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René BLEUZEN LE DRENNEC En Clohars-Fouesnant Le Drennec en CloharsFouesnant, c'est d'abord une fontaine gothique, avec une piéta et un calvaire qui font le bonheur des peintres et photographes; c'est aussi la chapelle, bâtie en 1878, avec réutilisation d'éléments plus anciens datant du début du XVI ème siècle; c'est enfin, un peu plus au nord, l'ancien presbytère, voisin et vraisemblablement contemporain de la chapelle primitive. L’histoire de ce lieu ne débute vraiment pour nous qu'à la Révolution, avec la vente des « Biens nationaux » du clergé. Notons cependant que la Ré- formation de 1426 mentionne comme noble un Jehan Guillot à « an Drenec, qui n'est pas manoir » ; la Réformation du de 1536 cite Jean Kerouant, « sieur du Drenec ». Quant aux époques précédentes, nous en sommes réduits aux conjectures. 1/8

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René BLEUZEN

LE DRENNEC

En Clohars-Fouesnant

Le Drennec en CloharsFouesnant,

c'est d'abord une fontaine gothique, avec une piéta et un calvaire qui font le bonheur des peintres et photographes; c'est aussi la chapelle, bâtie en 1878, avec réutilisation d'éléments plus anciens datant du début du XVI ème siècle; c'est enfin, un peu plus au nord, l'ancien presbytère, voisin et vraisemblablement contemporain de la chapelle primitive.

L’histoire de ce lieu ne débute vraiment pour nous qu'à la Révolution, avec la vente des « Biens nationaux » du clergé. Notons cependant que la Ré-formation de 1426 mentionne comme noble un Jehan Guillot à « an Drenec, qui n'est pas manoir » ; la Réformation du de 1536 cite Jean Kerouant, « sieur du Drenec ». Quant aux époques précédentes, nous en sommes réduits aux conjectures.

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En 1898 (il y a juste cent ans), lorsque Monsieur l'abbé Abgrall, chanoine honoraire, parcourut le canton de Fouesnant en vue de la réalisation de, son « Livre d'or des Eglises de Bretagne », il ne vit pas la chapelle du Drennec : son intérêt est allé aux édifices romans, ou à ceux riches de leur architecture ou d'une longue histoire. La chapelle du Drennec échappa donc à ses investigations, mais il faut dire qu'elle était alors réduite à l'aile de transept d'un édifice disparu, autrefois bien plus important.

Le chanoine Abgrall fit pourtant une halte au Drennec : ce fut, comme il l'écrit, « pour admirer, sur le bord du

chemin, la fontaine de Notre-Dame du Drennec, dont le bassin est surmonté d'une vieille niche gothique abritant un groupe de Notre-Dame de Pitié. Le petit monument est accosté de deux clochetons ou pinacles et sert de base à une croix. Le tout est en granit un peu détérioré par le temps, bien couvert de mousse et de lichen, et dans une note admirablement bretonne. Les paroisses du voisinage et surtout celle d'Ergué-Armel se rendent en pèlerinage à Notre-Dame du Drennec pour obtenir la pluie, lorsqu'il y a de trop longues sécheresses: en retour, les paroissiens de Clohars-Fouesnant viennent demander du beau temps à l'église de Saint Alor du Petit-Ergué. » Ce que nos anciens rimaient : « Da Sani Alour evit kaout glao Ha d'an Drennec vit amzer brao »

En 1993 l'abbé Hubert Bouché, alors recteur des paroisses de Pleuven et de Clohars-Fouesnant, a remarquablement décrit la chapelle du Drennec et son mobilier dans le bulletin «Spécial Clohars » de « Foen Izella », dont il était l'un des principaux collaborateurs. Il a également retracé le travail réalisé par l'association « Les Amis de la chapelle du Drennec », créée au lendemain de l'incendie de la chapelle par la foudre, en 1982.

Avec le concours de Jean- Yves Le Corre, président de l'association pendant plusieurs années, et celui d'autres animateurs du lieu, nous avons voulu retracer I 'histoire de la chapelle et de ses environs.

