EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix....

26

Transcript of EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix....

Page 1: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre
Page 2: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

EDITORIAL de Bernard Berthier

Cette fois-ci, c'en est fait, nous allons bel et bien entrer dans le XXIe siècle. L'incertitude régnait encore : la date du premier janvier 2000 avait un sym-bolisme fort. Mais comme l'an 0 n'a pas eu lieu, le premier siècle de l'ère chrétienne, comptant par définition cent ans, s'est achevé fin décembre 100. Et ainsi de suite pour chaque siècle.

Et en plus nous changeons de millénaire.

Les enfants des écoles, animés par leurs institutrices, continuent à prendre part à notre action, soit par un petit objet de travail manuel distribué avec le cadeau, soit, pour les CE1 et CE2, sous l'impulsion de leur maîtresse Bernadette Degut, par une page de cette revue. J'espère que petits et grands apprécient de faire et d'accueillir ce signe de solidarité entre les générations, puisque les jeunes reçoivent en retour beaucoup des anciens. Entrons ensemble dans le nouveau millénaire pleins d'espoir et décidés à le rendre meilleur : quel que soit notre âge, nous pouvons et nous devons tendre vers la joie.

ERRATUM

L'an dernier, nous avons omis tout à fait involontairement dans la liste des défunts le nom de Marcel Villard.

Nous tenons à nous excuser auprès de ses proches et des lecteurs, en rappelant les dates (20/08/1926 - 2/04/1999) de celui qui fut si longtemps conseiller municipal et adjoint du maire de Coublanc.

Page 3: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

La vie est un choix

Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre ou offrir, Il faut choisir. Les généreux Sont plus heureux. Ouïr ou parler, Il faut choisir. À écouter On peut s’instruire. Rire ou gémir, Il faut choisir. Le mal se perd Quand on espère. Croire ou douter, Il faut choisir. Peut-on rester Dans l’indécis ?

Marie-Laure Chassignolle Printemps 2000.

Page 4: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

J e me s o u v ien s d e me s a ïe u x . . .

Le secrétariat de la Mairie de Coublanc a pris la très heureuse initiative de commencer une collection d'ûnages de Coublanc, à partir des réserves de photographies anciennes que les Coublandis possèdent. Bravo ! Que chacun y mette du sien, et 1a mémoire de notre commune s'enrichira.

Mais les images ne suffisent pas. Chers anciens, de plus en plus, vous acceptez de prendre la parole et parfois la plume. Nous sommes là pour vous écouter et vous enregistrer. J'avais suggéré l'an dernier que vous nous parliez de vos parents. Merci à Fernande Chavanon d'ouvrir cette rubrique de souvenirs intimes et familiaux, qui feront mieux comprendre aux générations nouvelles les épreuves du XXe siècle.

Destin d'une femme dans le 20éme siècle

Je me permets d’écrire ces quelques lignes en étant, je crois, la seule fille, femme et mère

de la commune de Coublanc ayant vécu et supporté trois guerres menées pendant le XXe siècle. 1

Je suis née à la fin juillet 1914, et fus baptisée une semaine après. On arrêta le carillon de mon baptême pour sonner le tocsin. La guerre venait de se déclarer. Ce fut un mauvais présage pour moi. Deux ou trois jours après, mon père Bénédict fut appelé pour partir à la caserne et de là sur le front, laissant à Coublanc sa jeune femme et un bébé de quelques jours.

Voyant que Maman restait seule avec moi dans notre maison du hameau de La Bourgogne, mes grands-parents maternels nous prirent avec eux à Belmont. Il ne restait qu’une vache, et c’est ma grand-mère paternelle qui l’emmena avec la sienne. Puis Maman, tristement, ferma la porte de notre maison, se demandant bien si elle allait y revenir un jour.

Elle retrouva vite du travail dans une usine, car il fallait remplacer les hommes que la guerre avait appelés. Les nouvelles arrivaient assez régulièrement, jusqu’au jour d’avril 1915 où elle en reçut une qui n’était pas comme les autres. C’était le médecin major qui lui annonçait que son mari venait d’être blessé à la tête par un éclat d’obus ; il était donc aveugle — Maman avait justement peur de cela.

Ce fut le 23 avril, jour de la Saint-Georges, qu’il fut blessé à l’Arteman Vieile Harkof, où

la bataille fut terrible et fit des centaines de morts. De nombreuses années plus tard, avec mon mari et une de mes filles, nous sommes allés voir ce cimetière. À l’orée d’un bois, des centaines de tombes blanches, bien alignées et toutes ornées d’une croix blanche et d’un bouquet de fleurs. Avec un silence qui vous serrait le cœur. 1 Toutes réflexions faites, ce fut aussi le sort de madame Cuisinier.

Page 5: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

On releva mon père de la tranchée avec un visage en sang : il était dans le coma. Lorsqu’il revint à lui, il s’aperçut qu’il ne voyait absolument rien ; il demanda alors à son médecin comment il allait pouvoir faire vivre sa femme et sa fille. Le médecin lui répondit que, s’il le souhaitait, on l’enverrait à Paris, à l’hôpital des Quinze-Vingts, et qu’on lui apprendrait là-bas le métier de rempailleur de chaises ou d’accordeur de pianos. Cela n’enchantait pas mon père, et il voulait d’abord avoir l’avis de Maman : il fallut que le médecin écrive à Coublanc, pour obtenir le consentement de ma mère.

Elle qui était née à la campagne, pas loin des genêts et des bruyères des hauteurs de Belmont, ne se voyait pas vivre à Paris. C’est pourquoi elle répondit par un refus, en disant à mon père qu’ils feraient tous les deux de la soie sur métier à bois, qu’elle surveillerait le travail de son mari, et qu’avec leur vache et leur jardin, ils pourraient vivre tous les trois.

C’est ainsi qu’après trois mois d’hôpital, mon père revint de la guerre avec canne blanche et lunettes. Il était heureux d’embrasser sa petite fille, mais il me faisait peur, et je ne me laissais pas approcher. Il lui restait à peine un quart de vision normale sur ses deux yeux, tout juste de quoi arriver à se déplacer durant le jour.

