Edito - Morts de la Rue

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Edito

Cette année 2020 restera marquée par l’épidémie de SARS-COV2 qui a mené à des actions

inespérées (prolongement de la trêve hivernale) et des situations exceptionnelles (3/4 des appels

au 115 décrochés en semaine 19). Ces quelques constats pourraient être presque réconfortants

mais la réalité revient vite : suppression du secrétariat à l’exclusion sociale, situation alarmante

des mineurs isolés, un plan de relance de l’économie qui fait l’impasse sur les personnes les plus

pauvres.

Il est difficile de croire que cette situation n’a été qu’une « pause épidémique » et que les

personnes les plus précaires vont de nouveau être confrontées aux réalités d’un pays comme la

France, qui, aujourd’hui encore, laisse des personnes mourir de la rue, après avoir perdu un

logement, subi une rupture, un traumatisme, avoir été placées durant l’enfance ou encore être

seulement isolées… Quelques maigres espoirs demeurent comme cette décision de la maire

strasbourgeoise décidant d’abroger l’arrêté anti-mendicité à sa prise de fonction.

Le rapport Dénombrer & Décrire publié cette année ne porte que sur l’année 2019 et n’abordera

donc pas les conséquences de cette épidémie. Pour autant, il dresse, comme chaque année, le

triste constat que des personnes ayant été confrontées à une situation de grande vulnérabilité, la

vie sans chez soi, en meurent : 659 décès recensés de personnes ayant connu une période sans

logement personnel en 2019, à un âge particulièrement jeune, 50 ans en moyenne. Parmi les

personnes pour lesquelles il a pu être recueilli le temps passé à la rue, près de 90% avaient connu

un parcours d’au moins un an d’errance, mettant en lumière les limites des dispositifs actuels

d’hébergement et de logements accompagnés. Avec l’engorgement de ces dispositifs, les

personnes sont exposées à la violence de la vie à la rue. Dans près d’un cas sur cinq, leurs décès

sont consécutifs à des causes violentes (agression, suicide, noyade, accident).

Ces 659 décès représentent autant d’histoires personnelles, de souffrances, d’espoirs auxquels

ont été confrontés les acteurs de l’accueil, l’hébergement et l’insertion. A travers ces personnes

décédées, ce sont aussi des travailleurs sociaux qui sont venus vers elles, qui les ont orientées,

accompagnées, qui sont touchés. A lire plus en détail dans la partie 1.

Ce triste constat demeure limité par les données partielles que le Collectif les Morts de la Rue

(CMDR) arrive à recueillir chaque année. En effet, si depuis sa création en 2002, il recense

systématiquement les décès des personnes sans domicile en France, ce travail n’est pas

exhaustif. L’appui, depuis 2012, de la Direction Générale de la Cohésion Sociale, qui a conscience

de la richesse des actions menées par le Collectif, a permis de structurer ce dispositif. Cependant,

des efforts importants sont encore à fournir afin de consolider les partenariats existants, en

développer d’autres, améliorer les données recueillies. L’évaluation du système a ainsi été

réalisée et ses résultats sont décrits dans la partie 2.

Chaque année, des décès survenus dans les Départements, Régions et Collectivités d’Outremer

sont signalés au Collectif. Cependant, faute d’un réseau plus développé, ces signalements

demeurent très variables d’une année à l’autre. Le CMDR a initié une enquête afin de dresser un

état des lieux de la situation des personnes sans chez soi dans ces territoires. La partie 3 du

rapport présente donc le contexte de ce travail, en phase de réalisation actuellement et dont les

résultats seront présentés dans le prochain rapport.

Il est bon de rappeler, également, que si par certains aspects, méthodes et moyens mis en œuvre,

le dispositif actuel peut être assimilé à un système de surveillance de la mortalité des personnes

sans domicile, le CMDR n’en est pas pour autant une unité de recherche. Ses objectifs sont

multiples et ce recueil de données est au service non seulement de l’objectif de recherche, de

réflexion et de dénonciation autour des décès prématurés, mais aussi de ses autres activités, que

sont les funérailles dignes et l’accompagnement des proches dans le deuil. Depuis 8 ans, salariés

et bénévoles travaillent donc sans relâche au CMDR dans l’objectif de recenser, malgré les

difficultés que cela pose, les décès de personnes sans chez soi survenus en France. Ce travail

vise à décrire leurs caractéristiques, les facteurs associés et permettre, à terme, de formuler des

recommandations générales afin d’améliorer la prise en charge de ces personnes ou à minima de

définir des mesures spécifiques pour les plus vulnérables.

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Recommandations

Le CMDR réitère les recommandations formulées les années précédentes, à savoir :

1. Renouveler la connaissance sur la population des personnes "SDF" en France :

La dernière étude de l’INSEE sur les personnes "SDF" en France a été réalisée en 2012. Les « Nuits de la Solidarité » initiées dans plusieurs agglomérations renforcent les connaissances de cette population vulnérable. Toutefois, chacune de ces initiatives, aussi riche soit-elle, présente des objectifs différents, tantôt quantitatif, tantôt qualitatif, limitant leur analyse globale. Un nouveau recensement est fortement souhaité afin d’avoir une compréhension globale de la situation des personnes sans chez soi.

Une nouvelle étude portant sur l’appariement des données entre l’INSERM-CépiDC et le CMDR permettrait d’améliorer la connaissance des causes de décès des personnes sans chez soi.

2. Assurer et renforcer la continuité de l’accompagnement médico-social

La discontinuité de l’accompagnement (hébergement hivernal, prise en charge nuit par nuit) fragilise les personnes sans chez soi ayant déjà vécu nombres de ruptures. Elle contribue à leur épuisement, renforce leur désinsertion, favorise les refus. Pourtant le principe de la continuité de l’hébergement est inscrit dans le Code de l’Action Sociale et des Familles. Faciliter le suivi social d’une structure à une autre, limiter les changements dans l’hébergement doivent être une priorité.

L’adhésion dans la démarche de soins, l’orientation et la prise en charge médicale constituent des piliers dans la lutte contre la dégradation de l’état de santé des personnes sans chez soi. Après avoir gagné la confiance de ces personnes, il est important qu’elles puissent avoir accès aux différents dispositifs existants.

Il est donc souhaitable de renforcer l’accès et la prise en charge sanitaire dans les dispositifs de l’Accueil Hébergement Insertion comme dans les dispositifs de droit commun afin de limiter retards au diagnostic et ruptures dans les parcours de soins. Un renforcement spécifique portant sur les équipes mobiles psychiatrie et précarité, les équipes mobiles de soins palliatifs, et les CAARUD (Centre d’Accueils et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour les Usagers de Drogues) est vivement recommandé.

3. Améliorer l’accès aux dispositifs de droit commun

Faciliter la domiciliation administrative, ouvrir les droits à la santé (PUMA, AME), ne pas séparer les familles, appliquer les droits de l’enfant et des femmes, les droits internationaux, lutter contre les marchands de sommeil, rendre effectif le DAHO, le DALO.

4. Renforcer le programme Un logement d’abord, pour tous :

Les premiers résultats du dispositif « Un logement pour tous » sont prometteurs. L'importance du temps passé à la rue a très probablement un impact sur la santé physique et mentale des personnes sans chez soi. Leur réinsertion en devient d’autant plus difficile plus le temps passé à la rue augmente. Il est donc primordial d’ouvrir ce programme au plus grand nombre tout en développant une offre de logements adéquats sans que cela nuise aux dispositifs existants (logements accompagnés, Intermédiation locative).

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5. Prendre en compte les besoins spécifiques des femmes sans chez soi

- Renforcer les mises à l’abri prioritaires et inconditionnelles

Les femmes se retrouvent plus fréquemment à la rue que les hommes suites à des conflits familiaux, des violences conjugales, des mariages forcés. Il est important de faciliter les dépôts de plainte dans les services de police et mettre en œuvre l’ordonnance de protection.

Il faut améliorer la prise en compte de ces violences dans l’accompagnement et dans les dispositifs d’hébergement proposés.

La quasi-totalité des familles monoparentales est constituée par des femmes. L’accès au droit doit leur être facilité. La CAF doit, conformément aux dispositions déjà prévues, activement soutenir les familles dont les pères refusent de payer l’intégralité ou une partie de la pension alimentaire.

Des femmes peuvent être hébergées par de la famille ou des tiers en échange de travaux domestiques plus ou moins contraints (ménage, garde d’enfants) ou de mise en prostitution. Les moyens des associations qui accompagnent ces femmes doivent être soutenus afin de permettre aux femmes de trouver indépendance et autonomie.

- Améliorer les solutions d’accueils en non-mixité

Proposer des structures adaptées aux femmes : accueils de jour, ESI (espace solidarité insertion), centres d’hébergement avec la possibilité pour celles qui le souhaitent de pouvoir bénéficier d’une prise en charge en non-mixité. De nombreuses femmes ayant été victimes d’agressions et/ou de viols de la part d’hommes, il est important qu’elles puissent se reconstruire dans un endroit à l’abri.

- Faciliter l’accès aux services d'hygiène et soins de base

Pour les femmes qui vivent à la rue, faciliter l’accès à des services de première nécessité tels que : bains douches (avec des créneaux en non-mixité), suivi médical et gynécologique incluant possibilité d’une contraception et accès à l’IVG, accès à des sous-vêtements et des produits d’hygiène dont des protections périodiques.

- Améliorer la prise en charge des addictions et des troubles mentaux

L’ensemble des propositions ci-dessus vise à permettre aux femmes de se poser et à leur redonner de la confiance, confiance en elles et confiance en les institutions ; les questions d’addictions et de troubles mentaux pourront alors plus facilement être abordées.

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Equipe en charge du projet

au Collectif les Morts de la Rue

Comité de pilotage

Géraldine Franck, présidente du Collectif ;

Cécile Rocca, coordinatrice du Collectif ;

Marie- Christine Tardieu, bénévole ;

Raphaël Petit, coordinateur de l’équipe D&D ;

Julien Ambard, épidémiologiste

Comité consultatif

Maya Allan ;

Julien Ambard ;

Constance Baud ;

Régine Benveniste ;

Florentine Deraime ;

Chrystel Estela ;

Géraldine Franck ;

Lise Grout ;

Emmanuel Hirsch ;

Lucia Katz ;

Louise Lespagnol ;

Raphaël Petit ;

Cécile Rocca ;

Ramez Sabah ;

Roger Salamon ;

Marie-Christine Tardie

L’équipe Dénombrer & Décrire

Nina Bastid Neuveu,

Mila Blum,

Wafa Bouchouata,

Mélanie Calvet,

Anne Marie Capus,

Baba Cissé,

Johanna De Lattre,

Martine Devin,

Maïmouna Dosso,

Valentin Francy,

Alexandre Fumard,

Naïma Ghouilem,

Véronique Guipponi,

Ariane Hochet,

Bruno Jamet,

Yelda Kilic,

Farida Kheloufi,

Sylvie Leclère,

Louise Lespagnol,

Martine Lime,

José Sanchez,

Odile Maumy,

Barbara Maunaye,

Hélène Mead,

Marie-Noël Mérat-Combes

Dorian Niel Ollier,

Jean-François Nurit,

Raphaël Petit,

Lorraine Poncet,

Solène Raclot,

Marie Jeanne Richer,

José Sanchez

Sylvie Seel,

Pierre Seuzaret,

Marie-Christine Tardieu,

Jean-Gabriel Vaught,

Financement du projet

Ce projet a été financé pour une grande part par la Direction Générale de la Cohésion Sociale, le Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Le complément vient de la participation d’associations adhérentes et de dons de particuliers.

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Remerciements

Nous remercions d’abord toutes les personnes qui nous soutiennent dans notre travail et qui nous signalent les décès dont elles ont connaissance. Nous espérons que vous avez trouvé le soutien nécessaire à travers nos échanges au moment du décès, et que vous trouverez un nouvel intérêt à notre travail en lisant ce rapport.

Nous remercions vivement toutes les personnes qui ont accepté de répondre à nos questions lors de la deuxième phase de ce travail. Il n’est pas toujours facile de reparler d’une personne qu’on a bien connue, décédée quelques mois plus tôt, et une partie de ces données sont sensibles. Nous espérons que vous serez satisfaits du travail qui a été réalisé à partir des informations que vous avez pu nous transmettre et que ce rapport permettra à sa manière de garder mémoire de tous ces hommes et ces femmes.

Merci à la Direction Générale de la Cohésion Sociale d’avoir renouvelé sa confiance au Collectif Les Morts de la Rue en maintenant sa subvention.

Nous remercions également les institutions et les associations qui se sont fortement impliquées dans cette étude en signalant systématiquement les décès et en nous transmettant de nombreuses données. Merci d’avoir porté cette étude dans vos organismes respectifs et de nous donner accès à ces informations précieuses.

Enfin, un grand merci à toute l’équipe du Collectif Les Morts de la Rue, salariés, auto-entrepreneurs et bénévoles, qui a participé au projet « Dénombrer et Décrire ». Ce travail n’aurait pu se faire sans son investissement, son enthousiasme et sa rigueur.

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Table des matières

PRESENTATION DU COLLECTIF LES MORTS DE LA RUE .................................................................................................... 9

PARTIE 1 - LA MORTALITE DES PERSONNES SANS CHEZ SOI ......................................................................................... 11

RESUME .............................................................................................................................................................................. 12 Liste des abréviations ....................................................................................................................................................... 13

Liste des Figures .............................................................................................................................................................. 14

Liste des Tableaux ........................................................................................................................................................... 14

INTRODUCTION .................................................................................................................................................................. 15 METHODES ......................................................................................................................................................................... 18

Surveillance de la mortalité............................................................................................................................................... 18 Données recueillies .......................................................................................................................................................... 19 Analyse des données ....................................................................................................................................................... 19 Considérations éthiques et réglementaires ....................................................................................................................... 20

RESULTATS ........................................................................................................................................................................ 22 Particularités de 2019 ....................................................................................................................................................... 22 Un nombre toujours trop important ................................................................................................................................... 22 Les personnes sans chez soi décédées en 2019.............................................................................................................. 23

Des décès masculins, jeunes, concentrés en Ile de France et survenus sur la voie publique .................................................................... 23

Des décès violents qui semblent plus fréquents ........................................................................................................................................... 29 Des états de santé très mal précisés. ........................................................................................................................................................... 30 Un suivi social porté par les associations ..................................................................................................................................................... 30 Un environnement familial et des liens méconnus ........................................................................................................................................ 32 Une errance probablement supérieure à un an ............................................................................................................................................ 32

Rue et hébergement ......................................................................................................................................................... 32 Les femmes sans chez soi ............................................................................................................................................... 33 Les anciens sans chez soi ................................................................................................................................................ 35

DISCUSSION ....................................................................................................................................................................... 36 Les décès des personnes sans chez soi et leurs causes .................................................................................................. 36 Des décès qui touchent certaines personnes sans chez soi ? .......................................................................................... 36 Limites.............................................................................................................................................................................. 37 Recommandations ........................................................................................................................................................... 38 Conclusion ....................................................................................................................................................................... 38

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................................. 40 ANNEXES ............................................................................................................................................................................ 42

Annexe 1 – Questionnaire de recueil de données............................................................................................................. 42 Annexe 2 – Tableaux de données recueillies par le CMDR .............................................................................................. 48

Données relatives à l’état de santé ............................................................................................................................................................... 49 Données relatives au suivi administratif ........................................................................................................................................................ 51 Données relatives à l’enfance et à la famille ................................................................................................................................................. 53 Données relatives aux ruptures et aux événements ayant conduit à la rue ................................................................................................. 55 Données relatives au parcours résidentiel .................................................................................................................................................... 56

PARTIE 2 - ÉVALUATION DE LA SURVEILLANCE REALISEE PAR LE CMDR .................................................................... 57

RESUME .............................................................................................................................................................................. 58 Liste des abréviations ....................................................................................................................................................... 59

Liste des figures ............................................................................................................................................................... 60

Liste des tableaux ............................................................................................................................................................ 60

INTRODUCTION .................................................................................................................................................................. 62 METHODES ......................................................................................................................................................................... 66

Critères d’évaluation ......................................................................................................................................................... 66 Acteurs de l’évaluation ..................................................................................................................................................... 66

RESULTATS ........................................................................................................................................................................ 67 Objectifs de la surveillance de la mortalité par le CMDR ................................................................................................... 67 Utilité du système ............................................................................................................................................................. 67 Fonctionnement du système ............................................................................................................................................. 68

Définition de cas, population cible et période d’observation ..................................................................................................... 68 Organisation du système ........................................................................................................................................................ 69 Sources d’information et type de surveillance .......................................................................................................................... 71 Procédures réglementaires ..................................................................................................................................................... 72

Qualités intrinsèques du système ..................................................................................................................................... 72 Simplicité ....................................................................................................................................................................................................... 72 Flexibilité ........................................................................................................................................................................................................ 74 Réactivité ....................................................................................................................................................................................................... 74 Qualité des données ...................................................................................................................................................................................... 75 Acceptabilité .................................................................................................................................................................................................. 81 Exhaustivité ................................................................................................................................................................................................... 81 Représentativité ............................................................................................................................................................................................. 83

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DISCUSSION ....................................................................................................................................................................... 89 Limitations ........................................................................................................................................................................ 90 Recommandations ........................................................................................................................................................... 90

Mener une réflexion sur les objectifs de la surveillance ............................................................................................................................... 90 Développer et consolider le réseau de surveillance ..................................................................................................................................... 90

Améliorer les procédures de traitement de l’information .............................................................................................................................. 91 Développer les collaborations avec des structures de recherche ................................................................................................................ 91

Conclusion ....................................................................................................................................................................... 91 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................................. 92 Annexes............................................................................................................................................................................... 93

Annexe 1 – Sources de signalement des décès ............................................................................................................... 93 Réseau associatif .......................................................................................................................................................................................... 93 Sources institutionnelles ................................................................................................................................................................................ 93

Réseaux sociaux ........................................................................................................................................................................................... 93 Des particuliers .............................................................................................................................................................................................. 93

Annexe 2 – Fiche de signalement des décès .................................................................................................................... 94 Annexe 3 – Veille médiatique ........................................................................................................................................... 95 Annexe 4 – Données recueillies par la surveillance du CMDR .......................................................................................... 96

Les données démographiques : .................................................................................................................................................................... 96 Les données sur le décès ............................................................................................................................................................................. 96 Le contexte administratif, social et familial .................................................................................................................................................... 96 Le logement ................................................................................................................................................................................................... 97 Les données médicales ................................................................................................................................................................................. 97 Les contacts ................................................................................................................................................................................................... 97 Les données concernant l’inhumation ........................................................................................................................................................... 97 Une partie de commentaires libres................................................................................................................................................................ 97

Annexe 5 – Typologie de l’exclusion du logement proposé par la FEANTSA .................................................................... 98 Annexe 6 – Données relatives aux sources de signalement du CMDR ............................................................................. 99 Annexe 7 – Associations et Collectifs d’accompagnement des morts de la rue............................................................... 100 Annexe 8 – Associations adhérentes au CMDR ............................................................................................................. 101

PARTIE 3 - LA SITUATION DES PERSONNES SANS CHEZ SOI DANS LES DROM ET COM............................................ 103

INTRODUCTION ................................................................................................................................................................ 104 Un constat ...................................................................................................................................................................... 104 L’enjeu des définitions .................................................................................................................................................... 104 L’habitat informel et l’habitat traditionnel ......................................................................................................................... 105 Le dénombrement des personnes sans abri ................................................................................................................... 106

OBJECTIF .......................................................................................................................................................................... 107 METHODES ....................................................................................................................................................................... 107 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................................... 109

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Présentation du Collectif les Morts de la Rue

Le Collectif Les Morts de la Rue (CMDR) est une association créée en 2002 qui regroupe une cinquantaine d’acteurs associatifs tous en lien permanent avec les personnes en situation de précarité.

Il se donne pour mission de faire savoir que vivre à la rue mène à une mort prématurée, de dénoncer les causes souvent violentes de ces morts, de veiller à la dignité des funérailles et enfin de soutenir et d’accompagner les proches et les professionnel.les en deuil.

Le Collectif Les Morts de la Rue se compose d’une équipe permanente qui comprend 2 salariées à temps plein, 2 travailleurs indépendants et d’environ 150 bénévoles engagés sur les différentes actions.

• L’hommage public aux Morts de la Rue est réalisé chaque année depuis 2002. En 2020, cet hommage a été réalisé exceptionnellement de manière virtuelle, au regard du contexte sanitaire1.

• L’accompagnement des morts isolés en convention avec la Ville de Paris : L’Institut Médico-légal et les Services Funéraires de la Ville de Paris informent l’équipe PED (Proches En Deuil) des corps que nul n’a réclamés. Des bénévoles accompagnent alors les défunts au cimetière Parisien de Thiais et leur rendent un hommage individuel grâce aux informations recueillies par PED. Une trace écrite est conservée au CMDR afin de pouvoir rendre compte aux familles (qui apprennent parfois le décès avec retard) de ce qui s’est passé, du texte qui a été lu, de la fleur qui a été déposée. (Plusieurs centaines de défunts sont accompagnés chaque année, par une soixantaine de bénévoles)

• L’accompagnement des Proches en Deuil (PED) : Depuis ses débuts, le CMDR est en lien avec des proches de personnes décédées à la rue : familles, amis, associations, … Ces personnes contactent Le Collectif Les Morts de la Rue pour signaler un décès, obtenir des renseignements à propos d’un proche mort à la rue ou parce qu’elles sont inquiètes pour une personne disparue. Elles sont accueillies par téléphone ou dans les locaux du CMDR et sont soutenues par les équipes de PED pour faire face à cet événement tragique. Depuis 2010, un accueil en groupe des proches en deuil a été mis en place afin de libérer la parole, témoigner, se réconforter les uns les autres.

• La formation et l’appui aux acteurs confrontés aux décès :

o Des débriefings avec des personnes hébergées, des bénévoles ou des travailleurs sociaux confrontés à un décès

o Des formations « Boîte à Outils ». Ces interventions sont organisées afin de mettre à disposition des professionnels des outils leur permettant de mieux faire face aux situations de décès (support administratif et juridique, éclairages sur le droit des personnes, rôle de la personne de confiance ou comment mettre en place et gérer un testament).

o Des formations sur-mesure pour des structures confrontées aux décès et souhaitant sensibiliser l’ensemble de leurs professionnels.

• Faire vivre la mémoire des morts de la rue : des binômes de jeunes volontaires se succèdent tous les 6 mois au sein du Collectif Les Morts de la Rue. Ils travaillent spécifiquement sur la mission « Mémoire des morts de la rue ». Celle-ci consiste via des enquêtes de terrain, à Paris, à recueillir des témoignages et des anecdotes sur la vie des femmes et des hommes dont le Collectif apprend le décès. Par le biais du blog Mémoire des Morts de la Rue2, les différents binômes retracent des parcours de vie et tentent surtout d’apporter un regard neuf sur qui étaient ces personnes. Les volontaires en service civique apportent également une aide dans la réalisation de l’étude Dénombrer & Décrire.

1 https://www.youtube.com/channel/UCifeVqqNdan7ILSR6G54Rhw/videos 2 https://memoiredesmortsdelarue.wordpress.com/

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• Le CMDR mène également des actions de communication, de mobilisation et d’interpellation (campagnes de presse, site internet et réseaux sociaux, interpellation des élus par des courriers les informant des décès sur leur territoire). Le CMDR est également membre du Collectif des Associations Unies (CAU) pour une nouvelle politique du logement, et participe activement à ses actions de communication.

• Enfin, chaque année est organisé le « Forum des Associations de France » qui permet la rencontre des associations et collectifs engagés dans l’accompagnement des Morts isolés et/ou des Morts de la rue. Chaque association est indépendante et possède une histoire et des objectifs qui lui sont propres. Ces différences font la richesse de ces rencontres qui se poursuivent de manière plus informelle tout au long de l’année.

• L’étude Dénombrer & Décrire (D&D) à laquelle se consacrent les 2 travailleurs indépendants et une équipe bénévole. Bien que le CMDR ne soit pas une unité de recherche, l’équipe D&D recense les décès de personnes sans domicile sur l’ensemble du territoire français et mène des enquêtes afin de retracer leur parcours. Ce travail se conclut chaque année par la publication du rapport Dénombrer & Décrire qui décrit la mortalité des personnes sans chez soi en France.

Equipe de travail dans les locaux du Collectif

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Partie 1

LA MORTALITE DES

PERSONNES SANS CHEZ SOI

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Résumé partie 1

Contexte – De nombreuses études, à l’étranger, mettent en évidence l’effet du sans abrisme sur l’état de santé des personnes vivant à la rue et plus encore sur leur risque élevé de mortalité. Depuis 2002, le CMDR recense ainsi les décès survenus en France. Ce travail s’est reposé sur les données recueillies en 2019. Il avait pour objectifs de décrire les caractéristiques des personnes sans chez soi décédées en 2019 et de les mettre en perspective avec les données recueillies entre 2012 et 2018 ainsi qu’avec les données relatives aux décès survenus en population générale.

Méthodes – Les décès des personnes sans chez soi ont été recensés par le système de surveillance développé par le CMDR. Celui-ci repose sur plusieurs sources : des associations du secteur médico-social et sociale, des collectifs régionaux, des partenaires institutionnels mais également des particuliers et une veille médiatique. Des analyses descriptives et comparatives simples ont été réalisées.

Résultats – Au moins 659 personnes ayant connu une période sans domicile personnel sont décédées en 2019. Parmi elles, 563 étaient sans chez soi au cours de leurs trois derniers mois de vie. Les décès recensés concernaient des personnes principalement masculines (89%). Elles étaient âgées en moyenne de 50 ans contre 79 ans en population générale. Si dans 67% des cas, la cause du décès est restée méconnue, pour 21%, le décès était dû à une cause violente. Ce constat était majoré pour les personnes qui étaient à la rue (par rapport à celles hébergées). Dans près de 40% des cas, les décès recensés sont survenus en Ile de France. Parmi les personnes pour lesquelles un suivi social a pu été rapporté, celui-ci était assuré dans un tiers des cas par les acteurs associatifs. Lorsque l’information a pu être renseignée (35% des cas seulement), la majorité des personnes avaient passé plus d’un an à la rue, parmi eux 33% y avaient passé plus de 10 ans. Par rapport aux années précédentes, il est constaté une hausse des décès parmi les personnes de plus de 65 ans ainsi que le lieu de ce dernier, plus fréquent à la rue ou dans l’espace publique plutôt qu’en établissement de soins. La faible représentation des décès féminins dans les cas recensés questionne avec 9% du total des décès recensés.

Conclusion – En 2019, les personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR avaient 50 ans en moyenne au décès contre 79 ans en population générale. Si les données de la surveillance demeurent perfectibles, cette différence marquée met en évidence la grande vulnérabilité des personnes confrontées à la vie sans chez soi. 659 personnes qui ont connu, à une période de leur vie, une absence de logement sont ainsi décédées en 2019. Vivre à la rue tue.

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Liste des abréviations

AAH Allocation Adulte Handicapé

AHI Dispositif Accueil Hébergement Insertion

AME Aide Médicale d’Etat

CCAS Centre Communal d’Action Sociale

CHRS Centre d’Hébergement de Réinsertion Sociale

CIM10 Classification Internationale des cause Médicales de décès, 10ème version

CMDR Collectif les Morts de la Rue

CMU-C Complémentaire de la Couverture Maladie Universelle ou Complémentaire santé solidaire

CNIL Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

DGCS Direction Générale de la Cohésion Sociale

EHPAD Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes

ETHOS European Typology on Homelessness and housing exclusion (Typologie européenne de l’exclusion liée au logement)

FAP Fondation Abbé Pierre

FEANTSA Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri

HYTPEAC Enquête HYTPEAC « HYgiène de la Tête aux Pieds: Ectoparasitoses et Affections Cutanéees » de l’Observatoire du Samusocial de Paris; 2013

IC95% Intervalle de confiance à 95%

IDF Ile de France

INED Institut National d’Études Démographiques

INSEE Institut National de la Statistique et des Études Économiques

INSERM Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

INSERM-CépiDC Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès

LHSS Lits Halte Soins Santé

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique

ONPES Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale

PUMa Protection Universelle Maladie, anciennement CMU (Couverture Maladie Universelle)

RGPD Règlement Général sur la Protection des Données

RSA Revenu de Solidarité Active

SAMENTA Rapport sur la SAnté MENTale et les Addictions chez les personnes sans logement personnel d’Ile de France de l’Observatoire du Samusocial de Paris et de l’INSERM; 2010.

SARS-COV2 Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère

SD Écart-type

SDF Sans Domicile Fixe

UE Union Européenne

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Liste des Figures

Figure 1 Proportion des décès selon la classe d'âge pour les décès masculins recensés par le CMDR (n=503) et en population générale (n=299 344), France, 2019 ......................................................................................................................................... 26

Figure 2 Proportion des décès selon la classe d'âge pour les décès féminins recensés par le CMDR (n=48) et en population générale (n= 302 615), France, 2019 ........................................................................................................................................ 26

Figure 3 Distribution des décès de personnes sans chez soi par semaine recensés par le CMDR de 2012 à 2019, France (n=3 713, 411 données manquantes) ....................................................................................................................................... 27

Figure 4 Distribution régionale des décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR et en population générale, France métropolitaine et DOM, 2019 ..................................................................................................................................................... 28

Liste des Tableaux

Tableau 1 Définition de cas pour la surveillance de la mortalité des personnes sans domicile en France par le CMDR ............ 18

Tableau 2 Nombre de décès de personnes ayant connu une période sans domicile personnel et recensés par le CMDR, France 2012-2019 ................................................................................................................................................................................. 22

Tableau 3 Distribution de la mortalité parmi les personnes sans chez soi recensées par le CMDR en 2019 et sur la période 2012-2018, France ............................................................................................................................................................................. 23

Tableau 4 Distribution de la mortalité parmi la population sans chez soi recensée par le CMDR et la population générale en France, 2019 ............................................................................................................................................................................. 24

Tableau 5 Distribution des causes de décès des personnes sans chez soi recensées par le CMDR en région Ile de France et dans les autres régions, en 2019 et sur la période 2012-2018, France ...................................................................................... 29

Tableau 6 Comparaison des personnes sans chez soi décédées en 2019 et recensées par le CMDR selon leur situation par rapport au logement, France ..................................................................................................................................................... 34

Tableau 7 Éléments relatifs à la santé des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, France ... 49

Tableau 8 Éléments relatifs au suivi administratif des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, France ....................................................................................................................................................................................... 51

Tableau 9 Éléments relatifs à l’enfance et à la famille des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, France ....................................................................................................................................................................................... 54

Tableau 10 Éléments relatifs aux ruptures rencontrées par les personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, France ............................................................................................................................................................................. 55

Tableau 11 Éléments relatifs à l’errance et à l’hébergement des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, France ........................................................................................................................................................................ 56

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Introduction

Les personnes sans abri ou sans domicile constituent une population très hétérogène particulièrement difficile à dénombrer et décrire, les différentes définitions existantes à l’échelle internationale ne facilitent pas un regard global sur la question du sans-abrisme.

