EDUCATION - Le Devoir

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« Le réseau québécois est le plus performant de toute la Francophonie » Page 3 Guy Rocher voudrait l’autonomie pour les directions d’école Page 4 L’écart se creuse entre écoles privées et publiques Page 7 RÉGINALD HARVEY B onifier le système scolaire. Avec cet objectif en tête, la Centrale des syn- dicats du Québec a donné rendez- vous, les 21 et 22 février prochains, à plusieurs partenaires du milieu de l’éducation. Son président, Réjean Parent, analy- se la situation et cerne en premier lieu l’enjeu majeur qui pèse actuellement lourd dans la ba- lance pour le futur: «On va devoir être de plus en plus instruit pour obtenir des emplois de qualité. On parle à court terme, soit au cours de la pro- chaine décennie, de plus d’un million de postes qui seront à combler, quand on sait que les em- plois de demain vont nécessiter l’obtention d’un diplôme d’études supérieures de niveau collégial, voire universitaire.» Le Québec fait face sur ce plan à un défi de so- ciété, qui consiste à posséder un système d’éduca- tion de qualité qui soit en mesure de former des diplômés: «On devrait rehausser le taux de diploma- tion et maintenir de la sorte le même objectif qu’on avait en 1997, qui était de tendre vers les 85 % avant les 20 prochaines années; on serait sur la bon- ne voie si on pouvait accélérer le processus comme les Ontariens et les Albertains l’ont fait.» Le taux de décrochage ou d’abandon est pas- sé de 30 %, dans les années 1990, à environ 20 %, aujourd’hui: «Il y a eu des progrès considérables en cette matière au cours des dernières années, mais il y a encore des efforts à faire de ce côté-pour augmenter le taux de réussite et d’obtention de diplômes.» La raison plutôt que l’improvisation La CSQ s’insurge contre les remèdes prescrits par des apprentis sorciers et fait plutôt appel à la raison pour aplanir les difficultés rencontrées, comme le laisse savoir le président: «Quand on se penche sur les études réalisées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Québec se compare avantageusement avec le Canada, en ce sens qu’il contribue à la per- formance canadienne; et quand on compare le Ca- nada au reste du monde, on figure dans le peloton de tête, alors qu’on se classe parmi les cinq pre- miers sur l’ensemble de la planète. En examinant ces données, on voit qu’on a quand même un systè- me d’éducation qui est passablement efficace, même si on investit moins en argent au Québec par habitant dans celui-ci que le reste du pays ou que les Américains. Par rapport à d’autres pays in- dustrialisés, on obtient des résultats qui se compa- rent ou se rapprochent de ceux des Coréens du Sud, des Chinois et des Finlandais, avec un finance- ment qui est moindre.» Il prend position: «C’est bien beau de vouloir fai- re de grandes réformes, mais je dis: assoyez-vous sur votre siège et identifiez clairement ce à quoi vous voulez vous attaquer! Quand on veut réparer un tuyau qui coule dans sa résidence, il est assez rare qu’on démolit la maison au complet pour y ar- river. On répare, même s’il est bon de temps en temps de faire du rafraîchissement ou de réaména- ger une pièce.» Il sert cette mise en garde: «Quand on veut ré- former, il importe de savoir vers quoi on se dirige et de quoi on parle.» À titre d’exemple, il recon- naît notamment qu’il est impérieux de se doter ici d’un système de formation continue qui soit beaucoup plus accessible. Une centrale dans le feu de l’action Réjean Parent assure que la CSQ conduit plu- sieurs démarches en vue de bonifier le système: «On s’ingénie à faire des démarches auprès du mi- nistère de l’Éducation.» Il en va de même au sujet des problèmes de lecture rencontrés au primai- re, qui seront cause de décrochage plus loin dans le parcours scolaire: «On a vu où il y avait des carences dans le programme actuel, et il y a des discussions qui sont menées pour apporter les ajus- tements conséquents qui vont servir à rehausser la réussite dès la première ou la deuxième année.» Il y va de cette recommandation sur le plan des interventions professionnelles de diverses na- tures: «Il importe de s’attaquer à tous les pro- blèmes d’apprentissage de façon musclée et de faire de ces derniers une priorité nationale, parce que, en bout de course, on n’a plus les moyens de perdre personne. Il est fini, le temps de dire que c’est le prof qui fait la différence à lui tout seul, dans un monde où la science éducative a démontré qu’on a besoin de toute une armée pour contourner des problèmes de ce genre.» La CSQ, par le biais de ses membres, est bien au fait de toute la problématique des comporte- ments qui a envahi l’école de 2012; ces troubles sont de plus en plus nombreux: «Sans que leurs causes soient vraiment bien documentées, quand il y a une maladie, il faut s’y attaquer, et, à ce propos, il y a toute une stratégie qui doit être déployée, que ce soit pour contrer la violence dans les établisse- ments ou savoir comment intervenir envers les élèves qui éprouvent de telles difficultés.» Le regroupement syndical s’active aussi dans le dossier de la motivation des élèves du secon- daire, qui passe par la gamme des activités à mettre en place, mais aussi par la mobilisation de la communauté envers ces jeunes pour leur facili- ter la réussite: «À cet égard, les études démontrent qu’ils échouent s’ils se livrent à un trop grand nombre d’heures de travail; c’est majeur de se don- ner des règles communes à ce sujet.» Le dossier de l’accessibilité aux études supé- rieures retient l’attention: «Dans les prochaines se- maines, ce sera un défi majeur pour nous que celui des droits de scolarité à l’université. On s’attaque là à la classe moyenne, et ce sont les enfants d’ou- vriers qui vont subir des pressions supplémentaires; il y en a parmi eux qui finiront par ne pas pour- suivre des études universitaires, alors que notre so- ciété aurait eu besoin qu’ils le fassent.» Enfin, il in- vite au refinancement des cégeps en région afin d’éviter la disparition d’établissements qui sont actuellement en péril, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur le développement économique régional en privant les jeunes d’un accès à des études supérieures. Bâtir sur des acquis À la suite de quoi, Réjean Parent résume ses attentes par rapport au rendez-vous: «C’est pour mettre de la raison dans tout cela, c’est pour faire appel au rationnel; il s’agit de sortir des percep- tions et des préjugés.» Il renvoie à cette image: «“Il enfourcha son che- val et il s’en alla dans toutes les directions”: c’est ce à quoi ressemblent certaines positions prises au Québec actuellement. On se calme et on va réflé- chir. Voilà l’état des lieux: notre école va bien, mais elle est perfectible sur certains points, où doi- vent porter nos efforts; il y a des stratégies à mettre en place qui seraient gagnantes pour les pro- chaines années.» Collaborateur du Devoir JACQUES NADEAU LE DEVOIR Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Québec se compare avantageusement avec le Canada, en ce sens qu’il contribue à la performance canadienne en matière de réussite scolaire. L’école québécoise est certes perfectible, mais elle se porte mieux que ce que montre d’elle le discours catastrophiste à son sujet qui a cours sur certaines tribunes. La Cen- trale des syndicats du Québec (CSQ) entend plutôt travailler sur les stratégies qui sont raisonnablement susceptibles de bonifier le système. Le temps est venu de réfléchir sur les bouleversements systémiques en éduca- tion prônés par certains. Colloque «Quelle éducation voulons-nous pour le Québec? » LA CSQ souhaite faire le point sur les véritables défis en éducation «Quand on veut réformer, il importe de savoir vers quoi on se dirige et de quoi on parle» CAHIER G › LE DEVOIR, LES SAMEDI 18 ET DIMANCHE 19 FÉVRIER 2012 EDUCATION LA CSQ EN COLLOQUE

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Page 1: EDUCATION - Le Devoir

«Le réseauquébécois est leplus performantde toute laFrancophonie»Page 3

Guy Rochervoudraitl’autonomie pourles directionsd’école Page 4

L’écart se creuse entreécoles privéeset publiquesPage 7

R É G I N A L D H A R V E Y

B onifier le système scolaire. Avec cetobjectif en tête, la Centrale des syn-dicats du Québec a donné rendez-vous, les 21 et 22 février prochains, àplusieurs partenaires du milieu de

l’éducation. Son président, Réjean Parent, analy-se la situation et cerne en premier lieu l’enjeumajeur qui pèse actuellement lourd dans la ba-lance pour le futur: «On va devoir être de plus enplus instruit pour obtenir des emplois de qualité.On parle à court terme, soit au cours de la pro-chaine décennie, de plus d’un million de postesqui seront à combler, quand on sait que les em-plois de demain vont nécessiter l’obtention d’undiplôme d’études supérieures de niveau collégial,voire universitaire.»

Le Québec fait face sur ce plan à un défi de so-ciété, qui consiste à posséder un système d’éduca-tion de qualité qui soit en mesure de former desdiplômés: «On devrait rehausser le taux de diploma-tion et maintenir de la sorte le même objectif qu’onavait en 1997, qui était de tendre vers les 85 %avant les 20 prochaines années; on serait sur la bon-ne voie si on pouvait accélérer le processus commeles Ontariens et les Albertains l’ont fait.»

Le taux de décrochage ou d’abandon est pas-sé de 30 %, dans les années 1990, à environ 20 %,aujourd’hui: «Il y a eu des progrès considérablesen cette matière au cours des dernières années,mais il y a encore des efforts à faire de ce côté-làpour augmenter le taux de réussite et d’obtentionde diplômes.»

