échange HPN HUMANITAIRE EN CE NUMERO … · Le magazine du Réseau des pratiques et politiques...

60
g EDITORIAL EN CE NUMERO Le magazine du Réseau des pratiques et politiques humanitaires (HPN) juillet 2001 18 HPN échange HUMANITAIRE Le Réseau des pratiques et politiques humanitaires (HPN) vise à encourager l’analyse critique, à faire progresser l’acquisition des connaissances et le perfectionnement professionnels de ceux qui s’occupent de l’action humanitaire ou qui exercent des activités connexes et, enfin, à améliorer les pratiques. Site Internet : <www.odihpn.org> L’aide dans les crises prolongées La réponse face aux crises durables 2 Les gouvernements donateurs et le renforce- 4 ment des capacités en Afghanistan Au-delà des semences et des outils : autres inter- 7 ventions dans les situations d’urgence durables Le renforcement des capacités au Sud-Soudan 10 Notes de pratique Le calvaire de la Tchétchénie – et l’échec de l’humanitarisme ? 14 La distinction entre évacuation et déportation 16 Les systèmes d’information dans les situations d’urgence humanitaires 18 Les enseignements du Kosovo : le Centre d’information de la communauté humanitaire 20 Les obstacles à une planification préalable aux catastrophes sur les chars du littoral bangladeshi 23 L’aménagement du territoire en Amérique centrale 26 D’observatrice des droits de l’homme à coordinatrice de projet sanitaire 28 L’optique du développement dans une société au lendemain du conflit 30 Les initiatives institutionnelles L’assistance humanitaire mondiale 33 L’aide humanitaire espagnole 35 La Facilité de redressement stratégique 37 Le rapport Brahimi 40 La SIDA : gestion et prévention du conflit 43 Lorsque les donateurs prévoient l’imprévu 45 Les processus décisionnels Un rôle plus proactif de l’ONU dans la sécurité du personnel des ONG ? 49 Les sanctions et la Yougoslavie 52 Le Livre blanc du gouvernement britannique sur le développement 55 Page de garde Les mines terrestres : et maintenant, que faire ? 57 Ce numéro d’Échange humanitaire s’intéresse tout particulièrement à l’aide dans les crises durables. Comment devrions-nous pourvoir aux besoins des populations dans les situations d’urgence prolongées à l’instar de celles que suscite le conflit au Soudan ou en Afghanistan ? Une intervention humanitaire traditionnelle est-elle adaptée dans les conflits qui perdurent pendant des décennies ? Une optique orientée davantage vers le développement serait-elle plus séante dans les situations de conflit très tendues du point de vue politique ? Telles sont les questions qui interpellent le personnel, les organisations et les institutions humanitaires du monde entier. Le message que transmettent nos contributeurs est simple : dans les crises durables, il n’y a pas de ligne de démarcation nette entre l’humanitaire et le développement. François Grunewald remarque qu’il se pourrait que la façon dont les organisations interviennent face aux situations d’urgence durables et les instruments dont elles se servent ne soient pas adaptés alors même que les structures administratives au sein des organismes de financement sont mal équipées pour s’occuper de situations qui ne constituent pas des crises mais pour lesquelles il n’existe pas d’aide à la réhabilitation et au développement. Dans son article sur l’Afghanistan, Nicholas Leader ajoute une dimension politique à la polémique : étiqueter l’aide d’un label « humanitaire » soulage les consciences des Occidentaux, alors que refuser une assistance au « développement » aux pays dont les dirigeants sont jugés indésirables satisfait les objectifs de politique étrangère. Kate Longley décrit comment, au Sud-Soudan, des optiques orientées vers le développement peuvent être utilisées pour améliorer l’action humanitaire face à l’insécurité alimentaire. Le Groupe de travail sur le renforcement des capacités au Sud-Soudan soutient que les organisations humanitaires devraient accepter la situation politique et œuvrer dans les limites de celle-ci pour renforcer les capacités locales. Les questions de principe que pose un tel cheminement ne sauraient être aisément écartées et pour certaines organisations ces enjeux sont carrément insurmontables. Le débat sur l’action humanitaire dans les crises prolongées est délicat tant du point de vue du principe que de la pratique. Mais l’existence de tant de conflits durables de par le monde et la souffrance et la dévastation qu’ils suscitent, exigent que nous relevions le défi en rendant notre réponse plus efficace. Si vous souhaitez rédiger un article pour le prochain numéro d’Échange de pratiques humanitaires sur ces questions ou sur d’autres sujets qui vous préoccupent, n’hésitez pas à nous le faire savoir – nous attendons votre courrier.

Transcript of échange HPN HUMANITAIRE EN CE NUMERO … · Le magazine du Réseau des pratiques et politiques...

gEDITORIALEN CE NUMERO

Le magazine du Réseau des pratiques et politiques humanitaires (HPN) juillet 2001 18

HPNéchangeHUMANITAIRE

Le Réseau des pratiques et politiques humanitaires (HPN) vise à encourager l’analyse critique, à faire progresser l’acquisitiondes connaissances et le perfectionnement professionnels de ceux qui s’occupent de l’action humanitaire ou qui exercent desactivités connexes et, enfin, à améliorer les pratiques. Site Internet : <www.odihpn.org>

L’aide dans les crises prolongéesLa réponse face aux crises durables 2Les gouvernements donateurs et le renforce- 4

ment des capacités en AfghanistanAu-delà des semences et des outils : autres inter- 7

ventions dans les situations d’urgence durablesLe renforcement des capacités au Sud-Soudan 10

Notes de pratiqueLe calvaire de la Tchétchénie – et l’échec de

l’humanitarisme ? 14La distinction entre évacuation et déportation 16Les systèmes d’information dans les situations

d’urgence humanitaires 18Les enseignements du Kosovo : le Centre

d’information de la communauté humanitaire 20Les obstacles à une planification préalable aux

catastrophes sur les chars du littoralbangladeshi 23

L’aménagement du territoire en Amériquecentrale 26

D’observatrice des droits de l’homme àcoordinatrice de projet sanitaire 28

L’optique du développement dans une sociétéau lendemain du conflit 30

Les initiatives institutionnellesL’assistance humanitaire mondiale 33L’aide humanitaire espagnole 35La Facilité de redressement stratégique 37Le rapport Brahimi 40La SIDA : gestion et prévention du conflit 43Lorsque les donateurs prévoient l’imprévu 45

Les processus décisionnelsUn rôle plus proactif de l’ONU dans la sécurité

du personnel des ONG ? 49Les sanctions et la Yougoslavie 52Le Livre blanc du gouvernement britannique

sur le développement 55

Page de gardeLes mines terrestres : et maintenant, que faire ? 57

Ce numéro d’Échange humanitaire s’intéresse tout particulièrement à l’aidedans les crises durables. Comment devrions-nous pourvoir aux besoinsdes populations dans les situations d’urgence prolongées à l’instar de cellesque suscite le conflit au Soudan ou en Afghanistan ? Une interventionhumanitaire traditionnelle est-elle adaptée dans les conflits qui perdurentpendant des décennies ? Une optique orientée davantage vers ledéveloppement serait-elle plus séante dans les situations de conflit trèstendues du point de vue politique ? Telles sont les questions qui interpellentle personnel, les organisations et les institutions humanitaires du mondeentier.

Le message que transmettent nos contributeurs est simple : dans les crisesdurables, il n’y a pas de ligne de démarcation nette entre l’humanitaire etle développement. François Grunewald remarque qu’il se pourrait que lafaçon dont les organisations interviennent face aux situations d’urgencedurables et les instruments dont elles se servent ne soient pas adaptés alorsmême que les structures administratives au sein des organismes definancement sont mal équipées pour s’occuper de situations qui neconstituent pas des crises mais pour lesquelles il n’existe pas d’aide à laréhabilitation et au développement. Dans son article sur l’Afghanistan,Nicholas Leader ajoute une dimension politique à la polémique :étiqueter l’aide d’un label « humanitaire » soulage les consciences desOccidentaux, alors que refuser une assistance au « développement » auxpays dont les dirigeants sont jugés indésirables satisfait les objectifs depolitique étrangère. Kate Longley décrit comment, au Sud-Soudan, desoptiques orientées vers le développement peuvent être utilisées pouraméliorer l’action humanitaire face à l’insécurité alimentaire. Le Groupede travail sur le renforcement des capacités au Sud-Soudan soutient queles organisations humanitaires devraient accepter la situation politique etœuvrer dans les limites de celle-ci pour renforcer les capacités locales. Lesquestions de principe que pose un tel cheminement ne sauraient êtreaisément écartées et pour certaines organisations ces enjeux sont carrémentinsurmontables.

Le débat sur l’action humanitaire dans les crises prolongées est délicattant du point de vue du principe que de la pratique. Mais l’existence detant de conflits durables de par le monde et la souffrance et la dévastationqu’ils suscitent, exigent que nous relevions le défi en rendant notre réponseplus efficace.

Si vous souhaitez rédiger un article pour le prochain numéro d’Échangede pratiques humanitaires sur ces questions ou sur d’autres sujets qui vouspréoccupent, n’hésitez pas à nous le faire savoir – nous attendons votrecourrier.

2HUMANITAIREéchange

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

SL’AIDE DANS LES CRISES PROLONGEES

Dans tous les coins du globe, abondent des crisesapparemment interminables. Certaines, comme le conflitisraélo-palestinien sont présentes en perm-anence surnos écrans TV et dans nos journaux. D’autres enrevanche, à l’instar des conflits en Colo-mbie, au Soudanou en Afghanistan, semblent avoir été en grande partieoubliés, ne méritant que de rares mentions dans lesmédias. Ces situations gelées sont en compétition, tantpour la couverture médiatique que pour les fonds desecours, avec des évènements plus sensationnels tels queconflagrations militaires, ouragans et tremblements deterre. Dans un monde de ressources financières toujoursplus réduites il nous faut nous pencher de nouveau surles pratiques des acteurs en jeu. Ainsi, face à ces urgencesinstallées dans la durée, qui tombent dans l’oubli ou quilaissent le public indifférent, les instruments de réponsedes acteurs humanitaires et leurs pratiques sont-ils encoreles mieux adaptés ? Les mécanismes que nous utilisonspour gérer l’information et pour financer nos actionssont-ils encore les mieux appropriés ?

Ces questions ont été au cœur d’un colloque intitulé« Crises durables, crises oubliées : enjeux humanitaires,défis européens”, qui s’est déroulé à Paris les 15 et 16décembre 2000. Ce colloque était organisé par la Plate-forme française des ONG pour l’Union Européenne, leGroupe URD et Médecins du Monde avec un soutienfinancier de l’Office d’aide humanitaire (ECHO) de laCommission européenne et du Ministère français desAffaires Etrangères. Parmi les participants figuraientMonsieur Charles Josselin, Ministre français à laCoopération, Madame Constanza Adinolfi, directeurd’ECHO et plus de deux cent trente délégués venantde cinq agences des Nations unies, des services de laCommission européenne, d’ONG de sept pays del’Union européenne (UE), de représentants du CICR,de chercheurs européens, d’étudiants africains et dereprésentants d’États membres de l’Union européenneet de Colombie, de Tchétchénie et de Bosnie-Herzégovine.

Ce colloque permit de faire un état des lieux sur lesproblèmes, défis et enjeux auxquels sont confrontés lesorganismes d’aide humanitaire qui s’occupent de lagestion des crises durables. Les crises d’aujourd’hui sontsouvent délibérément perpétuées pour des gainscommerciaux tirés de trafics, de spéculations et d’uneexploitation illicite des matières premières. Pourquoi cer-taines crises durent-elles si longtemps et quels pourraientêtre les moyens d’inflexion de leur dynamique ? Quandune crise s’installe dans la durée et que les pratiquesd’urgence classiques deviennent inopérantes, que peut-on faire pour protéger et assister les populations civiles

La réponse face aux crises durables

François Grunewald : pourquoi les distinctions entre aide humanitaire et assistance audéveloppement doivent être repensées dans les situations de crise prolongée

prises au piège de ces désastres apparemment sans fin ?Bien que les besoins demeurent critiques, les mécaniquesadministratives des donateurs se gr ippent toutsimplement parce que la crise n’est pas une urgence,mais elle n’est pas non plus une situation qui réclameune assistance à la réhabilitation ou au développement.Alors à quel guichet faut-il s’adresser ? À quelle lignebudgétaire appartient-elle ?

Repenser « le continuum »Pour mettre une fin à ces conflits interminables, ilfaudrait non seulement une volonté politique maisencore des moyens que les gouvernements n’ont souventpas. Si, lors du colloque, Josselin a souligné avec justessele « danger de confondre impuissance des États etindifférence des États », il a également fait remarquerque la capacité d’un gouvernement à intervenir peutêtre limitée, notamment, par des conflits d’influencesentre différents pays et le rôle spécifique de certainsacteurs au Conseil de Sécurité des Nations unies. Quivoudrait se risquer dans les bourbiers du Congo, dans laforêt guinéenne ou dans la montagne afghane pourrégler ces conflits lointains et, à l’évidence, inter-minables ? Entre temps, cependant, des pans entiers del’humanité glissent dans l’oubli. Ne restent que quelqueshumanitaires pour s’en soucier.

L’aide humanitaire elle-même demande également à êtrerepensée. Nos pratiques mélangent le facteur “temps”et les questions de “contenu” : l’approche classique del’aide d’urgence (à savoir, il faut faire vite) n’a pas deraison d’être dans les contextes des crises qui durentdepuis des années. Ainsi, par exemple, la fourniture d’uneaide alimentaire dans les crises en cours entraîne unegamme d’effets négatifs : création de dépendances,paralysie des systèmes agricoles, aggravation des risquesde sécurité pour les populations ciblées et création d’uneéconomie de guerre sur la base de l’accaparement deces approvisionnements. Que peut-on faire poursoutenir les capacités locales à survivre durant les crises?Que peut-on faire pour mieux comprendre les stratégiesindividuelles et collectives de survie ? Que peut-on fairepour renforcer la résilience des populations, cette espèced’ingéniosité qui leur permet d’encaisser les chocsrépétés, de résister à l’abrasion terr ifiante quereprésentent ces crises durables sur le tissu social ?

Le moment choisi pour ce colloque était partic-ulièrement opportun, à l’heure où la Commissioneuropéenne préparait sa deuxième communication surle lien entre l’aide urgence, la réhabilitation et ledéveloppement. Au cours du Colloque, MadameAdinolfi, directeur d’ECHO, souligna que l’un des

numéro 18 • juillet 2001 3

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Senjeux dans le contexte des réformes actuelles étaitjustement d’identifier et de mettre en place lesmécanismes qui permettraient d’assurer une transitionen douceur d’une aide d’urgence à une aide à laréhabilitation, à la reconstruction et au développe-ment.Mais dans le contexte des crises durables, l’enjeu n’estpas tant de pouvoir passer au développement que depouvoir soutenir des actions susceptibles d’accompagnerles populations dans leurs stratégies de survie et derenforcer leur résilience. Ces actions ressemblent audéveloppement mais en contexte de crise, elles restenten fait humanitaires. La confusion entre “contenu” et“contexte” rejoint celle qui existe entre “temps” et“contenu”. Pour dissiper cette confusion, des partenariatsforts entre la Commission européenne et la société civileseront sans doute non seulement utiles, mais aussinécessaires.

Lier l’aide d’urgence à la réflexion sur ledéveloppementLe colloque a identifié plusieurs thèmes sectoriels commeétant particulièrement complexes et prégnants dans lecontexte de cr ises durables. La protection despopulations civiles, souvent un sujet délicat, en étaitl’un des principaux. Dans ce domaine, le cadre juridiquequi s’applique aux crises durables ou aux conflits gelésdemande un travail de clarification. C’est là un des groschantiers actuels du CICR. Les expériences récentesont également montré combien il était difficile d’assurerla sécurité alimentaire dans les situations d’urgenceprolongées sans créer de dépendance vis-à-vis de l’aidehumanitaire. Les difficultés pour assurer le passage d’aidesgratuites pendant les phases d’urgence aiguës à desmécanismes plus viables dès que la crise s’installe dansla durée ont été relevées. Il s’agit là d’identifier etd’analyser des « success stories » et d’en tirer lesenseignements méthodologiques. Enfin, dans un mondeen turbulence, dans lequel l’ancienne division entre civilset militaires est souvent estompée, il nous faut réfléchirsur les stratégies à mettre en œuvre pour établir despartenariats efficaces et éthiques avec les acteurs dessociétés civiles locales.

À terme, la qualité des analyses est primordiale. Il nousfaut améliorer nos capacités conceptuelles et mettre enplace des actions adaptées et innovantes, mariant lessavoir-faire des « développeurs » et des « urgenciers ».Ces initiatives pourraient englober la mise en place desystèmes d’échange entre semences locales et aidealimentaire, le contrôle des flux alimentaires pourstabiliser les prix et limiter la décapitalisation et laliquidation progressive des appareils productifs, lacréation de mécanismes de recouvrements des coûts, lamise en place de systèmes de micro-finance et uneassistance dans le domaine de l’artisanat local pour

financer la production. Enfin il y a un formidable besoind’imagination, de créativité, d’écoute des populationsdans la détresse, mais aussi de rigueur et d’adhésion àdes principes clairs fortement ancrés dans des cadresjuridiques forts.

Le colloque s’est achevé sur les témoignages de deuxtémoins importants, le président du Comité Helsinkide Bosnie Serdjan Dzarévic, et le Ministre tchétchènede la Santé Dr Oumar Khambiev. A côté des complexesdébats géopolitiques, techniques, méthodologiques,financiers et juridiques, ils ont su nous rappeler, à traversleurs vécus douloureux et leurs expériences personnelles,que l’« humanitaire » se rapporte essentiellement à ceque signifie être « humain ».

François Grunewald est président du Groupe URD etmembre du Haut Conseil de la Coopération inter-nationale.

Références Numéro spécial de Disasters sur les situations d’urgencepolitiques complexes, vol. 24, no. 4, décembre 2000

Aid Under Fire: Redefining Relief and DevelopmentAssistance in Unstable Conditions [L’aide dans lecollimateur : redéfinir l’aide d’urgence et l’assistance audéveloppement dans les conditions instables] (Londres :ODI, avril 1995)

‘Linking Relief and Development’ [Lier l’aide d’urgence audéveloppement], IDS Bulletin, vol. 25, no. 4, octobre 1994

Mark Adams et Mark Bradbury, Conflict and Development[Conflit et développement], Document de synthèse n°4d’Oxfam (Oxford : Oxfam, 1996)

François Grunewald, ‘From Prevention to Rehabilitation.Before During and After: The ICRC in Retrospect’ [De laprévention à la réhabilitation. Avant, pendant et après. LeCICR après coup], International Review of the Red Cross,n° 36, mai–juin 1995

Sue Lautze, Coping with Crisis, Coping with Aid: Capacity-Building, Coping Mechanisms and Dependency, LinkingRelief with Aid [Faire face à la crise, faire face à l’aide :renforcement des capacités, mécanismes de survie etdépendance et lien entre secours et aide] (Medford, MA:International Famine Center, Tufts University, 1996)

Claire Pirotte, Bernard Husson et François Grunewald (éds),Responding to Emergencies and Fostering Development:The Dilemmas of Humanitarian Aid [Répondre aux urgenceset encourager le développement : dilemmes de l’aidehumanitaire (Londres et New York : Zed Books, 1999)

Dernières nouvelles de l’équipe du HPN

En janvier, Frances Stevenson a rejoint le HPN en qualité de nouvelle Coordinatrice. Elle a auparavant passé sixans avec Médecins sans Frontières (MSF) à gérer des programmes au Rwanda, en RDC, au Sri Lanka et en Indonésieet à des activités de promotion au RU. Avant de travailler pour MSF, Frances a géré des programmes humanitairesd’ONG en Bosnie et a participé à des programmes de développement et à la recherche en Asie du Sud.

4HUMANITAIREéchange

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

S

De l’assentiment général, il est impossible de pourvoiraux besoins en Afghanistan de manière satisfaisante pardes interventions à court terme, localisées, adaptées àdes projets spécifiques et axées sur des secours d’urgence.La durée du conflit a suscité une dégradation progressivede l’infrastructure humaine et physique ; or, plus cettesituation se prolongera, plus délicate et onéreuse sera lareconstruction et plus il sera difficile d’atteindre ne serait-ce que les objectifs à court terme. La destructiongénéralisée du réseau de voies de communication, descommunautés et de l’administration est telle que lesbesoins ne peuvent être correctement satisfaits qu’entravaillant méthodiquement et dans la durée. Autrementdit, il est nécessaire d’« intensifier » les interventionshumanitaires – du court terme au long terme, du projetlocal à la politique nationale et de la communauté à l’État.1

Ceci nécessite une autorité légitime et compétentecapable de fixer et de coordonner la politique nationaleet apte, par ailleurs, à commander la structure nécessairepour mettre cette politique en œuvre et lui fournir lesressources nécessaires. En Afghanistan, une telle autoritén’existe tout simplement pas. Les Taliban, qui contrôlentune grande partie du pays, n’ont ni légitimité ni compé-tence. Au plan international, leur extrémisme islamiqueperçu comme tel, leur participation au commerce de ladrogue et leurs politiques envers les femmes les ont misau ban de l’humanité. À l’intérieur du pays, leur manqued’intérêt pour la protection sociale, leur interprétationpersonnelle du droit islamique et leurs actions répressivessignifient que leur légitimité est douteuse dans lemeilleur des cas. Les investissements qu’ils consacrent àla protection sociale et aux structures de développementsont minimes. Si l’objectif est d’intenifier l’interventionhumanitaire, la communauté internationale et, enparticulier, la communauté de l’aide humanitaire, devrait-elle accepter de travailler avec une telle autorité ? Com-ment les organisations peuvent-elles aider les Afghanssous des formes autres que des secours, mais sans nourrirla discrimination ? Le « renforcement des capacités » desstructures étatiques constitue-t-il une stratégie adaptée ?

L’impasse du point de vue de l’action politiqueAu niveau de la « haute politique », la réponse à ceproblème est un Cadre stratégique. Le Cadre stratégique

fournit aux Nations unies et aux ONG un certain degréde légitimité internationale (au moyen des résolutionsde l’Assemblée générale) et il précise un ensemble deprincipes faîtiers et une architecture servant à élaboreret à mettre en œuvre les lignes d’action. En pratique, enrevanche, la question de savoir comment travailler avecles autor ités en Afghanistan afin d’intensifierl’intervention humanitaire se caractérise par la confusionet l’indécision.2 Les donateurs n’ont pas été en mesurede produire une politique cohérente et coordonnée,sauf pour communiquer aux organismes d’aide lesentiment général qu’il est en quelque sorte inacceptabled’essayer de forger des liens avec les Taliban. Cesorganismes ont recouru à une série de solutions ponct-uelles et à court terme selon leurs besoins et mandatsparticuliers. Une « programmation commune théor-ique » ne s’est pas traduite par des stratégies communesd’engagement. Pour les donateurs tout comme pourles organismes d’aide, cette confusion est la plusapparente dans la question épineuse des incitations, unequestion qui a pris une importance bien supérieure àcelle qu’elle devrait avoir car c’est là que l’argent desdonateurs est remis aux structures étatiques contrôléespar les Taliban.