La guerre était finie pour nous et de nouveau la clef tourna dans la serrure de notre maison, pour y vivre modestement, et avec un chef de famille handicapé. Il laissa bientôt tomber le travail de la soie, Maman ne pouvait pas suivre. Petit à petit, avec elle, il se mit au travail de la terre, et avec moi quand je fus grande. Mon père était un grand lecteur dans sa jeunesse, mais ce fut moi, sa fille, qui, dès l’âge de huit ans, commençai à lui lire les journaux. À cause de ce goût pour la lecture, il souffrait beaucoup de son handicap.

S’il avait perdu sa vue pour son pays, il fut cependant récompensé. L’état lui donna la

croix de guerre, la médaille militaire, la croix de la Légion d’honneur (remise par le docteur Peguet, de Chauffailles, en 1922). Quelques années après, il fut nommé officier de la Légion d’honneur en reconnaissance de ses bons services : je l’accompagnai à Chalon pour la remise de cette distinction.

Mais, ô ironie du sort ! vingt-cinq ans après, ce fut moi, avec un petit bébé dans les bras, qui vis partir mon mari à la guerre le 4 septembre 1939. Et comme Maman l’avait fait, je retournai vivre chez mes parents qui ne voulaient pas me laisser seule ; je revenais à notre maison de l’Orme, où mes parents, quittant le hameau de La Bourgogne, s’étaient installés quelques années après la guerre.

Durant la « drôle de guerre », Maurice fut en cantonnement, en mars 1940, à Folschviller, d’où il envoya des photos. Comme ma mère, l’année suivante, je vis revenir mon mari ; mais j’ai eu plus de chance qu’elle, puisque Maurice rentrait sain et sauf.

Au moment où les Allemands raflaient son régiment, il réussit à s’échapper avec quelques camarades, échappant ainsi au sort des prisonniers de guerre. Il descendit de la Somme, marchant la nuit, se cachant la journée, car c’était la débâcle ; les soldats mélangés aux civils étaient bombardés par les avions ennemis. Un de ses camarades, avec qui il alternait sur un

Page 6: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

petit véhicule, fut tué à côté de lui. Un soir qu’il était trop fatigué, il dormit derrière le mur du cimetière de Senlis, au nord de Paris.

Puis il eut la chance, si on peut parler de chance dans le malheur, de voir des Sénégalais en camion qui roulaient vers le sud. Il leur fit signe, et ils l’embarquèrent avec eux, et c’est ainsi qu’ils roulèrent jusqu’à Saint-Yriex, dans la Creuse : là, ils étaient sauvés !

Maurice y resta quelques jours. Il y attrapa la gale, car il mangeait mal, du pain à moitié moisi ; et l’hygiène n’était pas non plus de rigueur. Il guérit enfin, et prit le train pour Roanne. À Roanne, il fit la rencontre du père Burdin, meunier à Tancon, lequel le ramena, avec son camion, jusqu’au pont des Rigolles. Il était enfin dans son pays. De nuit, il me réveilla en envoyant des graviers contre la fenêtre de ma chambre… Les jours suivants, il alla déclarer la perte de son livret militaire à la gendarmerie de Chauffailles ; c’était chose fréquente, à cette époque-là. Comme il avait vingt-neuf ans, la guerre était finie pour lui, et il reprit son travail de menuisier.

Mais moi, la guerre continuait à me poursuivre. Le bébé que je tenais dans les bras lorsque son père partit à la guerre en septembre 1939, quand il eut vingt ans — vingt ans, c’est bien jeune pour aller se faire tuer — dut lui aussi partir à la guerre. Roland la fit du côté de Constantine ; il revint sain et sauf de cette pénible épreuve.

Telle fut, en ce siècle qui va finir, l’épreuve d’une femme qui fut fille, épouse et mère de soldat. Tel fut mon destin. Chacun a le sien.

Fernande Chavanon-Millet (Cadolon)

Page 7: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

L'âne et le boeuf de la crèche Chanson À la Noël, dedans la crèche L'âne et le boeuf vont réchauffant Dessus l'or de la paille sèche Un si mignon petit enfant. On dit bien sûr que la parole Est inconnue des animaux; Mais les enfants et les bestioles, Ça se comprend à demi-mot : " Je te donne ma simple haleine, Dit l'âne gris au nourrisson. Si je possédais de la laine, Je te l'offrirais sans façons. Et moi, dit le boeuf, je te donne La tendresse de mes grands yeux, Même si ceux de la Madone Ont des sourcils moins broussailleux. " Voyez comme tous deux contemplent Jésus qui vient les déranger, Et l'auge se transforme en temple, L'auge où ils avaient leur manger. Premiers disciples ou apôtres Que Dieu pour son Fils a voulus, Ils laissent leur ration d'épeautre Et n'auraient point part au salut ? Jésus remue un peu la tête Comme pour leur dire merci. Si l'ange parfois fait la bête, Ces bêtes sont anges ici, Ici-bas, au fond de la crèche, À Bethléem, où le Très-Haut, Dessus l'or de la paille sèche, Se donne entre deux animaux. Bernard Berthier

Page 8: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Le vieux lavoir de Saint-Igny de Roche dessiné par Noëlle Ray (native de l'Orme) Les lavoirs de

Coublanc ont hélas tous disparu (cf. l'article ci-contre)

Albert Forest nous a quittés

C'était, entre autres nombreuses qualités, un des membres fondateurs et l'ancien président du Comité du Noël des Anciens, qui a précédé notre Association.

Il nous en a transmis la responsabilité il y a une quinzaine d'années, tout en continuant à s'intéresser à cette œuvre qui lui tenait à coûur.

Nous avons plaisir à penser à lui en continuant son action.

B.B.

Un souvenir de Noël

Nous étions tous réunis, mes parents, leurs trois enfants mariés, et leurs dix petits-enfants, pour célébrer cette belle fête de famille qu'est la Nativité. Repas assez simple, mais très joyeux. Au dessert, bien sûr, distribution des cadeaux à chacun, en commençant par les plus jeunes, pour terminer par les parents à qui nous avions réservé une belle surprise. C'était simplement pour tous les deux une jolie carte de Noël sur laquelle nous leur annoncions qu'à l'occasion de Noël et de leurs noces d'or toutes proches (en février suivant) nous leur offrions un pèlerinage à Rome.