La raison plutôt que l’improvisation

La CSQ s’insurge contre les remèdes prescritspar des apprentis sorciers et fait plutôt appel à laraison pour aplanir les difficultés rencontrées,comme le laisse savoir le président: «Quand on sepenche sur les études réalisées par l’Organisationde coopération et de développement économiques(OCDE), le Québec se compare avantageusementavec le Canada, en ce sens qu’il contribue à la per-formance canadienne; et quand on compare le Ca-nada au reste du monde, on figure dans le pelotonde tête, alors qu’on se classe parmi les cinq pre-miers sur l’ensemble de la planète. En examinantces données, on voit qu’on a quand même un systè-me d’éducation qui est passablement ef ficace,même si on investit moins en argent au Québecpar habitant dans celui-ci que le reste du pays ouque les Américains. Par rapport à d’autres pays in-dustrialisés, on obtient des résultats qui se compa-

rent ou se rapprochent de ceux des Coréens du Sud,des Chinois et des Finlandais, avec un finance-ment qui est moindre.»

Il prend position: «C’est bien beau de vouloir fai-re de grandes réformes, mais je dis: assoyez-voussur votre siège et identifiez clairement ce à quoivous voulez vous attaquer! Quand on veut réparerun tuyau qui coule dans sa résidence, il est assezrare qu’on démolit la maison au complet pour y ar-river. On répare, même s’il est bon de temps entemps de faire du rafraîchissement ou de réaména-ger une pièce.»

Il sert cette mise en garde: «Quand on veut ré-

former, il importe de savoir vers quoi on se dirigeet de quoi on parle.» À titre d’exemple, il recon-naît notamment qu’il est impérieux de se doterici d’un système de formation continue qui soitbeaucoup plus accessible.

Une centrale dans le feu de l’action

Réjean Parent assure que la CSQ conduit plu-sieurs démarches en vue de bonifier le système:«On s’ingénie à faire des démarches auprès du mi-nistère de l’Éducation.» Il en va de même au sujetdes problèmes de lecture rencontrés au primai-

re, qui seront cause de décrochage plus loindans le parcours scolaire: «On a vu où il y avaitdes carences dans le programme actuel, et il y a desdiscussions qui sont menées pour apporter les ajus-tements conséquents qui vont servir à rehausser laréussite dès la première ou la deuxième année.»

Il y va de cette recommandation sur le plan desinterventions professionnelles de diverses na-tures: «Il importe de s’attaquer à tous les pro-blèmes d’apprentissage de façon musclée et de fairede ces derniers une priorité nationale, parce que,en bout de course, on n’a plus les moyens de perdrepersonne. Il est fini, le temps de dire que c’est leprof qui fait la différence à lui tout seul, dans unmonde où la science éducative a démontré qu’on abesoin de toute une armée pour contourner desproblèmes de ce genre.»

La CSQ, par le biais de ses membres, est bienau fait de toute la problématique des comporte-ments qui a envahi l’école de 2012; ces troublessont de plus en plus nombreux: «Sans que leurscauses soient vraiment bien documentées, quand ily a une maladie, il faut s’y attaquer, et, à ce propos,il y a toute une stratégie qui doit être déployée, quece soit pour contrer la violence dans les établisse-ments ou savoir comment intervenir envers lesélèves qui éprouvent de telles difficultés.»

Le regroupement syndical s’active aussi dansle dossier de la motivation des élèves du secon-daire, qui passe par la gamme des activités àmettre en place, mais aussi par la mobilisation dela communauté envers ces jeunes pour leur facili-ter la réussite: «À cet égard, les études démontrentqu’ils échouent s’ils se livrent à un trop grandnombre d’heures de travail; c’est majeur de se don-ner des règles communes à ce sujet.»

Le dossier de l’accessibilité aux études supé-rieures retient l’attention: «Dans les prochaines se-maines, ce sera un défi majeur pour nous que celuides droits de scolarité à l’université. On s’attaquelà à la classe moyenne, et ce sont les enfants d’ou-vriers qui vont subir des pressions supplémentaires;il y en a parmi eux qui finiront par ne pas pour-suivre des études universitaires, alors que notre so-ciété aurait eu besoin qu’ils le fassent.» Enfin, il in-vite au refinancement des cégeps en région afind’éviter la disparition d’établissements qui sontactuellement en péril, ce qui pourrait avoir desconséquences néfastes sur le développementéconomique régional en privant les jeunes d’unaccès à des études supérieures.

Bâtir sur des acquis À la suite de quoi, Réjean Parent résume ses

attentes par rapport au rendez-vous: «C’est pourmettre de la raison dans tout cela, c’est pour faireappel au rationnel; il s’agit de sortir des percep-tions et des préjugés.»

Il renvoie à cette image: «“Il enfourcha son che-val et il s’en alla dans toutes les directions”: c’est ceà quoi ressemblent certaines positions prises auQuébec actuellement. On se calme et on va réflé-chir. Voilà l’état des lieux: notre école va bien,mais elle est perfectible sur certains points, où doi-vent porter nos efforts; il y a des stratégies à mettreen place qui seraient gagnantes pour les pro-chaines années.»

Collaborateur du Devoir

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Québec secompare avantageusement avec le Canada, en ce sens qu’il contribue à la performance canadienneen matière de réussite scolaire.

L’école québécoise est cer tes per fectible,mais elle se porte mieux que ce que montred’elle le discours catastrophiste à son sujetqui a cours sur certaines tribunes. La Cen-trale des syndicats du Québec (CSQ) entendplutôt travailler sur les stratégies qui sontraisonnablement susceptibles de bonifier lesystème. Le temps est venu de réfléchir surles bouleversements systémiques en éduca-tion prônés par certains.

Colloque «Quelle éducation voulons-nous pour le Québec? »

LA CSQ souhaite faire le point sur les véritables défis en éducation«Quand on veut réformer, il importe de savoir vers quoi on se dirige et de quoi on parle»

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EDUCATIONLA CSQ EN COLLOQUE

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É D U C AT I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 8 E T D I M A N C H E 1 9 F É V R I E R 2 0 1 2G 2

C L A U D E L A F L E U R

«L a question de la pauvretéoccupe le chapitre central

de notre rapport, rappelle celuiqui a présidé le Groupe de travailpour les jeunes, puisque c’est ledéterminant le plus lourd dans ceque vivent les enfants. Nous pro-posions même de réduire de 50 %la pauvreté chez les enfants dansles dix années suivant la publica-tion du rapport.»

Depuis vingt ans, poursuit Ca-mil Bouchard, il y a eu des avan-cés extraordinaires dans les poli-tiques de lutte contre la pauvretégrâce, en bonne partie, à la misesur pied des centres de la petiteenfance, des congés parentauxet de la perception automatiquedes pensions alimentaires.

«La création des CPE a ainsipermis à 75 000 mères de reve-nir sur le marché du travail, sou-ligne-t-il, et notamment auxmères monoparentales de se sor-tir de la pauvreté.» Ce faisant,elles sont devenues des con-sommatrices (qui paient doncdes taxes) et des contribuables(qui paient des impôts).

C’est ainsi que les écono-mistes Pierre Fortin, Luc God-bout et Suzie Saint-Cerny ont ré-cemment montré que, pour uninvestissement de deux milliardsde dollars par année, les pro-grammes de soutien à la petiteenfance et de conciliation travail-famille rapportent 2,5 milliardspar année en impôts directs et in-directs, en taxes et en diminu-tion des prestations d’assuranceemploi ou d’aide sociale… sanscompter les bienfaits apportésaux enfants.

En outre, les parents de bé-bés ont désormais accès auxcongés parentaux, «ce qui estune avancée extraordinaire,considère Camil Bouchard,puisque cela permet de façonnerdes liens d’attachement entre lesparents et l’enfant. Et un congéexclusif au père est aussi uneavancée extraordinaire!»

De même, la perception auto-matique des pensions alimen-taires a eu un impact considé-rable sur la diminution de lapauvreté chez les femmes mo-noparentales. «À l’époque oùnous avons publié notre rapport,à peine 28 % des pensions ali-

mentaires étaient versées auxfemmes, rapporte M. Bouchard,alors que maintenant on est au-tour de 90 %.»

De plus, ces dernières années,le gouvernement a reformaté lesallocations familiales de façonque les familles à très bas revenudisposent de plus d’argent. Il aaussi institué une prime à l’em-ploi qui comble la dif férenceentre le revenu d’une personnequi travaille à temps plein et leseuil de pauvreté.

«Il y a donc toutes sortes de me-sures qui font en sorte qu’on aréussi au Québec à réduire lapauvreté chez les jeunes enfants deprès de 50 % au cours des quinzedernières années, ce qui est énor-me, résume le chercheur univer-sitaire. Le Québec est en fait leseul endroit en Amérique du Nordoù cela est arrivé!»

Remédier au décrochagescolaire

Camil Bouchard constate enoutre qu’on parle généralementdu décrochage scolaire à tort età travers, «puisqu’on n’a jamaisles bons chiffres».

«On dit par exemple qu’on a untaux de décrochage de près de 30 %, ce qui est faux, tranche-t-il.En fait, ce sont plutôt de 26 à 30 % des élèves qui ne terminentpas leurs études secondaires dansles cinq années prévues, ce quin’est pas la même chose. Notrevrai taux de décrochage avoisineles 17 à 18 % de jeunes qui n’ob-tiendront jamais leur diplôme

d’études secondaires. Or, au débutdes années 1980, on avait un tauxde décrochage de près de 40 %.»