Pour expliquer cette impasse du point de vue de l’actionpolitique, il est nécessaire de la replacer dans un contextehistorique et politique plus vaste. La situation enAfghanistan n’est qu’un exemple de l’enjeu beaucoupplus général qui consiste à savoir comment lacommunauté internationale doit traiter les États où lagouvernance n’existe plus ou a perdu toute légitimité.3

Cette question se pose en raison des phénomènesconnexes de ce que l’on appelle les « États qui ontéchoué » et d’un respect moins grand de la souverainetéabsolue qui a permis toute une série d’interventionssans précédent dans les affaires de ces États par lacommunauté internationale afin de promouvoir la paixet la sécurité. Si le respect de la souveraineté n’est pas leprincipe directeur des relations internationales qu’il futun temps, il n’empêche qu’il n’existe pas à ce jour deprincipe agréé pour le remplacer, du moins lorsque l’Étata échoué. Le Cadre stratégique fait donc partie de cenombre de mécanismes expérimentaux qui ont vocation

Les gouvernements donateurs et le renforcement descapacités en AfghanistanLa position des donateurs concernant l’Afghanistan est confuse et contradictoire, et lesinterventions humanitaires demeurent prises au piège de l’impasse aide d’urgence/développement. Dans cet article, Nicholas Leader soutient que l’heure est venued’aborder le problème sous un nouveau jour.

2 Nicholas Leader, Negotiating the ‘Governance-Gap’: TheUN and Capacity-Building in Afghanistan [Négocier le« fossé de la gouvernance » : Les Nations unies et lerenforcement des capacités en Afghanistan], Rapport del’équipe spéciale de l’ONU pour l’Afghanistan sur lerenforcement des capacités, 2000.

3 Macrae, Aiding Peace [Aider la paix].

1 Joanna Macrae, Aiding Peace … and War: UNHCR,Returnee Reintegration and the Relief–DevelopmentDebate [Aider la paix …… et la guerre : la réinsertion desréfugiés rapatriés et le débat aide d’urgence–développement], Nouveaux enjeux de la recherche sur lesréfugiés, Document de travail N° 14 (Genève : HCR, 1999).

numéro 18 • juillet 2001 5

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Sà faire face à une situation où la gouvernance, et doncla souveraineté, a été remise en question. Il convient denoter, cependant, que ceux-ci diffèrent des dispositifsqui ont été mis en place au Kosovo, en Sierra Leone etau Timor oriental, par exemple, en ce sens que lacommunauté internationale n’a pas autorisé de mesurescoercitives à l’encontre de l’autorité récalcitrante.

La distinction entre aide d’urgence etdéveloppementLes interventions humanitaires ont été dépassées parces mécanismes expér imentaux en matière desouveraineté et de relations internationales. En règlegénérale, elles ne connaissent que deux modesd’opération : l’aide d’urgence ou le développement. Oraucun de ces deux modes n’apporte de solution auproblème de savoir comment intensifier l’interventionhumanitaire dans un État qui a échoué.4 L’étrangecaractère ténace de la distinction entre aide d’urgenceet développement dans le contexte afghan n’est pas lerésultat de l’utilité d’une telle distinction : en effet, entant que conceptualisation de la vulnérabilité, elle estgénéralement considérée comme n’apportant riend’utile. Au contraire, cette persistance s’explique par lerôle politique que cette distinction assume pour lesgouvernements donateurs. Comme le concept d’« aided’urgence » est encore considéré sous un jour favorablepar les publics occidentaux, cette distinction permetaux donateurs de se convaincre et de convaincre leurspopulations qu’ils font quelque chose en Afghanistan(« nous répondons au besoin humanitaire »), tout enenvoyant simultanément un signal politique dedésapprobation aux Taliban (« nous n’autoriserons pas

d’aide au développement tant que vous n’aurez pasmodifié vos agissements, ou, encore mieux, tant quevous ne serez pas partis »). Ceci est conforme à d’autresmesures telles que les sanctions imposées par le Conseilde sécurité. Cette distinction permet également auxdonateurs de croire qu’en assurant une assistancehumanitaire et non une aide au développement, ilsaident en quelque sorte les Afghans sans toutefoissoutenir les Taliban. Pour les donateurs, donc, ladistinction entre aide d’urgence et développement estfonctionnelle même si elle ne fait pas ce qu’elle estcensée faire, à savoir conceptualiser la vulnérabilité.

Bien que plaçant l’accent sur l’aide d’urgence, cettedistinction qui est motivée d’un point de vue politique,exclut tout ce qui pourrait apparaître comme un« renforcement des capacités » avec les autorités. Cecidevient inacceptable car le renforcement des capacitésest considéré comme apportant un soutien aux Talibanet comme leur conférant une certaine légitimité.L’ironie est que les activités d’assistance qui aidentprobablement le plus les Taliban, à savoir la distributionde vivres et le retour des réfugiés au pays, sont toutesdeux classées comme aide d’urgence. Et, en consé-quence, elles sont moins sujettes à controverse. Parcontre, régler les salaires du personnel du ministère dela Santé ou équiper les municipalités pour ramasser lesdéchets ménagers, choses qui contribuent à intensifierl’intervention humanitaire sans effets politiques néfastes,sont considérées comme des activités de « renforcementdes capacités » et, par suite, elles sont en quelque sortesuspectes. Étant donné qu’il n’existe aucune preuve queles Taliban interviennent en utilisant leurs propres fonds

RéférencesPeter Marsden et Jerrold E. Marsden, The Taliban: War, Religion and the New Order in Afghanistan [Les Taliban : Guerre,religion et le nouvel ordre en Afghanistan] (Londres : Zed Books, 1998)

Larry P. Goodson, Afghanistan’s Endless War: State Failure, Regional Politics, and the Rise of the Taliban [L’interminableguerre en Afghanistan : Échec de l’État, politique régionale et la montée des Taliban] (Seattle, WA: University of WashingtonPress, 2001)

Barnett Rubin, The Search for Peace in Afghanistan: From Buffer State to Failed State [La recherche de la paix en Afghanistan :d’un État tampon à un État manqué] (New Haven, CT: Yale University Press, 1995)

Barnett Rubin, ‘The Political Economy of War and Peace in Afghanistan’ [L’économie politique de guerre et paix enAfghanistan] <www.soros.org/cen_eurasia/rubin_on_afgistan.html>

British Agencies Afghanistan Group (BAAG), Return and Reconstruction [Retour et reconstruction] (Londres, Conseil pourles Réfugiés, 1997)

Afghan News (Afghan Online Press), <www.afghanweb.com/aop/today.html>

Afghanistan Voice (Association pour la paix et la démocratie pour l’Afghanistan), <www.afghanistanvoice.org>

The Central Eurasia Project [Projet Eurasie centrale] de l’Open Society Institute <www.soros.org/cen_eurasia/analysis.html>

Afghanistan Today <http ://frankenstein.worldweb.net/afghan>

Afghanistan Online <www.afghan-web.com>

4 Macrae, Aiding Peace [Aider la paix].

6HUMANITAIREéchange

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Slà où ne travaille pas la communauté humanitaire, il estdifficile de soutenir que régler les salaires du personnelde santé équivaut à appuyer indirectement l’effort deguerre.

En bref, les donateurs ne peuvent pas faire les deux à lafois. Il est contradictoire d’autoriser un instrument non-coercitif tel que le Cadre stratégique, qui dépendnécessairement de négociations avec les autorités de facto,tout en insistant en même temps que l’engage-ment, etdonc l’intensification de l’intervention humanitaire, soitréduit au plus strict minimum. Les gouvernementsdonateurs ne peuvent légitimement pas dire à leurspublics qu’ils font tout ce qui est en leur pouvoir pouraider les Afghans, tout en insistant parallèlement que lesorganismes d’aide ne négocient pas sur la question del’intensification de l’intervention humanitaire avec ceuxqui contrôlent la majeure partie de l’Afghanistan. Bienau contraire, il devrait être reconnu qu’il est possibled’intensifier l’intervention humanitaire de façon éthiqueen Afghanistan : les travaux accomplis par nombred’organismes qui s’occupent de santé publique en est lapreuve. Que cette admission soient inopportune d’unpoint de vue politique pour certains gouvernementsdonateurs ne la rend pas pour autant fausse. En fait, leconcept et l’histoire de l’humanitarisme portent témoi-gnage du fait qu’il est possible de négocier à des finséthiques avec des personnes dénuées de tout principe.

Des solutions pour l’avenirComment, alors, ce processus d’intensification del’intervention humanitaire devrait-il progresser ? L’unedes possibilités serait de mener à terme la logique desmécanismes expérimentaux en matière de souverainetéque représente le Cadre stratégique ; le cadre est enplace, il faut à présent une stratégie. Le Cadre stratégiquepeut être interprété comme donnant aux acteurshumanitaires un rôle légitimé au plan international dansla gouvernance de l’Afghanistan. Suite à ce qui pourraitêtre perçu comme la « souveraineté partagée » implicitedans ces mécanismes expérimentaux, les acteurshumanitaires pourraient légitimement définir unnombre limité d’objectifs spécifiques et quantifiables

sur l’ensemble du territoire pour tout le systèmehumanitaire – une espèce de « plan provisoire nationalde réduction de la pauvreté » que tous les acteurshumanitaires s’efforceraient d’adopter.

Autant que faire se peut, ce plan devrait être entreprisavec la coopération et la participation des autorités defacto. Il devrait également faire l’objet d’une discussionavec les structures civiles lorsque cela s’avère possible. Ilest impératif que la légitimité internationale du Cadrestratégique corresponde à une légitimité nationale pourles Afghans. Ces objectifs nationaux deviendraient alorsle point de convergence de toute planification et detout engagement avec les autorités jusqu’à ce que l’onpuisse se mettre d’accord sur la paix. Verser des incitationset fournir une formation et un équipement aux autoritésserait alors légitime, dans la mesure où ces transfertscontribuent à atteindre les objectifs nationaux. Une Unitéde suivi stratégique serait chargée d’observer les progrèsaccomplis pour se rapprocher des objectifs souhaités.Pour que la négociation avec les autorités soit éthique,ce plan doit reposer sur une analyse approfondie desconséquences politiques de l’assistance, fondée sur unecompréhension de l’économie politique du conflit enAfghanistan et de la façon dont l’aide y est incorporée.Enfin, il faut convenir en commun d’un « seuilminimum » pour chaque secteur (comme un accès égaldes femmes et des hommes aux ressources sanitaires),faute de quoi rien ne sera entrepris avec les structuresétatiques dans ce secteur particulier.

Une approche qui est centrée sur des objectifs nationauxet soutenue par une analyse politique et des « seuilsminimum » pourrait permettre d’intensifier l’inter-vention humanitaire par le biais des structures étatiqueslorsque cela s’avère possible, mais elle réduirait laprobabilité de renforcer les pratiques oppressives oudiscriminatoires.

Nicholas Leader, consultant indépendant a récemmentachevé un rapport, financé par le PNUD dans le cadredu PNUD/CNUEH pour l’équipe spéciale des Nationsunies en Afghanistan sur le renforcement des capacités.

Le site Internet du HPN : essentiel au professionnel de l’humanitaire<www.odihpn.org>

Le site Internet du HPN permet un accès plus facile, une augmentation des liens avec les autres sites pertinents et unepossibilité de recherche thématique. À l’exception des Revues sur l’état des connaissances, le texte intégral de toutes lespublications du RRN, y compris pour la première fois les éditions en langue française, sont aussi disponibles.

Ce site, qui fonctionne comme une base de données, offre une documentation très riche tirée des archives de rapportset d’articles du HPN, de critiques de livres et d’information sur la formation et les conférences, ainsi que les textes et leslignes directrices essentiels en matière d’action humanitaire. Il est possible d’accéder à l’information par région toutcomme par thème. Une vaste bibliothèque de liens, facile à rechercher oriente les utilisateurs vers les sites clefs dusecteur. Les membres du HPN et les institutions peuvent soumettre au site leurs propres liens qu’ils recommandent surl’aide et les nouveaux événements humanitaires. Des pages d’information en retour permettent aux lecteurs de faire desobservations sur les rapports, d’ajouter leurs propres opinions et de participer au débat. Notre objectif est de faire duHPN l’une des passerelles essentielles pour les professionnels de l’humanitaire et un site indispensable au débat.

numéro 18 • juillet 2001 7

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

S

La distribution de semences et d’outils est généralementconsidérée comme étant un moyen de renforcer lasécurité alimentaire à plus long terme et elle estlargement entreprise par les organisations qui opèrentdans les situations de sortie de catastrophes et dans lesurgences en cours. Dans de nombreuses situationsd’urgence durables, les semences s’obtiennent habituelle-ment sur place, souvent auprès descommunautés mêmes où elles sontpar la suite distribuées. Mais cecine traite pas du problème de fondqui est de savoir s’il est vraimentnécessaire que les organisationsd’aide d’urgence et de développe-ment fournissent des semences. Lessemences constituent-elles la formede soutien la mieux adaptée enversles fermiers dans les situationsd’urgence durables ?

Pour bien des organisations opér-ationnelles, mettre en œuvre desprojets conventionnels de semenceset d’outils demeure déli-cat : ciblerles bénéficiaires, trouver assez desemences « homologuées » ou debonne qualité, gara-ntir un stockageet des structures de transportsatisfaisants, plus les coûts élevés detous ces projets, tout ceci pose problème, sans parler desenjeux liés à la dépendance ! En outre, au macro niveau,les semences sont devenues une denrée lucrative etdisputée dans l’économie de l’aide d’urgence.

Cet article soutient que, dans certains cas, d’autres formesd’interventions destinées à assurer une sécurité alimen-taire peuvent offrir un meilleur soutien aux moyensd’existence en milieu rural dans les urgences et dans lessituations de sortie de catastrophes. Il n’empêche, lemanque de techniques adaptées pour évaluer les besoinsen semences, associé à la pénurie d’études de suivi etd’évaluation qui dépassent la logistique de l’acheminementdes semences, n’ont pas fait grand-chose pour aider lesorganisations à développer ces solutions alternatives.

L’évaluation des besoinsIl faut que les organisations humanitaires parviennent àmieux comprendre comment les fermiers gèrent lessemences et comment ils s’en procurent dans lesurgences. Les lignes directr ices en vigueur ne

Au-delà des semences et des outils : possibilités etdéfis pour des interventions autres dans les situationsd’urgence durablesLes projets concernant les semences et les outils sont souvent considérés comme un moyenbon marché et efficace de faire face aux besoins alimentaires dans les situations d’urgencedurables. Mais, selon Kate Longley, d’autres façons d’envisager le problème pourraient être àla fois plus faciles et plus efficaces

contiennent guère de conseils sur la façon d’entreprendreune évaluation des besoins dans les situations d’urgence.Par suite, bien des interventions pour des semences etdes outils sont fondées sur un besoin présumé plutôtque sur un besoin réél. Il est en général présumé que sila moisson est bonne, le besoin de distribution desemences est faible ; si la moisson est mauvaise, le besoin

augmente. Par conséquent, ladisponibilité des semences estdéterminée par la disponibilité desvivres. S’il est vrai que ce raisonne-ment est exact au macro niveau, ilne prend pas en compte commentles petits fermiers conservent et seprocurent des semences.

Après la moisson, la quantité desemences qu’un fermier conserveest habituellement déterminée parla taille de la parcelle de terre àplanter la saison suivante plutôtqu’en tant que proportion de laquantité totale récoltée. En cas demauvaise moisson, le fermieressaiera habituellement de conser-ver les semences nécessaires pourla saison suivante, même si celasignifie qu’il tirera moins denourriture de l’ensemble de sa

moisson. Dans les cas extrêmes, la totalité de la moissonpeut être gardée comme semences, plutôt que mangéecomme nourriture. Les fermiers du Sud-Soudan, parexemple, s’efforceront à tout prix de maintenir leursréserves de semences, même si cela signifie se nourrirseulement des produits de la cueillette et des feuilles devégétaux. Les quantités de semences requises par unménage fermier pour planter sont relativementmodestes ; le volume de semences plantées en vue deproduire une récolte de céréales de base pour touteune année pourrait nourrir un ménage pendant moinsd’une semaine.

Le second malentendu a trait à la façon dont les fermierscompensent les déficits en semences. Contrairement àtoutes les hypothèses, les systèmes de semences serécupèrent remarquablement bien, même face à unecatastrophe ou à la guerre. En période de crise, il estpossible de se procurer des semences auprès d’amis, deproches ou de petits négociants, ou encore sous formede don à titre gratuit, d’échange, d’achat en espèces ou

© K

ate Longley

Fermiers près de Baidoa, dans lesud de la Somalie

8HUMANITAIREéchange

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Ssous forme de prêt à rembourser après la moisson. Lesfermiers savent en général beaucoup mieux quen’importe quelle organisation humanitaire où trouverles meilleures sources de semences. Ce n’est que dansdes cas exceptionnels qu’il est absolument impossiblede se procurer des semences : lorsque la perte généraliséedes récoltes se conjugue avec un affaiblissement desmécanismes de survie et un manque de marchés ou demobilité, ou encore lorsque le déplacement despopulations rend impossible de cultiver la terre pendantplusieurs saisons. Et pourtant, une fois que la culture estreprise même à la suite de circonstances exceptionnellestelles que celles-ci, les systèmes locaux de semences etde production de récolte se rétablissent et/ou s’adaptentremarquablement rapidement.

S’il y a souvent des semences, s’en procurer peut êtretout autre chose. En période de crise, il n’est pas rareque seuls les fermiers les mieux nantis puissent s’enprocurer et que, parfois, ils jouent le rôle de « banquede semences » pour tout le village en aidant les autres.L’incapacité de certains fermiers à conserver ou àacquérir des semences d’une année à l’autre estdavantage liée à la pauvreté qu’à des moissons médiocres,ou à un manque de connaissance ou de compétencestechniques. Dépourvus du moyen d’obtenir dessemences par l’achat ou l’échange, les fermiers mal lotisrisquent de se trouver contraints à emprunter à desmarchands ou à mendier auprès de leurs proches et deleurs voisins. À court terme, la distribution de semencespeut s’avérer nécessaire, mais à plus long terme d’autresformes d’aide – notamment celles qui s’intéressent auxquestions plus générales de pauvreté – pourraient êtremieux adaptées qu’une distribution répétée d’une saisonà l’autre. En bref, les organisations doivent passer d’unedistribution gratuite de semences à des contributionsqui encouragent la réhabilitation et l’amélioration desapprovisionnements locaux en semences.

Au-delà des « semences et des outils » : autresméthodesUn certain nombre d’organisations qui travaillent dansl’urgence ou dans les situations de sortie de catastrophesmettent en œuvre des projets visant à favoriser la pro-duction, l’accès et l’échange des semences au niveaulocal, sans pour autant fournir les semences en soi. Cessolutions alternatives se répartissent en gros en troiscatégories : d’abord, des approches axées sur la pauvretéqui élargissent l’accès à des contributions agricoles, puisdes conseils et une formation sur les technologiesagricoles et enfin, des dispositions institutionnelles pourassurer l’accès aux apports et technologies agricoles ouleur fourniture.

Les approches axées sur la pauvretéLorsqu’il y a des semences au plan local, il peut arriverque certains fermiers aient besoin d’aide pour s’enprocurer. Parfois, les fermiers déplacés n’ont pas deréseaux sociaux bien développés là où ils se sont installéset ceux qui sont revenus au pays risquent d’avoir perdules fonds nécessaires pour se procurer des semences. Dansces situations, les approvisionnements d’urgence, ycompris les semences, peuvent être échangés contre des

vivres ou même des semences fournies localement.Donner des espèces ou des bons pourrait être une autremanière de fournir aux fermiers le moyen d’avoir accèsà des semences disponibles localement. Catholic ReliefServices a mis en place un système de bons au Kenya etdans le nord de l’Ouganda, et la Croix-Rouge etChristian Aid ont distribué de l’argent liquide auxfermiers au Honduras et à Orissa. Lorsque des bonspour semences leur sont fournis, des foires à la semence,à l’époque de la plantation, donnent aux fermiers ducoin l’occasion d’échanger ces bons contre des semencesauprès des négociants locaux. Bien que cela soittraditionnellement considéré comme étant un moyende permettre aux fermiers qui se trouvent dans unenvironnement stable d’acquérir un assortiment plusvaste de graines à planter, Catholic Relief Services aconnu un succès considérable avec ses foires à la semencedans des situations d’urgence durables au Kenya et dansle nord de l’Ouganda.

Les conseils et la formation sur les technologiesagricolesD’autres technologies agr icoles pourraient êtrenécessaires lorsque les fermiers se retrouvent face à dessituations auxquelles ils ne sont pas accoutumés : desfermiers déplacés cultivant des sols qui diffèrent de leurenvironnement habituel, par exemple. Dans d’autres cas,les fermiers restés chez eux risquent de devoir sedébrouiller avec moins d’ouvriers agricoles suite auxdéplacements de population ou au décès de membresde leur famille. Parfois il faut employer des technologiespour traiter des problèmes particuliers telles que desmesures de contrôle des animaux nuisibles ou desmaladies qui s’attaquent aux récoltes.

Il est probable que les fermiers se féliciteront d’avoirl’occasion d’essayer de nouvelles semences de variétésde récoltes qui mûrissent plus rapidement, qui résistentmieux aux maladies ou qui sont mieux à même detolérer les mauvaises herbes ou des sols saturés d’eau oude qualité médiocre. Offrir de nouvelles variétés est,cependant, très différent de fournir des semences d’ur-gence. Plutôt que de donner aux fermiers assez de sem-ences pour la production de vivres il faudrait, au départ,faire pousser les nouvelles variétés sur des parcelles dedemonstration et offrir aux fermiers les mieux nantisde petites quantités qu’ils puissent eux-mêmes mettre àl’essai. Si ces nouveaux types de semences sont adaptésaux besoins des fermiers, celles-ci seront rapidementincorporées aux systèmes locaux de semences.

Les dispositions institutionnelles en faveur despauvresSi la situation sécuritaire est stable, la meilleure façonde mettre en œuvre certaines des interventions suggéréesplus haut est par le biais des institutions existantes ouen créant de nouvelles dispositions institutionnelles. Àtitre d’exemple, les petits sachets de variétés originalesou d’autres apports agricoles peuvent être vendus parle biais des débouchés existants et des petits négociants.Toutefois, il est improbable que les efforts déployés pourinstaurer des systèmes plus officialisés de multiplicationet de commercialisation des semences réussiront s’ils

numéro 18 • juillet 2001 9

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Sne reposent pas sur des marchés de semences établis delongue date où il y a une demande réelle et continuellede semences pour des récoltes spécifiques. Encouragerles coopératives agricoles ou les organisations de produ-cteurs pourrait permettre aux fermiers de mieux comm-ercialiser leur produit. Toutefois, lorsque cela s’avèrepossible, il est important de travailler avec les négociantsdu coin qui ont déjà une expérience de la commer-cialisation plutôt que d’essayer de les remplacer. Danscertains cas, les interventions de ce type visant à renforcerles capacités peuvent fournir une forme plus durablede soutien aux moyens d’existence en milieu rural.