Selon l’OCDE en 2020 (1), pour certains pays, ces définitions sont restreintes aux personnes vivant dans la rue ou dans l’espace public et/ou vivant dans des dispositifs d’hébergement d’urgence (France, États Unis, Irlande, Italie, Chili, …). D’autres pays adoptent une définition plus large intégrant les personnes vivant en hôtel et celles hébergées par des tiers (Australie, Canada, Allemagne, Suède, …). D’après les données de l’OCDE, les personnes sans domicile représenteraient moins de 1% de la population des 35 pays inclus dans son rapport, ce qui concerne de fait un total important de 1,9 million de personnes. Dans la description des personnes sans domicile un profil est assez régulièrement retrouvé à travers les pays, celui de l’homme seul vivant à la rue de manière régulière et depuis une période prolongée. Cependant il est constaté parmi les personnes sans domicile une hausse importante du nombre de jeunes (15-29 ans), de personnes âgées et de familles, constituant une population dite « temporaire ». Pour exemple, l’Australie a enregistré une élévation de 20% des 15-29 ans parmi les sans domicile sur la période 2011-2016 et le Royaume-Uni une hausse de 42% des familles sans domicile entre 2010 et 2017. Pour l’OCDE, cette situation qui touche de plus en plus d’individus s’explique par la dégradation des salaires et les conditions d’accès à un logement abordable de plus en plus difficiles.

En France, la dernière étude portant sur les personnes sans domicile, réalisée par l’INSEE et l’INED (2) en 2012, visait : « les adultes des agglomérations de 20 000 habitants ou plus qui ont passé la nuit précédant l’enquête dans un service d’hébergement ou un lieu non prévu pour l’habitation, l’étude les désigne comme « sans domicile ». Parmi eux, les personnes ayant passé la nuit dans un lieu non prévu pour l’habitation (rue, parc, parking, cage d’escalier, …) la veille de l’enquête sont appelées des « sans-abri ». Elle dénombrait ainsi près de 142 900 personnes sans domicile sur le territoire français.

Ces données datent aujourd’hui de plus de 5 ans et les chiffres sont probablement sous-estimés au regard des différentes crises auxquelles la France et plus généralement l’Union Européenne ont dû faire face. Faute d’études plus récentes et malgré les différentes initiatives de recensement à l’échelon de villes et de métropoles françaises, on peut se reporter à l’évaluation faite fin 2019 par la Fondation Abbé Pierre (3) avec un chiffre de plus de 250 000 personnes sans domicile en France.

Pour autant, l’étude de l’INSEE demeure la source la plus complète à l’échelle nationale. Il en ressort que parmi les sans domicile en 2012 (4), 77% étaient âgés de 18 à 49 ans, 38% étaient des femmes. 26% des personnes vivaient en couple et 29% étaient accompagnés d’enfants. Ils étaient 62% à vivre seuls. 10% étaient sans abri, passant ainsi la nuit précédant l’enquête dans un lieu non prévu pour l’habitation.

Le sans-abrisme a un impact majeur sur la santé des personnes (5). Les personnes sans domicile sont plus à risque de tuberculose (et d’autres maladies respiratoires), de traumatismes, de maladies sexuellement transmissibles et de troubles nutritionnels. L’étude SAMENTA (6) réalisée par l’Observatoire du Samu social de Paris et l’INSERM en 2010, estime qu’un tiers des personnes sans logement personnel en Ile de France souffre de troubles psychiatriques sévères, de troubles de l’humeur (troubles psychotiques, dépressifs) ou de troubles anxieux et pointe le risque important de rupture sociale. Elle estime également que la dépendance ou la consommation régulière de substances psychoactives (alcool, tabac, drogues illicites, mésusage de médicaments) touchent 30% du public concerné. M.Farrel (7), en Angleterre, met en évidence en population générale le lien entre souffrance mentale et consommation de substances psychoactives. L’étude HYTPEAC (8) réalisée en 2011 en France auprès de personnes sans abri (au sens de l’INSEE, n’ayant pas recours à des structures d’hébergement et dormant dans des lieux non prévus pour l’habitation) identifie la fréquence élevée de certaines pathologies dermatologiques et relève des différences importantes entre les personnes ayant recours aux dispositifs d’hébergement et celles en situation de rue.

Ces conditions de vie et un état de santé dégradé ont des répercussions importantes sur la mortalité. L’espérance de vie à 30 ans est inférieure de 11 ans chez les hommes et de 15,9 ans chez les femmes sans domicile par rapport à la population générale à Rotterdam (9). En 2016, l’étude de C.Vuillermoz sur la mortalité des personnes sans domicile en France (10) estime à 49 ans leur moyenne d’âge au

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décès, tout comme S.W.Hwang (11), à Toronto qui l’estime à 48 ans pour les personnes sans domicile résidant en hôtel, en abri ou en structures d’hébergement. Enfin, J.Romaszko (12) évalue à 17,5 ans, la différence d’âge moyen au décès entre population sans domicile et population générale dans la ville d’Olsztyn (Pologne).

Les différentes études portant sur les causes de décès parmi les personnes sans domicile pointent régulièrement les conséquences de l’alcool et des drogues(13) (14) (15). Mais les personnes sans domicile ont également un risque plus élevé de décès par maladies infectieuses(15)(11), maladies de l’appareil digestif (11)(15)(13)(16), tumeurs (15)(11)(13), maladies cardiovasculaires et respiratoires (15)(11)(13)(16). Les causes externes sont également responsables d’un nombre élevé de décès parmi les personnes sans domicile (intoxications, suicides, agressions et accidents) (17)(11)(13)(18). Elles représentent près 34% des décès dans une cohorte finlandaise (19). Cette étude de A.Stenius-Ayoade (19) montre que l’avancée en âge et un recours plus fréquent à des hopsitalistions somatiques sont des facteurs prédictifs de la mortalité des personnes sans abris encore plus marqués qu’en population générale. Le niveau d’éducation, le mariage, l’emploi qui sont des facteurs protecteurs de mortalité en population générale n’apparaîssent pas comme tels pour les personnes sans domicile de cette étude. A.Stenius-Ayode considère ainsi que l’effet du sans-abrisme sur la mortalité est tel que ces facteurs normalement protecteurs ne comptent plus.

En France, C.Vuillermoz (10) observe une fréquence des décès plus importante l’hiver par rapport aux autres saisons de l’année. L’exposition à un froid excessif, les maladies liées à la consommation d’alcool, les troubles mentaux, les maladies des appareils digestif et circulatoire constituent des causes de décès plus fréquentes chez les personnes sans domicile que dans la population générale.

Les données relatives à la mortalité des personnes sans domicile restent, malgré tout, très limitées sur le territoire français. En 2011, un rapport du cabinet Cemka-Eval commandité par l’ONPES (20) pointait la rareté de ces données, tout comme O.Cha (21) en 2013.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le présent rapport qui résulte du travail mené par le Collectif Les Morts de la Rue (CMDR). Chaque année, depuis 2002, le CMDR a, parmi ses objectifs, celui de recenser les décès de personnes sans chez soi survenus sur l’ensemble du territoire français et de décrire le parcours de vie de ces personnes. Cette notion de sans chez soi fait référence au rapport remis par V.Girard, P.Estecahandy et P.Chauvin à la ministre de la santé de l’époque (2009) qui considèrent la question du « chez soi » comme bien plus large que celle de « sans domicile » ( définition administrative) et renvoient à la notion de citoyenneté (au respect des droits fondamentaux et constitutionnels) et à l’accomplissement d’une vie pleine et entière, et pas seulement à la protection contre les intempéries ou à des logiques de survie.

Ce travail minutieux et principalement bénévole souffre de limites et les données obtenues sont incomplètes. L’étude portant sur le nombre réel de décès de personnes sans domicile en France pour la période 2008-2010 (22), réalisée également par C.Vuillermoz, estime ainsi à 17% (IC95% :[13-26]) l’exhaustivité des données du CMDR. Réalisée en collaboration avec l’INSERM-CépiDC qui gère et coordonne le registre national des causes de décès en France, elle a estimé à 6730 (IC95% :[4381-9079]) le nombre de décès entre 2008 et 2010, soit plus de 2000 décès annuels. Depuis 2012, le CMDR développe son système de surveillance notamment en structurant sa méthode de recueil et en améliorant sa couverture géographique, suggérant une meilleure exhaustivité avec le temps.

L’objectif principal de ce rapport est de décrire les résultats obtenus par la surveillance de la mortalité réalisée par le CMDR au cours de l’année 2019 en France.

Il vise à décrire la mortalité des personnes décédées au cours de cette dernière année au regard des données recueillies par le CMDR pour la période 2012-2018 et par rapport à la mortalité de la population générale en France en 2019.

Il s’attache également à décrire certains groupes spécifiques de personnes sans chez soi décédées au cours de l’année.

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Méthodes

Surveillance de la mortalité

La surveillance réalisée par le CMDR a pour objectif de recenser l’ensemble des décès de personnes sans domicile survenant chaque année sur l’ensemble du territoire français3. Elle a pour objectifs spécifiques d’en décrire le profil, le parcours et les causes de décès4. Elle vise ainsi à identifier des facteurs de risque et à formuler des recommandations quant aux stratégies de prévention et de prise en charge de cette population, tout en rendant hommage annuellement à toutes ces personnes décédées qui ont connu à un moment de leur vie un parcours à la rue. Elle a pour finalité d’alerter les différentes parties prenantes quant à la vulnérabilité de cette population et d’inciter à l’action.

Le CMDR s’appuie pour cela sur un réseau de partenaires et d’acteurs en constante évolution (cf. Partie 2 du rapport). Il se compose d’acteurs associatifs impliqués au quotidien auprès des personnes sans domicile dans l’accueil, l’hébergement ou encore l’insertion mais également de collectifs et associations d’accompagnement des morts de la rue et/ou des morts isolés, de partenaires institutionnels, de médias et de particuliers. Ces différentes sources participent, de fait, à la surveillance active de ces événements par une démarche volontaire de signalement des décès.

A réception du signal, le CMDR initie un premier travail de vérification et confirmation en utilisant les définitions de cas présentées dans le tableau 15.

Tableau 1 Définition de cas pour la surveillance de la mortalité des personnes sans domicile en France par le CMDR

Définition des cas Catégories spécifiques

Personne « Sans chez soi » : toute personne ayant principalement* dormi au cours des 3 derniers mois précédant le décès dans un lieu non prévu pour l’habitation et/ou dans une structure d’hébergement

Sans chez soi « en situation de rue », ayant dormi principalement* :

- Dans des lieux non prévus pour l’habitation (Cave, cabane, voiture, usine, bureau, entrepôt, bâtiment technique, parties communes d’un immeuble, chantiers, tente, métro, gare, rue, pont, toilettes publiques, parking, square/jardin, ...)

- Dans un centre d’hébergement d’urgence avec remise à la rue chaque matin - Dans un dispositif temporaire mis en place dans le cadre du plan hivernal ou plan

grand froid (gymnase réquisitionné)

Sans chez soi « Hébergé » : ayant dormi principalement* : - Dans un centre d’hébergement collectif gratuit ou à faible participation, quel que soit le

centre (foyer d’urgence, centre de stabilisation, CHRS, Hôtel social, Asile de nuit, LHSS, Lits infirmiers, …)

- Dans un logement squatté (logement occupé sans droit ni titre) - Dans un logement s’il est hébergé par un ami ou de la famille faute de ne pouvoir avoir

son propre logement - Dans un hôtel, que la chambre soit payée par une association, un centre

d’hébergement, un organisme ou la personnes (si cette situation est non pérenne)

« Probablement sans chez soi » : si la personne appartenait à l’une de ces deux catégories mais que le type exact d’habitat n’est pas connu

Personne « Ancien sans chez soi » : toute personne ayant été à un moment de la vie dans une situation sans chez soi mais qui, au décès, dormait principalement* au cours des 3 derniers mois dans un logement personnel (parc social ou privé) ou un logement accompagné6 (maisons-relais, résidences sociales, pensions de famille, Ehpad, …).

Personne « Récemment à la rue » : toute personne ayant perdu son logement depuis moins de 6 semaines

* Plus de 6 semaines sur les 3 derniers mois qui ont précédés le décès.

Cette première étape repose sur l’exploration des données et contacts disponibles lors de la transmission du signalement. Elle mène à interroger les bases de données disponibles en open source

3 France métropolitaine, Départements et Collectivités d’Outremer. 4 Age, sexe, lieu de décès, causes de décès, parcours. 5 En 2019, le CMDR reprend le terme de personnes « sans chez soi » plutôt que le terme « SDF » utilisé dans les précédents rapports. En effet, le terme « sans chez soi » correspond d’avantage à la population étudiée. Les définitions ne changent pas. 6 Un logement accompagné est un logement autonome (contrat de bail, éligibilité aux APL), bénéficiant d’une présence d’intervenants sociaux

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(Fichier des décès de l’INSEE7, plateforme MatchID8 ), à analyser les actes de décès et enquêter auprès de tiers afin de confirmer le statut vis à vis de la rue de chaque personne.

Dans une seconde phase, les équipes du CMDR recueillent, au moyen d’un questionnaire standardisé (Annexe 1), un ensemble de données retraçant le parcours de chaque individu décédé. Les équipes bénévoles du CMDR mènent pour cela des entretiens téléphoniques auprès de tiers ayant pu connaître ces personnes de leur vivant (éducateur, maraudeur, proches, voisins, …).

Données recueillies

Les principales informations collectées sont démographiques (date et commune de naissance, date et commune de décès, âge, sexe). Elles sont relatives au décès (circonstances de survenue, lieu et causes de décès), au contexte administratif, social et familial, au parcours résidentiel et à l’état de santé (pathologies, antécédents médicaux)9.

Les données sont ensuite saisies sur Voozanoo®, une plateforme de saisie de données en ligne, sécurisée (agrément d’hébergement de données de santé conforme RGPD) et créée par Epiconcept.

Les causes de décès sont codées par l’équipe du CMDR sur la base des informations recueillies lors des signalements (circonstances du décès) et selon la classification internationale des maladies, 10ème révision (CIM-10)(23)10.

Les dates de décès ont été recodées pour permettre une analyse par saison selon les dates fournies par l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides. Dans le cadre de l’analyse de la saisonnalité, les décès survenus durant la période comprise entre le 22 décembre et le 31 décembre 2019 ont été regroupés avec ceux survenus au cours de la période du 1er janvier au 19 mars 2019.

Les lieux de vie connus des personnes décédées au cours de leur parcours ont été recodés selon la typologie européenne de l’exclusion liée au logement (ETHOS) de 2007 élaboré par la FEANTSA (24).

Analyse des données

Une analyse descriptive des données a été réalisée incluant le calcul de moyennes, écart-types et fréquences selon la nature des variables.

Une analyse comparative a été menée entre les décès recensés par le CMDR en 2019 et ceux recensés sur la période 2012-2018 d’une part et l’ensemble des décès de la population générale en France en 201911 d’autre part. Les tests usuels de comparaison de variables ont alors été utilisés (test du Chi2 pour les variables qualitatives et un test exact de Fischer lorsque les effectifs étaient inférieurs à 5, un test T de Student pour les variables continues et le test non-paramétrique de Kruskal Wallis le cas échéant).

Le traitement et les analyses ont été réalisés en utilisant le logiciel Stata/IC 14.0 pour Mac (© Stata Corp, College Station, TX).

7 https://www.insee.fr/fr/information/4190491 8 https://deces.matchid.io/about/service 9 Pour plus de précisions, voir annexe 10 Seule la cause initiale du décès est codée 11 Le fichier de données concernant les décès en France en 2019 est disponible en ligne sur le site de l’INSEE. Certains décès enregistrés étaient survenus en 2018, pour d’autres, aucune date de décès n’était renseigné. Dans les 2 cas, ces décès ont été supprimés de la base de données.

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Considérations éthiques et réglementaires

Le recueil rétrospectif mené par le CMDR porte sur des données déjà existantes et relatives à des personnes décédées. Leur type, leur stockage et leur exploitation par le CMDR exclusivement font l’objet d’une déclaration enregistrée à la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) sous le numéro 1354755. Les informations personnelles recueillies ne font l’objet d’aucune communication à des tiers. Les données présentées dans ce rapport sont agrégées et anonymes.

A noter que parmi les missions du CMDR, celui-ci peut aider la famille d’un défunt dans les démarches visant à récupérer certaines informations auxquelles elle peut avoir accès, notamment les comptes-rendus d’autopsie si le corps du défunt a été examiné par un Institut médico-légal et le dossier médical si le décès a eu lieu dans un hôpital. Ces rapports sont destinés à la famille exclusivement, leurs contenus ne sont pas connus du Collectif Les Morts de la Rue.

Ce travail fait l’objet d’une subvention de la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) depuis 2012 et a le soutien de différentes fondations. Il a pour objet la mise en place d’outils permettant l’établissement de statistiques fiables dans le temps à partir de données qualitatives et quantitatives concernant les personnes sans domicile décédées en France.

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Résultats

Particularités de 2019

L’année 2019 a été une période de transition pour le CMDR. Le Collectif Les Morts de la Rue a déménagé au cours de l’été 2019 pour s’installer dans le 19ème arrondissement de Paris. De plus, elle a vu un renouvellement conséquent d’une partie de ses équipes (bénévoles, coordinateur, épidémiologiste) avec un temps d’adaptation non négligeable afin de poursuivre fidèlement le travail.

Les événements sociaux survenus en fin d’année 2019 puis l’épidémie de SARS-COV2 et le confinement de la population décrété le 17 mars 2020 ont limité puis imposé de cesser précocement le travail d’enquête et de recueil de données.

Pour ces différentes raisons, l’étude de l’année 2019 constitue une exception. Pour autant, le Collectif Les Morts de la Rue a tâché de continuer à rendre hommage aux personnes sans chez soi décédées en France et à donner une visibilité à ces morts.

Un nombre toujours trop important

En 2019, les équipes du CMDR ont recensé 659 décès de personnes ayant connu une période sans domicile personnel. Bien que ce chiffre soit légèrement inférieur à celui de 2018 (-6%), le nombre de décès recensés par le CMDR tend à augmenter progressivement d’année en année, de 436 en 2012, à 701 en 2018 (Tableau 2).

Parmi les décès survenus au cours de l’année écoulée, 14% concernent des personnes ayant connu une absence de domicile à un moment de leur vie mais disposant au moins pendant leurs derniers mois de vie d’un logement personnel (logement personnel ou accompagné type Maison-Relais), il s’agît des « anciens sans chez soi ». 2 personnes récemment à la rue, décédées moins de 6 semaines après la perte de leur domicile, sont hors décompte dans l’étude.

563 (85%) personnes étaient « sans chez soi » au cours de leurs trois derniers mois de vie, dont 192 (29% de l’ensemble des décès) vivant dans des lieux non prévus pour l’habitation (du type cave, rue, pont, terrain vague, …). 148 personnes (22% de l’ensemble des décès) étaient considérées en situation d’hébergement (CHRS, LHSS, logement squatté…). Pour 34% des personnes décédées, une absence de domicile personnel a été identifiée mais l’enquête n’a pas permis de préciser la situation du logement (rue ou hébergé) au cours des trois derniers mois de vie de ces personnes, elles sont considérées comme « probablement sans chez soi ».

Ce nombre de 563 décès de personnes sans chez soi demeure malgré tout largement inférieur aux estimations du nombre total de décès survenus sur le territoire français détaillé dans l’étude de C.Vuillermoz et évalué à 6730 (IC95% :[4381-9079]) pour la période 2008 et 2010, soit plus de 2000 décès par an.

Tableau 2 Nombre de décès de personnes ayant connu une période sans domicile personnel et recensés par le CMDR, France 2012-2019

n % n % n % n % n % n % n % n %

Sans chez soi 388 (89) 460 (87) 514 (87) 520 (84) 528 (82) 526 (86) 625 (89) 563 (85)

Situation de rue 175 (40) 194 (37) 349 (59) 332 (54) 258 (40) 249 (41) 250 (36) 192 (29)

Heberge 86 (20) 94 (18) 93 (15) 109 (18) 152 (24) 138 (23) 124 (18) 148 (22)

Proba sans chez soi 127 (29) 172 (33) 72 (12) 79 (13) 118 (18) 139 (23) 251 (36) 223 (34)

Ancien sans chez soi 48 (11) 66 (13) 76 (13) 94 (15) 115 (18) 82 (13) 72 (10) 94 (14)

Récemment à la rue 0 (0) 0 (0) 2 (<1) 3 (<1) 2 (<1) 3 (<1) 4 (<1) 2 (<1)

Situaiton de logement

2018

(N=701)

2019

(N=659)

2012

(N=436)

2013

(N=526)

2014

(N=592)

2015

(N=617)

2016

(N=645)

2017

(N=611)

La distribution de la situation du logement parmi les personnes décédées et recensées par le CMDR diffère au cours du temps, oscillant pour les personnes sans chez soi entre 82% en 2016 et 89% en 2018 (et donc pour les anciens sans chez soi entre 10 et 18%). Elle l’est également selon que la personne était en situation de rue (59% en 2014, 29% en 2019) ou hébergée (16% en 2014, 24% en

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2016). Ces différences s’expliquent principalement par les modalités de la surveillance réalisée par le CMDR.

D’une part, le dispositif de recensement des décès des personnes anciennement sans chez soi est peu développé. Il n’existe pas de collaboration ou de partenariat avec les structures porteuses de logement accompagné ou d’insertion qui permettraient éventuellement d’identifier les décès parmi cette population spécifique.

D’autre part, le recensement des personnes sans chez soi n’est pas exhaustif (17% pour la période 2008-2010 (22), cette distribution de la situation du logement entre situation de rue, hébergé et probablement sans chez soi est sujette à variation. De plus, l’enquête menée pour préciser la situation de vie au cours des trois derniers mois précédant le décès ne permet pas toujours de classer les cas (rue/hébergé), de fait d’informations insuffisamment complètes. Ainsi, elle a un impact sur la proportion des personnes « probablement sans chez soi ».

Les personnes sans chez soi décédées en 2019

Tableau 3 Distribution de la mortalité parmi les personnes sans chez soi recensées par le CMDR en 2019 et sur la période

2012-2018, France

Valeur p

n % n %

Sexe 0,366

Masculin 503 (89) 3191 (90)

Féminin 48 (9) 321 (9)

Manquant 12 (2) 49 (1)

Age moyen (± SD) 0,252

Rang en année [min-max]

Classes d'âge 0,023*

[0-30[ 46 (8) 313 (9)

[30-45[ 119 (21) 783 (22)

[45-65[ 274 (49) 1783 (50)

≥ 65 93 (17) 415 (12)

Manquant 31 (6) 267 (8)

Pays de naissance 0,177

France 285 (51) 1402 (39)

UE 93 (17) 560 (16)

Hors UE 99 (18) 580 (16)

Manquant 86 (15) 1019 (29)

Région de décès 0,193

Ile de France 217 (39) 1476 (41)

Autres régions 346 (61) 2085 (59)

Lieu de décès <0,001*

Hébergement/logement 59 (10) 404 (11)

Abri 73 (13) 428 (12)

Voie/espace public 196 (35) 1030 (29)

Lieu de soins 149 (26) 1204 (34)

Détention 8 (1) 14 (<1)

Manquant 78 (14) 481 (14)

Population sans

chez soi 2019

(N=563)

Population sans

chez soi 2012-2018

(N=3561)

0-90 0-96

☥ 43 données manquantes. ☨394 données manquantes.

* valeur p significative pour p<0,05 et dont le test a été réalisé sans prendre en compte

les valeurs manquantes.

49☨ ±1450☥ ±15

Variables

Des décès masculins, jeunes, concentrés en Ile de France et survenus sur la voie publique

Parmi les 563 décès enregistrés par le CMDR au cours de l’année 2019, les décès masculins sont surreprésentés, avec près de 90% des décès, tout comme sur la période 2012-2018 (Tableau 3), alors qu’ils sont d’un peu moins de 50% dans la population générale (Tableau 4). Il n’apparaît pas d’évolution

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particulière au cours du temps dans la répartition femme/homme parmi les personnes décédées recensées par le CMDR.

En 2019, l’âge moyen au décès des personnes sans chez soi est estimé à 50 ans (IC95% :[49-51]), il n’est pas différent de celui retrouvé parmi les décès recensés pour la période 2012-2018. Près de 70% des décès surviennent à un âge situé entre 30 et 65 ans chez les personnes sans chez soi en 2019 comme pendant la période 2012- 2018, avec toutefois pour 2019 une proportion plus importante de décès parmi les plus de 65 ans.

En comparaison, l’âge moyen au décès dans la population générale en 2019 est de 78,88 ans (IC95% :[78,84-78,92]), la majorité des décès (83%) survenant pour la classe d’âge des 65 ans et plus.

Tableau 4 Distribution de la mortalité parmi la population sans chez soi recensée par le CMDR et la population générale en

France, 2019

Ces différences importantes concernant l’âge et le sexe dans ces deux populations décédées en 2019 sont représentées sur la pyramide des âges selon le sexe (figures 1 et 2). A noter qu’en 2019, parmi les moins de 15 ans, 2330 décès sont survenus chez les hommes en population générale contre 4 parmi les personnes sans chez soi recensées par le CMDR. On compte par ailleurs 5 décès d’adolescents et 15 décès parmi de jeunes adultes [19-24 ans]. Chez les femmes de moins de 15 ans, 1 707 décès sont survenus en population générale contre 1 seul recensé par le CMDR.

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25

Page 26: Edito - Morts de la Rue

26

Figure 1 Proportion des décès selon la classe d'âge pour les décès masculins recensés par le CMDR (n=503) et en population

générale (n=299 344), France, 2019

Figure 2 Proportion des décès selon la classe d'âge pour les décès féminins recensés par le CMDR (n=48) et en population

générale (n= 302 615), France, 2019

Parmi les personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, 50% des personnes sont nées en France et 34% à l’étranger. La proportion de données manquantes concernant cette variable est de 15% ce qui permet une mesure plus précise que pour la période 2012-2018 (29%). Les pays de naissance les plus fréquents en 2019 sont les suivants : Pologne (30 personnes, 5% des décès), Roumanie (25 personnes, 4%), Algérie (22 personnes, 4%), Maroc (12 personnes, 2%), Bulgarie, Allemagne et Serbie (8 personnes de chaque pays, soit 1% des décès pour chacun), Géorgie (7 personnes, 1%), Côte d’Ivoire (6 personnes, 1%) et Guinée (5 personnes, <1%).

En 2019, la fréquence des décès des personnes sans chez soi est plus élevée l’hiver et l’automne, constat également retrouvé dans l’analyse temporelle des données du CMDR pour la période 2012-2019 (Figure 3). Malgré une très forte variabilité du nombre de décès par semaine, une certaine saisonnalité existe, elle est plus marquée en 2019 que les années précédentes où de discrets rebonds existaient durant la période estivale (étés 2016, 2017 et 2018).

Dans la population générale, les décès surviennent également souvent l’hiver mais ils sont nombreux au printemps et au cours de l’été, ce que l’on observe moins parmi les personnes sans chez soi.

Ce constat demande confirmation. Ces différences de saisons entre les décès recensés par le CMDR et les décès survenus en population générale n’étaient pas retrouvées les années antérieures. L’hiver est une période de plus forte mobilisation du public, des administrations ainsi que des médias envers la population sans chez soi, qui sont alors plus susceptibles de signaler un décès au CMDR. De plus,

-40% -35% -30% -25% -20% -15% -10% -5% 0% 5% 10% 15% 20%

85 ans et plus[80-84][75-79][70-74][65-69][60-64][55-59][50-54][45-49][40-44][35-39][30-34][25-29][20-24][15-19][10-14]

[5-9][0-4]

Manquant

Population générale Homme Sans Chez soi Homme

-65% -60% -55% -50% -45% -40% -35% -30% -25% -20% -15% -10% -5% 0% 5% 10% 15% 20%

85 ans et plus[80-84][75-79][70-74][65-69][60-64][55-59][50-54][45-49][40-44][35-39][30-34][25-29][20-24][15-19][10-14]

[5-9][0-4]

Manquant

Population générale Femme Sans Chez soi Femme

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27

depuis 2018, la DGCS fournit au CMDR des signalements de décès survenus sur la voie publique dans le cadre des mesures hivernales ce qui pourrait tendre à accroître les différences entre saison « chaude » et saison « froide ». A contrario, l’activité des hôpitaux (principal lieu de décès de la population française) est continue tout au long de l’année et ne devrait pas donner lieu à plus de signalements.

La figure 3 qui décrit l’ensemble des décès recensés par le Collectif tend à mettre en évidence que les personnes sans chez soi décèdent bien évidemment tout au long de l’année et plus particulièrement sur la période hivernale. Il apparait un creusement de la moyenne mobile à 15 semaines sur les trois derniers hivers (2016-2017, 2017-2018, 2018-2019), traduisant une augmentation des décès recensés au cours de ces périodes sans pour autant s’accompagner d’une baisse des décès durant les périodes estivales correspondantes.