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Sous la Révolution, la chapelle du Drennec, son presbytère, la métairie de Kerambombard qui la touchait étant biens de la «ci-devant église paroissiale de Cloar » furent donc vendues comme « biens nationaux ». (Voir « Aspects de la Révolution en Pays fouesnantais », documents réunis par Foen Izella ).

Le 19 prairial An IV ( 6 juin 1795 ), François Le Guillou et Étienne Detaille, experts, font l'estimation de la maison presbytérale et de ses dépendances, de la chapelle et de son placître, en présence du citoyen Saouzanet, « Commissaire du Directoire exécutif » ( et curé constitutionnel de Fouesnant ) et du citoyen Ransenne, soumissionnaire. La chapelle

La chapelle est située entre la cour du presbytère et un jardin "muré à dessein". Elle mesure 120 pieds de longueur « en deux parties d’équerre entre elles », 22 pieds de large, 15 de haut (les pignons sud et ouest en ayant 25, ce dernier surmonté d'un clocher en flèche). Le tout est construit en pierres de taille. Le placître est occupé par « une vieille fûtaie de chênes de la plus belle venue ». L'état général des bâtiments n'est pas mentionné. Chapelle et placître sont estimés 3.814 Livres, et vendus pour ce prix le 10 messidor An IV (28 juin 1796) à Louis Jean Baptiste Ransenne, négociant à Quimper.

Selon Louis Le Guennec, l'acquéreur de la chapelle la fit démolir et chargea une barque de matériaux qu'il avait dessein de vendre à Lorient. « Mais du bateau, de son équipage et de sa sacrilège cargaison, nul n’eut jamais de nouvelles. Ce qu'ils sont devenus, c’est le secret de

Dieu et de la mer ». On affirme d'autre part que les

pierres de taille du Drennec ont été uti-lisées dans la construction de l'église de Pleuven. La chose est possible, mais l'opération se serait alors déroulée dans les années qui ont précédé sa restitution au clergé de Clohars-Fouesnant. En effet, en 1864 l'architecte diocésain Le Bigot constatant le très mauvais état de l'église de Pleuven, décidait que le plus simple était d'en construire une nouvelle. Ce qui fut réalisé à partir de 1873 par l'architecte Le Guerrannic et le nouveau curé Jean-François Le Bras. Or, dès 1870 Madame de Kermel offrait à la fabrique de Clohars la chapelle dont elle était propriétaire: comment l’était-elle devenue et à quelle date ? Questions sans réponses, faute des documents nécessaires.

Par contre, les origines de la chapelle actuelle nous sont connues. En 1870, Madame de Kermel contactait les époux Clorennec, qui proposaient de vendre à la paroisse une pièce de terre de 12 ares pour la construction d'un nouvel édifice. L'opération était soumise à l'administration et à l'autorisation du Président de la République : cette autorisation parvenait le 28 novembre 1872, un peu tard, la donatrice étant décédée un mois plus tôt, le 15 octobre 1872.

Mais les six enfants de la défunte, fidèles à la promesse de leur mère, exécutaient très vite sa volonté, et se retrouvaient pour cela le 6 juin 1873 en l'étude de Maître Lesneven, notaire à Pleuven : « Le 6 juin 1873 ont comparu : Madame Caroline Françoise de Kermel, propriétaire, demeurant au Drennec;

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- Madame Hortense Claire de Ker-mel, épouse Saget de la Jonchère, de-meurant à Bohars ;

- Henri Olivier de Kermel, capitaine de frégate en retraite, demeurant à Keranroux en Clohars-Fouesnant ;

- Olivier Marie de Kermel, proprié-taire, demeurant au Mesmeur en Fouesnant ;

- Mademoiselle Léontine de Kermel, propriétaire, demeurant à Keranroux, mandataire de Victoire Marie de Kermel, épouse de Henri de Castelineau, demeurant à Bassassury, près de Bayonne.

Lesquels comparants, voulant s'unir à cette pensée de foi qui porte tous les paroissiens de Clohars-Fouesnant à désirer la reconstruction d'une chapelle sous l'invocation de Notre-Dame du Drennec, et pour continuer l’oeuvre de rétablissement et de réparation commencée par Madame de Kermel leur mère, ont fait donation entre vifs et irrévocable, à la Fabrique de CloharsFouesnant :

1°- de la chapelle existant sur le placître du Drennec.