Jamais plus petit cadeau n'a donné autant de bonheur et d'émotion. Ils ne pouvaient rien dire, n'osant pas encore croire à la réalisation de leur rêve, mais leurs larmes qui perlaient étaient notre plus profonde joie et leurs plus sincères remerciements.

Marie-Laure Chassignolle (Cadolon)

Page 9: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

La vie à Cadolon entre les deux guerres : Commerces et artisans d’autrefois.

Avant la guerre de 39-45, Cadolon ne ressemblait pas à ce qu’il est devenu aujourd’hui. Il y avait beaucoup plus d’habitants, avec beaucoup plus d’activités et de commerces.

Chaque jour, les ouvriers se rendaient soit à la Société Cotonnière de Cadolon (Forest-Deschamps) 2, soit à l’usine de parapluies Genin et Chaîne (Lachize) — aujourd’hui Popelin. Il y avait aussi un petit atelier de tissage de deux ou trois ouvriers. Plusieurs particuliers avaient deux ou trois métiers à domicile, pour le tissage de la soie.

D’une extrémité à l’autre de Cadolon, il y avait onze cafés et sept épiceries : autant dire, presque dans chaque maison ! Les cultivateurs des environs portaient leurs grains chez le meunier Buchet, au moulin, par le chemin à droite sur la route de Saint-Igny de Roche. Le moulin tournait grâce à l’eau d’un béal qui passait à mi-pente de Cadolon, vers l’actuelle boulangerie. Puis les paysans rapportaient la farine chez les deux boulangers du village ; l’un était Émile Ginet, près du carrefour (son four est aujourd’hui démoli), l’autre Claude Chassignol, fils d’André, fondateur de la « dynastie », père de Victor père d’André 3 père de Roger. À l’origine, et presque jusqu’à la fin du XIXe siècle, la boulangerie était située dans la maison un peu plus bas, du même côté de la route.

La population de Cadolon achetait de la viande chez les deux bouchers ; l’un était Jean-Louis Copier, qui occupait la maison qui est aujourd’hui celle de Fernande Chavanon ; l’autre s’appelait Noël Fouilland ; sa boutique était sise à droite de l’Hôtel au carrefour ; on voit encore l’inscription BOUCHERIE sur la façade ; Noël Fouilland avait un petit abattoir, car on n’allait pas tuer les bêtes à Charlieu ou à Roanne !

À ces commerces, il faut ajouter un marchand de vins en gros, Antonin Buchet ; un marchand de charbon, Félix Auclerc, en bas de la pente, à droite, tout près de la rivière Aron ; un mécano pour cycles ; c’était Verchère, mais on l’appelait « le mécano ». Une quincaillerie était tenue par la femme d’Antonin Buchet ; une cordonnerie, au carrefour de la Croix, par Marcel Gaillard ; une plomberie par Joseph Guerman, qui était d’origine suisse. Il y avait même un élevage de lapins angora, que madame Delaye (habitant la maison qui est celle aujourd’hui de Perrine Vaginay) avait constitué pour en vendre le poil blanc. Deux fois par an, on se mettait à les épiler ; on les tenait tant bien que mal, et on leur arrachait les poils par touffes ; il y en avait partout dans la pièce ; s’ils saignaient, on leur mettait du mercurochrome.

On venait des alentours faire ferrer les bêtes chez le maréchal-ferrant Perrin, qui travaillait près du carrefour, dans une maison où sa forge a aujourd’hui disparu.

Il y avait sur place, route d’Écoche, dans la maison aujourd’hui Collonge, un commerce de tissus tenu par deux vieilles filles : c’était la maison Labrosse. Plus tard, il y aurait une mercerie. Il y avait un coiffeur, M. Danière, et un taxi, celui de Jean la Patate ; il avait une voiture à courants d’air, mais qui roulait quand même ; comme la conduite du taxi ne l’occupait pas à plein temps, il vendait des patates ; d’où son nom. François Ginet reprendra plus tard sa place de chauffeur de taxi. Il y avait encore deux menuisiers : l’un était Jean-Louis Livet, en direction de Montrond, l’autre Joseph Chavanon, créateur de la dynastie des 2 Relire dans En ce temps-là n°5, Noël 1999, page 6, l’article des mêmes auteurs intitulé « Cadolon et l’usine Forest-Deschamps vers 1930 ». 3 Un des signataires de cet article.

Page 10: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

menuisiers Chavanon, le père de Maurice ; sa maison était en face de l’actuel atelier de menuiserie. Il avait appris le métier chez Sirot, grand-père de Roger Lathuillère. Il y avait encore un maçon, le père Muguet, qui habitait les hauteurs de La Croix ; et puis un cantonnier, M. Dauvergne.

Tous les jours, été comme hiver, Marie Grapeloup, dite « Marie des Pins », parce qu’elle était née au hameau des Pins, livrait avec une petite charrette le lait de la ferme du château. Elle avait de gros bidons de lait, et versait à la demande du lait avec une mesure. Elle passait le matin ; l’après-midi, elle faisait la tournée à Écoche.

Faute de machine à laver, chacun faisait sa lessive à la main, mais on pouvait faire appel aux deux laveuses de lessive. Elles travaillaient dans les lavoirs couverts près de la maison Auclerc, au passage de l’Aron. Ces lavoirs ont disparu, comme assez récemment celui des Foules, sur la route de Cadolon à La Favrie 4. Les lavandières qui travaillaient à leur compte, c’était la mère Denisot et la mère « Toinette ».

On passait les communications téléphoniques uniquement chez trois des commerçants du village : chez Antonin Buchet, chez François Ginet et à l’épicerie-café Joly.

On pouvait se distraire un jour par semaine au cinéma ; les séances avaient lieu chaque jeudi dans la cabine de Paulo (Hippolyte) Tissier, où un montreur de films ambulant, venant de Chauffailles, installait son matériel. Il y avait trois jeux de boules, l’un chez Moncorger (vers l’usine Forest-Deschamps), l’autre chez Félix Auclerc ; ses deux filles et son fils Joseph s’en occupaient ; le troisième était chez Nevers, au carrefour de La Croix, sur le chemin de Montrond. Chaque année, il y avait aussi, au début du printemps, une fête foraine : c’est que habitaient à Cadolon les demoiselles Belot, Henriette et Nini, et leur frère Charlot. Ils logeaient au carrefour de la route qui va vers La Favrie. L’hiver, ils travaillaient à l’usine. Le reste de l’année, ils étaient forains ambulants, et partaient avec leur camion, on ne sait où, pour animer les fêtes de villages. Ils commençaient par Cadolon, avec leur manège, leur vente de fleurs, leur tir à la carabine et leur jeu de massacre fait avec une pyramide de boîtes de conserve peintes.