Les possibilités et les défisDans les situations extrêmes, il peut tout simplement serévéler impossible d’obtenir des semences et lesapprovisionnements d’urgence risquent alors d’êtreindispensables. Mais ceci constitue l’exception plutôtque la règle. Là où les organisations achètent dessemences sur place, il est évident qu’il y a des semenceset une meilleure forme d’assistance consisterait alors àaider les fermiers à y avoir accès.

Pour que les organisations sachent quand il y a un besoinet quand des stratégies de rechange pourraient se révéler

RéférencesFood Security in Burundi Following Distribution of Seeds and Tools during Season 99A and 99B [La sécurité alimentaire auBurundi suite à la distribution de semences et d’outils pendant les saisons 99A et 99B], rapport d’évaluation de l’impact parDanae Meacock-Bashir, Christian Aid, 1999

Restoring Farmers’ Seed Systems in Disaster Situations [Restaurer les systèmes de semences des fermiers dans les catastrophes],document n° 150 de la FAO sur la Production et la protection des plantes (Rome : FAO, 1999)

Seeds for Disaster Mitigation and Recovery in the Greater Horn of Africa [Des semences pour soulager les catastrophes et leredressement dans la grande corne de l’Afrique], rapport préparé par Chemonics International et USDA Famine MitigationActivity pour USAID/BHR/OFDA/PMPP, 1996

Using Seed Fairs To Assist Drought-affected Families in Tharaka and Mbeere Districts of Eastern Kenya To Access QualitySeed [L’utilisation des foires semencières pour aider les familles touchées par la sécheresse dans les districts de Tharaka etMbeere (à l’est du Kenya) à obtenir un accès à des semences de qualité], projet de rapport d’évaluation, CRS-Kenya, 2001

E. Cromwell et S. Wiggins avec S. Wentzel, Sowing Beyond the State: NGOs and Seed Supply in Developing Countries[Semer au-delà de l’État : les ONG et la fourniture de semences dans les pays en développement (Londres : ODI, 1993)

E. Friis-Hansen et D. Rohrbach, SADC/ICRISAT 1992 Drought Relief Emergency Production of Sorghum and Pearl MilletSeed: Impact Assessment [SADC/ICRISAT 1992 - Production d’urgence de sorghum et de millet perlé pour faire face à lasécheresse : bilan de l’impact], ICRISAT Document de travail 93/01, 1993

D. Johnson, Distributing Seeds and Tools in Emergencies [Distribuer des semences et des outils dans les urgences] (Oxford :Oxfam, 1998)

Programme de semences et de biodiversité de l’ODI, Fournir des semences pendant et après les situations d’urgence, Revuesur l’état des connaissances n°4 du RRN (Londres : Réseau Aide d’urgence et Réhabilitation, 1996)

S. R. Preston, Checklist for Use by Potential Donors before Giving Seeds to Pacific Island Countries after Emergencies [Listede contrôle à l’intention des donateurs potentiels avant de donner des semences aux pays insulaires du Pacifique après lessituations d’urgence], rapport préparé pour le compte du Secrétariat de la Communauté du Pacifique et du Programmeagricole pour la région du Pacifique financé par l’UE, 2000

P. Richards et G. Ruivenkamp, Seeds and Survival: Crop Genetic Resources in War and Reconstruction in Africa [Semenceset survie : Ressources génétiques en matière de récoltes dans la guerre et la reconstruction en Afrique] (Rome : InternationalPlant Genetic Resources Institute (IPGRI), 1997)

Andrew Pinney, Agriculture in Emergencies: Guidelines on the Use of Seeds, Cash and Fertilisers in an Emergency AgriculturalSupport Programme [L’agriculture dans les situations d’urgence : lignes directrices sur l’utilisation des semences, de l’argentliquide et des engrais dans un programme de soutien agricole d’urgence (Londres : Croix-Rouge britannique, 2000)

J. Seaman, P. Clarke, T. Boudreau et J. Holt, The Household Economy Approach: A Resource Manual for Practitioners[L’approche de l’économie domestique : documentation à l’usage des praticiens] (Londres : Save the Children, 2000)

L. Sperling (éd.), War and Crop Diversity [La guerre et la diversité des récoltes, AgREN Dossier thématique 75 (Londres :ODI, 1997)

R. Tripp, Seed Provision and Agricultural Development [La fourniture de semences et le développement agricole] (Oxford :James Currey, 2001)

10HUMANITAIREéchange

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Smieux adaptées, il est impératif d’améliorer les méthodesd’évaluation. Il est possible de développer les réseauxexistants en ce qui concerne les systèmes de terrain, enparticulier lorsque les méthodes utilisées se concentrentnon seulement sur des questions de disponibilité, maisaussi sur l’accès comme, par exemple, la HouseholdEconomy Approach mise au point par Save the Children.Des systèmes de suivi doivent également être conçuspour faire partie intégrante de toute intervention.

Lors de la conception de projets qui visent à améliorerles technologies agricoles, les agences d’exécutiondevraient solliciter les conseils techniques de chercheursdans le domaine agricole. Dans la majorité des cas, lelong passé de recherche agricole peut être utile pourguider les travaux des experts techniques. Le personneldes systèmes nationaux de recherche agricole et lesagents de vulgarisation fournissent un ensemble d’expé-rience et de compétences souvent éclairé par une conn-aissance détaillée du coin. Les contributions des expertsappropriés provenant de centres internationaux de rech-erche agricole peuvent également être utiles, en partic-ulier là où les institutions nationales se sont effondrées.

Le défi le plus important, en particulier dans les situationsd’instabilité politique chronique, concerne lesmécanismes d’acheminement de l’aide d’urgence. Si lessystèmes actuels rendent relativement simple et directela fourniture de semences d’urgence, les autresinterventions suggérées ici, par contre, exigentgénéralement des délais plus longs que ne le permettentnombre de dispositions budgétaires en vigueur.L’identification des institutions locales légitimes aveclesquelles travailler est un autre défi à relever.

Depuis plus d’une trentaine d’années, les populationsdu Sud-Soudan ont subi les effets de la crise politique,des conflits et des catastrophes. En 1989, une inter-vention humanitaire internationale a été conçue dansle cadre de l’UNICEF–OLS [Opération Survie auSoudan]. Depuis lors, l’on s’est efforcé d’améliorer lescapacités des Soudanais à faire face aux vulnérabilitésliées aux catastrophes et au conflit. Au début de l’an2000, un examen du renforcement des capacités au Sud-Soudan a été mandaté par un groupe de travail compre-nant des ONG soudanaises autochtones, des ONGinternationales et l’UNICEF–OLS. Cette évaluation durenforcement des capacités explorait les points de vuedes parties prenantes sur la raison d’être et la validitéd’application du renforcement des capacités au Sud-Soudan. Elle en concluait que les organisations human-itaires devaient améliorer leurs méthodes d’interventionet suggérait des moyens de modifier les programmesd’action et la pratique pour parvenir à cette fin.

Le renforcement des capacités au Sud-Soudan

Le Groupe de travail sur le renforcement des capacités au Sud-Soudan présente unenouvelle initiative visant à améliorer l’assistance humanitaire dans le pays

Une important partie de cette évaluation durenforcement des capacités était un atelier de trois joursqui s’est déroulé à Nairobi du 30 octobre au 1 novembre2000. Les conclusions et recommandations de cetteévaluation ont été discutées et affinées par lesreprésentants de cinq parties prenantes jouant un rôleessentiel : les ONG soudanaises, les « ailes humanitaires »de mouvements rebelles du Sud-Soudan (l’Associationsoudanaise d’Aide d’urgence et de Réhabilitation(SRRA), l’Association d’Aide d’urgence pour le Sud-Soudan (RASS) et l’Association Aide d’urgence etRéhabilitation de Fashoda (FRRA)), quelques ONGinternationales (dont Oxfam GB, Concern, Care etTearfund), les Nations unies et les gouvernements duCanada, de la Finlande et des États-Unis. Cet articleprésente les principaux points qui ont fait l’objet dedébats lors de l’atelier, les principaux domaines deconsensus et les points d’action arrêtés par lesparticipants.

Au fond, ce qu’il faut c’est une meilleure compré-hension de la réhabilitation de l’agriculture et de l’aided’urgence au développement. Ces concepts demeurentmal compris et il n’existe pas grand-chose pour guiderdes façons originales d’envisager la programmation del’aide en dehors des catégories actuelles qui couvrentl’aide d’urgence ou le développement. Si lesdistributions semencières d’urgence répétées risquentéventuellement de perturber les systèmes locauxd’approvisionnement en semences, mettre en oeuvredes interventions or ientées davantage vers ledéveloppement doit être envisagé avec la plus grandeprudence. Une évaluation plus efficace, assortie d’uneobservation et d’une évaluation adaptées, constituentle premier pas. Les lignes budgétaires et les mécanismesde livraison nécessaires pour mettre en oeuvre denouvelles approches doivent aussi être mis en place.Ces enjeux sont au cœur de la nouvelle rechercheentreprise en ce moment par l’Overseas DevelopmentInstitute, en collaboration avec les organismes associés.Assurer un appui efficace aux moyens d’existence enmilieu rural dans les situations d’urgence durables n’estcertainement pas une tâche aisée.

Kate Longley est chercheur pour le Programme Diversitédes semences et des récoltes, dans le cadre du GroupePolitique et Environnement en milieu rural à l’ODI :<www.odi. org.uk/rpeg/index.html>. Nous tenons àremercier nos collègues Richard Jones (ICRISAT-Nairobi), Tom Remington (CRS-Afrique orientale), PaulaBramel (ICRISAT-Bulawayo), Anne Itto (Équipe tech-nique d’assistance au développement pour le Sud-Soudan) et Rob Tripp (ODI).

numéro 18 • juillet 2001 11

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

SUn changement bien nécessaireCette évaluation a révélé un mécontentement généralconcernant les prestations de l’assistance humanitaireau Sud-Soudan. Elle a également révélé que l’inter-vention actuelle était en train de réduire les effets réelset potentiels des efforts internationaux et soudanaisvisant à aider les populations à faire face à leursproblèmes. L’évaluation soulignait un certain nombrede carences essentielles dans les interventionshumanitaires au Sud-Soudan :

� un mécontentement devant le status quo ;� un manque de clarté quant au dessein de l’assistance

humanitaire ;� des stratégies contradictoires entre les organisations ;� un mélange mal équilibré d’interventions ;� des compétences insuffisantes au sein des organ-

isations intervenantes ;� des mécanismes inadaptés pour les activités de

promotion et pour la formation au niveau desorganisations et des institutions ;

� des instruments d’aide et des mécanismes definancement inappropriés ;

� la prépondérance d’intérêts personnels et un manquede confiance entre les organismes internationauxd’aide humanitaire et les organisations et commun-autés soudanaises ;

� une compréhension insuffisante du contextepolitique et socio-économique ;

� et un manque de clarté et d’honnêteté dans ladéfinition des rapports entre les acteurs au Sud-Soudan.

Pour surmonter ces carences, des changements sontnécessaires tant au niveau institutionnel qu’opérationnel.Il faut notament :

� mettre au point une réponse stratégique aux besoinsdes communautés soudanaises ;

� fixer des objectifs clairs pour l’assistance humanitaire,fondés sur une analyse plus approfondie des besoinset du contexte au sein duquel l’assistance est assurée ;

� forger des liens stratégiques entre les acteurs clefs etdévelopper des mécanismes de coordination efficaces ;

� améliorer les mécanismes propres à suivre de prèsl’aide humanitaire et à influencer la compositionglobale du programme humanitaire au Sud-Soudan ;

� mettre au point et encourager les meilleures pratiquespour un acheminement efficace des serviceshumanitaires ;

� instaurer de meilleurs mécanismes pour les activitésde promotion et la formation ;

� améliorer les instruments humanitaires grâce à unemeilleure compréhension de la part des donateursde ce que l’on entend par le renforcement descapacités ;

� établir de meilleurs mécanismes de dialogue et uneaptitude commune à résoudre les problèmes parmitoutes les parties prenantes essentielles ;

� développer une analyse exacte, rapide et pertinentedu contexte politique et socioéconomique ;

� et veiller à ce que les rapports entre les partiesprenantes essentielles soient clairement définis.

Qu’entend-on par le renforcement descapacités ?Le renforcement des capacités vise à permettre auxindividus, aux groupes, aux organisations et aux systèmesde mieux réagir face aux contraintes et aux circonstancesqui les affectent. C’est une question de politique car ils’agit de personnes et d’autosuffisance. Parallèlement, lerenforcement des capacités peut être utilisé (et devraitl’être) comme moyen d’améliorer l’acheminementd’une assistance humanitaire efficace grâce audéveloppement des capacités locales. Étant donné lecontexte politique de la crise au Sud-Soudan, il demeurenécessaire de disposer de mécanismes supplémentairespour sauvegarder les principes humanitaires. Et, parconséquent, il se peut que le renforcement des capacitésne soit pas toujours le seul moyen d’engagement auSud-Soudan. Par suite, des intérêts humanitairesspécifiques coexisteront avec les approches de renforce-ment des capacités et les compléteront.

Le renforcement des capacités et le processus dechangementL’évaluation et l’atelier consultatif ont tous deux révéléque la majorité des parties prenantes estiment que lerenforcement des capacités est un moyen essentiel etefficace d’engagement avec les ONG soudanaises et lesailes humanitaires des mouvements rebelles. Ils ontégalement souligné qu’il était nécessaire de poursuivreles travaux pour faire du renforcement des capacitésune composante intégrale de l’intervention humanitaireet que, pour atteindre ses possibilités de renforcementdes capacités, le processus de changement devaitconsidérer d’autres moyens complémentaires susceptiblesd’améliorer l’ensemble des interventions humanitairesau Sud-Soudan. Parmi ces moyens figurent un bilan dela vulnérabilité, des approches relatives à l’économiealimentaire et des cadres permettant de comprendre lesintérêts en milieu rural. Ces questions ont déjà fait l’objetde débats, mais la situation n’a guère progressé. Cet échecprovient de l’absence de structures d’exécution adaptées,d’un manque d’engagement, d’un manque de soutienpolitique (perçu comme tel) de la part des ailes

Membres du groupe de travail

ACORDAssociation Aide d’urgence et Réhabilitation de Fashoda(FRRA)Association soudanaise d’aide d’urgence et deréhabilitation (SRRA)Association d’aide d’urgence pour le Sud-Soudan (RASS)Association œcuménique des Églises du Soudan (CEAS)Barh El Ghazal Youth Development Association (BYDA)ConcernInternational Rescue Committee (IRC)MEDAIRNouveau Conseil des Églises du Soudan (NSCC)Oxfam GBSkills for Southern SudanSudan Production and Agriculture in Development(SUPRAID)Unité de coordination de l’UNICEF–OLS

12HUMANITAIREéchange

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

Shumanitaires des mouvements rebelles et des boule-versements opérationnels suscités par le Mémorandumd’accord de mars 2000 de la SRRA.

L’instauration de cadresPour guider les changements d’orientation et améliorerles pratiques, il nous faut un cadre afin de structurer leprocessus de renforcement des capacités et de le rendresystématique. En outre, il faut que ce processus soitprogressif, donnant aux acteurs suffisamment de tempspour s’adapter au changement. L’évaluation du renforce-ment des capacités a proposé deux cadres : l’un institu-tionnel et l’autre opérationnel.

Comme première mesure, le cadre institutionnel auravocation à élaborer une vision commune, une mêmedéfinition de mission et des objectifs stratégiquescommuns parmi les parties prenantes. L’intention estde guider l’intervention humanitaire à tous les niveaux.En second lieu, il analysera les points forts et les carencesdes interventions humanitaires actuelles et conviendrades priorités en matière de changement. En troisièmelieu, il s’efforcera de trouver une solution à ces carenceset instaurera des mécanismes pour mettre en oeuvre etréaliser les objectifs stratégiques.

Le cadre opérationnel est un instrument pratique dontles organisations soudanaises et internationales peuventse servir afin d’améliorer la conception des interventionshumanitaires. Ce cadre opérationnel vise à générer desrecommandations pratiques pertinentes à toutes lesparties prenantes, permettant l’application efficace desapproches de renforcement des capacités. Il présenteune série de mesures propres à guider les stratégiesd’intervention ainsi que des principes pour définir lesrelations et objectifs professionnels, par exemple.

Ces objectifs et ces cadres ne sont pas destinés à rivaliseravec d’autres visées organisationnelles au Sud-Soudan.Mais plutôt ils sont considérés comme étant un moyende rapprocher les parties prenantes, de permettre uneévaluation des points forts et des carences des

interventions humanitaires et d’instaurer un processusde changement. L’atelier consultatif a recommandé unemise à l’essai pratique de ce cadre.

Le débat sur l’engagement politiqueLes tentatives visant à embaucher des groupes armésdans le Sud-Soudan sont considérées par certains commeen contradiction totale avec le principe humanitaire deneutralité et comme une intrusion inexcusable dans lesaffaires politiques. Cependant, l’évaluation estimait quece point de vue ne tenait pas compte de la nécessitéd’aborder les problèmes de la population en général. Ilpourrait s’avérer peu judicieux que les organismes d’aidehumanitaire participent à l’élaboration de politiques età d’autres enjeux ayant trait à l’administration locale. Iln’empêche, toute tentative d’importance visant àrenforcer les capacités risque de ne pouvoir êtrepoursuivie de manière efficace que si l’on y fait participerles ailes humanitaires des groupes rebelles de même qued’autres intervenants soudanais, tels que la société civileet les groupes religieux, les organisations commun-autaires et les structures émergentes de l’autorité civile.

ConclusionSi d’autres initiatives demeurent utiles, le renforcementdes capacités offre davantage de possibilités aux habitants,aux communautés, aux organisations et aux institutionsdu Soudan de participer à l’identification et à la gestiondes vulnérabilités liées aux catastrophes et au conflit. Ila été demandé au Groupe de travail Renforcement descapacités de continuer cette évaluation au cours des sixprochains mois, en mettant en place des termes deréférence et une politique d’adhésion. Il faut évaluer leniveau d’intérêt et se mettre d’accord sur la gestion duprocessus.

RemerciementsLe Groupe de travail Renforcement des capacitésremercie les consultants Paul Murphy et Dr. Peter Aduokde leur aide pour la coordination de l’évaluation etl’UNICEF–OLS, Oxfam GB, l’IRC, MEDAIR et ACORDqui en assurent le financement et la gestion.

Références« Humanitarisme : impératifs et principes au Sud-Soudan » Bulletin du RRN N° 16, mars 2000

Mark Bradbury, Nicholas Leader et Kate Mackintosh, The ‘Agreement on Ground Rules’ in South Sudan, [L’accord sur lesrègles de base au Sud-Soudan, Rapport n° 4 du HPG (Londres : Humanitarian Policy Group, 2000)

Ian Levine, Promouvoir les principes humanitaires : l’expérience du Sud du Soudan, Dossier thématique N° 21 du RRN(Londres : RRN, 1997)

A. Karim et al., Operation Lifeline Sudan: A Review [Bilan de l’opération survie au Soudan] (Birmingham: Université deBirmingham et Département des Affaires humanitaires, Genève, 1996)

Alex de Waal, Famine Crimes: Politics and the Disaster Relief Industry in Africa [Les crimes de famine : la politique etl’industrie de l’aide d’urgence en Afrique] (Oxford: James Currey, 1997)

David Keen, The Benefits of Famine: A Political Economy of Famine and Relief in Southwestern Sudan, 1983–89 [Lesbénéfices de la famine : économie politique de la famine et de l’aide d’urgence dans le sud-ouest du Soudan, (Princeton,NJ: Princeton University Press, 1994)

Mise à jour sur le Soudan : Sudan Update <www.sudanupdate.org>

numéro 18 • juillet 2001 13

L’

AI

DE

D

AN

S

LE

S

CR

IS

ES

P

RO

LO

NG

ÉE

SRésumé

‘Developmental Relief’: Policy and Institutional Changes[“L’aide d’urgence au développement” : changements de fond et au niveau des

institutions]

par Margaret Buchanan-Smith, Coordinatrice, Humanitarian Policy Group (HPG)HPG Report 11 (à paraître)

L’aide humanitaire a, par convention, été conçue pour des interventions de secours à court terme aux sinistrés,assorties d’une stratégie de sortie clairement définie. Et pourtant, l’une des caractéristiques communes de biendes urgences actuelles liées au conflit est leur caractère durable, exigeant une aide humanitaire année aprèsannée. Et, dans un certain nombre de ces situations, il n’y a pas d’autorité étatique ou d’autorité légitime, ce quiprésente un défi supplémentaire à l’architecture conventionnelle de l’aide. Lorsqu’il n’y a pas d’État officiel,une aide au développement n’est pas habituellement possible en raison de la conditionnalité économique etpolitique. Il incombe alors à l’aide humanitaire de combler la « zone floue », ce qui exige de nouvelles formesde partenariat et des façons plus novatrices de se servir des instruments humanitaires en vigueur.

L’ODI, en collaboration avec Ian Christoplos de l’Université d’Uppsala, a effectué une recherche sur la façondont trois organismes donateurs, à savoir le Département de Développement international (DFID) du RU,l’Agence suédoise de coopération au développement international (SIDA) et la Commission européenne (CE)ont adapté leurs politiques et leurs dispositions institutionnelles afin de relever ces défis, en explorant comment,le cas échéant, les secteurs traditionnellement compartimentalisés de l’aide d’urgence et du développementont été adaptés et liés l’un à l’autre.

Ces organismes ont tous trois pris des mesures importantes au cours des cinq à six dernières années. Le DFIDa modifié ses dispositions institutionnelles, de sorte que la plupart des programmes d’urgence sont à présentgérés à partir des départements géographiques qui sont principalement chargés des programmes dedéveloppement, et seuls quelques-uns sont à présent organisés par la Division conflit et aide humanitaire. LaSIDA a introduit le nouveau concept exploratoire d’assistance humanitaire au développement. Quant à la CE,elle a émis une Communication (en cours d’actualisation) sur « Lier l’aide d’urgence, la réhabilitation et ledéveloppement » ainsi que d’autres initiatives pour adapter et modifier certains de ses instruments d’aidehumanitaire.

En règle générale, les objectifs de l’aide humanitaire ont été élargis pour incorporer des aspects de la réhabilitationà court terme et la reconstruction des moyens d’existence. Mais c’est seulement au sein de la CE que l’aide à laréhabilitation a été développée en tant qu’instrument nouveau et distinct, conçu spécialement pour combler levide lorsque l’aide humanitaire à court terme est retirée. Cependant, il semblerait que les pleines possibilités del’aide à la réhabilitation n’aient pas été atteintes. Des obstacles bureaucratiques et un manque de clarté dans laconception du rôle que celle-ci pourrait assumer ont limité son efficacité.

