eluard

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Eugène Émile Paul Grindel

dit

Paul ÉLUARD

(France)

(1895-1952)

Né à Saint-Denis, il passa ses premières années dans la grise banlieue, à Aulnay-sous-Bois, puis, à partir de 1908, à Paris. Dès l’enfance, il fut initié à la dure réalité de la douleur et, à l’âge de dix-sept ans, atteint de tuberculose pulmonaire, fut contraint d’interrompre ses études pour entrer dans un sanatorium à Davos, en Suisse. C'est là qu'il découvrit la poésie et rencontra la première inspiratrice de ses nombreux poèmes d'amour, Gala, une jeune Russe (de son vrai nom, Helena Diakovna). _________________________________________________________________________________________

“Premiers poèmes”(1913)

Recueil de poèmes________________________________________________________________________________________

“Dialogues des inutiles”(1914)

Recueil de poèmes________________________________________________________________________________________En 1914, aussitôt son retour à Paris, Paul Grindel fut envoyé sur le front où il devint le témoin fraternel de la souffrance des combattants et fut d’emblée pacifiste et antimilitariste convaincu. En 1917, il épousa Gala. ________________________________________________________________________________________

“Le devoir d'inquiétude”(1917)

Recueil de poèmes

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Commentaire

Paul Éluard, qui avait adopté comme pseudonyme le nom de sa grand-mère maternelle, y exprima, avec une émotion sans effets, son horreur de la guerre._________________________________________________________________________________________

“Poèmes pour la paix”(1918)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

Les poèmes de Paul Éluard lui valurent l’admiration de Jean Paulhan qui le mit en contact avec des cercles d'avant-garde où il se lia d'amitié avec des poètes (Aragon, Breton, Soupault, Tzara), des peintres (Picasso, De Chirico, Dali, Max Ernst). Il participa à Dada, à la revue “Littérature” ; puis il prit la direction de l’éphémère revue “Proverbe” (1919-1920) où se révéla son goût pour la formule lapidaire. De 1920 à 1922, sous le signe du dadaïsme, il publia des textes d’une concision déjà caractéristique de sa manière et où l’absurde est roi :_________________________________________________________________________________________

“Exemples”(1920)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

“Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux”(1920)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

“Les nécessités de la vie et les conséquences des rêves”(1922)

Recueil de poèmes________________________________________________________________________________________

“Répétitions”(1922)

Recueil de poèmes________________________________________________________________________________________

“Les malheurs des immortels”(1922)

Recueil de poèmes

Commentaire

Le recueil avait été co-écrit avec Max Ernst et accompagné de collages de ce dernier._________________________________________________________________________________________

Gala étant tombée amoureuse de Max Ernst, Paul Éluard connut une crise sentimentale intense qui lui fit quitter Paris pour une fugue au bout du monde qui culmina dans :_________________________________________________________________________________________

“Mourir de ne pas mourir”

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(1924)

Recueil de poèmes

Commentaire

Le recueil contient des poèmes caractérisés par le contraste de la forme (traditionnelle et classique) et l'image, surréaliste. Ils reflètent la sorte de trouble qui s'était emparée du poète dans ces années qu'on dit aujourd'hui «folles» et qui n'étaient pourtant pas toujours drôles, son éloignement devant un monde sans grâce._________________________________________________________________________________________

Peu après son retour, Paul Éluard participa activement aux manifestations des surréalistes. Par ses recherches verbales, ses expériences d'écriture automatique, l’interprétation psychologique des songes, le surréalisme lui offrait un moyen de connaissance ouvert sur l’inconscient et un mode de rénovation des techniques de langage. Mais, plus que le goût des hardiesses formelles, c’est l’amour de la vie, la tendresse pour les êtres et les choses qui lui inspirèrent :_________________________________________________________________________________________

“Capitale de la douleur”(1926)