2°- de 26 ares à prendre dans le champ de Parc ar roz bras, N° 257, sis près de la fontaine du Drennec et dépendant du lieu de Keranroux.

La donation est faite sous les charges et conditions que la Fabrique sera tenue d’exécuter :

1°- de construire sur le terrain

donné une chapelle sous l'invocation de Notre-Dame du Drennec ;

2°- de réunir à cette chapelle pour en faire une aile spéciale, la petite chapelle du placître du Drennec, et de la reconstruire exactement comme elle existe

3°- de faire célébrer le 18 octobre de chaque année dans l’église paroissiale un service solennel pour le repos des âmes de la famille de Kermel;

4°- de faire dire chaque année au Drennec quatre messes pour la famille de Kermel ;

5°- de mentionner Monsieur et Madame de Kermel dans la prière prônale du dimanche.

Le tout à perpétuité.

Ont signé tous les comparants, dont Madame de Bréban, nom de dame de Hortense de Kemlel.

Plan de la chapelle du Drennec, daté de 1873, annexé à l'acte de donation. Les dimensions n'ont rien de commun avec celles de la chapelle d'origine. Elles sont, à quelques centimètres près, celles du transept sud de la chapelle actuelle : la deuxième condition de la donation aurait donc bien été respectée.

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La famille de Kermel

Madame de Kemel, qui est à l’origine de la donation dont nous venons de parler, était née Marie- Thérèse de Silguy. Sa famille était propriétaire du domaine de Mesmeur en La Forêt Fouesnant, l'actuel golf de Cornouaille. Elle y était née le 19 octobre 1793, et y est décédée le 15 octobre 1872. Son mari, Charles Olivier Marie de Kemel, originaire de Guingamp, était ingénieur en chef des Ponts et Chaussées à Quimper, où il est décédé en1839. Dans les ancêtres de la famille de Kemel, tous originaires des actuelles Côtes d'Armor, on trouve un page de la Grande Écurie du Roi Louis XV , un page et chef d'escadron du Roi Louis XVI. Quant à Olivier Marie cité dans l'acte qui précède, il était marquis, capitaine des zouaves pontificaux, titulaire de plusieurs décorations vaticanes dont celle de chevalier de Pie IX. Le fils de cet Olivier Marie de Kemel, Olivier Jean Thomas, épousa Thérèse Germaine Charlotte Villard, née le 15 juin 1874 à Paris, et décédée le 13 juin 1955 en son domicile de la rue de la Poste à Bénodet. Les vieux bénodétois se souviennent de « la marquise de Kemel », une vieille dame originale que sa connaissance de la langue allemande et son intrépidité ont amené à rendre de pré-cieux services à la population durant l' occupation.

A noter encore que la « marquise de Kemel » a été propriétaire du manoir de Squividan qu'elle a longtemps habité avant de le vendre à la famille Verlingue, qui l'a elle-même cédé à Madame Fieux. Il est actuellement propriété du Conseil Général du Finistère, pour devenir le musée qui abritera les toiles d'Émile Simon et de Madame Fieux.

Pour en revenir à l’acte de donation de la chapelle par les consorts de Kemel, signalons encore qu'il ne mentionne pas d'origine de propriété, et que nos recherches à ce sujet sont demeurées vaines. S'agit-il d'un bien de la famille de Kemel, ou de celle de Silguy ? Cette dernière était bien implantée dans la région, elle ne compte pas d'émigrés pendant la Révolution. Le nom est souvent cité comme soumissionnaire dans les ventes de Biens nationaux de première origine (biens du clergé), et on peut logiquement supposer qu'il s'agissait là de moyens pour rendre au clergé des biens lui appartenant.