En remontant plus haut dans le temps, il y avait enfin, avant la guerre de 1914-1918, une modiste, madame Jolivet, mère du futur maire de Coublanc, qui habita d’abord sur la route d’Écoche, puis dans la maison Jolivet. Son mari était cordonnier. Après la guerre, ils feront construire une cabine pour le tissage, pour se mettre à une activité alors en pleine expansion. À la même époque, un courrier, M. Desgouttes, faisait le trajet en voiture à cheval de Cadolon à la gare de Chauffailles 5.

À la même époque, c’est-à-dire avant 1914, il y avait à Cadolon, dans la maison à gauche dans le grand virage sur la route de l’Orme, un coiffeur dentiste. C’était le père Fonteret. Pour endormir les dents qu’il savait soigner uniquement en les arrachant, il faisait bassiner la bouche avec de l’eau de vie ! Ça ne devait pas être très efficace. Il remettait de l’eau de vie après extraction… Si une de ses filles, Joséphine, travaillait à l’usine, l’autre, Marie, devint tricoteuse à façon ; travaillant sur sa machine à tricoter, elles fabriquait pour sa clientèle chaussettes et tricots.

Au bas de la route de Belmont, à gauche, il y avait une bascule (hélas aujourd’hui disparue) dont l’usine Forest-Deschamps était propriétaire ; en cas de besoin, on allait chercher à l’usine un préposé à la bascule, ou la clé.

Il existait également sur la route de Belmont, à gauche, la carrière Chignier, qui employait quelques ouvriers et fournissait le granit rose de nos maisons.

4 Il figure encore sur la carte IGN Charlieu de 1984, tandis que les lavoirs Auclerc ont déjà disparu. 5 Est-ce le même que le courrier déjà évoqué par Ferdinand Barriquand dans l’article : « Histoire d’un hameau : La Place », page 4 dans En ce Temps-là n°4, Noël 1998 ?

Page 11: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

En ce temps-là, tous les habitants du village se connaissaient, et faute de télévision, ils organisaient des veillées très sympathiques.

C’était le bon temps. Par Juliette et André Chassignol

Page 12: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

LISTE DES ANCIENS

Vous êtes 93 Coublandis de 74 ans et plus. Onze d'entre vous, dont les noms sont écrits en italiques, habitent à la Maison des Anciens (MA). En italiques aussi le nom du hameau d'origine de ceux qui ne résident plus à Coublanc. Nous indiquons la ville ou le village où ils se trouvent, à notre connaissance.

Née en 1902, Clotilde LAVENIR, Bois Gauthey

Nées en 1906. Marie RoLLAND, Le Bourg

Perrine VAGINAY, Cadolon Chauffailles

Née en 1907, Benoite BomvAVENT, La Place MA

Né en 1908, Joannès PoRCxERON, La Bourgogne Belmont

Nés en 1909, Marie-J. BRISSAt1D Cadolon

Pierre JACOB, Montbernier Belmont

Louise PORCHERON, La Bourgogne Belmont

Nés en 1910, Ferdinand BARRtQuAND, Montreval

Germaine DESGOUTTES La Bourgogne Marie LACÔTE, La Place MA

Marie LA URIOT, Bois Gauthey MA

Nées en 1911, Marguerite BRISE, Carthelier MA

Marie DÉAL, L'Orme MA Anne JoLivET, Cadolon

Paule LACÔTE, La Frique Pouilly-sous-Charlieu

Nés en 1912, Madeleine DENIS, Charmaillerie MA

Jeanne DUPERROU, Le Paradis Chauffailles Raymond LACÔTE, Pont des Rigoles

Jérémie THIvnvD, L'Orme Belleroche

Nés en 1913, Robert FARGES, Le Plat

Marthe GARNIER, Montbernier

Joseph IRACANE, Le Bourg

Marie VILLAxv, La Place MA

Nés en 1914, Jeanne BATISTE, Croix du Lièvre

Roger BATISTE, Croix du Lièvre

Clotilde BuCHET, La Raterie Charlieu Fernande CHAvANON, La Croix Cadolon

Marguerite CUISINIER, La Croix Cadolon Belmont

Claudia LACÔTE, La Bourgogne

Yvonne LACÔTE, Pont des Rigoles

Nés en 1915, Marguerite AUCLAiR, Cadolon

Reine GAILLARD, Cadolon Chauffailles

Page 13: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

François VADON, Les Épaliers

Née en 1916, Jeanne MONIER, Le Bourg M<A

Nés en 1917, Marie-Rose DÉAL, L'Orme

Gilberte FAxGES, Le Plat

Marie MAILLER, Le Foron

Oreste PoNCET, Montbernier

Alice VADON, Les Épaliers

Nés en 1918, Suzette BA1mQUAND, Montreval

Aimé FoUR,1.AND, Les Épaliers

Philippe MAILLER, Le Foron

Joseph RoUCxoN, Cadolon

Nés en 1919, Marguerite AUCLAIR, Cadolon MA

Marie BERTHIEx, Le Foron Fernande FoUa,LAND, Les Épaliers

Germaine LA1viuRE, L'Orme Chauffailles

Maurice V u,LARD, La Place

Nés en 1920, Antonin AUCLAIx, La Place

Raymonde BOUCxACOURT, Le Perret

Victoire BUCxET, Les Bruyères

Andrée Do1v11N1QUE, Cadolon Roanne

Marie-Antoinette MICHEL, Cadolon

Nés en 1921, Maria AUCLAIR, La Place

Juliette BUCxET, Le Bourg Clotilde FoxEST, La Place

Eugène MARCHAND, Charmaillerie

Louise MICxAUD, Les Remparts MA Renée RoNDEL, Le Bourg

Yvonne Vu,LARD, La Place

Nés en 1922, Maurice BARxtQUAND Montbernier

Pierre BoucxExY Le Bourg

Jacques RorrnEL Le Bourg

Jeanne SAMBARDIER Montbernier

Nés en 1923, Jean BERTx1Ex La Faverie MA

Albert CAILLOT L'Orme Andrée CxERVrER Les Génillons

Thomas TARGAxoNA Le Bourg

Nés en 1924, Germaine BER`rI-IIER L'Orme André CHASSIGNOL Cadolon Juliette CHASSIGNOL Cadolon Claudien CHASSIGNOLLE Cadolon