L’autre stratégie élaborée pour réagir face aux situations d’urgence durables dues à un conflit est de lier l’aidehumanitaire à la réduction du conflit. Mais ceci aussi présente des inconvénients car les objectifs politiquespeuvent se confondre avec les objectifs humanitaires et parfois même être en contradiction directe avec ceux-ci. Un aspect plus positif de cet intérêt grandissant pour la réduction des conflits est l’effort déployé pourrenforcer l’analyse politique en vue d’étayer et d’informer les décisions concernant la programmation de l’actionhumanitaire.

La majorité des manœuvres effectuées à ce jour ont eu lieu au sein de l’architecture existante de l’aide. Lemodèle linéaire aide d’urgence-développement, bien que mis en doute d’un point de vue conceptuel, continueimplicitement à étayer maintes procédures de programmation et maintes décisions. L’idée d’interventions àcourt terme et d’une amélioration rapide et précoce de la situation ont encore tendance à dominer. C’est peut-être la raison pour laquelle le pragmatisme prévaut souvent dans les décisions de programmation et d’exécution,à défaut d’orientations nouvelles et novatrices. Ceci peut réussir, jusqu’à un certain point si l’on peut expérimenter.Mais ceci, à son tour, doit être introduit dans les processus décisionnels et les guider, ce qui exige le suivi et lasaisie des meilleures pratiques.

‘Developmental Relief’: Policy and Institutional Changes [“L’aide d’urgence au développement” : changementsde fond et au niveau des institutions] sera publié vers la fin de l’année en anglais. Pour de plus amplesrenseignements sur le Humanitarian Policy Group et pour obtenir une liste des publications récentes, consulter<www.odi.org.uk/hpg>, ou adresser un courrier électronique à <[email protected]>.

14HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

ENOTES DE PRATIQUE

Dans les guerres civiles et ethniques d’aujourd’hui, leconcept simple et fondamental d’action humanitaire etde solidarité humaine a été compromis par le manquede respect politique pour l’action humanitaire et lemanque de discipline et de contrôle militaires aboutissantà un mauvais usage de l’aide, au détournement de l’aideà des fins militaires et à la manipulation politique del’action humanitaire par des puissances extérieures. Ungrand nombre de ces facteurs sont présents enTchétchénie. La population tchétchène a été confrontéeà l’une des attaques les plus totales et les plus dévastatricesde l’histoire récente. Les villes et les villages ont étérasés. Les habitants ont été forcés de s’enfuir versl’Ingouchie voisine ou se sont trouvés déplacés àl’intérieur de la Tchétchénie même. La société civiletchétchène et les organisations sociales et institution-nelles se sont effondrées.

La trajectoire du conflitL’échec de l’action humanitaire en Tchétchénie est ancrédans les conditions du conflit interne qui se caractérisepar une cruauté, une souffrance et une indignitéextrêmes. Pour la Russie, l’erreur a été de faire la guerrecontre le pays tout entier et contre ses habitants, ce quia engendré le mépris et augmenté l’opposition enversl’autorité russe. Face à une suprématie militaire russeécrasante, les Tchétchènes ont recouru à la guerrilla,fragmentant les lignes de contrôle et l’organisationpolitique et sociale. Le conflit a aussi attiré d’autrescombattants - islamistes, anti-russes ou anti-Occident -ce qui a diversifié les motifs et les objectifs del’insurrection et fracturé encore davantage les structuresde contrôle politique et de commandement. Finale-ment, les deux camps sont devenus de plus en plustributaires des réseaux criminels et des command-antslocaux qui n’ont pour loyauté que le profit personnelet le pouvoir. Dans un tel climat, les Russes ne peuventremporter la victoire et les Tchétchènes non plus.

En attendant, les villes tchétchènes ont été rasées. LaRussie a même suggéré de déplacer la capitale Grozny,ville totalement ravagée, car il n’y a aucun espoir de lareconstruire. Les populations sont traumatisées et leshistoires de frayeur et de persécution dépassent tout ceque l’on peut imaginer. Tous les Tchétchènes sont descibles potentielles – ils sont harcelés aux postes decontrôle, arrêtés et troqués contre de l’argent en espècesou lors d’échanges de prisonniers. Il n’y a pas de travail,

Le calvaire de la Tchétchénie – et l’échec del’humanitarisme ?

L’enlèvement de Kenny Gluck, employé de Médecins sans Frontières, en Tchétchénie enjanvier–février a une fois de plus souligné les risques auxquels sont confrontés les agents desorganismes humanitaires dans les zones de conflit. Mais plus encore, selon Austen Davis, laTchétchénie nous met face à face à l’échec quasi–total de l’action humanitaire

ni aucun endroit où éduquer et élever les enfants, aucunespoir et aucune dignité. Il n’y a guère de véritablesoutien pour les Russes, mais les gens ordinaires ontégalement peur de certains de « leurs » combattants quisont des criminels ou des extrêmistes. L’on croit en uneTchétchénie libre et juste mais, tandis que beaucoupsoutiennent la cause nationaliste tchétchène, la légitimitépolitique de certains chefs de file rebelles est mise àl’épreuve par la capacité d’autres à avoir accès à des fondsétrangers et à un matériel de guerre. Dans cette guerre,c’est le plus fort mais pas forcément le plus légitime,qui gagne.

La crise de l’humanitarisme en TchétchénieDans un conflit si fracturé et si multipolaire, uncomportement cohérent et respectueux envers lesacteurs humanitaires est pratiquement impossible. Nouspouvons fournir des moyens de secours : au pire, lesvivres et les médicaments pourraient être descendus enparachute. En attendant, les médecins et infirmièrestchétchènes, dont beaucoup n’ont pas été payés depuiscinq ans, continuent à traiter les blessés et les maladesde tous les camps – et risquent régulièrement d’êtrepersécutés pour cette raison.

Les autorités russes ne comprennent pas les ONG. Ellesacceptent la logique des Nations unies – mais elles necommencent que maintenant à comprendre que ce sontles ONG qui exécutent la plupart des programmes del’ONU. D’autre part, les chefs de file rebelles admettentouvertement qu’ils n’exercent pas un contrôle total surtoutes les forces anti-russes. Une proportion de cetterésistance est anti-occidentale ou tout simplementcriminelle ou, au mieux, elle ne prétend pas apprécierle concept profane et libéral de l’assistance humanitaire.Finalement, la « communauté internationale » tantvantée – s’il en est qu’une telle chose existe – se souciedavantage de ne pas éveiller l’hostilité de la Russie quede faire respecter des normes internationales d’actionhumanitaire ou encore le droit international humanitaire.La Tchétchénie est, en fait, un conflit oublié. Lesinquiétudes relatives aux armes nucléaires russes, auxdébouchés commerciaux, à l’énergie d’Asie centrale ouà un Islam militant l’emportent tout simplement sur lesprincipes humanitaires. Lorsque les ONG occidentalesparlent de ce qu’elles ont vu en Tchétchénie, elles sontconfrontées à des platitudes et à la langue de boispolitique.

numéro 18 • juillet 2001 15

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

EEn partie suite à l’enlèvement de Kenny Gluck, unbénévole de MSF, l’ONU a été persuadée de circuleren Tchétchénie uniquement accompagnée de convoisarmés russes. Ceci signifie que le commandementmilitaire russe de Tchétchénie détermine où et quandles pourvoyeurs d’aide se déplacent et vers qui ilsacheminent leur assistance. Pratiquement tous les organesdes Nations unies et toutes les ONG acceptentsimplement ces nouvelles conditions, soutenant que lalivraison d’une assistance matérielle est le minimum quenous devons nous efforcer de faire. Mais, selon les motsde Kenny lui-même, « nous essayons d’en faire un peuplus ». Nous ne pouvons pas apporter une assistancehumaine et compatissante sous les canons de l’une desparties à la guerre. Nous ne pouvons pas apporter uneassistance uniquement à ceux que nous sommes autorisésà voir dans les régions où les Russes n’ont pas peur defouler le sol. Nous nous tenons d’apporter une assistanceà ceux qui en ont le plus besoin, où qu’ils vivent et quelque soit le chef militaire qui exerce une autorité sureux. En outre, nous devons apporter notre soutien auxefforts des médecins, infirmières et dirigeants de la so-ciété civile en Tchétchénie, qui luttent pour soigner etguérir – et nous devons traiter ces populations en tantqu’êtres humains. Nous devons être capables de toucher,comme moyen de guérison, de même que d’exprimerde la compassion. Nous devons pouvoir voyagerlibrement, afin de savoir ce qui se passe – et ne passeulement voir ce que l’on veut bien nous laisser voir.

L’enlèvement de Kenny, à l’instar du meurtre de sixemployés du CICR en 1996, présente un dilemme dupoint de vue de l’organisation. Les populationstchétchènes et le personnel national de MSF, ainsi quenos collègues du monde médical, ne comprennent paspour quelle raison les organisations étrangères quittentsi rapidement le pays après un enlèvement. Après tout,nous épousons des valeurs universalistes qui disent quetous les êtres humains sont précieux – or, de nombreuxmilliers ne sont-ils pas en train de souffrir et de mouriren Tchétchénie ? Pourquoi la vie ou l’enlèvement d’unou de deux employés d’organ-ismes humanitairesdevrait-il entraver une action aussi importante etsalvatrice d’autres vies ? Mais un enlèvement de cet ordreblesse l’organisation et la rend réticente à prendre desrisques. S’il est vrai qu’une organisation et ses directeursrisquent de n’avoir que peu de pouvoir pour résoudreles cas d’enlèvement, il n’en reste pas moins qu’ils sesentent profondément responsables. En même temps,un tel enlèvement rend évident le manque de respectenvers la présence humanitaire de l’organisation visée.Quoique l’enlèvement de Kenny se soit bien résolu,ceci ne saurait signifier que nous avons la même libertéd’offrir une assistance que celle dont nous jouissionsavant cet incident. Il existe des conditions de base pourgarantir le succès des actions humanitaires : un accèsdirect sans obstacle aux populations dans le besoin et lepassage sans entrave de nos employés sont indispensables.

Réaffirmer l’humanitarismeL’action humanitaire est inspirée par le dégoût queressentent les citoyens ordinaires devant des souffrancesinutiles, notamment lorsque cette souffrance est la faute

directe et délibérée d’autres êtres humains, comme celaest le cas dans une guerre. L’abandon de normes derespect constitue une attaque majeure contre notrehumanité commune. Les lois de la guerre dictent queles acteurs neutres, indépendants et impartiaux se voientaccorder la liberté de passage pour aider les êtres humainsqui souffrent et qui sont en train de mourir enconséquence de la crise et de la guerre. Ceci exige uneaction responsable de la part des groupes qui jouent unrôle actif dans la guerre. Il est clair qu’un ordre du jourhumanitaire peut par moment se trouver en contra-diction avec une stratégie militaire et que la présencede groupes humanitaires peut être une contrainte sur ledéroulement de la guerre ; elle pourrait mêmecontribuer au conflit. Permettre aux acteurs de l’human-itaire une liberté de mouvement et d’action exige parconséquent une maturité politique considérable et unecompréhension de son importance – de même qu’unediscipline et un contrôle politiques et militairesconsidérables.

Ceci ne constitue pas un manifeste pour un camp oul’autre du conflit ; en Tchétchénie, tous les côtés rendentune action humanitaire impossible. D’aucuns diraientque la nature du conflit rend ce phénomène inéluctable– mais ceci ne diminue en rien le fait qu’il est importantde continuer à réclamer l’espace au sein duquelentreprendre une action humanitaire. Nous devonsréaffirmer les droits et la raison d’être de l’action

RéférencesLe rapport de MSF intitulé Chechnya: The Politics of Terror[La Tchétchénie : la politique de la terreur], novembre 2000,est disponible à <www.msf.org/projets/europe/russia/chechnya/reports/2000/11/chech-rep/index.htm>

Anatol Lieven, Chechnya: Tombstone of Russian Power [LaTchétchénie : pierre tombale du pouvoir russe] (New Haven,CT : Yale University Press, 1998)

Carlotta Gall et Thomas De Waal, Chechnya: Calamity inthe Caucasus [La Tchétchénie : une calamité dans leCaucase] (New York : New York University Press, 2000)

Greg Hansen, Humanitarian Action in the Caucasus : AGuide for Practitioners [L’action humanitaire dans leCaucase : guide à l’intention des praticiens] (Providence,RI : Watson Institute, 1998). Également publié en russe

Human Rights Watch <www.hrw.org/campaigns/russia/chechnya>

Amnesty International <www.web.amnesty.org/web/ar2000web.nsf/europe>

The Forum on Early Warning and Early Response<www.fewer.org/caucasus>

The Humanitarianism and War Project, <www.brown.edu/Departments/Watson_Institute/H_W/Chechnya.shtml>

The Institute for War and Peace Reporting <www.iwpr.net>

16HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

La guerrilla implique fréquemment le transfertinvolontaire de la population locale, que ce soit par lesforces de guerrilla elles-mêmes ou en tant que tactiquede contre-insurrection. Parmi ces exemples on peut citerla guerre algérienne d’indépendance dans les années1950, la guerre du Vietnam et, plus récemment, lesconflits au Burundi, dans l’ex-Yougoslavie et en SierraLeone. Le droit international humanitaire, le droit de laguerre et, dans une moindre mesure, le droit relatif auxdroits de l’homme interdisent tous les transferts forcésde population en tant que moyen de guerre. Mais lesnormes juridiques pertinentes sont loin d’être parfaitesen raison de la distinction confuse qui plane entre« déportation » et « évacuation ». Il n’existe pas de sourcede droit international qui établisse une distinction claireet nette entre les deux, en dépit du fait que la déportationest un crime, alors que l’évacuation est une formelégitime d’action humanitaire.

Ceci aboutit à deux problèmes liés l’un à l’autre. Toutd’abord, une autorité qui procède à la déportation peutêtre tentée de dissimuler les aspects criminels de sesactions en présentant la déportation comme étant uneévacuation. Une fois qu’une telle mesure politique estmise en place, il est difficile de réfuter sa légalité étantdonné les normes jur idiques vagues et mêmecontradictoires en jeu. Ensuite, une organisationhumanitaire ou une force de maintien de la paix peutse trouver confrontée à des transferts forcés depopulation, comme dans le cas de la purificationethnique, par exemple. Si l’organisation humanitaire oula force de maintien de la paix aide les habitants à serendre dans un endroit sûr, elle court le risque d’êtreaccusée de complicité relativement à la déportation.Comme le dit le Haut Commissaire (sortant) pour lesRéfugiés, Sadako Ogata : « Dans le contexte d’un conflitqui a comme objectif même le déplacement despopulations nous nous trouvons confrontés à undilemme majeur. Dans quelle mesure devons-nouspersuader les populations à demeurer là où elles sont,alors même que cela pourrait bien mettre en péril leurvie et leurs libertés ? En revanche, si nous les aidons àpartir, ne devenons-nous pas alors complice de « lapurification ethnique » ? ».1

Voir à travers le brouillard : la distinction entreévacuation et déportationTed A. van Baarda démêle la confusion juridique qui entoure les mots « évacuation » et« déportation »

Les origines de cette confusion entre l’évacuation et ladéportation se trouvent dans plusieurs documentsinternationaux. Conformément aux deux premiersparagraphes de l’article 49 de la Quatrième Conventionde Genève (1949) :

Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les

déportations de personnes protégées hors du territoire occupé

dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout

autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif.Toutefois, la Puissance occupante pourra procéder à l’évacuation

totale ou partielle d’une région occupée déterminée, si la sécurité

de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent. Les

évacuations ne pourront entraîner le déplacement de personnes

protégées qu’à l’intérieur du territoire occupé, sauf en cas

d’impossibilité matérielle. La population ainsi évacuée sera

ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur

auront pris fin.

Au premier coup d’œil, la conclusion à tirer de l’Article49 est simple : pour être licite, un transfert de populationdoit soit être exécuté avec la coopération librementconsentie des évacués soit, s’il s’effectue sans cettecoopération, il doit y avoir des raisons indiscutables desécurité ou d’impérieuses raisons militaires. Le premierde ces critères n’est pas un problème. L’évacuation estun important instrument de protection humanitaire. Aucœur de la pratique de l’action humanitaire est le bien-être des victimes de conflit et il semble qu’il n’y aitaucun doute que l’évacuation est un acte légitime dansla mesure toutefois où certaines normes sont respectées.

Le second critère – les impérieuses raisons militaires ou« nécessité militaire » – pose davantage problème. Leterme de « nécessité militaire » renvoie à la nécessitépour les parties au conflit de remporter la victoire. Ceciétant, l’Article 49, du moins sur ce point, codifie un

humanitaire : le droit de circuler librement, d’évaluerles besoins, d’acheminer une assistance et de surveillerles effets de notre assistance sans harcèlement. L’assistanceque nous pouvons offrir reflète à coup sûr uneinquiétude et une responsabilisation par rapport audéroulement de la guerre. Sans responsabilisation, deplus en plus de guerres se dérouleront comme celle qui

sévit en Tchétchénie. Or ceci est inadmissible. Lesexpatriés de MSF sont hors de danger, mais MSF essuieun échec en n’étant pas présent en Tchétchénie et enne travaillant pas avec le personnel médical local à unmoment où ceci est le plus indispensable.

Austen Davis est Directeur général de MSF-Holland.

1 Sadako Ogata, cité dans Larry Minear et al., HumanitarianAction in the Former Yugoslavia : The UN’s Role 1991-1993 [L’action humanitaire dans l’ex-Yougoslavie : le rôlede l’ONU, 1991–1993], Occasional Paper 18, Humani-tarism and War Project.

numéro 18 • juillet 2001 17

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Eraisonnement en cercle : un transfert forcé de lapopulation est interdit quel qu’en soit le motif sauf si cemotif est la nécessité de soumettre l’ennemi. Alors quele paragraphe 1 tente d’interdire explicitement lestransferts involontaires de population pour des raisonsayant trait au conflit, le paragraphe 2 autorise ces transfertspour d’impérieuses raisons militaires.

La confusion ne se limite pas à cette seule disposition.L’article 17 du second Protocole additionnel auxConventions de Genève (1977), qui interdit le mouve-ment forcé de la population civile, déclare :

Le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné

pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité

des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l’exigent.

Cette disposition est encore plus embrouillée que laprécédente – et pour plus d’une raison. Si la premièremoitié de la phrase provient du paragraphe 1 de l’article49, la seconde moitié provient du paragraphe 2 et, parconséquent, fait implicitement s’effondrer la distinctionfondamentale entre évacuation et déportation. En outre,l’article 17 évite d’employer les mots « évacuation » et« déportation » – termes qui auraient pu alerter le lecteursur le fait que deux concepts différents sont utilisés dansla même phrase.

Bien que la déportation ait été interdite par la Charte duTribunal militaire international de Nuremberg, lestribunaux internationaux (dont celui de Nuremberg) ontutilisé les mots « évacuation » et « déportation » de façoninterchangeable, comme s’ils étaient synonymes. L’un desexemples les plus récents de ce phénomène se reflètedans les actes d’accusation introduits à l’encontre deRatko Mladic et Radovan Karadzic devant le Tribunalpénal international pour l’ex-Yougoslavie en juillet 1995.L’acte d’accusation indique : ‘Ces déportations n’ont pasété menées en tant qu’évacuations pour des raisons desécurité, de nécessité militaire ou à toute autre fin licite ».En novembre suivant, dans l’acte d’accusation introduità l’encontre des mêmes suspects concernant leursagissements contre la population de Srebrenica, leProcureur a parlé dans ses écrits du « processus d’évacuationdes réfugiés musulmans bosniaques ». L’acte d’accusationà l’encontre de Radislav Krstic en octobre 1998 utiliseles concepts d’évacuation et de déportation de façoninterchangeable.

Pour aggraver encore les choses, l’article 147 de laQuatrième Convention de Genève définit comme une« infraction grave » à la Convention « la déportation oule transfert illégaux » de la population. Utilisant l’adjectif« illégaux » comme base, il a été avancé que l’interdictionde déportation établit en réalité une distinction entre lesdéportations légales et les déportations illégales – déclarantillégales les déportations du type vu pendant l’Holocauste,mais permettant et même autorisant les déportationsexécutées par les autorités militaires d’occ-upation pourassurer le maintien de l’ordre public. Ce raisonnement aété fait spécialement pour défendre la pratique desautorités militaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Une solution ?En ce qui concerne les organisations humanitaires, ledilemme décrit par Ogata continue à soulever lespassions et demeure en grande partie non résolu.Cependant, le cas de Banja Luka en 1993–94 offre unesolution intéressante. Avant la guerre civile enYougoslavie, Banja Luka était la seconde ville de Bosnie-Herzégovine, avec une population non serbe majoritaire.À l’éclatement de la guerre, la population non serbe aété contrainte, au moyen d’une violence sournoise etdans le contexte de la purification ethnique, à quitter laville ou à y demeurer à ses risques et péril. Confrontésà la question d’aider ou non des non serbes à quitter laville, le HCR et le CICR se sont tout d’abord montrésréticents à offrir des moyens de transport par crainted’être accusés de complicité. Cependant, alors que laviolence s’intensifiait, ces organismes ont tous deuxmodéré leurs politiques et rédigé les critères suivants :

« Pour une évacuation hors de Bosnie :• les personnes dont la vie était en danger ;• les prisonniers civils ;• les blessés ;• les cas de regroupement familial ;• les personnes qui avaient fui les combats et qui se

trouvaient en territoire ennemi. »

« Pour une évacuation à l’intérieur de la Bosnie :• les prisonniers civils ;• les personnes soumises aux travaux forcés ;• les cas de regroupement familial ;• les civils qui ont fui les combats. »

Références

Le site Internet du Comité international de la Croix-Rougefournit une liste complète sur les Conventions de Genèvede 1949 et les Protocoles de 1977, y compris un aperçudes articles, des versions intégrales et des commentaires ;voir <www.icrc.org/eng/party_gc>

The International Journal of Refugee Law, The Journal ofRefugee Studies et Refugee Studies Quarterly, tous publiéspar OUP <www3.oup. co.uk>

Forced Migration Review, Centre d’études sur les réfugiés,Université d’Oxford <www.fmreview.org>

Université du Michigan, Faculté de droit, Refugee CaselawSite <www.refugeecaselaw.org>

The UNHCR Handbook on Procedures and Criteria forDetermining Refugee Status [Manuel du HCR sur lesprocédures et critères pour déterminer le statut du réfugié]<www.unhcr.ch/refworld/legal/handbook/handeng/hbtoc.htm>

La Convention de Dublin de la CE sur la politique d’asileau sein de l’Union européenne <europa.eu.int/scadplus/leg/en/lvb/l33048.htm>

18HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

Les systèmes d’information qui s’adressent à lacommunauté humanitaire ou d’assistance internationaleont considérablement mûri depuis les événementsinnovateurs tels que le colloque d’octobre 1997 duDépartement des Affaires humanitaires de l’ONU surle Rôle de l’information dans la coordinationhumanitaire ou même les tentatives antérieures visant àexploiter les nouvelles technologies comme le Comitéadministratif des Nations unies sur la coordination dusystème d’information de la nutrition des réfugiés enseptembre 1993. AlertNet de Reuters, ReliefWeb etIRINNews du Bureau de coordination des affaireshumanitaires des Nations unies (BCAH), CrisisWeb del’International Crisis Group et une multitude d’autressites, dont celui du HPN, fournissent tous une sourceriche de bulletins d’actualité, d’analyses et d’observations.Selon les estimations, les sites ayant trait à l’aidereprésenteraient 20 millions de dollars des États-Unisen fonds privés ou provenant de donateurs ; le nombredes utilisateurs se chiffrerait en dizaines de millions.