Recueil de poèmes

Commentaire

Ce recueil, dédié à la muse, Gala, réunissait des plaquettes antérieures (“Répétitions”, 1922, et “Mourir de ne pas mourir”, 1924) à des ensembles inédits (“Les petits justes” et “Nouveaux poèmes”), des poèmes en prose et en vers, qui contenait les plus purs et les plus beaux chants d’Éluard, qui fut avant tout le poète de ce qu'André Breton appela «les vastes, les singuliers, les brusques, les profonds, les splendides, les déchirants mouvements du cœur». C’est un livre douloureux dans lequel le bonheur que l'être humain attend de l'amour ne parvient pas à apaiser le sentiment d'amertume et de désillusion où le plonge le monde._________________________________________________________________________________________

“Nouveaux poèmes”

Recueil de quarante-six poèmes

Commentaire

Le recueil comporte cinq récits de rêves, sept textes surréalistes, huit poèmes où dominent l'alexandrin, sept en prose et dix-neuf en vers libres :-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

“Leurs yeux toujours purs”

Jours de lenteur, jours de pluie,Jours de miroirs brisés et d’aiguilles perdues,Jours de paupières closes à l’horizon des mers,D’heures toutes semblables, jours de captivité,

Mon esprit qui brillait encore sur les feuillesEt les fleurs, mon esprit est nu comme l’amour,L’aurore qu’il oublie lui fait baisser la têteEt contempler son corps obéissant et vain.

Pourtant j’ai vu les plus beaux yeux du monde,Dieux d’argent qui tenaient des saphirs dans leurs mains,De véritables dieux, des oiseaux dans la terre

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Et dans l’eau, je les ai vus.

Leurs ailes sont les miennes, rien n’existeQue leur vol qui secoue ma misère,Leur vol de terre, leur vol de pierreSur les flots de leurs ailes,

Ma pensée soutenue par la vie et la mort.

Pour une analyse, aller à ÉLUARD - “Leurs yeux toujours purs”--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

“La courbe de tes yeux”

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,Un rond de danse et de douceur,Et si je ne sais plus du tout ce que j'ai vécuAuréole du temps, berceau nocturne et sûr,C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,Roseaux du vent, sourires parfumés,Ailes couvrant le monde de lumière,Bateaux chargés du ciel et de la mer,Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'auroresQui gît toujours sur la paille des astres,Comme le jour dépend de l'innocenceLe monde entier dépend de tes yeux pursEt tout mon sang coule dans leurs regards

Pour une analyse, aller à ÉLUARD - ‘’La courbe de tes yeux’’________________________________________________________________________________________

“Les dessous d'une vie ou La pyramide humaine”(1926)

Recueil de poèmes

Commentaire

Ce sont des textes en prose, récits de rêves, textes automatiques et poèmes. En raison de cette «division par genres», le recueil s’écartait de l’orthodoxie surréaliste. Éluard faisait le bilan de ses propres expériences dans le domaine de la fantaisie et du songe ; autant de tentatives d'évasion. Comme le voyage autour du monde, elles n'ont laissé qu'un sentiment plus âcre de solitude et de désespoir. C'est la note dominante de ce livre rimbaldien. _________________________________________________________________________________________

En 1926, Paul Éluard adhéra au parti communiste et collabora à la revue “Clarté”. En 1928, un réveil de son affection pulmonaire l’obligea à reprendre le chemin du sanatorium. Les poèmes qu'il avait écrits durant son séjour en Suisse furent réunis dans :________________________________________________________________________________________

“L'amour, la poésie”(1929)

Recueil de poèmes

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Commentaire

Dans ce livre douloureux, ce «livre sans fin», dédié à Gala, Éluard eut un ton de limpide évidence, éloigné des artifices de la rhétorique surréaliste. Dans les premiers poèmes, on retrouve l’inspiration amoureuse qui avait embrasé la fin de “Capitale de la douleur”. Maintenant, l’amour a exorcisé l’univers, conjuré les puissances malfaisantes et rendu «la confiance dans la durée». Dès lors, vivre est possible, tout est possible :

«Mes rêves sont au mondeClairs et perpétuelsEt quand tu n’es pas làJe rêve que je dors je rêve que je rêve».

Apparaissent alors quelques-uns des plus beaux poèmes d’amour de la poésie française, tel “Je te l’ai dit” : «Je te l’ai dit pour l’arbre de la mer [...]Je te l’ai dit pour tes pensées pour tes paroles Toute caresse toute confiance se survivent.»

