EDITION - Le Devoir

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 NOVEMBRE 2011 EDITION LES 75 ANS DE NOVALIS Hans Küng rejoint chez Novalis des auteurs québécois Page 3 Le père Jean a côtoyé les détenus de Bordeaux Page 5 Novalis se met au ser vice des paroisses Page 7 CAHIER H JÉRÔME DELGADO L e titre le plus célèbre de Novalis est le même depuis les dé- buts, à quelques mots près: ce Prions en Église, né Prie avec l’Église en 1936, est encore un incontour- nable chez Novalis, même par- mi les titres «accessibles au bout du clic». Tempêtes sociales et crises du papier n’ont pas eu rai- son de la maison, qui a su s’adapter aux nouvelles réalités, religieuses ou technologiques. «Jusque dans les années 1975- 1980, la clientèle de Novalis est nombreuse et ses publications, qui concernent surtout la pasto- rale et la liturgie, atteignent de très grands tirages. Mais, depuis les années 1980, la pratique do- minicale, qui avait commencé à diminuer au milieu des années 1960, est en chute libre. Moins de gens à la messe, moins de Prions vendus. Les prêtres, les religieux et religieuses sont de moins en moins nombreux et prennent de l’âge. Donc, moins de lecteurs et de lectrices et, en conséquence, des tirages beau- coup plus bas.» L’homme de mémoire Normand Provencher, pro- fesseur de théologie à l’Uni- versité Saint-Paul d’Ottawa, sait de quoi il parle, lui le fidèle collabo- rateur depuis plus de 30 ans, que ses col- lègues désignent comme «la mémoire vivante de Novalis». Prêtre, Provencher est un oblat de Marie- Immaculée, l’ordre de missionnaires fonda- teur de la maison. C’est en effet grâce aux efforts d’un de ses précurseurs, André Guay, que naît le Cercle catho- lique, qui ne prendra le nom de Novalis qu’en 1969. «[L’histoire] commence au sous-sol de l’édifice principal de l’Université d’Ottawa en 1936, avec Prie avec l’Église, un modeste livret qui présente les textes de la messe du dimanche en français», rappelle l’enseignant, auteur lui-même de quelques titres de Novalis. Il faut rappeler que cette Université d’Ottawa, rebapti- sée depuis les années 1960 Université Saint-Paul, pour la distinguer de l’autre Universi- té d’Ottawa, est un des fleu- rons de la confrérie originaire de la Provence, établie au Ca- nada depuis la première moi- tié du XIX e siècle. L’éditeur a depuis pris ses distances avec les mission- naires. L’Université Saint-Paul l’a d’abord prise en charge, ce qui, de l’avis de Normand Pro- vencher, a donné «une situa- tion assez unique: une maison d’édition religieuse qui s’adres- se à un large public et qui relè- ve d’une université». Novalis et Bayard Depuis 2008, Novalis est la propriété du groupe Bayard, connu au Canada pour ses pu- blications jeunesse ( Les Dé- brouillards, par exemple). Un mal pour un bien: l’étendue de la diffusion planétaire de Bayard assure à Novalis son universalité. Certes, Provencher aime rap- peler «les origines catholiques, oblates, franco-ontariennes» de la maison. Mais Novalis publie aus- si dans d’autres langues. Dans les années 1960, sa période faste, on traduit des cours de prépara- tion au mariage en seize langues, distribués dans vingt- cinq pays. C’est l’époque des 600 000 exemplaires par semai- ne de Prions en Église. Et le «mo- deste» livret a aussi son alter ego coast to coast , Living With Christ . La période qui suit la Révo- lution tranquille, marquée par une baisse notable des fidèles pratiquants, n’en est pas moins significative pour Nova- lis. Des livres sur la Bible, la liturgie et diverses questions théologiques lui donnent son véritable statut d’éditeur reli- gieux. Son internationalisa- tion se confirme dans les an- nées 1980 et Normand Pro- vencher a l’occasion de diri- ger la collection «L’horizon du croyant». Cet imposant ouvra- ge en vingt volumes, publié en collaboration avec les éditions françaises Desclée de Brou- wer, est distribué à l’échelle de la francophonie. Il a fallu trou- ver des moyens, dit l’ecclésias- tique, «pour rejoindre les gens qui ne venaient plus, ou rare- ment, à l’église, mais qui s’inté- ressaient aux valeurs chré- tiennes». La «clientè- le» évolue, à l’instar de la société. Parmi les succès de la maison, Aimer, perdre et grandir a été édité et réédité et dépasse aujour- d’hui le million d’exemplaires ven- dus. Ce livre sur le deuil est signé de la main de Jean Monbourquette, prêtre et psychologue, autre auteur récurrent chez Novalis — quatorze titres à lui seul — qui est décédé à la fin du mois d’août. «Aimer, perdre et gran- dir a été traduit en quatorze langues, même en chinois, note Normand Provencher. Novalis peut être fier du rayonnement des livres de Monbourquette.» Succès et mise en garde Le curé Provencher lui aussi a fait rayonner l’éditeur. À son actif, plusieurs titres réalisés avec lucidité et... un certain malaise. C’est que ces ouvrages, qui s’inscrivent dans la nouvelle réa- lité de l’Église, prônent, non sans remous, un changement radical des dogmes. Les divorcés rema- riés dans l’Église (2007), «où je me permets, dit-il, de remettre en question l’attitude de l’Église qui refuse les sacrements aux divorcés remariés», lui a valu un appel de Rome. Dans Dieu! Réponse à Al- bert Jacquard (2003), il entame un dialogue avec le célèbre agnostique. Son Trop tard? L’avenir de l’Église d’ici (2002), il le considère plus d’actualité que jamais, avec «une seule correction à faire: un point d’exclamation au titre». «Ce n’est pas la fin de l’Égli- se, mais d’une Église. C’est un choc, reconnaît-il. Novalis prend le risque de publier des essais au- dacieux et libérateurs. Je lui suis reconnaissant.» Collaborateur du Devoir Et Novalis devint la « bible » des éditeurs religieux De Cercle catholique d’Ottawa à éditeur mondial et multilingue, Novalis joue d’audace, selon celui qu’on considère comme sa «mémoire vivante» JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jusque dans les années 1975-1980, la clientèle de Novalis est nombreuse et ses publications, qui concernent surtout la pastorale et la liturgie, atteignent de très grands tirages. Mais, depuis les années 1980, la pratique dominicale, qui avait commencé à diminuer au milieu des années 1960, est en chute libre. Avec 75 ans dans le corps, la maison d’édition Novalis en a vu passer, des guerres et d’autres périodes orageuses. Elle est pourtant encore là, considérée au Canada, peut-être même dans l’ensemble de la francophonie, comme la plus importan- te dans son domaine: les publications de foi chrétienne. Nor- mand Provencher est l’oblat qui se souvient. Novalis prend le risque de publier des essais audacieux et libérateurs

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 1

EDITIONLES 75 ANS DE NOVALIS

Hans Küng rejoint chez Novalis des auteursquébécoisPage 3

Le père Jean a côtoyé les détenusde Bordeaux Page 5

Novalis se met au service des paroissesPage 7

CAHIER H

J É R Ô M E D E L G A D O

L e titre le plus célèbrede Novalis est lemême depuis les dé-buts, à quelquesmots près: ce Prions

en Église, né Prie avec l’Église en1936, est encore un incontour-nable chez Novalis, même par-mi les titres «accessibles au boutdu clic». Tempêtes sociales etcrises du papier n’ont pas eu rai-son de la maison, qui a sus’adapter aux nouvelles réalités,religieuses ou technologiques.

«Jusque dans les années 1975-1980, la clientèle de Novalis estnombreuse et ses publications,qui concernent surtout la pasto-rale et la liturgie, atteignent detrès grands tirages. Mais, depuisles années 1980, la pratique do-minicale, qui avait commencé àdiminuer au milieu des années1960, est en chute libre. Moinsde gens à la messe, moins dePrions vendus. Les prêtres, lesreligieux et religieuses sont demoins en moins nombreux etprennent de l’âge. Donc, moinsde lecteurs et de lectrices et, enconséquence, des tirages beau-coup plus bas.»

L’homme de mémoireNormand Provencher, pro-

fesseur de théologie à l’Uni-versité Saint-Paul d’Ottawa,sait de quoi il parle,lui le fidèle collabo-rateur depuis plus de30 ans, que ses col-lègues désignentcomme «la mémoirevivante de Novalis».

Prêtre, Provencherest un oblat de Marie-Immaculée, l’ordre demissionnaires fonda-teur de la maison.C’est en effet grâce aux effortsd’un de ses précurseurs, AndréGuay, que naît le Cercle catho-lique, qui ne prendra le nom deNovalis qu’en 1969. «[L’histoire]commence au sous-sol de l’édificeprincipal de l’Université d’Ottawaen 1936, avec Prie avec l’Église,un modeste livret qui présente lestextes de la messe du dimanche enfrançais», rappelle l’enseignant,auteur lui-même de quelquestitres de Novalis.