Figure 3 Distribution des décès de personnes sans chez soi par semaine recensés par le CMDR de 2012 à 2019, France (n=3 713, 411 données manquantes)

La distribution régionale des décès survenus dans la population générale (Figure 4) se concentre sur l’Ile de France (13% des décès), l’Auvergne Rhône Alpes (11%), la Nouvelle Aquitaine (11%) et l’Occitanie (10%), représentant à elles quatre près de 45% des décès en France métropolitaine et départements d’outremer en 2019. La distribution des décès identifiés par le CMDR met, quant à elle, en évidence la forte concentration des décès autour de 5 régions récurrentes et concentrant près de 74% des décès en 2019 (78% sur la période 2012-2018) : Ile de France (39% en 2019), Hauts de France (10% en 2019), Provence Alpes Côte d’Azur, Occitanie et Auvergne Rhône Alpes.

Cette différence de région de décès est significative (p<0,001), notamment entre Ile de France et autres régions. Elle est fortement influencée par l’implantation du CMDR dans la région parisienne et le réseau qui y a été développé mais pas seulement, en effet les données issues de l’étude de l’INSEE en 2012 montraient la forte concentration des personnes sans domicile vivant en Ile de France.

Concernant les Collectivités d’Outremer et la population générale, il est observé près de 1387 décès en Polynésie Française, 142 à Saint-Martin, 44 à Saint-Barthélemy, 43 en Nouvelle Calédonie, 38 à Saint-Pierre et Miquelon, 9 à Wallis et Futuna et 1 dans les Terres Australes et Antarctiques. Parmi la population sans chez soi recensée, seuls des décès en Polynésie Française (10) et en Nouvelle Calédonie (1) ont pu être identifiés pour l’année 2019.

0

5

10

15

20

25

30

35

S2

6 J

uin

2012

S5

2 D

éc. 2012

S2

6 J

uin

2013

S5

2 D

éc.2

01

3

S2

6 J

uin

2014

S5

2 D

éc. 2014

S2

6 J

uin

2015

S5

2 D

éc.2

01

5

S2

6 J

uin

2016

S5

2 D

éc. 2016

S2

6 J

uin

2017

S5

2 D

éc.2

01

7

S2

6 J

uin

2018

S5

2 D

éc.2

01

8

S2

6 J

uin

2019

S5

2 D

éc.2

01

9

Nombre de cas

Semaines

Cas

Moyenne mobile de 15semaines

Page 28: Edito - Morts de la Rue

28

Les régions sont donc différentes en terme de fréquence de décès (personnes sans chez soi et population générale) ; le Baromètre du 115 de novembre 2017-janvier 2018, publié par la Fédération Nationale des Acteurs de la Solidarité (25), identifiait cinq départements comme les plus exposés au sans-abrisme (Nord, Bouches du Rhône, Rhône, Val d’Oise, Seine Saint Denis et Paris), ils appartiennent aux régions des décès les plus fréquents pour le CMDR. Par ailleurs, la Fondation Abbé-Pierre dans son dernier rapport annuel sur le mal logement (3) cite une étude parlementaire menée par le député Nicolas Démoulin en mars 2019, il identifie deux villes d’Occitanie particulièrement exposées à des difficultés concernant l’hébergement d’urgence : Toulouse où 6% des appels au 115 sont décrochés et Montpellier où seulement 15% des demandes se concrétisent par une solution d’hébergement.

Figure 4 Distribution régionale des décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR et en population générale, France métropolitaine et DOM, 2019

A l’échelon départemental, cumulés sur l’ensemble de la période 2012-2018 les décès recensés par le CMDR ont lieu principalement dans les 14 départements suivants : Paris (27% des décès), Nord (5%), Bouches du Rhône (5%), Haute Garonne (4%), Rhône (4%), Hauts de Seine (4%), Bas Rhin (3%), Seine Saint Denis (3%), Pas de Calais (3%), Alpes Maritimes (3%), Var (3%), Val de Marne (3%), Loire Atlantique (2%) et Gironde (2%). Ces quatorze départements représentent à eux seuls près de 71% des décès. Si la présence des départements franciliens est logique, il est à noter la faible présence des Yvelines (20ème rang,1%) et de la Seine et Marne (21ème rang, 1%). L’Essonne se situe quant à elle au 32ème rang, (<1%). Le département du Val d’Oise étant quant à lui au 15ème rang (2%).

En 2019 si la plupart des décès sont survenus dans les départements déjà cités, il est à noter la présence importante du Bas Rhin au 3ème rang (5% des décès) et de la Loire Atlantique (5ème rang, 4%) après Paris (27%) et le Nord (6%). Le département de l’Hérault (13ème rang, 2%) apparaît également au 13ème rang (2%), tout comme l’Ile et Vilaine (14ème rang, 2%).

En 2019, les décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR ont eu lieu, comme en 2012-2018, majoritairement dans des lieux non prévus pour l’habitation, sur la voie publique et dans des abris de fortune (48%) et moins souvent dans des lieux de soins que les années précédentes (26% contre 34%).

La comparaison des lieux de décès avec la population générale en 2019 n’est pas vraiment possible. 1% des décès seulement ont eu lieu sur la voie publique selon les dernières données disponibles (2016)

Page 29: Edito - Morts de la Rue

29

qui montrent aussi que 59% des décès ont eu lieu en établissement de santé (26). Ce lieu est plus fréquent depuis la médicalisation des derniers jours de vie à partir de 1976. Auparavant les décès avaient lieu majoritairement à domicile mais cette proportion diminue progressivement représentant moins de 30% des décès depuis 1988.

Parmi les personnes sans chez soi de moins de 65 ans recensées en 2019, les décès ont eu lieu majoritairement sur la voie publique (rue, route, square, station de métro, …) ou en abri (tente, cabane, entrepôt désaffecté, …). Cette prédominance tend à s’atténuer avec l’élévation en âge (de 72% des décès pour les moins de 30 ans à 49% pour les 45-64 ans) mais reste prépondérante. En revanche, parmi les plus de 65 ans, les décès ont eu lieu majoritairement en lieu de soins (50%). Il s’agit principalement des hôpitaux, des LHSS et des Lits de soins infirmiers.

Des décès violents qui semblent plus fréquents

Les causes de décès des personnes sans chez soi sont majoritairement mal définies et/ou inconnues (51% en effectif cumulé sur la période 2012-2018, 67% en 2019). En l’absence de données précises, les descriptions suivantes sont à prendre avec précaution tant le poids des données manquantes peut influer sur les résultats obtenus.

Parmi les causes identifiées (Tableau 5), celles d’origine externe semblent plus fréquentes (21% en 2019 et 23% sur la période 2012-2018) suivies par les tumeurs (4%), les maladies liées à l’appareil circulatoire (3%), et les autres causes (3%) comme les maladies respiratoires (1%).

Tableau 5 Distribution des causes de décès des personnes sans chez soi recensés par le CMDR en région Ile de France et dans

les autres régions, en 2019 et sur la période 2012-2018, France

Autres régions 2019

n=346

IDF 2019

n=217

Total 2019

n=563

Cumul 2012-2018

n=3561

Tumeurs (C00-D48) 5% 3% 4% 7%

Trachée, bronches, poumons (C33-C34) - <1% <1% 1%

Voies aéro-digestives supérieures (C00-C14, C15, C32) 1% - <1% 1%

Organes digestifs (C16-C19, C22, C25) <1% - <1% 1%

Autres 4% 3% 3% 4%

Causes externes (V01-Y98) 23% 16% 21% 24%

Aggression (X85-Y09) 3% 3% 3% 6%

Suicides (X60-X84) 5% 2% 4% 3%

Noyades (W65-W74) 3% 1% 2% 2%

Accident de transport (V01-V99) 2% 2% 2% 4%

Chutes (W00-W19) 2% 2% 2% 2%

Exposition à un froid excessif (X31) 1% 0% 1% -

Intoxications (X40-X49) 4% 3% 4% 2%

Autres 3% 3% 3% 5%

Maladies de l'appareil circulatoire (I00-I99) 3% 3% 3% 10%

Cardiopahties ischémiques (I20-I25) <1% - <1% <1%

Autres formes de cardiopathies (I30-I52) 3% 2% 2% 8%

Maladies cérébrovasculaires (I60-I69) <1% - <1% 1%

Autres <1% 1% 1% 1%

Troubles mentaux et comportements (F00-F99) 1% - 1% 1%

Liée à la consommation d'alcool (F10) 1% - 1% 1%

Liée à la consommation de stupéfiants (F11-16, F18-19) - - - <1%

Autres <1% - 0% <1%

Maladies de l'appareil digestif (K00-K93) <1% 1% 1% 2%

Maladies chroniques du foie et cirrhose (K70, K73-K74) <1% 1% 1% 1%

Autres - - - 1%

Causes de décès mal définies et inconues (R00-R99) 62% 75% 67% 51%

Autres causes 4% 1% 3% 6%

Maladies de l'appareil respiratoire (J00-J99) 2% - 1% 2%

Maladies infectieuses et parasitaires (A00-B99) <1% <1% <1% 1%

Maladies du système nerveux (G00-G99) - - - <1%

Autres 2% 1% 2% 3%

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30

En dehors des causes externes, la répartition des causes de 2019 semble différente de celle identifiée pour la période 2012-2018 où les maladies de l’appareil circulatoire (9%), les tumeurs (7%) et les autres causes (6%) semblaient plus fréquentes mais de nombreuses causes restent inconnues.

12% des décès, en 2019, semblent liés à une maladie ou à un trouble somatique ou psychique (tumeurs, maladies de l’appareil circulatoire et de l’appareil digestif, troubles mentaux et du comportement, et autres causes) contre 25% sur la période 2012-2018.

Un peu plus d’un décès pour dix apparait lié à une cause externe non intentionnelle (intoxications, accidents de transport, noyades, chutes, froid) et près de 7% sont liées à un homicide (3%) ou un suicide (4%).

Lorsque les causes de décès sont analysées selon la région (Ile de France ou autres régions), il est constaté qu’elles sont plus précises hors Ile de France (62% de cause inconnue en régions contre 75% en Ile de France) avec une fréquence plus élevée des morts violentes (24%) tout comme des décès liés à des tumeurs (5%).

Les dernières données disponibles concernant la population générale, en France, mettent en évidence le poids des décès par tumeurs avec près de 29% du total des décès en 2016, tous sexes confondus, suivi des maladies cardiovasculaires (24%) qui sont en grande partie liées au vieillissement de la population. Les suicides représentent quant à eux près de 2% du total des causes de décès. Seules, 4,2% des causes demeurent inconnues en population générale.

Des états de santé très mal précisés.

Les données relatives à l’état de santé des personnes sans chez soi sont très parcellaires (Annexe, Tableau 7). Leur description demeure donc à prendre avec de grandes précautions tant la fréquence importante des données manquantes peut modifier et inverser les résultats obtenus.

Pour seulement 10% des personnes décédées recensées en 2019 (42), il a été possible de recueillir des informations relatives à la santé. Au moins 2 pathologies en moyenne ont été identifiées. Lorsque la fréquence de l’ensemble des pathologies recueillies est prise en compte, il apparaît une prédominance (49%) des troubles liés à la consommation d’une substance (alcool, tabac, stupéfiants ou de leur association, respectivement F10, F17, F19 d’après la CIM10). Les troubles psychologiques (troubles non précisés, troubles dépressifs récurrents, respectivement F99 et F33) représentent quant à eux 17% des pathologies rencontrées. L’altération de l’état général -R53 selon la CIM10- (3%), les cardiopathies non précisées -I51.9 selon la CIM10- (2%) sont aux 5ème et 6ème rang des pathologies les plus fréquentes.

Il a été retrouvé des antécédents médicaux pour 4% (n=23) des personnes décédées et recensées en 2019. Parmi ces cas, le sevrage d’une substance type alcool, tabac ou stupéfiants est le plus fréquent (48%), accompagné par les tentatives de suicides (10% de l’ensemble des antécédents ayant pu être identifiés).

Les questionnements relatifs aux addictions n’ont permis de recueillir que peu de données, avec une addiction à l’alcool pour au moins 24% des personnes (quand aucune information n’a pu être retrouvée pour 71% d’entre elles), une addiction à des substances illicites chez au moins 9% des personnes (n=51) et une addiction au tabac pour au moins 12% des personnes.

Des antécédents d’ordre psychologique sont notés pour 17% des personnes (mais 73% d’informations manquantes). 7% ont bénéficié d’une consultation psychiatrique et au moins 3% d’un traitement médicamenteux.

Il semble qu’au moins 69 personnes (12%) aient bénéficié d’une hospitalisation au moment de leur décès et qu’à minima, 12% (n=66) ont eu un suivi médical.

Un suivi social porté par les associations

Les données obtenues concernant le parcours social des personnes décédées en 2019 sont limitées. Le plus souvent, aucune information n’a pu être recueillie. Les descriptions suivantes sont à considérer avec précaution et constituent des valeurs minimums.

Parmi les 563 personnes sans chez soi décédées l’année passée, le CMDR n’a pu recueillir des informations sur le suivi social que pour 216 personnes (38%). Pour celles-ci, au moins 37% (n=209) avait bénéficié d’un suivi (contre 30% sur la période 2012-2018). Près d’un tiers étaient suivies par des acteurs associatifs (33%, n=68), 13% par des CCAS et 11% par des maraudes (Annexe, Tableau 8).

Page 31: Edito - Morts de la Rue

31

Page 32: Edito - Morts de la Rue

32

Pour les 88 personnes dont il a pu être établi qu’une démarche administrative avait été initiée, seulement 23% des démarches concernaient une demande de logement et 16% une demande d’accès aux soins. Dans 20% des cas, elles concernaient une demande « autre » (demande de AAH, mise sous tutelle, demande d’accès à un EHPAD, demande d’asile). A noter qu’au moins 18 personnes nées à l’étranger étaient en situation irrégulière (9%).

En 2019, au moins 39% des personnes décédées identifiées par le CMDR avaient une domiciliation (29% pour la période 2012-2018). Celle-ci était majoritairement portée par les associations (45%) et par les CCAS (17%).

Pour 137 personnes (24%), il a pu être recueilli une information relative à la couverture santé. Si 13 personnes n’en avaient aucune, 124 (22%) avaient des droits ouverts à la sécurité sociale (type PUMa, CMU-C, AME).

Le CMDR n’a pu identifier des informations relatives aux de sources de revenus que pour 173 personnes (33%). Parmi elles, 2% n’en avaient aucune, 30% bénéficiaient soit des minimas sociaux (RSA) ou d’un salaire (n=96), soit de revenus issus de la mendicité (n=57) soit de l’association des deux (n=17).

Un environnement familial et des liens méconnus

Parmi les personnes sans chez soi décédées en 2019, une information sur l’existence d’un placement durant l’enfance n’a pu être recueilli que pour 12% des cas. Au moins 3% avaient ainsi été placées en institution, en famille d’accueil ou en foyer (Annexe, Tableau 9).

Au moins 119 personnes étaient parents et 2% sont décédées alors qu’elles assuraient la garde de leur enfant mineur.

Concernant le mode de vie des 140 personnes (25%) pour lesquelles une information était disponible, une large majorité (71%) vivait seule, au moins 199 personnes (35%) avaient des liens sociaux. Pour ces dernières, ces liens étaient constitués principalement par le réseau d’amis (40 pour 199), les équipes des maraudes (11pour 199), le voisinage du lieu de vie (10) ou encore les cohabitants des structures d’hébergement (9).

Lorsque les événements ayant conduit à la rue ont pu être recueillis (ce pour seulement 17% des personnes), les séparations conjugales ou familiales (32%) et l’expulsion d’un logement (9%) semblaient en être les principaux éléments déclencheurs (Annexe, Tableau 10).

Une errance probablement supérieure à un an

Le temps d’errance passé à la rue cumulé sur la vie entière n’a pu être recueilli que pour 35% des personnes sans chez soi décédées en 2019 (Annexe, Tableau 11). Parmi elles, il est observé que près de 90% avaient passé plus d’un an à la rue, 65 personnes (33%) ayant passé plus de 10 ans sans abri.

Le temps cumulé passé dans des structures d’hébergement a pu être décrit pour 159 personnes (28%). Celles-ci ont majoritairement passé entre 1 et 5 ans (43%) dans les différents dispositifs existants (CHRS, Centre de stabilisation, Hôtel, LHSS).

Lorsque le dernier lieu d’habitation a pu être recueilli (64%), la majorité des personnes sans chez soi étaient considérées comme sans abri selon la typologie ETHOS de l’exclusion liée au logement (54%). 36% étaient considérées sans logement (en structures d’’hébergement, en milieu hospitalier, en LHSS). 8% étaient considérées en logement précaire (squat ou bidonville). 2 personnes vivaient en caravane. Enfin une personne a eu accès à un logement mais moins d’un mois ½ avant son décès.

Rue et hébergement

La comparaison des situations de logement au cours des trois derniers mois de vie des personnes décédées recensées en 2019 met en évidence des différences à prendre avec recul (Tableau 6), en effet l’information manque souvent (pour 34% des personnes en 2019, n=223, considérées comme Probablement sans chez soi) et certaines variables présentent un nombre important de données manquantes.

Entre personnes en situation de rue et personnes hébergées, on observe la même proportion de femmes et hommes avec une répartition des âges comparable.

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33

La proportion de décès en situation de rue est plus importante parmi les individus nés en France et en UE. A l’inverse, les décès de personnes nées hors UE semblent plus fréquents dans les structures d’hébergement (p<0,003).

Des différences semblent plus importantes lorsqu’est analysé le lieu de décès. Les personnes en situation de rue décèdent plus souvent sur la voie publique et celles en situation d’hébergement plus souvent dans des lieux de soins (p<0,001).

L’analyse des causes de décès selon le statut vis à vis de la rue met en évidence la fréquence plus importante des causes externes (agression, suicides, accidents de transport, …) parmi les personnes en situation de rue (23% contre 17%) alors que les personnes hébergées semblent plus souvent victimes de tumeurs et de maladies.

Il ne semble pas apparaître de différences sur le plan des addictions entre les personnes en situation de rue et celles hébergées. De même, la fréquence des antécédents psychologiques ne semble pas différente mais il manque beaucoup de données. Les données relatives au suivi médical ne permettent pas d’interprétation, les personnes en situation d’hébergement semblent avoir un suivi plus important, mais 70% à 77% de données sont manquantes.

Il est observé qu’au moins 30% des personnes hébergées avaient initié des démarches au cours des douze derniers mois précédant le décès quand cette proportion était plus faible parmi les personnes en situation de rue, au moins 21%. Pour ces dernières, 9% ont été considérées en refus de toute aide.

Parmi les 16 personnes ayant été placées durant leur enfance et recensées par le CMDR en 2019, celles-ci sont 6 à être décédées en situation de rue et 9 en situation d’hébergement.

Les événements ayant conduit à la rue sont similaires entre personnes en situation de rue et hébergées. Séparation conjugale, séparation familiale, expulsion d’un logement constituent les trois motifs les plus fréquents.

Les femmes sans chez soi

48 des personnes décédées recensées par le CMDR étaient des femmes représentant 9% des décès en 2019. 33% d’entre elles étaient en situation de rue, 35% en hébergement. Pour 15 femmes, il n’a pas été possible de préciser cette information (elles sont « probablement sans chez soi »). Cette distribution des femmes par rapport à leur statut vis à vis de la rue n’est statistiquement pas différente de celle des hommes.

Leur moyenne d’âge au décès est de 51 ans (IC95% : [46,87-56,06]), non statistiquement différente de celle des hommes (50 ans, IC95% :[48,69-51,34]). Cet âge est bien inférieur à l’âge moyen de décès des femmes en population générale en France pour l’année 2019 qui est de 83 ans.

Les femmes en situation de rue et celles en hébergement avaient une moyenne d’âge au décès respectivement de 53 ans et 54 ans. Les femmes pour lesquelles le statut n’a pu être précisé (probablement sans chez soi), étaient, elles, âgées en moyenne de 47 ans. Mais ces différences ne sont pas statistiquement significatives.

42% des décès sont survenus en Ile de France et 58% dans les autres régions (pour les hommes, 39% en Ile de France et 60,83% dans les autres régions).

42% (n=20) des femmes sont décédées sur la voie publique ou en abri de fortune, 21% (n=10) dans un établissement de soins et 13% (n=6) dans une structure d’hébergement. Cette répartition des lieux de décès n’est pas différente de celle des hommes (respectivement 49%, 28% et 10%). Pour 25% d’entre elles (n=12), le lieu de décès est inconnu (11,33% pour les hommes). Si pour 63% (n=30) la cause de décès n’est pas connue, la mort est liée à des causes externes dans 21% des cas (n=10): intoxication, overdose, accident, violences conjugales, suicide (distribution comparable à celle observée chez les hommes).

Dans 58% des cas, le temps d’errance en situation de rue n’a pu être précisé. Parmi les femmes pour lesquelles une information a pu être recueillie, 33% avaient passé plus d’un an en situation de rue (32% pour les hommes) et 13% plus de 10 ans (12% pour les hommes).

23 femmes (48%) avaient des enfants, moins de 5 femmes vivaient avec ces derniers.

Page 34: Edito - Morts de la Rue

34

Tableau 6 Comparaison des personnes sans chez soi décédées en 2019 et recensées par le CMDR selon leur situation par

rapport au logement, France

n % n %

Sexe 0,143

Masculin 176 (92) 129 (87)

Féminin 16 (8) 17 (11)

Manquant 0 - 2 (1)

Age 0,057

Age moyen (± SD)

Rang [min-max]

Classes d'âge 0,661

[0-30[ 11 (6) 7 (5)

[30-45[ 46 (24) 29 (20)

[45-65[ 97 (51) 74 (50)

≥ 65 35 (18) 36 (24)

Manquant 3 (2) 2 (1)

Pays de naissance 0,003*

France 117 (67) 78 (53)

UE 36 (21) 21 (14)

Hors UE 21 (11) 39 (26)

Manquant 18 (9) 10 (7)

Région de décès 0,084

Ile de France 64 (33) 61 (41)

Autres régions 128 (67) 87 (59)

Lieu de décès <0,001*

Hébergement/logement 8 (4) 44 (30)

Abri 32 (17) 7 (5)

Voie/espace public 81 (42) 17 (11)

Lieu de soins 54 (28) 54 (36)

Détention 2 (1) 1 (<1)

Manquant 15 (8) 25 (17)

Causes de décès 0,014*

Causes de décès mal définies et inconues (R00-R99) 118 (61) 92 (62)

Causes externes (V01-Y98) 44 (23) 25 (17)

Maladies de l'appareil circulatoire (I00-I99) 15 (8) 4 (3)

Tumeurs (C00-D48) 7 (4) 12 (8)

Troubles mentaux et comportements (F00-F99) 0 - 4 (3)

Maladies de l'appareil digestif (K00-K93) 2 (1) 2 (1)

Autres causes 6 (3) 9 (6)

Addictons 0,851

Pas d'information 88 (46) 65 (44)

Non 8 (4) 8 (6)

Ancienne 8 (4) 7 (5)

Actuel 88 (46) 67 (45)

Antécédents mentaux

Pas d'information 119 (62) 75 (51)

Non 27 (14) 33 (22)

Oui 46 (24) 40 (27)

Suivi médical

Pas d'informations disponibles 147 (77) 104 (70)

Non 21 (11) 4 (3)

Oui 24 (13) 40 (27)

Mise en œuvre de démarches sociales (dernière année)

Pas d'information disponible 116 (60) 94 (64)

Aucune démarche initiée 19 (10) 6 (4)

Refus de toute aide 17 (9) 3 (2)

Démarche initiée 40 (21) 45 (30)

Placements durant l'enfance

Pas d'information disponible 159 (83) 118 (80)

Pas de placements durant l'enfance 27 (14) 21 (14)

Existence d'un placement 6 (3) 9 (6)

Variables Valeur p

50 ±14 54 ±15

Situation de rue

N=192

Hébergé

N=148

[n=187] [n=146]

[0-80] [5-90]

Page 35: Edito - Morts de la Rue

35

Les anciens sans chez soi

Après avoir connu un parcours d’errance allant de plusieurs mois à plus de 10 ans pour certaines, 97 personnes ont pu avoir accès à un logement mais sont malheureusement décédées en 2019. Le recensement de cette population est très loin d’être exhaustif, plus encore que pour les personnes sans chez soi, car une fois ayant accédé à un logement, ces personnes ne sont plus toutes suivies par les différents acteurs de l’AHI. Par conséquent, le CMDR ne reçoit qu’un très faible nombre de signalements.

Les éléments suivants sont donc succincts.

L’âge au décès est connu pour 89 des personnes anciennement sans chez soi, il est en moyenne de 63 ans (IC95% :[60,11-65,62]), soit plus élevé et différent de l’âge au décès des personnes sans chez soi (50 ans), cette différence est significative p<0,001.

81% étaient des hommes, 19% des femmes. Pour 6 personnes, il n’a pas été possible d’avoir l’information.

73% des personnes anciennement sans chez soi étaient nées en France, 6% hors de l’Union Européenne, 5% dans l’Union. Pour 15%, le pays de naissance n’a pu être identifié.

Au moins 6 personnes avaient été placées durant leur enfance. Parmi les événements qui avaient conduit à la rue, la maladie (n=3), la perte de travail (n=2), une séparation conjugale (n=2) et familiale (n=2) constituent les motifs rencontrés lorsque l’information a pu être recueillie.

Le temps passé à la rue a pu être recueilli pour 35 personnes. Parmi elles, 51% avaient passé plus de dix ans en situation de rue, 11% entre cinq et dix ans, 26% entre un et cinq ans, 6% entre six mois et un an. 6% n’avaient jamais passé de temps en situation de rue proprement dit, mais avaient été hébergées sur une période variable de six mois à dix ans.

Les décès des personnes anciennement sans chez soi surviennent tout au long de l’année, principalement en mai (16%, n=15), octobre (14%, n=13), janvier (12%, n=11) et juin (11%, n=10).

Comme pour les personnes sans chez soi, la répartition géographique des décès recensés met en évidence leur forte concentration dans la région Ile de France (46%).

Pour 30,85% des personnes, le décès a eu lieu dans une structure de soins et pour 30% dans le lieu d’habitation. Pour 29% d’entre elles, le lieu du décès n’a pu être renseigné.

Les causes de décès demeurent largement méconnues (79%, n=74). Il a, toutefois, été possible d’en identifier quelques-unes : 13 décès étaient dus à une maladie ou une tumeur, 7 à des causes violentes (suicides, overdose, incendie, agressions, accident de transport).

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36

Discussion

Les décès des personnes sans chez soi et leurs causes

Le nombre de personnes sans chez soi décédées et recensées en 2019 par le CMDR s’élève à 659, curieusement en légère diminution par rapport à l’année 2018 (-6%), alors que d’année en année les chiffres augmentaient progressivement. Cette baisse pourrait s’expliquer par le contexte épidémique rencontrée début 2020 qui a conduit les acteurs à répondre aux enjeux de la crise, limitant potentiellement les signalements vers le Collectif. Ces chiffres restent très probablement inférieurs à la réalité du fait d’un facteur d’exhaustivité estimé à 17% en 2014 pour les données du Collectif (22). Alors qu’il n’est mesuré qu’une partie seulement de la mortalité des personnes sans chez soi en France, ces 659 morts de la rue survenues en 2019 constituent déjà un chiffre trop élevé.

L’âge moyen au décès des personnes sans chez soi estimé à 50 ans (IC95% : [48,91-51,44]) en 2019 demeure largement inférieur à celui de la population générale en France, différence d’un peu moins de 30 années. Cette différence notable entre ces 2 populations est également retrouvée par C.Vuillermoz sur la période 2008-2010 (49 ans contre 77 ans) (10) et par J.Romaszko(12) en Pologne. Par ailleurs, de nombreuses études estiment entre 2 et 6 la différence de taux de mortalité standardisé entre population sans domicile et population générale (27)(17)(28). D’autres auteurs mettent en évidence un excès de risque de mortalité plus important parmi les personnes sans domicile jeunes, cet excès de risque diminuant ensuite progressivement avec l’âge (16)(29).

La mortalité des personnes recensées par le CMDR depuis 2012 touche principalement les hommes (89% des décès en 2019), ne reflétant pas la proportion de femmes vivant sans chez soi (38% pour l’INSEE) ou la mortalité en population générale relativement équilibrée entre les deux sexes. Ce résultat concorde avec certaines études antérieures (18)(30) sur les personnes sans domicile mais n’est pas constant. M.Nordentoft (17) à Copenhague estime que les femmes sans domicile sont plus à risque de décès, quand U.Beijer(15) à Stockholm conclut à une absence de différence selon le sexe.

Les décès survenus au cours de l’automne et de l’hiver 2019 semblent plus nombreux qu’au printemps et qu’en été, ceci par rapport à la population générale en France, cette différence est retrouvée sur la période 2008-2010 (10). Cela ne signifie pas pour autant que les personnes sans chez soi ne décèdent pas l’été. Au contraire, les données du CMDR sur la période 2012-2019 mettent en évidence une augmentation progressive de ces décès l’été, même s’il s’agît toujours du plus faible nombre de décès recensés (exception faite de 2019). Par ailleurs, la saisonnalité des décès retrouvée parmi les personnes sans chez soi est également retrouvée en population générale en France avec une baisse progressive des décès de janvier à août avant une remontée en septembre (31). Les différences observées entre ces deux populations pourraient s’expliquer par un biais lié au retour d’information (10) ; une plus grande attention portée l’hiver par les associations, médias, administrations et particuliers envers les personnes sans chez soi favorise un meilleur signalement des décès. A contrario, le principal lieu de décès de la population générale en France est l’hôpital (26) qui a une activité de signalement constante tout au long de l’année. Ces différences de mortalité des personnes sans chez soi au cours des saisons sont également discutées dans la littérature, certaines études montrent que les décès sont plus fréquents l’hiver (10)(32), alors que d’autres ne constatent pas de lien (33).

