le capital ne serait plus le moteur de la vie conomique eto les valeurs ne seraient plus fixes par la concurrence, doit ncessairementsortir des socits actuelles. M. Richard le dfinit donc ainsi : Le socialismeest la notion de l'avnement d'une socit sans concurrence, grce uneorganisation de la production sans entreprise capitaliste et un systme derpartition o la dure du travail serait la seule mesure de la valeur (P. 79). C'est, comme on le voit, rduire le socialisme au collectivisme et presque aumarxisme. En fait, les seuls interprtes de la pense socialiste que l'auteurprenne partie sont Marx, Engels et Proudhon. Il refuse cette qualification Saint-Simon, Fourier, au socialisme agraire comme au socialisme chrtien.

    Si certaines de ces exclusions sont parfaitement fondes, il en est d'autresqu'on peut trouver insuffisamment justifies. Si l'asctisme chrtien n'a rien decommun avec le socialisme, il n'en est pas de mme du saint-simonisme.Nous estimons, quant nous, que tout l'essentiel de la doctrine socialiste setrouve dans la philosophie saint-simonienne. Mais, en somme, un auteur estmatre de constituer, comme il l'entend, l'objet de ses recherches et de le limi-ter son gr. Toujours est-il que, ainsi dfini, le socialisme appelle la discus-sion sur deux questions fondamentales, l'une qui concerne le pass et l'autrequi regarde l'avenir. Il implique, en effet, une certaine thorie sur la maniredont s'est constitu le capital et une autre sur le sens dans lequel tend s'orienter l'volution sociale. Que valent ces thories ?

    Selon Marx, le rgime capitaliste ne serait qu'une transformation du syst-me fodal, le salariat, une forme nouvelle et aggrave du servage. Autrefois, leserf travaillait ouvertement pour son matre une partie de la semaine ; aujou-rd'hui, l'ouvrier travaille pour son patron une partie de sa journe. Seulement,l'exploitation est moins visible. Son salaire, si l'on s'en tient aux apparences,reprsente son travail ; en ralit, il n'en reprsente qu'une fraction. Le resteest le bnfice de l'employeur.

    Or, dit M. Richard, cette conception historique est doublement errone : 1oII est faux que le salariat soit n du servage. Le serf d'autrefois est devenu,non l'ouvrier de l'industrie, non le proltaire salari, mais le petit fermier et lepetit propritaire d'aujourd'hui. L'anctre de l'ouvrier, c'est le compagnon duMoyen ge. C'est de la corporation qu'est issue l'entreprise capitaliste, demme que la corporation elle-mme tait ne de l'atelier domestique. Toutesces comparaisons entre le surtravail et la corve sont donc dnues de toutfondement objectif; 2o Cette volution, loin d'avoir empir la condition del'employ, rpond une relle ascension de la libert personnelle (p. 95).La corporation, c'est le rgime du monopole hrditaire sous le contrle del'autorit. Les matres tiennent sous leur dpendance les compagnons, demme qu'ils sont sous la dpendance du pouvoir politique. L'organisationcapitaliste se dveloppe en mme temps que la personnalit individuelle. Elleest l'instrument par lequel l'individu s'est mancip du joug collectif et du joug

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    de l'hrdit. Il est vrai que Marx ne fait appel ces considrations historiquesque pour confirmer sa thorie de la valeur qui est la base de tout son systme.Mais cette thorie implique contradiction. La valeur ne peut, comme le vou-drait Marx, s'exprimer en fonction de la dure du travail et d'elle seule que sion ne tient pas compte de sa capacit. Ou bien, si l'on essaie d'valuer lacapacit elle-mme en dure, il faudra prendre, comme moyen terme, la diffi-cult du travail. Mais la difficult du travail ne peut lever la rmunration destravailleurs qu' condition de rendre la concurrence plus difficile. Or, si l'onrevient la concurrence, que reste-t-il de la doctrine ? M. Richard va mmejusqu' accuser la thorie du surtravail d'aboutir la ngation de l'pargne.pargner, en effet, n'est-ce pas capitaliser, c'est--dire employer les produitsdu travail, non en objets de consommation, mais en nouveau travail, ou, ce quirevient au mme, en instruments de travail ?