Pour que les jeunes persévè-rent jusqu’au terme de la 5e se-condaire, il faut les faire se sentirindispensables à leur commu-nauté et à leur école, préconisele chercheur. «Il faut donc quetous les jeunes deviennent des ac-teurs appréciés dans leur milieude vie, dit-il, ce qui augmentera laprobabilité qu’ils demeurent ac-crochés à la communauté. Il fau-drait donc augmenter, et vraimentde beaucoup, toutes les offres d’ac-tivités parascolaires et que celles-cisoient reconnues par l’école.»

Alors que, dans les pays del’OCDE, 38 % des diplômes oc-troyés aux jeunes de moins de24 ans le sont pour une forma-tion professionnelle, au Québec,la proportion n’est que 10 %. Onsait aussi que l’un des rites depassage les plus importants denotre société est celui de la gra-duation à la fin du secondaire,d’où l’importance accordée au fa-meux bal des finissants.

«Notre problème, constate Ca-mil Bouchard, c’est qu’on tient undouble message. Nous cherchons àvaloriser la formation profession-nelle, mais, en maintenant lesjeunes au secondaire, on ne leurreconnaît pas le statut d’adulte — de collégiens — ce qui vientdiminuer considérablement l’at-trait pour eux de la formationprofessionnelle. Il faudrait doncque celle-ci donne accès à un di-plôme collégial.»

Viser la meilleure école au monde?

Lorsque Camil Bouchard estentré en politique en 2003, il rê-vait de devenir ministre de l’Édu-cation. «Je pense qu’on bon mi-nistre de l’Éducation doit être unambitieux ou une ambitieuse, lan-ce-t-il. Simplement se donner pourhorizon de faire diminuer le tauxde décrochage, c’est beau, mais ilfaut regarder plus loin que cela. Jepense qu’on devrait se donnerpour objectif de créer la meilleureécole au monde!»

«C’est vrai!, insiste-t-il. Il fautqu’on engage la société dans l’ob-jectif de devenir les meilleurs, etnon pas les moins pires! Et nousn’en sommes pas loin, puisque nosélèves se classent toujours dans lesdix meilleurs pays au niveau in-ternational. Il ne nous manquedonc pas grand-chose pour rivali-ser avec la Finlande ou la Norvè-ge. Et, en visant de figurer parmiles meilleurs au monde, on n’au-rait plus à se soucier du décro-chage, puisque tout le systèmes’améliorerait!»

Collaborateur du Devoir

Investir est rentable

Pourquoi pas la meilleure école au monde ?

M A R T I N E L E T A R T E

L’ éducation occupe une pla-ce anémique dans les mé-

dias. Influence Communica-tion évalue le poids de l’éduca-tion à 0,18 % de la couverturemédiatique au Québec. Lors-qu’il est question d’éducation,parle-t-on de grands enjeux oude détails sensationnalistes?Les citoyens peuvent-ils êtreadéquatement informés surles enjeux en éducation dansles médias?

«L’éducation, ce n’est pas unsujet très glamour pour les mé-dias aujourd’hui. C’est domma-ge, parce qu’au Québec on a ungros retard historique en éduca-tion», af firme Marc-FrançoisBernier, professeur agrégé auDépartement de communica-tion de l’Université d’Ottawa etparticipant à la conférence or-ganisée par la CSQ.

Dans son bilan médiatiqueannuel, la f irme InfluenceCommunication ne crée pasde catégorie pour les sujetsliés à l’éducation. «C’est parceque son poids médiatique estbeaucoup trop faible, avec seu-lement 0,18 %. La météo a 8 fois plus de poids que l’édu-cation, et la cuisine, 28 foisplus!», indique Jean-FrançoisDumas, président d’InfluenceCommunication.

La firme d’analyse des mé-dias a aussi comparé le poidsmédiatique de l’éducation auQuébec, dans une semaine,avec le poids des par ties duCanadien de Montréal.

«Le poids de l’éducation équi-vaut à celui de 2 minutes et 16 secondes d’une par tie dehockey!», s’exclame M. Dumas.

Le contenant ou le contenu

Marc-François Bernier re-marque également que, lors-que les médias parlent d’édu-cation, ce n’est généralementpas pour aborder des ques-tions de fond. «Souvent, onparle des murs contaminés, desédifices. On parle plus rare-ment des éléments vraimentimpor tants, comme le projetpédagogique et le rôle des pa-rents dans l’éducation. Pour ce

qui est des bons coups, on enentend parler seulement detemps en temps, généralementdans des semaines théma-tiques», af firme M. Bernier,qui est également titulaire dela chaire sur la francophoniecanadienne en communica-tion, spécialisée en éthiquedu journalisme.

Il remarque toutefois que latendance au dénigrement nefrappe pas seulement le milieude l’éducation. «Les écoles, leshôpitaux, les politiciens, la poli-ce: toutes les institutions y pas-sent!», affirme M. Bernier.

Les Américains font un peumieux en matière de poidsmédiatique de l ’éducationdans les médias. «D’après uneétude sur la couverture média-tique américaine en 2009,l’éducation a compté pour 1,4 %.C’était une grosse annéepuisque, généralement, c’estplutôt autour de 1 %. Encoreune fois, on dit qu’il est ques-tion d’éducation, mais souventil est question de criminalité etde grippe H1N1 dans lesécoles! Par fois, on parle debudget et, rarement, on parledes politiques d’éducation», in-dique M. Bernier.

Influence Communicationdivise pour sa part la couver-ture médiatique du domainede l’éducation en deuxgrandes catégories: structureset infrastructures (édifices,personnels, programmes, etc.),ainsi que les étudiants (persé-vérance scolaire, public-privé,violence, etc.).

«On parle beaucoup plus desujets dans la catégorie desstructures et infrastructures»,précise Jean-François Dumas.

Le bon vieux tempsHistoriquement, les médias

se sont déjà intéressés beau-coup plus aux débats de fonddans le domaine de l’éduca-tion, d’après Marc-FrançoisBernier. «L’éducation a déjà étéun secteur spécialisé très impor-tant dans les médias, affirme-t-il. Les journaux avaient tous aumoins un journaliste spécialiséen éducation. Il y avait une ex-plosion démographique, onconstruisait beaucoup d’écoles,il y a eu la création des cégepset de nouvelles universités com-me l’UQAM. Les professeurs se faisaient embaucher à plei-ne por te et il y a eu des con-flits syndicaux.»

N’est-ce pas parce que lemonde de l’éducation vivaitune période-charnière, il y a40 ou 50 ans, qu’on en parlaittant dans les médias?

«Il y a des débats qui se fontencore aujourd’hui en éduca-tion, af firme Marc-FrançoisBernier. Par contre, ça n’inté-resse plus tellement les médias.Par exemple, s’il y a une com-mission parlementaire sur unenjeu d’éducation, les journa-listes ne sont pas là. À moinsqu’il y ait une controverse ouqu’une personnalité f lam-boyante soit présente.»

Pourquoi ?«Parce que ce n’est pas rentable,

précise-t-il. Avec la convergence etla numérisation de la presse, ilfaut rendre la nouvelle rentable.C’est rendu dans l’ADN de la bêtemédiatique. C’est pour cette rai-son que, lorsqu’on parle d’éduca-tion, on parle de scandales, d’une

VOIR PAGE G 3: MÉDIAS

L’éducation dans les médias

Le scandale a le beau rôle« La météo a 8 fois plus de poids que l’éducation dans les médias, et la cuisine, 28 fois plus ! »

Ces vingt dernières années, le Québec a fait reculer la pau-vreté chez les enfants de façon remarquable, constate CamilBouchard, professeur associé à l’UQAM et coauteur du cé-lèbre rapport Un Québec fou de ses enfants, publié en 1992.Il est toutefois «grand temps qu’on s’occupe de nos adoles-cents», dit-il. Celui qui a rêvé de devenir ministre de l’Éduca-tion lance même un défi: pourquoi ne pas faire de notre sys-tème scolaire l’un des meilleurs au monde?

ARCHIVES LE DEVOIR

Camil Bouchard, professeurassocié à l’UQAM

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Lorsqu’on parle d’éducation dans les médias, c’est trop souventpour parler d’événements spectaculaires comme des incendiesou des murs contaminés dans les écoles, plutôt que d’aborderdes questions de fond.

Lors de son Rendez-vous del’éducation 2012, la Centraledes syndicats du Québec(CSQ) organise une confé-rence sur les médias. Lesdiscours médiatiques ser-vent-ils l’éducation?

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É M I L I E C O R R I V E A U

D epuis 1992, plusieurs ré-formes organisationnelles

ont été amorcées au Québec,avec en tête l’idée de «résul-tats», notamment en éduca-tion. Si nombreux sont ceux àcroire que le réseau de l’éduca-tion québécois nécessite tou-jours une importante réorgani-sation structurelle, laquellepourrait notamment se tradui-re par l’abolition des commis-sions scolaires, des inter ve-nants du milieu croient qu’ilvaudrait mieux miser sur lesystème en place.

Professeur titulaire à l’Uni-versité de Sherbrooke, au Dé-par tement de la gestion del’éducation et de la formation,Guy Pelletier s’intéresse au sys-tème d’éducation québécois etplus particulièrement à sa gou-vernance depuis plus de 30 ans.D’après l’homme, les Québé-cois ont tendance à entretenirune relation trouble avec leursystème d’éducation et ne sontpas suffisamment conscientsde la valeur de celui-ci.