En 2019, parmi les causes de décès identifiées par le CMDR, au moins une sur cinq était liée à des morts violentes (intoxications dont overdoses, suicides et agressions) quand une sur neuf était liée à une maladie (tumeurs, maladies liées à l’appareil circulatoire et à l’appareil respiratoire), mais la proportion de personnes dont la cause de décès est demeurée mal connue ou non précisée est importante (67%). Si l’importance des causes externes dans les décès des personnes sans chez soi est retrouvée dans l’étude de C.Vuillermoz (10), à Londres (34) et plus encore dans les études des années 1990-2000 (35)(32)(36)(37)(38)(17), d’autres études mettent en évidence le poids des maladies (maladies liées à l’appareil circulatoire, tumeurs) dans les décès de la population sans domicile (13)(19)(39)(12).

Des décès qui touchent certaines personnes sans chez soi ?

Les données relatives au profil et au parcours des personnes sans chez soi présentent une proportion importante de données manquantes, ceci limite l’interprétation des résultats. En reprenant les données de l’étude de l’INSEE de 2012 (4), 9% des personnes sans domicile étaient considérées comme sans

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37

abri alors que parmi les décès recensés par le CMDR, 29% des décès concernent des personnes en situation de rue. Cette différence suggère une plus grande vulnérabilité de la population vivant à la rue sans recours aux dispositifs d’hébergement.

Les hommes sont surreprésentés parmi les décès recensés par le CMDR (89% contre 62% dans l’étude INSEE). L’étude HYTPEAC (8), sur Paris et l’Ile de France, a cependant mis en évidence, une plus forte présence masculine parmi les personnes vivant dans l’espace public avec un sex-ratio de 16,9, contre seulement 1,9 en structure d’hébergement. Les données du CMDR se rapprochent plus des constations de l’Observatoire du Samusocial de Paris pour les personnes en situation de rue (sex-ratio de 11) mais des questionnements persistent quant à la plus faible proportion des décès recensés parmi les femmes sans chez soi.

Les décès observés concernent majoritairement la tranche d’âge 45-65 ans (49%) alors que la population de personnes sans domicile décrite par l’INSEE était composée principalement de personnes âgées de 18 à 49 ans (75%), ce qui pourrait suggérer l’existence d’un risque de décès qui augmente avec l’âge comme retrouvé dans d’autres études concernant principalement les plus de 45 ans.

Le temps moyen passé sans domicile était estimé à 8,3 mois pour l’ensemble des sans domicile francophones dans l’étude de l’INSEE quand l’étude HYTPEAC montrait que le temps moyen depuis la perte du premier logement était de 10,6 ans pour les personnes vivant dans l’espace public et de 6,6 ans pour les personnes vivant dans les dispositifs d’hébergement. Cependant si ces 2 études n’avaient pas le même périmètre (France entière vs Ile de France), elles avaient la même définition de cas12, différente de celle du CMDR qui elle explore les trois derniers mois de vie. Parmi les personnes sans chez soi décédées recensées par le CMDR, le temps d’errance était de plus d’un an pour 90% des personnes pour lesquelles une information avait pu être recueillie (n=197). Parmi elles, 33% avaient passé plus de 10 ans en rue.

Près de 44% des personnes vivantes et sans domicile de l’étude INSEE (40) étaient nées en France. L’étude HYTPEAC retrouvait, quant à elle, que plus de la moitié (55%) des personnes vivant à la rue étaient nées en France contre 39% dans les structures d’hébergement. Cette distribution pourrait expliquer en partie les résultats obtenus par le CMDR qui constate que 67% des personnes décédées en situation de rue étaient nées en France contre 53% des personnes dont les décès sont survenus en structure d’hébergement.

Limites

Le recueil des décès effectué par le CMDR n’est pas exhaustif (22) et le nombre de décès non recensés est probablement très élevé malgré l’amélioration de la surveillance. Les tendances observées (augmentation progressive du nombre de décès notamment) ne sauraient traduire une évolution de la mortalité réelle des personnes sans chez soi même si elle est très vraisemblable. Pour ces raisons, le travail engagé avec l’INSERM-CépiDC en vue de répéter le croisement des bases de données du CMDR et du registre national des causes de décès en France (22)(10) permettra d’obtenir des données actualisées et de rendre compte plus précisément de la mortalité et de ses causes parmi les personnes sans chez soi.

Les données obtenues ne sont que des données de mortalité. En l’absence d’information précise quant à la taille et à la composition de la population de personnes sans chez soi en France (absence de recensement depuis 2012), il n’est pas possible de calculer des mesures d’incidence comme un taux de mortalité. Au regard des publications précédemment citées, il apparaît comme très probable que celui-ci soit beaucoup plus élevé parmi les personnes sans chez soi qu’en population générale.

De par son histoire et son lieu d’implantation en Ile de France, le Collectif a développé des relations privilégiées avec certains acteurs locaux, permettant un signalement facilité des décès. Ainsi sur la période 2012-2018, environ 1 décès sur 4 avait eu lieu en Ile de France. L’INSEE, en 2012, estimait que près de 43% des personnes sans domicile vivaient dans l’agglomération parisienne (41). La plus forte proportion de décès en Ile de France recensée par le CMDR pourrait être liée à une plus grande concentration de la population dans la région mais aussi à un biais dans la distribution géographique des décès recensés.

Le fait que certains décès soient signalés par des médias, d’autres par des associations et ce, à des périodes de l’année différentes, incite à considérer l’existence très probable d’un biais dans le profil des

12 Ayant dormi la nuit précédant l’enquête dans un lieu non prévu pour l’habitation

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personnes décédées recensées par le CMDR, notamment quant à leur situation par rapport à la rue, au contexte social et aux circonstances du décès.

Au regard des données recueillies concernant le parcours des personnes sans chez soi décédées, et de la forte proportion d’informations manquantes, il est raisonnable de penser qu’il puisse exister également des biais de classement différentiels (biais de mémorisation, biais lié aux réponses attendues), le recueil est réalisé à posteriori et cible des personnes indirectement concernées (personnes ayant été en relation avec le défunt). Les tiers, autre que les médias, signalant des décès sont plus susceptibles de détenir des informations concernant des personnes en situation d’hébergement (suivi régulier) que pour des personnes en situation de rue (fréquence des contacts plus limitée, relation plus instable). De même, les équipes du CMDR menant les entretiens avec les tiers pourraient être influencées par le profil de certains cas et rechercher certaines informations plus que d’autres.

Recommandations

La surveillance de la mortalité par le CMDR nécessite d’être améliorée afin de répondre aux enjeux de l’exhaustivité des données. Il s’agit d’un axe de travail complexe mais qui permettrait d’obtenir une image plus représentative des personnes sans chez soi qui décèdent chaque année. Une évaluation en routine du dispositif de surveillance du CMDR permettrait également d’en préciser les pistes d’amélioration.

Afin de formuler des recommandations relatives aux stratégies de prévention et de prises en charge, il serait souhaitable de pouvoir disposer d’informations actualisées sur la population sans chez soi vivante. Ceci permettrait d’en analyser de manière plus spécifique la mortalité et d’en préciser les facteurs de risque, préalable nécessaire afin de développer des actions de prévention.

Conclusion

Ce rapport vise à décrire la mortalité des personnes sans chez soi en 2019. Malgré les limites identifiées, les données présentées par le CMDR constituent une source unique d’information sur cette population.

659 décès liés à l’absence d’un logement durant une période de la vie ont été recensés pour cette année 2019. Ce chiffre bien que non-exhaustif est déjà bien trop élevé.

L’âge moyen au décès est particulièrement bas comparativement à celui observé pour la population française et met en évidence la très grande vulnérabilité des personnes qui, à un moment de leur vie, se voient contraintes de vivre sans chez soi. Cette différence doit inciter à l’action.

Bien qu’une saisonnalité des décès existe, ces derniers ne surviennent pas uniquement durant la période hivernale et les actions d’hébergement et logement doivent se poursuivre tout au long de l’année.

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Annexes

Annexe 1 \\ Questionnaire de recueil de données

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Annexe 2 – Tableaux de données recueillies par le CMDR

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Données relatives à l’état de santé

Tableau 7 Éléments relatifs à la santé des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019, France

n % n %

Informations sur les pathologies

Pas d'information 326 (58) 2343 (66)

Oui 237 (42) 1218 (34)

Nombre moyen de pathologie

Informations sur les antécédants médicaux

Pas d'information 540 (96) 2959 (83)

Oui 23 (4) 602 (17)

Nombre moyen d'antécédents

Informations relatives aux addictions

Addiction à l'alcool

Pas d'information 399 (71) 2393 (67)

Non 17 (3) 138 (4)

Ancienne 11 (2) 91 (3)

Actuel 136 (24) 939 (26)

Addiction aux drogues

Pas d'information 476 (85) 2928 (82)

Non 27 (5) 303 (9)

Ancienne 9 (2) 64 (2)

Actuel 51 (9) 266 (7)

Addiction aux médicaments

Pas d'information 523 (93) 3175 (89)

Non 30 (5) 296 (8)

Ancienne 1 (<1) 5 (<1)

Actuel 9 (2) 85 (2)

Addiction au tabac

Pas d'information 479 (85) 2955 (83)

Non 14 (2) 101 (3)

Ancienne 4 (1) 20 (1)

Actuel 66 (12) 485 (14)

Variables

2,1 ± 1,32,2 ±1,2

1,8 ±1,31,2 ±0,6

Sans chez soi 2012-2018

(N=3561)

Sans chez soi 2019

(N=563)

Page 50: Edito - Morts de la Rue

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n % n %

Etat psychologique

Antécédents mentaux

Pas d'information 409 (73) 2612 (73)

Non 60 (11) 512 (14)

Oui 94 (17) 437 (12)

Consultation psychiatrique

Pas d'information 498 (88) 3338 (94)

Non 25 (4) 91 (3)

Oui 40 (7) 132 (4)

Traitement psychiatrique

Pas d'information 51 (92) 3385 (95)

Non 28 (5) 89 (3)

Oui 16 (3) 87 (2)

Hospitalisation au moment du décès

Pas d'information 150 (27) 705 (20)

Non 344 (61) 1937 (54)

Oui 69 (12) 919 (25)

Hospitalisation (dernière année)

Pas d'information 479 (85) 2917 (82)

Non 23 (4) 168 (5)

Oui 61 (11) 476 (13)

Informations sur le nb d'hospitalisation (<1an)

Pas d'inforation disponible 529 (94) 3308 (93)

Oui 34 (6) 253 (7)

Nombre moyen d'hospitalisaiton (<1an)

Admission aux urgences

Pas d'information 542 (96) 3445 (97)

Non 9 (2) 25 (1)

Oui 12 (2) 91 (3)

Nombre moyen d'admission aux urgences

Durée dernière hospitalisation

Pas d'informations disponible 515 (91) 3338 (94)

Informations disponibles 48 (9) 223 (6)

Durée dernière hospitalisation

Délai dernière hospitalisation - décès

Pas d'information 539 (95) 3427 (96)

Informations disponibles 24 (4) 134 (4)

Délai dernière hospitalisation - décès (jours)

Suivi médical

Pas d'informations disponibles 472 (84) 3120 (88)

Non 25 (4) 117 (3)

Oui 66 (12) 324 (9)

2,4 ±1,8

2,0 ±1,01

2,4 ±1,2

1,6 ±1,2

2,5 ±2,7

3,0 (±3,1)

2,6 ±1,3

2 ±1,2

Variables

Sans chez soi 2019

(N=563)

Sans chez soi 2012-2018

(N=3561)

Page 51: Edito - Morts de la Rue

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Données relatives au suivi administratif

Tableau 8 Éléments relatifs au suivi administratif des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en 2019,

France

n % n %

Existence d'un suivi social

Pas d'information disponible 347 (62) 2413 (68)

Pas de suivi social 7 (1) 76 (2)

Bénéficie d'un suivi social 209 (37) 1072 (30)

Acteur du suivi social

Associations 68 (33)

non précisé 29 (14)

CCAS 27 (13)

Maraudes 22 (11)

Autres 18 '(9)

Mise en œuvre de démarches sociales (dernière année)

Pas d'information disponible 427 (76) 2748 (77)

Aucune démarche initiée 26 (5) 202 (6)

Refus de toute aide 22 (4) 54 (2)

Démarche initiée 88 (16) 557 (16)

5 principales démarches réalisées

Accès au logement 20 (23)

Autre 18 (20)

Accès aux soins 14 (16)

Régularisation de la situation administrative 6 (7)

Papiers d'identité 6 (7)

Domiciliation

Pas d'information disponible 297 (53) 2376 (67)

Absence de domiciliation 46 (8) 158 (4)

Bénéficie d'une domiciliation 220 (39) 1027 (29)

Adresse de domiciliation

Association 99 (45) 439 (43)

CCAS 38 (17) 177 (17)

Centre d'hébergement 32 (15) 192 (19)

Non précisé 21 (10) 62 (6)

Autre 12 (5) 62 (6)

Membre de la famille 6 (3) 40 (4)

Ancien domicile 6 (3) 20 (2)

Ami ou connaissance 3 (1) 27 (3)

Hotel 3 (1) 8 (1)

Protection juridique

Pas d'information disponible 501 (89) 2902 (81)

Pas de protection jurdique 33 (6) 513 (14)

Bénéficie d'une protection jurdique 29 (5) 146 (4)

Type de protection juridique

Tutelle 19 (66) 81 (55)

Curatelle 9 (31) 47 (32)

Autre 1 (3) 7 (5)

Non précisé - 11 (8)

Variables

[n=209] -

[n=88]

Sans chez soi 2019

N=563

Sans chez soi 2012-2018

N=3561

[n=1027][n=220]

[n=29] [n=146]

Page 52: Edito - Morts de la Rue

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n % n %

Couverture santé

Pas d'information disponible 426 (76) 2801 (79)

Pas de couverture santé 13 (2) 110 (3)

Bénéficie d'une couverture santé 124 (22) 650 (18)

Type de couverture (n1=124, n2=650)

Securité sociale 61 (49) 202 (31)

CMU-C 33 (27) 125 (19)

AME 18 (15) 128 (20)

PUMA 5 (4) 10 (2)

Non précisé 5 (4) 54 (8)

CMU 2 (2) 131 -20,00

Sources de revenus

Pas d'information disponible 380 (68) 2575 (72)

Pas de revenus 13 (2) 131 (4)

A bénéficié d'un revenu 170 (3) 855 (24)

Type de revenus disponibles

Minima ou salaire 96 (56) 584 (68)

Revenus issus de la mendicité ou de services informels 57 (34) 208 (24)

Minima/salaire et mendicité/services informels 17 (3) 63 (2)

Détails des 5 principales sources de revenus

RSA 43 (25)

Mendicité 31 (18)

Retraite 24 (14)

AAH 18 (11)

Autres 12 (7)

Etudes les plus élevées

Pas d'information disponible 524 (93) 3259 (92)

Pas d'étude 3 (1) 16 (<1)

A fait des études 36 (6) 286 (8)

Niveau d'étude

Préparation d'un CAP, BEP, seconde pro 10 (28) 72 (25)

Lycée général 9 (25) 45 (16)

Collège 8 (22) 82 (29)

Etudes supérieures 5 (14) 43 (15)

Primaire 3 (8) 38 (13)

Lycée technologique 1 (3) 6 (2)

Travail pendant les 12 derniers mois

Pas d'information disponible 366 (65) 2473 (69)

Pas de travail 183 (33) 1002 (28)

A travaillé 14 (2) 86 (2)

Type d'activité

Travail à temps plein 6 (43) 13 (15)

Travail occassionnel 7 (50) 59 (69)

Travail à temps partiel 1 (7) 14 (16)

Régularité administrative des personnes nées à l'étranger

Absence d'information 153 (80) 748 (66)

Situation régulière 21 (11) 182 (16)

Situation irrégulière 18 (9) 169 (15)

Variables

[n=192] [n=1099]

[n=36] [n=286]

[n=170] -

[n=170] [n=855]

[n=14] [n=86]

[n=124] [n=650]

Sans chez soi 2019

N=563

Sans chez soi 2012-2018

N=3561

Page 53: Edito - Morts de la Rue

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Données relatives à l’enfance et à la famille

Page 54: Edito - Morts de la Rue

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Tableau 9 Éléments relatifs à l’enfance et à la famille des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en

2019, France

n % n %

Enfance et éducation

Pas d'information disponible 517 (91) 3215 (90)

Informations relatives à l'éducation 46 (8) 346 (10)

Principales personnes ayant élevé l'individu (6 sur 17 combinaisons)

Les deux parents 19 (41)

Autre: famille d'accueil, foyer, insituts mal définis 4 (9)

Institut ou foyer 3 (7)

Famille d'accueil 3 (7)

Grands parents 3 (7)

Mère seule 3 (7)

Placements durant l'enfance

Pas d'information disponible 495 (88) 3239 (91)

Pas de placements durant l'enfance 52 (9) 240 (7)

Existence d'un placement 16 (3) 82 (2)

Type de placement

En institution 8 (50) 22 (27)

En famille d'accueil 3 (19) 23 (28)

Non précisé 3 (19) 23 (28)

En alternace famille - foyer 2 (13) 14 (17)

Fratrie

Pas d'information disponible 450 (80) 2860 (80)

Pas de frère ou sœur 1 (<1) 27 (1)

Existence de frères et/ou sœurs 112 (20) 674 (19)

Mode de vie

Pas d'informations disponibles 423 (75) 2501 (70)

Informations relatives au mode de vie 140 (25) 1060 (30)

Détails du mode de vie

Seul 100 (71) 759 (72)

En groupe 23 (16) 139 (13)

En couple 15 (11) 115 (11)

En famille 2 (1) 47 (4)

Parentalité

Pas d'informations disponibles 392 (70) 2556 (72)

Pas d'enfants 52 (9) 378 (11)

Avait un ou des enfants 119 (21) 627 (18)

Enfants mineurs

Pas d'informations disponibles 96 (81) 541 (86)

Oui 23 (19) 86 (14)

Enfants mineurs mineurs présent avec la personne

Pas d'information disponible 21 (91) 80 (93)

Oui 2 (9) 6 (7)

Communication avec la famille au cours de la dernière année

Pas d'informations disponibles 416 (74) 2798 (79)

Aucun échange 66 (12) 362 (10)

Des échanges au moins 1/an 42 (7) 211 (6)

Des échanges au moins 1/mois 39 (7) 165 (5)

Pas de famille 0 - 25 (1)

Existence de liens sociaux

Pas d'informations disponibles 364 (65) 2671 (75)

Des liens sociaux existant avant le décès 199 (35) 890 (25)

5 principales interactions sociales

Avec des amis 40 (20)

Avec les maraudes 11 (6)

Avec le voisinage du lieu de vie 10 (5)

Avec des amis et les maraudes 10 (5)

Avec les cohabitants de la structure d'hébergement 9 (5)

Variables

2,6 ±2,6

1,8 ±0,9

2,6 ±2,4

2,0 ±1,5

Sans chez soi 2019

N=563

Sans chez soi 2012-2018

N=3561

[n=46] -

[n=16] [n=82]

[n=199] -

Nombre moyen de frères et sœurs quand connu [n=72] [n=124]

[n=94] [n=529]Nombre moyen d'enfants quand connu

[n=119] [n=627]

[n=23] [n=86]

[n=140] [n=1060]

Page 55: Edito - Morts de la Rue

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Données relatives aux ruptures et aux événements ayant conduit à la rue

Tableau 10 Éléments relatifs aux ruptures rencontrées par les personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR en

2019, France

n % n %

Ruptures au cours de la vie

Pas d'informations disponibles 165 (29) 2187 0,61

Informations recueillies 398 (71) 1374 0,39

11 Principales ruptures rencontrées (11 sur 180 combinaisons)

Déménagement/immigration 122 (31)

Divorce 22 (6)

Déméangement/immigration et Troubles psychiatriques 9 (2)

Déménagement/immigration et Addiction à des substances illicites 8 (2)

Déménagement/Immigration et Divorce 7 (2)

Addictions à des substances illicites 6 (2)

Déménagement/immigration et Divorce et Addiction à des substances 6 (2)

Accident 5 (1)

Accident et Addiction à l'alcool 5 (1)

Violences conjuguales 5 (1)

Déménagement/immigration et Dette 5 (1)

Evenement(s) ayant conduit à la rue

Pas d'informations disponibles 467 (83) 3048 0,86

Informations recueillies 96 (17) 513 0,14

9 Principaux événéments ayant conduit à la rue (9/36 combinaisons)

Séparation conjuguale 20 (21)

Séparation familiale 11 (11)

Expulsion du logement 9 (9)

Eloignement géographique (hors expulsions et motifs financiers) 7 (7)

Décès d'un proche (famille, ami, …) 6 (6)

Sortie de détention 3 (3)

Travail (chômage, accident de travail, …) 3 (3)

Séparation conguguale et familiale 3 (3)

Séparation familiale et éloignement géographique 3 (3)

Variables

[n=96] -

Sans chez soi 2019

N=563

Sans chez soi 2012-2018

N=3561

[n=398] -

Page 56: Edito - Morts de la Rue

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Données relatives au parcours résidentiel

Tableau 11 Éléments relatifs à l’errance et à l’hébergement des personnes sans chez soi décédées et recensées par le CMDR

en 2019, France

n % n %

Temps d'errance en situation de rue

Pas d'informations disponibles 366 (65) 2214 (62)

Informations renseignées 197 (35) 1347 (38)

Distribution par classe de temps

Jamais en situation de rue 7 (4) 20 (1)

< 6 mois 5 (3) 56 (4)

[6 mois - 12 mois[ 8 (4) 61 (5)

[1 an - 5 ans[ 60 (30) 336 (25)

[5 ans - 10 ans [ 52 (26) 309 (23)

≥ 10 ans 65 (33) 565 (42)

Temps passé en situation d'hébergement

Pas d'informations disponibles 404 (72) 2791 (78)

Informations renseignées 159 (28) 770 (22)

Distribution par classe de temps

Jamais hébegé 8 (5) 36 (5)

< 6 mois 27 (17) 114 (15)

[6 mois - 12 mois[ 20 (13) 115 (15)

[1 an - 5 ans[ 69 (43) 323 (42)

[5 ans - 10 ans [ 16 (10) 105 (14)

≥ 10 ans 19 (12) 77 (10)

Fréquentation des Accueils de jour ou ESI

Pas d'information disponible 426 (76) 2732 (77)

Non 65 (12) 429 (12)

Oui mais sans information de fréquence 4 (1) 44 (1)

Oui, ponctuellement 39 (7) 140 (4)

Oui, régulièrement 29 (5) 216 (6)

Fréquentation des hébergements d'urgence

Pas d'information disponible 395 (70) 2718 (76)

Non 80 (14) 404 (11)

Oui mais sans information de fréquence 33 (6) 45 (1)

Oui, ponctuellement 34 (6) 176 (5)

Oui, régulièrement 21 (4) 218 (6)

Typologie de l'exclusion liée au logement ETHOS

Dernier lieu de vie non connu 204 (36) 1210 (34)

Dernier lieu de vie connu 359 (64) 2351 (66)

Type de lieu d'habitation

Sans Abri 195 (54) 1118 (48)

Sans Logement 131 (36) 902 (38)

Logement précaire 30 (8) 222 (9)

Logement inadéquat 2 (1) 43 (2)

Logement 1 (<1) 66 (3)

Variables

[n=359] [n=2351]

Sans chez soi 2019

(n=563)

Sans chez soi 2012-2018

(n=3561)

[n=159] [n=770]

[n=1347][n=197]

Page 57: Edito - Morts de la Rue

57

Partie 2

ÉVALUATION DE LA

SURVEILLANCE REALISEE PAR

LE COLLECTIF LES MORTS DE LA

RUE

Page 58: Edito - Morts de la Rue

58

Résumé partie 2

Contexte – En 2002, le Collectif les Morts de la Rue s’est constitué afin de rendre visibles les décès de personnes sans chez soi survenant sur le territoire français. En 2012, l’association a reçu l’appui de la Direction Générale de la Cohésion Sociale afin de structurer cette surveillance et d’en améliorer la qualité. La démarche présentée dans ce rapport présente les résultats de la première évaluation menée sur le système de surveillance mis en œuvre par le Collectif.

Méthodes – Cette évaluation interne du dispositif repose sur une approche mixte. L’évaluation qualitative a reposé sur des échanges menés tout au long de l’année avec les équipes du CMDR et sur l’analyse des documents disponibles. L’évaluation quantitative s’est appuyée sur les données recueillies en routine par le système et a été menée entre mars et juillet, notamment avec des analyses descriptives. Les critères retenus pour cette évaluation étaient l’objectif visé par le système de surveillance, son utilité, son fonctionnement et ses qualités intrinsèques.

Résultats – Les données issues de la surveillance du CMDR constituent une des principales sources d’informations relatives à la mortalité des personnes sans chez soi en France. Si elles souffrent encore d’un manque d’exhaustivité et d’un nombre conséquent de données manquantes, elles permettent, tout de même, de mettre en évidence une problématique tant sanitaire que sociale. Le fonctionnement du dispositif est très centralisé, au sein même du CMDR, à Paris. Les équipes composées de salariés, auto-entrepreneurs et bénévoles s’appuient sur un ensemble d’outils visant à faciliter le traitement des signaux et le recueil de données. Elles sont toutefois confrontées à certaines difficultés comme la recherche de l’interlocuteur adéquat et sa disponibilité afin de décrire le parcours de vie du défunt. Une période d’activité intense s’étalant de décembre à mars est identifiée, elle résulte de signalements groupés tardifs. Les sources de signalement du dispositif sont en évolution constante et il est nécessaire qu’elles soient consolidées et développées. De fait de leur diversité et de leur spécificité, elles peuvent induire des variations dans les caractéristiques des personnes sans chez soi décédées. Si la couverture géographique du dispositif s’améliore, elle demeure encore centrée sur l’Ile de France. Les informations recherchées dans les enquêtes sont nombreuses et il est observé un nombre conséquent de données manquantes. Leur analyse met en évidence qu’elles ne sont pas manquantes par hasard et que des méthodes spécifiques sont nécessaires pour leur interprétation.

Conclusion – Les résultats de ce premier travail d’évaluation interne dressent un certain nombre de problématiques mais également des axes d’amélioration. Il est recommandé de mener une réflexion sur les objectifs visés par la surveillance, de développer et consolider le réseau d’acteurs par la formalisation de collaboration. Le recrutement, la formation et l’implication des bénévoles dans les actions de surveillance devraient être renforcés. Une organisation par unité régionale devrait faciliter les échanges avec les différents acteurs et améliorer la couverture géographique du système. La poursuite et le développement de collaborations avec les différentes structures de recherche sont encouragées afin d’améliorer les connaissances sur la mortalité des personnes sans chez soi. Enfin, ce premier travail incite à développer une évaluation en routine du dispositif en impliquant les différents acteurs.

Page 59: Edito - Morts de la Rue

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Liste des abréviations

AHI Dispositif d’Accueil Hébergement Insertion

CDC Centers for Disease Control and Prevention

CHRS Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale

CHU Centre d’Hébergement d’Urgence

CIM10 Classification Internationale des cause Médicales de décès, 10ème version

CMDR Collectif les Morts de la Rue

CNIL Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

D&D Équipe Dénombrer & Décrire du CMDR

DGCS Direction générale de la cohésion sociale

ECDC European Center for Disease Prevention and Control

FAS Fédération des Acteurs de la Solidarité

FEANTSA Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans Abris

IC95% Intervalle de confiance à 95%

INSEE Institut National de la Statistique et des Études Économiques

INSERM Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

INSERM-CépiDC Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès

LHSS Lits Halte Soins Santé

MAR Missing At Random

MCAR Missing Completely At Random

MNAR Missing Not At Random

ONPES Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale

PED Équipe Proches En Deuil du CMDR

RGPD Règlement Général sur la Protection des Données

SIAO Service Intégré d’Accueil et d’Orientation

UNCCAS Union Nationale des Centres Communaux et intercommunaux d’Action Sociale

UNIOPSS Union Nationale Interfédérale des Œuvres et organismes Privés non lucratifs Sanitaires et Sociaux

Page 60: Edito - Morts de la Rue

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Liste des figures

Figure 1 Schéma de fonctionnement général de la surveillance continue de la mortalité par le CMDR ..................................... 63 Figure 2 Évolution de la proportion de décès appris l'année N et les années ultérieures ≥(N+1) par le CMDR, 2012-2020, France. ................................................................................................................................................................................................. 69 Figure 3 Évolution des signalements selon l'année des décès et le type de source, en effectif cumulé par année, CMDR 2012-2019, France ............................................................................................................................................................................. 71 Figure 4 Répartition des cas signalés au CMDR par mois de réception du signal et selon l'année de décès, CMDR, 2012-2019, France ....................................................................................................................................................................................... 75 Figure 5 Flowchart de la base du CMDR .................................................................................................................................. 76 Figure 6 Distribution départementale des décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR, 2012-2019, France ...... 84 Figure 7 Distribution départementale des décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR, 2012-2019, Ile de France ................................................................................................................................................................................................. 84

Liste des tableaux

Tableau 1 Définition de cas par le CMDR pour la surveillance de la mortalité des personnes sans domicile en France ............ 62 Tableau 2 Nombre de décès de personnes ayant connu une période sans domicile personnel et recensés par le CMDR, France 2012-2019 ................................................................................................................................................................................. 67 Tableau 3 Description des 55 variables de la base du CMDR 2012-2019 portant sur les personnes sans chez soi, France ..... 77 Tableau 4 Examen du motif des données manquantes retenues pour l'analyse univariée ........................................................ 79 Tableau 5 Analyse univariée des variables indicatrices de données manquantes à partir des variables présentant un minimum de 35% de données manquantes (excepté Type de rupture et Addiction) ................................................................................. 80 Tableau 6 Caractéristiques des décès recensés par le CMDR sur la période 2012-2019 selon le type de source de signalement ................................................................................................................................................................................................. 87 Tableau 7 Caractéristiques des décès recensés par le CMDR en 2019 selon le type de source de signalement ...................... 88 Tableau 8 Répartition des décès selon l’année de survenue et selon l’année de leur signalement au CMDR, France, 2012-2019 ................................................................................................................................................................................................. 99 Tableau 9 Répartition des décès selon la source de signalement, CMDR, 2012-2019, France ................................................. 99 Tableau 10 Répartition des signalements selon le type de source et le sens de l'information, CMDR, effectif cumulé 2012-2019, France ....................................................................................................................................................................................... 99

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Page 62: Edito - Morts de la Rue

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Introduction

En 2002, le Collectif Les Morts de la Rue (CMDR) se constituait afin de rendre visibles les décès de personnes sans chez soi survenant sur le territoire français. Les données étaient jusqu’alors très parcellaires, les décès identifiés concernant principalement des personnes en institution (1). Les résultats de la conférence de consensus organisée par la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS13) en 2007 abondaient dans ce sens: « Les travaux à conduire doivent poursuivre un double objectif d’amélioration de la connaissance des populations et de changement du regard de l’ensemble de la collectivité pour permettre une mobilisation à la hauteur de l’enjeu social et politique que représente la situation des personnes sans chez soi ». Le jury de la conférence recommandait ainsi « d’étudier la morbidité et la mortalité des personnes sans domicile » (2). A partir de 2010, l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES) se saisit de la question de la mortalité des personnes sans domicile et commandite un rapport au cabinet Cemka-Eval sur les sources de données existantes. Les conclusions de ce dernier (1) identifient la base de données du CMDR comme la plus complète et préconisent, parmi les différentes options possibles, de renforcer ses actions.