Cependant, cette vision d’un monde transparent et amical, suscitée par l’amour, ne saurait, de même que l’amour, être immuable, assurée, possédée définitivement. Aussi le recueil contient-il à côté des clairs poèmes du bonheur nombre d’autres poèmes où le désespoir a retrouvé son ancienne puissance. Mais, au fond même de l’amertume, le poète reste constamment passionné, conscient de l’urgence qu’il y a à exprimer les révoltes encore muettes :

«Entendez-moi Je parle pour les hommes qui se taisent Les meilleurs.»

Presque tous ces poèmes se resserrent sur un petit nombre de mots, atteignent à une extrême concision et possèdent un grand pouvoir de suggestion._________________________________________________________________________________________

En 1929, Paul Éluard rompit avec Gala, qui était devenue la compagne de Salvador Dali. À partir de cette date, un profond changement se fit dans son esprit et dans son œuvre. À l'isolement dans le songe se substitua, pour la première fois, le goût et le besoin d'une participation à la réalité. Un des événements majeurs de sa vie, il rencontra sa deuxième inspiratrice, une femme à la fragile et lumineuse beauté immortalisée par Picasso et Man Ray, Nusch (Maria Benz), et les nouveaux poèmes d'amour qu’il lui dédia furent la preuve de sa naissance à une vie nouvelle : ils reflètent l'image de deux êtres heureux marchant à la découverte du monde, à la conquête d'une harmonie avec les autres. Éluard évolua vers l'affirmation d'une félicité possible :_________________________________________________________________________________________

“La vie immédiate”(1932)

Recueil de poèmes

Commentaire

Le recueil se termine sur une significative critique de la poésie. ________________________________________________________________________________________

“Certificat”(1932)

Pamphlet

Paul Éluard reprochait à Louis Aragon d’avoir, au congrès de Karkhov, marqué son adhésion inconditionnelle au communisme.________________________________________________________________________________________

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En 1933, Paul Éluard qui, dans les démêlés qui opposent les surréalistes à Aragon, préféra rester fidèle à Breton, et se fit exclure du parti en 1933, mais n’en continua pas moins à militer dans les organisations de gauche.En 1934, il épousa Nusch. Il participa au congrès d’Amsterdam-Pleyel contre la guerre, signa “L’appel à la lutte”.Les événements politiques des années trente allaient trouver sous sa plume un écho vibrant car il chercha à élaborer un langage poétique accessible à tous, bien que riche d’un foisonnement d’images harmonieuses :_________________________________________________________________________________________

“La rose publique”(1934)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

En 1935, Paul Éluard entra au Comité de vigilance des intellectuels._________________________________________________________________________________________

“Les yeux fertiles”(1936)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

Au moment de la révolution espagnole, Paul Éluard affirma sa solidarité avec les républicains et lutta contre le fascisme : _________________________________________________________________________________________

“Cours naturel”(1938)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

“Victoire de Guernica”(1938)

Poème

Commentaire

C’est un poème de circonstance chargé des accents de la colère et du refus.________________________________________________________________________________________

En 1938, à la suite du rapprochement d’André Breton avec Trotski, Paul Éluard rompit avec lui.________________________________________________________________________________________

“Donner à voir”(1939)

Recueil de poèmes

Commentaire

C’est une sorte d’anthologie composée d’une mosaïque de citations destinées à illustrer sa conception de la poésie, comprise d’abord comme une éthique de la lucidité._________________________________________________________________________________________

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“Chanson complète”(1939)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

La guerre survenant, Paul Éluard fut mobilisé, un an, en Sologne. Après l'armistice, il rentra dans Paris occupé où il publia :_________________________________________________________________________________________

“Le livre ouvert “(1940)

Recueil de poèmes

Commentaire

Ce sont des poèmes d'amour et de guerre mêlés, écrits en 1938-1939._________________________________________________________________________________________