    L'auteur passe alors la seconde question. Quoi qu'on pense sur lesorigines de la socit capitaliste, y a-t-il des raisons de croire qu'elle soit desti-ne accoucher d'une socit nouvelle o le capital ne serait plus la basedes entreprises conomiques ?

    Suivant Marx, c'est une loi de l'histoire que les capitaux se concentrentdans un nombre de mains toujours plus restreint ; d'o il conclut que, finale-ment, ils doivent passer dans les mains de la communaut. Mais, en ralit,cette prtendue loi d'volution a t obtenue par l'observation d'un cas unique.Son histoire de l'accumulation progressive des capitaux est, avant tout et deson propre aveu, l'histoire conomique de l'Angleterre. On ne peut pas imagi-ner une comparaison dont la base soit plus troite et, surtout, contraste davan-tage avec l'extrme gnralit de la loi induite. On ne peut pas lire l'avenir del'Europe dans le pass de la seule Angleterre. Toute cette philosophie de l'his-toire est, d'ailleurs, vicie par le fameux dogme du matrialisme conomique,qui est dpourvu de toute valeur scientifique. Ce n'est pas l'organisation co-nomique qui a dtermin les autres institutions sociales ; la preuve, c'est queles Incas du Prou taient communistes tout comme la confdration iro-quoise, et que, pourtant, la constitution fondamentale de ces deux socits taitbien diffrente. D'ailleurs, il est faux que les fonctions de nutrition et de gn-ration aient le rle prpondrant qu'on leur attribue. Ce sont les fonctions derelation, c'est--dire les fonctions reprsentatives, qui sont les facteurs essen-tiels du dveloppement humain.

    Mais prenons la loi d'accumulation en elle-mme. Si, vraiment, le capitalse concentrait de plus en plus dans un petit nombre de mains, on devrait voirla plus-value du capital diminuer paralllement. Car, comme, en vertu de lathorie, les travailleurs ne peuvent racheter tout le produit de leur travail,l'excdent qui leur chappe ne peut avoir pour consommateurs que les capita-listes eux-mmes. Les dbouchs diminueraient donc ncessairement si vrai-ment les dtenteurs de la fortune publique devenaient toujours moins nom-breux. De plus, cette accumulation n'est possible que grce une actioncoercitive qui imposerait l'ouvrier un surtravail toujours plus considrable.Mais o aperoit-on la moindre trace de cette contrainte ? L'histoire n'est-ellepas un affranchissement toujours plus complet de l'individu ? Et la statistiqueconfirme les inductions de l'histoire. Le nombre des propritaires va toujoursen croissant.

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    Mais le socialisme fait intervenir propos de ses prvisions l'histoire, nonpas seulement conomique, mais politique de l'humanit. L'tat social actuelrsulte, dit-on, de la scission de la socit en classes hostiles, scission qui estelle-mme due l'organisation actuelle de la production marchande : l'une nepourra donc disparatre qu'avec l'autre. Mais cette organisation, rpond M.Richard, est solidaire de la division du travail social. Le socialisme, s'il estconsquent avec lui-mme, doit donc aboutir cette conclusion que la divi-sion du travail, elle aussi, est destine disparatre ; ce qui revient s'insurgercontre l'histoire. Du reste, en fait, la loi que l'esprit de classe se dveloppeavec le capitalisme est contestable, il s'affaiblit mesure que la vie conomi-que s'organise sur la base de l'entreprise prive. Les progrs de la bourgeoisiesont contemporains de ceux de la science et du libre examen. Tout concourtdonc prouver que les socits s'orientent dans un sens trs diffrent de celuique leur assignent les socialistes. Assurment, il est ncessaire que la concur-rence s'attnue, il est urgent qu'une rglementation juridique des contratsprohibe d'incontestables abus. Il faut que les faibles, notamment la femme etl'enfant, soient protgs. Mais pour que ces rsultats soient obtenus, il n'estpas ncessaire de bouleverser l'organisation conomique actuelle ; tout au con-traire, la destruction du capitalisme, si elle venait se raliser, ne pourrait queles rendre impossibles.

