ECHOS fragmentés: en réponse à La Douleur de Marguerite...

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• • • , ECHOS fragmentés: en réponse à La Douleur de Marguerite Duras Julie Lachance Cet article se veut en quelque sorte une réponse au texte de Marguerite Duras intitulé : La Douleur. Tout comme lui , il emprunte la forme du fragment, ce qui est fréquent dans les témoignages où l'on traite de la douleur. L'écriture fragmentaire: forme qui tente d'exprimer ce qui ne peut être totalisé, maîtrisé, mais que l 'o n désire dire, donner à entendre, crier, tout cela dans un sou me, rythmé par l'urgence. Il s'agit donc de l'espace où « l'écriture du désastre' » est en mesure d'avoir lieu, là où le vocabulaire tente d'aller à l'essentiel et où la ponctuation respire à la mesure de l'intolérable . Douleur Duras et son obsessionnel désir d'accompagner Robert L., Duras qui n'c st pas un véritable témoin parce qu'absente de)a réalité de celui- ci, mais qui persiste à accompagner son mari au sein de ses souffrances, au centre de sa douleur qui se fond en elle. Elle qui le prend en son corps, en son être profond, là où elle sc trouve contaminée jusqu'à s'oublier soi-même. Par la suite, elle devient un témoin réel, parce que présente lors du retour à la vie de celui qu'elle ne faisait qu'attendre. C'est à ce moment précis qu'elle commencera à retrouver son individualité, à revenir à la vie au même rythme que lui, comme lui. Duras, comme malade d'empathie, comme possédée par un désir incommensurable, tente de ressentir la douleur de celui qui souffre là-bas, dans un camp de concentration. Elle souffre de ne pas y parvenir, de ne pas être en mesure d'accéder à la douleur de Robert L. Elle est celle qui meurt de ne pas arriver à ressentir l'impossible, et cela constitue

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Page 1: ECHOS fragmentés: en réponse à La Douleur de Marguerite Durasoic.uqam.ca/sites/oic.uqam.ca/files/documents/lachance-echos-frag… · personne qui souffre et qui attend et celui

bull bull bull

ECHOS fragmenteacutes en reacuteponse agrave La Douleur de

Marguerite Duras Julie Lachance

Cet article se veut en quelque sorte une reacuteponse au texte de Marguerite Duras intituleacute La Douleur Tout comme lui il emprunte la forme du fragment ce qui est freacutequent dans les teacutemoignages ougrave lon traite de la douleur Leacutecriture fragmentaire forme qui tente dexprimer ce qui ne peut ecirctre totaliseacute maicirctriseacute mais que lon deacutesire dire donner agrave entendre crier tout cela dans un sou me rythmeacute par lurgence Il sagit donc de lespace ougrave laquo leacutecriture du deacutesastre raquo est en mesure davoir lieu lagrave ougrave le vocabulaire tente daller agrave lessentiel et ougrave la ponctuation respire agrave la mesure de lintoleacuterable

Douleur

Duras et son obsessionnel deacutesir d accompagner Robert L Duras qui ncst pas un veacuteritable teacutemoin parce quabsente de)a reacutealiteacute de celui-ci mais qui persiste agrave accompagner son mari au sein de ses souffrances au centre de sa douleur qui se fond en elle Elle qui le prend en son corps en son ecirctre profond lagrave ougrave elle sc trouve contamineacutee jusquagrave soublier soi-mecircme Par la suite elle devient un teacutemoin reacuteel parce que preacutesente lors du retour agrave la vie de celui quelle ne faisait quattendre Cest agrave ce moment preacutecis quelle commencera agrave retrouver son individualiteacute agrave revenir agrave la vie au mecircme rythme que lui comme lui

Duras comme malade dempathie comme posseacutedeacutee par un deacutesir incommensurable tente de ressentir la douleur de celui qui souffre lagrave-bas dans un camp de concentration Elle souffre de ne pas y parvenir de ne pas ecirctre en mesure dacceacuteder agrave la douleur de Robert L Elle est celle qui meurt de ne pas arriver agrave ressentir limpossible et cela constitue

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1110 sa propre douleur Maurice Blanchot eacutecrit dans La Communauteacute inavouable

Cette outrance est celle du mal Le mal (moral ou physique) est toujours excessif Il est linsupportable qui ne se laisse pas interroger Le mal dans lexcegraves le mal comme laquo la maladie de la mort raquo ne saurait ecirctre circonscrit agraveun laquoje raquo) conscient ou inconscient il concerne dabord lautre et lautre-autrui est linconscient lenfant le malade dont la plainte retentit comme le scandale laquo inouiuml ) parce quil deacutepasse lentente tout en me vouant agrave y reacutepondre sans que jen aie le pouvoir1

Duras y reacutepond Elle y reacutepond en prenant en elle la douleur de lautre Cest ainsi que sa douleur sexprime par lentremise dun second corps celui de Robert L Cela a pour effet dopeacuterer un deacuteplacement de son identiteacute agrave linteacuterieur dune attente deacutemesureacutee Cela fait aussi que ce quelle vit elle ne le vit pas vraiment mais elle le laquo sur-vit raquo quelque part entre la folie et lhyperluciditeacute

AIente

Face agrave lattente Marguerite nexiste plus Elle dira laquo Mon nom me fait horreurgt raquo Elle nest plus elle-mecircme elle rejette celle quelle eacutetait avant lattente elle est devenue lattente Elle sy consacre totalement entiegraverement elle est celle qui attend jusquagrave en mourir Sa respiration est rythmeacutee par lattente son existence tout ce qui fait delle ce quelle est sy est deacuteplaceacutee laquo [ ] le moment ougraveje meurs mindiffegravere En mourant je ne le rejoins pas je cesse de lattendre- raquo

Celui quelle attend est agrave linteacuterieur de ses organes il est le sang qui circule dans ses veines cest le cœur qui bat agrave ses tempes Lorsquelle le croit mort le battement aux tempes cesse de se faire entendre et par le fait mecircme elle se sent tendre vers la mort laquo Mon visage se deacutefait il change Je me deacutefais je me deacuteplie je change Il ny a personne dans la chambre ougrave je suis Je ne sens plus mon cœUI raquo

Il y a aussi la nourriture la nourriture qui incarne pour Marguerite ce qui fait mourir Robert ce qui le torture sans cesse puisque toujours manquante laquo Aussitocirct lenvie de vomir revient Le pain est celui quil na mangeacute celui dont le manque la fait mouri raquo Et plus

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1111 loin dans le journal laquo Rien ne peut diminuer la brulucircre que fait sa faim [ ] raquo Marguerite meurt de la faim de Robert L elle en est malade et cela lempecircche dingurgiter quoi que ce soit puisque sa faim agrave lui a pris toute la place en elle Il ne demeure pas mecircme un petit espace pour sa propre faim Elle dira laquo Un autre enchaicircnement nous tient celui qui relie leur corps agrave notre vie bull raquo Agrave cela il faut ajouter laquo leur mort agrave notre corps raquo puisque il y a de plus en plus de la mort de Robert qui prend place au sein du corps de Marguerite corps maigre et sec qui semble se rapprocher de plus en plus de laspect de celui du prisonnier