Les efforts sur le terrainIl n’empêche, le personnel humanitaire soutient quecette explosion de sources d’information centraliséesau niveau mondial n’a pas apporté des avantagesanalogues aux opérations des organisations sur le terrain.Jane Barry, consultante d’une ONG indépendante, a vul’ONU et d’autres instances mettre en place denombreux projets d’information de cet ordre au niveaud’un pays donné, mais n’a été témoin que d’un pluspetit nombre de succès durables. Elle-même et d’autresemployés de l’humanitaire déclarent que les organisationsopérationnelles utilisent régulièrement le courrier

Les systèmes d’information dans les situationsd’urgence humanitaires

Peu contestent que l’Internet a encouragé une croissance explosive tant dans la quantité quedans l’éventail d’information à la disposition des praticiens de l’humanitaire. Et pourquoidonc, demande Robin Schofield, le personnel humanitaire déclare-t-il que les systèmesd’information de terrain ne lui donnent pas ce qu’il en escomptait ? Et que faudrait-il fairepour les rendre plus efficaces ?

L’un des critères fondamentaux est le consentementfondé. Ce critère – défini pour la première fois par untribunal militaire à la suite de la Seconde Guerremondiale – est bien connu dans le contexte de l’éthiquemédicale et suggère que l’organisation humanitaire quigère l’évacuation discute des avantages, inconvénientset risques que présente l’évacuation envisagée avec desreprésentants des futurs évacués. Grâce au respect de ceprincipe, le droit à l’auto-détermination des individusconcernés est rétabli, même s’il est limité, les aidantainsi à maintenir au moins un minimum de dignité. Ladécision définitive d’être ou non transféré revient alorsà l’individu concerné – et non au seigneur de la guerrepoursuivant une politique de purification ethnique. Enrésumé, il y a une lacune dans la législation et cette

lacune est une source d’inquiétude pour les victimes dela guerre, pour les organisations humanitaires et pourles forces de maintien de la paix. Un nombre limité decritères et de points de référence ont été rédigés en vued’accorder aux organisations humanitaires un degré decertitude morale et juridique qui, tout en étant utile, abesoin d’être approfondi.

Ted A. van Baarda est directeur du Humanitarian LawConsultancy, à La Haye, et chargé de conférences sur ledroit humanitaire et l’éthique militaire. Vous pouvez lejoindre à <[email protected]>. Une version plus longuede cet article sera publiée dans la revue hollandaise dedroit Militair Rechtelijk Tijdschrift ; une traduction enanglais est en cours de préparation.

électronique pour envoyer des rapports à leur siège eten recevoir. Mais le personnel humanitaire en Bosnie,en Sierra Leone, au Libéria, dans la corne de l’Afriqueet en Somalie trouve relativement peu utiles les projetsd’information plus sophistiqués conçus pour partageret organiser l’information de façon centralisée.

Pourquoi ? « C’est un cercle vicieux » selon MikeGaouette, responsable des urgences pour Save theChildren UK. « Les organisations n’y accordent guèrede valeur, par conséquent elles n’y contribuent pas et leprojet ne peut donc jamais réellement démarrer. »D’autres agents de l’humanitaire se plaignent que lesprojets sont trop axés sur la technologie. « L’objectifdans son ensemble est de mettre le système en place etnon de le remplir de données et de le faire fonctionner »observe l’un d’entre eux. « On vante les mérites de latechnologie comme étant la solution complète. » Ledirecteur de ReliefWeb à Geneva, Craig Duncan,identifie un problème supplémentaire : « Trop souvent,les systèmes d’information de terrain sont tributairesdu dynamisme et de la créativité d’un individu donné.Après une année ou deux tout au plus, cette personnepart et, soit elle n’est pas remplacée, soit la nouvellepersonne possède des compétences totalementdifférentes. Il a fallu des années pour mettre en place lepartenar iat de ReliefWeb avec les fournisseursd’information. Ce n’est que maintenant que l’engage-ment au niveau de l’organisation produit le genre decontinuité dont ces types de projets ont besoin.

Pour maints professionnels, le Centre d’information dela communauté humanitaire au Kosovo (HCIC) géré

numéro 18 • juillet 2001 19

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Epar le BCAH est l’un des meilleurs projets d’informationde terrain à ce jour (pour en savoir plus sur le HCIC,voir l’article suivant). Selon Paul Currion, anciendirecteur du projet, les organisations ont déclaréesqu’elles trouvaient le système pratique, fiable ettransparent. Les diverses manières d’accéder auxréférences – y compris un centre d’accès libre, des fichesd’information imprimées, le courrier électronique, desCD-ROM interactifs et un site Internet – se sont toutesrévélées populaires pour les utilisateurs du HCIC, tantau Kosovo qu’au siège. Fait révélateur, il n’y a aucunprojet d’arrêter cet effort – un facteur que Pat Banks,coordonnateur général d’IRIN, identifie comme étantune contrainte importante sur des efforts analogues auRwanda. Des hauts fonctionnaires des Nations uniesdisent qu’ils projettent à présent de continuer sur lalancée du succès du HCIC. « Au cours des cinqprochaines années, ces genres de centres d’informationdeviendront une caractéristique familière dans la plupartdes opérations », observe un directeur. « Nous sommesen train de prévoir des centres rég ionaux dedocumentation et d’information pour l’Afrique australeet occidentale, les Balkans et peut-être aussi l’Iraq. »

Selon l’ONU, ces centres régionaux d’informationutiliseront les installations existantes pour ce qui est desbureaux, mais ils ajouteront des compétences techniquesspécifiques puisées auprès des organes donateurs et dusecteur privé. Selon les rumeurs, Ericsson serait en trainde signer un contrat pour appuyer les communicationsdu projet par un équipement et des services deconsultation. D’autres accords avec des sociétés desatellite seraient également en cours, toujours selon lesrumeurs. Mais d’après le personnel humanitaireexperimenté, des changements considérables dans lacommunauté humanitaire plus générale sont aussiindispensables si l’on veut que ces centres d’informationsoient un succès et qu’ils donnent réellement uncaractère officiel à de meilleurs échanges de l’information.

Les systèmes d’information dans le domaine del’aideSelon les modèles théoriques cinq composantesprincipales sont nécessaires au succès des systèmesd’information :

• l’entrée de l’information ;• le traitement de l’information ;• la saisie de l’information ;• l’information en retour ; et• les mécanismes de gestion.

Par contre, les centres d’information de terrain tels qu’ilssont conçus à l’heure actuelle ne contrôlent que letraitement, la saisie et les fonctions de gestion. Si lesprojets d’information de terrain identifient leur missioncomme étant d’améliorer l’acheminement de l’aidehumanitaire vers les bénéficiaires en fournissant demeilleurs services d’information aux agences opéra-tionnelles, les rapports entre les organismes donateurs,les agences d’exécution et les bénéficiaires sontinéluctablement plus complexes. En effet, beaucoupd’employés d’organismes humanitaires soutiennent que

les agences opérationnelles ont déjà mis en place tousles systèmes d’information qu’elles apprécient vraiment :elles savent quels sont les critères de financement dudonateur ; elles analysent les priorités du donateur etrecherchent ce qui correspond le mieux à leurs attentes ;puis elles présentent un rapport au donateur sur la façondont l’argent a été dépensé. Selon Jane Barry, lesorganisations qui travaillent dans les situations d’urgencene considèrent tout simplement pas l’informationcomme étant une priorité : « Ce phénomène est trèsancré dans la culture. Certaines organisations travaillentdepuis des décennies en Sierra Leone et ne possèdenttoujours pas un exemplaire du recensement effectuépar le gouvernement. Tant que les donateurs n’insisterontpas pour que les projets reposent sur des bases plus solides,la situation ne changera en rien même si l’informationest plus accessible par suite de l’amélioration des systèmescentraux. »

Le besoin de changementLes initiatives qui portent sur les systèmes d’informationne développeront pas toutes leurs capacités tant que lesagencecs opérationnelles ne trouveront pas de bonnesraisons d’en apprécier les résultats. « Le meilleur systèmed’information au monde ne fera que peu de choses si lemodèle organisationnel est mauvais », observe unanalyste. « L’information est encore souvent considéréecomme une menace car elle conteste le status quo. Siles organisations ne peuvent pas y voir un avantage etqu’elles savent que les donateurs accepteront les données,pourquoi alors déployer tant d’efforts ? Cela permet detravailler plus rapidement, mais ce n’est pas une bonneprogrammation à long terme ». En fait, l’on s’inquiétequ’une meilleure utilisation des systèmes d’informationrisque de saper encore davantage l’indépendanceopérationnelle des agences en permettant aux donateursd’exercer un contrôle toujours plus grand au quotidiensur leurs activités.

Les centres d’information de terrain centralisés peuventgrandement contribuer à aider les praticiens del’humanitaire qui participent aux secours d’urgencehumanitaires internationaux – mais ils ne peuvent êtrevus dans l’isolement. Les agences opérationnelles doiventà la fois utiliser les centres de manière efficace et seconsidérer elles-mêmes comme des éléments d’unsystème mutuellement dépendant de rapports quiéchoueront si leurs contributions sont inefficaces. Pourque les entrées s’améliorent, les agences opérationnellesont besoin d’intégrer la collecte, la gestion et l’analysede l’information à leurs fonctions de programmationessentielles, plutôt que de considérer ces activités commedes accessoires facultatifs. Parmi les améliorationsimmédiates l’on pourrait mentionner que :

• les systèmes d’information ne se développentvraiment que lorsqu’ils soutiennent un besoinpratique – ne rassemblez pas d’éléments d’informationsimplement pour le plaisir. Par contre, concevez desproduits d’information qui amélioreront lesprogrammes, puis concevez les activités de traitementet de collecte de l’information nécessaires pourproduire ces résultats.

20HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

Suite au retour en masse des réfugiés albanais au Kosovoen juin 1999, le Haut Commissaire des Nations uniespour les réfugiés s’est vu confier la responsabilité duBureau du Représentant spécial adjoint du Secrétairegénéral pour les affaires humanitaires de l’Administrationprovisoire des Nations unies au Kosovo. Le Bureau desNations unies pour la coordination des affaireshumanitaires (BCAH) faisait également partie de ceBureau et, à ce titre, il a commencé à assurer des servicesd’information en vue d’appuyer l’action humanitaire.

L’un de ces services était le Centre d’information de lacommunauté humanitaire (HCIC) qui, opérant à partird’un containeur, a ouvert ses portes en juillet 1999. Dèsla mi-août, le HCIC était officiellement ouvert dans lebâtiment du HCR à Pristina. Parmi ses travaux figuraientl’élaboration d’une liste de points de contact et d’unematrice sectorielle et l’organisation de briefingsquotidiens pour la communauté de l’aide humanitaire.Outre l’espace de bureau, le HCR est convenu d’assurerun soutien administratif pour ce Centre. Un appui a

Les enseignements du Kosovo : bilan de la premièreannée du Centre d’information de la communautéhumanitaire (HCIC)

Paul Currion expose brièvement les enseignements essentiels tirés de la première année duHCIC

• Les systèmes d’information opérants demandentbeaucoup de temps, d’efforts et d’engagement auniveau de l’organisation pour se développer – affectez-y des ressources et un personnel suffisants pouratteindre des objectifs réalistes. N’essayez pas de fairesortir un système utile des fonds de caisse d’un budgetréservé à l’administration.

• Les systèmes d’information ne peuvent réussir s’ilssont isolés des départements qui conçoivent lesprogrammes.

• La technologie peut être une gêne plutôt qu’uneaide si le personnel ne peut pas facilement opérer lessystèmes d’information – évaluez de façon réalistequel est au sein de votre organisation le « dénomin-ateur commun en matière de technologie » et partezde ce niveau-là. Il serait peut-être plus judicieux deconsacrer de l’argent à la formation du personnelpour lui apprendre à se servir d’un logiciel tout prêtet des ordinateurs de bureau déjà à sa dispositionplutôt que de consacrer des fonds à des logicielsonéreux et à des ordinateurs serveurs.

• Quelle que soit l’urgence du besoin humanitaireimmédiat, élaborez au moins des systèmes de basepour faire des recherches sur tout programmed’intervention avant sa conception. Les programmeset les systèmes d’information qui les soutiennentpeuvent tous deux accroître leur portée et leurcomplexité pour répondre aux besoins changeants.

Documentation sur le WebPour obtenir une information générale sur le colloque surle Rôle de l’information dans la coordination humanitairede 1997, voir ReliefWeb, <www.reliefweb. int/w/rwb.nsf>

Le Système d’information des Nations unies sur la nutritiondes réfugiés <acc.unsystem.org/scn/Publications/html/rnis.html>

IRINNews <www.reliefweb.int/IRIN>

AlertNet <www.alertnet.org>

CrisisWeb <www.crisisweb.org>

Pour obtenir d’autres sources d’information ayant trait ausecteur humanitaire, consulter la ‘Link Library’ [les liens]du site Internet du HPN, <www.odihpn.org>

Robin Schofield a travaillé à des projets d’informationdans les Balkans, au Libéria, en Sierra Leone, en Somalieet dans les Grands Lacs d’Afrique dans le cadre d’ONG,de l’UE et de l’ONU. Il est consultant à Accenture, précé-demment connu sous la raison sociale d’Andersen Cons-ulting. Depuis le 7 août 2000, Accenture n’a pas étéassocié à Andersen Worldwide ni à Arthur Andersen. Robinpeut être joint à <[email protected]>.

également été assuré par l’Agence américaine deDéveloppement international, le Départementbritannique de Développement international, CatholicRelief Services, l’International Rescue Committee etle Programme alimentaire mondial.

Cet article expose brièvement quels sont les enseigne-ments tirés par le HCIC au cours de sa première année,en élaborant en quelque sorte un modèle potentiel pourle BCAH ou pour d’autres organisations dans dessituations d’urgence futures

L’information n’est pas gratuitePour acquérir une information exacte il faut du tempset beaucoup d’efforts. Investir constitue une conditionpréalable fondamentale pour obtenir des résultats utiles– tout en ne garantissant pas pour autant qu’ils le soient.Mais cela ne veut pas nécessairement dire qu’il faut desressources financières supplémentaires ; fréquemment,il s’agit tout simplement d’accorder du temps aupersonnel à un stade précoce. Les organisations devraient

numéro 18 • juillet 2001 21

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Econsacrer davantage d’attention à la planification desbesoins en information comme faisant partie intégrantede la planification humanitaire stratégique et de leurprogramme. Il y a plus de chances que les organismesdonateurs financeront les projets lorsqu’il apparaîtclairement que l’information est exacte et opportune.

Les données de base précoces fournissent un point deréférence pour les évaluations et les remises à jourultérieures. À titre d’exemple, le HCIC a contribué àorganiser la Rapid Village Assessment (RVA) de juillet1999, un exercise global de collecte de l’informationqui évaluait les besoins humanitaires jusqu’au niveaudu village, dans des domaines tels que les dégâts causésau logement, à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’à lasanté. À partir d’un formulaire standard d’enquête, leHCR, le Groupe intergouvernemental de gestioninternationale, les ONG et les troupes de la KFOR ontrecueilli ces données qui ont ensuite été traitées par leHCIC. Les rapports fondés sur ces données ont été misà la disposition de la communauté de l’aide humanitaireà titre gracieux afin de lui fournir des données de basepour ses travaux et de faciliter l’identification despriorités. En outre, la base de données elle-même aultérieurement été distribuée sur CD-ROM.

Parfois les coûts sont inévitables. Les systèmesd’information géographiques (SIG) sont l’une desapplications les plus intéressantes de la nouvelletechnologie – mais ils exigent un vaste investissementde capitaux pour démarrer et pour leur entretien. Entermes de dotation en personnel et d’équipement, unelarge proportion des ressources du HCIC ont étéinvesties dans son SIG. Il n’empêche, les résultats ontjustifié la dépense car le HCIC a produit toute unesérie de cartes thèmatiques donnant une informationsectorielle essentielle sur les dégâts causés aux logementsainsi que sur les coordonnées et le statut des écoles etdes cliniques. Faute de cartes routières généralementdisponibles et adaptées pour le Kosovo, le HCIC aégalement produit et diffusé plus de 5000 copies del’Atlas du Kosovo. En plus des cartes terrestres détailléesdu Kosovo, l’atlas contenait des cartes thèmatiques quifournissaient une information sur des sujets tels que ladivision des responsabilités de la KFOR et la répartitiondes minorités.

Le SIG a des applications plus grandes pour lacoordination humanitaire. Un exemple classique de cepoint est dans le déminage où un SIG peut être utilisépour maintenir des rapports sur les zones minées etnettoyées. Ainsi, la KFOR fournit une « couche » dedonnées montrant les zones où il existe des mines ouun matériel militaire non explosés ; l’UNICEF fournitalors une seconde couche indiquant les coordonnéesdes écoles. L’assemblage des deux jeux de données et lacréation de zones tampon autour des écoles indique leszones à déminer en premier. Lorsqu’une troisièmecouche de données est ajoutée, cette fois-ci représentantles sentiers empruntés par les enfants pour se rendre àl’école, l’intersection de zones qui en résulte établit lessites à déminer en priorité. Les cartes de ces sites sontalors distribuées aux organismes de déminage.

Les solutions faisant appel aux technologies depointe ne sont pas les seules valablesLe SIG est un moyen d’information qui fait appel à latechnologie de pointe et qui est fort onéreux – avecdes possibilités de résultats proportionnellement toutaussi élevés. Mais dans la plupart des situations, desressources de l’ampleur de celles qui sont disponiblesau Kosovo ne seront pas aussi aisément accessibles. Lagestion de l’information pour appuyer les travauxhumanitaires n’a pas besoin d’être entièrement tributairede la technologie. Selon Burim Hoxha, le concepteurdu site Internet du HCIC, « la technologie n’est rien –ce sont les gens qui travaillent avec qui importent ».

L’une des aspects les plus importants du HCIC étaitson espace d’accueil, un lieu public où pouvaient êtretraitées les demandes de renseignements au quotidien.Le personnel extrêmement motivé du bureau d’accueilrépondait aux demandes basiques d’information,orientait les questions plus techniques vers le personnelcompétent à l’intérieur du centre ou vers d’autresorganisations et assurait la diffusion des produits duHCIC. La ressource de base nécessaire pour ce serviceétait simplement un personnel local aimable et engagé,doté de compétences linguistiques adaptées à la situation.La réception disposait également d’un panneaud’affichage pour les annonces régulières et de « boîtes àlettres » pour les organisations. Ces services étaientgrandement appréciés, faute de téléphone ou de systèmepostal en état de marche et à un moment où l’accès àl’Internet était limité. Ils servaient de centre pour ladiffusion de la documentation et pour prendre contactavec des collègues même pour les organisations dotéesde moyens de communications avancés. Par suite, ilsont été utilisés par les organes des Nations unies, lesONG, les organisations gouvernementales et d’autresgroupes intéressés. Les activités telles que celles-cimontrent combien est important un « retour aux valeursde base », même lorsqu’il y a abondance de ressources.

L’information est un processusLes méthodes de gestion de l’information, que ce soitde type traditionnel ou en faisant appel aux technologiesde pointe, sont inutiles si elles ne sont pas étayées parl’attitude qui convient. Le Kosovo était très riche eninformation mais pauvre en communication et le HCICn’a ménagé aucun effort direct et indirect pour produirece que l’on pourrait au mieux décrire comme étantune « culture ouverte de l’information ». Au seind’instances clefs telles que le Groupe d’information, misen place par le Bureau de planification stratégique dansle cadre de la mission des Nations unies au Kosovo(ONUMIK), le HCIC a exercé des pressions en faveurde l’instauration d’un Chef de la coordination del’information et de la création de Points centraux pourl’information au sein de chaque département del’ONUMIK. Des tentatives indirectes ont été faites grâceà la réalisation des produits susceptibles de prouverl’utilité du partage de l’information, comme l’Atlas etl’Encyclopédie du Kosovo.

La gestion de l’information est un préalable plurisectorielqui devrait soutenir toutes les activités et qui devrait

22HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Es’étendre à la transition des activités orientées vers l’aided’urgence aux activités orientées vers le développement.Cela exige également un engagement à long terme(car l’investissement dans le présent ne produira desbénéfices qu’au fil du temps) et une compréhensionque cet engagement doit être renouvelé constammentpour répondre aux changements survenus dans lasituation globale.

Bien des organisations ne veulent pas partagerl’information, en particulier lorsque cela implique desproblèmes de sécurité ou que le financement est enjeu. Le meilleur moyen de surmonter ces obstacles estde créer un espace au sein duquel les organisationspeuvent avoir la certitude qu’elles partagent leurinformation sur un pied d’égalité et en toute bonnefoi.

L’information a besoin d’un médiateur sincèreL’information n’est pas neutre ; dans les situationsd’urgence humanitaires, elle risque de devenir uninstrument grâce auquel on peut s’approprier les fondsdes donateurs, s’attirer l’attention des médias ouaccroître son influence politique. La question de savoirqui a accès aux divers types d’information (où setrouvent les minorités, quel est le nombre de réfugiés,à combien s’élèvent les allocations des donateurs etquels sont les bilans sur la sécurité alimentaire, parexemple) peut devenir un enjeu réel. Dans un mondeidéal, dans une situation d’urgence complexe, desniveaux clairs d’information seraient établis, ils seraientaccessibles aux diverses parties à des niveaux différentset des points centraux convenus d’un commun accordseraient mis en place pour canaliser cette information.

Le HCIC s’est uniquement intéressé à l’informationpublique qui était à la disposition de tout un chacun.Si les membres du personnel, à titre individuel et àl’intérieur du centre, avaient fréquemment accès à uneinformation dont la diffusion était restreinte, cetteinformation n’était pas traitée ni diffusée par le biaisdu HCIC. Ce rôle de médiateur sincère a permis auHCIC de solliciter des informations, étant entendu quecelles-ci ne seraient pas utilisées aux fins de faireprogresser un ordre du jour particulier mais au contrairepour aider tous les acteurs dans leurs travaux.

Il est possible que l’atout unique le plus important duHCIC ait été sa neutralité telle que perçue. Cetteneutralité ne renvoyait pas seulement à l’espace physiquedu HCIC, mais elle s’étendait à presque tous sesdomaines d’activités. À titre d’exemple, le Centre adépêché une Unité de liaison sur le terrain (FLU)composée de deux personnes et chargée de fournir unmoyen de communication entre Pristina et lesorganisations basées hors de la ville. La FLU s’est renduechaque semaine aux réunions régionales et municipalesinterorganisations, recueillant et diffusant l’information.Le représentant d’une ONG a observé que la FLUétait considérée comme un « intermédiaire qui n’étaitredevable à aucune organisation » – ce qui n’est pasune mince affaire étant donné les relations souventtendues entre les intervenants au Kosovo.