Page 14: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Claude CHEVRETON La Place Marie-Rose CHEvRE`I'oN La Place Germaine COLLONGE Cadolon René DESGOUTTES Carthelier Julienne DESnIURS Le Perret Joseph GRISARD Cadolon Georges PsALTOPOULOS La Bourgogne Lucie RoucxoN Cadolon

Nés en 1925, Simone BOUCHERY Le Bourg Louise GRAILLOT Cadolon Marie LACÔTE Montbernier Henri SAMBARDIER La Croix du Lièvre

Nés en 1926, Joanny BERTHIER La Roche Marie-Laure CHASSIGNOLLE Cadolon Marie CHAVANON Charmaillerie Robert DESMURS Le Perret Madeleine DUPRÉ Cadolon Marc GUILLEMIER La Raterie Irène JANODET Charmaillerie Armande TRONCY La Roche

Le Comité du Noël des Anciens, qui a préparé le cadeau 2000, ainsi que cette revue, est une association- dont le conseil d'administration -est actuellement composé de Bernard Berthier (président), Danielle Berthier (trésorière), Anne-Marie Déal et Renée `Druère (vice-présidentes), Martine Berthier (chargée des relations avec la Maison des Anciens de Coublanc), Marie-Laure Chassignolle, Marie-France Vernay, Marcelle Perrin et Denise Déal. Nous ' comptons sur le soutien de toute autre bonne volonté et remercions ceux qui se ' _joignent à nous pour la préparation ou la distribution du colis de Noël.

Nos subventions viennent pour une part des anciens eux-mêmes, et de particuliers à l'occasion d'événements familiaux, mais pour l'essentiel du CCAS de : Coublanc.

Page 15: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre
Page 16: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Nos grands-parents sont super ! Textes écrits par les écoliers de la classe de CE1/CE2 Tristan : J'aime ma mamie parce qu'elle me tricote des pulls et elle m'achète un jouet. Marion: J'aime bien mon papi et ma mamie, ils sont gentils. J'aime bien aller chez eux parce qu'ils sont drôles. Marine: J'aime bien aller chez mon papi et ma mamie, ils sont gentils : - ma mamie m'apprend à tricoter - mon papi s'amuse avec moi. moi : vous m'offrez des cadeaux pour mon anniversaire.

Anai"s : Papi, mamie, :~ je vous adore parce que vous me donnez des bonbons. Je vous aime parce que vous me câlinez. Loïc : J'aime mes grands-parents car ils sont gentils et ils pensent à moi. Florian: J'aime bien ma mémé, je l'aide à enlever les carottes. J'aime bien mon pépé parce qu'il veut que je rentre les chèvres et que je les trais. Corentin : Mamie coud mes chaussettes quand je fais des trous dedans. Papi m'emmène avec lui dans les prés pour donner du foin à ses moutons. Jonathan: J'aime bien mes grandspères et mes grands-mères parce qu'ils me disent qu'ils pensent à moi. Armand: Pépé, mémé, je vous aime parce que vous êtes gentils. Mémé, tu me couds des pantalons. Pépé, il me fabrique des camions en jouets. Yoann : J'aime bien ma mamie parce qu'elle me donne des bonbons. Alexandre: J'aime bien aller chez mon papi parce que quelquefois je parle avec le parrain de Sébastien. Matthieu : Pépé et mémé, j'aime aller chez vous parce que vous jouez avec moi au " rummikub " et au " yam ". Rajaâ : Papi et mamie, je vous aime car vous me faites rigoler, vous racontez des tas d'histoires amusantes. Vous êtes gentils. Joyce : J'aime ma mamie parce qu'elle me donne des cadeaux et elle est gentille. Davy : Mamie, je t'aime parce que tu es gentille et tu ne grondes pas. Audrey: Papi et mamie, je vous aime parce que vous m'achetez beaucoup de jouets. Morgan : Papi, j'aime bien quand tu vas à la pêche parce que tu attrapes beaucoup de poissons et tu nous invites à manger ce que tu as pêché. Mamie, je t'aime beaucoup parce que tu cuisines bien. Tom : Papi et mamie, je vous aime très fort. Je vous adore car vous pensez à Alexandre: Mamie, je voudrais te connaître...

Bonne f ête de Noë l à tous les grands -paren ts

Page 17: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Les premières années du père Gras à Coublanc Par Ferdinand Barriquand

L’année 1926 a été l’année du départ à la retraite du père curé Rousset, qui avait passé une grande partie de sa vie à Coublanc. Il a été remplacé par le père Joseph Gras, qui venait d’une commune de six cent vingt et un habitants, Montbellet en Saône-&-Loire, à une douzaine de kilomètres au sud de Tournus. En arrivant à Coublanc, il se rapprochait de son pays natal, Sarry dans le Brionnais. Il avait avec lui son gros chien de chasse blanc et, pour s’occuper du ménage, sa tante, qu’à cause du chien on appelait la tatan Loulotte.

Dès son arrivée, le nouveau curé a réuni les garçons et a formé le cercle Saint-Michel. Les demoiselles Dejoux, s’occupant des chanteuses pour l’église, ont formé le cercle Jeanne d’Arc. La revue En ce Temps-là de Noël 1996 (n°2) présentait les photos de ces deux cercles en 1927. Comme il fallait des locaux assez grands, le curé fit démolir des petites bâtisses dans la cour du presbytère à droite, et fit construire une grande salle pour les séances de théâtre et pour les rangements. Ces locaux sont ceux qui abritent entre autres le cabinet du docteur Iracane aujourd’hui.