Tout est relieacute agrave lui agrave son corps agrave son ecirctre ou plutocirct agrave labsence de cet ecirctre agrave labsence de ce corps agrave sa potentielle annulation agrave sa possible disparition Cet autre enchaicircnement dont elle parle est de lordre de la seule neacutecessiteacute qui soit celle de la non-absence de Robert L De nouveau Blanchot eacutecrit laquo Quest-ce donc qui me met le plus radicalement en cause Non pas mon rapport agrave moi-mecircme comme fini ou comme conscience decirctre agrave la mort ou pour la mort mais ma preacutesence agrave autrui en tant que celui-ci sabsente en mourantraquo Le manque de Robert L au sein de son quotidien emplit Marguerite dune tristesse suffocante mais ce qui lui transmet cette souffrance inimaginable cest la possibiliteacute quil disparaisse agravejamais que son ecirctre nexiste plus dans sa reacutealiteacute au moment ougrave elle-mecircme es encore

Disance

De retour agrave la maison Robert L affameacute revient peu agrave peu agrave la vie Il comble cette faim et par le fait mecircme Marguerite recommence agrave manger laquo Nous allons vivre raquo dit-elle Elle va vivre puisquil va vivre et cest un laquo comme luiraquo qui va venir caracteacuteriser le tout et non un laquo avec lui raquo Lorsque la preacutesence de Robert L est garantie par la vie qui reprend en lui le dessus une distance entre ce que Duras ressent pour lui et ce quelle ressent pour elle sinstalle laquo Dans ceUe lumiegravere qui accompagne le vent lideacutee de sa mort sarrecircte [ ] Agrave la base de mes cocirctes dans un creux sur ma peau je vois battre mon cœur Jai faimllraquo Cest ainsi que son cœur bat en solo en cadence avec sa vie tout comme elle a faim de sa faim agrave elle Le cœur de Robert a cesseacute de battre agrave ses tempes il s est tu Plus il revenait agrave lui plus il reprenait

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1112 son corps plus elle retrouvait sa propre individualiteacute et se dissociait dune obsession dune neacutecessiteacute dun impeacuteratif et ce sans toutefois ecirctre en mesure de pouvoir parler dune fin laquo Les forces sont revenues encore davantage Un autre jour je lui ai dit quil nous fallait divorcer que je voulais un enfant de DI2raquo Elle deacutesire enfin autre chose que la survie de Robert L puisque celle-ci est maintenant assureacutee Marguerite reprend son nom et son corps elle deacutesire un enfant dun autre homme une vie ailleurs une existence individuelle

Lefosseacute noir

Marguerite au sein de son attente ne se trouve ni jamais ici ni jamais lagrave-bas elle eacutevolue dans un non-lieu dans un endroit ougrave elle le rejoint le seul ougrave elle puisse lapprocher laquo Je mendors pregraves de lui tous les soirs dans le fosseacute noir pregraves de lui mort raquo Le fosseacute noir cest sa solitude sa lutte son objet de deacutesir ses espoirs et deacutesespoirs laquo Je nai de place nulle part icije ne suis pas ici mais lagrave-bas avec lui dans cette zone inaccessible aux autres inconnaissable aux autres lagrave ougrave ccedila brucircle et ougrave on tue raquo Il sagit dun espace qui leur est commun laquo Jai hacircte de rentrer de menfermer avec le teacuteleacutephone de retrouver le fosseacute noirraquo Le fosseacute noir est lendroit ougrave ils se retrouvent dans la mort lagrave ougrave elle nattend plus puisque leur rencontre est ponctueacutee par la mort rythmeacutee par celle-ci Agrave lopposeacute du fosseacute noir il y a la mer Lorsque Duras songe agrave la mer elle imagine toujours Robert vivant et heureux et cest dailleurs un lieu ougrave ils se retrouvent en vie Le fosseacute noir est aussi leacutecriture le lieu ougrave lacte deacutecrire se conccediloit lagrave ougrave une pousseacutee cherche agrave se manifester lagrave ougrave leacutetrangeteacute doit parler et ougrave le lien avec lautre est rompu Il sagit de lespace ougrave elle trace les lignes qui constituent La Douleur le seul espace ougrave il lui est possible de leacutecrire de seacutecrire de parler de ce qui est impossible agrave dire

Temps

Dans La Douleur il existe une disjonction entre le temps de la

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1131 personne qui souffre et qui attend et celui des gens qui eacutevoluent autour le temps de la reacutealiteacute des autres Duras au milieu de lintoleacuterable incertitude au sein du non-savoir dans lattente interminable vit au rythme dun non-tempslaquo Tous les livres sont en retard sur Mme Bordes et moi Nous sommes agrave la pointe dun combat sans nom sans armes sans sang verseacute sans gloire agrave la pointe de lattenteraquo Il sagit dun autre temps dun preacutesent qui nest deacutejagrave plus et dun futur qui est toujours trop loin laquo Mme Bordes et moi nous en sommes au preacutesent Nous pouvons preacutevoir unjour de plus agrave vivrel1raquo Mais il ne peut ecirctre question du preacutesent au sein de la preacutevoyance puisque preacutevoir se si tue deacutejagrave dans un preacutesent qui est au-delagrave qui nexiste plus Le futur pour sa part est beaucoup trop loin il sagit dun temps ougrave la rencontre avec la certitude est impossible Comme lattente exigeait un non-lieu afin de respirer elle exige de mecircme un non-temps pour reprendre son souffle

Le journal intime est un espace ougrave lon garde habituellement un rapport au temps et agrave soi lagrave ougrave lon parle dans une lineacuteariteacute commune agrave lautre Chez Duras les quelques dates incomplegravetes (un mois ou un jour de la semaine) et eacuteparses qui ponctuent son journal apportent cette lineacuteariteacute en ce que lauteur y raconte des moments de lHistoire Pourtant le temps nest pas celui que lon connaicirct Agrave la toute fin du journal elle eacutecrit ceci laquo Le Libeccio eacutetait tombeacute Ou bien ceacutetait un autre jour sans vent Ou bien ceacutetait une autre anneacutee Un autre eacuteteacute Un autre jour sans ventsraquo Cela en fait un journal ouvert certainement pas figeacute dans le temps un journal qui eacutevoque un laquo toujours raquo

Amour

Julia Kristeva dans Soleil noir eacutecrit agrave propos de La Douleur laquo La narratrice-teacutemoin et combattante de cette aventure entre vie et mort lexpose comme de dedans du dedans de son amour pour le mourant renaissantraquo Lamour tient une place consideacuterable dans ce journal Cest bien lamour qui la fixe agrave lattente qui la marie agrave elle Il sagit de lamour aussi lorsquelle souffre de la douleur du mourant lorsque sa vie agrave lui importe plus que la sienne laquo Chacune de ses mains plus chegravere que ma vie Connues de moi Connues de cette faccedilon-lagrave que de moiraquo Lamour se retrouve donc agrave linteacuterieur de cette

bull bull bull

1114 connaissance de lautre qui lui est propre de ce savoir inconnu des autres ignoreacute de tous laquo Des milliers des dizaines de milliers et lui Lui qui est agrave la fois contenu dans les milliers des autres et deacutetacheacute pour moi seule des milliers des autres complegravetement distinct seul2l raquo Blanchot complegravete le tout en eacutecrivant