Valoriser l’éducationAussi, selon M. Pelletier,

s’il souhaite réellement con-tribuer à la réussite scolairede ses élèves, le Québec au-rait davantage intérêt à trou-ver les moyens de valoriserl’éducation et la professionenseignante, plutôt qu’à envi-sager un réaménagementstructurel de son système.

«Au Québec, on a souventl’impression qu’on est dans unsystème qui est en crise, mais cen’est pas du tout le cas, il est enbonne santé! Le système évoluebien, il se compare très bien auniveau international, notam-ment dans les enquêtes PISA, etil améliore régulièrement sontaux de diplomation. Oui, il y atoujours place à l’amélioration,mais est-ce que c’est en s’atta-quant aux structures du systè-me, en abolissant les commis-sions scolaires, comme le suggè-re la Coalition avenir Québec(CAQ) par exemple, qu’on aide-ra les élèves québécois à mieuxréussir? Ça, j’en doute», sou-tient le professeur.

Dans le même esprit, Josée

Bouchard, présidente de la Fé-dération des commissions sco-laires du Québec (FCSQ), ajou-te qu’abolir les commissionsscolaires ou leur apporter delourds changements structu-rels risquerait non seulementd’engendrer des coûts supplé-mentaires, plutôt que de les di-minuer, mais également decompromettre la qualité desservices offerts aux élèves.

«Le réseau québécois de l’édu-cation, en termes de résultats sco-laires, est le plus performant detoute la Francophonie! Nousnous classons au cinquième rangde tous les pays de l’OCDE. Enplus de ça, les coûts de gestion descommissions scolaires, qui sontde 5,5 %, sont les plus bas de toutle réseau public et parapublic.Quand des partis politiques di-sent qu’ils vont améliorer le systè-me d’éducation en apportant deschangements à la gouvernance,notamment en abolissant lescommissions scolaires, je ne peuxm’empêcher de me dire qu’ils nese posent pas les bonnes ques-tions! Comment peut-on penserque les directions scolaires vontréussir à en faire plus, tout en dé-pensant moins, sans compro-mettre la qualité des services? Çam’apparaît comme un non-sens»,note Mme Bouchard.

Changement de politiquesSelon M. Pelletier, si le Qué-

bec est aussi confus quant à lagouvernance de son systèmed’éducation, c’est notammentparce que, depuis plusieurs an-nées, il est confronté à unmanque de vision à long termede la par t de ses politiciens.Plutôt que de mettre en placedes politiques s’inscrivant dansla durée, souligne-t-il, les gou-vernements ont tour à touradopté une série de mesurescentralisatrices puis décentrali-satrices, lesquelles ont eu poureffet d’alourdir le système.

«Depuis une quinzaine d’an-nées, pratiquement chaque foisqu’un nouveau ministre est arri-vé en poste en éducation, il aproposé un projet dirigé différentde celui qui l’avait précédé. Il y adonc toute une série de mesuresprogressives qui ont été adoptées,mais qui eu ont un ef fet sédi-mentaire. On a maintenu en

place les éléments des politiquesantérieures, tout en en ajoutantde nouveaux. Le résultat, c’estqu’on a obtenu un empilementde règles, de procédures et de fa-çons de faire qui n’étaient pastoujours compatibles et qui ontalourdi le fonctionnement géné-ral. Ç’a posé un problème declairvoyance dans le pilotage dusystème», précise le spécialiste.

Pistes de solutionD’après M. Pelletier, la vo-

lonté d’abolir les commissionsscolaires à travers la provincetémoigne de ce manque de vi-sion à long terme. Selon lui,l’idée de supprimer l’instancelocale la plus ancienne aupays — les gouvernements lo-caux scolaires ayant été créésen 1845, dix ans avant ceuxqui allaient donner naissanceaux municipalités — démon-tre le manque d’analyse der-rière les politiques.

«Il faut que les politiciens ar-rêtent de vibrer à l’instant mé-diatique et qu’ils fassent un peumieux leurs devoirs d’analyse.Au lieu de toujours suggérer despratiques externes, on devraitpeut-être mieux évaluer le géniedes pratiques internes quoti-diennes, les valoriser et les conso-lider», ajoute le professeur.

Partageant l’avis de M. Pelle-tier, la présidente de la FCSQsouligne que les commissionsscolaires québécoises sontprêtes à faire leur part pour ten-ter de valoriser et d’améliorer lesystème de gouvernance etque, déjà, cer tains change-ments ont été amorcés.

Notamment, aux prochaines

élections, le nombre d’élus sco-laires sera réduit de moitié. Éga-lement, tous les présidents se-ront élus au suffrage universel.«À cela s’ajoute le plan d’actionque nous avons adopté en octobredernier, af firme Mme Bou-chard. Il vise la reconnaissancede l’école publique, l’améliorationde la démocratie scolaire et lasimplification de l’administrationpublique, c’est-à-dire l’allégementdes structures afin de rendre lescommissions scolaires plus ef fi-caces et d’accroître l’autonomiedes écoles.»

Cette simplification de l’ad-ministration publique pourraitnotamment se concrétiser parle regroupement des servicesde formation professionnelle,des services aux entreprisesou des services de la paye. «On

est en train d’étudier tout ça, ditMme Bouchard. Il faut s’assurerque ça ne se fasse pas au détri-ment de la qualité des servicesqu’on of fre aux élèves. On s’estdonné deux ans pour le faire.»

Afin de valoriser la démocra-tie et d’augmenter le taux departicipation des Québécois, laFCSQ aimerait également queles élections scolaires soient te-nues au même moment que lesélections municipales, commec’est le cas partout ailleurs enAmérique du Nord.

«Malheureusement, pour di-verses raisons, la proposition nesemble pas plaire aux municipa-lités, soulève Mme Bouchard.Malgré tout, on continue de pen-ser que ce serait une excellentefaçon de démocratiser davantagele système de gouvernance.»

Pousser la réflexionUne conférence sur la gouver-

nance scolaire sera tenue le 22 février prochain à Laval, dansle cadre du colloque de la Cen-trale des syndicats du Québec,intitulée «Quelle éducation vou-lons-nous pour le Québec?». Lesconférenciers invités seront An-dré Brassard, anciennement pro-fesseur titulaire au Départementd’administration et fondementsde l’éducation de l’Université deMontréal et aujourd’hui retraité,ainsi que Jean-Noël Grenier, pro-fesseur agrégé au Départementdes relations industrielles del’Université Laval.

Collaboratrice du Devoir

Pour plus de détails: rendez-vous2012.csq.qc.net.

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Gouvernance en éducation

Un réaménagement structurel est-il souhaitable ? « Le réseau québécois de l’éducation est le plus performant de toute la Francophonie »

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personne qui fait mal son tra-vail, de criminalité. Le savoir,l’apprentissage, la réflexion, leprojet pédagogique: ce ne sontpas des nouvelles exploitables»,affirme M. Bernier.

Le chercheur af firme quecette tendance n’empêche pasqu’on retrouve par fois degrands repor tages de fondsur l ’éducation. «Dans lesjournaux et à Radio-Canadasurtout. C’est le rôle d’un dif fu-seur public de faire ce genre dereportages et Radio-Canada lefait plus que les autres, mêmesi, par fois, ses choix ressem-blent beaucoup à ceux des dif fuseurs privés», remarque M. Bernier.

Fin du monopoleAux yeux de Marc-François

Bernier, les médias doiventcontinuer à rendre compte desdébats de structures et desorientations que les partis poli-tiques veulent prendre. Il n’atoutefois pas tendance à exigerdavantage de leur part.

«Aujourd’hui, les Québécois nesont plus prisonniers des médiastraditionnels pour s’informer. Il ya Internet, les réseaux sociaux,les blogues, les revues spéciali-sées. Les gens peuvent trouver dessources intéressantes pour s’infor-mer sur l’éducation, sans devoirattendre ce que font les grandsmédias. Les médias ont perdu lemonopole, et c’est bien ainsi. Lesjournalistes ne peuvent pas toutcouvrir», affirme-t-il.

Marc-François Bernier nes’attend pas à un revirementde la situation. «Certains mé-dias pourraient faire plus enéducation et ils ont toujours lacapacité de se transformer. Tou-tefois, lorsqu’on regarde lesconditions dans lesquelles lesmédias sont obligés de tra-vailler — obligation de rende-ment, crise économique, coupesbudgétaires — je ne crois pasque l’éducation soit un secteurd’avenir pour eux! Il faut êtrelucide. Je crois que les médiass’intéresseront à l’éducationlorsque ce sera rentable poureux, et il faut apprendre à s’in-former aussi ailleurs que dansles grands médias.»

Collaboratrice du Devoir

MÉDIAS

En 1992, lors du discours inaugural de la session d’hiver del’Assemblée nationale, le gouvernement québécois a introduitpour la première fois l’idée d’une gestion axée sur les résul-tats, en annonçant son intention de revoir l’organisation del’administration publique québécoise «avec des objectifs re-nouvelés de productivité et d’équité des services publics».

SOURCE COMMISSION SCOLAIRE EASTERN TOWNSHIPS

Abolir les commissions scolaires ou leur apporter de lourds changements structurels risquerait de compromettre la qualité desservices of ferts aux élèves.