À partir de 1942, la biographie de Paul Éluard se confond avec l'histoire de la Résistance. Assumant la direction du Comité national des écrivains pour la zone Nord et ayant rallié le parti communiste clandestin, il fut recherché par la Gestapo, entra dans la clandestinité et dut s'enfuir de Paris, où il revint courageusement pour continuer la lutte. L'action qu’il mena pendant ces années sombres le marqua et le transforma. Apparut chez lui une poésie de la Résistance et de la plus large communauté humaine, poésie de plus en plus transparente, où il affirma le devoir du poète de restaurer la liberté d’expression pour dire la haine de l’occupant, la souffrance de l’innocent, l’imminence de la vengeance. Elle fut publiée clandestinement, tantôt sous le pseudonyme de Maurice Hervent, tantôt sous celui de Jean de Haut, et circula dans le monde libre :_________________________________________________________________________________________

“Poésie et vérité”(1942)

Recueil de poèmes-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

“Liberté”

Commentaire

Le poème fut d’abord intitulé “Une seule pensée”._________________________________________________________________________________________

“Les sept poèmes d’amour en guerre”(1943)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

“Au rendez-vous allemand”(1944)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

À la Libération, Éluard, qui était auparavant un poète connu et apprécié d'un petit cercle d'intellectuels, devint un écrivain notoire sinon populaire, dont le nom passa toutes les frontières. Son existence en fut changée.

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Continuant le combat communiste, il fut invité à l'étranger, visita l'Italie, la Yougoslavie, la Grèce, la Pologne, la Tchécoslovaquie. C'est au cours de ses voyages qu'il termina son œuvre la plus importante : _________________________________________________________________________________________

“Poésie ininterrompue I”(1946)

Poème

Commentaire

Ce long poème-bilan retrace les étapes de la quête passionnée d’Éluard d'une vérité aussi bien extérieure qu'intérieure. Parti de l'amère dénonciation d'un monde de misère, il aboutit à l'évocation de la possibilité d'un monde heureux, de ce monde auquel il avait tant rêvé, et que sa foi de militant de gauche lui laissait espérer._________________________________________________________________________________________

“Le dur désir de durer”(1946)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

En novembre 1946, Paul Éluard était en Suisse, quand il apprit la fin absolument inattendue de sa compagne, Nusch, qui avait succombé à une hémorragie cérébrale. Il avait identifié amour et poésie, il perdait l'un et l'autre à la fois. Cette perte lui inspira :_________________________________________________________________________________________

“De l'horizon d'un homme à l’horizon de tous”(1947)

Recueil de poèmes

Commentaire

C’est le récit de la douleur d’Éluard et de son lent retour à la vie. ________________________________________________________________________________________

“Le temps déborde”(1947)

Recueil de poèmes

Commentaire

C’est un recueil qui se rapporte à la vie de l'auteur, qui chante la femme aimée, la muse.---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

“Notre vie”

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelieAurore d'une ville un beau matin de maiSur laquelle la terre a refermé son poingAurore en moi dix-sept années toujours plus clairesEt la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivreEt de donner la vie à ce que nous aimionsMais la mort a rompu l'équilibre du temps

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La mort qui vient la mort qui va la mort vécueLa mort visible boit et mange à mes dépens

Morte visible Nusch invisible et plus dureQue la soif et la faim à mon corps épuiséMasque de neige sur la terre et sous la terreSource des larmes dans la nuit masque d'aveugleMon passé se dissout je fais place au silence.

Pour une analyse, aller à ÉLUARD - ‘’Notre vie’’_________________________________________________________________________________________

“Corps mémorable”(1947)

Recueil de poèmes

Commentaire

Ce recueil d’un érotisme superbe fut dédié à Jacqueline Trutat qui, avec son compagnon, Alain, avait aidé le poète à surmonter l’épreuve de la perte de Nusch. «L’amour la mort la vie» : jamais autant peut-être dans la vie d’Éluard ces trois termes n’avaient été aussi solidaires._________________________________________________________________________________________

“Poèmes politiques”(1948)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

“Une leçon de morale”(1949)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

“Le pouvoir de tout dire”(1951)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