    Tels sont les principaux arguments que M. Richard oppose au socialisme.Quoi qu'on pense de sa discussion, il est un mrite qu'on ne saurait lui dniersans injustice et qui, en pareille matire, est dj une originalit ; c'est unardent dsir d'introduire, dans ces controverses qui soulvent tant de passions,le calme et l'impartialit scientifiques. Aussi peut-on trouver la fois surpre-nantes et regrettables les attaques violentes dont il a t l'objet de la part dereprsentants autoriss des doctrines socialistes. Le socialisme a pourtant, ilnous semble, tout avantage accueillir autrement ceux qui, tout en le discu-tant, le traitent avec la dfrence et les gards dus tout systme d'ides qui ajou un rle important dans l'histoire de l'esprit humain. Tout le monde mmea intrt ce que ces discussions soient dsormais conduites, de part et d'au-tre, avec plus de sang-froid et sans cette animosit mutuelle qui est de rgleaujourd'hui et qui leur enlve tout caractre scientifique. Ce serait, tout aumoins, un premier apaisement, et c'est le service que, en ces questions, lascience peut rendre le plus immdiatement la pratique.

    Il y a, d'ailleurs, quelque chose de neuf dans le point de vue auquel s'estplac M. Richard ; et qui mrite de rester. En laissant de ct toutes les objec-tions traditionnelles sur l'applicabilit possible des thories socialistes, il a faitpreuve, croyons-nous, d'esprit scientifique. Rien de plus vain, en effet, quetoute cette dialectique o la passion a beau jeu. On est l'aise vis--vis del'avenir, prcisment parce qu'il n'est pas, et on le conoit un peu comme onveut, suivant qu'une mesure sduit ou non, on la trouve facilement praticableou chimrique. Il n'est pas de rforme de laquelle on n'ait dit, la veille mmedu jour o elle devait devenir une ralit, qu'elle tait impossible, et, quoiquephilosophes et hommes d'tat soient avertis par l'exprience de l'inanit decette mthode, comme c'est la plus facile, la plus la porte de tout le monde,c'est elle encore qu'on recourt le plus volontiers. Mais si l'on veut faireuvre utile, c'est vers le pass et non vers l'avenir qu'il faut se tourner ; l dumoins, parce qu'il y a une ralit donne, il y a un terrain pour la rechercheobjective et, par consquent, pour l'entente.