SOURCE FCSQ

Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissionsscolaires du Québec

Page 4: EDUCATION - Le Devoir

É T I E N N E P L A M O N D O N É M O N D

R edonner aux polyvalentesleur polyvalence: «Je conti-

nue à penser qu’on a fait unegrave erreur en laissant agoniserles polyvalentes», af firme GuyRocher. Un constat que partageJean-François Lisée. «La des-truction de l’enseignement tech-nique pendant les années 1980-90, essayer d’envoyer tout lemonde dans le moule du général,c’était une catastrophe.» Rame-ner cette polyvalence au seindes écoles secondaires consti-tue, aux yeux de Guy Rocher,«un chantier impor tant pourl’avenir». «À mon avis, le systè-

me d’éducation devrait aller àcontre-courant d’un cer tainnombre d’attitudes dans la socié-té actuelle», philosophe-t-il.

La consommation, l’indivi-dualisme, la per formance àtout prix et l’importance accor-dée à la mobilité sociale per-sonnelle dans la classe moyen-ne ont une influence «prédomi-nante» sur notre système sco-laire, analyse-t-il. «Aller dans lesens de la mobilité sociale, oui,mais la considérer d’une maniè-re beaucoup plus collective etavec une solidarité qu’on a per-due de vue. La polyvalence, sion l’avait gardée, si on l’avaitbien entretenue, elle jouerait unrôle beaucoup plus important

pour que le système d’éducationsoit orienté dans ce sens.»

M. Rocher voit, dans l’absen-ce des ateliers et des labora-toires, l’une des causes du hauttaux de décrochage chez lesgarçons. Selon lui, plusieursd’entre eux poursuivraientleurs études s’ils avaient la pos-sibilité d’effectuer des travaux

d’un autre type que ceux actuel-lement en vigueur pour tous.

Maternelle pour tous et toutes

Rendre la maternelle plusaccessible dans les quartiersdéfavorisés: selon Jean-Fran-çois Lisée, contrer le fléau dudécrochage nécessite plu-

sieurs solutions, dont un in-vestissement dans la petite en-fance. «Il faut faire en sorte quela maternelle, à quatre et cinqans, soit disponible dans lesquar tiers défavorisés, pourcommencer à scolariser le plustôt possible les enfants les plus àrisque», revendique-t-il.

Libérer des équipes-écoles:Jean-François Lisée dit s’inspi-rer du modèle finlandais et pro-pose d’attribuer aux directeursdes écoles situées en milieu dé-favorisé le pouvoir et l’autono-mie nécessaires pour embau-cher le personnel le plus com-pétent et le plus audacieux. «Lapremière chose à faire, c’est de li-bérer au maximum les équipes-écoles. On doit faire en sor ted’attirer les meilleurs dans lesendroits où la dif ficulté est laplus élevée. C’est là qu’est le dé-crochage. C’est là qu’il faut leplus intervenir.»

Pour amorcer ce mouve-ment, M. Lisée suggère d’ac-corder un boni salarial à ceuxqui acceptent d’aller travaillerdans ces quartiers. Mais, à sonavis, l’impact viendrait surtout«du fait que l’équipe-école seconstitue autour du directeur eta une tâche à faire. Elle sent quel’État lui dit: “On compte survous, parce que c’est là qu’on abesoin de vous”.»

Solutions localesGuy Rocher approuve l’idée

de donner de l’autonomie à undirecteur pour qu’il forme uneéquipe-école qui partage sa vi-sion. Ce modèle lui rappelle ce-lui, exemplaire, qui était im-planté en Angleterre au mo-ment des travaux de la commis-sion Parent. Au Québec, «c’estle principe qui a réussi aux écolesalternatives», souligne-t-il. «Celasupposerait que les syndicatsaient plus de souplesse pourmettre en place ce genre de réali-sation», remarque-t-il. MaisJean-François Lisée croit queles syndiqués seraient ouvertsà une telle approche dans unprocessus de concertation.

Tenter des expériences enpièces détachées: «Il ne faut pastoujours penser à des réformesgénérales», prévient Guy Ro-cher. Il souligne que cette atti-tude a souvent mené à deséchecs. «Tentons des choses parpièces détachées.» Il pourfendainsi l’approche de la ministreLine Beauchamp avec le pro-gramme d’anglais intensif en 6e

année. «Certaines écoles pour-raient adopter ce mode de fonc-tionnement. Il y a des directeursqui sont prêts à faire ça, mais cen’est pas le cas de tous.» Il sou-tient donc la levée de boucliersdes enseignants devant la vo-lonté du gouvernement dans cedossier. «Cette histoire de l’ensei-gnement de l’anglais m’apparaîtsymbolique de ce qui se passeparfois dans le milieu de l’éduca-tion: parce que les parents le de-mandent, on le fait. On se lance

tête baissée dans une chose pourtout le monde. On ne ferait pasde l’improvisation comme çadans la santé», s’indigne-t-il.

Moins de soutienfinancier au secteur privé

Rediriger le financement dusecteur privé vers le secteurpublic. Guy Rocher persiste etsigne: les subventions du gou-vernement accordées auxécoles privées devraient êtreréduites. «Avec un ensembled’établissements privés qui n’ontpas la responsabilité de l’en-semble des élèves et de la polyva-lence, qui choisissent leursélèves et excluent les moinsbons, on a développé ce que Ro-bert Cadotte nomme un apar-theid, dit-il d’un ton approuvantl’expression. Je pense qu’on de-vrait diminuer de beaucoup lefinancement actuel du secteurprivé, puisqu’on man-que d’ar-gent pour en redistribuer dansle public, [qui doit être] mieuxfinancé, compte tenu des besoinset des responsabilités qu’on faitpeser sur lui.»

Évaluation ou non ?Évaluer ou ne pas évaluer

les professeurs? En 1999, GuyRocher s’était farouchementopposé aux contrats de perfor-mance dans le milieu universi-taire, mis de l’avant par un cer-tain François Legault, alors mi-nistre de l’Éducation.

La Coalition avenir Québec(CAQ) a dernièrement affichéses intentions d’implanter unsystème d’évaluation au secon-daire et au primaire, compre-nant des augmentations de sa-laire pour les professeurs lesplus performants — selon letaux de réussite des élèves et lasatisfaction des parents — et unper fectionnement, voire uncongédiement, dans les cas oùaucune amélioration ne seraitnotoire. «Je dis encore la mêmechose: non à ce mode d’évalua-tion et de rémunération. C’estça, je trouve, qui est dans l’espritdu temps, dans l’esprit de la clas-se moyenne: des rémunérationsvariées selon des évaluations ba-sées sur des critères qui sont dan-gereux à utiliser», commente lesociologue.

Jean-François Lisée préconi-se, quant à lui, de renforcer lesévaluations de la performance,mais il précise que «cette éva-luation doit être faite par lespairs. Ce n’est pas un bureaucra-te du ministère de l’Éducationou un consultant externe embau-ché par un ministre qui doit l’or-ganiser». Il évoque le modèlefrançais, où «les enseignants sontévalués par un corps d’inspec-teurs qui n’est pas là pour punir,mais pour accompagner». La dé-marche devrait être, selon lui,négociée avec les syndicats etétablie à la suite d’une discus-sion avec les enseignants.

Le Devoir

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De la maternelle à la polyvalente

Toute école doit avoir une marge de manœuvreIl faut « attirer les meilleurs dans les endroits où la difficulté est la plus élevée »Comment améliorer notre système scolaire? Le sociologueGuy Rocher, l’un des auteurs du rapport Parent durant la Ré-volution tranquille, continue d’être sensible aux bons coupset aux dérives d’un système qu’il a en partie façonné. Jean-François Lisée, quant à lui, a suggéré dans son essai, Pourune gauche efficace (Boréal), des idées de réforme qui ontsuscité des débats. Tous les deux, ils participeront, le 22 fé-vrier prochain, à la table ronde «Quelle éducation voulons-nous pour le Québec?».

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Le sociologue Guy Rocher

OGO OGNIAN

Jean François Lisée, auteur de l’essai Pour une gauche efficace

Page 5: EDUCATION - Le Devoir

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C L A U D E L A F L E U R

C omme le dit si justementFrance Dionne, professeu-

re d’administration et présiden-te du syndicat du cégep de Ma-tane: «Un réseau collégial ensanté sur tout le territoire consti-tue une richesse collective.»

Son cégep est un bel exem-ple de ce que vivent bonnombre de collèges en région.«Matane est une ville de 14 000habitants, dit-elle, et notre cégepaccueille de 580 à 600 étudiantsannuellement, tout juste assezpour demeurer ouvert.»

Enrichir les régions et le Québec

À cette fin, il recrute beau-coup d’élèves provenant del’étranger, notamment de l’îlede la Réunion. «Nous recevonsune centaine d’étudiants parannée, précise Mme Dionne.Cet automne, j’avais un groupede 28 Français venus suivre descours de gestion par projets,une méthode qu’ils n’ont paschez eux.»

Afin de faciliter leur intégra-tion et leur réussite, ces étu-

diants sont encadrés par tout lepersonnel du collège. «Tout lemonde agit — autant les em-ployés de soutien que lesconseillers pédagogiques et lesenseignants — afin de leur ap-porter l’aide dont ils ont besoin»,raconte Mme Dionne.

Au terme de leur formation àMatane, plusieurs d’entre euxdemeurent ici. «Ils s’intègrentbien, relate la professeure. Ils setrouvent un emploi et souventmême un conjoint ou uneconjointe… C’est franchementun vrai succès!»