Montrer la voie mais ne pas l’imposerPour confirmer les principes énoncés brièvement ci-dessus, il nous faut démontrer les avantages pratiquesque présente le partage de l’information. En pratique,la façon la plus rapide d’y parvenir est de créer desproduits très en vue dont l’utilité est évidente etimmédiate. C’est exactement ce qu’était l’Atlas duKosovo, le CD-ROM de l’Encyclopedie du Kosovoréalisé par le HCIC en est un autre exemple.

L’Encyclopédie du Kosovo collationnait toutel’information disponible ayant trait aux travaux desecours et de reconstruction pour la période allant dejuin 1999 à juin 2000. Énorme exercice de collecte del’information, le produit final rassemblait en dernièreanalyse plus de 600MB d’information. L’Encyclopédie,qui s’ouvrait automatiquement et fonctionnait sous unformat de Web Browser, était conçue pour êtreconviviale même pour ceux qui n’ont qu’uneexpérience minimum des ordinateurs. Plus de 1300 ontété diffusées par le biais du bureau d’accueil du HCICet par la FLU.

Des ressources à l’image de celles-ci peuvent être misesau point pour n’importe quelles coordonnéesgéographiques ou n’importe quel secteur thématique.L’Encyclopédie témoignait des avantages que présentele partage de l’information – avec pour résultat quebeaucoup d’organisations ont commencé à s’adresserau Centre en demandant comment leur documentspourraient être inclus dans la prochaine édition. Unerequête spécifique de la part du Départment dereconstruction de l’ONUMIK a mené à la création d’unCD-ROM spécialisé de référence pour les ordinateursde bureau, il s’agit d’un support facile à utiliser contenanttous les documents ayant trait à la reconstruction.

ConclusionLe HCIC a été cité par le rapport Brahimi sur lesopérations de paix des Nations unies comme étant unexemple de l’application pratique de l’informatique pourfaciliter la coordination de l’aide humanitaire. Descentres d’information analogues peuvent devenir unepartie précieuse d’une intervention humanitaire, mêmelorsqu’ils sont relativement modestes de par leur tailleet de par leurs ressources. Au lieu de s’intéresser auxressources qui ont été consacrées à la création du HCIC,nous devrions plutôt étudier les principes qui ont aboutià caractériser ses travaux :

L’accessibilité. Sans aucun contrôle de sécurité et sanspièce d’identité nécessaire pour entrer, le HCIC étaitprobablement le seul bureau international à Pristinaentièrement accessible à tous. Les services du HCICétaient à la disposition de quiconque en avait besoin –y compris des populations locales, qui pouvaient entrerdirectement afin de demander des conseils pour savoiroù elles pourraient se faire aider pour trouver un abriou une aide alimentaire.

Le service. Les personnes utilisant le HCIC n’étaient pasconsidérées comme étant des « bénéficiaires » maiscomme des clients. Le HCIC s’est efforcé de faciliter

numéro 18 • juillet 2001 23

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Eles travaux de ces clients en leur offrant appui, conseilset assistance technique.

La neutralité. Le HCIC a essayé à tout moment d’êtreneutre dans ses relations et de s’adresser de la mêmemanière à tous ces clients.

La souplesse. Tout en faisant progresser ses propresinitiatives, le HCIC s’est efforcé de répondre aux besoinsdans toute la mesure du possible et d’encourager lesinitiatives des autres.

Une « Boîte à outils », actuellement en cours de prod-uction, a vocation à consigner et à diffuser les enseignementstirés de la première année du HCIC ; elle sera disponiblesur le site Internet du HCIC et sur CD-ROM.

Le HCIC est né d’un mélange fortuit de coopérationinterorganisations, de solides ressources financières ethumaines, d’imagination et de chance qu’il sera difficilede reproduire. Cependant, les enseignements qu’il a tirés

de sa première année peuvent être mis à la dispositionde quiconque œuvre activement dans l’actionhumanitaire (et devraient l’être). Mais l’enseignementle plus important tiré par le HCIC est relativementsimple, à savoir que la coordination efficace de l’actionhumanitaire est grandement aidée par une gestionefficace de l’information tant à l’intér ieur desorganisations qu’entre les organisations.

Paul Currion était responsable de l’information pour leConseil international des ONG du Kosovo de novembre1999 à avril 2000, en détachement du CIAV ; puisdirecteur du HCIC d’avril à septembre 2000, endétachement de Save the Children US. Il est actuellementen train de mettre au point la « boîte à outils » du HCICdans le cadre d’activités de conseil effectuées, en col-laboration, par Save the Children US et par le BCAH.Pour en savoir plus sur cet article ou sur la boîte à outilsdu HCIC, s’adresser à Paul à <[email protected]>, ou consulter le site Internet du HCIC à <www.reliefweb.int/hcic>.

Connaissance = pouvoir ? Les obstacles à uneplanification préalable aux catastrophes sur les charsdu littoral bangladeshiLes populations des chars bangladeshis sont extrêmement vulnérables aux catastrophes etpourtant, selon Philippa Howell, ce sont ces populations qui sont les moins visibles et lesplus marginalisées au sein du système national d’alerte et d’abris

Les chars (ces îles plates formées par le limon qui setrouvent à peine un mètre au-dessus du niveau de lamer) sis au large du littoral bangladeshi accueillent desdizaines de milliers d’habitants, dont beaucoup ont migréici après avoir perdu maison et biens suite à une érosionfluviale dans un autre endroit du pays. Leur vie estextrêmement vulnérable aux catastrophes récurrentessous forme de cyclones, de tempêtes et de raz-de-marée.

Cette vulnérabilité physique est aggravée par dessystèmes sociaux-économiques qui laissent la majoritédes habitants dépourvus de terre et criblés de dettes.Par suite, devant ces circonstances de grande précarité,la planification préalable aux catastrophes exige nonseulement une protection physique adaptée, mais aussides mesures aptes à s’attaquer à ces inégalités structurellesafin de réduire la vulnérabilité et d’augmenter lescapacités de survie.

Systèmes d’alerte rapide et planificationpréalable inégaleAprès le grave cyclone de 1970, des sommesconsidérables ont été dépensées au Bangladesh pourconstruire des abris contre les cyclones et pour mettreen place des systèmes nationaux d’alerte. Le Programmedu Croissant-Rouge en matière de planificationpréalable contre les cyclones (CPP) joue un rôleimportant avec son réseau de bases radio et de bénévoles

qualifiés. Il n’empêche, les abris sont encore rares sur leschars. Ainsi, sur le Char Jahiruddin, par exemple, il n’y aque deux abris utilisables (offrant une capacité de 4000à 5000 personnes) pour une population de 20 000habitants. Des structures d’accueil de qualité médiocrereprésentent un risque pour la santé dans des conditionsde surpeuplement. Le sentier qui mène aux abris n’offrepas de protection pendant un raz-de-marée et, pourparvenir aux abris, il faut marcher dans l’eau ou nagerdans des eaux infestées de serpents. Très peu de maisonssont assez solides pour résister à des vents de forcecyclonique ou réchapper d’un raz-de-marée : la majoritédes gens survivent aux cyclones importants en grimpantaux arbres, bien que de nombreuses îles ne soient guèreboisées.

Les facteurs de vulnérabilitéLa vulnérabilité est enracinée dans les conditions socialeset économiques, de même que dans les risques physiques.Sur les chars, les pauvres dépendent presque exclusive-ment du métayage ou de la pêche à cause du systèmedu « dadon » où la prise, habituellement achetée à lamoitié de son prix sur le marché ou même moins, estcontrôlée par la personne qui donne des prêts pourl’équipement. Cette dépendance économique (souventdécrite comme un rapport de « protecteur à protégé »)associée aux risques physiques rend difficile d’accumulerdes biens domestiques, ce qui réduit encore davantage

24HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

la résilience face aux catastrophes récurrentes. En outre,ce sont précisément ces « protecteurs » puissants verslesquels se tournent les plus démunis pour demanderleur assistance après une catastrophe, augmentant par làmême la dépendance et l’endettement. L’administrationlocale et les systèmes judiciaires locaux sont aussidominés par ceux qui ont du pouvoir.

En outre, ce sont les plus mal lotis qui ont aussi le moinsde chances d’entendre les mises en garde à la radio et leplus de chance de vivre hors des digues protectrices etd’être le plus éloignés des sentiers sans danger. Commela vie est déjà très difficile, il est tentant de ne pas écouterles mises en garde et d’aller à la pêche ou de remettreau lendemain les préparatifs qui prennent beaucoup detemps contre les catastrophes. Parfois ces mises en gardene sont pas respectées en raison de l’inexactitude desavertissements précédents. Mais surtout, ce sont ceuxqui n’ont que quelques possessions qui sont le moinsprêts, au péril de leur vie, à risquer de les perdre.

Les facteurs culturels jouent également un rôle. Lesattitudes face à la planification préalable sont souventinfluencées par les chefs de file religieux dont certainspréconisent la prière comme étant la seule mesureadaptée. Les femmes sont spécialement en danger, carelles ne fréquentent pas les lieux publics, comme lesmarchés, où l’on peut entendre les avertissements à laradio. En outre, le port de longs saris ne leur permet pasaisément de nager ni de grimper aux arbres et la hontedue à la perte de vêtements est souvent crainte toutautant que la mort.

S’entraîner pour une planification préalable auxcatastrophesDans ce contexte, en 1999, ActionAid-Bangladesh aconçu un programme pilote d’une année (financé parles soins d’ECHO) pour travailler sur « la préparationpréalable intensive des collectivités locales auxcatastrophes » sur quatre chars du littoral. Selon lesestimations, le manque d’information et de sensibi-lisation était tout autant une entrave à la planificationpréalable aux catastrophes que le manque de savoir-faire technique. Le programme offrait une connaissancepratique simple, telle que la signification des signesannonciateurs, les premiers secours et des façons deprotéger les objets de valeur ; et suggérait de garder des

objets qui flottent (comme des noix de coco desséchées)dans la maison. L’explication scientifique sur la formationdes cyclones a été une révélation pour ces populations,car ceux-ci étaient précédemment considérés commeun châtiment d’Allah. Fort de cette expérience et desconclusions d’un bilan de milieu de mandat, unprogramme de formation reproduisible portant le nomde Active Disaster Awareness and Preparedness Training(ADAPT) [Formation active en matière de sensibilisationet de planification préalable aux catastrophes] a été misau point aux fins d’utilisation sur d’autres chars.

Si la sensibilisation et la connaissance peuvent mieuxpermettre aux populations pauvres de se préparer et desurvivre aux catastrophes, elles ne peuvent pas apporterde solution à une vulnérabilité d’origine sociale à l’instarde celle qui existe au Bangladesh. Les groupes de liaisonchargés de discuter les stratégies de planification préalablepourraient constituer le premier pas qui permette auxpopulations pauvres de se prendre en charge, mais lesvulnérabilités d’origine sociale ne peuvent êtrepleinement surmontées qu’au moyen de stratégies à longterme telles que la réforme agraire, une administrationlocale comptable et des ordres juridiques transparents.

Les enseignements à tirer pour les donateurs etles ONGEn soi, la connaissance ne suffit pas à rompre le cerclede la vulnérabilité. La planification préalable auxcatastrophes doit être liée au potentiel de redressementde même qu’à la survie pour avoir des résultats positifsinscrits dans la durée. Ce point est crucial si l’on veutaboutir à des progrès crédibles en matière dedéveloppement et cela met en relief combien il estimportant que les programmes anti-pauvreté prennenten compte les effets des catastrophes.

L’on considère les chars comme étant « sans loi » en raisonde leur éloignement et de leur population changeante.En outre peu d’ONG internationales y travaillent. Ilest aisé pour le gouvernement de les oublier, malgré unaccroissement démographique de 5 à 6 pour cent paran. Qui plus est, de plus amples activités de promotionde la part des ONG pourraient les faire mieux connaîtreet rendre l’environnement moins favorable à lacorruption et à l’exploitation. Les programmes quis’efforcent de promouvoir les moyens des populationsvulnérables doivent aussi rechercher les occasionsd’inciter un changement socio-économique en leurfaveur. Il est toujours délicat d’exercer des activités depromotion là où le pouvoir est entre les mains d’un trèspetit nombre et qu’il est, de plus, renforcé par le systèmesocio-culturel. C’est pour cette même raison, justement,que les groupes communautaires ont besoin debeaucoup d’appui pour résister aux menaces de ceuxqui ont un intérêt personnel dans le système en vigueur.

Un appui à la production de revenus pourrait compléterles activités de promotion. Les foyers qui résistent lemieux aux catastrophes sont ceux qui ont à leurdisposition diverses options pour gagner leur vie : à longterme, ceci est le seul moyen de se soustraire à uneexploitation. À court terme, des sommes en argent

Session de formation à la préparation aux catastrophesà l’adresse des femmes, Dhal char

© Philippa H

owell

numéro 18 • juillet 2001 25

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

liquide en échange d’un travail pourraient servir àconstruire des plates-formes en terre pour les maisonset le bétail.

Dans des conditions aussi extrêmes que celles quiprévalent dans les chars, c’est l’infrastructure comme lesmaisons, les routes et les remblais solides qui sauverontdes vies. Les ONG et les donateurs qui ne sont plusaussi enclins à apporter leur soutien à des projetsd’infrastructure doivent être prêts à s’attaquer à ceslacunes vitales, que ce soit au moyen d’un appui directou par le biais d’activités de promotion. De nombreuxprogrammes de planification préalable cherchent surtoutà exhorter les populations à s’abriter à temps malgré lefait qu’il n’est pas rare que ces abris soient inexistantsou inadaptés. Des options moins onéreuses (maisonssurélevées et renforcées ou abris de taille plus modesteaptes à héberger des petits groupes de familles avecespaces séparés pour les hommes et pour les femmes)devraient être mises à l’étude, car ces abris seraient plusfacilement accessibles et protégeraient mieux les biens.Il y a eu des tentatives pour construire des abris de pluspetite taille gérés par la communauté qui servent ausside cliniques ou d’écoles, mais il n’y a guère eu derecherche pour trouver des solutions alternatives afinde protéger le bétail et les possessions.

Qui plus est, il est indispensable qu’il existe une espèced’assurance pour les pauvres. Celle-ci pourrait être liéeaux nombreuses institutions de micro financement quel’on trouve sur le sous-continent, à des régimes d’allège-ment du gouvernement ou encore être basée au niveaulocal sur des économies et des stocks communaux.L’assurance que les biens perdus seront remplacés, dumoins en partie, pourrait encourager les populationspauvres à quitter leurs maisons et ainsi à assurer leurpropre survie. Elle favoriserait également le redressementet réduirait l’endettement par rapport aux protecteurs.

Le caractère prévisible des catastrophes qui frappent leschars nous exhorte à revoir l’efficacité des systèmes actuelsd’alerte rapide pour les populations marginalisées. Ilserait éventuellement possible d’incorporer desindicateurs autochtones (fourmis grimpant aux arbresen portant leurs œufs, par exemple) aux systèmes locauxafin d’accroître leur pertinence et leur crédibilité.

Finalement, le cas des chars illustre les complexités de laplanification préalable et de la résistance aux catastrophes.Cela nous met au défi de mettre au point une analyseplus holistique qui explore les facteurs socio-économiques qui affectent les capacités des populationsà surmonter les catastrophes. Ceci permettrait à laplanification préalable et aux secours d’être orientés versle redressement du ménage, de même que vers sa survie.

Philippa Howell était conseillère pour le programme deplanification préalable aux catastrophes d’ActionAid-Bangladesh, de janvier à août 2000.

Pour de plus amples renseignements sur ADAPT, joindreRoger Yates à l’Unité situations d’urgence d’ActionAidUK : <[email protected]>; ou Feisal Hussein àActionAid-Bangladesh <[email protected]>.

La vie sur les chars

Densité démographique 434 habitants au km²Taux d’alphabétisation 12%Revenu moyen journalier 30–50 taka (4 à 7 francs)Taux d’intérêt 100–200%Répartition de la terre Moins de 10 % des famillespossèdent 80 % des terres arables ; plus de 90 % nepossèdent pas de terre

RéférencesIn the Eye of the Storm [Au cœur de la tempête], CD-Rom d’ActionAid pour l’éducation en matière de développement

Philippa Howell, Fighting Poverty: The Humanitarian Connection [La lutte contre la pauvreté : la connection humanitaire](Londres : Unité situations d’urgence d’ActionAid, 2000)

Philippa Howell, Indigenous Early Warning Indicators of Cyclones: Examples from the Coastal Chars of Bangladesh[Indicateurs autochtones d’alerte rapide pour les cyclones : exemples tirés des chars du littoral bangladeshi] (Dhaka :ActionAid-Bangladesh, 2000)

Philippa Howell et Gaziul Hassan Mahmood, Intensive Community Disaster Preparedness Programme: Participatory Mid-term Review [Programme intensif communautaire de planification préalable aux catastrophes : bilan participatif de milieude mandat] (Dhaka : ActionAid-Bangladesh, 2000)

M. Shameem Siddiqi, Geopolitical, Ecological and Socio-economic Features and Disaster Preparedness and Managementon the Offshore Chars of Bhola District [Caractéristiques géopolitiques, écologiques et socio-économique et planificationpréalable aux catastrophes et gestion des catastrophes sur les chars sis au large du District de Bhola (Dhaka : ActionAidBangladesh, 1996)

John Twigg, Sustainable Livelihoods and Vulnerability to Disasters [Moyens d’existence durables et vulnérabilité auxcatastrophes] (Londres : Benfield Grieg Hazard Research Centre pour le Disaster Mitigation Institute, Ahmedabad, 2000)

John Twigg, The Human Factor in Early Warning: Risk Perception and Appropriate Communications [Le facteur humaindans l’alerte rapide : perception des risques et communications adaptées] (Londres : Benfield Grieg Hazard Research Centre,1998)

26HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

En Amérique centrale, le sujet du statut foncier et del’occupation du sol reste flou, une imprécision qui sereflète dans la cartographie et les données disponibles.Deux exemples montrent l’importance de l’utilisationdes sols et du rôle que les facteurs socio-économiquespeuvent jouer pour aggraver la vulnérabilité auxcatastrophes naturelles dans la région. Il s’agit d’enjeuxessentiels, non seulement dans la phase de reconstruction,mais aussi dans l’analyse des causes des dégâts.

Dans la municipalité de Tacuba, au Salvador, au nord dela capitale San Salvador, la majorité des paysans viventsur de toutes petites parcelles à forte pente ; les terresaptes à l’agriculture et à l’habitat sont occupées par degrands domaines dédiés à la production de café. Il n’y aaucune protection sociale. En casde fortes intempéries, les récoltessont perdues et les paysans nedisposent ni de réserves alimen-taires ni d’un revenu minimumassuré. Dans cette région, laprévention contre la vulnér-abilité aux catastrophes naturellesdevrait commencer par une redistribution des terres etune amélioration du statut des ouvriers agricoles.

Le second exemple concerne le volcan Casitas à l’Ouestdu Nicaragua. Lorsque l’ouragan Mitch a dévasté le paysen octobre 1998, une frange du volcan s’est écroulée,ensevelissant 2000 personnes sous un torrent de boue.Ce volcan qui appartient pour sa plus grande part à ungrand propriétaire et député du parti au pouvoir, étaitcouronné par plusieurs antennes de télévision. De plus,un chantier pour la construction d’un village de vacancesavait commencé au sommet. De nombreux habitantspensent (peut être à tort) qu’il y a un lien entre ledéclenchement de la catastrophe et les constructionsfaites au sommet du volcan. Le rapport officiel diligentépar l’Instituto Nicaraguense de Estudios Territorialesen janvier 1999 qui analyse la cause de la catastrophen’évoque que des facteurs de nature physique, alors quele statut foncier des sols est une question essentiellepour le conseil municipal et les habitants de lamunicipalité de Posoltega. Comment restaurer laconfiance des habitants envers les experts (nationaux etinternationaux), comment limiter les probabilités denouveaux éboulements tant que les faits et lesresponsabilités n’auront pas été clairement établis ?

Le problèmeL’un des instruments essentiels de l’aménagement duterritoire est la cartographie. Or, la cartographie existante

Les instruments d’aménagement du territoire et lescatastrophes naturelles en Amérique centrale

La vulnérabilité aux catastrophes naturelles en Amérique centrale n’est pas seulement unproblème « physique ». Comme l’explique Suzanne Lerch, les problèmes liés à l’occupationdes sols, au statut foncier et à la planification doivent également être traités si l’on veutréduire cette vulnérabilité.

en Amérique centrale consiste principalement en descartes topographiques au 50 000e ou 25 000e, qui datentle plus souvent d’une vingtaine d’année. Non seulementla couverture végétale, l’urbanisation et l’infrastructurese sont tous modifiés depuis, mais égalementl’hydrographie et la topographie. Les rares plans de villesdisponibles à des échelles supérieures ne comportentqu’une information générale sur le réseau des rues etdes indications hydrographiques (sans indication dudomaine bâti, de la topographie et du parcellaire).

La cadastration (quand elle est entreprise) est perçue etconçue comme un instrument - fort utile assurément -pour augmenter les recettes fiscales au niveau municipalet non comme une façon de prendre des décisions en

matière d’aménagement du terri-toire national et régional. Dansles zones rurales, les donnéesconcernant le statut foncier dusol ne sont accessibles au grandpublic que sous forme de don-nées statistiques, mais non sousforme de cartes largement diffu-

sées. Ceci peut s’expliquer en partie par un manque demoyens techniques, mais aussi par une absence de volo-nté politique : le problème de la terre a toujours été etcontinue d’être la cause de la plupart des conflits – etdes déplacements de population – en Amérique centrale.

InitiativesLa prise de conscience de la vulnérabilité extrême del’Amérique centrale aux catastrophes naturelles a suscitédiverses initiatives de la coopération internationale dansle domaine de la cartographie. Un programme de laDirection suisse du développement et de la coopération(SCD), par exemple, produit des cartes des dangers quise présentent aux municipalités du Nicaragua, alorsqu’un projet des Nations unies, coordonné par l’Institutde formation et de recherche des Nations unies(UNITAR) et le Bureau des services d’appui aux projets(UNOPS) œuvrent à la création d’un site Internet quipermettra un accès direct et bon marché à l’imageriesatellite des acteurs locaux qui participent au processusde reconstruction au lendemain de la catastrophe oudu conflit. Toutefois ces projets sont de caractère trèstechnique et ils seront inopérants s’ils ne sont pasaccompagnés par une approche intégrale de l’aménage-ment national et régional du territoire dans toutes sesphases et dans ses divers aspects, afin de permettre uneprise en charge par les acteurs – élus, techniciens,habitants, notables - de la prévention des catastrophesnaturelles et écologiques.