Il faut rappeler que cetteUniversité d’Ottawa, rebapti-sée depuis les années 1960Université Saint-Paul, pour ladistinguer de l’autre Universi-té d’Ottawa, est un des fleu-rons de la confrérie originairede la Provence, établie au Ca-nada depuis la première moi-tié du XIXe siècle.

L’éditeur a depuis pris sesdistances avec les mission-naires. L’Université Saint-Paull’a d’abord prise en charge, cequi, de l’avis de Normand Pro-vencher, a donné «une situa-tion assez unique: une maisond’édition religieuse qui s’adres-se à un large public et qui relè-ve d’une université».

Novalis et BayardDepuis 2008, Novalis est la

propriété du groupe Bayard,connu au Canada pour ses pu-blications jeunesse (Les Dé-brouillards, par exemple). Unmal pour un bien: l’étendue dela dif fusion planétaire deBayard assure à Novalis sonuniversalité.

Certes, Provencher aime rap-peler «les origines catholiques,oblates, franco-ontariennes» de lamaison. Mais Novalis publie aus-si dans d’autres langues. Dansles années 1960, sa période faste,on traduit des cours de prépara-tion au mariage en seizelangues, distribués dans vingt-cinq pays. C’est l’époque des 600 000 exemplaires par semai-ne de Prions en Église. Et le «mo-deste» livret a aussi son alter egocoast to coast, Living With Christ.

La période qui suit la Révo-lution tranquille, marquée parune baisse notable des fidèlespratiquants, n’en est pasmoins significative pour Nova-lis. Des livres sur la Bible, laliturgie et diverses questionsthéologiques lui donnent sonvéritable statut d’éditeur reli-gieux. Son internationalisa-tion se confirme dans les an-nées 1980 et Normand Pro-vencher a l’occasion de diri-ger la collection «L’horizon ducroyant». Cet imposant ouvra-ge en vingt volumes, publié encollaboration avec les éditionsfrançaises Desclée de Brou-wer, est distribué à l’échelle dela francophonie. Il a fallu trou-ver des moyens, dit l’ecclésias-tique, «pour rejoindre les gensqui ne venaient plus, ou rare-ment, à l’église, mais qui s’inté-ressaient aux valeurs chré-

tiennes». La «clientè-le» évolue, à l’instarde la société.

Parmi les succèsde la maison, Aimer,perdre et grandir aété édité et rééditéet dépasse aujour-d’hui le milliond’exemplaires ven-dus. Ce livre sur ledeuil est signé de la

main de Jean Monbourquette,prêtre et psychologue, autreauteur récurrent chez Novalis— quatorze titres à lui seul —qui est décédé à la fin du moisd’août. «Aimer, perdre et gran-dir a été traduit en quatorzelangues, même en chinois, noteNormand Provencher. Novalispeut être fier du rayonnementdes livres de Monbourquette.»

Succès et mise en gardeLe curé Provencher lui aussi

a fait rayonner l’éditeur. À sonactif, plusieurs titres réalisésavec lucidité et... un cer tainmalaise.

C’est que ces ouvrages, quis’inscrivent dans la nouvelle réa-lité de l’Église, prônent, non sansremous, un changement radicaldes dogmes. Les divorcés rema-riés dans l’Église (2007), «où jeme permets, dit-il, de remettre enquestion l’attitude de l’Église quirefuse les sacrements aux divorcésremariés», lui a valu un appel deRome. Dans Dieu! Réponse à Al-bert Jacquard (2003), il entameun dialogue avec le célèbreagnostique. Son Trop tard?L’avenir de l’Église d’ici (2002), ille considère plus d’actualité quejamais, avec «une seule correctionà faire: un point d’exclamation autitre». «Ce n’est pas la fin de l’Égli-se, mais d’une Église. C’est unchoc, reconnaît-il. Novalis prendle risque de publier des essais au-dacieux et libérateurs. Je lui suisreconnaissant.»

Collaborateur du Devoir

Et Novalis devint la «bible» des éditeurs religieuxDe Cercle catholique d’Ottawa à éditeur mondial et multilingue, Novalis joued’audace, selon celui qu’on considère comme sa «mémoire vivante»

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Jusque dans les années 1975-1980, la clientèle de Novalis est nombreuse et ses publications, qui concernent surtout la pastoraleet la liturgie, atteignent de très grands tirages. Mais, depuis les années 1980, la pratique dominicale, qui avait commencé à diminuerau milieu des années 1960, est en chute libre.

Avec 75 ans dans le corps, la maison d’édition Novalis en avu passer, des guerres et d’autres périodes orageuses. Elleest pourtant encore là, considérée au Canada, peut-être mêmedans l’ensemble de la francophonie, comme la plus importan-te dans son domaine: les publications de foi chrétienne. Nor-mand Provencher est l’oblat qui se souvient.

Novalis prendle risque depublier desessaisaudacieux et libérateurs

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É D I T I O N

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B ayard Canada se fait unpoint d’honneur de respec-

ter cette tradition depuis l’acqui-sition de Novalis et persiste àdesservir à la fois les marchésfrancophones et anglophonesdu Canada. «Je ne connais pasbeaucoup d’éditeurs qui publientdans les deux langues. Il n’y en acertainement pas en religion», as-sure Suzanne Spino, directricede Bayard Canada.

Si une tentative de conqué-rir le marché mexicain par destraductions espagnoles fut unéchec dans les années 1990,Novalis s’est imposé dans les20 dernières années commel’éditeur dominant dans lelivre religieux, tant au Québecque dans le Rest of Canada(ROC). Les chif fres de ventede Novalis se révèlent être si-milaires dans les deux mar-chés linguistiques. La dyna-mique du marché, par contre,s’avère for t dif férente danschacune des deux solitudes.

Concurrence féroceÉvidemment, la population an-

glophone est plus nombreuse,mais la concurrence y est nette-ment plus féroce. «En français, ona le monopole sur le marché. Il n’ya presque pas d’autres éditeurs reli-gieux et certainement personne quifait concurrence à Prions en Égli-se. Alors que, sur le marché anglo-phone, ce n’est pas le cas. On abeaucoup de concurrents, surtoutaméricains.» Sunday Missal, une

publication annuelle qui proposedes textes accompagnant Livingwith Christ et reprenant les lec-tures de l’évangile de l’année, estd’ailleurs confrontée à une impor-tante rivalité avec des publica-tions semblables en provenancedes États-Unis.

Aussi, dans le marché anglo-phone, le public est encore plus«fragmenté» qu’au Québec, selonSuzanne Spino. Avec, entreautres, la popularité du protestan-tisme, l’Église catholique n’a pasle monopole dans les établisse-ments de foi chrétienne sur cesterritoires, «alors qu’au Québec,on se dit soit sans religion, soit ca-tholique ou presque», constate-t-elle. Par contre, si Novalis a aban-donné au Québec, depuis la miseen place du cours «Éthique etcultures religieuses», la distribu-tion de livres pour le systèmescolaire, la maison d’éditioncontinue à pourvoir les écoles enmanuels scolaires en Ontario,province où il n’y a pas eu de ré-forme dans l’enseignement desreligions.

Certes, le terrain de jeu prenddes proportions plus grandes ducôté anglophone. Pour mieuxplonger dans ce marché, Novalisréalise de la coédition avec desmaisons américaines. Certainslivres d’initiation sacramentellede Jean-Paul Bérubé et FrançoiseDarcy-Bérubé, qui préparententre autres à l’eucharistie ou à laconfirmation, sont traduits en an-glais et diffusés en coédition ausud de la frontière.

Collaborateur au Devoir

Au Canada

Deux langues,deux marchésLe Sunday Missal est confronté à despublications semblables en provenance des États-UnisDès leurs débuts, les éditions Novalis se sont toujours vou-lues bilingues. Le Centre catholique, ancien nom des éditionsNovalis, a fait ses premiers pas simultanément dans les deuxlangues of ficielles. Dès décembre 1936, il publiait Pray withthe Church (qui deviendra plus tard Living with Christ), quitraduisait en anglais le texte de Prie avec l'Église (qui s’inti-tulera plus tard Prions en Église) du père André Guay, lancéquelques mois plus tôt.

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S uzanne Spino analyse la ten-dance avec franchise et

sans déni. La directrice deBayard Canada, groupe pro-priétaire des éditions Novalis,l’avoue sans ambages: «L’indus-trie du livre est déjà en difficultéavec le numérique. Pour le livrereligieux, c’est encore plus com-pliqué à prédire.»