C’est ainsi que depuis 2012, le Collectif Les Morts de la Rue reçoit une subvention de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) afin d’améliorer l’exhaustivité et la qualité de ses données tout en menant des croisements avec l’INSERM-CépiDC14 pour analyser les causes des décès et en évaluer l’exhaustivité.

Tableau 12 Définition de cas par le CMDR pour la surveillance de la mortalité des personnes sans domicile en France

Définition des cas Catégories spécifiques

Personne « Sans chez soi » : toute personne ayant principalement* dormi au cours des 3 derniers mois précédant le décès dans un lieu non prévu pour l’habitation et/ou dans une structure d’hébergement

Sans chez soi « en situation de rue », ayant dormi principalement* :

- Dans des lieux non prévus pour l’habitation (Cave, cabane, voiture, usine, bureau, entrepôt, bâtiment technique, parties communes d’un immeuble, chantiers, tente, métro, gare, rue, pont, toilettes publiques, parking, square/jardin, ...)

- Dans un centre d’hébergement d’urgence avec remise à la rue chaque matin - Dans un dispositif temporaire mis en place dans le cadre du plan hivernal ou plan

grand froid (gymnase réquisitionné)

Sans chez soi « Hébergé » : ayant dormi principalement* : - Dans un centre d’hébergement collectif gratuit ou à faible participation, quel que soit le

centre (foyer d’urgence, centre de stabilisation, CHRS, Hôtel social, Asile de nuit, LHSS, Lits infirmiers, …)

- Dans un logement squatté (logement occupé sans droit ni titre) - Dans un logement s’il est hébergé par un ami ou de la famille faute de ne pouvoir avoir

son propre logement - Dans un hôtel, que la chambre soit payée par une association, un centre

d’hébergement, un organisme ou la personne (si cette situation est non pérenne)

« Probablement sans chez soi » : si la personne appartenait à l’une de ces deux catégories mais que le type exact d’habitat n’est pas connu

Personne « Ancien sans chez soi » : toute personne ayant été à un moment de la vie dans une situation sans chez soi mais qui, au décès, dormait principalement* au cours des 3 derniers mois dans un logement personnel (parc social ou privé) ou un logement accompagné (maisons-relais, résidences sociales, pensions de famille, Ehpad, …).

Personne « Récemment à la rue » : toute personne ayant perdu son logement depuis moins de 6 semaines

* Plus de 6 semaines sur les 3 derniers mois qui ont précédé le décès.

La surveillance réalisée par le CMDR a ainsi pour rôle de recenser et décrire la mortalité des personnes sans chez soi chaque année sur le territoire français15. Elle a pour objectifs spécifiques d’en décrire le profil, le parcours et les causes de décès. Elle vise ainsi à identifier des facteurs de risque et à formuler

13 Anciennement Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS). 14 Registre national des causes médicales de décès en France 15 Si la surveillance a pour population cible les personnes sans chez soi, elle intègre également les signalements de décès concernant des personnes anciens sans chez soi et récemment à la rue.

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des recommandations quant aux stratégies de prévention et de prise en charge de cette population vulnérable. Ce recensement permet aussi de donner toute sa valeur à L’hommage annuel aux Morts de la rue, en connaissant mieux toutes ces personnes décédées qui ont connu à un moment de leur vie un parcours à la rue.

L’indicateur utilisé est le nombre de décès annuel de personnes sans chez soi en ayant confirmé leur statut vis à vis du logement (tableau 1).

Cette surveillance repose sur le signalement des décès par des sources diverses : associatives, institutionnelles, et particuliers (Annexe 1). Elle est centralisée à un niveau national par le CMDR (Figure 1). Elle s’appuie sur une participation volontaire et constitue un processus systématique et continu tout au long de l’année. Pour cela, une fiche de signalement (Annexe 2) élaborée spécifiquement est accessible directement sur le site internet du Collectif Les Morts de la Rue16 et depuis mai 2020, un formulaire en ligne est également disponible17 . Des actions complémentaires sont menées par le CMDR pour en améliorer l’exhaustivité : recherche active de cas par des appels téléphoniques des équipes du CMDR vers les différents acteurs associatifs et veille médiatique (Annexe 3).

Figure 5 Schéma de fonctionnement général de la surveillance continue de la mortalité par le CMDR

A réception du signalement, les équipes du CMDR s’assurent de sa validité au regard des critères d’inclusion (décès d’une personne sans chez soi ou ayant connu un parcours à la rue) et réalisent une première recherche opportuniste de doublon. Après validation, le cas est saisi dans la base de données sécurisée Voozanoo®. A cette étape, une confirmation et un classement du cas (Tableau 1) sont réalisés par les équipes du CMDR par interrogation des bases de données open source (Fichier des

16 http://mortsdelarue.org/IMG/pdf/fiche_transmission_deces_CMDR-1.pdf 17 https://forms.gle/5PTkXETfiuCEw8SP9

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décès de l’INSEE18, plateforme MatchID19 ), le cas échéant en vérifiant l’acte de décès correspondant ou en enquêtant auprès de tiers. Les cas ne répondant aux critères de la surveillance ne sont pas supprimés de la base de données mais reclassés (jamais à la rue, isolé, non précisé). L’enquête sur le parcours des personnes est alors initiée. Le recueil de données est effectué par questionnaire standardisé (cf. Partie 1 Annexe 1) au cours d’entretien téléphonique auprès de proches ayant pu connaître, de leur vivant, les personnes sans chez soi décédées : travailleur social, éducateur, maraudeur, proches, voisins, …

Les principales informations collectées sont démographiques (date et commune de naissance, date et commune de décès, âge, sexe). Elles sont relatives au décès (circonstances de survenue, lieu et causes de décès), au contexte administratif, social et familial, au parcours résidentiel et à l’état de santé (Annexe 4).

Les données sont par la suite saisies sur Voozanoo®, une plateforme de saisie de données en ligne, sécurisée (agrément d’hébergement de données de santé conforme RGPD) et créée par Epiconcept.

Les causes de décès sont codées sur la base des informations recueillies et selon la classification internationale des maladies, 10ème révision (CIM-10) (3) par l’épidémiologiste du CMDR.

Les étapes de data management sont réalisées en routine afin de vérifier la qualité et la cohérence des informations recueillies.

Si le signalement des cas, leur intégration à la base de données et leur confirmation sont effectués de manière continue, le recueil de données sur le parcours des personnes sans chez soi décédées l’année N débute généralement au printemps de l’année N et se termine en avril de l’année N+1. Les cas signalés ultérieurement ne sont donc pas investigués quant à leur parcours.

L’analyse des données et la rédaction du rapport se déroulent sur la période d’avril à juin de l’année N+1 (excepté pour le rapport 2019 où cette période s’est déroulée de mai à août). La publication de ce dernier est réalisée à la fin du mois d’octobre et donne lieu à un communiqué de presse et à la diffusion du rapport aux différentes parties prenantes.

Un comité consultatif, composé de l’équipe de coordination du CMDR, de bénévoles et d’acteurs impliqués sur la question du sans-abrisme, accompagne l’analyse des données en identifiant de nouveaux sujets, en apportant un éclairage extérieur et en appuyant les partenariats. Il se réunit deux fois par an.

L’évaluation du système de surveillance du CMDR a été réalisée au cours de l’année et particulièrement entre les mois de mars et juillet 2020. Elle constitue un travail préalable à une évaluation en routine du dispositif mis en place. Les objectifs de cette première évaluation étaient d’identifier les points forts et points faibles du système selon des critères d’utilité, d’atteinte des objectifs, de fonctionnement et de performance techniques, et de formuler des pistes de réflexion en vue d’amélioration.

18 https://www.insee.fr/fr/information/4190491 19 https://deces.matchid.io/about/service

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Méthodes

Le travail mené dans le cadre de cette évaluation s’inspire des recommandations des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) (4)(5), de l’European Center for Disease Prevention and Control (ECDC) (6) et du modèle générique proposé par M.Herida et J-C.Desenclos (7). Il s’agit dans le présent rapport de dresser avant tout un état des lieux du système de surveillance. Il repose sur une approche mixte. Une approche quantitative est utilisée pour analyser les données recueillies en routine par le système et une analyse simple des données manquantes est réalisée. Elle s’accompagne d’une approche qualitative reposant sur les échanges menés avec l’équipe du CMDR tout au long de l’année sur l’organisation, le fonctionnement du dispositif et la méthode de recueil. Elle s’appuie également sur l’analyse des documents disponibles (rapports du CMDR des années précédentes, comptes rendus de réunions, protocoles, etc…).

Critères d’évaluation

Quatre critères d’évaluation ont été retenus :

• La pertinence des objectifs de la surveillance du CMDR

• L’utilité du système : o Pour la surveillance : Le dispositif permet-il de recenser le nombre de décès de

personnes sans chez soi et de les caractériser ? o Pour la santé publique : La surveillance permet-elle d’aider à la formulation de

recommandations ?

• Le fonctionnement du système

• Les qualités intrinsèques du système : o Simplicité o Flexibilité o Qualité des données o Acceptabilité o Réactivité o Exhaustivité o Représentativité

Acteurs de l’évaluation

Dans le cadre de ce premier travail, l’évaluation a été menée uniquement en interne par le CMDR. Pour les évaluations ultérieures, il est vivement recommandé de structurer la démarche évaluative plus en amont. Cette approche se doit d’intégrer les utilisateurs20 ainsi que les différents participants21 du système comme recommandé dans les guidelines cités plus haut.

20 Il s’agit des professionnels et des principaux partenaires qui utilisent les données issues du système de surveillance mais ne participent pas au système 21 Il s’agit des acteurs qui fournissent des données au système de surveillance.

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Résultats

Objectifs de la surveillance de la mortalité par le CMDR

En 2009, les données relatives à la mortalité des personnes sans chez soi en France étaient considérées comme « extrêmement parcellaires » dans le rapport (8) remis par V.Girard, P.Estecahandy et P.Chauvin à la Ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot. Le rapport commandité par l’ONPES en 2011 abondait dans ce sens pointant à la fois les faibles données existantes (« les personnes décédées à la rue semblaient passer au travers des décomptes ») et la complexité du recensement de ces événements. Pourtant il s’agit bien d’un véritable enjeu tant sur le plan de la santé publique que social (9).

Le système développé par le CMDR en 2002 et renforcé depuis 2012 par la subvention de la DGCS vise à répondre à cet enjeu. Il a pour objectif d’estimer sur une période de temps donné (une année) la fréquence de survenue d’un événement de santé (le décès) au sein d’une population cible (les personnes sans chez soi) dans un espace défini (le territoire français). Il a un objectif descriptif de cet événement en générant des données sur la répartition temporelle et spatiale tout en y associant les caractéristiques principales de la population dans laquelle il est survenu. Ce système vise à émettre des hypothèses quant à des facteurs de risques de mortalité et à fournir des recommandations aux parties prenantes, il permet aussi de mieux représenter toutes ces personnes décédées qui ont connu, à un moment de leur vie, un parcours à la rue lors de l’hommage annuel réalisé par le Collectif.

En l’absence de données disponibles sur la population vivante des personnes sans chez soi, il n’est pas possible de calculer un taux de mortalité et les hypothèses quant aux facteurs de risque en sont également limitées. Il serait souhaitable de pouvoir disposer de données actualisées sur la population des personnes sans domicile à l’échelle nationale.

Utilité du système

Sur le plan de la surveillance, l’atteinte des objectifs apparaît partielle. Chaque année, le CMDR recense les décès de personnes sans chez soi et dans une moindre mesure les décès de personnes « ancien sans chez soi » et « récemment à la rue » survenus sur le territoire français (Tableau 2).

Tableau 13 Nombre de décès de personnes ayant connu une période sans domicile personnel et recensés par le CMDR, France

2012-2019

Type de situation 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Décès de personnes sans chez soi 388 460 514 520 528 526 625 563

Décès de personnes ancien sans chez soi 48 66 76 94 115 82 72 94

Décès de personnes récemment à la rue 0 0 2 3 2 3 4 2

Total 436 526 592 617 645 611 701 659

Toutefois, seule une partie d’entre eux sont identifiés comme le met en évidence l’étude de C.Vuillermoz (10) (cf. Partie Qualités intrinsèques du système – Exhaustivité). L’exhaustivité des données du CMDR était alors estimée à 17% (IC95% :[13-26]) pour la période 2008-2010.

Par ailleurs, la surveillance du CMDR rencontre un certain nombre de difficultés pour décrire les caractéristiques des personnes décédées sans chez soi (cf. Partie Qualités intrinsèques du système – Qualité des données). Si les données administratives (sexe, date et commune de naissance, date et commune de décès, lieu du décès) sont relativement bien renseignées, celles concernant le parcours de vie font face à un nombre élevé de données manquantes ce qui limite une description plus précise des personnes décédées. Ce constat résulte de la difficulté à identifier et échanger avec l’interlocuteur le plus à même de connaître le défunt. En l’absence de connaissances relatives aux caractéristiques des personnes sans chez soi vivantes, il est difficile de proposer des hypothèses en termes de facteurs de risque. Il est possible de décrire certaines caractéristiques dans des analyses secondaires parmi des populations spécifiques (comparaison des décès des personnes en situation de rue par rapport aux personnes hébergées, comparaison selon le genre, comparaison selon le temps passé à la rue, ..).

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Chaque année, le CMDR produit un rapport reprenant les différents résultats obtenus par son dispositif de surveillance. Celui-ci fait l’objet d’un communiqué de presse et est relayé dans les médias. Ce rapport est également transmis à la DGCS. Tous les rapports sont disponibles, en libre accès, sur le site internet du Collectif. Les résultats obtenus sont régulièrement repris par les différents acteurs comme la Fondation Abbé Pierre dans son rapport annuel sur le mal logement (11). Les travaux du CMDR ont donné lieu à publication (12)(13). Une collaboration avec l’INSERM-CépiDC a également permis d’estimer le nombre de décès de personnes sans chez soi en France (10) et d’en comparer les causes de décès avec la population générale (14).

Enfin, le CMDR organise chaque année un hommage aux morts de la rue s’appuyant en partie sur le recensement mené par le système de surveillance.

Ces différentes actions permettent d’informer les parties prenantes quant à la vulnérabilité des personnes sans chez soi qui se traduit notamment par un âge moyen au décès très inférieur à celui de la population générale, des décès qui surviennent tout au long de l’année et pas seulement durant la période hivernale et le poids des morts violentes dans les causes de décès (intoxications, agressions, suicides). Elle a mis en évidence que les décès des personnes sans chez soi touchaient tous les individus (homme, femme, enfant, personne isolée, en couple ou en famille, hébergé ou non). En cela, la surveillance menée par le CMDR apparaît utile sur le plan de la santé publique. Toutefois, elle ne permet pas, pour l’heure, de formuler de recommandations spécifiques quant à des mesures de prévention ou de prise en charge du fait de données insuffisamment complètes.

Fonctionnement du système

Définition de cas, population cible et période d’observation

Plusieurs définitions de personnes sans domicile existent, les critères sont variables selon les pays, les types de recherche, le type d’hébergement, la durée de la période sans hébergement, ...

En France, l’INSEE a défini les notions de Sans Domicile, et Sans Abri, notamment dans l’enquête Sans Domicile 2012 (15) :

• Une personne est considérée comme sans domicile un jour donné si elle a passé la nuit précédente dans un service d’hébergement (hôtel ou logement payé par une association chambre ou dortoir dans un hébergement collectif, lieu exceptionnellement ouvert en cas de grand froid)

• Une personne est considérée comme sans-abri un jour donné si elle a passé la nuit précédente dans un lieu non prévu pour l’habitation. Les haltes de nuit, non équipées pour dormir, en font partie.

Cette définition porte sur des critères d’hébergement imprécis (avec ou sans remise à la rue le matin), et porte sur une période très courte (la nuit précédant l’enquête). L’instabilité du parcours des personnes face aux solutions de logement proposées et disponibles signifie des parcours complexes entre rue, hébergement d’urgence ou de réinsertion sociale, hôtels, etc. Ces facteurs sont difficilement pris en compte sur une nuit.

La FEANTSA (Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans Abris) propose une typologie de l’exclusion du logement (Annexe 5), fondée sur la notion de « Home », composé de 3 domaines : physique, social et juridique.

Cette classification qui fait abstraction des définitions nationales des États européens, permet de classer les personnes selon leur situation de vie :

• Sans-abri : dormant à la rue ou en hébergement d’urgence, type CHU (avec remise à la rue ou dispositif mis en place dans le cadre de la trêve hivernale)

• Sans logement : abri provisoire dans les institutions ou foyers type CHRS

• En logement précaire : sous la menace d’expulsion avec des baux précaires

• En logement inadéquat : caravanes sur sites illégaux, logement insalubre ou qui n’est pas aux normes d’hygiène ou de surface adéquate, surpeuplement

Le Collectif Les Morts de la Rue, dans le cadre de la surveillance mise en œuvre, a développé une définition de cas propre à la population cible concernée, à savoir les personnes sans domicile décédées en France. Cette définition de cas (Tableau 1) a été créée pour mieux prendre en compte le parcours

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des personnes. Elle repose donc sur une période plus longue, trois mois, contre une nuit dans la définition de l’INSEE. De plus, le CMDR retient le terme « sans chez soi » proposé lors de la conférence de consensus de 2007 (2) et qui s’inscrit dans les valeurs portées par le Collectif Les Morts de la Rue. Comme mentionné par V.Girard, P.Estecahandy et P.Chauvin (8), le terme « sans chez soi » n’est pas une définition administrative (comme sans domicile) et repose sur l’expérience des personnes : « En effet ce qui pose problème, selon les personnes sans abri auditionnées, c’est l’absence d’un lieu à soi, ou l’intimité et la sécurité soient garanties et qui s’inscrive dans un espace urbain délimité et privé : c’est à dire un « chez soi ». Il s’agit donc bien plus d’un habitat à soi que d’un simple abri contre le vent et la pluie ». Les auteurs ajoutant que : « La question du « chez soi » renvoie à la citoyenneté (notamment au respect des droits fondamentaux et constitutionnels) et à l’accomplissement d’une vie pleine et entière, et pas seulement à la protection contre les intempéries ou à des logiques de survie ».

Une des difficultés rencontrées avec cette définition de cas est relative à la période de temps retenue. Si elle est plus représentative de la situation des personnes décédées, elle nécessite de pouvoir, à minima, retracer leur parcours résidentiel sur les trois derniers mois de vie. A défaut et en présence de signaux crédibles, le cas est classé en « probablement sans chez soi ».

La surveillance réalisée par le CMDR est continue. Le signalement des décès peut survenir plusieurs années après le décès (5 ans pour deux décès survenus en 2012 et un en 2014, 3 ans pour treize décès survenus en 2015, cf.Annexe 6, Tableau 8). Sur la période 2012-2020, 78,93% des décès ont été appris l’année même du décès (19,49% l’année N+1, 0,91% l’année N+2). Sur la figure 2, il est observé de 2014 à 2019, qu’entre 20% et 35% des décès sont appris au moins l’année suivant la disparition. Cela implique un traitement régulier et décalé des données recueillies pour les années antérieures. Si la surveillance et le classement des cas s’effectuent de manière continue, l’enquête concernant le parcours de vie des personnes décédées n’est pas réalisée en continu. Ces enquêtes sont menées jusqu’aux mois de mars et avril de l’année N+1 suivant le décès. Au-delà, l’équipe D&D est remobilisée pour traiter les nouveaux cas appris au cours de cette nouvelle année. Ainsi, les décès survenus en 2019 ont été enquêtés, sur leur parcours, jusqu’au mois de mars 2020. Les conséquences de ce dispositif sont que les décès appris tardivement (N+1, N+2, N+3 ou plus) ne bénéficient pas d’enquête sur les parcours de vie. Le rapport annuel produit par le CMDR s’appuie sur l’ensemble des cas recensés l’année N et prend en compte les données relatives au parcours recueillies jusqu’au mois de mars, avril de l’année N+1.

Figure 6 Évolution de la proportion de décès appris l'année N et les années ultérieures ≥(N+1) par le CMDR, 2012-2020,

France.

Organisation du système

Le système est centralisé au niveau du CMDR qui reçoit directement les signalements (cf. Figure 1) et traite l’ensemble de l’information. Pour cela, l’équipe en charge de la surveillance comprend deux salariées du CMDR (entre autres sur l’accueil des Proches en deuil) et l’ensemble de l’équipe « Dénombrer et Décrire » qui comprend les bénévoles, le coordinateur de l’équipe et l’épidémiologiste.

• L’équipe « Proches en Deuil » (PED) : les signalements sont réceptionnés directement par l’équipe afin de répondre, selon les besoins exprimés, aux demandes d’aide venant de travailleurs sociaux, de proches, faisant face à des difficultés suite au décès d’une personne. (cf. Présentation du CMDR). Ces signalements sont généralement réalisés par l’intermédiaire de la fiche de signalement (Annexe 2) qui est transmise à l’équipe. Ils peuvent également se

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Décès2013

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faire au cours d’échanges téléphoniques de courriels ou de visites. De plus, l’équipe PED réalise une veille médiatique (Annexe 3) et une veille sur les réseaux sociaux (Facebook©, Twitter©, Instagram©). Ces différents signalements lorsqu’ils répondent aux critères d’inclusion (décès sur le territoire français de personnes sans chez soi ou ayant connu un parcours à la rue) sont saisis sur un fichier « Liste de décès » et ajoutés à la base de données Voozanoo®. Une fois les demandes traitées par PED (organisation des funérailles, recherche et accompagnement des proches, …), les cas sont alors transmis à l’équipe « Dénombre et Décrire ».

• L’équipe « Dénombrer et Décrire » (D&D) : Elle se compose de membres bénévoles dont le nombre varie en fonction de leur disponibilité, de volontaires en Service civique et de 2 membres permanents (coordinateur et épidémiologiste). Elle réalise la confirmation de cas selon les définitions retenues (Tableau 1) au moyen des bases de données disponibles (Fichier des décès de l’INSEE, MatchID), des actes de décès et des informations transmises lors du signalement. L’équipe D&D mène ensuite le recueil de données sur le parcours de vie des personnes décédées au moyen du questionnaire standardisé (cf. Partie 1- Annexe 1) en contactant les tiers ayant connu les défunts. La recherche de ceux-ci constitue l’étape la plus longue du processus et mobilise beaucoup d’efforts de la part des bénévoles pour identifier et contacter ces personnes en vue de recueillir les données. Ce constat a mené à la définition de critères de clôture22 des dossiers plus succincts afin de tenter de traiter l’ensemble des dossiers au regard des moyens humains alloués. Chaque dossier clôturé est contrôlé par le coordinateur avant d’être saisi sur la base Voozanoo® (une seule saisie). Celle-ci est alors relue par un bénévole pour vérification. Le contrôle et la cohérence des données sont menés en routine par l’épidémiologiste. Ils portent sur la recherche de doublons, la cohérence des critères de clôture, des lieux d’habitation, des liens entre variables, le recodage de certaines (âge, temps d’errance, …). Sur la base des orientations préconisées par le comité consultatif, l’analyse est réalisée. Elle est principalement descriptive avec des comparaisons en sous-groupes de populations spécifiques. Les résultats obtenus sont utilisés pour la rédaction du rapport annuel qui est ensuite soumis à un comité de relecture avant mise en page et publication.

Le fait que l’équipe soit composée en grande partie de bénévoles est une force puisque ces derniers font preuve de beaucoup de volonté et sont très impliqués dans le travail réalisé. Toutefois, le sujet de la surveillance a aussi un retentissement émotionnel important tant pour les équipes du CMDR que pour les interlocuteurs. Il est donc important de le prendre en compte et de veiller au bien-être de tous. Généralement les bénévoles consacrent entre 2 et 3 demi-journées par semaine au CMDR. Cette situation donne au coordinateur de l’équipe D&D un rôle clé dans la mise en œuvre et le suivi de la surveillance : d’une part, pour mener le recrutement et la formation des bénévoles, d’autre part afin d’assurer une continuité dans les enquêtes menées par les bénévoles puisque plusieurs intervenants peuvent être amenés à travailler sur une même région et/ou sur un même dossier.

En 2019, un renouvellement conséquent a eu lieu au sein de l’équipe. Un coordinateur et un épidémiologiste ont pris leur nouvelle fonction au cours du mois de septembre. L’équipe de bénévoles a été reconstruite suite aux départs de membres parmi les plus anciens. Un effort important de recrutement et de formation de nouveaux volontaires a donc été mené. In fine, l’équipe bénévole était composée d’une dizaine de membres venant entre une et trois demi-journées en moyenne par semaine. Ces évolutions ont conduit à actualiser les procédures du système de surveillance en intégrant de nouveaux outils et en mettant à jour le référentiel de formation des membres de l’équipe.

Comme dit précédemment, le CMDR est au cœur du circuit de l’information. Si le rapport du cabinet Cemka-Eva (1) proposait de mettre en œuvre une centralisation à l’échelon départemental du système de surveillance, cette option s’est avérée difficile à mettre en œuvre par le CMDR faute de relais. Différentes associations, partageant avec le CMDR un certain nombre d’objectifs communs (honorer les morts de la rue, accompagner les personnes en deuil, faire savoir que vivre à la rue tue, veiller à la dignité des funérailles), se sont créées avant et après le Collectif (Annexe 7). Elles constituent des partenaires importants de la surveillance de la mortalité des personnes sans chez soi par leur signalement régulier. Un travail mené par le CMDR entre 2012 et 2013 auprès de ces structures afin d’apprécier la faisabilité d’un recueil de données à leur échelle avait pointé des limites pour certaines

22 Les critères de clôture sont : la situation du logement au cours des 3 derniers mois de vie la personne décédée, la date et la commune de naissance, la date et la commune de décès, le sexe et l’identité.

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en termes de ressources humaines et financières, pour d’autres, c’est la mission en elle-même qui ne s’inscrivait pas dans leurs prérogatives.

Sources d’information et type de surveillance

Le dispositif de surveillance repose sur 4 grands catégories de sources : associative (dont les Collectifs et associations existant en région), institutionnelle, médiatique et celle des particuliers (Annexe 1). Sur l’ensemble de la période 2012-2019, les médias et les associations constituent les principales sources de signalement avec respectivement 26,99% et 23,55% des cas signalés au CMDR (Annexe 6, Tableau 9). Cependant, il est constaté des évolutions au cours des années (Figure 3), notamment, une tendance à la hausse des signalements de la part des partenaires institutionnels (pour la seule année 2019, ils représentent près de 27% des signalements avec une nette augmentation depuis 2018 avec 174 décès et ) et une baisse relative de la part des associations (19,36% en 2018 et 17,76% en 2019). Les collectifs existant en région signalent moins de décès (9,92% en 2018 contre 20,43% en 2014). Les signaux recueillis via la veille médiatique demeurent en revanche relativement stables au cours du temps de l’ordre de 24 à 28% (excepté pour 2012).

Les 2 augmentations constatées entre 2012 et 2014 puis en 2018 s’expliquent principalement par l’amélioration des signalements par les partenaires institutionnels.

Figure 7 Évolution des signalements selon l'année des décès et le type de source, en effectif cumulé par année, CMDR 2012-

2019, France

Entre 2012 et 2019, 87,80% (n=3621) des décès recensés étaient identifiés par une seule source d’information. Depuis 2014, environ 10 à 15% des décès sont signalés au CMDR par 2 sources différentes, proportion relativement stable jusqu’en 2019. De manière plus rare, des décès ont été signalés par 3 sources différentes (1,50%, n=62), six l’ont été par 4 sources et deux par 5 sources.

Le dispositif sur lequel s’appuie la surveillance est de type semi-actif et volontaire. La mise en place de la fiche de signalement (Annexe 2) et son appropriation par les différentes sources permet progressivement d’avoir un signalement « passif » des décès. C’est principalement le cas avec les associations qui signalent spontanément au CMDR 56,54% des décès qu’elles identifient (Annexe 6 tableau 10), les Collectifs régionaux (53,32%), les structures de soins (60,45%) et bien entendu les particuliers (72,06%). La convention Morts Isolés avec la Mairie de Paris permet également une

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Associations Collectifs d'accompagnement des morts Convention Morts Isolés

Partenaires institutionnels Structures de soin Particuliers

Medias Autres Non précisées

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remontée spontanée de l’information à hauteur de 68,93% après recoupement avec d’autres sources identifiant le parcours de vie à la rue. Si ces signalements sont effectués spontanément, le CMDR met en œuvre également une recherche active des cas via la veille médiatique et des relances auprès des différents acteurs.