Ces projets seront inopérants s’ils ne sontpas accompagnés par une approche

intégrale de l’aménagement national etrégional du territoire dans toutes ses

phases et dans ses divers aspects

numéro 18 • juillet 2001 27

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

EPropositionsQuatre axes principaux de travail à mener parallèlementpeuvent être identifiés :

1 .Promouvoir la « participation citoyenne » à l’échellemunicipale ou micro régionale

La « participation citoyenne » cherche à ouvrir le débatsur les questions de planification telles que le budgetmunicipal, les politiques de santé et d’éducation, lelogement et les transports publics. Elle est à distinguerde la « participation communautaire » qui est centréesur les besoins immédiats et s’adresse aux habitants d’unezone sinistrée dans leur rôle de « bénéficiaires ». Aucontraire, elle a pour ambition de créer un cadre et uneculture du débat, essayant de changer le rapporttraditionnel entre organisations bénévoles, autoritéslocales et habitants.

2. Intégrer l’idée du territoire à ce processusLe concept de « territoire » est le bien commun parexcellence. C’est une idée puissante ; une sensibilisationdu public à la « culture du territoire » par la productionet la diffusion d’instruments d’aménagement duterritoire, comme des cartes exactes, augmente lepouvoir de proposition et de négociation des habitants,à travers leurs instances traditionnelles (municipalités,par exemple) ou de nouvelles autorités qu’ils aurontjugé nécessaire de créer. Par exemple, dans la municipalitéde San Francisco Menendez au Salvador, une digueconstruite par le gouvernement immédiatement aprèsl’ouragan Mitch prive aujourd’hui en eau douce toutun estuaire, mettant en péril le travail de nombreuxagriculteurs et provoquant une catastrophe écologiquedans une zone de mangroves reconnue d’intérêt national.Des habitants et des conseillers municipaux armés d’unebonne carte auraient peut être réussi à négocier laposition de cette digue avec les ingénieurs chargés decette réalisation.

3. Encourager la « coopération décentralisée »La « coopération décentralisée » (entre des villes et desrégions du nord et leurs homologues en Amériquecentrale) présente des atouts intéressants. Parmi ceux-ci citons une autonomie politique accrue, l’implicationd’élus, techniciens et citoyens du Nord dans desinitiatives en Amérique centrale qui ont à rendre comptedans leur propre communauté de leur travail et de leursréflexions et un sens plus grand de l’égalité entre lespartenaires. Les exemples de ce type de coopérationabondent, notamment en France, en Espagne, en Italie,en Hollande. A l’origine souvent centrées sur l’appuiponctuel à la construction de telle ou telle infrastructure,

ces relations de partenariat abordent de plus en plussouvent le thème complexe et moins spectaculaire del’aménagement du territoire régional et national.

Ainsi en Amérique centrale, les exemples de collabor-ation sur ce thème se multiplient : entre La Dalia(Nicaragua) et Séville (Espagne), entre Léon (Nicaragua)et Florence (Italie), entre Granada (Nicaragua) et Lyon(France), par exemple. Des villes françaises regroupéesau sein de la Fédération mondiale des cités unies sontengagées depuis de longues années dans des jumelagesavec des municipalités nicaraguayennes ou salvadori-ennes et envisagent des actions de formation communesdans ce domaine en 2001. Un partenariat entre desmunicipalités d’Amérique centrale et le canton etl’université de Genève est en gestation sur le thème del’information régionale, en collaboration avec lesNations unies. Des écoles d’architecture de Catalogneont formé un réseau avec des universités d’Amériquecentrale et réalisent chaque année deux séminaires deformation sur le thème de l’urbanisme, un en Amériquecentrale, l’autre en Espagne

4. Intensifier les échanges et le travail en réseauEn Amérique centrale, les espaces de débat sur le thèmede l’aménagement du territoire régional et national danstoutes ses dimensions (culturelles, histor iques,techniques) sont très rares. C’est un facteur très limitantpour le développement des compétences critiques desprofessionnels, des élus et des habitants eux-mêmes. Cetisolement fait que, dans une certaine mesure, les idées(espagnoles, françaises, helvétiques) sont imposées del’extérieur de la région. Pour remédier à cela, il seraitsouhaitable de former un réseau Nord-Sud sur ledéveloppement national et régional en Amériquecentrale pour favoriser les échanges d’informations etd’expériences et susciter la réflexion méthodologique.

Suzanne Lerch est architecte urbaniste, basée à Genève.Elle est joignable par courrier électronique à <[email protected]>.

Sites Internet utilesSwiss Disaster Relief Unit <www.unige.ch/hazards/sdru/welcome.html>

Direction suisse du Développement et de la Coopération<http ://194.230.65.134/dezaweb2/home.asp>

UNITAR <www.unitar.org>

UNOPS <www.unops.org>

Initiatives des ONG en matière de réduction des risques – à présent en ligne

Les données relatives au projet de la Croix-Rouge britannique sur les travaux des ONG dans le domaine del’atténuation des catastrophes naturelles et de la planification préalable sont à présent disponibles en ligne.

Consulter la page web du projet à <www.redcross.org.uk> – cliquer sur ‘Our Work’, puis sur ‘InternationalActivities’ et finalement sur ‘NGO Disaster Mitigation and Preparedness Project’ (pour les rapports sur lesrecherches et le document d’ensemble) ou sur NGO Initiatives in Risk Reduction (pour les brèves études decas). Pour de plus amples renseignements envoyer un courrier électronique à <[email protected]> ou àJohn Twigg, responsable de l’équipe de recherche; ([email protected])

28HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

Koenraad Van Brabant Christina,comment une jeune femme hollan-daise se retrouve-t-elle à travailleren Ouzbékistan ?

Christina ter Braak Mon premierséjour de six mois en Ouzbékistanétait en 1996, à l’époque j’enseignais

le hollandais et l’anglais à l’université de Tachkent. Aprèsma licence, j’ai fait une maîtr ise ès études endéveloppement. Pour mon mémoire de maîtrise – surle chômage en Ouzbékistan – j’ai passé encore troismois là-bas à faire de la recherche ; chaque personne àqui j’ai parlé avait une opinion sur la question. Par lasuite, j’ai posé ma candidature pour un emploi dans lebureau de Tachkent de Human Rights Watch (HRW)et j’ai été invitée à passer des tests de recrutement àNew York. Mais la réponse s’est fait attendre et je suisretournée en Ouzbékistan pour travailler pour unvoyagiste néerlandais. Un peu plus tard, HRW m’aproposé l’emploi en question et j’ai travaillé avec euxpendant six mois en 1999–2000.

KVB En travaillant avec HRW sur le terrain vous deviezposer des questions sur des sujets sensibles du point devue politique. HRW vous a-t-il donné une formationpratique quelconque ?

CTB Non pas vraiment. Je ne savais pas grand-chosede la structure de l’organisation et je n’ai jamais rienvu qui puisse ressembler à un manuel. J’étais l’assistantedu directeur du bureau de Tachkent, qui était trèscompétent. Un soutien pratique était égalementfacilement accessible de New York, mais je n’ai reçuaucune formation en tant que telle avant mon départ.

KVB Le gouvernement était-il ouvert à la présencede HRW ?

CTB HRW avait reçu l’agrément des ministères desAffaires étrangères et de la Justice. Chaque fois queHRW rédigeait un rapport, un exemplaire en était remisaux fonctionnaires gouvernementaux. Chaque année,nous demandions également à avoir une réunion avecdes fonctionnaires de haut rang. Bien entendu, ils lisaientou relisaient nos rapports avant chaque réunion. Lescas bien en vue ayant trait, par exemple, au traitementd’activistes locaux des droits de l’homme enOuzbékistan faisaient de temps à autre l’objet d’unediscussion.

KVB Comment, d’un point de vue pratique, procédiez-vous pour observer la situation relative aux droits del’homme en Ouzbékistan ?

CTB Je me suis posé la question au départ sachant que legouvernement est assez autoritaire et que les gens ontpeur de parler. Mais vous seriez surpris de savoir combiensont venus à ce bureau. Les familles de personnes quiavaient été arrêtées nous étaient envoyées par des activisteslocaux des droits de l’homme. Les gens ont égalementremarqué note présence comme nous assistions à desprocès et demandaient qui nous étions et ce que nousfaisions et ils prenaient contact avec nous plus tard. Souventceux qui sont harcelés ou arrêtés se connaissent entreeux. Les proches de ceux qui étaient arrêtés et les employéslocaux qui s’occupent des droits de l’homme constituentdes contacts importants, bien que ce soit à vous de jugerce que l’on vient de vous dire. L’établissement de rapportsde HRW est aussi objectif que possible. Les sources sontvérifiées extrêmement minutieusement.

KVB L’activisme religieux est l’une des menaces les plusimportantes selon le gouvernement. Quelle positionadopteriez-vous si vous vous trouviez en face d’un activisteislamique dont les droits de l’homme étaient bafoués maisqui s’efforçait en fait d’établir un État islamique sans grandrespect des droits de l’homme ou de la démocratie ?

CTB Bien évidemment, je ne peux pas parler ici au nomde HRW ou de MSF et ce n’est pas mon propos. Je parleuniquement de mon propre point de vue. Mais ceci estsans aucun doute un enjeu, spécialement depuis que lesmouvements religieux ont été réprimés. Je ferais unedistinction ici entre les organisations, mouvements oupartis qui sont prêts à employer la violence pour atteindreleurs objectifs et ceux qui ne le sont pas. Je dirais quequiconque exprime son opinion d’une manière pacifiqueet n’essaie pas d’obliger les autres par la force à acceptercette opinion, ne peut être persécuté. Je pense qu’il y abeaucoup de gens en Ouzbékistan qui sont curieux desavoir ce qu’il est écrit dans le Coran et qui souhaitentêtre de bons Musulmans. Ils veulent savoir comment prier,comment s’habiller de façon décente et vous ne pouvezleur refuser cela. Les activistes religieux ont ce zèle dumissionnaire et ils veulent convertir, mais ils ne vousmettront pas tous le pistolet à la tempe pour atteindre cetobjectif.

KVB Quel effet cela vous a-t-il fait, en tant que femmeoccidentale venant d’un pays libéral, de rencontrer desMusulmans fervents qui ont des opinions différentes desvôtres sur les rôles des hommes et des femmes ? Leurétait-il difficile de vous rencontrer ou était-ce une formenormale d’interaction ?

CTB C’était en fait assez normal. N’oubliez pas que sousla domination soviétique les hommes et les femmescommuniquaient tout à fait librement et ouvertement.

D’observatrice des droits de l’homme à coordinatricede projet sanitaire

Koenraad Van Brabant, Coordinateur sortant du HPN s’entretient avec Christina ter Braak,MSF-Holland, Ouzbékistan

Christina ter Braak

numéro 18 • juillet 2001 29

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

EPlusieurs personnes que j’ai rencontrées ont admis êtredevenues religieuses seulement au cours des dernièresannées, mais elles sont indubitablement habituées à voirtoutes sortes de gens et de rapports sociaux. Pour moi,il n’est pas difficile de communiquer ; je peux lire àtravers leur rhétorique et j’essaie de parler d’une façonqui leur est intelligible. J’essaie d’indiquer que j’aiquelques connaissances de leur culture et de leur religion.Mais dès qu’il y a la moindre suggestion que je pourraisme convertir, j’explique mon passé et ma vision dumonde. En dernière analyse, c’est une question de respectde l’autre, mais aussi de se faire respecter.

KVB L’Ouzbékistan est mieux nanti que le Tadjikistan,mais les services sociaux sont néanmoins sur le déclin.Le gouvernement a-t-il une politique socio-économiqueactive ?

CTB Le gouvernement joue un rôle non négligeabledans le domaine de la politique économique, il essaienotamment d’attirer des investissements étrangers versdes produits de prestige. Mais ceci ne produit que peude possibilités d’emploi et la courbe démographiquene cesse de monter. Le cadre juridique n’est pas trèsencourageant pour la création de petites enterprisesprivées et d’échanges commerciaux régionaux. Lesystème financier entrave également le développementéconomique et les taux d’imposition découragent lesentrepreneurs. Qui vous connaissez est bien plus unegarantie de succès que ce que vous connaissez. En cequi concerne la politique sociale, les structures existentsur papier. Il y a un système de retraites, une aide pourles jeunes mères et les familles nombreuses et uneallocation chômage, mais une grande partie n’a qu’uneprofondeur et une substance limitées. Prenons la réformede la santé, par exemple. Il y a de grands projets pilotes ;la Banque mondiale est là, le programme de soutientechnique Tacis de la Commission européenne est là, leMinistère de la Santé lui-même met de l’argent dans ceprojet et tout cela paraît très impressionnant – maisjusqu’ici les gens ordinaires n’ont guère vu de résultatstangibles et ils perdent peu à peu confiance en unsystème qui est géré selon des soins médicaux(officieusement) payants et qui manque de médicamentsà des prix abordables.

KVB Qu’est-ce qui vous a poussée à passer de HRW àMSF-Holland ?

CTB Il y avait plusieurs raisons, mais pour moi la raisonprincipale était d’acquérir une plus grande expériencedes organisations pour mon propre perfectionnementprofessionnel. MSF-Holland m’ont donné beaucoupd’information de base, ils m’ont donné un briefingpréparatoire très complet, ils avaient tout sur papier, ilsm’ont fourni des manuels de mission et je savaisdavantage ce que j’allais faire lorsque je suis partie pourprendre mes fonctions actuelles dans la vallée de laFergana.

KVB Était-ce important pour vous, qui avez travailléavec HRW, que le mandat de MSF englobe aussi unrôle de « témoignage » ?

CTB Oui, c’était une bonne chose de voir cela reconnuau sein de MSF. Les priorités sont différentes, maisl’organisation reconnaît combien il importe d’avoir uneconnaissance plus large du contexte.

KVB Pourquoi un projet dans la vallée de la Fergana ?Je croyais que c’était l’une des parties les plus riches del’Ouzbékistan.

CTB MSF-Holland avait déjà un vaste projet dansl’ouest de l’Ouzbékistan, dans le cadre de son Prog-ramme plus vaste de la région de la mer d’Aral. Maisl’on a estimé que les besoins sanitaires à l’est ne pouvaientpas être laissés pour compte. L’impression générale estque la vallée de la Fergana est riche d’un point de vueagricole, mais beaucoup font de l’agriculture de subsistance.L’an dernier la sécheresse a détruit de nombreusesrécoltes et la région est sujette aux glissements de terrainprovenant des montagnes environnantes. En raison dela forme de la vallée, il y a des endroits où la nappe phré-atique est très haute et où toute l’eau d’irrigation s’accu-mule, charriant dans son cours tous les pesticides deschamps de coton et rien ne pousse là. Ces problèmes,auxquels s’ajoute l’effondrement des structures de pro-tection sociale, ont prédisposé la population à des ennuisde santé basiques mais très généralisés. MSF essaie des’attaquer à ces problèmes grâce à ses activités de promotionsanitaire. Au bout du compte, la Fergana n’est pas unerégion aussi riche que les gens ont tendance à le penser.

KVB La vallée de la Fergana traverse l’Ouzbékistan, leTadjikistan et le Kyrgyzstan. L’on dit souvent que s’il yavait un conflit régional en Asie centrale, ce serait ausujet de la vallée de la Fergana. Est-ce correct ?

CTB Bien sûr, les frontières entre ces pays ont des formestrès bizarres et les problèmes frontaliers constituent unfacteur important dans les rapports politiques entre cespays. Il y a eu des incursions armées et les possibilités deconflit sont latentes, mais je dirais que c’est essentielle-ment à cause de conditions structurelles ou internes. Ily a une large population, pas assez de terre pour quechacun puisse faire pousser des vivres et pas assez detravail. L’infrastructure est prête à s’effondrer et denombreux Ouzbeks qui ne sont pas de souche et quiassuraient le personnel du secteur tertiaire, sont repartis.Je citerais les catastrophes naturelles, les disputes pours’approprier les ressources naturelles et les tensionssociales comme étant des risques majeurs. Il est patentque la baisse économique et sociale constitue unepoudrière susceptible d’être allumée par un feu extérieur.Mais, pour le moment du moins, l’État exerce un fermecontrôle généralisé. Ceci maintient la situation au calmemais, au bout du compte, la stabilité doit venir dudéveloppement socio-économique.

KVB D’habitude, les travaux des ONG s’effectuent aumicro niveau. Comment gérez-vous les « macrodimensions » du contexte dans lequel vous travaillez ?Vous engagez-vous au niveau de la politique nationale?

CTB Nous n’essayons pas d’influencer directement lespolitiques de réforme de la santé au niveau national,

30HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Emais nous collaborons étroitement avec nos homologuesnationaux au niveau local et nous espérons leur fournirquelques instruments qu’ils pourront utiliser dans leurfuture mise en œuvre de la politique. Dans la vallée dela Fergana, nous avons un programme extensifd’éducation sanitaire, qui joue un rôle de plus en plusimportant dans le processus de réforme de la santé enpassant de services curatifs au personnel pléthorique àun système de soins de premier secours plus rationnelet plus généralisé.

KVB Même si la santé publique contribue à un meilleurrapport coût–bénéfice, à un moment donné il faut toutde même se pencher sur l’économie globale de la santéet sur le financement global des services médicaux.D’autres organisations travaillent-elles dans ce domaine ?

CTB Oui, les réformes de santé sont soutenues par unprêt de la Banque mondiale pour les lignes decommunications et un investissement en équipement.Tacis contribue à la restructuration du ministère de laSanté et ses branches locales et régionales comprennentl’informatisation des systèmes de données. USAIDfinance une recherche sur la mise en œuvre et unenouvelle formation médicale dans certains projets pilotes,dont l’un est dans la vallée de la Fergana, où toute lastructure sanitaire est en train de subir une transfor-mation complète et où le personnel médical est en train

Koenraad Van Brabant L’Agha Khan est reconnucomme étant le chef spirituel (imam) de la communautéismaélienne et la majorité des Ismaéliens qui se trouventau Tadjikistan vivent dans la région orientale du Gorno-Badakshan. Travaillez-vous spécialement avec lesIsmaéliens ?

Hakim N. Feerasta Eh bien, selon les estimations il yaurait 25 millions d’Ismaéliens à travers le monde. LeTadjikistan est l’un des pays où ils vivent. Mais le Réseaude développement Agha Khan est une organisationlaïque ; elle ne travaille pas seulement pour lacommunauté ismaélienne. Nous opérons dans un cadreéthique qui est inclusif et non exclusif. Nous étudionsbien entendu où nous irons travailler, à cause de latradition de bénévolat qui existe au sein de lacommunauté ismaélienne. Là où nous allons nousessayons de mobiliser les ressources de la communautépour gérer les programmes et les mettre en œuvre. C’estune condition de la participation. Mais une fois quenous avons choisi une région, tous nos programmessont accessibles à tous ceux qui y vivent. À l’heureactuelle, on estime à 210 000 le nombre d’habitants duGorno-Badakshan, mais parmi ceux-ci il y a des

L’optique du développement dans une société aulendemain du conflit

Koenraad Van Brabant en conversation avec Hakim N. Feerasta, Représentant résident,Réseau de développement Agha Khan, Tadjikistan

de recevoir une nouvelle formation pour devenirmédecins de famille ou généralistes. Un système modernede santé devrait être prêt et opérationnel d’ici à 2005.

KVB Quel est l’aspect le plus stimulant de travailler enAsie centrale, et qu’est-ce qui est le plus difficile ?

CTB La chose la plus difficile est la bureaucratie et lemanque d’initiative, même parmi des gens qui ont reçuune éducation supérieure ; l’aspect le plus stimulant estque les gens sont souvent très chaleureux et accueillants.Tout ici se compose de deux niveaux et il faut du tempspour découvrir le niveau inférieur. Les fonctionnairesgouvernementaux peuvent être très sympathiques avecvous, bien qu’ils n’aient aucune intention de vous donnerce dont vous avez besoin. D’autre part, les habitantspeuvent vous offrir une table couverte de vivres maisce que vous ne voyez pas c’est que, peut-être, ils devrontmanger du pain sec pendant deux semaines après car ilsvous ont donné plus qu’ils ne pouvaient se le permettre.Il faut du temps pour savoir ce qui se passe réellementet il faut du temps pour obtenir quoi que ce soit. Maisune fois que vous sentez que vous avez atteint ce niveaude compréhension et d’acceptation, vous vous senteztrès à l’aise et très utile.

Musulmans qui ne sont pas des Ismaéliens et des nonMusulmans. Or il y avait de nombreux Badakshanis etIsmaéliens hors du Badakshan qui sont venus nous voiret qui nous ont dit « voyez, nous sommes aussi dans lebesoin ». Je leur ai répondu : « nous ne travaillons paspour les Badakshanis ou pour les Ismaéliens, noustravaillons au Badakshan ». Nous ne sommes pas uneorganisation religieuse et nous ne travaillons paspurement au bénéfice de la communauté ismaélienne.

KVB J’ai entendu dire qu’il y avait un déficit vivrierstructurel au Gorno-Badakshan. Quels sont les autressujets qui posent des problèmes majeurs ?

HNF Le Tadjikistan était la plus pauvre des républiquessoviétiques et le Gorno-Badakshan était la région laplus pauvre du Tadjikistan. Du temps de l’Union sov-iétique, le Tadjikistan était tributaire d’un point de vueéconomique des ressources provenant de Moscou et leGorno-Badakshan, à son tour, était lourdement tributairede subventions émanant de la capitale, Dushanbe. Toutvenait de l’extérieur. Avec l’effondre-ment de l’Unionsoviétique en 1991, ce soutien a disparu. Puis est arrivéela guerre civile. L’une des premières choses à faire était

Pour en savoir plus sur les travaux de MSF enOuzbékistan, consulter <www.msf.org/aralsea>.

numéro 18 • juillet 2001 31

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

Ed’assurer la survie des populations. Nous avons alorslancé un programme majeur d’assistance humanitaire.Tout d’abord, nous avons envoyé une missiond’évaluation, à l’invitation du gouvernement. Ensuite,nous avons entamé un dialogue avec le gouvernementet avec les populations sur le fait que nous pouvionsfournir une assistance humanitaire mais qu’une telledémarche ne pouvait s’inscrire dans la durée. Et, quiplus est, nous avons déclaré que nous étions convaincusque la région avait les moyens de devenir autosuffisante.Nous avons donc entamé un programme de réformeagricole. Ce programme se concentrait sur trois aspects :la gestion privée de la terre, l’amélioration descontributions et des conseils techniques. Après delongues discussions, les hokamath (maires) sont convenusde privatiser la majeure partie de la terre et nous avonsoffert contributions et conseils. D’une autosuffisanceinférieure à 15 pour cent, l’an dernier, le Gorno-Badakshan dans son ensemble a atteint 90 pour centd’autosuffisance pour la production des denrées de base.Je dis dans son ensemble parce que, étant donné le terrainmoun-tagneux, certaines régions subiront des déficitsvivriers chroniques. Il nous faut étudier comment nouspouvons aider ces localités qui ne sont pas « auto-suffisantes » à produire les revenus nécessaires pourdevenir « sûres d’un point de vue alimentaire ». Nousavons aussi entamé un programme de micro crédit pourrésoudre le problème de l’emploi et des revenus.