Et ne faut-il pas au moins ajouter quaimer cest assureacutement avoir en vue lautre seul non pas en tant que tel mais comme lunique qui eacuteclipse tous les autres et les annule De lagrave que la deacutemesure soil sa seule mesure et que la violence et la mort nocturne ne puissent ecirctre exclues de Jexigence daime(2

La mort eacuteveille lamour en Duras Lamour pour cet homme ce survivant-lagrave celui quelle nomme Robert L De lagrave la question de Kristeva laquo La douleur eacuteprise de la mort serait-elle lindividuation suprecircme2Jraquo Serait-elle ce qui soude lamour agrave la mort chez Duras laquo Degraves ce nom Robert Lje pleure Je pleure encore Je pleurerai toute ma vie [ ]24 raquo Cest donc de la meacutemoire de la douleur dont il est question ici de cela mecircme qui se trouve indissociable de la maladie daimer De nouveau Blanchot

Ce qui revient agrave pressentir que la passion eacutechappe agrave la possibiliteacute eacutechappant pour ceux qui en sont saisis agrave leurs propres pouvoirs agrave leur deacutecision et mecircme agrave leur laquo deacutesirraquo [ ] dans une intimiteacute qui les rend aussi eacutetrangers lun agrave lautre Ainsi donc eacuteternellement seacutepareacutes comme si la mort eacutetait en eux entre eux Non pas seacutepareacutes ni diviseacutes inaccessibles et dans linaccessible sous un rapport infinIcirc25

Douleur

Marguerite Duras preacutesente son texte en le niant presque au deacutepart laquo Je nai aucun souvenir de lavoir eacutecrit [ ] Quand laurais-je eacutecrit en quelle anneacutee agrave quelles heures du jour dans quelle maison Je ne sais plus rienraquo Ce texte se place hors de la meacutemoire hors de ses souvenirs mais bien ancreacute dans son existence puisquelle dira plus loin laquo La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie21raquo Il sagit dun texte central en tant quil est reacuteveacutelateur de son

1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

SffiLiOGRAPHIE

ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

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1110 sa propre douleur Maurice Blanchot eacutecrit dans La Communauteacute inavouable

Cette outrance est celle du mal Le mal (moral ou physique) est toujours excessif Il est linsupportable qui ne se laisse pas interroger Le mal dans lexcegraves le mal comme laquo la maladie de la mort raquo ne saurait ecirctre circonscrit agraveun laquoje raquo) conscient ou inconscient il concerne dabord lautre et lautre-autrui est linconscient lenfant le malade dont la plainte retentit comme le scandale laquo inouiuml ) parce quil deacutepasse lentente tout en me vouant agrave y reacutepondre sans que jen aie le pouvoir1

Duras y reacutepond Elle y reacutepond en prenant en elle la douleur de lautre Cest ainsi que sa douleur sexprime par lentremise dun second corps celui de Robert L Cela a pour effet dopeacuterer un deacuteplacement de son identiteacute agrave linteacuterieur dune attente deacutemesureacutee Cela fait aussi que ce quelle vit elle ne le vit pas vraiment mais elle le laquo sur-vit raquo quelque part entre la folie et lhyperluciditeacute

AIente

Face agrave lattente Marguerite nexiste plus Elle dira laquo Mon nom me fait horreurgt raquo Elle nest plus elle-mecircme elle rejette celle quelle eacutetait avant lattente elle est devenue lattente Elle sy consacre totalement entiegraverement elle est celle qui attend jusquagrave en mourir Sa respiration est rythmeacutee par lattente son existence tout ce qui fait delle ce quelle est sy est deacuteplaceacutee laquo [ ] le moment ougraveje meurs mindiffegravere En mourant je ne le rejoins pas je cesse de lattendre- raquo

Celui quelle attend est agrave linteacuterieur de ses organes il est le sang qui circule dans ses veines cest le cœur qui bat agrave ses tempes Lorsquelle le croit mort le battement aux tempes cesse de se faire entendre et par le fait mecircme elle se sent tendre vers la mort laquo Mon visage se deacutefait il change Je me deacutefais je me deacuteplie je change Il ny a personne dans la chambre ougrave je suis Je ne sens plus mon cœUI raquo

Il y a aussi la nourriture la nourriture qui incarne pour Marguerite ce qui fait mourir Robert ce qui le torture sans cesse puisque toujours manquante laquo Aussitocirct lenvie de vomir revient Le pain est celui quil na mangeacute celui dont le manque la fait mouri raquo Et plus

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1111 loin dans le journal laquo Rien ne peut diminuer la brulucircre que fait sa faim [ ] raquo Marguerite meurt de la faim de Robert L elle en est malade et cela lempecircche dingurgiter quoi que ce soit puisque sa faim agrave lui a pris toute la place en elle Il ne demeure pas mecircme un petit espace pour sa propre faim Elle dira laquo Un autre enchaicircnement nous tient celui qui relie leur corps agrave notre vie bull raquo Agrave cela il faut ajouter laquo leur mort agrave notre corps raquo puisque il y a de plus en plus de la mort de Robert qui prend place au sein du corps de Marguerite corps maigre et sec qui semble se rapprocher de plus en plus de laspect de celui du prisonnier

Tout est relieacute agrave lui agrave son corps agrave son ecirctre ou plutocirct agrave labsence de cet ecirctre agrave labsence de ce corps agrave sa potentielle annulation agrave sa possible disparition Cet autre enchaicircnement dont elle parle est de lordre de la seule neacutecessiteacute qui soit celle de la non-absence de Robert L De nouveau Blanchot eacutecrit laquo Quest-ce donc qui me met le plus radicalement en cause Non pas mon rapport agrave moi-mecircme comme fini ou comme conscience decirctre agrave la mort ou pour la mort mais ma preacutesence agrave autrui en tant que celui-ci sabsente en mourantraquo Le manque de Robert L au sein de son quotidien emplit Marguerite dune tristesse suffocante mais ce qui lui transmet cette souffrance inimaginable cest la possibiliteacute quil disparaisse agravejamais que son ecirctre nexiste plus dans sa reacutealiteacute au moment ougrave elle-mecircme es encore

Disance

De retour agrave la maison Robert L affameacute revient peu agrave peu agrave la vie Il comble cette faim et par le fait mecircme Marguerite recommence agrave manger laquo Nous allons vivre raquo dit-elle Elle va vivre puisquil va vivre et cest un laquo comme luiraquo qui va venir caracteacuteriser le tout et non un laquo avec lui raquo Lorsque la preacutesence de Robert L est garantie par la vie qui reprend en lui le dessus une distance entre ce que Duras ressent pour lui et ce quelle ressent pour elle sinstalle laquo Dans ceUe lumiegravere qui accompagne le vent lideacutee de sa mort sarrecircte [ ] Agrave la base de mes cocirctes dans un creux sur ma peau je vois battre mon cœur Jai faimllraquo Cest ainsi que son cœur bat en solo en cadence avec sa vie tout comme elle a faim de sa faim agrave elle Le cœur de Robert a cesseacute de battre agrave ses tempes il s est tu Plus il revenait agrave lui plus il reprenait