Comme le met en évidence la figure 3, le réseau de partenaires est fragile et nécessite des efforts réguliers pour le dynamiser et conserver les différents contacts établis. Pour cela, le CMDR participe à différentes réunions comme les réunions précarité organisées par la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS) d’Ile de France et les mairies des différents arrondissements parisiens. Des actions visant à développer les contacts et le réseau sur l’ensemble du territoire français sont en cours notamment avec les différentes fédérations régionales de la FAS mais également les SIAO à l’échelle départementale. Ce réseau, pour gagner en stabilité et en représentativité, nécessite la formalisation de collaborations avec les différents acteurs.

Procédures réglementaires

Sur le plan réglementaire, le recueil rétrospectif mené par le CMDR porte sur des données déjà existantes et relatives à des personnes décédées. Leur type, leur stockage et leur exploitation par le CMDR exclusivement font l’objet d’une déclaration enregistrée à la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) sous le numéro 1354755. Les informations personnelles recueillies ne font l’objet d’aucune communication à des tiers. Les bénévoles signent une charte de confidentialité. La mise en place du règlement général sur la protection des données (RGPD) a enclenché une stratégie de mise en conformité par le CMDR portant sur le registre des activités de traitement, la sécurisation des données avec la base sécurisée Voozanoo® (homologuée RGPD), l’information des personnes, les procédures internes. Des actions sont encore à l’œuvre actuellement.

Qualités intrinsèques du système

Simplicité

La surveillance de la mortalité des personnes sans chez soi repose sur différentes sources d’information avec une forte centralisation de l’information au niveau du CMDR qui traite l’ensemble des signaux.

Les acteurs des dispositifs d’accueil, d’hébergement et d’insertion (AHI), principalement associatifs, sont très nombreux ce qui implique des efforts conséquents de sensibilisation par le CMDR afin d’obtenir des remontées d’informations sur l’ensemble du territoire français, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. De plus, il est constaté une forte mobilité en termes de ressources humaines avec un turn-over important parmi les travailleurs sociaux qui nécessite une animation régulière du réseau afin d’entretenir les liens et collaborations.

Il n’en demeure pas moins que le dispositif de surveillance est relativement simple dans sa forme actuelle par rapport aux procédures de signalements. En revanche, les étapes les plus délicates se déroulent au sein même du CMDR dans le traitement du signal. C’est à ce niveau que la simplicité du système est moindre. En effet, si la définition de cas est précise, la classification des situations n’est pas toujours évidente malgré l’information disponible et les enquêtes réalisées, 28,64% des cas ont été classés en « probablement sans chez soi » sur la période 2012-2019. Cette proportion élevée de cas, pour lesquels la situation vis à vis du logement n’a pu être précisée, est un témoin des difficultés du système. Celles-ci résultent :

- De la définition de cas utilisé : la période de temps retenue dans la définition porte sur les 3 derniers mois de vie et implique d’être explorée par les équipes du CMDR pour classer les cas.

- Du réseau de surveillance : l’existence de contacts et de sources disponibles est nécessaire afin de permettre le recueil d’informations complémentaires sur la situation de ces personnes décédées. On ajoutera qu’une fois le contact identifié, il faut souvent répéter les appels pour convenir d’un rendez-vous téléphonique.

- De la période de signalement : un certain nombre de signaux parviennent au CMDR en fin d’année (cf. Réactivité), voire l’année suivant celle du décès (cf. Figure 2). Cette situation conduit à une très forte mobilisation des équipes du CMDR sur la période de décembre à mars pour traiter l’ensemble des données, ce qui est très court.

Si le rapport commandité par l’ONPES (1) préconisait d’ajouter un échelon départemental à la surveillance réalisée par le CMDR, celui-ci comme il a pu être dit plus haut n’a pu être mis en œuvre.

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74

En revanche, les équipes du CMDR tendent à être organisées à l’échelon régional avec la désignation de référents régionaux parmi les bénévoles. Ceci vise à entretenir et pérenniser les liens avec les différentes sources et ainsi faciliter le recueil d’informations.

Le domaine de l’AHI est une thématique assez complexe avec une multitude d’acteurs et de dispositifs. Comme retrouvé lors de réunion de débriefing avec les équipes du CMDR, il n’est pas toujours aisé pour les bénévoles de s’approprier ces différents éléments.

L’usage de la définition de cas présente ainsi certaines particularités. Dans le cas de figure de décès survenus en institution (prisons, lieux de soins), il est d’usage d’explorer la situation antér ieure pour définir la situation vis à vis du logement. Ainsi, pour une personne décédée dans un lieu de soins et hospitalisée un 1 mois avant son décès, son classement en situation de rue ou hébergé est réalisé sur les 3 mois précédant l’hospitalisation (excepté pour les LHSS et Lits infirmiers23), soit les 4 derniers mois de vie. De plus la définition de cas utilisée n’aborde pas la question de l’habitat indigne, de l’habitat insalubre ni celle de l’habitat traditionnel. Jusqu’à présent, les personnes décédées alors qu’elles étaient dans des bidonvilles ou des squats sans accès à des équipements de base (eau, électricité) étaient considérées comme en situation de rue. Les personnes qui avaient accès à ces équipements mais en occupant illégalement les lieux étaient considérées comme « Hébergé ». Si cette catégorisation est possible en métropole, dans certains départements d’outremer comme la Guyane et Mayotte où la population est particulièrement pauvre (90% des Mahorais vivent en dessous du seuil de pauvreté français) et où les logements sont sous-équipés (73% du parc de logements à Mayotte sont dépourvus d’au moins un des éléments suivants : eau courante, WC, bain ou douche, installation électrique), les définitions de cas utilisées ne sont pas adaptées (16).

Ces constats nécessitent un approfondissement de la part du CMDR. Des efforts importants sont fournis actuellement pour mettre à jour et formaliser des guides relatifs à l’AHI, ainsi qu’à l’application des définitions et des procédures de recueil d’information.

Les bénévoles du CMDR constituent la pierre angulaire du système de surveillance. Leur formation, leur implication et leur présence régulière sont donc fondamentales. Cela met aussi à jour la fragilité du système lorsque des renouvellements ont lieu au sein des bénévoles comme en septembre 2019.

Flexibilité

La capacité d’adaptation du système à des changements peut être considérée comme élevée du fait de la forte concentration des activités de gestion et traitement de l’information en interne. La fiche de signalement mise à disposition des différentes sources d’information ne nécessite pas d’être complétée de manière exhaustive (même si cela facilite grandement le traitement de l’information). La classification des cas étant centralisée au niveau du CMDR, tout signalement est retraité systématiquement. Un signal plus discret (moins riche en informations) peut donc être traité par les équipes du CMDR. Cette organisation limite ainsi le nombre d’acteurs à informer et former lors de l’ajout ou de modification du recueil d’informations (modification de la définition de cas, ajout de nouvelles variables, …) et facilite l’intégration de nouvelles sources d’information.

Réactivité

Le délai moyen entre la survenue du décès et la réception du signal par le CMDR est estimé en moyenne à 2,5 mois (IC95% : [2,35-2,65]) pour la période 2012-2019 avec un minimum établi le jour même et un maximum atteignant 61 mois (5 ans). La réactivité n’étant pas une qualité visée par la surveillance, ce délai pourrait être considéré comme acceptable. Toutefois, il est constaté (Figure 4) le nombre élevé de signalements reçus chaque année de novembre (année N) à mai (année N+1), portant sur des décès survenus l’année N. Cette période constitue donc un temps fort pour les équipes du CMDR. Ce constat était déjà identifié dans le rapport publié en 2016 (17).

Ce faisant, les enquêtes relatives au parcours sont plus complexes à mener au regard des ressources disponibles et du temps limité à cette période de l’année. Un certain nombre d’indicateurs concernant le traitement des dossiers n’ont pu être pris en compte dans cette évaluation car insuffisamment renseignés. Malgré tout, en 2017 (18), la description de ces derniers précisait que 14,4% des dossiers n’avaient pu être investigués quant au parcours des personnes décédées en 2016, contre 68% en 2013

23 Pour les dispositifs de soins spécifiques comme les LHSS et les Lits infirmiers, le temps passé dans l’une ou l’autre de ces structures est considéré comme du temps en situation d’hébergement.

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75

et 89% en 2012. Pour les décès survenus en 2016, 327 structures avaient été contactés et 276 (84%) avaient répondu au questionnaire. La durée d’un traitement d’un dossier est variable mais peut s’étaler sur plusieurs semaines du fait des difficultés à trouver un interlocuteur et de sa disponibilité.

Ces différentes constatations peuvent expliquer, en partie, le poids des données manquantes sur les variables retraçant le parcours de vie des personnes sans chez soi décédées.

Un signalement plus régulier des décès au cours de l’année pourrait permettre une répartition plus équilibrée du travail des équipes tout au long de l’année et limiter les moments de tension du système. De plus, les indicateurs de processus devraient être repris afin de décrire plus précisément les points problématiques.

Figure 8 Répartition des cas signalés au CMDR par mois de réception du signal et selon l'année de décès, CMDR, 2012-2019,

France

Qualité des données

L’analyse de la qualité des données a porté sur la quantité de données manquantes, leurs caractéristiques, et leur recueil. Cette analyse repose en partie sur la méthodologie proposée par V.Héraud Bousquet (19). Elle vise à identifier la typologie des données manquantes, à en décrire le motif et le mécanisme.

Dans un premier temps, elle a donc consisté à quantifier le nombre de variables incomplètes ainsi que la proportion de données manquantes de chaque variable.

Au 27 juin 2020, la base de données sécurisée du CMDR, comprenait 11643 entrées et plus d’une centaine de variables. Après retraitement (Figure 5), 4124 enregistrements de personnes sans chez soi décédées sur la période 2012-2019 et répondant à la population cible sont retenus.

0

50

100

150

200

250

300

350

jan

v-1

2

mars

-12

mai-1

2

juil-

12

se

pt-

12

no

v-1

2

jan

v-1

3

mars

-13

mai-1

3

juil-

13

se

pt-

13

no

v-1

3

jan

v-1

4

mars

-14

mai-1

4

juil-

14

se

pt-

14

no

v-1

4

jan

v-1

5

mars

-15

mai-1

5

juil-

15

se

pt-

15

no

v-1

5

jan

v-1

6

mars

-16

mai-1

6

juil-

16

se

pt-

16

no

v-1

6

jan

v-1

7

mars

-17

mai-1

7

juil-

17

se

pt-

17

no

v-1

7

jan

v-1

8

mars

-18

mai-1

8

juil-

18

se

pt-

18

no

v-1

8

jan

v-1

9

mars

-19

mai-1

9

juil-

19

se

pt-

19

no

v-1

9

jan

v-2

0

mars

-20

mai-2

0

2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

Page 76: Edito - Morts de la Rue

76

Figure 9 Flowchart de la base du CMDR

Il est procédé à une sélection de 55 variables sur les 109 que comporte la base du CMDR. Il s’agit de celles principalement utilisées dans les rapports du CMDR. Les résultats présentés dans le tableau 3 montrent que, hormis pour les variables « causes de décès » et « statut vis à vis de la rue », toutes les variables comportent des données manquantes dans des proportions souvent importantes.

Examen quantitatif

Les variables concernant l’identité, le décès et le statut vis à vis de la rue sont les mieux renseignées (données manquantes < à 35%). Cela s’explique car un certain nombre d’informations sont recueillies directement via la fiche de signalement et qu’il est possible, en complément, d’interroger les bases de données en open data afin de les compléter et de les vérifier.

Les informations relatives au parcours des personnes sans chez soi sont recueillies dans un second temps via l’enquête téléphonique réalisée par les équipes du CMDR. Celle-ci s’appuie sur un questionnaire standardisé mais son administration relève plus d’un échange et d’une discussion avec la tierce personne ayant pu connaître le défunt. De fait, si toutes les thématiques sont abordées systématiquement, les informations recueillies, en revanche, dépendent de la connaissance de la personne qu’a l’interlocuteur ainsi que de sa volonté de les communiquer. Il n’est pas possible de distinguer dans les questionnaires saisis une différence entre les réponses renseignées comme « Ne sait pas » de celles non renseignées, la première modalité de réponse étant rarement sélectionnée.

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Tableau 14 Description des 55 variables de la base du CMDR 2012-2019 portant sur les personnes sans chez soi, France

Variables Type de variables

Statut

Situation vis à vis du logement catégorielle (rue,hebérgé, probablement sans chez soi)

Données relatives à l'identité

Sexe catégorielle (homme,femme)

Date de naissance numérique

Commune de naissance numérique (code COG Insee)

Pays de naissance texte

Age numérique

Catégorie d'age catégorielle (<30, [30-45[, [45-65[, ≥65 )

Données relatives au décès

Date de décès numérique

Commune de décès numérique (code COG Insee)

Région de décès numérique (code COG Insee)

Lieu du décès catégorielle

Causes de décès catégorielle (CIM 10)

Type source de signalement (1ère source) catégorielle

Données relatives à la situation administrative et au suivi social

Situation administrative catégorielle (situation régulière, irrégulière, sans objet)

Avoir une domiciliation catégorielle

Type de suivi social catégorielle

Type de démarches initiées catégorielle

Type de protection juridique catégorielle

Type de couverture santé catégorielle

Type d'études catégorielle

Type de travail catégorielle

Type de revenu catégorielle

Données relatives à l'enfance et la famille

Education (qui a élevé la personne?) catégorielle

Avoir été placé durant l'enfance binaire (oui/non)

Avoir des frères et sœurs binaire (oui/non)

Avoir des enfants binaire (oui/non)

Communication avec la famille au cours de la dernière année catégorielle

Données aux ruptures

Type de ruptures survenues au cours de la vie catégorielle

Type d'événements ayant conduit à la rue catégorielle

Données relatives à la santé

Existence d'un suivi médical binaire (oui/non)

Existence de troubles psychologiques binaire (oui/non)

Avoir bénéficié d'une consultation psychologique binaire (oui/non)

Avoir bénéficié d'un traitement psychologique binaire (oui/non)

Existence d'une addiction catégorielle (non, oui anciennement, oui actuellement)

Existence d'une addiction à l'alcool catégorielle (non, oui anciennement, oui actuellement)

Existence d'une addiction au tabac catégorielle (non, oui anciennement, oui actuellement)

Existence d'une addiction à des médicaments catégorielle (non, oui anciennement, oui actuellement)

Existence d'une addiction à des substances illicites catégorielle (non, oui anciennement, oui actuellement)

Avoir été hospitalisé au moment du décès binaire (oui/non)

Avoir été hospitalisé au cours des 12 derniers mois binaire (oui/non)

Temps entre la dernière hospitalisation et le décès catégorielle (<1 semaine, [1 semaine-1 mois[, [1 et 3 mois[, [3 et 6 mois[, ≥6 mois)

Nombre d'hospitalisation au cours des 12 derniers mois numérique

Durée d'hospitalisaiton totale au cours des 12 derniers mois catégorielle (<1 semaine, [1 semaine-1 mois[, [1 et 3 mois[, [3 et 6 mois[, ≥6 mois)

Nombre d'admission aux urgences au cours des 12 derniers mois numérique

Données relatives aux liens sociaux

Avoir des liens sociaux catégorielle

Type de mode de vie catégorielle (seul, en couple, en famille, en groupe)

Avoir un animal binaire (oui/non)

Données relatives au parcours résidentiel

Fréquentation des accueils de jour au cours de la dernière année catégorielle (non, oui ponctuellement, régulièrement, oui mais fréquence non connue)

Fréquentation des hébergement d'urgence au cours de la dernière anénecatégorielle (non, oui ponctuellement, régulièrement, oui mais fréquence non connue)

Temps d'errance en situation de rue, vie entière catégorielle (jamais, <6mois, [6mois- 1an[, [1an-5ans[, [5-10ans[, ≥10ans

Temps d'hébergement, vie entière catégorielle (jamais, <6mois, [6mois- 1an[, [1an-5ans[, [5-10ans[, ≥10ans

Type de lieu de vie (dernier lieu de vie) catégorielle

Durée en jour du dernier lieu d'habitation numérique

Type de lieu de vie (avant dernier lieu de vie) catégorielle

Durée en jour de l'avant dernier lieu d'habitation numérique

73%

65%

83%

77%

75%

63%

77%

34%

97%

74%

71%

86%

82%

21%

96%

92%

93%

61%

68%

83%

90%

83%

87%

73%

93%

95%

71%

78%

57%

85%

72%

90%

91%

80%

77%

83%

78%

92%

69%

0%

<1%

73%

65%

67%

10%

2%

<1%

14%

25%

28%

25%

11%

7%

Données manquantes

N=4124

%

0%

1%

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Les variables relatives aux ruptures présentent une proportion de données manquantes comprise entre 57 et 83%. Cette faible proportion (57%) à propos d’un sujet pouvant être sensible (les ruptures) s’explique par certains codages systématiquement réalisés. Ainsi, une personne née à l’étranger sera codée avec un élément de rupture de type « déménagement/immigration ». Ce codage systématique est nuisible à la qualité globale de cette variable puisque les autres items ne sont pas renseignés de manière aussi régulière.

Dans 3 cas sur 5, le CMDR n’arrive pas à recueillir de données relatives au parcours de logement, aux allers - retours entre les structures d’hébergement et la rue. Seul le dernier lieu de vie est assez bien renseigné (connu dans 66% des cas). Il est souvent complexe de retracer le parcours résidentiel des personnes tant sur le type de lieu de vie que sur le temps passé dans chacun. Ces trajectoires sont rarement linéaires. Les informations recueillies sont souvent imprécises, mentionnant parfois une alternance de lieu sans notion de temps ou au contraire des descriptions précises des derniers lieux connus sans avoir d’information sur les situations antérieures. Ces renseignements incomplets résultent des difficultés du CMDR à identifier un tiers proche de la personne décédée, des difficultés à joindre ce tiers, de la capacité de ce dernier à se remémorer le parcours de la personne et la possibilité que cette dernière ait communiqué sur ce point. A défaut, il serait peut-être plus réaliste de limiter l’antériorité des lieux de vie à une période de temps définie et limitée. Les 3 derniers mois de vie utilisés dans la définition de cas pourraient être un pas de temps intéressant.

La situation administrative des personnes décédées sans chez soi est explorée au travers d’items qui sont susceptibles d’intéresser ou d’être recueillis par les équipes d’accompagnement. Pourtant, la proportion conséquente de données manquantes laisse supposer différentes difficultés : la première, la difficulté pour le CMDR d’identifier les personnes susceptibles d’avoir ces informations, la seconde, le secret professionnel et la réserve des bénévoles ou des travailleurs sociaux à partager cette information.

Les informations sur l’enfance, la famille et les liens sociaux présentent également un nombre important de données manquantes (plus de 70%). Là encore, une des raisons peut être la difficulté rencontrée par les équipes du CMDR à identifier et joindre les tiers ayant pu connaître de leur vivant ces personnes sans chez soi. Il apparaît également que ces informations très personnelles nécessitent très probablement la création d’un lien de confiance entre personne sans chez soi et intervenant, qu’il peut être choisi par l’intervenant de ne pas revenir sur le passé affectif de la personne accompagnée. De fait, il peut être complexe de recueillir cette information pour les équipes d’accompagnement et elles peuvent être émettre des réserves quant au partage de celles-ci avec le CMDR.

Enfin, les données liées à la santé sont naturellement celles présentant les proportions les plus élevées de données manquantes. Le partage du secret médical est un questionnement régulièrement soulevé lors de la conduite des enquêtes par les équipes du CMDR, notamment lors des échanges avec les professionnels de santé.

L’analyse technique de ces variables manquantes et de leurs combinaisons24 met en évidence l’absence de dossier renseigné intégralement (sans données manquantes). Sur les 4124 observations enregistrées dans la base de données, un peu moins de 50% comprennent entre 2 et 38 variables manquantes, quand les 50% restant en comprennent entre 38 et 51.

Cette première analyse rend nécessaire la constitution d’une nouvelle base restreinte, limitée à des variables comprenant un maximum de 35% de données manquantes (19). Certaines, parmi elles, étant très liées (lieu de décès et hospitalisation au moment du décès, catégorie d’âge et âge), il a été préféré d’intégrer cette analyse à des variables explorant d’autres domaines (Type de rupture, existence d’une addiction) malgré leur proportion élevée de données incomplètes. Le tableau 4 présente les variables retenues et les résultats de cette seconde analyse quantitative. L’examen de la répartition des données manquantes parmi les différentes combinaisons possibles entre les 15 variables, met en évidence l’importance des variables Ruptures, Addiction, Dernier lieu de vie. Seules et combinées, elles représentent 36,49% des données manquantes. Les autres combinaisons apparaissent dans des proportions plus faibles (< 3%).

24 Commande misschk sur STATA

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3171 cas parmi les 4124 décès recensés par le CMDR entre 2012 et 2019 présentent des données manquantes pour au moins une des quinze variables retenues Une analyse cas-complet incluant ces quinze variables porterait donc sur 953 des 4124 personnes sans chez soi recensées, soit 23% des observations.

Tableau 15 Examen du motif des données manquantes retenues pour l'analyse univariée

Variables Données manquantes Proportion

1 - Situation de rue 0 0,00%

2 - Causes de décès 0 0,00%

3 - Région de décès 1 0,02%

4 - 1ère source de signalement du décès 1 0,02%

5 - Sexe 61 1,48%

6 - Commune de décès 83 2,01%

7 - Date de décès 411 9,97%

8 - Age 437 10,60%

9 - Lieu du décès 559 13,55%

10 - Pays de naissance 1012 24,54%

11 - Date de naissance 1040 25,22%

12 - Commune de naissance 1154 27,98%

13 - Dernier lieu de vie 1405 34,07%

14 - Type de ruptures 2352 57,03%

15 - Existence d'une addiction 2531 61,37%

Variables examinées pour leurs données manquantes

Nombre de variables

incomplètesFréquence Proportion

Proportion

cumulée

0 953 23,11% 23,11%

1 689 16,71% 39,82%

2 731 17,73% 57,54%

3 542 13,14% 70,68%

4 284 6,89% 77,57%

5 216 5,24% 82,81%

6 265 6,43% 89,23%

7 256 6,21% 95,44%

8 86 2,09% 97,53%

9 49 1,19% 98,71%

10 40 0,97% 99,68%

11 13 0,32% 100,00%

Total 4124 100,00%

Données manquantes pour combien de variables ?

Examen qualitatif

Pour étudier qualitativement les données manquantes, des variables indicatrices de données manquantes Mi, binaire (codée 1 si la variable n’est pas renseignée et 0 sinon) sont créées. Elles sont associées à chacune des variables de la base restreinte retenue. Chaque variable indicatrice est croisée avec la variable à expliquer (la variable situation vis à vis de la rue correspond à la classification réalisée par le CMDR) et avec chacune des variables de la base restreinte. Le lien statistique recherché est un test du Chi2 significatif (p<0,05) pour les variables binaires ou catégorielles, ou un coefficient de corrélation supérieur à 0,15 pour les variables continues.

Les résultats préliminaires, présentés dans le tableau 5, excluent un mécanisme de type MCAR25 (Missing Completely At Random) puisque des liens existent entre les variables indicatrices (Mi) et les autres. Cette analyse permet d’identifier un mécanisme de type MAR26(ME) pour la quasi-totalité des variables signifiant que le mécanisme de données manquantes dépend à la fois de la variable situation vis à vis du logement et d’au moins une variable explorée. Par exemple, la variable indicatrice M2 (données manquantes pour les causes de décès) est liée à la variable situation de rue et au type de source ayant signalé le décès. Par exemple, dans le cas d’un signalement de décès d’origine médiatique, les éléments disponibles peuvent permettre d’obtenir suffisamment d’informations pour préciser le cas (situation de rue, hébergé, probablement sans chez soi). Toutefois, les circonstances de décès peuvent être méconnues et les informations disponibles peuvent ne pas être suffisantes pour

25 Missing Completely At Random 26Missing At Random (MAR). ME (Maladie – Exposition)

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statuer sur les causes de décès. Les décès survenant sur la voie publique font l’objet d’une investigation dans les instituts médico-légaux s’il est suspecté un homicide mais les causes de décès demeurent non communiquées.

D’autre part, un mécanisme de type MNAR27 ne peut être exclu étant donné que beaucoup des variables indicatrices sont liées à des variables incomplètes. Il est donc tout à fait possible que le mécanisme de données manquantes dépende des valeurs non-observées parmi ces variables. Cela pourrait être le cas pour des personnes ayant des états de santé particuliers et pour lesquelles certaines informations ne seront pas partagées, voir toutes les informations.

Tableau 16 Analyse univariée des variables indicatrices de données manquantes à partir des variables présentant un minimum

de 35% de données manquantes (excepté Type de rupture et Addiction)

Variables et indicatrices M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 M11 M12 M13 M14 M15

1 - Situation de rue x x x x x x x x x x x x

2 - Causes de décès x x x x x x x x x x x

3 - Région de décès x x x x x x x x x x x x

4 - 1ère source de signalement du décès x x x x x x x x x x x x

5 - Sexe x x x x x

6 - Commune de décès x x x x x x x x x x x x

7 - Date de décès x x x x

8 - Age x x

9 - Lieu du décès - - x x x x x x x x x

10 - Pays de naissance x - x x x x x x x

11 - Date de naissance - - x

12 - Commune de naissance - x x x x x x

13 - Dernier lieu de vie x x - x x x x x x x x x x

14 - Type de ruptures - - - - - - - - - - - - -

15 - Existence d'une addiction x - - - x x x

Mécanisme MAR(ME) MAR(E) MAR(E) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME) MAR(ME)

La zone en gris clair représente les croisements entre les indicatrices de données manquantes et la variable à expliquer, et les zones en gris foncé les intersections entre chaque variable d’exposition et son

indicatrice de données manquantes.

X représente une liaison significative entre les variables définie comme un test de chi2 significatif (p<0.05) ou un test de corrélation significatif (r>0,15)

Ces premières analyses poussent à s’interroger sur l’étendue des variables ciblées par le questionnaire du CMDR étant données l’importance des données manquantes et de la limite induite quant à leur analyse descriptive. De plus, certaines variables explorent des domaines redondants et conduisent à recueillir une information partielle. C’est le cas par exemple des variables statut marital, mode de vie (vivre seul, en couple, en famille, en groupe) et être en couple. C’est également le cas sur la question des placements dans l’enfance qui est recherchée par 3 variables différentes. La qualité de la mesure de certaines variables est également discutable. C’est le cas par exemple avec la variable relative au temps d’errance. D’une part, les équipes arrivent à recueillir, plus souvent, le temps depuis lequel une personne est connue d’une structure. D’autre part, cette variable est scindée en 2, distinguant le temps d’errance en situation de rue28 du temps en hébergement. Or il est complexe de mesurer distinctement ces périodes lorsque les personnes effectuent des allers-retours réguliers entre les dispositifs. Une variable globale de temps depuis la perte de logement pourrait être plus judicieuse et représentative d’un parcours sans chez soi.

En l’état, les informations recherchées par le CMDR abordent un large champ relatif au parcours des personnes sans chez soi décédées et une partie importante des items recherchés sont proches de ceux explorés par les enquêtes Sans Domicile menées par l’INSEE. Si cet objectif est louable dans le but de décrire au mieux les personnes décédées, certains domaines explorés sont plus en lien avec des facteurs susceptibles d’avoir eu un effet sur l’arrivée à la rue plutôt que sur la mortalité proprement dite (par exemple : qui a élevé la personne ? Quelles sont les ruptures et événements ayant conduit à la rue ? Quel était le niveau d’études ?). Cependant, la proportion importante de données manquantes en limite grandement l’analyse et l’interprétation. Les recommandations du cabinet CEMKA (1) sur les données à rechercher pointaient un nombre de variables plus restreint comme le sexe, la date et la commune de naissance, le pays d’origine, la nationalité, la date et la commune de décès, les causes de décès, la situation du logement au moment du décès.

27 Missing Not At Random 28 Temps d’errance en situation de rue qui inclut également le recours à l’hébergement d’urgence

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Une démarche de réflexion portant d’une part sur les objectifs visés par la surveillance de la mortalité et d’autre part sur les objectifs attendus de cette surveillance par le CMDR serait souhaitable. Elle permettrait potentiellement de poser un cadre plus restrictif mais plus efficient des éléments à rechercher. Une enquête de routine limitée à certaines variables permettrait un recueil probablement plus exhaustif, à laquelle pourrait être ajoutées des études ponctuelles portant sur des thématiques spécifiques.

Acceptabilité

Aborder la question de l’acceptabilité du système de surveillance pour les sources de signalement implique de considérer 2 domaines distincts : le signalement des décès et la description des parcours, autrement dit Dénombrer et Décrire.

La composante relative au dénombrement repose sur un nombre d’acteurs importants à l’échelle nationale. Le signalement réalisé par ces derniers représente près de 42% des décès recensés par le CMDR (Annexe 6, Tableau 10). Des efforts importants sont donc à fournir pour entretenir et développer ce réseau d’acteurs afin de faciliter la remontée des signalements et d’en améliorer l’exhaustivité. Cela nécessite de formaliser des conventions avec des acteurs nationaux comme la Fédération Nationale des Samu sociaux, l’Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale (UNCCAS) ou l’Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés non lucratifs (UNIOPSS) mais également avec les acteurs associatifs qui gèrent les SIAO et les différentes structures impliquées dans le dispositif AHI. Il s’agira de décrire les enjeux de ce travail de surveillance qui ne doit pas se limiter à « compter » uniquement. Ces développements devront s’adapter aux réalités des acteurs, la majeure partie ayant déjà développé des systèmes d’informations, il ne s’agit pas d’en ajouter une autre.