Les ventes sont en décrois-sance, «autant du côté des pério-diques que de celui des livres»,et la clientèle paroissiale se faitvieillissante. Suzanne Spino ob-serve aussi ce qu’elle appelleune «fragmentation» du publicpour ce type de lecture. «C’estvrai qu’on rejoint moins de per-sonnes qu’auparavant avec unlivre sur le sujet religieux. Lesbesoins spirituels des gens sontdifférents et sont plus individua-lisés aujourd’hui, donc moinsinstitutionnalisés.»

Depuis 2008, Suzanne Spinofait remarquer que Bayard Ca-nada essaie d’élargir le cata-logue pour plaire à un plus vas-te lectorat et «rejoindre le plusde monde possible dans la re-cherche spirituelle. Comme c’estplus fragmenté, on a plus delivres qui essaient de rejoindreune clientèle plus diversifiée, pré-cise-t-elle. On tente d’aller cher-cher des gens qui ne sont pas né-cessairement très près de l’insti-tution, mais qui se questionnentsur leur valeur chrétienne, sur laBible, sur Jésus.»

Un catalogue plus vasteMais Suzanne Spino recon-

naît que «c’est difficile de penserqu’un jour on va revenir, en toutcas au Québec, au nombre delivres religieux qu’on vendait il ya 50 ans». D’autant plus quel’abandon des cours d’enseigne-ment religieux, remplacés de-puis peu par le cours «Éthiqueet cultures religieuses», a son-né le glas de sa part de marchédans le livre scolaire québécois.

«La seule chose qui nous sau-ve un peu, c’est qu’on est presqueles derniers éditeurs religieux auQuébec. Alors, ef fectivement,c’est quand même un créneauqui est enviable.» Médiaspauldemeure un joueur importantdans le paysage littéraire reli-gieux au Québec. Une maisond’édition avec laquelle Novaliseffectue beaucoup de coédition,comme le marché se restreint.

Mais la concurrence, si ellea déjà été féroce au Québecdans ce créneau, a presquedisparu. Novalis trône aujour-d’hui comme le plus impor-tant éditeur de livres religieuxau Canada. «C’est une placequ’on voudrait garder, c’est-à-dire être l’ultime éditeur reli-gieux au Québec», exprime Su-zanne Spino. Mais, questionrentabilité, le livre religieuxne constitue pas l’unique basesur laquelle Bayard Canadapourra se permettre de s’ap-puyer financièrement. «Entant que présidente de BayardCanada, on a aussi le secteurjeunesse. Donc, on se fie là-des-sus», admet-elle.

Bayard Canada a fait l’acqui-sition du contrat de gestion dela marque Novalis en 2000.Fondée par les assomption-nistes canadiens en 1991,Bayard Canada a démarré ets’est développée essentielle-ment autour du secteur des re-vues et des livres jeunesse. En2008, elle a fait l’acquisitioncomplète de la marque Novalis.«Auparavant, c’était Unimediaqui détenait la commercialisa-tion de Novalis. Il était peut-être

un peu plus loin des préoccupa-tions de l’Université Saint-Paul,alors qu’à Bayard on a toujoursété très près sur les contenus etsur les besoins des paroisses. Onest plus à l’écoute.»

Format numériqueBayard ne délaisse donc pas

la mission de Novalis, quiconsiste à «pourvoir aux besoinsdes paroisses» en publiant, entreautres, les livres pour la prépa-ration aux sacrements et auparcours de catéchèse. «C’estun volet de l’édition qu’on conti-nue à faire même si, ef fective-ment, le nombre de gens intéres-sés par ce genre de lecture dimi-nue d’année en année.» Une réa-lité qui force la maison d’éditionà prendre des précautions dansla distribution. «On est un peuplus prudent, répète-t-elle. Onfait un peu plus de livres, doncdes livres qui touchent des clien-tèles plus diversifiées», dit cellequi rappelle que «c’est la frag-mentation et l’individualisationqui font que c’est dif ficile devendre beaucoup d’un mêmelivre». Novalis lance environune quarantaine de publica-tions par année. «On est prudentsur les tirages aussi. On aimemieux réimprimer que d’avoirtrop de livres dans nos coffres.»

Car les ventes d’une publica-tion religieuse atteignent rare-

ment des sommets astrono-miques. Si les livres de l’ancienoblat Jean Monbourquette peu-vent par fois friser le milliond’exemplaires vendus, ils consti-tuent les exceptions qui confir-ment la règle. Ce qui est consi-déré comme un best-seller dansle domaine du livre religieux at-teint plutôt des ventes qui avoisi-nent les 1000 exemplaires.

En 2010, Novalis a commen-cé la mise en vente de ses pre-miers livres en format numé-riques dans son site Internet.Mis à part les publications pa-roissiales, chaque titre publiéest aussitôt disponible en livrenumérique. «Mais, jusqu’àmaintenant, les achats sont trèstrès modérés», constate SuzanneSpino. Une cinquantaine delivres environ ont été vendus enversion numérique au cours dela dernière année. «Et la plu-part, ce sont des livres de JeanMonbourquette», précise-t-elle.

À noter que Novalis a aussientrepris le virage numériquedans son service aux paroisses.Depuis 2010, la maison d’édi-tion a remanié en profondeurson offre en proposant un servi-ce web, afin de fournir aux pa-roisses intéressées un site In-ternet fonctionnel et mis à jourselon leurs besoins.

Le Devoir

La clientèle du livre religieux vieillitNovalis, propriété de Bayard Canada, trône aujourd’hui comme le plus important éditeur de livres religieux au Canada

SOURCE BAYARD

Suzanne Spino, directrice de Bayard Canada

SOURCE BAYARD

Jean Monbourquette

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É D I T I O N

A S S I A K E T T A N I

U ne cinquantaine de livressont publiés chaque année

par les éditions Novalis. «Noscritères de sélection sont simples,explique-t-il. Nous publions deslivres susceptibles d’intéresser laclientèle fidèle à notre maisond’édition. Que les auteurs soientconnus ou non, ce qui compte,c’est ce qu’ils ont à dire, la quali-té du sujet et la manière dont cesujet est abordé.»

Pour choisir ses auteurs, lamaison d’édition se plie àdeux démarches dif férentes.«Il y a ce qu’on reçoit et cequ’on va chercher. Nous rece-vons environ 50 ou 60 manus-crits par an. Nous n’en rete-nons en moyenne qu’un seul»,précise-t-il. Mais, malgré cepeu de succès pour ceux quitentent leur chance, rien n’estimpossible. «Par fois, nousavons de belles surprises, no-tamment lorsque nous décou-vrons des auteurs qui font partd’une réelle profondeur de ré-flexion.» L’immense majoritédes ouvrages publiés viennentdonc d’auteurs que la maisond’édition sollicite: les com-mandes peuvent cibler desétudes ou encore «des per-sonnes qui ont vécu un événe-ment particulier et auxquellesnous demandons de le décrire».

«Nous cherchons à équilibrernotre calendrier éditorial entre des

livres de réflexion sur la croissancepersonnelle, sur les liens entre so-ciété et religion, sur la spiritualité,et des projets d’envergure, commede grandes synthèses historiques», àl’exemple d’Une histoire religieusedu Québec, de Lucien Lemieux(2010), explique Yvon Métras.

Fidèle à sa mission premièred’éducation et de contribution aurayonnement de l’Église, Novalispublie notamment les textes deplusieurs grands hommes d’Égli-se. Riches d’une expérience surle terrain, ils livrent leurs ré-flexions et leurs discours sur laréalité de la vie en paroisse ou dela pratique ministérielle.

Des noms connusC’est le cas de Jules Beaulac,

décédé en 2010, qui a écrit unetrentaine de livres de spirituali-té et qui, pendant 15 ans, aexercé son ministère dans lemilieu carcéral, ce dont il té-moigne dans son Journal d’uncuré de prison (2004). C’est aus-si le cas de l’abbé Pierre Gou-dreault, du diocèse de Rouyn-Noranda, qui, dans des ou-vrages comme Faire Église au-trement (2006) et Chemins d’es-pérance pour l’avenir de l’Église(2010), mène une réflexion sur«la réalité des paroisses d’au-jourd’hui, comment réorganiserles choses et repenser le mondeen paroisse».

La maison d’édition, qui étaità l’origine le Centre catholique

de l’Université d’Ottawa, gardedes liens éditoriaux forts avecl’Université Saint-Paul: plusieursdes grands auteurs de la maisony sont ou y ont été professeurs.L’une des figures embléma-tiques de la maison, Jean Mon-bourquette, prêtre, psychologueet ancien professeur de l’univer-sité, a ainsi marqué l’histoireéditoriale de Novalis avec 14 ou-vrages qu’il a signés et 8 autresen tant que coauteur.