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1112 son corps plus elle retrouvait sa propre individualiteacute et se dissociait dune obsession dune neacutecessiteacute dun impeacuteratif et ce sans toutefois ecirctre en mesure de pouvoir parler dune fin laquo Les forces sont revenues encore davantage Un autre jour je lui ai dit quil nous fallait divorcer que je voulais un enfant de DI2raquo Elle deacutesire enfin autre chose que la survie de Robert L puisque celle-ci est maintenant assureacutee Marguerite reprend son nom et son corps elle deacutesire un enfant dun autre homme une vie ailleurs une existence individuelle

Lefosseacute noir

Marguerite au sein de son attente ne se trouve ni jamais ici ni jamais lagrave-bas elle eacutevolue dans un non-lieu dans un endroit ougrave elle le rejoint le seul ougrave elle puisse lapprocher laquo Je mendors pregraves de lui tous les soirs dans le fosseacute noir pregraves de lui mort raquo Le fosseacute noir cest sa solitude sa lutte son objet de deacutesir ses espoirs et deacutesespoirs laquo Je nai de place nulle part icije ne suis pas ici mais lagrave-bas avec lui dans cette zone inaccessible aux autres inconnaissable aux autres lagrave ougrave ccedila brucircle et ougrave on tue raquo Il sagit dun espace qui leur est commun laquo Jai hacircte de rentrer de menfermer avec le teacuteleacutephone de retrouver le fosseacute noirraquo Le fosseacute noir est lendroit ougrave ils se retrouvent dans la mort lagrave ougrave elle nattend plus puisque leur rencontre est ponctueacutee par la mort rythmeacutee par celle-ci Agrave lopposeacute du fosseacute noir il y a la mer Lorsque Duras songe agrave la mer elle imagine toujours Robert vivant et heureux et cest dailleurs un lieu ougrave ils se retrouvent en vie Le fosseacute noir est aussi leacutecriture le lieu ougrave lacte deacutecrire se conccediloit lagrave ougrave une pousseacutee cherche agrave se manifester lagrave ougrave leacutetrangeteacute doit parler et ougrave le lien avec lautre est rompu Il sagit de lespace ougrave elle trace les lignes qui constituent La Douleur le seul espace ougrave il lui est possible de leacutecrire de seacutecrire de parler de ce qui est impossible agrave dire

Temps

Dans La Douleur il existe une disjonction entre le temps de la

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1131 personne qui souffre et qui attend et celui des gens qui eacutevoluent autour le temps de la reacutealiteacute des autres Duras au milieu de lintoleacuterable incertitude au sein du non-savoir dans lattente interminable vit au rythme dun non-tempslaquo Tous les livres sont en retard sur Mme Bordes et moi Nous sommes agrave la pointe dun combat sans nom sans armes sans sang verseacute sans gloire agrave la pointe de lattenteraquo Il sagit dun autre temps dun preacutesent qui nest deacutejagrave plus et dun futur qui est toujours trop loin laquo Mme Bordes et moi nous en sommes au preacutesent Nous pouvons preacutevoir unjour de plus agrave vivrel1raquo Mais il ne peut ecirctre question du preacutesent au sein de la preacutevoyance puisque preacutevoir se si tue deacutejagrave dans un preacutesent qui est au-delagrave qui nexiste plus Le futur pour sa part est beaucoup trop loin il sagit dun temps ougrave la rencontre avec la certitude est impossible Comme lattente exigeait un non-lieu afin de respirer elle exige de mecircme un non-temps pour reprendre son souffle

Le journal intime est un espace ougrave lon garde habituellement un rapport au temps et agrave soi lagrave ougrave lon parle dans une lineacuteariteacute commune agrave lautre Chez Duras les quelques dates incomplegravetes (un mois ou un jour de la semaine) et eacuteparses qui ponctuent son journal apportent cette lineacuteariteacute en ce que lauteur y raconte des moments de lHistoire Pourtant le temps nest pas celui que lon connaicirct Agrave la toute fin du journal elle eacutecrit ceci laquo Le Libeccio eacutetait tombeacute Ou bien ceacutetait un autre jour sans vent Ou bien ceacutetait une autre anneacutee Un autre eacuteteacute Un autre jour sans ventsraquo Cela en fait un journal ouvert certainement pas figeacute dans le temps un journal qui eacutevoque un laquo toujours raquo

Amour

Julia Kristeva dans Soleil noir eacutecrit agrave propos de La Douleur laquo La narratrice-teacutemoin et combattante de cette aventure entre vie et mort lexpose comme de dedans du dedans de son amour pour le mourant renaissantraquo Lamour tient une place consideacuterable dans ce journal Cest bien lamour qui la fixe agrave lattente qui la marie agrave elle Il sagit de lamour aussi lorsquelle souffre de la douleur du mourant lorsque sa vie agrave lui importe plus que la sienne laquo Chacune de ses mains plus chegravere que ma vie Connues de moi Connues de cette faccedilon-lagrave que de moiraquo Lamour se retrouve donc agrave linteacuterieur de cette

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1114 connaissance de lautre qui lui est propre de ce savoir inconnu des autres ignoreacute de tous laquo Des milliers des dizaines de milliers et lui Lui qui est agrave la fois contenu dans les milliers des autres et deacutetacheacute pour moi seule des milliers des autres complegravetement distinct seul2l raquo Blanchot complegravete le tout en eacutecrivant

Et ne faut-il pas au moins ajouter quaimer cest assureacutement avoir en vue lautre seul non pas en tant que tel mais comme lunique qui eacuteclipse tous les autres et les annule De lagrave que la deacutemesure soil sa seule mesure et que la violence et la mort nocturne ne puissent ecirctre exclues de Jexigence daime(2

La mort eacuteveille lamour en Duras Lamour pour cet homme ce survivant-lagrave celui quelle nomme Robert L De lagrave la question de Kristeva laquo La douleur eacuteprise de la mort serait-elle lindividuation suprecircme2Jraquo Serait-elle ce qui soude lamour agrave la mort chez Duras laquo Degraves ce nom Robert Lje pleure Je pleure encore Je pleurerai toute ma vie [ ]24 raquo Cest donc de la meacutemoire de la douleur dont il est question ici de cela mecircme qui se trouve indissociable de la maladie daimer De nouveau Blanchot

Ce qui revient agrave pressentir que la passion eacutechappe agrave la possibiliteacute eacutechappant pour ceux qui en sont saisis agrave leurs propres pouvoirs agrave leur deacutecision et mecircme agrave leur laquo deacutesirraquo [ ] dans une intimiteacute qui les rend aussi eacutetrangers lun agrave lautre Ainsi donc eacuteternellement seacutepareacutes comme si la mort eacutetait en eux entre eux Non pas seacutepareacutes ni diviseacutes inaccessibles et dans linaccessible sous un rapport infinIcirc25

Douleur

Marguerite Duras preacutesente son texte en le niant presque au deacutepart laquo Je nai aucun souvenir de lavoir eacutecrit [ ] Quand laurais-je eacutecrit en quelle anneacutee agrave quelles heures du jour dans quelle maison Je ne sais plus rienraquo Ce texte se place hors de la meacutemoire hors de ses souvenirs mais bien ancreacute dans son existence puisquelle dira plus loin laquo La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie21raquo Il sagit dun texte central en tant quil est reacuteveacutelateur de son