La composante relative à la description des parcours est sujette à une proportion importante de données manquantes. Cela traduit la difficulté du CMDR à explorer cette thématique, en particulier d’identifier la personne à même de décrire au mieux le parcours de la personne sans chez soi décédée. De fait, se pose la question du partage d’informations par les différents interlocuteurs. Le rapport du cabinet Cemka-Eval (1) pointait déjà certains points : « Une partie des professionnels interrogés lors de cette enquête de terrain déclare ne pas diffuser d’informations au collectif des morts de la rue. Ils arguent le manque d’information quant à l’utilisation qui est faite des données. Par conséquent, le collectif ne dispose pas à ce jour d’une reconnaissance et d’une légitimité dans l’exploitation de ces données […] Pour certains acteurs de terrain : les données transférées ne doivent pas être nominatives. D’un point de vue éthique, ils ne souhaitent pas transmettre les données dans un but uniquement comptable mais plutôt dans le but de dénoncer ces morts invisibles aux yeux de la société et également pour envoyer un message de reconnaissance, à toutes les personnes dans la rue, pour soutenir ceux qui sont encore en vie ».

Des efforts importants sont à fournir quant à la communication des aspects réglementaire et éthique du travail mené par le CMDR et ainsi faciliter le partage de ces informations. Là encore des actions de sensibilisation sont nécessaires auprès des acteurs de terrain.

Exhaustivité

L’exhaustivité d’un système de surveillance se définit par le rapport entre le nombre de cas captés par celui-ci rapporté au nombre total de cas dans la population surveillée. Pour cela, la méthode de capture-recapture est la plus souvent utilisée mais elle nécessite de disposer de plusieurs sources de données.

C’est l’objet du travail qu’a réalisé C.Vuillermoz en 2014 (10) à partir des cas recensés par le CMDR entre 2008 et 2010 et ceux identifiés par l’INSERM-CépiDC dans le registre national des causes de décès sur la même période en France. Cette étude a conclu à une exhaustivité estimée à 17% (IC95% :[13-26]) pour la base du CMDR et notait que celle-ci était plus importante pour la région parisienne (24%).

Depuis lors, aucun autre croisement de données n’a été réalisé. Il est raisonnable toutefois de penser que l’exhaustivité du CMDR a augmenté du fait de l’amélioration de la couverture géographique de son système (en 2019, 61,46% des signalements sont survenus en région), de la structuration de la méthode de surveillance et du renforcement matériel et humain.

Un nouveau projet conjoint avec le CépiDc doit prochainement être initié. Il permettra le croisement des bases de données sur la période 2012-2017, d’estimer le nombre total de décès de personnes sans chez soi en France et de proposer une estimation actualisée de l’exhaustivité du système mis en œuvre par le CMDR.

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Représentativité

Lors des travaux menés par l’ONPES sur les sources de données existantes relatives à la mortalité des personnes sans chez soi, les conclusions concernant le dispositif du CMDR (1) avaient pointé certaines limites dans la représentativité des cas identifiés:

- Une surestimation des morts violentes ; - Une sous-estimation des décès en institution ; - La non-exhaustivité des décès recensés

A ces premiers constats, l’étude de C.Vuillermoz (10) confirmait une exhaustivité limitée (17%) et ajoutait une certaine disparité géographique (exhaustivité supérieure en région parisienne par rapport aux autres régions). De plus, il est observé une probable surreprésentation des décès chez les hommes dans la surveillance réalisée par le CMDR alors que la population de personnes sans domicile vivante décrite par l’INSEE en 2012 était composée de 38% de femmes (20), différence qui n’est pas retrouvé dans la littérature internationale.

Depuis ces premières analyses, le système de surveillance s’est développé permettant un élargissement de la couverture géographique des décès et une meilleure diversification des sources de signalement. Toutefois, le système présente encore des limites.

Couverture géographique

La figure 6 représente l’ensemble des décès identifiés par le CMDR sur la période 2012-2019. Elle met en évidence les faibles effectifs identifiés dans certains départements (entre 1 et 5 décès signalés) et l’absence de décès recensés dans les départements de l’Orne, du Cher, de l’Indre et de la Creuse. En l’absence de base de population (effectif de personnes sans chez soi) pour ces départements et d’un taux de mortalité parmi les personnes sans chez soi, toute interprétation demeure limitée. Il est cependant fort probable que la couverture du système demeure encore incomplète et qu’un nombre non négligeable de décès ne soit pas capté par le dispositif dans ces zones. Depuis 2016, le CMDR met en œuvre une recherche active de cas auprès des communes de plus de 100 000 habitants dans lesquelles un faible nombre ou une absence de décès ont été notéss (17).

En Ile de France, le nombre élevé de décès identifiés par le CMDR (Figure 7, attention au changement d’échelle) pourrait résulter de la plus forte concentration de la population sans domicile comme l’a mis en évidence l’étude de l’INSEE (21) qui estimait que 43% des personnes sans domicile vivaient dans l’agglomération parisienne en 2012. De plus, l’implantation historique du CMDR à Paris et sa proximité avec de multiples acteurs participe à une animation du réseau de surveillance plus active sur ce territoire.

Des efforts importants sont donc à fournir afin d’améliorer la couverture géographique du système en France métropolitaine mais également dans les départements et collectivités d’outremer où le réseau est encore à construire. Il est pour cela nécessaire d’apprécier les enjeux particuliers de ces territoires au regard de la pauvreté29 et de l’habitat30 et de développer les collaborations avec les acteurs du dispositif d’AHI.

29 A Mayotte, plus de 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté français (16). 30 Questionnements autour de l’habitat insalubre et indigne (22)

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Figure 10 Distribution départementale des décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR, 2012-2019, France

Figure 11 Distribution départementale des décès de personnes sans chez soi recensés par le CMDR, 2012-2019, Ile de France

Profil des personnes décédées selon le type de source

L’analyse des profils de décès selon les sources de signalement suggère des hypothèses quant à la tendance du système à surestimer les morts violentes et à sous-estimer les décès survenus en institution (Tableau 6).

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Médias 26,99% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) Les décès signalés par les médias présentent un certain nombre de particularités. Il s’agit de cas qui concernent principalement des personnes jeunes, l’âge moyen au décès est de 42,89 ans (± 15,11). Ces décès touchent les individus de 0 à 30 ans et de 30 à 45 ans dans des proportions plus importantes que pour toutes les autres sources de signalement. Les médias contribuent activement à l’amélioration de la couverture géographique par le système de surveillance puisque dans 82,48% des cas, les décès sont signalés en province. Ils ont lieu majoritairement sur la voie publique de causes violentes.

Acteurs associatifs 23,55% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) Il s’agit principalement de décès d’hommes en situation de rue ou hébergés, âgés de 51,86 ans en moyenne (±13,82) et nés dans presque un cas sur deux en France. Les décès surviennent principalement dans des lieux de soins (45,21%) répartis équitablement entre l’Ile de France (54,48%) et les autres régions (45,52%). Les causes de décès sont liées à une maladie dans 36,25% des cas.

Partenaires institutionnels 16,83% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) Ces acteurs signalent des décès de personnes en situation de rue ou probablement sans chez soi. Il s’agit d’hommes (85,16%) et de femmes (11,38%) âgé.es de 52,19 ans (± 14,57) et dont le pays de naissance n’est pas connu dans un tiers des cas. Les partenaires institutionnels permettent une remontée d’information tendant à couvrir les différentes régions de France (59,08% des décès survenant en Ile de France, 40,92% en province). Les décès signalés par ces acteurs surviennent dans 31,12% des cas dans l’espace public et dans 35,30% des cas dans des lieux de soins. La cause de décès est, par contre, méconnue (66,71%).

Collectifs implantés en régions 14,96% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) Les décès signalés par les Collectifs régionaux sont délicats à classer selon leur situation vis à vis du logement. Dans 40,36%, ils sont considérés comme probablement sans chez soi faute d’éléments suffisants. Les Collectifs régionaux signalent des décès d’hommes (85,41%) mais également de femmes (11,02%), né.es en France (42,30%) et âgé.es en moyenne de 51,76 ans (±13,12). Toutefois, il est constaté que 22,04% des personnes signalées par ces acteurs sont dans la classe d’âge 30-45 ans. Il s’agit logiquement de décès survenant ailleurs qu’en Ile de France mais dont les causes sont méconnues (63,05%) et survenant tant dans des structures de soins (39,55%) que sur la voie publique (20,91%).

Particuliers 8,24% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) Les décès signalés par des particuliers au CMDR surviennent principalement en Ile de France et concernent dans 60% des cas, des personnes en situation de rue de sexe masculin. Il est à noter qu’il s’agit généralement de personnes plus jeunes (48,66 ans en moyenne) qui décèdent dans la rue ou l’espace public, de causes méconnues.

Convention Morts isolés Ville de Paris 5% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) La convention entre la Ville de Paris et le CMDR permet un signalement régulier (après recoupement avec d’autres sources) de décès de personnes en situation de rue (44,66%) ou probablement sans chez soi (36,35%), qui concerne quasi exclusivement des hommes plutôt âgés (53,89 ans en moyenne), nés en France ou hors de l’Union Européenne. Il s’agit principalement de personnes décédées dans des lieux de soins (51,94%) de causes méconnues.

Structures de soins 4,29% des décès recensés par le CMDR (2012-2019) Les structures de soins jouant un rôle volontaire dans le signalement au CMDR sont surtout implantées en Ile de France. Les décès concernent principalement des hommes en situation de rue, âgés entre 45 et 65 ans, nés en France ou dans l’Union Européenne. Ils surviennent évidemment dans des lieux de soins et les causes en demeurent méconnues.

La probable surestimation des morts violentes est à mettre en lien avec le poids des décès recueillis via la veille médiatique, principale source renseignant des causes de décès externes. Cependant, sur la période 2012-2019, il est observé que 15,15% des décès sont liés à une maladie et 23,04% à une cause violente. Ces proportions sont très différentes des données sur lesquelles le cabinet Cemka-Eval s’était appuyé pour mener son analyse. Il était alors identifié que près de 56% des décès recensés en 2009 étaient liés à une mort violente et 11,4% à une maladie.

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Si le système a très probablement toujours tendance à surestimer les morts violentes du fait du poids important des médias dans les sources de signalement, ces données sont malgré tout assez proches des résultats obtenus par C.Vuillermoz sur les causes de décès des personnes sans domicile en France (14). Il était estimé à 29% la part des causes externes (agressions, suicides, noyades, accident de transport, intoxication, exposition à un froid excessif) dans les décès de personnes sans chez soi survenus entre 2008 et 2010. Un nouveau croisement de données avec l’INSERM-CépiDC permettrait d’identifier les causes médicales de décès et statuer sur la représentativité des causes de décès identifiées par le CMDR.

Il semble également que les décès survenant en institution soient mieux représentés dans les données du Collectif sur la période 2012-2019 par rapport à 2008-2009, puisqu’ils représentent 32,81% des lieux de décès identifiés (contre 27,8% en 2009 dans le rapport du cabinet CEMKA-Eval). Cependant, le faible poids des structures de soins dans les sources de signalement des décès constitue un biais important dans l’exhaustivité des données. L’hôpital est le principal lieu de décès de la population générale en France (23) ; avec seulement 4,29% des décès signalés par une structure de soins, la surveillance du CMDR passe à côté d’un nombre probablement important de décès de personnes sans chez soi.

La faible représentation des femmes dans les décès signalés au CMDR par les différentes sources interpelle étant donné qu’elles représentaient près de 38% de la population sans domicile décrite par l’INSEE en 2012. Le diagnostic mené par la Fondation des Femmes, en 2019 sur l’Ile de France (24), met également, en évidence, la hausse des demandes d’hébergement pour cette population. Il pointe également le poids des violences subies (sexuelles, sexistes, …) qui sont susceptibles de se reproduire dans le parcours résidentiel. Il questionne le poids des représentations de la personne sans domicile (plus facilement identifiée comme un homme), l’importance de mener des actions de sensibilisation et de formation auprès des professionnels et l’importance d’une orientation vers des dispositifs spécialisés (hébergements ou dispositifs sociaux). Des actions de sensibilisation du CMDR vers des structures spécialisées dans l’accueil et la prise en charge des femmes sans domicile devraient être mises en œuvre.

Effet de l’évolution des sources sur le profil des décès recensés par le CMDR, l’exemple de 2019

Comme représenté sur la figure 3 (Fonctionnement du système de surveillance, Sources d’information), le réseau de surveillance mis en œuvre par le CMDR est constitué de plusieurs types de sources et est évolutif d’année en année. Ces variations conduisent à des différences dans le profil des personnes sans chez soi décédées chaque année sans pour autant permettre de conclure à une modification de la mortalité des personnes sans domicile en France. L’année 2019 est utilisée ici à titre d’exemple (Tableau 7). Il est observé une hausse importante des décès signalés par les partenaires institutionnels qui constituent, pour cette année donnée, la principale source de signalement (27% des décès contre 16,83% sur la période 2012-2019). Cette hausse contribue ainsi à rendre la voie publique comme principal lieu de décès en 2019 (47,78%) alors que sur la période 2012-2018, les lieux de soins étaient plus fréquents (33,81%, cf. Partie 1). En effet, depuis 2018, la DGCS signale au CMDR les décès de personnes sans domicile survenus sur la voie publique qui leur sont reportés. Si ce signalement augmente l’exhaustivité des données, il agit mécaniquement sur la variable lieu de décès sans pour autant traduire une modification des lieux de décès parmi les personnes sans chez soi. A contrario, il est également constaté une proportion plus élevée de décès parmi les personnes âgées de plus de 65 ans en 2019 (16,52% contre 11,65% en 2012-2018). Cette hausse dans cette catégorie d’âge est retrouvée par plusieurs sources (associations, collectifs, convention morts isolés, structures de soins, particuliers et partenaires institutionnels) ce qui dans ce cas pourrait laisser suggérer une tendance « réelle » à l’augmentation de l’âge au décès parmi les personnes sans chez soi recensées par le CMDR.

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Tableau 17 Caractéristiques des décès recensés par le CMDR sur la période 2012-2019 selon le type de source de signalement

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Tableau 18 Caractéristiques des décès recensés par le CMDR en 2019 selon le type de source de signalement

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Discussion

Limitations

Cette première évaluation a été menée sous la forme d’une évaluation interne et s’est appuyée sur la base de données du CMDR, les documents disponibles (rapports sur la mortalité des personnes sans chez soi des années antérieures, protocoles existants) et les échanges menés avec les membres des équipes du Collectif Les Morts de la Rue. Il serait judicieux pour les années futures de créer un comité en charge du pilotage de l’évaluation du système, ildevrait être composé de membres représentatifs du système de surveillance et de référents techniques. Il est fondamental que les évaluations ultérieures intègrent les avis et analyses des différents utilisateurs et participants du dispositif.

L’utilisation d’une méthode principalement quantitative induisant un certain nombre de limites, les évaluations ultérieures devront intégrer une composante qualitative suivant en cela les différentes recommandations (7)(25)(6).

Recommandations

Suite à cette évaluation qui a montré la nécessité de la surveillance de la mortalité des personnes sans chez soi, des recommandations peuvent être formulées afin d’améliorer un certain nombre de points :

Mener une réflexion sur les objectifs de la surveillance

Il apparaît nécessaire que le CMDR mène une réflexion sur les objectifs attendus du système de surveillance afin de préciser s’il souhaite s’intéresser à la mortalité et ses facteurs de risque ou à la description précise des parcours des personnes décédées. Ces deux orientations sont intéressantes mais difficilement conciliables en l’état, eu égard au nombre important de domaines explorés et à la proportion élevée de données manquantes. La poursuite de la surveillance de la mortalité sur un nombre plus restreint de variables permettrait une meilleure qualité des données et soulagerait le process de recueil. Des approches complémentaires, via des études ponctuelles, pourraient approfondir certaines hypothèses identifiées ou répondre à des problématiques spécifiques (exemple : la faible représentation des femmes dans les décès des personnes sans domicile). De ce travail de réflexion dépend grandement la qualité des données recueillies.

Développer et consolider le réseau de surveillance

Les sources de signalement des décès sont variables au cours du temps et cela a un impact en termes d’exhaustivité et de représentativité des cas recensés par le CMDR. Il est donc important de consolider les collaborations existantes et d’en développer de nouvelles au niveau national31, régional32 et départemental33, y compris dans les départements et collectivités d’outre-mer qui font face à des problématiques spécifiques34. Une évaluation des actions entreprises à leur niveau sur la gestion des décès (de leur identification, l’accompagnement des proches, les démarches administratives jusqu’à leur prise en compte dans leurs données) permettrait d’en comprendre les besoins. Un effort de communication sur le travail mené par le CMDR et sur le cadre réglementaire de cette surveillance apparaît nécessaire afin d’en améliorer l’acceptabilité par les différents acteurs.

Les actions entreprises à l’échelon communal ou départemental par certains collectifs comme Dignité Cimetière à Rennes 35 ou Goutte de vies à Toulouse36 sont à prendre en exemple et démontrent qu’il est possible de fédérer les acteurs autour de la mortalité des personnes sans chez soi.

31 Pour exemple : la Fédération des Acteurs de la Solidarité, EMMAUS, Médecins du Monde, la Fondation Abbé Pierre, la Fédération des Samusociaux, l’UNIOPSS, l’UNCCAS, l’UNAFO31 et la DGCS 32 Pour exemple : Les fédérations régionales des acteurs de la solidarité, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale 33 Pour exemple : les SIAO, les directions départementales de la cohésion sociale et tous les acteurs de l’AHI. 34 Ces problématiques sont en lien notamment avec la pauvreté et l’habitat. Il est nécessaire que le CMDR mène une réflexion sur les définitions de cas utilisées afin d’intégrer la problématique relative à l’habitat indigne et insalubre. 35 Le Collectif Dignité Cimetière a développé un projet de charte départementale afin de permettre des obsèques dignes et une sépulture décente aux personnes décédées sans ressource. Le département d’Ile et Vilaine fait partie des premiers signataires. 36 Le Collectif Goutte de vies est à l’initiative d’un projet d’EHPAD pour personnes vieillissantes ayant fait l’expérience de la rue.

Page 91: Edito - Morts de la Rue

91

Améliorer les procédures de traitement de l’information

Le système de surveillance repose principalement sur l’investissement des bénévoles dans le travail quotidien d’investigation. Il s’agit donc de ressources majeures pour lesquelles il est fondamental de valoriser les efforts fournis, notamment par les résultats produits par le dispositif de surveillance. Une actualisation des procédures et des cursus de formation est en cours et vise à faciliter l’intégration de nouveaux volontaires tout en préservant la qualité du recueil des données. La mise en place de référents régionaux dans la conduite de la surveillance vise à faciliter la gestion des cas signalés sur une zone géographique donnée et à en faciliter le traitement. Elle permettra également une meilleure visibilité pour les différents partenaires de la surveillance en orientant vers un interlocuteur de référence. Il importe également de continuer d’impliquer les bénévoles dans les orientations prises par le CMDR quant au système de surveillance.

Les outils de monitoring dans le traitement des cas devraient être ré-utilisés afin de permettre de mieux appréhender la charge de travail induite pour les équipes. L’analyse de la réactivité du système a pointé la période de travail plus intense entre décembre et avril. Il est nécessaire de favoriser un signalement plus régulier des cas tout au long de l’année afin de mieux répartir la charge de travail pour les équipes et améliorer la qualité des informations recueillies.

Développer les collaborations avec des structures de recherche

Le premier croisement de données avec l’INSERM-CépiDC a été mené en 2014. Il a permis d’estimer le nombre de décès de personnes sans chez soi en France sur la période 2008-2010 (10) et d’en comparer les causes de décès avec la population générale (14). Une nouvelle collaboration est attendue très prochainement afin de réitérer ces études.

Les collaborations avec des unités de recherche devraient être renforcées afin d’améliorer les connaissances sur la mortalité des personnes sans chez soi et permettre d’approfondir des thématiques que le système à lui seul ne permet pas d’étayer.

Conclusion

La surveillance réalisée le CMDR constitue la principale source d’information relative à la mortalité des personnes sans chez soi à l’échelle nationale. Le travail mené par le CMDR depuis 2002 permet de mettre en évidence la vulnérabilité des personnes sans domicile en France auprès des différents acteurs nationaux. Il a montré que l’âge moyen au décès des personnes sans chez soi recensées par le CMDR était particulièrement abaissé par rapport à celui de la population générale en France et que ces décès ne surviennent pas uniquement en hiver du fait d’une exposition à un froid excessif mais de conditions de vie violentes et précaires.

Si l’exhaustivité des données constitue un défi majeur pour le système de surveillance, un certain nombre de pistes de réflexion ont été identifiées afin de le rendre plus efficace.

Page 92: Edito - Morts de la Rue

92

Bibliographie

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18. CMDR. Mortalité des personnes sans domicile 2012-2016. Enquête Dénombrer & Décrire. Paris: Collectif Les Morts de la Rue; 2017 nov p. 153.

19. Héraud Bousquet V. Traitement des données manquantes en épidémiologie : application de l’imputation multiple à des données de surveillance et d’enquêtes [Internet] [phdthesis]. Université Paris Sud - Paris XI; 2012 [cité 2 août 2020]. Disponible sur: https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00713926

20. Françoise Yaouancq, Alexandre Lebrère, Maryse Marpsat, Virginie Régnier (Insee) Stéphane Legleye, Martine Quaglia (Ined). L’hébergement des sans-domicile en 2012. juill 2013 [cité 17 déc 2019];(1455). Disponible sur: https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281324

21. Apur, INSEE. Les sans-domicile dans l’agglomération parisienne : une population en très forte croissance. juin 2014;(72):4.

22. Letchimy S. L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre-mer: un défi à relever. Rapport relatif à la résorption de l’habitat insalubre outre-mer. 2009 sept p. 137.

23. Bellamy V. 594 000 personnes décédées en France en 2016, pour un quart d’entre elles à leur domicile - Insee Focus - 95 [Internet]. INSEE Focus n°95. 1997 [cité 23 juill 2020]. Disponible sur: https://www.insee.fr/fr/statistiques/3134763#consulter

24. Miragliese L, Vella J, Ponce-Voiron C. Phase 1 du projet: « Un abri pour toutes ». Diagnostic réalisé auprès de Centres d’hébergement d’urgences mixtes. Fondation des Femmes; 2019 oct p. 104.

25. the Guidelines Working Group. Updated Guidelines for Evaluating Public Health Surveillance Systems. MMWR. 27 juill 2001;50(RR13):1‑35.

26. Direction Générale de la Santé, Direction Générale de la Cohésion Sociale. Instruction interministérielle N°DGS/VSS/VSS2/DGSCGC/DGT/DGOS/DGCS/SGMAS/2018/236 du 18 octobre 2018 relative à la prévention et la gestion des impacts sanitaires et sociaux liés aux vagues de froid 2018-2019 [Internet]. 2018 oct [cité 28 juill 2020]. Disponible sur: https://beta.legifrance.gouv.fr/download/file/pdf/cir_44119/CIRC

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93

Annexes

Annexe 1 \\ Sources de signalement des décès

Réseau associatif

De nombreuses associations sont adhérentes du CMDR (Annexe 8) et le conseil d’administration du CMDR est composé de personnes physiques ainsi que de représentants de différentes associations. De plus, par ses objectifs et ses actions, le CMDR est en relation avec les associations agissant auprès des personnes en précarité. De la même façon, certaines associations nationales et les collectifs locaux d’accompagnement des morts de la rue ou des morts isolés, qui transmettent généralement les données sur les décès qu’ils apprennent, sont en lien avec de nombreuses associations locales.

Les associations qui signalent les décès au CMDR peuvent le faire avec plusieurs objectifs : aider le CMDR à mieux connaître le nombre de personnes vivant ou ayant vécu à la rue décédées, honorer la mémoire de la personne en faisant apparaître son nom sur le faire-part, dénoncer des dysfonctionnements ou demander de l’aide dans l’organisation des funérailles ou la recherche des proches.

Ce réseau associatif est sollicité au quotidien par l’envoi de mails pour rechercher les proches ou informer d’un décès, par l’envoi de faire-part invitant aux célébrations annuelles (hommage public chaque année), par l’organisation de formations pour les associations, d’invitations à des groupes de paroles pour les personnes en deuil de quelqu’un qui vivait à la rue. Ce partenariat au quotidien permet aux associations de mieux connaître le CMDR à qui il communique spontanément les décès appris.

Sources institutionnelles

Certains acteurs institutionnels signalent régulièrement des décès au CMDR. Dans le cadre de la convention entre la ville de Paris et le CMDR (depuis 2004) pour l’accompagnement des personnes isolées décédées, les partenaires opérationnels (Institut médicolégal, et Services Funéraires de la Ville de Paris) envoient systématiquement un fax au CMDR pour lui indiquer les noms des personnes isolées décédées qui seront accompagnées au cimetière par le CMDR. Parmi ces noms, l’équipe « Proches en deuil » du CMDR recherche pour chaque personne auprès du Samu Social de Paris, des commissariats, des états-civils d’hôpitaux, des partenaires associatifs (réseau « Connaissez-vous »), les éléments qui permettront de mieux accompagner les défunts. C’est en faisant cette recherche que le CMDR apprend parfois qu’il s’agit d’une personne ayant vécu à la rue. Le CMDR peut apprendre des décès par d’autres sources institutionnelles (police, services sociaux ou état civil de certains hôpitaux, certains 115...), notamment lorsque le CMDR représente pour ces services une aide pour l’identification de la personne décédée ou la recherche de proches.

La DGCS transmet au CMDR depuis 2018 la liste anonymisée des décès de personnes sans chez soi survenus sur la voie publique durant la période hivernale (26).

Réseaux sociaux

Le CMDR est présent sur les réseaux sociaux, notamment Twitter®, Instagram® et Facebook®. Cette présence permet au CMDR de se faire connaître d’un autre public et d’être informé régulièrement de décès, de disparitions ou de rumeurs de décès qui seront vérifiées par ailleurs.

Des particuliers

Familles, amis, voisins, riverains, signalent des décès au CMDR, ou se tournent vers lui pour lui demander soutien.

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Annexe 2 \\ Fiche de signalement des décès

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95

Annexe 3 \\ Veille médiatique

Le CMDR effectue une veille médiatique sur internet. Pour cela, il effectue quotidiennement une recherche par mots clés permettant de détecter des articles relatant le décès de personnes sans domicile ou vivant en centre d’hébergement collectif. Cette recherche est réalisée sur le moteur de recherche Google©.

Les mots clés utilisés pour cette recherche sont les suivants :

• « SDF » ;

• « mort SDF » ;

• « décès SDF » ;

• « corps SDF » ;

• « cadavre SDF » ;

• « marginal » ;

• « mort marginal » ;

• « décès marginal » ;

• « corps marginal » ;

• « cadavre marginal » ;

• « sans-abri » ;

• « mort sans-abri » ;

• « décès sans-abri » ;

• « cadavre sans-abri » ;

• « Sans- Domicile » ;

• « décès sans-domicile » ;

• « corps sans-domicile » ;

• « cadavre sans-domicile » ;

• « SDF décédé » ;

• « sans-abri décédé » ;

• « marginal décédé » ;

• « sans domicile décédé » ;

• « mort de la rue » ;

• « morts de la rue » ;

• « mort squat » ;

• « corps squat » ;

• « décès squat » ;

• « cadavre squat » ;

• « mort foyer hébergement » ;

• « décès foyer hébergement » ;

• « corps foyer hébergement... ».

Quotidiennement, les équipes du CMDR réalisent un tri des résultats obtenus par ces équations de recherche et ajoutent les cas correspondant aux cas à explorer.

Page 96: Edito - Morts de la Rue

96

Annexe 4 \\ Données recueillies par la surveillance du CMDR

Le recueil de données est rétrospectif et mené auprès de tiers. Il concerne la vie entière de la personne, de l’enfance aux causes et circonstances du décès. Les personnes étant décédées, et le CMDR n’ayant pas eu de contact avec elles de leur vivant, nous devons nous tourner vers des tierces personnes les ayant connues : éducateur.trice, maraudeur.se, proche, voisin, ...

Cette méthode de recueil indirecte et rétrospective induit de fait des biais.

Les données démographiques :

Cette partie aborde des informations permettant de croiser la base de données avec d’autres bases de données :

Nom, prénom, surnom, date de naissance, pays de naissance, commune de naissance pour les personnes nées en France.

Une variable « statut » correspondant aux différentes définitions « actuellement en situation de rue », « actuellement hébergé », « probablement « SDF » ou « anciennement « SDF » et une variable permettant d’indiquer si le corps a été identifié.

Pour l’âge, la date de naissance est souhaitée pour calculer l’âge exact et croiser les données du CMDR avec celles de l’Inserm-CépiDC. Toutefois, si la date de naissance exacte est inconnue, il est possible d’indiquer l’âge en années. Si l’âge précis est inconnu et qu’un âge « environ » est indiqué, la variable « âge » n’est pas remplie et la classe d’âge choisie est celle juste au-dessus de l’âge approximatif indiqué.

Dans cette partie est indiquée aussi la nationalité, catégorisée en française, union européenne (UE, au sens des 27 pays appartenant en 2015 à l’UE), hors UE, double nationalité dont française, double nationalité dont UE, double nationalité hors UE.

Les données sur le décès

Cette partie comprend les informations relatives au décès :

• Acte de décès reçu,

• Date de décès,

• Date à laquelle le CMDR a appris le décès,

• Statut final du décès,

• Commune et région du décès,

• Lieu du décès,

• Source ayant signalé le décès au CMDR,

• Cause du décès,

• Source ayant transmis la cause de décès,

• Simultanéité du décès avec un autre,

• Demande d’autopsie.

Le contexte administratif, social et familial

La partie concernant le contexte social est subdivisée en plusieurs parties :

• Situation administrative au moment du décès : cette partie permet de comprendre le mode de vie de la personne au moment du décès et son accès aux droits.

• Enfance : cette partie vise à comprendre le parcours de la personne pendant l’enfance, notamment qui a élevé la personne, si la personne a été placée et le niveau d’études le plus élevé.