Spécialiste du deuil, son livreAimer, perdre et grandir fait par-tie des plus grands succès de lamaison à l’échelle nationale etinternationale. À côté de cettefigure de proue, citons égale-ment Achiel Peelman, WalterVogels, Jacques Gauthier, colla-borateur au Jour du Seigneur àRadio-Canada, et Normand Pro-vencher, qui a posé, dans l’ou-vrage Trop tard? (2002), laquestion de la pertinence dumouvement de l’Église vers lamodernité.

Liberté éditorialeDans le cadre de grands pro-

jets mondiaux où Novalis dé-tient les droits pour le Canada,la maison a aussi pu accueillirdes auteurs qui figurent parmiles plus grands théologiens ethommes d’Église du monde.

Novalis a ainsi publié Lumièredu monde, de Benoît XVI, lesdeux premiers tomes de l’auto-biographie de Hans Küng, l’undes «géants de l’Église catholiqueet l’un des plus grands théologiensdu temps présent», comme le pré-sentent les éditions, ainsi queDieu fait un rêve, de DesmondTutu, archevêque anglican et fi-gure de proue du combat contrel’apartheid et pour les droits del’homme en Afrique du Sud.«C’est un privilège de pouvoir ac-cueillir des auteurs comme ceux-là», affirme Yvon Métras.

Mais la maison n’accueillepas uniquement des profes-seurs de théologie et deshommes d’Église. Comme lesouligne Yvon Métras, «nousne sommes pas la maison d’édi-tion des évêques du Canada».Et, à ce titre, la maison peutfaire preuve de liberté édito-riale et se concentrer sur cequi fait le centre d’intérêt del’ouvrage: la réflexion. «Notreliberté éditoriale nous permetd’explorer des thématiques re-liées à l ’univers religieux» ,mais sans que ce soit une obli-gation. «Nous avons la chancede pouvoir explorer des ave-nues nouvelles.»

La maison est donc particu-lièrement à l’affût de publica-tions issues de recherches in-usitées, à l’exemple des travaux

de Christina Sergi, qui a explo-ré les liens entre psychologie etspiritualité, ou de Pauline Ja-cob, qui a étudié le discerne-ment vocationnel des femmesdestinées à la prêtrise. JacquesGrand’Maison, sociologue,théologien et prêtre, a analyséles liens entre la laïcité et l’ex-périence chrétienne au Québecdans Société laïque et christia-nisme (2010), et André Beau-champ, théologien et consul-tant en environnement, a publiéun ouvrage sur les liens entre laspiritualité et l’écologie, L’eau etla Terre me parlent d’ailleurs(2009). «Nous restons attentifs àce qui se passe dans l’actualité»,explique Yvon Métras.

Plusieurs expériences hu-maines enrichissantes trouventégalement leur voix au sein des

éditions Novalis, comme l’ouvra-ge de Jacqueline Saint-Jean, Lesfemmes pauvres, prophètes d’unenouvelle humanité (2010), issud’une expérience missionnaire deprès de 40 ans dans les quartierspauvres du sud-est du Brésil.

Parmi les figures publiquesqui ont joint les rangs des au-teurs publiés, citons enfin JeanVanier, philosophe, humaniste etfondateur de L’Arche, ou encorePierre Maisonneuve, journalisteet animateur à la SRC, qui depuis10 ans publie des entrevues avecdes personnalités comme MichelDumont, Françoise David, Deni-se Bombardier, les cardinauxTurcotte et Ouellet, Claude Cas-tonguay et, à paraître bientôt,Gilles Vigneault.

Collaboratrice du Devoir

Politique éditoriale

Des auteurs venus d’ailleurs... et souvent d’iciIls sont prêtres, journalistes, professeurs ou simplementhommes ou femmes qui ont vécu une expérience intéressanteou qui ont une réflexion à livrer. Les auteurs publiés par leséditions Novalis viennent d’horizons dif férents et partagentavant tout un intérêt commun pour la spiritualité, la foi, la so-ciété ou encore la croissance personnelle. À la croisée de ceschemins, le seul mot d’ordre qui préside à la politique édito-riale de la maison est, selon le directeur de l’édition pour lelivre français, Yvon Métras, «la qualité de la réflexion».

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Hans Küng est un géant de l’Église catholique et l’un des plus grands théologiens du tempsprésent, selon Yvon Métras, directeur de l’édition pour le livre français chez Novalis.

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É D I T I O N

A S S I A K E T T A N I

L e projet émerge dans les an-nées 40, alors que le maria-

ge est dans l’air du temps.Après la crise économique desannées 30 et au moment où leniveau de vie recommence sonascension, le nombre de ma-riages célébrés au Québec pas-se du simple au double en l’es-pace de cinq ans. Le dimanche23 juillet 1939, l’euphorie culmi-ne avec la célébration «des 100mariages», en réalité, le maria-ge de 105 jeunes couples, à l’oc-casion du deuxième congrès na-tional de la Jeunesse ouvrièrecatholique.

La basilique Notre-Dame, quidevait initialement accueillir lescélébrations, s’avère trop petite,et les 105 couples prononcerontleurs vœux au stade de Lori-mier, ancien stade de baseballdémoli en 1965. L’année d’après,une course au mariage s’engageaprès l’annonce, par le gouver-nement canadien, de la cons-cription pour tout jeune céliba-taire, et le taux de nuptialité at-teint son pic historique au Qué-bec en 1940. Quelques annéesplus tôt, en 1932, une lettre dupape Pie XI, l’encyclique CastiConnubii, encourageait les ef-forts sur la catéchèse du maria-ge chrétien.

Les cours de préparation aumariage sont nés dans ce cli-mat. Entre euphorie nuptiale etsouci de catéchèse catholiquedu mariage, la nécessité d’unmanuel se fait rapidement sen-tir. Le Centre catholique del’Université d’Ottawa publiealors une première version ducours en 1944.

«Pour aider les jeunes couples àse préparer au mariage, le pèreGuay [le fondateur du Centre ca-tholique] a mis en place à Otta-wa un cours, en 15 leçons, abor-dant différentes thématiques: lavie à deux, la vision religieuse dumariage ou encore la famille»,nous explique Yvon Métras, di-recteur de l’édition pour le livrefrançais. La même année, leCentre met sur pied un servicede cours de préparation au ma-riage par correspondance, pour

répondre aux besoins des fian-cés qui ne peuvent pas suivre lessessions offertes localement.

Succès continuLe succès de ces cours ne se

fait pas attendre: la version an-glaise, traduite par WilliamO’Meara, paraît l’année suivan-te et connaît immédiatement ungrand retentissement. En 1947,les Églises unies et anglicanesdu Canada décident d’adaptercette version et d’en appliquerle programme à leur Église. En1960, au moment du départ dupère Guay, le cours était traduiten 16 langues et disponibledans 25 pays. Depuis, le succèsdu cours ne s’est jamais démen-ti. «Depuis sa création, c’est unproduit que la maison offre. Lecours est aujourd’hui encore tra-duit et vendu à travers le mon-de», précise Yvon Métras.

Le cours est offert sous deuxformes: la publication Oui, je leveux! est un cours par corres-pondance, de 16 à 18 semaines,qui passe par des question-naires, des exercices et deséchanges avec un conseiller, etProjet mariage est un guided’accompagnement accessibleaux paroisses. De quoi s’agit-il?La formule se décline invaria-blement autour de quatre vo-lets: «Communication», «Sexua-lité», «Société» et «Mariagechrétien». Mais, plutôt que deparler de cours, Yvon Métrasconsidère qu’il s’agit avant toutd’un temps de réflexion. «Lemot “cours” est une expressionmal choisie. Les couples ne sontpas notés!», s’exclame-t-il. L’ob-jet premier de la formation est,selon lui, de permettre aux fu-turs époux d’échanger etd’aborder des sujets sensibles.

AdaptationMais, alors qu’aujourd’hui le

nombre des mariages à l’Égliseest en chute libre au Québec,existe-t-il encore une demandepour ce type de cours? Même siles Québécois sont de plus enplus nombreux à délaisser le ma-riage à l’église au profit de l’unionlibre ou encore du mariage civil,le mariage religieux existe bel et

bien et devance encore le maria-ge civil: en 2009, 57,7 % des ma-riages ont été religieux, contre42,3 % de mariages civils. Lecours de préparation proposé parles éditions Novalis, quant à lui,est suivi chaque année par prèsde 1200 couples québécois.

Pour rester au goût du jour, lecours a su s’adapter à l’évolutionde la société. «Le contenu du pro-gramme a évolué, explique YvonMétras. Au début des années 70,la manière de présenter le maria-ge a changé: on a mis davantagel’accent sur la sexualité, la com-munication, ainsi que les ques-tions de vie en société, en intégrantpar exemple les contrats de maria-ge ou les testaments.»