1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

SffiLiOGRAPHIE

ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

Page 3: ECHOS fragmentés: en réponse à La Douleur de Marguerite Durasoic.uqam.ca/sites/oic.uqam.ca/files/documents/lachance-echos-frag… · personne qui souffre et qui attend et celui

bull bull bull

1111 loin dans le journal laquo Rien ne peut diminuer la brulucircre que fait sa faim [ ] raquo Marguerite meurt de la faim de Robert L elle en est malade et cela lempecircche dingurgiter quoi que ce soit puisque sa faim agrave lui a pris toute la place en elle Il ne demeure pas mecircme un petit espace pour sa propre faim Elle dira laquo Un autre enchaicircnement nous tient celui qui relie leur corps agrave notre vie bull raquo Agrave cela il faut ajouter laquo leur mort agrave notre corps raquo puisque il y a de plus en plus de la mort de Robert qui prend place au sein du corps de Marguerite corps maigre et sec qui semble se rapprocher de plus en plus de laspect de celui du prisonnier

Tout est relieacute agrave lui agrave son corps agrave son ecirctre ou plutocirct agrave labsence de cet ecirctre agrave labsence de ce corps agrave sa potentielle annulation agrave sa possible disparition Cet autre enchaicircnement dont elle parle est de lordre de la seule neacutecessiteacute qui soit celle de la non-absence de Robert L De nouveau Blanchot eacutecrit laquo Quest-ce donc qui me met le plus radicalement en cause Non pas mon rapport agrave moi-mecircme comme fini ou comme conscience decirctre agrave la mort ou pour la mort mais ma preacutesence agrave autrui en tant que celui-ci sabsente en mourantraquo Le manque de Robert L au sein de son quotidien emplit Marguerite dune tristesse suffocante mais ce qui lui transmet cette souffrance inimaginable cest la possibiliteacute quil disparaisse agravejamais que son ecirctre nexiste plus dans sa reacutealiteacute au moment ougrave elle-mecircme es encore

Disance

De retour agrave la maison Robert L affameacute revient peu agrave peu agrave la vie Il comble cette faim et par le fait mecircme Marguerite recommence agrave manger laquo Nous allons vivre raquo dit-elle Elle va vivre puisquil va vivre et cest un laquo comme luiraquo qui va venir caracteacuteriser le tout et non un laquo avec lui raquo Lorsque la preacutesence de Robert L est garantie par la vie qui reprend en lui le dessus une distance entre ce que Duras ressent pour lui et ce quelle ressent pour elle sinstalle laquo Dans ceUe lumiegravere qui accompagne le vent lideacutee de sa mort sarrecircte [ ] Agrave la base de mes cocirctes dans un creux sur ma peau je vois battre mon cœur Jai faimllraquo Cest ainsi que son cœur bat en solo en cadence avec sa vie tout comme elle a faim de sa faim agrave elle Le cœur de Robert a cesseacute de battre agrave ses tempes il s est tu Plus il revenait agrave lui plus il reprenait

bull bull bull

bull bull bull

1112 son corps plus elle retrouvait sa propre individualiteacute et se dissociait dune obsession dune neacutecessiteacute dun impeacuteratif et ce sans toutefois ecirctre en mesure de pouvoir parler dune fin laquo Les forces sont revenues encore davantage Un autre jour je lui ai dit quil nous fallait divorcer que je voulais un enfant de DI2raquo Elle deacutesire enfin autre chose que la survie de Robert L puisque celle-ci est maintenant assureacutee Marguerite reprend son nom et son corps elle deacutesire un enfant dun autre homme une vie ailleurs une existence individuelle

Lefosseacute noir

Marguerite au sein de son attente ne se trouve ni jamais ici ni jamais lagrave-bas elle eacutevolue dans un non-lieu dans un endroit ougrave elle le rejoint le seul ougrave elle puisse lapprocher laquo Je mendors pregraves de lui tous les soirs dans le fosseacute noir pregraves de lui mort raquo Le fosseacute noir cest sa solitude sa lutte son objet de deacutesir ses espoirs et deacutesespoirs laquo Je nai de place nulle part icije ne suis pas ici mais lagrave-bas avec lui dans cette zone inaccessible aux autres inconnaissable aux autres lagrave ougrave ccedila brucircle et ougrave on tue raquo Il sagit dun espace qui leur est commun laquo Jai hacircte de rentrer de menfermer avec le teacuteleacutephone de retrouver le fosseacute noirraquo Le fosseacute noir est lendroit ougrave ils se retrouvent dans la mort lagrave ougrave elle nattend plus puisque leur rencontre est ponctueacutee par la mort rythmeacutee par celle-ci Agrave lopposeacute du fosseacute noir il y a la mer Lorsque Duras songe agrave la mer elle imagine toujours Robert vivant et heureux et cest dailleurs un lieu ougrave ils se retrouvent en vie Le fosseacute noir est aussi leacutecriture le lieu ougrave lacte deacutecrire se conccediloit lagrave ougrave une pousseacutee cherche agrave se manifester lagrave ougrave leacutetrangeteacute doit parler et ougrave le lien avec lautre est rompu Il sagit de lespace ougrave elle trace les lignes qui constituent La Douleur le seul espace ougrave il lui est possible de leacutecrire de seacutecrire de parler de ce qui est impossible agrave dire

Temps

Dans La Douleur il existe une disjonction entre le temps de la

bull bull bull

1131 personne qui souffre et qui attend et celui des gens qui eacutevoluent autour le temps de la reacutealiteacute des autres Duras au milieu de lintoleacuterable incertitude au sein du non-savoir dans lattente interminable vit au rythme dun non-tempslaquo Tous les livres sont en retard sur Mme Bordes et moi Nous sommes agrave la pointe dun combat sans nom sans armes sans sang verseacute sans gloire agrave la pointe de lattenteraquo Il sagit dun autre temps dun preacutesent qui nest deacutejagrave plus et dun futur qui est toujours trop loin laquo Mme Bordes et moi nous en sommes au preacutesent Nous pouvons preacutevoir unjour de plus agrave vivrel1raquo Mais il ne peut ecirctre question du preacutesent au sein de la preacutevoyance puisque preacutevoir se si tue deacutejagrave dans un preacutesent qui est au-delagrave qui nexiste plus Le futur pour sa part est beaucoup trop loin il sagit dun temps ougrave la rencontre avec la certitude est impossible Comme lattente exigeait un non-lieu afin de respirer elle exige de mecircme un non-temps pour reprendre son souffle

Le journal intime est un espace ougrave lon garde habituellement un rapport au temps et agrave soi lagrave ougrave lon parle dans une lineacuteariteacute commune agrave lautre Chez Duras les quelques dates incomplegravetes (un mois ou un jour de la semaine) et eacuteparses qui ponctuent son journal apportent cette lineacuteariteacute en ce que lauteur y raconte des moments de lHistoire Pourtant le temps nest pas celui que lon connaicirct Agrave la toute fin du journal elle eacutecrit ceci laquo Le Libeccio eacutetait tombeacute Ou bien ceacutetait un autre jour sans vent Ou bien ceacutetait une autre anneacutee Un autre eacuteteacute Un autre jour sans ventsraquo Cela en fait un journal ouvert certainement pas figeacute dans le temps un journal qui eacutevoque un laquo toujours raquo