Le père Gras forma une clique. Elle possédait six tambours et vingt clairons. Pour la formation musicale des clairons, le Réveil chauffaillon nous a bien aidés. Pour les tambours, nous avions Marcel Lacôte, né à l’Orme en 1911, dans la maison achetée ensuite par Joseph Chavanon le menuisier, et qui est aujourd’hui un dépôt de bois pour l’entreprise. Comme Marcel Lacôte était fervent pour le tambour, il avait son professeur à Cadolon : c’était le grand-père Muguet, qui avait fait son régiment comme tambourin de la Garde Nationale sous Napoléon III.

Dès l’année qui suivit la formation de la clique, une retraite aux flambeaux eut lieu la veille du 14 juillet. Nous nous sommes tous réunis au Bois Gauthey devant la maison de Félix Vaginay, car Félix était à ce moment-là président du cercle Saint-Michel 6. À la tombée de la nuit, les flambeaux éclairés, nous sommes descendus jusqu’au Bourg, au pas cadencé, avec tambours et clairons. Les tambours jouaient sans cesse, mais les clairons ne le pouvaient pas ; ils jouaient au passage des hameaux, comme à La Place. Aux jours de fête, la clique était présente à l’église et jouait « Au champ »… et rien de plus !

On représenta des pièces de théâtre. Beaucoup de bons acteurs se formèrent, comme il y avait beaucoup de rôles à assumer. Et cela entraîna beaucoup de spectateurs.

Le père Gras désirait avoir une école libre, pour concurrencer l’école publique qu’il ne tenait guère en estime. Cela a été raconté entre autres par Claudien Berthier dans En ce temps-là de 1997 (n°3).

Le père curé ayant pris l’idée de faire construire une grotte imitée de Lourdes, il envoya le père Henri, missionnaire, chez M. Antoine Auclerc à Montreval. Il avait repéré un joli emplacement et lui demanda de faire don du terrain. L’affaire fut conclue, la grotte fut construite entièrement par les paroissiens 7, et en 1936 elle fut inaugurée.

Le père Gras, dans sa jeunesse, allait à la chasse et à la pêche. Son pays natal de Sarry en Brionnais était arrosé par l’Arconce, rivière très poissonneuse. Le père curé connaissait bien les bons coins vers Varennes l’Arconce et Saint-Didier en Brionnais. Alors, chaque année, le

6 Plus tard, Raymond Jolivet en fut le président. 7 En un seul hiver, par les hommes de Coublanc. Sa construction a été fort bien racontée par Albert Chavanon dans En ce Temps-là de 1999 (n°5), pages 13 et 14.

Page 18: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

lundi de la fête de Coublanc, Paul Buchet, marchand de vin à Cadolon (le père de Pierre et de Bernard), emmenait avec sa camionnette de livraison tous les invités du voyage : il y avait, avec le père Gras, Jean Chervier, Victor Monnery et moi, et parfois Albert Chavanon. Quand Paul Buchet est tombé malade, c’est moi qui ai pris la relève pour le transport, car Paul Collet, courrier de La Place à Chauffailles, me prêtait sa camionnette. On y mettait en plus des invités les pessiaux (longs bâtons) et les tramayers (filets) qui nous aidaient à dénicher ou à prendre le poisson, car nous utilisions tous les moyens. Parfois on prenait le poisson à la main dans les trous. Dans certaines tournes de la rivière, on se mettait à l’eau, Monnery et moi : le père Gras, connaissant la profondeur de la rivière, nous disait : « Vous pouvez y aller, vous avez pied ». Ce n’était pas toujours vrai, mais on s’en sortait !

Une fois, Albert Chavanon a pêché avec de la dynamite. Il avait fallu se jeter à l’eau pour rattraper au plus vite les gros poissons assommés par l’explosion avant qu’ils ne reprennent éventuellement leurs esprits ! L’explosion avait fait du bruit, mais il n’y avait pas grand monde aux alentours.

Le père Gras pêchait à la volante, c’est à dire en se déplaçant le long de la rivière. Il avait son mouchoir sur la nuque, tenu par son chapeau. Quand il prenait un poisson, on admirait sa manière de faire : il avait son panier de pêche dans le dos ; d’un coup d’épaule il le faisait passer devant, décrochait le poisson, le mettait dans le panier, et d’un autre coup d’épaule il faisait repasser le panier dans son dos, sans l’aide des mains.

À la tombée de la nuit, on disposait des lignes de fond, et on allait à la camionnette casser une petite croûte et jouer des parties de manille, pour donner aux poissons le temps de venir se faire prendre. Le père Gras faisait la sieste. Tard dans la nuit, on relevait les lignes, et l’on partait vers deux ou trois heures du matin, car il fallait que le curé soit à temps pour dire sa messe aux alentours de six heures du matin. On se réunissait à la maison Monnery, où se faisait le partage du butin.

Nous publierons dans un des prochains numéros les propos d’Albert Chavanon sur le même sujet à peu près, c’est-à-dire le père Gras et son influence sur les jeunes, et ces fameuses parties de pêche à la ligne..

Extrait des propos d'Albert Chavanon sur le même sujet (août 1999) Le père Gras était un homme très juste, avec beaucoup de qualités. Marie lui trouvait plutôt des défauts. Son Pierre n'apprenait pas bien le catéchisme, et le Père Gras ne voulait pas lui faire faire sa communion, malgré son âge et sa carrure supérieure à celle de ses copains. Marie, qui suivait attentivement le caté, vint plaider la cause de son fils, et le père Gras la traita de " mère indiane ". Difficile à avaler... Mais le père Gras savait mieux s'y prendre avec les garçons. Il avait trois passions faciles à faire partager, la pêche, la chasse et les jeux de cartes. Il était bon pédagogue en la matière, et, de temps en temps, jouait jusqu'à minuit moins cinq, pour pouvoir être prêt à dire sa messe dès le lendemain matin à sept heures. Avec le père Gras, on péchait au filet (tramayer), que j'allais placer de l'autre côté de la rivière (j'étais seul à savoir nager avec Ferdinand Barriquand). Parfois Victor Monnery, coiffé toujours de son béret basque, le suivait en tenant la corde, s'enfonçant jusqu'à disparaître dans les trous d'eau, le béret flottant lentement sur la rivière. Puis Monnery, bien qu'il ne sût point nager, réapparaissait toujours. Il suffisait de ne pas lâcher la corde. Le père Gras prenait autant de poissons à la ligne que les jeunes avec le filet. [...] On venait pêcher dans l'Arconce le lundi, parce que c'était marché à Marcigny, et que le garde-pêche

Page 19: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

était au marché, à boire de bons coups : il laissait les pirates tranquilles, maîtres de la rivière. On venait en voiture, avec Paul Buchet. Après la guerre, Louis Chervier avait un camion. On prenait des tanches, des carpes, des brèmes, des anguilles, des perches et des brochets. Une fois, on décida de pêcher à la cheddite. On lança une grenade dans l'eau. La rivière était blanche de poissons. J'y descendis avec Ferdinand, des musettes autour du cou, pour récupérer le butin...