• Famille et parcours de vie : cette partie vise à décrire le tissu familial et les liens qui subsistent avec les membres de la famille, ainsi que les ruptures qu’a pu connaître la personne au cours de sa vie. Pour ce dernier point, deux questions ont été posées : une première permet d’indiquer tous les évènements qui ont pu constituer une rupture pour la personne (un décès, une perte de contact, une séparation conjugale, une perte d’emploi ou une maladie grave), quel que soit le moment auquel est survenu l’évènement ; une deuxième permet d’indiquer le ou les évènement(s) qui auraient conduit la personne à une situation de rue.

Page 97: Edito - Morts de la Rue

97

• Lien social : cette partie permet d’indiquer si la personne bénéficiait d’un suivi social, et si elle possédait des liens sociaux autres que ceux décrits précédemment (autre qu’un compagnon/compagne, famille, ou services sociaux/associations en charge du suivi social).

• Travail/ressources : cette partie concerne le parcours professionnel de la personne, le fait qu’elle ait exercé un travail au cours des 12 mois ayant précédé le décès et les sources de revenu.

• Une dernière question permet d’indiquer si des démarches étaient en cours au moment du décès ou avaient abouti récemment (au cours des 12 derniers mois).

Le logement

Cette partie retrace rétrospectivement les différents types d’habitation de la personne, à partir du lieu d’habitation occupé la veille du décès. Le temps passé en situation de rue y est renseigné, c’est-à-dire le temps cumulé vie entière37 pendant lequel la personne a dormi dans un lieu non prévu pour l’habitation ou dans des foyers d’urgence, et le temps sans logement personnel, c’est-à-dire le temps cumulé vie entière pendant lequel la personne a dormi dans un lieu conduisant à considérer la personne comme « hébergée ».

Depuis 2015, le questionnaire inclut une dimension de stabilité d’hébergement, comprenant une question sur le nombre de lieux où la personne a dormi au cours des 3 derniers mois et de la dernière année. Une question porte également sur le nombre de changements subis (indépendants de la volonté de la personne) ou choisis (consécutifs à la volonté de la personne).

Les données médicales

Cette partie permet de décrire les antécédents médicaux de la personne, les addictions, pathologies, troubles mentaux et hospitalisations.

Les contacts

Cette partie permet de lister toutes les personnes ayant eu un contact avec le CMDR au sujet de la personne décédée.

Les données concernant l’inhumation

Cette partie permet de garder une trace de la date et du lieu de l’inhumation, mais aussi du déroulement de l’inhumation (présence de la famille, accompagnement par le CMDR...).

Une partie de commentaires libres

Enfin, une partie de commentaires libres permet de recueillir certaines informations supplémentaires qui pourraient paraître intéressantes.

37 Le « temps cumulé vie entière en situation de rue » signifie l’addition, sur la vie entière de l’individu, de toutes les périodes pendant lesquelles la personne a été en situation de rue.

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98

Annexe 5 \\ Typologie de l’exclusion du logement proposé par la

FEANTSA

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99

Annexe 6 \\ Données relatives aux sources de signalement du CMDR

Tableau 19 Répartition des décès selon l’année de survenue et selon l’année de leur signalement au CMDR, France, 2012-2019

Année

signal

N 351 92,13% 382 93,63% 413 80,51% 418 80,38% 400 75,76% 382 72,90% 398 64,61% 455 80,82% 3199 78,93%

N+1 26 682,00% 23 5,64% 87 16,96% 87 16,73% 105 19,89% 136 25,95% 218 35,39% 108 19,18% 790 19,49%

N+2 1 0,26% 0 0,00% 5 0,97% 2 0,38% 23 4,36% 6 1,15% 0 0,00% 37 0,91%

N+3 0 0,00% 0 0,00% 0 0,00% 13 2,50% 0 0,00% 0 0,00% 13 0,32%

N+4 1 0,26% 3 0,74% 7 1,36% 0 0,00% 0 0,00% 11 0,27%

N+5 2 0,52% 0 0,00% 1 0,19% 0 0,00% 3 0,07%

N+6 0 0,00% 0 0,00% 0 0,00% 0 0,00%

N+7 0 0,00% 0 0,00% 0 0,00%

N+8 0 0,00% 0 0,00%

Décès 2018

n=625

Décès 2019

n=563

2012-2019

n=4099

Décès 2012

n=384

Décès 2013

n=438

Décès 2014

n=514

Décès 2015

n=520

Décès 2016

n=528

Décès 2017

n=526

Tableau 20 Répartition des décès selon la source de signalement, CMDR, 2012-2019, France

Sources

Medias 120 30,93% 126 27,39% 141 27,43% 146 28,08% 136 25,76% 146 27,76% 150 24,00% 148 26,29% 1113 26,99%

Associations 108 27,84% 102 22,17% 135 26,26% 134 25,77% 133 25,19% 138 26,24% 121 19,36% 100 17,76% 971 23,55%

Partenaires institutionnels 37 9,54% 61 13,26% 55 10,70% 62 11,92% 63 11,93% 90 17,11% 174 27,84% 152 27,00% 694 16,83%

Collectifs d'accompagnement des morts 63 16,24% 89 19,35% 105 20,43% 84 16,15% 87 16,48% 69 13,12% 62 9,92% 58 10,30% 617 14,96%

Particuliers 33 8,51% 33 7,17% 32 6,23% 60 11,54% 49 9,28% 37 7,03% 44 7,04% 52 9,24% 340 8,24%

Convention Morts Isolés 8 2,06% 24 5,22% 22 4,28% 17 3,27% 37 7,01% 20 3,80% 45 7,20% 33 5,86% 206 5,00%

Structures de soin 18 4,64% 24 5,22% 24 4,67% 17 3,27% 22 4,17% 26 4,94% 29 4,64% 17 3,02% 177 4,29%

Autres 1 0,26% 1 0,22% 0 - 0 - 0 - 0 - 0 - 3 0,53% 5 0,12%

Non précisées 0 - 0 - 0 - 0 - 1 0,19% 0 - 0 - 0 - 1 0,02%

Deces 2018

(n=625)

Deces 2019

(n=563)

Cumul 2012-2019

(n=4124)

Deces 2012

(n=388)

Deces 2013

(n=460)

Deces 2014

(n=514)

Deces 2015

(n=520)

Deces 2016

(n=528)

Deces 2017

(n=526)

Tableau 21 Répartition des signalements selon le type de source et le sens de l'information, CMDR, effectif cumulé 2012-2019, France

Sens

Entrant 549 56,54% 329 53,32% 142 68,93% 315 45,39% 107 60,45% 245 72,06% 41 3,68% 3 60,00% 0 0,00% 1731 41,97%

Sortant 135 13,90% 90 14,59% 16 7,77% 154 22,19% 16 9,04% 22 6,47% 786 70,62% 0 0,00% 0 0,00% 1219 29,56%

Manquant 287 29,56% 198 32,09% 48 23,30% 225 32,42% 54 30,51% 73 21,47% 286 25,70% 2 40,00% 1 100,00% 1174 28,47%

Médias

(n=1113)

Autres

(n=5)

Non précisé

(n=1)

Total

(n=4124)

Associations

(n=971)

Collectifs

(n=617)

Convetion MI

(n=206)

Partenaires

institutionnels

(n=694)

Structures de

soins

(n=177)

Particuliers

(n=340)

Page 100: Edito - Morts de la Rue

100

Annexe 7 \\ Associations et Collectifs d’accompagnement des morts

de la rue

En 2002, des associations ou collectifs accompagnaient déjà les personnes à la rue décédées notamment le Collectif Dignité Cimetière à Rennes ou Magdala à Lille. D’autres collectifs se sont créés après le CMDR à Paris. Aujourd’hui, des associations ou collectifs accompagnent les morts de la rue dans 18 villes françaises. Ces associations travaillent de manière indépendante et fonctionnent de façon différente les unes des autres. Elles échangent sur leurs pratiques notamment lors de rencontres inter-associatives. Les collectifs transmettent des données au CMDR. Ces données peuvent être nominatives ou anonymes, et plus ou moins renseignées. Des rencontres avec les collectifs régionaux portant sur la transmission des données ont eu lieu (Grenoble, Rennes, Lille, Strasbourg) entre 2015 et 2016, afin d’améliorer la transmission des données, en accord avec leurs modes de fonctionnement.

• Angers : Collectif Angevin des Morts de la rue

• Avignon

• Belfort

• Bordeaux

• Fougères

• Grenoble : Morts de Rue Grenoble

• Lille : Mémoire-Fraternité

• Lyon : Morts sans toi(t)

• Marseille : Marseillais solidaires des Morts anonymes

• Nancy

• Nantes : de l’Ombre à la Lumière

• Redon

• Rennes : Collectif Dignité Cimetière (et plusieurs communes d’Iles et vilaine

• Rouen : Association Rouennaise pour l’Adieu aux Morts Isolés

• Saint-Brieuc

• Saint Malo

• Strasbourg : Grains de sable, Collectif Alsacien des Morts de la Rue

• Toulon : Collectif Varois des Morts de la Rue

• Toulouse : Gouttes de vie – CMDR31

Page 101: Edito - Morts de la Rue

101

Annexe 8 \\ Associations adhérentes au CMDR

ABEJ

ACAT GROUPE THONON

ACCUEIL ET HEBERGEMENT DES JEUNES - STRASBOURG ASSOCIATION CENT VOIX

AFFAIRE D’UNE VIE

ASSOCIATION CHARONNE

ASSOCIATION ESPOIR

ASSOCIATION PENSION DE FAMILLE A BAUER

ASSOCIATION SERT MARMOTTAN

ASSOCIATION SOS ACCUEIL

ASSOCIATION ST JOSEPH

ASSOCIATION VAROISE D'ACCUEIL FAMILIAL AVAF

ATD QUART MONDE

AURORE

AUTREMONDE

AUX CAPTIFS LA LIBERATION

BAGAGERIE ANTIGEL

CAFE ACCUEIL AUX GENS DE LA RUE

CASP – CENTRE D’ACTION SOCIALE PROTESTAN

CMAO – LILLE

COEUR DU CINQ

COMITE SOLIDARITE DEFENSE

COMPAGNIE DES FILLES DE LA CHARITE

COMPAGNONS DE LA NUIT

CONFERENCE ST GAUCHER DU VEXIN

DE L'OMBRE A LA LUMIERE

DEPAUL FRANCE

EGLISE PROTESTANTE UNIE DE France

ENTRAIDE DU FOYER DE L'AME

ENTRAIDE ET PARTAGE

ENTRAIDE ET PARTAGE AVEC LES SANS-LOGIS

ESPERER 95

EQUIPES SAINT VIENCENT

FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT

FRATERNITE DU SERVITEUR SOUFFRANT

LA CLOCHE

L’AFFAIRE D’UNE VIE

LA MIE DE PAIN

LDH BAGNOLET

LES BANCS PUBLICS

LES ENFANTS DU CANAL

LES RESTAURANTS DU COEUR LES RALAIS DU COEUR DE PARIS MAGDALA

MAISON DE LA SOLIDARITE DE GENNEVILLIERS

OPELIA LE TRIANGLE A SAINT NAZAIRE

PETIT CAFE DE ST AMBROISE

PETITS FRERES DES PAUVRES

PROTECTION CIVILE DE PARIS

ROBINS DES RUES

SAMUSOCIAL DE PARIS

SDAT – DIJON

SECOURS CATHOLIQUE

SOLIDARITE JEAN MERLIN

SOCIETE SAINT VINCENT DE PAUL

SOLIDARITES NOUVELLES POUR LE LOGEMENT PARIS

SOS ACCUEIL

SOUPE ST EUSTACHE

Page 102: Edito - Morts de la Rue

102

Page 103: Edito - Morts de la Rue

103

PARTIE 3

LA SITUATION DES

PERSONNES SANS CHEZ SOI

DANS LES DROM ET COM

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104

Introduction

Un constat

Les informations relatives à la mortalité des personnes sans logement sont limitées aux données du CMDR qui les recense chaque année depuis 2002. L’évaluation menée par CemkaEval (1) dans le cadre de l’étude de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale sur les causes de décès a permis de consolider le travail du CMDR. Cependant ce recensement est confronté à un certain nombre de défis, parmi eux :

• L’enjeu de l’exhaustivité des données. L’étude de C.Vuillermoz (2), menée conjointement entre le CMDR et l’INSERM CépiDC, sur les données de 2008 à 2010, estime à 6730 le nombre réel de décès de personnes sans chez soi sur la période 2008-2010, soit plus de 2000 décès par an. Le taux d’exhaustivité du CMDR n’étant estimé qu’à 17%.

• Le manque de régularité des sources de signalements d’une année sur l’autre [Partie 2] ;

• L’influence de l’implantation géographique du Collectif en Ile de France qui concentre la majorité des signalements. L’étude de C.Vuillermoz (2) met en évidence que le recensement du CMDR pour les années 2008 à 2010 était deux fois plus exhaustif en région parisienne [Partie 2];

La surveillance menée par le CMDR a permis de recenser entre 394 (2012) et 627 (2018) décès de personnes sans chez soi sur l’ensemble du territoire français. Cependant, la couverture du dispositif dans les Départements, Régions et Collectivités d’Outre-Mer (DROM et COM) est particulièrement irrégulière d’une année sur l’autre comme le met en évidence le tableau 1. Ces variations laissent supposer que le recensement dans les DROM et COM, comme dans certaines autres régions métropolitaines par ailleurs, est insuffisant. Ce constat incite donc le CMDR à développer et renforcer ses liens avec les régions et particulièrement dans les DROM et COM.

Tableau 22 Nombre de décès de personnes sans chez soi dans les DROM et COM recensés par le CMDR entre 2012 et 2019

L’enjeu des définitions

Plusieurs définitions existent pour aborder la question des personnes sans chez soi. Au niveau européen, la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri

0

5

10

15

20

25

2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019

GUADELOUPE MARTINIQUE GUYANE REUNION

MAYOTTE SAINT MARTIN POLYNESIE FRANCAISE NOUVELLE CALEDONIE

Page 105: Edito - Morts de la Rue

105

(FEANTSA) a élaboré une typologie appelée ETHOS (pour European typology on homelesness and housing exclusion) qui distingue quatre formes d’exclusion liée au logement (3):

• Les personnes sans abri vivant dans la rue ou en hébergement d’urgence

• Les personnes sans logement qui vivent en foyer d’hébergement ou en hébergement pour femmes ou pour immigrés. Il s’agit également des personnes sortant d’institutions (pénales mais également médicales ou pour enfants) ou des personnes bénéficiant d’un accompagnement au logement à plus long terme

• Les personnes vivant dans un logement précaire ou habitat précaire (hébergé par la famille ou des amis, sans bail, occupation illégale du terrain), ou menacées d’expulsion ou de violences domestiques

• Les personnes vivant dans un logement inadéquat, il s’agit de structures provisoires (mobile-home, construction non conventionnelle), de logement indigne (impropre à être habité d’après la législation) ou de conditions de surpeuplement sévères

En France, l’INSEE dans le cadre de l’enquête Sans Domicile (4), se réfère au lieu où a dormi la personne la nuit précédant l’enquête. La Fondation Abbé Pierre aborde la notion de « sans abrisme » sous l’angle du mal logement ce qui permet de prendre en compte la notion d’habitat insalubre.

Le Collectif les Morts De la Rue (CMDR) aborde quant à lui la question du logement en explorant la notion de « chez soi ». V.Girard, P.Estecahandy et P.Chauvin considèrent la question du « chez soi » comme bien plus large que celle de « sans domicile » ( définition administrative) et renvoient à la notion de citoyenneté (au respect des droits fondamentaux et constitutionnels) et à l’accomplissement d’une vie pleine et entière, et pas seulement à la protection contre les intempéries ou à des logiques de survie (5). Le CMDR considère ainsi 3 grandes situations et prend en compte le principal lieu d’habitation au cours des trois derniers mois de vie :

• Les personnes sans chez soi qui peuvent être en situation de rue, hébergées ou probablement sans chez soi

• Les personnes anciennement sans chez soi, qui à un moment de leur vie, ont été « sans chez soi ».

• Les personnes récemment à la rue

Si ces définitions sont communément admises en France métropolitaine, en Europe, en est-il de même dans les Départements et Régions d’Outremer et dans les Collectivités d’Outremer ?

C.Serra Mallol met notamment en évidence que le terme de « SDF » est considéré, par les personnes vivant dans la rue en Polynésie Française, comme dépréciatif, renvoyant à l’image du « clochard à la française » et à des signes jugés comme distinctifs (état d’ébriété, sale, âgé, mauvaise santé) (6). Le terme « SDF » est également perçu comme « une forme de laisser-aller, de dérive sans retour (‘ōere) qui est inacceptable pour un Tahitien pour qui la terre symbolise l’identité individuelle ».

Quels sont les termes utilisés par les acteurs sociaux pour aborder les personnes « sans chez soi » ou « vivant à la rue » ? Comment sont-ils définis ?

L’habitat informel et l’habitat traditionnel

Aborder la question du « sans chez soi » dans les DROM et COM nécessite de se questionner sur la nature du logement. En métropole, le vocable utilisé pour les logements inadéquats (ETHOS) fait référence aux termes d’habitat indigne ou insalubre. En Outre-Mer, il est important de distinguer les bidonvilles, les quartiers urbains insalubres, les quartiers d’habitat spontané, les habitats précaires diffus et insalubres et les quartiers urbains dégradés comme le propose le Député de la Martinique Serge Letchimy (7) en 2009.

La Guyane, pour exemple, est confrontée à une demande de logement majeure avec une part conséquente de la population présentant des ressources limitées. N’ayant pas accès au parc immobilier privé et face à une offre limitée dans le parc social, les personnes précaires investissent des zones et construisent des habitations, dites habitat « spontané », favorisant l’apparition de quartiers spontanés (8). Il s’agit alors de constructions sans titre, ni droit, sur des terrains disponibles et qui n’obéissent à aucune règle d’urbanisme (9).

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A la Réunion, un nombre élevé d’habitats traditionnels est également recensé (tableau 2). Pour autant, est-ce que cet habitat traditionnel constitue une forme de mal logement ou est-ce une manifestation d’une « habitude », d’une culture ?

A Mayotte en 2013 (10), plus d’un ménage sur trois vivait dans une maison de tôle, les « Bangas », habitats précaires. 62% de l’ensemble du parc immobilier étaient sans équipement sanitaire de base (wc, baignoire, eau). 90% des Mahorais vivaient sous le seuil de pauvreté en 2018 (11).

Tableau 23 Diversité et effectif des types d'habitat dans les DOM, selon les données de 2007 (Source INSEE)

Habitats de fortune Cases traditionnelles Habitations en bois

Guadeloupe 113 5311 8440

Martinique 2617 1493 5326

Guyane 2712 2940 10432

La Réunion 233 22182 11575

Mayotte 17013 1808 2020

Données issues du rapport Rénovation urbaine et habitat indigne dans les DOM, Conseil Général

de l'environnement et du développement durable, janvier 2012, P.Schmit

Comment les personnes vivant dans ces différents types d’habitat sont-elles prises en compte par les acteurs de l’Accueil, de l’Hébergement et de l’Insertion (AHI) dans les DROM et COM actuellement ?

Le dénombrement des personnes sans abri

Les dernières estimations de la population sans domicile sont issues de l’enquête menée par l’INSEE en 2012. Celle-ci estimait à près de 141 500 le nombre de personnes sans domicile mais uniquement en France métropolitaine(12) 38. Les données sont rares sur les personnes sans chez soi dans les DROM et COM.

A la Martinique, le diagnostic territorial partagé, de 2015, identifiait à 84, le nombre de personnes vivant dans la rue selon les données du SIAO. Cependant, l’estimation retenue, au final, était de l’ordre de 300 à 500 personnes (13).

Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre pour la Réunion (14) estimait à 103 790 le nombre de personnes souffrant de mal-logement. Parmi elles, 39 559 étaient privées de logement personnel, dont 2 506 personnes sans domicile.

A la Guadeloupe, les personnes en errance seraient environ 500 d’après le PDALHPD de 2017 (15). En 2014, 798 personnes (540 ménages) avaient sollicité le 115.

A Mayotte, 173 places d’hébergements étaient disponibles en 2016, soit une augmentation de 47% par rapport à 2015. Un certain nombre d’actions sont actuellement en cours: renforcement du SIAO, mise en place d’un Samu social. Les dispositifs d’accompagnement et de veille sociale sont également en cours d’implantation, faisant de ce DOM, un territoire particulièrement dynamique. L’évaluation des besoins constitue une priorité et les différentes parties prenantes s’y emploient (11). L’espace public étant moins développé qu’en métropole, les lieux de refuge des personnes sans domicile semblent plus difficiles à identifier rendant complexe leur estimation.

En Guyane, le PDALHPD prévu pour la période 2019-2024 tarde à venir. Cependant, d’après les premiers échanges menés avec certains acteurs, les personnes sans domicile semblent être concentrées sur la côté (Saint Laurent du Maroni, Kourou, Cayenne). Un certain nombre de dispositifs sont actuellement en place : SIAO, Samu social, CHRS, CSAPA, CAARUD, LHSS, maraudes. En 2018, 81 places en CHRS, 67 places en CHU ou en « nuitées hôtelières» et 150 places sur un dispositif spécifique dédié aux demandeurs d’asile étaient disponibles.

38 Ce chiffre de 141 500 personnes comprenait les 81 000 adultes sans domicile usagers des services d’aide accompagnés de

30 000 enfants. A cela ont été ajouté les 8000 personnes sans domiciles des communes rurales et des agglomérations de moins de 20 000 habitants et les 22 500 personnes dépendant du dispositif national d’accueil des étrangers (essentiellement les CADA).

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En Nouvelle Calédonie, les premiers échanges avec les acteurs mettent en lumière la concentration des personnes sans domicile sur Nouméa. Leur nombre est estimé à 500 à 600 personnes sans domicile et à 10 000 personnes vivant en squat.

En Polynésie Française, un seul rapport a été retrouvé, publié en Octobre 2015 par le Collectif TE TA’I VEVO (16). Il dénombrait alors près de 300 personnes vivant à la rue.

Quelles sont les caractéristiques des personnes sans domicile dans les DROM et COM ? Est-ce que des profils particuliers y sont retrouvés ?

Objectif Face à ces différents questionnements, le CMDR initie une enquête dans les DROM et COM visant à dresser un état des lieux de la situation des personnes sans chez soi et comprend plusieurs objectifs spécifiques :

• Définir les personnes sans chez soi au regard des réalités territoriales

• Identifier et décrire les différents acteurs et structures impliqués dans leur prise en charge

• Analyser les problématiques et enjeux territoriaux

• Identifier les actions existantes face à la survenue de décès au sein de cette population

Cette étude s’inscrit dans les prérogatives du CMDR, à savoir, rendre visible la mortalité des personnes sans chez soi. Elle vise à développer les collaborations avec les acteurs locaux afin de renforcer la surveillance des décès des personnes sans chez soi et de proposer, le cas échéant, des actions de renforcement de compétences dans la gestion des deuils, l’accompagnement des proches (familles, entourage, travailleurs sociaux, bénévoles, etc…) dans le deuil.

Méthodes Pour mener à bien cette analyse de situation, la méthodologie retenue repose sur l’approche RAP (17), pour Rapid Assessment Protocol. Cette approche, développée initialement pour évaluer les services de lutte contre les maladies infectieuses (VIH, tuberculose, paludisme), est déclinée aujourd’hui pour d’autres problématiques de santé (RAPIA (18)). Elle s’appuie notamment sur l’utilisation de différentes méthodes et sources de données (à la fois qualitative et quantitative) et la triangulation des informations recueillies en interrogeant différentes sources d’acteurs (institutionnels, acteurs locaux, travailleurs sociaux) (19). Elle repose sur l’analyse des documents disponibles (politique d’action, données statistiques, rapports d’activités), des entretiens semi-directifs et la mise en œuvre d’un recueil de données quantitatives par l’administration de questionnaires. Les données quantitatives recueillies sont décrites sous forme d’effectif et de fréquence. Aucune analyse statistique n’est menée. Les données qualitatives sont analysées par une approche thématique. Les entretiens ne sont pas retranscrits.

Le but est d’obtenir l’information la plus juste possible dans une visée pragmatique en multipliant les points de vue.

Les différents niveaux susceptibles d’être impliqués sont enquêtés :

• Niveau Macro : les autorités publiques en charge de l’aide sociale, les préfectures, les représentants de l’État, Fédération des acteurs de la solidarité, les directions départementales de la jeunesse et de la cohésion sociale

• Niveau Méso : les établissements d’accueil et d’orientation, de soins, d’hébergements, les CCAS ou équivalents, équipes mobiles, maraudes

• Niveau Micro : les travailleurs sociaux, les bénéficiaires

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A venir Ce travail sera finalisé fin 2020 – début 2021 et fera l’objet d’une communication, peut-être en dehors du rapport annuel sur la mortalité.

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Bibliographie

1. Charlemagne A, Courouve L, Bonte J. Etude exploratoire sur les diverses sources disponibles permettant une première approche des causes de décès des personnes sans abri. Etude pour l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion social (ONPES). Cemka Eval; 2011 févr p. 82. Report No.: 2009‑199.

2. Vuillermoz C, Aouba A, Grout L, Vandentorren S, Tassin F, Vazifeh L, et al. Estimating the number of homeless deaths in France, 2008–2010. BMC public health. 7 juill 2014;14:690.

3. ETHOS - Typologie européenne de l’exclusion liée au logement [Internet]. [cité 17 juin 2020]. Disponible sur: https://www.feantsa.org/fr/resource/toolkit/2012/07/12/ethos-typologie-europeenne-de-l-exclusion-liee-au-logement?bcParent=27

4. F.Yaouancq, M.Duée. Les sans-domicile en 2012 : une grande diversité de situations [Internet]. INSEE; 2014 p. 123‑38. (France, portrait social). Disponible sur: https://www.insee.fr/fr/statistiques/1288519?sommaire=1288529

5. DICOM_Jocelyne.M, DICOM_Jocelyne.M. Rapport « La santé des personnes sans chez soi » [Internet]. Ministère des Solidarités et de la Santé. 2020 [cité 18 juin 2020]. Disponible sur: http://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/sante/article/rapport-la-sante-des-personnes-sans-chez-soi

6. Serra Mallol C. Abondance et précarité. Conditions de vie et alimentation des sans-abri à Tahiti. Journal de la Société des Océanistes. 15 déc 2009;(129):263‑78.

7. Letchimy S. L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre-mer: un défi à relever. Rapport relatif à la résorption de l’habitat insalubre outre-mer. 2009 sept p. 137.

8. Ob-Hab_3.pdf [Internet]. [cité 16 juin 2020]. Disponible sur: http://www.audeg.fr/ftparuag/aruag/ressources/docs_telechargement/Ob-Hab_3.pdf

9. Colombier R, Deluc B, Rachmuhl V, Piantoni C. Relever le défi de l’habitat spontané en Guyane. Une expérimentation à Saint-Laurent-du-Maroni. Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement Territory in movement Journal of geography and planning [Internet]. 21 déc 2017 [cité 16 juin 2020];(36). Disponible sur: http://journals.openedition.org/tem/4307

10. INSEE. L’état du logement à Mayotte fin 2013. Des conditions précaires d’habitat. 2017 juin p. 46. (INSEE Dossier Réunion-Mayotte). Report No.: 1.

11. Département de Mayotte, Préfet de Mayotte. Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées 2018-2023. Mayotte [Internet]. [cité 18 juin 2020]. Disponible sur: http://www.mayotte.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-du-territoire-Politique-de-la-Ville-et-Cohesion-Sociale/Plan-departemental-d-action-pour-le-logement-et-l-hebergement-des-personnes-defavorisees-2018-2023

12. F.Yaouancq, A.Lebrère, M.Marpsat, V.Régnier, S.Legleye, M.Quaglia. L’hébergement des sans-domicile en 2012. Des modes d’hébergement différents selon les situations familiales. juill 2013;(1455).

13. Ministère de l’Egalité, des Territoires et du Logement.Direction Habitat, Urbanisme, Paysage, Direction Générale de la Cohésion Sociale, Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement. Plan de lutte contre la pauvreté, domaine logement hébergement. Accompagnement pour la mise en oeuvre d’un diagnostic territorial partagé à 360° du sans-abrisme au mal-logement. Diagnostic de la Martinique. 2015 juill.

14. L’état du mal-logement en France 2020. Eclairage régional Ile de la Réunion [Internet]. Fondation Abbé Pierre; 2020 [cité 18 juin 2020]. Report No.: 25. Disponible sur: https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-publications/communiques-de-presse/lagence-regionale-ile-de-la-reunion/ocean-indien-de-la-fondation-abbe-pierre-publie-son-rapport-sur-letat-du-mal-logement-la-reunion

15. Plan Départemental d’Action pour le Logement et l’Hébergement des Personnes défavorisées (PDALHPD) de Guadeloupe 2017-2022. 2017 mars.

16. Collectif TE TA’I VEVO, Croix Rgoue Française, Délégation de la Polynésie, Secours Catholique - Caritas France, Ordre de Malte France, Club de Prévention Spécialisée TE TOREA. Rapport de situation et préconisations : Les personnes à la rue ou en situation d’errance sur Tahiti [Internet]. 2015 oct [cité 18 juin 2020]. Disponible sur: https://documentation.outre-mer.gouv.fr/i-Record.htm?idlist=1&record=19131393124919595759

17. Manderson L, Aaby P. An epidemic in the field? Rapid assessment procedures and health research. Social Science & Medicine. 1 oct 1992;35(7):839‑50.

18. Beran D, Yudkin JS, de Courten M. Assessing health systems for type 1 diabetes in sub-Saharan Africa: developing a « Rapid Assessment Protocol for Insulin Access ». BMC Health Serv Res. déc 2006;6(1):17.

19. Rhodes T, Stimson GV, Fitch C, Ball A, Renton A. Rapid assessment, injecting drug use, and public health. The Lancet. 3 juill 1999;354(9172):65‑8.

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