Amour

Julia Kristeva dans Soleil noir eacutecrit agrave propos de La Douleur laquo La narratrice-teacutemoin et combattante de cette aventure entre vie et mort lexpose comme de dedans du dedans de son amour pour le mourant renaissantraquo Lamour tient une place consideacuterable dans ce journal Cest bien lamour qui la fixe agrave lattente qui la marie agrave elle Il sagit de lamour aussi lorsquelle souffre de la douleur du mourant lorsque sa vie agrave lui importe plus que la sienne laquo Chacune de ses mains plus chegravere que ma vie Connues de moi Connues de cette faccedilon-lagrave que de moiraquo Lamour se retrouve donc agrave linteacuterieur de cette

bull bull bull

1114 connaissance de lautre qui lui est propre de ce savoir inconnu des autres ignoreacute de tous laquo Des milliers des dizaines de milliers et lui Lui qui est agrave la fois contenu dans les milliers des autres et deacutetacheacute pour moi seule des milliers des autres complegravetement distinct seul2l raquo Blanchot complegravete le tout en eacutecrivant

Et ne faut-il pas au moins ajouter quaimer cest assureacutement avoir en vue lautre seul non pas en tant que tel mais comme lunique qui eacuteclipse tous les autres et les annule De lagrave que la deacutemesure soil sa seule mesure et que la violence et la mort nocturne ne puissent ecirctre exclues de Jexigence daime(2

La mort eacuteveille lamour en Duras Lamour pour cet homme ce survivant-lagrave celui quelle nomme Robert L De lagrave la question de Kristeva laquo La douleur eacuteprise de la mort serait-elle lindividuation suprecircme2Jraquo Serait-elle ce qui soude lamour agrave la mort chez Duras laquo Degraves ce nom Robert Lje pleure Je pleure encore Je pleurerai toute ma vie [ ]24 raquo Cest donc de la meacutemoire de la douleur dont il est question ici de cela mecircme qui se trouve indissociable de la maladie daimer De nouveau Blanchot

Ce qui revient agrave pressentir que la passion eacutechappe agrave la possibiliteacute eacutechappant pour ceux qui en sont saisis agrave leurs propres pouvoirs agrave leur deacutecision et mecircme agrave leur laquo deacutesirraquo [ ] dans une intimiteacute qui les rend aussi eacutetrangers lun agrave lautre Ainsi donc eacuteternellement seacutepareacutes comme si la mort eacutetait en eux entre eux Non pas seacutepareacutes ni diviseacutes inaccessibles et dans linaccessible sous un rapport infinIcirc25

Douleur

Marguerite Duras preacutesente son texte en le niant presque au deacutepart laquo Je nai aucun souvenir de lavoir eacutecrit [ ] Quand laurais-je eacutecrit en quelle anneacutee agrave quelles heures du jour dans quelle maison Je ne sais plus rienraquo Ce texte se place hors de la meacutemoire hors de ses souvenirs mais bien ancreacute dans son existence puisquelle dira plus loin laquo La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie21raquo Il sagit dun texte central en tant quil est reacuteveacutelateur de son

1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

SffiLiOGRAPHIE

ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

Page 4: ECHOS fragmentés: en réponse à La Douleur de Marguerite Durasoic.uqam.ca/sites/oic.uqam.ca/files/documents/lachance-echos-frag… · personne qui souffre et qui attend et celui

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1112 son corps plus elle retrouvait sa propre individualiteacute et se dissociait dune obsession dune neacutecessiteacute dun impeacuteratif et ce sans toutefois ecirctre en mesure de pouvoir parler dune fin laquo Les forces sont revenues encore davantage Un autre jour je lui ai dit quil nous fallait divorcer que je voulais un enfant de DI2raquo Elle deacutesire enfin autre chose que la survie de Robert L puisque celle-ci est maintenant assureacutee Marguerite reprend son nom et son corps elle deacutesire un enfant dun autre homme une vie ailleurs une existence individuelle

Lefosseacute noir

Marguerite au sein de son attente ne se trouve ni jamais ici ni jamais lagrave-bas elle eacutevolue dans un non-lieu dans un endroit ougrave elle le rejoint le seul ougrave elle puisse lapprocher laquo Je mendors pregraves de lui tous les soirs dans le fosseacute noir pregraves de lui mort raquo Le fosseacute noir cest sa solitude sa lutte son objet de deacutesir ses espoirs et deacutesespoirs laquo Je nai de place nulle part icije ne suis pas ici mais lagrave-bas avec lui dans cette zone inaccessible aux autres inconnaissable aux autres lagrave ougrave ccedila brucircle et ougrave on tue raquo Il sagit dun espace qui leur est commun laquo Jai hacircte de rentrer de menfermer avec le teacuteleacutephone de retrouver le fosseacute noirraquo Le fosseacute noir est lendroit ougrave ils se retrouvent dans la mort lagrave ougrave elle nattend plus puisque leur rencontre est ponctueacutee par la mort rythmeacutee par celle-ci Agrave lopposeacute du fosseacute noir il y a la mer Lorsque Duras songe agrave la mer elle imagine toujours Robert vivant et heureux et cest dailleurs un lieu ougrave ils se retrouvent en vie Le fosseacute noir est aussi leacutecriture le lieu ougrave lacte deacutecrire se conccediloit lagrave ougrave une pousseacutee cherche agrave se manifester lagrave ougrave leacutetrangeteacute doit parler et ougrave le lien avec lautre est rompu Il sagit de lespace ougrave elle trace les lignes qui constituent La Douleur le seul espace ougrave il lui est possible de leacutecrire de seacutecrire de parler de ce qui est impossible agrave dire

Temps

Dans La Douleur il existe une disjonction entre le temps de la

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1131 personne qui souffre et qui attend et celui des gens qui eacutevoluent autour le temps de la reacutealiteacute des autres Duras au milieu de lintoleacuterable incertitude au sein du non-savoir dans lattente interminable vit au rythme dun non-tempslaquo Tous les livres sont en retard sur Mme Bordes et moi Nous sommes agrave la pointe dun combat sans nom sans armes sans sang verseacute sans gloire agrave la pointe de lattenteraquo Il sagit dun autre temps dun preacutesent qui nest deacutejagrave plus et dun futur qui est toujours trop loin laquo Mme Bordes et moi nous en sommes au preacutesent Nous pouvons preacutevoir unjour de plus agrave vivrel1raquo Mais il ne peut ecirctre question du preacutesent au sein de la preacutevoyance puisque preacutevoir se si tue deacutejagrave dans un preacutesent qui est au-delagrave qui nexiste plus Le futur pour sa part est beaucoup trop loin il sagit dun temps ougrave la rencontre avec la certitude est impossible Comme lattente exigeait un non-lieu afin de respirer elle exige de mecircme un non-temps pour reprendre son souffle