Page 20: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Une page de la petite histoire

de Coublanc

Les clotses se sont couizieu 8

Par Claude Chevreton

Y’a à pou près eune soixantan-ne d’an-nées, à nauté zadzes nausez pas à quéque dzeux près, Coublanc étau dédza Coublanc, bien seur. Y’avau le Bor, La Place — les vieux dizint Lartrie : lâmou 9 à Lartrie — Cadolon, les R’goules — et Dieu sait si y’a de maumin la dieumintse soir y brausseillau u pont des R’goules !

U Bor, y’avau l’église… la mairie… et tautespèce… le Tcheuré, le marguailleu que sounaut les clotses. Et i sounaut, Bon Djui… la meusse tau lau matan… l’angélus eune duquatre coup p’dzeu… I sounaut lau glas, les morts, les naissances, les noces, les baptêmes, les communions, les enterrements, les mariadzes, les funérailles et tautespèces… et i sounaut… i ne débeussaut 10 quazu jamais.

Tau parin coup… crac ! y’a été fini. Les clotses se sont couizieu et i ne sounau pu rin… rin de rin, et absolument rin, sauf les heures. Le marguailleu avau batou 11 pris une petéte ateupe12… ali don sava ? et y’avau parsonne pé le rimplassieu.

Y’a deuré eune seman-ne… tchanze dzeux… batou trois seman-nes. La dieumintse d’après y’avau la meusse comme d’habitude et y’arrêvau de monde à grands

plans tseumans, din nâ, din bas, de partau et tau le monde allau à la meusse, à part lau taupétés et quéques vieux que ne pauyint pu arquer. Y’in navau man-ne quéquezins de Cadolon.

I fâ daire que lau Cadolonis, que s’incrayint incau bien, aimint meu aller à la meusse à Écotse, passeque à Écotse y’avau quéques grous mon-sieux que s’gouflint bien et i fazau pu ritse. À Coublanc, y’avau tautintas de petiots paysans (dzin nétau) que descindint dé lâmou d’in-nâ (de Lartrie et d’anco pu y’â) tot la seman-ne : avu leu grapine i piautsaunint leu poure gravelle pé aratsieu leu cht’it luzarna. Pindin c’tu tin les feunes fazin trassiauter leu métieu pé titre 13 un maussia de lustrine ou de crêpe georgette. Vau pinsi si i fazau ritse sintché. Mais i zalin à la meusse ; et à la quête à stuché que levau le bras le pu yâ pé faire tomber sa petiote pièce de deux sous din le plat pé qui fasse une grousse brauseillant.

8 Histoire strictement authentique à part quelques petits détails sans importance… Pour faciliter la lecture des jeunes, des étrangers et des illettrés, nous donnons en note la traduction de quelques mots. 9 Lâmou : là-haut. 10 Débessieu : s’arrêter. 11 Batou : peut-être. 12 Ateupe : malaise, attaque. 13 Titre : tisser.

Page 21: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Donc c’te dieumintse, noton tcheuré monte en chaire et a nau fait pra-yeu pé les vivants, pé les morts, pé tau les zâtres. A nau zannonce quéques bricolles. Après a se redreusse tau blanc. Attin mommin, quitikavé nau daire ? A ne parlau pas fort, mais pincoup a s’est bin aigayeu 14. A nauza dai : “ D’zé vu le Bon Dieu. A né pas contin du tau dipu qui ne soune plus. Si i deure, i ne deureura pas. A vé se mettre en colère et i vé feumer. Alé prêt à invauyeu tremblements de terre, pestes, raz de marée, volcans, inondations, cancers, sauterelles, vreutchâs, sécheresse, orages, scorpions, grêle, fer, feu, fonte et acier, et batou d’âtres affaires enco plus taribles.

La meusse finie, tau le monde est bien contin, l’église se vide, les hommes rimplissont lau bistrots, les feunes dzacassont su la place, les gamans coront p’le Bor. Parsonne n’a l’ar de sin faire. I fâ daire que c’tu père tcheuré étau dédza pas tau dzoune. Alors vau savi bin quand nau zarève à un adze, y’a de momins que nau par un pou… que nau zé plus… que nau raconte… enfin vau vayi bin ce que dzou daire et c’tu brave homme din le momin avau bin quazu soixante ans… euh… voué…enfin !

Su le coup de mide, le Bor comminsau à être bin calme, y’a eune dizan-ne de dzounes (dzin nétau) que se r’trouvont su la place, devant l’église. Y’in na-yan, qu’êtau batou un p’tchan torminté qu’a dé ézâtres : “ Vau zavi intindu le tcheuré ? Vau cra-yi que nau vont se laissieu bouffer p’les saterelles, se laissieu détrâder pé tautespèces ? Y fâ faire quéque tsouze. ” — “ Bin oui, mais quoi ? ” — “ Y’est quazu mide : no vont souner l’Angélus. I soune plus ?… on va bin voir si i soune plus, si y a parsonne capable de souner. On monte au clocher, tous, et on va voir ce qu’on va voir. D’accord ? ”

Avait-on le choix ? Il fallait bien conjurer le mauvais sort. Comme un seul homme, nau sont teu montés au clocher. Arrévés lâmou, on s’est regardé.