Mais, chose indéniable, laformule du cours de prépara-tion au mariage par correspon-dance a toujours eu ses adep-tes, même si les exigences descouples ne sont plus lesmêmes. Dans les années 40, laformule par correspondance apermis aux couples dont lemari était à l’armée de préparerleur mariage. Aujourd’hui, lavie de couple se décline entredéplacements, enfants et con-traintes professionnelles, et lapossibilité de préparer son ma-riage en paroisse peut s’avérerdifficile. «Ce qui fait l’attrait descours, ce sont les difficultés d’ho-raire des couples d’aujourd’hui.C’est un outil qui demeure mo-derne car, peu importe le rythmede vie et les disponibilités, lescouples peuvent le suivre etprendre contact avec une person-ne responsable du projet.»

Enfants admis!Et, selon Hélène Régnier,

responsable de Novalis - Servi-ce aux paroisses, qui chapeautele programme, «la manière defonctionner est adaptée à la réa-lité des jeunes couples». Pour

préserver cet avantage, les édi-tions Novalis se gardent biende perdre de vue l’évolution desbesoins en la matière. Récem-ment, le programme a ainsi ou-vert la porte à l’intégration desenfants dans la préparation aumariage, une évolution renduenécessaire par les nouvellesréalités démographiques des fa-milles, de plus en plus nom-

breuses à avoir déjà des enfantsavant le mariage.

Pour rendre le programmeencore plus pratique et plus ac-cessible, le cours sera bientôtappelé à se mettre à la page dunumérique. «Aujourd’hui, lesexercices se font par la poste.Nous nous dirigeons vers un pro-gramme interactif du web, pourque les couples aient accès à l’en-semble du contenu en ligne etqu’ils puissent répondre aux ques-tionnaires via Internet», sou-ligne Yvon Métras. De quoi as-surer encore quelques bellesannées à ce cours, qui fait lepont entre la pure tradition ca-tholique et la réalité des couplesd’aujourd’hui.

Collaboratrice du Devoir

Près de sept décennies de cours pour se préparer au mariageQuand la basilique Notre-Dame s’avère trop petite pour les nouveaux couples

SOURCE UNIVERSITÉ OTTAWA

Le Centre catholique de l’Université d’Ottawa a été fondé par lepère Guay.

En 1944, un cours de préparation au mariage catholique estpublié, pour la première fois, par le Centre catholique del’Université d’Ottawa, devenu les éditions Novalis. Soixante-sept ans après sa création, il est encore disponible à traversle monde et séduit chaque année les couples qui veulents’unir dans la tradition catholique.

M A R I E - H É L È N EA L A R I E

E n 1936, le père Guay fondele Centre catholique de

l’Université d’Ottawa, aujour-d’hui Novalis. Au départ, cetorganisme ne publiait que Prieavec l’Église — qui deviendraen 1965 Prions en Église — ain-si que des cours de prépara-tion au mariage et quelquesouvrages sur le soutien à la vieliturgique.

«Aujourd’hui, on a de véri-tables projets éditoriaux autourd’auteurs, alors qu’auparavanttout gravitait autour de la litur-gie et du sacrement du maria-ge. Aujourd’hui, onveut publier des livrespour les hommes etles femmes de notretemps qui sont inté-ressés par le fait reli-gieux», explique Gil-da Routy, directricecommerciale chezNovalis.

La maison d’édi-tion ajoute à cettegamme de livres re-l igieux des livresdits de «quête desens», soit des livresportant sur la spiri-tualité, et, depuiscinq ans, on a aussienrichi le catalogued’ouvrages de croissance personnelle.

Après un Prions en Église français

Au départ, en 1987, BayardPresse signe une licence pourla publication d’une versionhexagonale de Prions en Égli-se. Depuis, la collaborations’est dédoublée et s’inscritdans des activités d’édition.«Par le passé, c’étaient les ma-gazines qui étaient le parentfort de la maison, mais, depuisla baisse de la pratique reli-gieuse et donc la baisse desabonnements à Prions en Égli-se et le développement de laproduction de la maison d’édi-tion, on se rend compte que, fi-nalement, le livre devient deplus en plus important, presqueautant que tout ce qui est ma-gazine», explique Mme Routy.

Avec Bayard qui devientpartenaire, Novalis publie etdistribue au Canada des au-teurs français, et vice-versa.Pour tant, les cultures dif fè-rent, et ce n’est pas parcequ’un titre est populaire enFrance qu’il le sera au Qué-bec. Quant à l’inverse, au dé-but, on constatait une certaineréticence en France envers lesouvrages sur la maladie et la

mort: «Chez Bayard, on n’a-vait pas d’ouvrages qui trai-taient de la mort et de la façonde l’aborder. En France, il y a15 ans, on ne disait pas à quel-qu’un qui était en fin de viequ’il allait mourir, on disaittoujours qu’il y avait de l’es-poir. Au Québec, on a une espè-ce de transparence dans la re-lation médecin-patient quin’existait pas en France àl’époque.»

Les échangescommerciaux

Si Bayard a ouver t lespor tes de la France et de lafrancophonie à Novalis, celle-

ci n’hésite pas à si-gner des contrats decoédition avecd’autres maisons:«C’est important pournous de trouver deséditeurs français aveclesquels on va tra-vailler pour coéditerles livres. Du coup,comme l’éditeur estsur place, déjà sur lemarché français, c’estlui qui pourra lemieux prendre encharge l ’édition enFrance.»

C’est donc ce quise produit avec leséditions du Cerf et de

l’Atelier, deux maisons quis’adressent à dif férents pu-blics et qui possèdent des ca-ractéristiques qui leur sontpropres. Avec le Cerf, la coédi-tion a vu naître le second tomedes mémoires d’Hans Küng,un théologien qu’on pourraitqualifier de subversif. Le pre-mier tome avait été publié en2007 sous le titre Mon combatpour la liberté.

Pendant ce temps, les édi-tions de l’Atelier et Novalisont coédité Prières, de MichelQuoist, un prêtre ouvrier enFrance dans les années 70.On a choisi de publier ce tex-te en gros caractères. Deséditions qu’on retrouve deplus en plus chez Novalis:«On a toute une série de livresen gros caractères et on tra-vail le avec des cataloguesd’éditeurs français à la re-cherche de titres intéressants.Au départ, ces éditeurs étaientun peu réticents mais, petit àpetit, ils se rendent comptequ’eux aussi ont une demandepour ce genre de publications.»

Les succès Malgré sa petite taille, Nova-

lis a su profiter de partenariats

VOIR PAGE H 5 : FRANCE

Bayard a ouvert les portesde la France et de lafrancophonie à Novalis«Par le passé, c’étaient les magazines quiétaient le parent fort de la maison»

Les culturesdif fèrent etce n’est pasparce qu’untitre estpopulaire enFrance qu’ille seraégalement auQuébec

À deux, c’est mieux. L’association de Novalis et Bayard re-présente des avantages majeurs pour les deux maisons, et ce,à plusieurs points de vue: distribution, mise en marché ettraduction. Le nouveau terrain de jeu est maintenant toute lafrancophonie.

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É D I T I O N

commerciaux avantageux.Mais, d’abord et avant tout, lamaison s’est taillé une réputa-tion locale grâce à des auteurset à des ouvrages de qualitéqui ont connu un bon succèsen librairie.

Année après année, les ventesne le démentent pas, c’est l’au-teur-phare de la maison, JeanMonbourquette, qui obtient lesmeilleurs chif fres de ventes.Son œuvre traitant de la vie etde la mort est traduite en plu-sieurs langues et des dizainesde contrats ont été signés pourla publication de ses livres dans23 pays, dont la Chine, le Japonet la Corée du Sud.

Jean Monbourquette est dé-cédé l’été dernier. Mais toutjuste avant sa mort, il a retra-vaillé Le temps précieux de lafin, un livre traitant des der-niers moments de la vie etdestiné à apaiser la personnequi est en train de mourir.

Le dernier titre de Jean Mon-bourquette paru de son vivantest Excusez-moi, je suis en deuil,un essai portant, comme sonnom l’indique, sur le deuil, quiest si mal vécu dans nos socié-tés occidentales. Quant à Del’estime de soi à l’estime du soi,le livre propose des stratégiesqui développent l’estime de soiet réveillent l’âme. Dans Com-ment pardonner, l’auteur ex-plique la nature du véritablepardon et analyse les 12 étapesà franchir pour arriver à par-donner. En fait, ce n’est qu’unaperçu de l’œuvre, puisqueJean Monbourquette a publiéplus d’une trentaine de titreschez Novalis.

Quête de sensUne autre auteure promet-

teuse de la maison est Christi-na Sergi, diplômée en théolo-gie et enseignante de yoga,qui a publié L’ouver ture, unouvrage autour de la quête desens. Il y a aussi cet aumônierde la prison de Bordeaux, lepère Jean, qui, dans 38 ansderrière les barreaux, raconteà France Paradis le dif ficilequotidien des détenus. Dansquelques semaines, Novalispubliera, sous forme de re-cueil, des extraits de lettresbouleversantes envoyées aupère Jean par les détenus.