Le journal intime est un espace ougrave lon garde habituellement un rapport au temps et agrave soi lagrave ougrave lon parle dans une lineacuteariteacute commune agrave lautre Chez Duras les quelques dates incomplegravetes (un mois ou un jour de la semaine) et eacuteparses qui ponctuent son journal apportent cette lineacuteariteacute en ce que lauteur y raconte des moments de lHistoire Pourtant le temps nest pas celui que lon connaicirct Agrave la toute fin du journal elle eacutecrit ceci laquo Le Libeccio eacutetait tombeacute Ou bien ceacutetait un autre jour sans vent Ou bien ceacutetait une autre anneacutee Un autre eacuteteacute Un autre jour sans ventsraquo Cela en fait un journal ouvert certainement pas figeacute dans le temps un journal qui eacutevoque un laquo toujours raquo

Amour

Julia Kristeva dans Soleil noir eacutecrit agrave propos de La Douleur laquo La narratrice-teacutemoin et combattante de cette aventure entre vie et mort lexpose comme de dedans du dedans de son amour pour le mourant renaissantraquo Lamour tient une place consideacuterable dans ce journal Cest bien lamour qui la fixe agrave lattente qui la marie agrave elle Il sagit de lamour aussi lorsquelle souffre de la douleur du mourant lorsque sa vie agrave lui importe plus que la sienne laquo Chacune de ses mains plus chegravere que ma vie Connues de moi Connues de cette faccedilon-lagrave que de moiraquo Lamour se retrouve donc agrave linteacuterieur de cette

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1114 connaissance de lautre qui lui est propre de ce savoir inconnu des autres ignoreacute de tous laquo Des milliers des dizaines de milliers et lui Lui qui est agrave la fois contenu dans les milliers des autres et deacutetacheacute pour moi seule des milliers des autres complegravetement distinct seul2l raquo Blanchot complegravete le tout en eacutecrivant

Et ne faut-il pas au moins ajouter quaimer cest assureacutement avoir en vue lautre seul non pas en tant que tel mais comme lunique qui eacuteclipse tous les autres et les annule De lagrave que la deacutemesure soil sa seule mesure et que la violence et la mort nocturne ne puissent ecirctre exclues de Jexigence daime(2

La mort eacuteveille lamour en Duras Lamour pour cet homme ce survivant-lagrave celui quelle nomme Robert L De lagrave la question de Kristeva laquo La douleur eacuteprise de la mort serait-elle lindividuation suprecircme2Jraquo Serait-elle ce qui soude lamour agrave la mort chez Duras laquo Degraves ce nom Robert Lje pleure Je pleure encore Je pleurerai toute ma vie [ ]24 raquo Cest donc de la meacutemoire de la douleur dont il est question ici de cela mecircme qui se trouve indissociable de la maladie daimer De nouveau Blanchot

Ce qui revient agrave pressentir que la passion eacutechappe agrave la possibiliteacute eacutechappant pour ceux qui en sont saisis agrave leurs propres pouvoirs agrave leur deacutecision et mecircme agrave leur laquo deacutesirraquo [ ] dans une intimiteacute qui les rend aussi eacutetrangers lun agrave lautre Ainsi donc eacuteternellement seacutepareacutes comme si la mort eacutetait en eux entre eux Non pas seacutepareacutes ni diviseacutes inaccessibles et dans linaccessible sous un rapport infinIcirc25

Douleur

Marguerite Duras preacutesente son texte en le niant presque au deacutepart laquo Je nai aucun souvenir de lavoir eacutecrit [ ] Quand laurais-je eacutecrit en quelle anneacutee agrave quelles heures du jour dans quelle maison Je ne sais plus rienraquo Ce texte se place hors de la meacutemoire hors de ses souvenirs mais bien ancreacute dans son existence puisquelle dira plus loin laquo La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie21raquo Il sagit dun texte central en tant quil est reacuteveacutelateur de son

1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

SffiLiOGRAPHIE

ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

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1131 personne qui souffre et qui attend et celui des gens qui eacutevoluent autour le temps de la reacutealiteacute des autres Duras au milieu de lintoleacuterable incertitude au sein du non-savoir dans lattente interminable vit au rythme dun non-tempslaquo Tous les livres sont en retard sur Mme Bordes et moi Nous sommes agrave la pointe dun combat sans nom sans armes sans sang verseacute sans gloire agrave la pointe de lattenteraquo Il sagit dun autre temps dun preacutesent qui nest deacutejagrave plus et dun futur qui est toujours trop loin laquo Mme Bordes et moi nous en sommes au preacutesent Nous pouvons preacutevoir unjour de plus agrave vivrel1raquo Mais il ne peut ecirctre question du preacutesent au sein de la preacutevoyance puisque preacutevoir se si tue deacutejagrave dans un preacutesent qui est au-delagrave qui nexiste plus Le futur pour sa part est beaucoup trop loin il sagit dun temps ougrave la rencontre avec la certitude est impossible Comme lattente exigeait un non-lieu afin de respirer elle exige de mecircme un non-temps pour reprendre son souffle

Le journal intime est un espace ougrave lon garde habituellement un rapport au temps et agrave soi lagrave ougrave lon parle dans une lineacuteariteacute commune agrave lautre Chez Duras les quelques dates incomplegravetes (un mois ou un jour de la semaine) et eacuteparses qui ponctuent son journal apportent cette lineacuteariteacute en ce que lauteur y raconte des moments de lHistoire Pourtant le temps nest pas celui que lon connaicirct Agrave la toute fin du journal elle eacutecrit ceci laquo Le Libeccio eacutetait tombeacute Ou bien ceacutetait un autre jour sans vent Ou bien ceacutetait une autre anneacutee Un autre eacuteteacute Un autre jour sans ventsraquo Cela en fait un journal ouvert certainement pas figeacute dans le temps un journal qui eacutevoque un laquo toujours raquo

Amour

Julia Kristeva dans Soleil noir eacutecrit agrave propos de La Douleur laquo La narratrice-teacutemoin et combattante de cette aventure entre vie et mort lexpose comme de dedans du dedans de son amour pour le mourant renaissantraquo Lamour tient une place consideacuterable dans ce journal Cest bien lamour qui la fixe agrave lattente qui la marie agrave elle Il sagit de lamour aussi lorsquelle souffre de la douleur du mourant lorsque sa vie agrave lui importe plus que la sienne laquo Chacune de ses mains plus chegravere que ma vie Connues de moi Connues de cette faccedilon-lagrave que de moiraquo Lamour se retrouve donc agrave linteacuterieur de cette

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1114 connaissance de lautre qui lui est propre de ce savoir inconnu des autres ignoreacute de tous laquo Des milliers des dizaines de milliers et lui Lui qui est agrave la fois contenu dans les milliers des autres et deacutetacheacute pour moi seule des milliers des autres complegravetement distinct seul2l raquo Blanchot complegravete le tout en eacutecrivant

Et ne faut-il pas au moins ajouter quaimer cest assureacutement avoir en vue lautre seul non pas en tant que tel mais comme lunique qui eacuteclipse tous les autres et les annule De lagrave que la deacutemesure soil sa seule mesure et que la violence et la mort nocturne ne puissent ecirctre exclues de Jexigence daime(2