Paul Éluard se livra alors à une intense activité itinérante et militante dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique où il prit la parole pour défendre la poésie et la paix.En 1949, au cours d'un voyage au Mexique, où il participait à un Congrès du Mouvement pour la Paix, organisation crypto-communiste, il rencontra le peintre mexicain Diego Rivera, mari de Frida Kahlo et communiste engagé qui lui dédia ainsi un recueil d’estampes qu’il lui offrit : «Au grand poète Paul Elouard [sic] en souvenir de quand il vint jusqu’au Mexique, pour lutter depuis l’Amérique pour la Paix du monde contre l’impérialisme anglo-saxon et pour l’URSS, pays de nous tous et du futur de la terre.» Il rencontra aussi une jeune Française, Dominique, qui allait être sa troisième inspiratrice, grâce à laquelle il renaquit de manière triomphante, qu’il épousa la même année et à qui il dédia :_________________________________________________________________________________________

“Le phénix”(1952)

Recueil de poèmes----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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‘’Dominique aujourd’hui présente’’

Toutes les choses au hasardTous les mots dits sans y penserEt qui sont pris comme ils sont ditsEt nul n'y perd et nul n'y gagne

Les sentiments à la dériveEt l'effort le plus quotidienLe vague souvenir des songesL'avenir en butte à demain

Les mots coincés dans un enferDe roues usées de lignes mortesLes choses grises et semblablesLes hommes tournant dans le vent

Muscles voyants squelette intimeEt la vapeur des sentimentsLe coeur réglé comme un cercueilLes espoirs réduits à néant

* * *

Tu es venue l'après-midi crevait la terreEt la terre et les hommes ont changé de sensEt je me suis trouvé réglé comme un aimant

Réglé comme une vigne

À l'infini notre chemin le but des autresDes abeilles volaient futures de leur mielEt j'ai multiplié mes désirs de lumière

Pour en comprendre la raison

Tu es venue j'étais très triste j'ai dit ouiC'est à partir de toi que j'ai dit oui au mondePetite fille je t'aimais comme un garçon

Ne peut aimer que son enfance

Avec la force d'un passé très loin très purAvec le feu d'une chanson sans fausse noteLa pierre intacte et le courant furtif du sang

Dans la gorge et les lèvres

Tu es venue le voeu de vivre avait un corpsIl creusait la nuit lourde il caressait les ombresPour dissoudre leur boue et fondre leurs glaçons

Comme un oeil qui voit clair

L'herbe fine figeait le vol des hirondellesEt l'automne pesait dans le sac des ténèbresTu es venue les rives libéraient le fleuve

Pour le mener jusqu'à la mer

Tu es venue plus haute au fond de ma douleurQue l'arbre séparé de la forêt sans airEt le cri du chagrin du doute s'est brisé

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Devant le jour de notre amour

Gloire l'ombre et la honte ont cédé au soleilLe poids s'est allégé le fardeau s'est fait rireGloire le souterrain est devenu sommet

La misère s'est effacée

La place où d'habitude je m'abêtissaisLe couloir sans réveil l'impasse et la fatigueSe sont mis à briller d'un feu battant des mains

L'éternité s'est dépliée

Ô toi mon agitée et ma calme penséeMon silence sonore et mon écho secretMon aveugle voyante et ma vue dépassée

Je n'ai plus eu que ta présence

Tu m'as couvert de ta confiance.

Pour une analyse, voir ÉLUARD - ‘’Dominique aujourd’hui présente’’------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Commentaire sur le recueil

C’est un ardent épithalame où le poète exprime à la fois la constance de sa conscience morale et la reconquête de sa foi dans la vie._________________________________________________________________________________________

“Poésie ininterrompue II”(1952 posthume)

Recueil de poèmes_________________________________________________________________________________________

Paul Éluard s'éteignit à Paris, le 18 novembre 1952.

Dans son lyrisme incantatoire, il avait restitué à tout ce qu’il avait nommé, êtres et choses, désirs et rêves, sa limpidité individuelle, par le pouvoir d’un verbe à la fois fluide et dense. Solidaire de toute pensée généreuse, de tout élan d’amour, il voulut être le prophète d’une humanité délivrée de l’angoisse et de la haine. C’est surtout son oeuvre de poète insurgé qui lui a valu d’être inscrit dans les mémoires.

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