On terminera en soulignantaussi la collection d’entretiensmenés par le journaliste et ani-mateur sur la Première chaînede Radio-Canada, Pierre Maison-neuve, dont les derniers se sontdéroulés en 2006 avec Mgr Ouel-let, archevêque de Québec, au-jourd’hui au Vatican. La prochai-ne personnalité-vedette de cesentretiens sera Gilles Vigneault,qui dévoilera sa quête spirituelle.

Collaboratrice du Devoir

FRANCESUITE DE LA PAGE H 4

C L A U D E L A F L E U R

En 2009, les éditions Novalisnous ont fait découvrir un

personnage hors de l’ordinaire:le père Jean, aumônier à la pri-son de Bordeaux, de 1969 à2007. Celui-ci a alors publié sonautobiographie, 38 ans derrièreles barreaux, corédigée avecFrance Paradis. Voici qu’il récidi-ve en nous présentant Confi-dences de prisonniers, qui ras-semble une portion du millierde lettres, de poèmes, deprières, de chants et de parolesque lui ont transmis des détenusdepuis plus de quarante ans.

«Mon premier livre, c’est moi,mon expérience personnelle, dit-il, alors que le deuxième, ce sontles détenus qui parlent. Avec celivre, je désire vous faire décou-vrir l’âme des détenus»: ainsiparle André Patry, dit le pèreJean, quand il décrit son projet.

Ce qu’il y a de remarquable— probablement même d’iné-dit — dans cet ouvrage, c’estle fait que, tout au long des 38années qu’il a été aumônier, lepère Jean a reçu de la part desdétenus des lettres dans les-quelles ils se dévoilaient sansattendre le moindre bénéficeen retour. Les détenus s’expri-maient donc en toute liberté,sans contrainte et sans crainteque leurs propos ne se retour-nent contre eux. «Puisqu’ilss’adressaient à moi, aumônier,ils n’avaient aucun bénéfice àretirer de leurs lettres, com-mente le père Jean. Ils s’expri-maient donc librement.»

En outre, durant sa longue car-rière, l’auteur a colligé une foulede témoignages dans son journalpersonnel, tout en recueillant desparoles de détenus et même cer-tains graf fitis inscrits sur lesmurs des cellules (notammentdans «le trou»). «J’ai accumulé aucours de mes quarante ans —puisque je reçois encore des lettres

de détenus — presque un millierde lettres, de poèmes et de prières,dit-il. Je notais même les graffitisdans les cellules lorsque je voyaisdes pensées particulières. Et, de-puis que je suis entré en prison, j’aicolligé dans mon journal person-nel des pensées, des paroles ou desévénements que j’ai vécus avec lesgars… et j’ai toujours tout gardé!»

Dans Confidences de prison-niers, non seulement nous pré-sente-t-il un point de vue uniquede ce que vivent et ressentent lesdétenus de Bordeaux, mais, pourchaque écrit, il nous dresse leportrait des auteurs. «Je présenteles gars (sans donner leur vrainom) en donnant l’âge qu’ilsavaient, pourquoi ils ont étécondamnés, une idée de leur tem-pérament et ce qu’ils sont devenus,indique l’aumônier. Ç’a été un tra-vail épouvantable, car il a falluque je démêle tout cela!»

L’ouvrage est divisé en cha-pitres selon le type de témoi-gnages recueillis: lettres, poèmes,prières, chants, etc. «J’explique ceque les gars vivent au travers de cespoèmes, ajoute-t-il, alors que cer-tains ont composé des chants pourles liturgies à la chapelle.» L’ouvra-ge présente même des échangesde lettres entre les détenus et les

carmélites d’un couvent. «J’ai deslettres de ces gars-là ainsi que leslettres des carmélites, et j’explique lecontexte.»

L’ouvrage présente égalementun chapitre intitulé «Ce qu’ilsm’ont dit», des extraits du jour-nal personnel du père Jean. «Et,pour terminer, ajoute-t-il, je metsune série de graffitis, qui sont aufond des messages que les garslaissent à celui qui les suivra encellule… Plus particulièrement,j’ai recopié les graffitis de la “pri-son de la prison”, c’est-à-dire “letrou”. Les détenus y communi-quent leur détresse, leur aigreur àl’endroit des surveillants ou dumilieu carcéral, etc.»

Une vision erronéeÀ 71 ans et à la retraite depuis

quatre ans, le père Jean — de sonvrai nom André Patry — mèneune existence toujours aussi acti-ve. «Je suis très occupé puisque jecontinue de voir des détenus et desex-détenus, dit-il. J’ai un mandat depastorale du cardinal et je vais en-core dans les prisons. Je vais mêmechez les femmes, ce que je ne faisaispas autrefois. On a aussi une mai-son, Oasis liberté, qui permet auxgars qui sortent de prison de pour-suivre leur cheminement humain

et spirituel. Je travaille vraimentbeaucoup.»

Il déplore au passage la visionque nous avons en général descondamnés à la prison. «Je trouvele tribunal du peuple bien impla-cable, lance-t-il, on a tellement faci-le la condamnation! J’écoute la ra-dio et je vois combien d’animateurset d’animatrices du matin laissentfiler leurs états d’âme et rendentleur diagnostic sans mêmeconnaître les personnes. Or, lors-qu’on connaît la réalité d’en-de-dans, ce n’est tellement pas cequ’on nous rapporte!»

«Savez-vous, par exemple, quequelqu’un qui est condamné à vieet qui sort au bout de 25 ans doitnéanmoins se rapporter aux auto-rités tous les mois pour le reste deson existence? Et qu’on le rentre en-dedans pour la moindre offense?»

«Je ne dis pas que les gars sontdes anges — bien au contraire,loin de là! — mais mon attitude estd’abord de ne pas juger lapersonne, poursuit le père Jean.J’applique un grand principe quetous les gars connaissent: ne jamaiscautionner le mal qu’une personnepeut faire, mais toujours être com-

plice du bien qu’il y a en elle.»«Je suis en contact avec des per-

sonnes qui sont encore dans le cri-me — et elles savent que je nesuis pas d’accord avec elles, que jene peux en aucun cas cautionnerce qu’elles font — mais je reste enlien quand même. Pourquoi?Parce qu’il y a des gars qui m’ap-pellent après trente ans pour medire: “Père Jean, je veux faire ma4e ou 5e étape dans les A.A. oudans les N.A.” [c’est-à-dire procé-der à un inventaire moral de soi-même et avouer la nature exactede ses torts]. Je ne désespère depersonne, parce que je crois audieu de l’impossible.»

André Patry se dit particuliè-rement heureux de voir que seséditeurs ont choisi d’inscrireson appellation «père Jean» surla couverture de Confidences deprisonniers, «puisque c’est aupère Jean que les gars écrivaient,dit-il. Et sur la rue, lorsque quel-qu’un m’appelle “père Jean”, c’estqu’on s’est connu au “grand col-lège”… la prison de Bordeaux duboulevard Gouin!»

Collaborateur du Devoir

Père Jean

L’auteur venu de Bordeaux«Je notais les graffitis dans les cellules lorsque je voyais des pensées particulières»

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

Une vue intérieure de la prison de Bordeaux, à Montréal

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É D I T I O N

C L A U D E L A F L E U R

L’ une des premières initia-tives du Centre catholique

d’Ottawa, dès sa fondation, estd’offrir aux fidèles un «petit li-vret» pour qu’ils participent à lamesse du dimanche. Prie avecl’Église, qui deviendra Prions enÉglise trois décennies plus tard,paraît pour la première fois le 7juin. Nous sommes alors enpleine dépression économique— la grande crise des années1930 — et le livret est parconséquent vendu à la portedes églises par des chô-meurs… au prix d’un cent!

«Voilà qui témoigne quenous sommes une institutionau service de la communauté,déclare Jacques Lison, direc-teur des revues religieuses etde Prions en Église, aux Édi-tions Novalis. Les décisionsque nous prenonssont toujours tour-nées vers l’ouvertureet l’espérance.»

C’est ainsi que, en1989, une édition engros caractères est pro-duite afin de répondreaux besoins des parois-siens vieillissants. «Àma connaissance, relateM. Lison, ce pourraitêtre la seule revue quipublie une édition en grands carac-tères.» Et voici que, à partir de jan-vier prochain, le «petit livret» denotre enfance disparaîtra pour nelaisser place qu’à l’édition en groscaractères.