Valoriser un réseau national

France Dionne rapporte quele fait d’accueillir des étudiantsvenus d’ailleurs permet d’assu-rer un nombre suffisant d’étu-diants dans son collège. Toute-fois, pour contrer la baisse dé-mographique à laquelle sontconfrontés les cégeps en région,la Fédération des enseignants etenseignantes du collégial a lan-cé cet automne son opération«Réseau collégial», qui vise à fa-voriser l’accessibilité des cégepsdans l’ensemble du territoire.

«Nous demandons au gouver-nement de valoriser un réseaucollégial en santé sur tout le terri-toire, puisque cela constitue unerichesse collective, résume-t-elle.On constate que les étudiantsabondent à Montréal, alorsqu’en région il y a de graves pé-nuries. Nous préconisons donccertaines solutions, dont une ges-tion plus cohérente de l’of fre deformation et la valorisation de laformation technique.»

Elle relate ainsi que, curieu-sement, plusieurs programmescollégiaux sont en danger, alorsque les besoins de main-d’œuvre en région sont grands.Elle cite entre autres le cas destechniques administratives, quiont jadis été un programmetrès populaire. «Les étudiants netrouvent plus ces programmesintéressants, dit-elle. Il faudraitdonc les valoriser.»

De plus, enchaîne Mme Dion-ne, il faudrait implanter cer-tains programmes exclusive-ment dans les régions. «Unseul programme qui reçoit 50 étudiants peut faire touteune différence pour un cégep enrégion, mais ne pas changergrand-chose pour un cégepmontréalais, dit-elle. C’est pour-quoi on parle d’un véritable ré-seau collégial déployé partoutau Québec, car si on s’affaiblit,personne n’y gagnera!»

Collaborateur du Devoir

Les cégeps se transforment

Situation nouvelle, moyens nouveauxEn région, c’est la lutte pour la survie

C arole Lavallée, responsable du SAIDE, insistesur le fait que tous les cégeps offrent de l’aide

à leurs étudiants handicapés, et non des passe-droits. «Nous ne faisons jamais de la discriminationpositive, dit-elle. Lors de leur admission au cégep,tous les étudiants sont évalués selon leurs notes dusecondaire; un handicap ne donne aucun avantage,ni ne constitue un inconvénient. Et, pour la suite,on met en place certaines mesures afin que les étu-diants handicapés réalisent un DEC en suivantexactement le même cheminement et en satisfaisantaux mêmes exigences que tous les autres.»

Les bonnes «lunettes»C’est ainsi que les étudiants souffrant d’un

handicap visuel disposent d’appareils quiagrandissent les notes de cours ou le question-naire des examens, alors que, pour les étu-diants totalement aveugles, leurs livres sontconvertis en braille ou en format mp3 pour êtreécoutés. De même, les étudiants sourds bénéfi-cient d’un interprète en langage des signes,alors que, pour les malentendants, le profes-seur porte sur lui un micro.

Pour les étudiants qui éprouvent des troublesd’apprentissage dus à la dyslexie ou à la dysor-thographie, on leur permet d’utiliser des logicielsautocorrecteurs qui aident la lecture. Quant auxétudiants souffrant d’anxiété ou qui ont besoin

de plus de temps pour lire ou organiser leur pen-sée, on leur laisse simplement plus de tempspour faire leurs travaux.

La responsable du Service d’aide à l’intégra-tion des élèves souligne du coup que, pour béné-ficier de mesures spéciales, l’étudiant doit possé-der une attestation médicale. «On ne vient pasnous voir pour simplement déclarer qu’on a besoinde mesures spéciales, indique Carole Lavallée.C’est un peu comme moi qui porte des lunettes,poursuit-elle. Du moment que je les mets, je n’aiplus de “handicap”, je vois bien et tout est normal.C’est ainsi que, au SAIDE, nous essayons de trou-ver la lunette pour chaque étudiant!»

Intégration au marché du travailLes étudiants handicapés accomplissent donc

un parcours scolaire normal… y compris le faitde subir des échecs, ajoute Mme Lavallée. «Etc’est important, insiste-t-elle, puisqu’on pense par-fois qu’il y aura des passes-droits parce que l’étu-diant est handicapé. Eh non! S’il a séché ses cours,s’il n’a pas travaillé, il coulera comme n’importequi d’autre.»

C’est ainsi que les étudiants handicapés satis-font aux mêmes exigences que tous les autres,alors que les critères de correction sont lesmêmes. Le but ultime est de faire en sorte que,lorsqu’ils atteignent le marché du travail, ils aientexactement les mêmes qualifications que toutautre diplômé.

Malheureusement, déplore Mme Lavallée, il estbeaucoup plus difficile pour eux de se trouver unemploi. «Les employeurs ont des tas de réticences,constate-t-elle. On le voit très bien lorsque vient letemps pour nous de placer nos étudiants en stage…C’est très dommage, mais c’est là qu’est rendue la so-ciété», conclut-elle philosophiquement.

C. L.

À Montréal, les handicapés sont des citoyens à part entière

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Le cégep du Vieux Montréal of fre son Service d’aide à l’intégration des élèves, pour les étudiantshandicapés.

Alors que les cégeps du grand Montréal débordent d’étu-diants, ceux dans les régions souf frent d’un manque chro-nique de clientèle, qui menace leur existence. En conséquen-ce, ils s’organisent pour survivre, notamment en recrutantdes élèves à l’étranger et en faisant la promotion d’un vigou-reux réseau couvrant l’ensemble du Québec.

Chaque session, le cégep du Vieux Montréalaccueille plus de 300 étudiants handicapés.Depuis 30 ans, il a par conséquent dévelop-pé son Ser vice d’aide à l’intégration desélèves (SAIDE), afin que ces étudiants réali-sent un parcours régulier et obtiennent leurdiplôme d’études collégiales au même titreque tout autre étudiant.

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A S S I A K E T T A N I

«N ous avons constammentbesoin d’accroître des

compétences qui n’ont pas été pré-vues au départ, puisque nos par-cours de vie n’ont jamais été aussiincertains. Demain, quels serontnotre emploi, notre situation fami-liale, le pays où nous vivrons, lalangue que nous parlerons? Nousavons tous une capacité de déve-loppement, et il faut utiliser ce po-tentiel», affirme Paul Bélanger,qui est également directeur duCentre interdisciplinaire de re-cherche et développement surl’éducation permanente.

Le chercheur de l’UQAM sou-ligne donc l’importance des dif-férents types de formation.Après notre formation initiale,scolaire ou non, la formationcontinue est indispensable ànotre parcours professionnel.«Aujourd’hui, un travailleur estamené à changer d’emploi plu-sieurs fois au cours de sa carrière.La possibilité de se requalifier,d’exercer son droit au travail estfondamentale», explique-t-il. Dece côté, le Québec fait bonne fi-gure. «De grands pas ont été faitsen matière de formation desadultes: nous avons des centres deformation exceptionnels, et lacréation de la Commission despartenaires du marché du travail,des comités sectoriels, et la loi du 1 % ont été des pas majeurs. LeQuébec a rattrapé son retard parrapport au reste du Canada.»

Mais, nuance le chercheur,«pourquoi faut-il que l’éducation

continue soit uniquement reliéeau monde du travail?» Il restedonc à s’occuper de la frangedélaissée de la population: laplus âgée.

Le droit à la formationEn effet, au Québec, la retraite

sonne le glas de notre carrière,mais aussi de notre droit à se for-mer: alors que les centres de for-mation continue n’accueillentque ceux qui exercent une activi-té professionnelle, les cégeps ontprogressivement fermé leurscours accessibles aux aînés, fau-te de ressources.

Autre obstacle de taille: lecoût, puisque les formations quiexistent ne se destinent qu’auxplus for tunés. Par exemple,l’Université du 3e âge, à Sher-brooke, qui attire environ 20 000étudiants, s’adresse avant tout àune élite. «Il y a une nouvelle clas-se pauvre au Québec: les per-sonnes âgées sans pension complé-mentaire.» Elles ont du tempslibre, mais elles ne peuvent s’of-frir ni livres, ni places de cinéma,ni billets d’autocar, car leur reve-nu frise souvent le seuil de lapauvreté. «Ceux qui en ont lesmoyens peuvent poursuivre. Pourles autres, la vie intellectuelle s’ar-rête à 65 ans, à la porte du mar-ché du travail.» Or il s’agit làd’une erreur grave, selon PaulBélanger. «On enterre la curiositéde ceux qui sont à la retraite. C’estinacceptable! La retraite, ce n’estpas la fin de la vie intellectuelle!»

Avec l’augmentation de l’espé-rance de vie, les aînés sont en

possession de leurs pleines fa-cultés au moment d’atteindrel’âge de la retraite: «Une bonnepartie des 65 ans ou plus sont dejeunes vieux, pleins d’énergie et decuriosité», poursuit-il, avant desouligner le fait que le Québecse prive ainsi d’une source im-portante de créativité et de com-pétence. «Le Québec a besoin dela créativité de tous ses citoyens.Permettre aux aînés de se formerpourrait créer des biens, des ser-vices dans l’économie, commedans les réseaux associatifs oucommunautaires.»

Porte ouvertePaul Bélanger appelle donc le

gouvernement à ouvrir lesportes de l’éducation à tous. «Ilfaut une politique d’éducation des

adultes tout au long de la vie,pour permettre aux aînés qui veu-lent se former de le faire.»