Peut-être est-ce ainsi qu'il convient d'interpréter la phrase de l'acte de donation: «continuer l'oeuvre de rétablissement et de réparation commencée par Madame de Kermel, leur mère. »

Le presbytère et sa métairie Du 21 au 25 frimaire, An III de la République (décembre 1795), François Bréhier, commissaire-expert du District de Quimper procède à l’estimation de la métairie de Kerambombard, alors louée par la municipalité de Clohars au citoyen Demizit (qui est le recteur de la paroisse...) Cet acte énumère les différents bâtiments et pièces de terre. Parmi celles-ci, relevons un « cimetière ou placître du Drennec », et un champ nommé « ménez an feunteun Maria ». L’estimation se monte au total à 1.300 Livres. Après une succession d'enchères serrées, la métairie est adjugée au citoyen Clorennec, agissant pour François Le Quilliec, pour la somme de 25.100 Livres.

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Quant au presbytère, qui avait déjà été évalué en même temps que la chapelle, c'est une construction « en moillon avec mortier d'argile enduite en cham et sable ». (Les photos actuelles montrent cependant une façade en pierres de taille...) Il a 40 pieds de long, 18 de large et 18 de haut, est couvert en ardoise, comporte un escalier intérieur de pierre en forme de tour ; à l'ouest, deux écuries d'inégale hauteur ; dans la cour, un four à pain, un puits, un mauvais hangar . A peu de distance est un jardin muré, garni de fruitiers en espaliers, et un autre jardin entouré de talus et «plein de différents bois ».

Nous ignorons tout de l'histoire de la chapelle du Drennec et de son presbytère avant l'épisode de leur vente comme Biens nationaux. C'étaient pourtant des constructions importantes par leurs dimensions.

La paroisse avait bien son église

principale au bourg, mais il semble bien qu'elle n'avait d'autre presbytère que celui du Drennec, et que désormais le recteur de Clohars se trouvait sans logement ! Cette situation explique la correspondance que le maire de la commune, de Kerillis, échange avec la préfecture. Il déplore, en 1823, que la commune soit « privée de desservant depuis longtemps », qu'elle n'ait pas acheté le presbytère, « l'un des plus beau du diocèse », et signale que le nouveau propriétaire ne veut ni le céder ni le vendre.

La paroisse aurait donc été sans prêtre après la vente des biens du Drennec, et c'est probablement parce qu'elle ne pouvait lui assurer un gîte. Notons aussi que le recteur Demizit s'est retiré à Douarnenez, sa commune d'origine, aussitôt après l'estimation de la com-mission Guillou / Detaille.

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Aux premières années de ce siècle, le presbytère était occupé par un exploitant agricole du nom de Govin, qui avait déjà découvert les vertus de la publicité, si l'on en juge par la carte postale dont nous avons fait figurer une reproduction sous l'article de la page 13 : elle représente le presbytère du Drennec, et vante l'excellence des produits de la ferme de M. Govin. L'ancien presbytère est toujours debout, au bord de la route qui mène à Kerangouic. Ses actuels propriétaires, Monsieur et Madame Miqueau, l'ont acquis en 1981 dans une vente aux enchères de la succession Gaillard, et l'ont restauré avec goût.

La façade est de belle pierre de taille, patinée par les ans. La porte d'entrée en plein-cintre ( comme d'ailleurs celle qui mène à l'escalier intérieur ) débouche dans une des deux immenses salles du rez-de-chaussée, où a été préservé et mis en valeur tout ce qui fait l'intérêt historique de la construction : moellons jointoyés, empoutrement, cheminée monumentale... L'escalier menant à l'étage est un escalier à vis en granit, avec cage ronde intérieurement et carrée à l’extérieur.

Au sommet de l'angle nord-ouest, une belle pierre sculptée figure un animal tenant entre ses pattes un écusson malheureusement illisible.

L'ancien presbytère, côté nord. Remarquer le support d'écusson mentionné ci-dessus. S'il est bien d'origine, il tendrait à prouver que le bâtiment a été demeure seigneuriale avant d'être presbytère... Remarquer également la tour carrée abritant l'escalier intérieur, tour que le descriptif établi en 1796 qualifie pompeusement de « donjon ».

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Le site du Drennec était surtout connu autrefois pour son « Pardon des chevaux », le premier dimanche du mois de juillet. Après une éclipse assez longue due à la quasi disparition des chevaux de labour, remplacés par les tracteurs, la tradition est actuellement reprise avec les pensionnaires des nombreux clubs hippiques de la région.

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