La mort eacuteveille lamour en Duras Lamour pour cet homme ce survivant-lagrave celui quelle nomme Robert L De lagrave la question de Kristeva laquo La douleur eacuteprise de la mort serait-elle lindividuation suprecircme2Jraquo Serait-elle ce qui soude lamour agrave la mort chez Duras laquo Degraves ce nom Robert Lje pleure Je pleure encore Je pleurerai toute ma vie [ ]24 raquo Cest donc de la meacutemoire de la douleur dont il est question ici de cela mecircme qui se trouve indissociable de la maladie daimer De nouveau Blanchot

Ce qui revient agrave pressentir que la passion eacutechappe agrave la possibiliteacute eacutechappant pour ceux qui en sont saisis agrave leurs propres pouvoirs agrave leur deacutecision et mecircme agrave leur laquo deacutesirraquo [ ] dans une intimiteacute qui les rend aussi eacutetrangers lun agrave lautre Ainsi donc eacuteternellement seacutepareacutes comme si la mort eacutetait en eux entre eux Non pas seacutepareacutes ni diviseacutes inaccessibles et dans linaccessible sous un rapport infinIcirc25

Douleur

Marguerite Duras preacutesente son texte en le niant presque au deacutepart laquo Je nai aucun souvenir de lavoir eacutecrit [ ] Quand laurais-je eacutecrit en quelle anneacutee agrave quelles heures du jour dans quelle maison Je ne sais plus rienraquo Ce texte se place hors de la meacutemoire hors de ses souvenirs mais bien ancreacute dans son existence puisquelle dira plus loin laquo La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie21raquo Il sagit dun texte central en tant quil est reacuteveacutelateur de son

1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

SffiLiOGRAPHIE

ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

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bull bull bull

1114 connaissance de lautre qui lui est propre de ce savoir inconnu des autres ignoreacute de tous laquo Des milliers des dizaines de milliers et lui Lui qui est agrave la fois contenu dans les milliers des autres et deacutetacheacute pour moi seule des milliers des autres complegravetement distinct seul2l raquo Blanchot complegravete le tout en eacutecrivant

Et ne faut-il pas au moins ajouter quaimer cest assureacutement avoir en vue lautre seul non pas en tant que tel mais comme lunique qui eacuteclipse tous les autres et les annule De lagrave que la deacutemesure soil sa seule mesure et que la violence et la mort nocturne ne puissent ecirctre exclues de Jexigence daime(2

La mort eacuteveille lamour en Duras Lamour pour cet homme ce survivant-lagrave celui quelle nomme Robert L De lagrave la question de Kristeva laquo La douleur eacuteprise de la mort serait-elle lindividuation suprecircme2Jraquo Serait-elle ce qui soude lamour agrave la mort chez Duras laquo Degraves ce nom Robert Lje pleure Je pleure encore Je pleurerai toute ma vie [ ]24 raquo Cest donc de la meacutemoire de la douleur dont il est question ici de cela mecircme qui se trouve indissociable de la maladie daimer De nouveau Blanchot

Ce qui revient agrave pressentir que la passion eacutechappe agrave la possibiliteacute eacutechappant pour ceux qui en sont saisis agrave leurs propres pouvoirs agrave leur deacutecision et mecircme agrave leur laquo deacutesirraquo [ ] dans une intimiteacute qui les rend aussi eacutetrangers lun agrave lautre Ainsi donc eacuteternellement seacutepareacutes comme si la mort eacutetait en eux entre eux Non pas seacutepareacutes ni diviseacutes inaccessibles et dans linaccessible sous un rapport infinIcirc25

Douleur

Marguerite Duras preacutesente son texte en le niant presque au deacutepart laquo Je nai aucun souvenir de lavoir eacutecrit [ ] Quand laurais-je eacutecrit en quelle anneacutee agrave quelles heures du jour dans quelle maison Je ne sais plus rienraquo Ce texte se place hors de la meacutemoire hors de ses souvenirs mais bien ancreacute dans son existence puisquelle dira plus loin laquo La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie21raquo Il sagit dun texte central en tant quil est reacuteveacutelateur de son

1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

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ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

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1151 œuvre ainsi que des principaux enjeux qui la jalonnent Pourtant ce texte existe sans exister il est lagrave sans y ecirctre puisquil prend place dans un non-lieu au sein de loubli hors du temps Cela fait de ce texte agrave caractegravere spectral un eacutecrit tout agrave fait repreacutesentatif de ce qua veacutecu Marguerite Duras agrave leacutepoque ougrave il fut conccedilu Ceacutetait au moment preacutecis ougrave elle vivait dans un non-temps et ougrave le laquo je raquo se noyait au centre dune attente sans nom au point den perdre son identiteacute Tout cela en fait un teacutemoignage fascinant un teacutemoignage qui fait toujours naicirctre son amour pour Robert L qui le rend survivant agrave jamais puisque toujours dans un autre temps dans un autre lieu dans une autre existence

NOTES

1 Telle que Maurice Blanchot la deacuteveloppe dans son ouvrage LEacutecriture du deacutesastre Paris Eacuteditions Gallimard 1980 219 p 2 Maurice BLANCHOT La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 p 59 3 Marguerite DURAS La Douleur Paris Eacuteditions Gallimard 1985 p 42 4 Ibid p 17 5Ibidp49 6 Ibid p 19 7 Ibid p 46 8 Ibid p 47 9 La Communauteacute inavouable p 21 10 Marguerite Duras Op cit p 78 11 Ibid p 82 12 Ibid p 80 13 Ibid p 20 14 Ibid p 62 15 Ibid p 32 16 Ibid p 48 17 Ibid p 47 18 Ibid p 85 19 Julia KRlSTEVA Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Eacuteditions Gallimard 1987 p 244 20 Marguerite Duras Op cit p 19 21 Ibid p 16 22 La Communauteacute inavouable p 76 23 Julia Kristeva Op cit p 245

1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

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ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p

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1116 24 Marguerite Duras Op cit p 84 25 La Communauteacute inavouable p 72 26 Ibid p 12 27 Ibid p 12

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ANTELME Robert LEspegravece humaine Paris Gallimard laquo Telraquo 1957 306 p BLANCHOT Maurice La Communauteacute inavouable Paris Les Eacuteditions de Minuit 1983 93 p BLANCHOT Maurice LEacutecriture du deacutesastre Paris Gallimard 1980 219 p BLANCHOT Maurice LEspace litteacuteraire Paris Gallimard 1955294 p BLANCHOT Maurice Le Livre agrave venir Paris Gallimard laquoFolio Essaisraquo 1959 340 p BLANCHOT Maurice La Part dufeu Paris Gallimard 1949345 p BAlOMEacuteE Danielle Duras ou la douleur Belgique Eacuteditions Universitaires 1989 198 p DURAS Marguerite La Douleur ParisGallimard laquoFolio raquo 1993218 p DURAS Marguerite La Maladie de la mort Paris Eacutedi tions de Minuit 198260 p DURAS Marguerite Hiroshima mon amour Paris Gallimard 1960 140 p DURAS Marguerite Eacutecrire Paris Gallimard 1993 146 p KRISTEVA Julia Soleil noir Deacutepression et meacutelancolie Paris Gallimard 1987 264 p SCARRY Elaine The Body in Pain The Making and Unmaking ofthe World New York Oxford Oxford University Press 1985 385 p