Il ne s’agit pourtant pas d’uneidée nouvelle: en 1983, un rap-port de la commission Jean surla formation professionnelle etsocioculturelle des adultes prô-nait une éducation accessible àl’ensemble de la population etélargie à ses besoins. «Ce rap-port n’a jamais été mis en appli-cation. En matière d’éducationtout au long de la vie, nous ré-gressons depuis les grandescoupes du gouvernement à partirde 1985», déplore-t-il. Un longnaufrage, qui, de gouvernementen gouvernement, de coupe encoupe, a mené à la situation queconnaît le Québec aujourd’hui:à peine 10 % des plus de 65 ans

profitent encore d’un program-me de formation.

À l’inverse, les bons élèvessont les pays de l’Europe duNord, qui affichent des taux net-tement supérieurs: l’Angleterre,avec 35 à 40 % des 65 ans ou plusqui se forment, et la Scandinaviesont en tête du peloton.

Vieillir dans la dignitéUn débat qui, selon lui, pose

une question plus profonde: et sivieillir dans la dignité, c’était aus-si cela? «Qu’est-ce qui fait la di-gnité humaine, sinon l’intelligen-ce, la curiosité, la capacité de sedévelopper intellectuellement?»,demande-t-il.

De plus, les compétences quipourraient être acquises à l’âgede la retraite seraient essen-

tielles pour l’autonomie et laqualité de vie des aînés, ne se-rait-ce qu’en permettant à cer-tains de réactualiser leurs com-pétences de base en calcul et enlecture. Un exemple: celui de lasanté, puisque les personnesconcernées seraient capables demieux s’informer sur lesmoyens de protéger leur santé.Plusieurs études montrent ainsique l’«état de santé des gens est liéaux compétences de base en ma-tière de santé», avec toutes lesimplications économiques quien découlent. «Savoir déceler lessignaux de rechute, trouver rapi-dement le bon service auquel ilfaut s’adresser, comprendre uneposologie: ces compétences sontmaîtrisées de façon très inégale.Quelque 45 % de la populationretraitée ne dépasse pas le niveaurequis pour pouvoir s’informercorrectement de son état de san-té», souligne Paul Bélanger.

Certaines formations pour-raient être calibrées pour ré-pondre de près aux besoins desaînés. Pourquoi ne pas équiperdes centres de retraite d’un ac-cès Internet?, demande le cher-cheur, tout en insistant sur cequ’il est possible d’en tirer enmatière d’auto-apprentissage etd’information. Et, encore unefois, il invite à observer ce qui sepasse outre-Atlantique. «En Eu-rope, les cours les plus appréciéssont les langues vivantes secondes,les formations Internet et l’éduca-tion à la santé.»

Face à l’avenir, Paul Bélangerse dit pourtant optimiste, ques-tion de logique. «La demandeest tellement forte que le gouver-nement ne pourra pas rester lesbras croisés. Les politiques doi-vent concorder avec la demandede la population.»

Collaboratrice du Devoir

L’éducation tout au long de la vie

Le désir d’apprendre ne disparaît pas à 65 ans« Le Québec a besoin de la créativité de tous ses citoyens »

M A R T I N E L E T A R T E

L es enjeux sont nombreux et lourds deconséquences en éducation. Les politiciens

doivent prendre des décisions. Comment y arri-vent-ils? Privilégient-ils les solutions basées surla recherche ou les solutions à court terme quisont politiquement rentables?

Jean-Pierre Proulx, journaliste spécialisé enéducation et professeur à la Faculté dessciences de l’éducation de l’Université deMontréal, aujourd’hui retraité, croit qu’on fait àla fois de réels débats et du marketing politiqueavec les enjeux d’éducation.

«Tout le monde fait du marketing: le ministèrede l’Éducation, les commissions scolaires, lesécoles privées, les syndicats, les partis politiques,etc. Le marketing, ce n’est pas en soi une mau-vaise chose», affirme-t-il.

Il suggère de regarder la définition de «mar-keting». Le Grand Dictionnaire terminologiqueécrit: «Ensemble des principes, des techniques etdes méthodes qui ont pour objectif de prévoir,constater ou stimuler les besoins du marché envue d’adapter en conséquence la production et lacommercialisation de biens et services pouvantrépondre aux besoins ainsi déterminés.»

Le marché de l’éducation«Si on considère l’éducation comme un marché, ce

que fait d’ailleurs le milieu de l’éducation, il fautchercher à offrir des produits éducatifs qui répondentaux besoins. C’est une façon de concevoir le monde del’éducation. Je ne dis pas que c’est la meilleure, maisc’est celle qu’on a surtout depuis le milieu des années80», affirme Jean-Pierre Proulx, qui participera à laconférence organisée par la CSQ.

Y a-t-il un lien à faire entre le développementdu marketing en éducation et le développementdu réseau des écoles privées?

«Bien sûr, af firme-t-il. La crise de confianceenvers l’école publique et le développement desécoles privées vont ensemble, et c’est ce qui aamené le développement du marketing scolaire.On s’est mis à essayer de voir les besoins. Les pa-rents veulent ceci, les parents veulent cela. En-suite, on a développé des produits.»

Un élément qui illustre bien le développe-ment du marketing dans le milieu de l’éduca-tion est la montée des sondages dans le domai-ne, d’après Jean-Pierre Proulx. Il travaille sur laquestion depuis plusieurs années. Qui sont lesclients de ces firmes de sondage?

«Le ministère de l’Éducation, des syndicats,des partis politiques, des commissions scolaires,tous ceux qui veulent savoir quel produit répon-drait le mieux à la clientèle. On fait aussi dessondages pour connaître le degré de satisfaction.Ce n’est pas mauvais de s’assurer que le produitréponde aux attentes», affirme M. Proulx.

Des débats plus ou moins grand public

Jean-Pierre Proulx est convaincu que le mar-keting scolaire n’empêche pas le débat. «Le dé-bat se fait en parallèle, affirme-t-il. Le gouverne-ment en place peut écouter et, parfois, il relancele débat de façon lapidaire. Toutefois, le gouver-nement est un lieu d’action, pas de réflexion.»

Il donne l’exemple de l’anglais intensif en sixiè-me année. «Depuis des années, on sait que les pa-rents ont des attentes très fortes pour que leurs en-fants deviennent bilingues. Dans les universités,plusieurs études ont été faites sur l’âge idéal de l’ap-prentissage d’une langue seconde. Le débat se faitégalement depuis des années dans les médias etdans les colloques spécialisés. À un moment donné,un parti politique s’est positionné et le débat est en-tré dans l’arène politique. L’Assemblée nationaleest aussi un lieu de débat. L’anglais en sixième an-née fait l’objet d’un débat constant.»

Jean-Pierre Proulx remarque toutefois quecer tains débats se font moins que d’autres.«Par exemple, l’abolition des commissions sco-laires. Le Conseil supérieur de l’éducation adéjà publié un avis là-dessus et des colloques ontabordé la question, mais c’est un débat moinsgrand public.»

L’exemple du financement Martine Desjardins, présidente de la Fédéra-

tion étudiante universitaire du Québec(FEUQ), s’intéresse à la question du finance-ment de l’enseignement postsecondaire. Ellecroit que, dans le domaine, le débat véritablene se fait pas.

«À peu près tous les partis politiques, depuis lerapport Parent, ont proposé de rehausser la qua-lité des universités en réinvestissant, affirme-t-elle. Ensuite, les gens s’attendent à ce que, dèsqu’on met plus d’argent, la qualité augmente.Mais ce n’est pas vrai.»

Elle croit qu’on ne pose pas la question desavoir quels sont les véritables besoins. «Ilfaut lancer le débat avec la communauté uni-versitaire, les chargés de cours, les professeurs.Il faut aller voir la recherche qui se fait», affir-me Mme Desjardins, qui par ticipera égale-ment à la conférence.

Une question qu’elle aimerait qu’on se poseavant de réinvestir est de savoir si les diplôméssont formés à la hauteur de ce qu’on voudrait.

«Ensuite, selon les objectifs fixés, on se deman-dera si les 5,5 milliards que les universités duQuébec dépensent chaque année sont suf fisants.On ne pose pas ce genre de question. Générale-ment, les politiciens disent qu’ils veulent aug-menter le financement, mais ils ne disent pas cequ’ils feraient avec ça», affirme Martine Desjar-dins, également étudiante au doctorat en édu-cation à l’UQAM.

Le consensus socialPrésident du Groupe ministériel de travail

sur la place de la religion à l’école, de 1997 à1999, Jean-Pierre Proulx connaît bien le fonc-tionnement de l’appareil politique. Il ne nie pasque, parfois, un parti politique lance une idéerentable à court terme.

«Toutefois, généralement, le débat se fait pour lesenjeux profonds. Mais les débats n’arrivent pas tous àmaturité en même temps», précise M. Proulx.

Il donne l’exemple de Claude Ryan qui a lan-cé l’idée en 1969, dans Le Devoir, de déconfes-sionnaliser les commissions scolaires pour enfaire des commissions linguistiques.

«C’est seulement en 1988 qu’on a eu la loipour créer les commissions scolaires linguis-tiques, indique M. Proulx. Chaque dossier a be-soin de temps pour arriver à un consensus socialsuf fisamment grand pour qu’un parti politiquepasse à l’action. Entre-temps, chacun a sa straté-gie marketing, et c’est normal. La vie démocra-tique fonctionne comme ça.»

Collaboratrice du Devoir

Enjeux en éducation

Le marketing politique génère-t-il un réel débat ?« Le gouvernement est un lieu d’action, pas de réflexion »

L’image du jeune, diplôme en poche, qui quitte à jamais lesbancs de l’école pour se lancer dans la vie? Dépassée, selonPaul Bélanger, professeur à la Faculté des sciences de l’éduca-tion de l’UQAM. C’est une image qui ne correspond pas à laréalité d’aujourd’hui, à l’heure où aucune vie n’est tracéed’avance.