Sounera… sounera pas ? Quelqu’un a dit : “ I fâ attindre, mide vé souner, faut pas prendre de risque. ” Enfin, midi a souné, a répété. Puis un grand silence, parsonne n’ouzau piper le mot. Nau zérau entendu vouler le Saint-Esprit… Enfin une voix a dit — une voix venue d’où ? On ne l’a jamais su — : “ I faut y’aller. ”

Ah ! millârd… nau se sont teu pindu après c’tes cordes. Nau zérau dé eune beuran de moutses que sâton su eune bouse. Et y’a souné, pé souné y’a souné. Vau pinsi, eune dizan-ne de grands gaillards, habitués à travailleu, de vrais rats musclés ! In ce tin là, i zavin à pan-ne deux dzeux qui fâlau dédza bricoler pé afner 15 sa sope… Y’étau pas comme astoure, astoure les dzounes vont in classe, i fait de grands pessiaux 16 taut’éfflanqués et y’a l’ar coustau comme de grands dzarnons 17 de treufes.

14 Aigayeu : énervé. 15 Afner : gagner. 16 Pessiaux : échalas. 17 Dzarnon : germe (de patate).

Page 22: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Et y’a souné… Y’a bin rattrapé le retard et dze su prêt à parieu cent mille francs contre un sou que jamais de la vie, au grand jamais, et même après, i ne reusounera de c’te sorte : y’est impossible.

Claude Chavanon (La Place)

Page 23: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Un homicide à Coublanc il y a deux siècles

C’est pas seulement à Paris Que le crime fleurit. Nous, au village aussi on a De beaux assassinats (Brassens.)

« Aujourdhuy huit floréal an huit de la république française sur les six heure du matint, nous

Pierre Magnin juge de paix du canton de Choffailles de police judiciaire dudit canton, étant instruit par la murmure publique qu'il s'était commit un meurtre à Coublanc, village Monbernier […] »

Permettez-moi de prendre ici le relais de Pierre Magnin, et de vous relater, dans un

français plus contemporain, avec une orthographe moins fantaisiste et de façon plus concise, les événements qui l’amenèrent en ce début de matinée du 28 avril 1800 à se rendre à Montbernier chez Claude Chevreton, agriculteur de son état, et chez son épouse Magdeleine Monbernier.

Claude Chevreton ne se fit pas prier pour raconter les faits : le 24 avril, il avait demandé

l’aide de Claude Lapoute, de Claude Lachassagne — tous deux de Coublanc — et de Jean Sirot, tisserand à Écoche, pour planter une vigne à Tancon.

Au soir, vers 8 ou 9 heures, ils s’étaient retrouvés chez lui, fatigués et mouillés. Claude Lachassagne s’était assis auprès du feu et avait demandé quelque habit pour se changer. Magdeleine lui apporta une chemise et Claude Lapoute saisit Claude Lachassagne par les bras pour l’aider à se relever. Que se passa-t-il alors ? Claude Chevreton, hélas, était au même instant en train de se changer lui aussi. Il raconte avoir vu Claude Lachassagne à terre, se plaignant de son œil, se saisissant d’un pic et en menaçant Claude Lapoute. Les deux hommes allaient se battre mais Claude Chevreton s’interposa, secondé par son domestique Jean Ray. Claude Lapoute frappa-t-il Claude Lachassagne ? Claude Chevreton ne saurait le dire. Ce qui est sûr, c’est que Claude Lapoute était un peu pris de vin et que c’est en titubant qu’il quitta la maison. Claude Chevreton emmena Claude Lachassagne dans une chambre, l’aida à se changer et le coucha dans un lit, avant de lui apporter une soupe que ce dernier mangea. Vers les onze heures ou minuit, il passa s’assurer que celui-ci reposait tranquillement. Le lendemain, dès cinq heures, sans doute inquiet, il revint, mais n’obtint pas de réponse de Claude Lachassagne. Celui-ci était toujours muet quand Claude Chevreton essaya de l’interroger, aux alentours de dix ou onze heures. Des voisins alertés ne purent non plus lui arracher un mot.

Il mourut dans la nuit du 25 au 26 avril, et Claude Chevreton le fit transporter à l’église de Coublanc, après avoir donné avis du décès à Jean-Baptiste Binet, adjoint municipal et officier public de Coublanc.

Pierre Magnin, après avoir entendu ce récit, se rendit avec son greffier au cimetière, sis

alors près de l’église, et là, en présence de Claude Chevreton, de Jean Sirot, de Jean-Baptiste Binet et du citoyen Joly, officier de santé résidant à Châteauneuf, il fit ouvrir le cercueil qui était entreposé là pour procéder à une reconnaissance d’identité et à une autopsie. Le rapport signale l’hématome sur l’œil gauche, mais surtout la trace de nombreux coups au niveau du sternum, et la présence d’une importante poche de sang qui aurait entraîné une mort par suffocation. On déclara donc que le défunt était « mort de mort violente », que toute investigation supplémentaire était inutile, et le permis d’inhumer fut délivré sur le champ.

Page 24: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre

Nous venons de raconter une histoire véridique, d’après une photocopie d’un registre

d’état civil prêtée par Bertrand Lachat, qui la tenait de Mireille Joly, qui l’avait reçue d’un chercheur en généalogie. Comme nous n’avons pas les coordonnées de ce document, nous n’avons pas pu mener l’enquête plus loin, et nous ne savons pas ce qu’il est arrivé aux différents protagonistes. L’extrait du registre ne nous dit rien de plus là-dessus. Quel lecteur aurait quelque document ou récit à apporter à ce dossier ?

Geneviève Le Hir

Solution de la grille n°6 de 1999 Horizontalement : A. Rocheafaut (Roche a faut). B. Irrégulier. C. Bai. Erra. D. Agneaux. E. Meodn (démon en désordre). Urbi (et orbi !). F. Loteries. G. Élimineras. H. Lin. Na. Ana. I. Été. Titi. J. Esses. Usés. Verticalement : 1. Ribambelle. 2. Orage. Li.

3. Crinolines. 4. Hé. Édom. Te. 5. Églantines. 6. Au. ENA. 7. Flexure. Tu. 8. Air. Rirais. 9. Uer (rue). Béante. 10. Trahissais.

Page 25: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre
Page 26: EDITORIAL - Coublanc (71 · Boire ou conduire, Il faut choisir. La vie d’autrui Est à ce prix. Être ou paraître, Il faut choisir : Sincère ou traître, Qui fait plaisir ? Prendre