«Je dirais que nous sommes uneinstitution toujours à l’avant-gar-de, avance Jacques Lison. Parexemple, dès le départ, on offraitdes textes en français, alors que laliturgie était en latin… C’étaitbien avant que le concile VaticanII n’ouvre la liturgie aux languesvernaculaires, dont le français.»Aujourd’hui, Prions en Église seretrouve dans Internet, en plusd’être un mensuel publié àl’échelle internationale.

Un développementplanétaire

Jacques Lison rappelle quePrions en Église est un petit li-

vret de 40 pages qui mesure en-viron 4 x 5 pouces et dont les fi-dèles se servent pour célébrerl’eucharistie (la version engrands caractères, identique aulivret, mesure 5 x 7 pouces).«C’est un manuel d’accompagne-ment qui aide à suivre la célébra-tion du dimanche», précise-t-il.Dans les dernières pages, on yretrouve de petites chroniquesd’éducation sur des thèmes tou-chant la foi — des explicationssur un mot de la foi, sur la paro-le de Dieu, une petite prière,etc. — afin d’accompagner lesfidèles dans leurs méditations.Le livret est publié tous les di-manches, en plus d’une éditionspéciale pour Noël.

Douze ans après la publica-tion du premier Prie avec l’É-glise , le Centre catholiquecrée une version anglaisepour desservir le Canada, puis

les États-Unis à partirde 1999.

En janvier 1965,alors que le concile Va-tican II s’achève, le li-vret devient Prions enÉglise afin de refléterla nouvelle penséethéologique: «Le peu-ple de Dieu en prière nes’unit pas à l’Église, ilconstitue l’Église.»

L’année suivanteparaît une édition mensuellequi propose les textes litur-giques des messes quoti-diennes. «Dans le mensuel,vous avez la messe pour chaquejour, précise l’éditeur. Il fautsavoir que dans la liturgie,pour chaque jour, il y a des lec-tures bibliques, un épître, unpsaume ainsi que des oraisonset des prières. Il y a donc toutce qu’il faut pour chaque jourde l’année.»

Un Prié françaisEn 1969, le Centre devient

les Éditions Novalis. En 1987,la maison d’édition signe avecBayard Presse, propriété desassomptionnistes français,une licence pour la publica-tion d’une version françaisedu mensuel Prions en Église.La revue est désormais diffu-

sée à travers l’Europe franco-phone, tout en demeurantsous la responsabilité de No-valis. «Les assomptionnistesont été frappés par notre publi-cation mensuelle et l’ont doncreprise, rappor te avec fier téM. Lison, et ils ont eu un suc-cès fulgurant, avec près de 150 000 abonnés.»

Finalement, en 2008, l’Uni-versité Saint-Paul, à Ottawa,cède Novalis à Bayard Cana-da, propriété des augustins del’Assomption de Québec. «Ilest important de souligner quecette communauté s ’inscritdans la même ligne mission-naire que les oblats, préciseJacques Lison. En changeantde mains, Novalis et ses fleu-rons se voient assurés d’un ave-nir dynamique et prometteur.»

ComplexitéLe directeur des revues reli-

gieuses, qui œuvre chez No-valis depuis dix ans, expliqueque produire Prions en Églisenécessite «une expertise extrê-mement pointue et particuliè-re». Il s’agit d’une publicationd’une complexité inouïe, insis-te-t-i l : «On ne se rend pascompte que chaque numéro re-présente une foule de détails.Entre autres, il y a la complexi-té de la liturgie, qui a toutessortes de règles et de subtilitésqui échappent au calendrier or-dinaire et à la routine. La pro-

duction de Prions est à la foisextrêmement régulière et extrê-mement complexe.» À preuve,rapporte-t-il, Novalis a tentéde concevoir des logiciels quiexécuteraient la tâche auto-matiquement, «mais on n’y ar-rive pas en ce moment! On estdans l’artisanat…»

«J’ai toujours senti, depuisque je suis là, que c’est d’abordune mission; ce qui prime, cel-le du service qu’on rend à l’É-glise d’ici, poursuit Jacques Li-son. Les gros caractères, parexemple, c’est le signe du servi-ce qu’on veut rendre à tous lesgens, puisqu’il y a ef fective-ment beaucoup de personnesâgées parmi nos lecteurs.»

«Je pense que nous avonsencore un bel avenir, enchaî-ne-t-il, bien que nous soyons so-lidaires de ce que traverse l’É-glise. On a le sentiment devivre une solidarité de destinavec nos paroissiens et toute lacommunauté chrétienne et l’É-glise. Donc, l’avenir de Prionsen Église, c’est l’Église commevous la voyez — ce qui peutnous réserver de bonnes sur-prises. Bien sûr que nous vi-vons un déclin — fermeturedes paroisses… Mais nous te-nons à être là tant et aussilongtemps que les communau-tés chrétiennes seront là… Onest là pour rendre ce service!»

Collaborateur du Devoir

Prions en Église, 75 ans de développement

Le tout premier Prie avec l’Égliseest publié en 1936«Nous tenons à être présent tant et aussi longtemps que lescommunautés chrétiennes seront là»En 1936, le père André Guay, oblat enseignant à l’Universitéd’Ottawa, fonde le Centre catholique, qui deviendra 33 ansplus tard Novalis. Ce centre se veut «une sorte de laboratoireoù des prêtres et des laïcs étudient ensemble les problèmesactuels de l’Église et leur cherchent des solutions à la foispratiques et applicables aux masses». Un petit livret y estmis en forme et, 75 ans plus tard, Prie avec l’Église paraîttoujours, sous un autre titre, toutefois.

M A R I E - H É L È N EA L A R I E

B on an mal an, arrivent surles tablettes de nos librai-

ries 50 000 nouveautés, parmilesquelles figurent 5000 titresquébécois. Pour sa part, l’édi-teur Novalis fait paraître 60titres par an. C’est donc direque, pour se tailler une placedans cette jungle, il faut jouerdes coudes, mais surtout utili-ser tous les moyens mis à ladisposition d’un éditeur pour sedémarquer.

Chez Novalis, on publie, meten marché et distribue troistypes de publications: des ou-vrages de croissance personnel-le, des livres de spiritualité et untroisième type d’ouvrage, le livrereligieux à proprement parler:«Pour Novalis, les livres religieuxet spirituels représentent 90 % ducatalogue et 50 % des ventes», ex-plique Gilda Routy, directricecommerciale chez Novalis.

Pour 20 librairies... auCanada

Évidemment, depuis quelquesannées, on a vu le nombre de ca-tholiques pratiquants diminuerfortement... Ainsi que le nombrede librairies religieuses: «Le ré-seau des librairies religieuses auQuébec est de plus en plus limité,je dirais qu’il y a 20 librairies reli-gieuses au Canada... Si on devaitne mettre en marché nos livresque dans ces librairies, on seraitmort depuis bien longtemps!»,rappelle Mme Routy. Dans uncontexte semblable, un éditeurde livre religieux se doit de ré-agir: «Il y a dix ans, nos nouveau-tés étaient des livres des-tinés aux catholiquespour leur pratique de foiet leur pratique litur-gique. C’était le plusgros de notre produc-tion. Aujourd’hui, on es-saie de s’ouvrir àd’autres réalités en déve-loppant des livres sur laspiritualité.»

Cette réalité, on lavoit apparaître aussichez d’autres éditeurs, commeAlbin Michel, avec sa collec-tion «Spiritualité vivante», ainsique chez Flammarion, qui pu-blie des ouvrages sur le pape.On voit bien que ces questionsde spiritualité et les enseigne-ments des grands maîtres inté-ressent beaucoup de gens. Leséditeurs pratiquent cette diver-sité pour qu’ultimement ilspuissent voir leurs titres reli-gieux ou spirituels être mis envente sur les tablettes tant deslibrairies indépendantes quedes bannières et des grandessurfaces.

Quelques succèsPour quelques succès de li-

brairie, plusieurs autres titresvont sombrer dans l’oubli: c’estmalheureusement la règle dujeu. Mais, peu importe le cré-neau, il arrive parfois de petitsmiracles: «Quand Benoît XVI, leprintemps dernier, a fait pa-raître Lumière du monde, unlivre d’entretiens avec le journa-liste allemand Peter Seewald, cefut un incroyable succès à traversle monde. Là, tous les libraires

nous appelaient pour acheter letitre», rappelle Mme Routy.

Mais de tel succès ne sontpas légion, ils arrivent à l’occa-sion pour un titre ou deux danstoute une collection: «Nos petitslivres publiés spécifiquement surles thèmes de Noël ou de Pâquesont des tirages de 30 000 exem-plaires... Mais généralement,pour nous, un bon tirage se situeautour de 3000 exemplaires.Mais on a aussi pas mal de titresqu’on tire à 1000 exemplaires...Mais on arrive à les vendre, c’estça qui est merveilleux!»