SOURCE UQAM

Paul Bélanger, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM

Lors de son Rendez-vous de l ’éducation2012, la Centrale des syndicats du Québec(CSQ) organise une conférence sur les en-jeux politiques en éducation: marketing poli-tique ou véritables débats?

YAN DOUBLET LE DEVOIR

Jean-Pierre Proulx, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université deMontréal

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É D U C AT I O NL E D E V O I R , L E S 1 8 E T 1 9 F É V R I E R 2 0 1 2 G 7

J E S S I C A N A D E A U

D epuis des décennies, lesétablissements scolaires

se livrent une guerre sansmerci pour attirer les meil-leurs élèves. Et la tendance necesse de s’accentuer, rendantl’offre scolaire de plus en plusinégale et hiérarchisée, cons-tatent les observateurs du mi-lieu scolaire, qui débattront dela question cette semaine lorsd’une conférence tenue dansle cadre des Rendez-vous CSQde l’éducation.

«Sur n’importe quel marchéoù il y a de la concurrence, il ya des gagnants et des perdants,soutient le président du Con-seil supérieur de l’éducation,Claude Lessard. Et, à ce jeu-là, il est possible que, dans lemonde scolaire, les perdantssoient les élèves dans les clas-ses ordinaires.»

La concurrence entre lesétablissements scolaires estapparue au tournant des an-nées 1970, lorsque l’école pri-vée est venue gruger une par-tie de la clientèle du secteurpublic, explique-t-il. Elle n’acessé d’augmenter au fil desans et s’est fortement accen-tuée avec la baisse démogra-phique des dernières années,obligeant les écoles et lescommissions scolaires à seconcurrencer entre elles.

«C’est une question de survie,souligne Claude Lessard. Siune école perd ses élèves, auto-matiquement, on va se poserdes questions sur son dynamis-me et sur sa qualité. Elle vaêtre obligée de se dépar tir decertaines ressources humaineset, à moyen terme, la commis-sion scolaire devra se poser laquestion de savoir si on doit lafermer ou non. Alors, c’est de lavraie concurrence!»

Écrémage des élitesPour attirer de nouveaux

élèves, plusieurs écoles pu-bliques ont développé desprogrammes spécialisés enéducation internationale, enspor ts-études ou en ar ts-études. C’est une manifesta-tion de la concur rence quigagne en popularité, sur la-quelle le Conseil supérieur del’éducation s’est penché, dansun avis publié il y a quelquesannées.

Claude Lessard relève quel’écar t se creuse entre lesécoles publiques ordinaires etles écoles privées ou lesécoles publiques avec des pro-jets particuliers. Il parle de lacréation d’une filière d’élitedans le secteur public.

«Tous les projets particuliersne sont pas sélectifs sur la basedu rendement scolaire, mais

plusieurs le sont, résume-t-il.Le Conseil se préoccupait desconséquences de cette sélectionsur la classe ordinaire, qui,elle, est aux prises avec uneobligation d’intégration plusgrande que par le passé avecdes clientèles dites EHDAA — élèves handicapés et en dif-ficulté d’adaptation et d’ap-prentissage — et les jeunes is-sus de l’immigration.»

Claude Lessard se dit sou-cieux de «l ’écrémage» desélèves doués vers les pro-grammes dits par ticuliers, ce qui prive ainsi la classe ordinaire de ses meilleurs éléments.

«La question n’est pas d’éli-miner les programmes particu-liers: je crois que c’est impos-sible à l’ère du marketing sco-laire. Mais le Conseil se de-mandait si ce n’était pas unebonne chose de rendre ces pro-jets pédagogiques particuliersaccessibles à un plus grandnombre d’élèves en levant toutcritère de sélection.»

Le droit des parentsLa question n’est pas sim-

ple. Le Conseil reconnaît, d’uncôté, le droit des parents àchoisir l’école qui correspondle mieux aux besoins de leursenfants, ce à quoi répondentles programmes particuliers.Mais il constate, d’autre part,que cette diversification del’offre propose des vitrines in-téressantes pour à peu près20 % de la clientèle et vient ap-pauvrir les autres.

Selon lui, l’école secondai-re est en train d’imploser etde s’éloigner de sa missionpremière, qui était d’assurerune formation de base dequalité qui soit égale pourtous. «L’of fre se diversi f ie,mais où est l’école commune?Que reste-t -il de cette écolecommune? Elle apparaît àplusieurs comme de basse qua-lité, parce qu’elle a perdu sesbons éléments au profit desprogrammes sélecti fs ou del’enseignement privé. Ce qu’ilnous reste d’école commune ou de classe ordinaire, ça n’at-tire personne.»

Victimes de la concurrence

En France, à l’Université deLimoges, Choukri Ben Ayedvient confirmer les craintesdu Conseil supérieur de l’édu-cation du Québec. Le profes-seur, membre du Groupe derecherches et d’études socio-logiques du Centre-Ouest(GRESCO), a publié récem-ment Les pièges de la concur-rence scolaire, à la suite d’unevaste étude sur le sujet enFrance.

«Notre étude, initialement,ne portait pas sur la concurren-ce, explique le sociologue du-rant une entrevue télépho-nique. Nous voulions mesurerles disparités territoriales d’édu-cation sur l’ensemble du pays.Nous voulions savoir à quelsendroits on réussissait le mieuxet le moins bien.»

Choukri Ben Ayed af firmeêtre arrivé à des conclusions«étonnantes». Les performan-ces scolaires les plus faiblessont mesurées dans les en-droits où il y a une forte densi-té d’établissements scolaires,soit dans les grandes villes etleurs banlieues, là où laconcurrence entre les établis-sements est la plus forte.

«La concurrence ne crée pas

l’émulation éducative, l’éléva-tion de la qualité de l’of fre etdes résultats scolaires qu’onnous promettait. C’est mêmetout l’inverse qu’on observe. Laconcurrence entraîne tout untas de perturbations en chaîne.Très peu d’établissements sontgagnants, la plupart des établis-sements en sont plutôt victimes,et les élèves aussi.»

Non seulement la concur-rence nuit à une répar titionéquilibrée des ef fectifs etcontribue ainsi à la ségréga-tion, mais l’âpre lutte que lesétablissements se livrent entreeux contribue à les fragiliser.«Ce qu’on observe, c’est que lesétablissements qui se livrent àla concurrence ne sont plusvraiment concentrés sur les sa-voirs scolaires en tant que tels,mais plutôt sur les tactiques àmettre en œuvre pour, parexemple, se débarrasser desmauvais élèves. Les familleselles-mêmes et les élèves ne sontplus obsédés que par les ques-tions du placement et de l’excel-lence et se préoccupent demoins en moins de la connais-sance en tant que telle.»

Le quasi impossibleretour en arrière

Si son étude portait surtoutsur le niveau secondaire — lecollège français — il observeque cette concurrence se ma-nifeste tant aux cycles supé-rieurs qu’inférieurs.

«Dès les petites classes, les pa-rents sont obsédés par l’établis-sement que va fréquenter l’en-fant. Ils mettent des stratégiespour choisir, dès le début, l’écolematernelle qui leur permettrad’aller plus tard dans le collègepuis le lycée de leur choix.»

Peut-on revenir en arrière?Choukri Ben Ayed est par ti-san de cette option, mais il estconscient de la quasi-impossi-bilité de renverser la vapeur.Car c’est une question idéolo-gique qui va totalement à l’en-contre du contexte prévalantactuellement en France.

«Les gouvernements libérauxsont prêts, pour assouvir leursoif de dérégulation, à payer lecoût fort, y compris la destruc-tion de l’intérieur du systèmeéducatif.»

Et s’il dénonce des résultatsscolaires à la baisse qui sontliés à la concurrence, les te-nants de l’idéologie libérale ré-torquent que les résultats sonten baisse, au contraire, parcequ’il n’y a pas encore assez demise en concurrence.

«Limiter la concurrence, c’estrestaurer un service public fort,ce qui signifie créer des postes,mettre des moyens dans l’éduca-tion nationale, conclut Chou-kri Ben Ayed. Et ça, dans lecontexte idéologique actuel, cen’est pas entendable.»

Collaboratrice du Devoir

À l’ère de la concurrence

L’écart se creuse entre les écolespubliques et les écoles privéesIrons-nous jusqu’à « la destruction de l’intérieur du système éducatif » ?

É D U C A T I O NL A C S Q E N C O L L O Q U E

C E C A H I E R S P É C I A L

E S T P U B L I É P A R L E D E V O I RR e s p o n s a b l e N O R M A N D T H É R I A U L T

n t h e r i a u l t @ l e d evo i r. c a

2 0 5 0 , r u e d e B l e u r y, 9 e é t a g e , M o n t r é a l ( Q u é b e c ) H 3 A 3 M 9 .

T é l . : ( 51 4 ) 9 8 5 - 3 3 3 3 r e d a c t i o n @ l e d evo i r. c o m

F A I S C E Q U E D O I S

«C’est dans l’air du temps de gérer l’éducation comme uneentreprise», estime Claude Lessard, du Conseil supérieur del’éducation.

SOURCE CSE

Claude Lessard, président duConseil supérieur de l’éducation

SOURCE UNIVERSITÉ DE LIMOGES

Choukri Ben Ayed, professeurà l’Université de Limoges

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