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    On trouvera de plus dans le livre de M. Richard nombre de vues ing-nieuses et intressantes, l'auteur y a dploy les qualits de logicien quidistinguaient dj son Essai sur l'origine de l'ide du droit. Il est vrai que,parfois, son argumentation a un caractre un peu formel. C'est que, peut-tre,il n'a pas pris, vis--vis du socialisme, la seule attitude qui convienne unsociologue. Du socialisme, conu comme une thorie des faits sociaux, lasociologie n'a qu'un mot dire : elle doit, par mthode et pour rester d'accordavec elle-mme, se refuser y voir une entreprise scientifique ; et si elle nedoit pas lui reconnatre ce caractre, c'est que les propositions qu'il nonce ontune trop grande extension. C'est un systme complet de la socit, considrdans le pass, dans le prsent, et par contrecoup, dans l'avenir, or il est impos-sible qu'un systme d'une telle ampleur puisse tre scientifiquement construit.La science ne peut tablir actuellement que des lois partielles, restreintes, malrelies entre elles ; par consquent, elle impose, pour tout ce qui concerne lapratique, la plus grande circonspection. Pour pouvoir porter des jugementsaussi catgoriques que ceux des socialistes sur l'ensemble de nos institutionssociales, il faudrait savoir un peu mieux ce que sont ces institutions, quellescauses les ont suscites, quels besoins elles rpondent, quels rapports ellessoutiennent les unes avec les autres. Mais pour cela toute sorte de recherchessont ncessaires qui sont peine commences. parler exactement, lesocialisme ne peut donc pas tre scientifique. Il ne peut qu'utiliser certainesdonnes, incompltes et fragmentaires, de la science au service d'une causequ'il soutient pour des raisons trangres la science ; car il la dpasse. Parexemple, que d'observations, que de comparaisons statistiques, historiques,ethnographiques suppose la moindre des thories du Capital ! Or ces tudes,non seulement Marx ne les avait pas faites, mais elles sont encore faire pourla plupart. Ce n'est pas qu'il n'y ait, dans ce livre, des vues philosophiques trssuggestives. Mais il ne faut pas confondre de belles et fcondes intuitions avecdes lois dfinies et mthodiquement dmontres. L'uvre du savant n'est pascelle du philosophe. Aussi, de toutes les critiques que M. Richard a adresses Marx, la plus forte nous parat tre celle qui se borne mettre en relief quelcart il y a entre la proposition fondamentale du systme et les observationssur lesquelles elle repose.

    Mais de ce qui prcde il ne suit pas, il s'en faut, que la sociologie doive,selon nous, traiter le socialisme comme une quantit ngligeable et en faireabstraction. Si ce n'est pas une thorie scientifique des faits sociaux, c'est unfait social de la plus haute importance et que les sociologues doivent chercher comprendre. Quoi qu'on fasse, il est, et il n'est pas sans cause ; il exprime untat de la socit. Sans doute, on peut tre assur, par avance, qu'il ne l'expri-me pas fidlement. Il ne suffit pas au malade de s'interroger sur les douleursqu'il ressent pour en dcouvrir les causes, la nature et le remde. Or le socia-lisme est avant tout la manire dont certaines couches de la socit particuli-rement prouves par les souffrances collectives, se les reprsentent. Mais, dumoins, il atteste l'existence d'un malaise social et, s'il n'en est pas une expres-sion adquate, il peut aider le comprendre, puisqu'il en drive. ce titre, ilest du plus haut intrt. Mais de ce point de vue, peu importe ce que peutvaloir scientifiquement la manire dont il justifie ses formules. Celles-ci nesont plus que des symboles. Il faut carter tout cet appareil logique pouratteindre la ralit sous-jacente. Tant qu'on ne procde pas ainsi, quelqueingnieux que soient les arguments imagins, il est difficile qu'ils n'aient pas

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    l'air un peu artificiel et ne sentent pas l'cole ; car ils ne portent pas sur quel-que chose de rel, mais seulement sur la forme extrieure de la ralit. Cettetude objective n'est-elle pas, d'ailleurs, la seule qui soit pratiquement utile ?Car, quand on a rfut les raisons que le socialisme allgue l'appui de sesassertions, on n'est pas renseign pour autant sur les causes qui l'ont suscit ily a prs d'un sicle, sur les besoins normaux ou non auxquels il rpond. Orn'est-ce pas ce qui importe ? II est vrai que les partis ont, pour rsoudre laquestion, des rponses toutes prtes. Mais ces solutions htives n'ont pas plusde valeur quand elles nient le socialisme que quand elles l'affirment. Pourarriver savoir ce que c'est que le socialisme, ce qui le constitue et de quoi ildpend, il ne suffit pas plus d'interroger les socialistes que leurs adversaires,mais il faut des recherches, des informations, des comparaisons mthodiquesdont les intuitions confuses et passionnelles de la conscience commune nesauraient tenir lieu.