Un autre succès de librairiepour Novalis aura été la publi-cation du livre Des hommes etdes dieux, après le film sur l’as-sassinat des moines de Tibhiri-ne, en Algérie. C’est effective-ment Novalis qui possède lesdroits de distribution de cet ou-vrage au Canada.

Tous les moyens sontbons

Depuis 2010, Novalis s’estaussi lancé dans le livre élec-tronique. Au départ, ce sont 90titres du fonds de l’éditeur quiont été transformés en versionélectronique. Novalis travailleavec l’Association nationaledes éditeurs de livres (ANEL)sur une plateforme commune.Sans surprise et tout commedans leur version papier, cesont les ouvrages de JeanMonbourquette — l’auteur-phare de Novalis — qui sevendent le mieux. Aujourd’hui,on retrouve aussi toutes lesnouveautés de Novalis en ver-sion électronique.

Mme Routy a l’habitude dedire qu’«un auteur esttoujours le meilleur ven-deur de son livre». Aus-si, pour faire connaîtreun auteur, Novalis n’hé-site pas à organiser desconférences, des ren-contres: «Dans le cadredes activités entourantle Salon du livre, le lun-di 21 novembre pro-chain, on a invité un bi-bliste, André Myre, qui

vient de publier chez nous La sour-ce et qui va faire une conférence.On y attend 120 personnes...Quand même!»

Et, comme tous les autres,pour sa mise en marché, Nova-lis utilise les réseaux sociaux etle web: «On fait de l’animation etdes entrevues avec nos auteurs,qui sont ensuite placées dans leweb, on envoie des lettres d’infor-mation. Tous ces nouveauxmoyens de communication nousobligent à agir différemment dansnotre mise en marché», expliqueMme Routy. Et, comme pourtous les autres joueurs du mi-lieu, les moyens et les res-sources ne sont pas toujours aurendez-vous pour en faire autantqu’on le voudrait.

Le grand défi auquel fait faceNovalis pour les années à venir:«Il nous faut sor tir de nos ré-seaux habituels pour aller tou-cher des gens qui sont en quêtede quelque chose. On a des pro-positions pour ces gens-là, maisil nous faut découvrir où et com-ment les rejoindre.»

Collaboratrice du Devoir

DIFFUSION

Tout faire pour rejoindreces «gens en quête dequelque chose»Tirer son épingle du jeu dans le monde de l’édition n’est pastoujours de tout repos, surtout quand les titres qu’on proposese classent dans ce qu’on nomme des «publications de niche».Petit tour d’horizon de la mise en marché du livre religieux.

Toutes lesnouveautésde Novalis se retrouventen versionnumérique

«L’avenir dePrions enÉglise, c’estl’Églisecomme vousla voyez»

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 1 H 7

É D I T I O N

A N N E - L A U R EJ E A N S O N

L’ équipe de Novalis, une fi-lière de Bayard Presse Ca-

nada, propose depuis deux ansune nouvelle gamme de ser-vices qui correspond aux réali-tés paroissiales d’aujourd’hui.

L’éditeur religieux, qui pu-blie depuis 75 ans le magazinedominical et mensuel Prionsen Église, aide les paroisses àconstruire leur site Internet.«On fait le site avec eux et onles forme à des prix très concur-rentiels depuis un an», indiqueNancy Lauzon, directricecommerciale des périodiquesde Bayard Canada. NSP parta-ge une arborescence commu-ne. Chacune peut ensuiteajouter son visuel, des cou-leurs et du texte.

À ce jour, quatre por tailsweb ont été réalisés. «On a faitceux du diocèse de Mont-Lau-rier et on travaille actuellement

avec Rouyn-Noranda. C’est as-sez récent, mais ça correspond àune demande et ça se développetranquillement», poursuit Nan-cy Lauzon. «Les paroisses ré-pondent très bien au web et aunumérique, déclare pour sapart Hélène Régnier. Ça mobi-lise les équipes sur d’autreschoses que la catéchèse ou la li-turgie. Pour elles, c’est un projetglobal de visibilité.»

Novalis développe ses ser-vices depuis deux ans. Le butest de se repositionner dansun très petit marché. Ses prin-cipaux clients sont les pa-roisses francophones du Ca-nada et quelques communau-tés missionnaires sur le conti-nent africain.

Le tirage de Prions en Églisediminue depuis plusieurs an-nées d’environ 3,5 % par an.«C’est certain qu’il y a de moinsen moins de gens qui vont à l’égli-se. Plusieurs paroisses doivent fu-sionner ou même fermer leursportes», note Nancy Lauzon.

Sur le terrainLa question des ressources

matérielles est importante pourles paroisses. Celles-ci veulentdes produits qui correspondentà la réalité d’aujourd’hui. «Pournous, c’est de plus en plus diffici-le de publier, dit Hélène Ré-gnier. Le marché est très petit. Sion veut sortir un produit pourêtre vendu à 500 exemplaires, çane vaut pas la peine.» Le numé-rique peut alors être une solu-tion pour éditer à moindre coût.

En plus de Prions en Église,destiné à accompagner la mes-se, Novalis offre aux paroissesdes livres de liturgie et de caté-chèse. Deux fois par an, la mai-

son d’édition élabore desguides de sélection théma-tiques avec une description dechacun de ses produits.

Au total, cinq feuillets per-mettent de classer les paru-tions: «Formation à la vie chré-tienne et préparations au sacre-ment»; «Les temps forts de lavie»; «Priez en église - la litur-gie»; «Catéchèse des adultes,catéchuménat et formation descatéchètes»; et «Petite biblio-thèque paroissiale idéale».«Dans cette dernière sélection,on offre une série de livres qu’onjuge intéressants pour des ensei-gnements de base», expliqueMme Régnier. Les paroissespeuvent aussi avoir recours auser vice Allô Paroisses pourcommuniquer avec Novalis.

SondagePour Mme Régnier, il impor-

te d’être proche des besoinsdes gens. «Je me déplace, je vaisdans les paroisses, dans les dio-cèses. Je fais le topo de l’offre deservices, qui se traduit par deslivres et de la formation.» Sou-vent, un auteur l’accompagne.

Une fois par an, en mars,NSP organise aussi une se-maine de formation continue.En par tenariat avec des dio-cèses, cette semaine se donneà Montréal, Québec, Rimous-ki, Chicoutimi, Sherbrooke etNicolet. Les thèmes sont choi-sis avec les diocèses partici-pants. L’année dernière, elle arejoint 800 personnes. NSPdispense également des for-mations sur demande.

Enfin, des gens qui veulentse marier, mais qui n’habitentpas dans la même ville ou dontles horaires ne correspondentpas, ont la possibilité de faireleur cours de préparation aumariage par correspondance.

En janvier dernier, l’éditeur amené un vaste sondage auprèsdes responsables de paroisse,

des responsables de la musiquedans les églises, des mar-guillers et des paroissiens afind’améliorer Prions en église.«Les gens ne voulaient pas dechangement, sauf au niveau dela lisibilité. Par fois, dans lesÉglises, ce n’est pas très bienéclairé, les gens ont de la difficul-té à lire et ils sont nombreux àapprécier l’édition mensuelle duPrions en gros caractères», re-marque Mme Lauzon.

À la suite d’un second ques-tionnaire, 97 % des répondantsse sont prononcés pour une édi-tion dominicale de Prions enÉglise en gros caractères, non-obstant une légère hausse destarifs. Les premiers numérosen gros caractères vont être en-voyés à la mi-novembre dansles paroisses pour que lesprêtres aient le temps de prépa-rer leurs messes.

Le 15 janvier 2012, les parois-siens auront leur première édi-tion dominicale grand formatentre les mains.

L’édition dominicale dePrions en Église est distribuéedans 1950 paroisses et une cin-quantaine de maisons de retrai-te, de communautés religieuseset de couvents. Son tiragemoyen est de 233 000 exem-plaires. L’édition mensuelle en-voyée chez les particuliers estdiffusée à 91 500 exemplaires.

Le deuxième magazine des-tiné aux paroisses, Vie litur-gique, s’adresse aux gens quifont la préparation aux célé-brations. Il rejoint 3500 abon-nés et paraît tous les deuxmois. «On regarde aussi com-ment on peut l’améliorer. Onfait des études avec de petitsgroupes témoins» , déclareMme Lauzon. Les principauxactionnaires de Bayard PresseCanada sont les frères as-somptionnistes du Canada.

Collaboratrice du Devoir

À l’ère du numérique

Novalis se met au service des paroisses L’édition dominicale de Prions en Église a un tirage moyen de 233 000 exemplairesLa première visite d’une église se fait aujourd’hui par le web.«Les statistiques sont claires, indique Hélène Régnier, char-gée de projet de Novalis services aux paroisses (NSP). Il fautque nos églises soient dans Internet.»

SOURCE BAYARD

Nancy Lauzon

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