Nous avons pour principe d’encourager toute activitééconomique créatrice d’emploi et de revenus. Mais lesgens n’étant pas habitués à travailler dans une économiede marché, ils ne connaissaient pas la planificationcommerciale ni la gestion et tout ce qui va avec. Etdonc, avant d’obtenir un crédit, ils reçoivent uneformation. L’un des premiers prêts que nous avonsaccordés était pour une clinique dentaire privée. Lesystème national de santé ne fonctionnait plus, les gensavaient besoin de traitement dentaire et le dentiste ademandé un crédit. Nous lui avons accordé un prêtmodeste de mise en route qu’il a remboursé en quelquesmois. Il a ensuite contracté un autre prêt pour développerson affaire. D’autres prêts ont servi à créé des bainspublics, des restaurants, un théâtre, des ateliers où l’ontravaille le bois et toutes sortes d’autres choses. Nousnous sommes aussi impliqués dans le secteur del’éducation et nous avons fait des essais avec la formationdes professeurs, l’évolution des programmes scolaires etla gestion des établissements scolaires. Tout ceci esteffectué en dialoguant étroitement avec la communauté.

KVB Des communautés diverses peuvent opter pourdes politiques différentes. Mais en même temps vousavez besoin d’une ligne de conduite commune. Ceciprovoque-t-il des tensions ?

HNF Le système soviétique de santé était curatif etfondé sur l’hôpital. Les soins médicaux étaient aussiassurés gratuitement. Il y avait une grande utilisationinutile des hôpitaux et toute une liste de médicamentsqui, selon nos experts, n’étaient pas indispensables. Ilsse sont donc assis autour d’une table avec lesfonctionnaires du ministère, ils ont étudié la récurrence

des maladies et rationalisé la liste des médicaments. Ilsont également choisi des médicaments génériquesmeilleur marché plutôt que les noms de marque. Puisils ont assuré une formation sur l’usage correct de cesmédicaments. Dans ce contexte, nous avons introduitl’idée d’un fonds renouvelable et nos principes dedécisions communautaires, de gestion communautaireet de recouvrement des coûts. Il leur reste alors à décidercomment ils dépenseront leurs revenus. Les commun-autés ont instauré leur propre système de financement,qui diffère d’un endroit à l’autre, mais les principesd’action sont les mêmes.

KVB Vous avez mentionné plus haut la réforme agricoleet la privatisation des terres. Il s’agit ici typiquement depolitique nationale et pourtant bien des discussionssemblent se dérouler au niveau local. Comment legouvernement central considère-t-il le fait que, dans leGorno-Badakshan, la privatisation est en train de se faire,encouragée par une organisation internationale ?

HNF Nous avons démarré la réforme agricole vers1994. Pendant les deux premières années cela a été trèsdifficile. Mais après, la Banque mondiale et le Fondsmonétaire international sont entrés en jeu et ontcommencé à parler réforme et privatisation. Puis lePrésident lui-même a visité le Gorno-Badakshan. Et, sima mémoire est bonne, c’est en 1996, au cours d’unediscussion au parlement sur la réforme agraire, qu’il adit : « allez voir ce qui se passe au Gorno-Badakshan ».Au début de l’an dernier, une délégation gouverne-mentale de haut niveau s’est rendue au Gorno-Badakshan pour voir comment les choses avaient évoluésur place. Ainsi cela a servi de modèle. Mais les gensdoivent prendre conscience que ce n’est pas une solutionmagique. Des efforts innombrables et une réflexionapprofondie sont à la base de ce programme. C’est uneévolution organique qui doit être internalisée, cela nesaurait se faire sur simple publication d’un décret.

KVB Comment préparez-vous votre personnel ?

HNF Tout d’abord, lors du recrutement nous nousintéressons à la personnalité et à l’inclination. Puis nousenvoyons nos recrues dans le nord du Pakistan pourqu’elles voient le cheminement suivi là-bas. Nous avonsaussi fait venir ici des gens très expérimentés du Pakistan.C’est donc par l’exposition, la formation, le mentorat.Mais le personnel est en majorité recruté sur place. Nousavons un Mountain Societies Development Programmequi est une ONG que nous avons créée ici pour mettreen œuvre le programme de réforme agricole. Bien queses effectifs soient nombreux elle ne compte que troisou quatre expatriés.

En 1996, le gouvernement nous a demandé d’envisagerde travailler dans la Vallée du Karategin, qui est un fiefde l’opposition. Le gouvernement a remarqué que depuisque nous avions commencé notre programme, il n’y avaitpas eu d’incidents de violence importants au Gorno-Badakshan. Ceci est dû au fait que les habitants ont prisconscience que s’il y avait un conflit ou des actes deviolence, ils perdraient ce programme. Nous leur avons

32HUMANITAIREéchange

NO

TE

S

DE

P

RA

TI

QU

E

Le site Internet du Réseau du développement Agha Khanest à <www.akdn.org>.

Références : Ouzbékistan et TadjikistanRoger D. Kangas, Uzbekistan in the Twentieth Century: Political Development and the Evolution of Power [L’Ouzbékistanau XXe siècle : le développement politique et l’évolution du pouvoir] (Londres : Palgrave, 2001)

Human Rights in Uzbekistan [Les droits de l’homme en Ouzbékistan] (Helsinki : Human Rights Watch, 1993)

Tajikistan : Refugee Reintegration and Conflict Prevention [Le Tadjikistan : la réintégration des réfugiés et la préventiondes conflits (New York : Forced Migration Project, Open Society Institute, 1998)

Mhammad Reza Djalili (éd.), Tajikistan: The Trials of Independence [Le Tadjikistan : les épreuves de l’indépendance(Londres : Palgrave, 1998)

Shirin Akiner, Tajikistan: Disintegration or Reconciliation [Le Tadjikistan : désagrégation ou réconciliation] (Londres :Royal Institute of International Affairs, 2001)

Nancy Lubin, Keith Martin et Barnett Rubin, Calming the Ferghana Valley: Development and Dialogue in the Heart ofCentral Asia [Calmer la vallée de la Fergana : développement et dialogue au cœur de l’Asie centrale] (New York :Century Foundation Press, 1999)

Roald Z. Sagdeev et Susan Eisenhower (éds), Central Asia: Conflict, Resolution and Change [Asie centrale : conflit,règlement et changement (Washington DC : Center for Political and Strategic Studies, 1995)

dit clairement que la paix et la stabilité étaient despréalables sans lesquels nous ne pouvions travailler dansleur région. Et ils se rendent compte de ce que le progr-amme leur apporte. Alors, nous sommes allés parler auxpopulations, au gouvernement et à l’opposition dans laVallée du Karategin et nous leur avons expliqué quellesétaient nos conditions pour y travailler. Nous avons invitéquelques habitants de la vallée à passer une semaine auGorno-Badakshan pour apprendre quelque chose ausujet de la privatisation et de la participation commun-autaire. Toujours ces deux mêmes aspects : formation etexposition.

KVB Si des tensions surviennent dans une région oùvous travaillez, votre personnel s’impliquerait-il pouressayer de servir de médiateur et de désamorcer lasituation ?

HNF Si nous sentons que notre intervention pouvaitêtre utile, bien évidemment nous proposerions nosservices. La violence affecte tout le monde et l’un desdesseins de notre programme est de soutenir la paix etde veiller à ce qu’il n’y ait pas de violence.

KVB Plus haut, nous avons discuté le fait qu’il y a desrégions qui continueront à avoir un déficit vivrier etqui, par conséquent, devront se procurer des vivres auprèsde régions qui produisent en excédent. Ceci présupposeque le marché et les échanges commerciaux sontopérationnels. Typiquement, les organisations human-itaires concentrent leurs efforts sur les contributions, ycompris le crédit et la formation, qu’elles peuventdavantage contrôler que le marché. Comment vousassurez-vous que le marché opère au bénéfice de vosprogrammes et des populations que vous aidez ?

HNF C’est vrai, nous apportons des contributions. Maisnous remplissons aussi des fonctions de modérateurs.Nos contributions initiales envers les fermiers ont étéfournies sur la base du troc parce qu’il n’y avait toutsimplement pas d’argent au Gorno-Badakshan. Notrecontribution était en nature et ils nous la rendaient en

nature, avec un pourcentage. Puis, à mesure que l’argentest rentré, nous sommes passés au crédit en numéraire.Nous nous apercevons que lorsqu’il y a de la demandeet de l’argent, le marché se met en route. Les fermierscommencent à acheter au marché plutôt qu’à nous. Ceque nous devons faire, c’est leur fournir des informationscomme, par exemple, le prix des pommes de terre dansdivers endroits, combien d’hectares ont été plantés etainsi de suite, de sorte que les fermiers peuventcommencer à faire quelques projets. En second lieu, lesinstallations comme les marchés et les routes doiventêtre instaurés et c’est pourquoi nous participons audéveloppement de l’infrastructure. Dans le nord duPakistan, par exemple, l’on produit des abricots, des fraiseset des cerises de qualité excellente, qui sont des denréestrès périssables. Alors, nous avons fait des essais de tri etde conditionnement puis de commercialisation. Nousavons amené des gens de cette région à Rawalpindi et àLahore et dans d’autres endroits où se trouvent lesmarchés et nous les avons présentés aux marchands degros. À l’heure actuelle, ils exercent leurs activités sansaucune participation de notre part.

KVB Vous avez mentionné que le bénévolat faisait partiede la philosophie de l’organisation. Étant donné l’étatde l’économie et le pouvoir d’achat très modeste auTadjikistan, comment les gens ici peuvent-ils sepermettre de faire un travail bénévole ?

HNF Ici, c’est vraiment un cas de figure différent. Nousfaisons participer des bénévoles en Inde, au Pakistan eten Afrique orientale. Souvent, nous avons dû créer desservices de santé et d’éducation de toutes pièces. Ici, cesservices existent, et il y a le personnel. Ce que nous devonsfaire est réformer, former de nouveau et « affiner ». Iln’a pas été aussi nécessaire de faire appel à des bénévoles,cependant nous en avons tout de même quelques-uns.Même lorsque les circonstances sont difficiles, l’ontrouve toujours des volontaires prêts à contribuer.

numéro 18 • juillet 2001 33

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

SLES INITIATIVES INSTITUTIONNELLES

L’assistance humanitaire mondiale : tendances etperspectives d’avenir

Comment – et pourquoi – l’aide humanitaire a-t-elle changé au cours de la décennieécoulée ? Nicola Reindorp se penche sur un récent rapport émanant de Development Initia-tives [Initiatives de Développement] qui suggère quelques réponses

Au cours des années 1990, le revenu moyen des pays del’OCDE est passé de 21 000 à 28 000 dollars des États-Unis par an et par habitant. Sur ce montant, un peuplus de 5 dollars par an étaient consacrés à l’assistancehumanitaire. En tant que proportion du PNB, l’assistancehumanitaire des pays de l’OCDE a baissé d’un tiers –soit de 0,03 pour cent à 0,02 pour cent. En 1988, environ45 pour cent de l’assistance humanitaire était donnéeen contributions multilatérales aux Nations unies ; lesdonateurs bilatéraux contrôlaient la moitié de toutel’assistance humanitaire et l’Union européenne cinqpour cent. Une décennie plus tard, les donateursbilatéraux contrôlaient 62 pour cent, l’Unioneuropéenne 11 pour cent et les Nations unies 27 pourcent. La même année, un cinquième de toute l’assistancehumanitaire était consacré à aider les réfugiés et lesdemandeurs d’asile dans les pays donateurs. Une dizainede millions de personnes étaient aidées dans des paysdont le revenu moyen par habitant était inférieur à 8dollars par jour.

Ceci ne représente que quelques-uns des chiffressurprenants cités dans Global Humanitarian Assistance2000, un rapport de Judith Randel et Tony German deDevelopment Initiatives pour le Comité permanentinterorganisations de l’ONU (IASC). L’objectif de cerapport est de faire mieux comprendre quelles sont lestendances en matière de financement et d’achemine-ment de l’assistance humanitaire dans le monde. Avecdes chapitres sur le flux de l’aide d’urgence et les voiesqu’elle emprunte, sur la politique de l’assistancehumanitaire et sa gestion, le rapport associe des données

statistiques à des évaluations qualitatives du secteur. C’estaussi un ouvrage de référence utile, offrant une vued’ensemble sur la façon dont une sélection de donateursmajeurs, dont ECHO et USAID, sont régis et organisés.

Indicateurs qualitatifs et quantitatifsDu point de vue du volume, le rapport montre commentles niveaux d’assistance humanitaire ont fluctué au coursde la décennie écoulée : en 1991, l’aide se chiffrait à 4milliards 600 millions de dollars au total ; trois ans plustard, elle a culminé à 5 milliards 700 millions de dollarset, en 1998, elle a atteint 4 milliards 500 millions dedollars. Dans ce tableau global, le rapport fait aussi étatd’une tendance vers la bilatéralisation de l’assistance telleque les donateurs bilatéraux contrôlent à présent plusde 60 pour cent de l’assistance humanitaire mondialealors qu’au cours des années 1990, la part de l’ONU esttombée de 45 pour cent à 27 pour cent. Bien que levolume d’aide contrôlé par l’ONU se soit accru de 32pour cent en termes réels, celui de la Commissioneuropéenne a quintuplé, tandis que les budgets desdonateurs bilatéraux ont plus que triplé, passant de moinsde 1 milliard de dollars au commencement de ladécennie à 3 milliards de dollars à la fin. La mise decôté aussi a augmenté et ce, d’un tiers au cours des troisdernières années.

Par opposition au resserrement des revenus ressenti parles organismes des Nations unies, les ONG ont été unevoie privilégiée pour l’acheminement de l’aide pendanttoute la décennie. Dès la fin des années 1990, la plupartdes pays de l’OCDE déboursaient au moins un quart

Commission européenne[11%]

Organismes desNations unies

[27%]

Commission européenne[5%]

APD multilatérale pour les situationsd’urgence en 1988

APD multilatérale pour les situationsd’urgence en 1998

Organismes desNations unies

[45%]APD

bilatérale[50%]

APDbilatérale

[62%]

Source: Statistiques d’OECD DAC

34HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

Sde leur assistance d’urgence par le truchement des ONG.Certains donateurs ont montré une forte hausse duvolume de leur assistance qui empruntait cette voie : aumilieu des années 1990, 45 pour cent du budgetd’ECHO était dépensé par l’intermédiaire des ONG;en 1998, ceci dépassait les 62 pour cent. Même la Suède,résolument multilatéraliste, a vu augmenter lepourcentage de l’aide qu’elle alloue par le biais des ONG,de 11 pour cent en 1997 à 28 pour cent en 1998. Iln’en reste pas moins qu’il y a des exceptions : les dépensesde la Grande-Bretagne à travers ses ONG pour lessecours dans les situations d’urgence ont baissé dequelque 60 pour cent, de 59 millions de livres sterling(soit près de 92 millions dedollars) en 1995–96 à 24 mill-ions de livres sterling (soit40 millions de dollars) en1998–99. Aux États-Unis, letableau est compliqué par ladistinction entre les ONG, quisont classées comme étant desentités internationales à but nonlucratif et les Organisationsprivées de bénévoles (OPB) qui sont vaguement définiescomme étant des « organi-sations américaines ». Enmoyenne, 75 pour cent des allocations d’aide des États-Unis ont été assignés aux ONG et aux OPB dans lesannées 1990, mais en 1996–97, les ONG n’ont reçuque 13 pour cent de l’argent dépensé et les OPB 58pour cent.

Se penchant sur les principes généraux et la politique àl’origine de cette situation, Randel et Germanremarquent l’élan de la part des donateurs vers desapproches mieux intégrées et les demandes plus grandesqui pèsent sur le personnel humanitaire et sur les budgetshumanitaires. Les auteurs ont aussi exprimé une certaineinquiétude devant le fait que de nombreux paysvulnérables étaient exclus d’une aide au développementà long terme en conséquence des politiques d’obligationde résultats (comme l’illustre un point sur les objectifsdu CAD) et une tendance à favoriser les pays qui avaientune « bonne politique ». Le rapport présente des preuvesde cette hausse du ciblage et du dirigisme parmi lesdonateurs officiels. Ceci se manifeste dans la plus grandedemande d’analyses de cadre logique, d’une gestionfondée sur les résultats et d’autres mesures de ciblage.Ce phénomène est aussi présent dans la proximité plusgrande des donateurs aux opérations humanitaires etdans leur plus grande négligence de ces mêmesopérations.

Le rapport suit aussi la progression des changementsdans les régimes contractuels et les modifications desrapports stratégiques entre donateurs et bénéficiaires.Les exemples cités comprennent les partenariats britann-iques avec les principales institutions multilatérales tellesque le HCR, le PAM et le CICR, l’accord-cadre departenariat (ACP) d’ECHO et les discussions au sujetd’un « accord collectif » entre l’ONU et ECHO.

Comme contrepoint à leur analyse de la hausse dudirigisme et de la surveillance des donateurs, German etRandel suggèrent que, là où ces rapports se caractérisentpar des systèmes plus transparents de gestion des fondsreposant sur une planification à long terme, ces rapportsstratégiques modèrent le contrôle bilatéral exercé sur lefinancement.

Mesurer le besoin humanitaireUne question plus profonde se trouve au cœur de cerapport, à savoir comment mesurer les besoinshumanitaires. Si l’une des utilisations des donnéesprésentées par Randel et German est d’évaluer dans

quelle mesure sont satisfaits lesbesoins des populations quisouffrent en raison de violentsconflits ou de catastrophes, lerapport se contente de présenterles estimations disponibles quantau déplacement et au nombre desinistrés affectés par les calamités.Établir ce qui constitue unbesoin humanitaire, et en me-

surer l’étendue, constituent des tâches essentielles si nousvoulons évaluer l’efficacité de l’action humanitairemondiale.

Ceci dit, cet ouvrage demeure une référenceindispensable pour les données de même qu’une analysefascinante qui tente de rendre intelligibles les tendancesen matière d’action et de pratique humanitaires. Del’admission même du rapport, il demeure des lacunes,en particulier (et pas des moindres) l’ampleur del’assistance fournie par les communautés et les payssinistrés eux-mêmes. Néanmoins, parvenir à une telleclarté et à une telle minutie en partant de donnéesopaques, dispersées et partiales n’est pas une mince affaire.Dans l’introduction du rapport il est dit que cette étudeest la première de la série d’études ciblées prévue parl’IASC sur les flux d’aide humanitaire. L’avenir de cettesérie sera à surveiller. Nous avons encore des choses àapprendre si le monde veut comprendre à quel pointsont satisfaits les droits à l’assistance et à la protectiondes populations affectées par les catastrophes et par leconflit.

Nicola Reindorp est chercheur pour le HumanitarianPolicy Group de l’ODI.

Global Humanitarian Assistance 2000 a été publié en mai2000 par le Comité permanent interorganisations, Bureaude coordination des affaires humanitaires (BCAH), Genève.S’adresser au BCAH au Palais des Nations, 1211 Genève10, Suisse, Tél. : (41) 22 917 1234, Fax (41) 22 917 0023,email <[email protected]>.

Les statistiques du CAD sont disponibles à <www.oecd. org.dac>.

Bien que le volume d’aide contrôlé parl’ONU se soit accru de 32 pour cent en

termes réels, celui de la Commissioneuropéenne a quintuplé, tandis que les

budgets des donateurs bilatéraux ont plusque triplé

numéro 18 • juillet 2001 35

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

S

Bien qu’il s’agisse d’un phénomène encore relativementrécent et encore relativement modeste en volume, l’aidehumanitaire espagnole a connu une couverturemédiatique et un poids politique sans précédent. À lasuite de l’ouragan Mitch en 1998, les dons à l’adressedes ONG ont atteint plus de 180 millions de dollarsalors que les Espagnols ont répondu présents en raisonde leur liens historiques et culturels étroits avecl’Amérique centrale. Cet événement, auquel s’ajoute laréaction face à la crise du Kosovo de 1999, a amené legouvernement à s’intéresser de beaucoup plus près àl’assistance humanitaire et à renforcer ses programmesd’aide. En même temps, cependant, l’aide est devenueun instrument beaucoup plus visible de la politiqueétrangère espagnole et sa politisation n’a cessé de croître.Pendant la crise du Kosovo, par exemple, le gouverne-ment s’est servi d’une rhétorique humanitaire pourappuyer son implication et la ligne de démarcation entreles aspects militaire et humanitaire de la crise était floue.

Les débuts de l’aide humanitaire espagnoleofficielleL’aide publique au développement (APD), y comprisl’assistance humanitaire, a commencé dans les années1980. Depuis 1988, la coordination est entre les mainsde l’Agence espagnole de coopération internationale(AECI) au sein du ministère des Affaires étrangères(certains instruments d’aide tels que les crédits bonifiéssont sous le contrôle du ministère de l’Économie). LaLoi sur la coopération au développement international,votée en juillet 1998, a instauré une base solide pourl’aide au développement en général, y compris l’aidehumanitaire. Il est prévu de désigner des domaines

Examen critique de l’aide humanitaire espagnole

L’aide humanitaire espagnole est relativement nouvelle, relativement modeste et ses objectifssont relativement limités. Dans cet article, Karlos Pérez de Armiño et Francisco Rey jettentun œil critique sur les événements récents et tracent point par point les tendances futures

prioritaires et la réforme de la structure de l’aideoutremer, dont les critères de l’aide humanitaire et lesstratégies connexes, est en cours.

Comparé à d’autres formes d’aide, le financement publicpour l’assistance humanitaire a été relativement modesteet il n’a pas occupé une place importante dans lesdiscussions gouvernementales sur la conception globalede la coopération au développement. Le niveau definancement pour l’aide humanitaire est parmi les plusmodestes des membres du Comité d’aide au développe-ment (CAD) de l’OCDE. En moyenne, la proportiond’aide totale étrangère réservée à l’assistance humanitairese situe à deux pour cent, en comparaison avec unemoyenne du CAD de sept pour cent.

L’assistance espagnole au développement a traditionelle-ment consisté en crédits liés à des intérêts commerciaux,impliquant que l’aide sans aucun type de rendementfinancier, à l’instar de l’assistance humanitaire, n’étaitpas une priorité. Par ailleurs, nombre de crises et desituations d’urgence complexes des années 1980 et 1990ont eu lieu dans des régions jugées d’importancemarginale pour les intérêts espagnols en matière depolitique étrangère. Ce n’est que dans le cas de la criseyougoslave que l’Espagne a fait preuve d’une certainecapacité d’intervention humanitaire, associée à uneprésence de plus en plus grande au sein des forcesmilitaires de l’ONU. Néanmoins, les contributions auxorganisations multilatérales comme le HCR ou le PAMsont limitées ; en 1999, la contribution espagnolelibrement consentie au HCR était de 3,15 millions dedollars, plaçant ce pays au seizième rang des donateurs,

Assistance humanitaire espagnole officielle, 1991–1998 (en millions de dollars)

Source: Comité d’aide au développement

1991 8.8

1992 6

1993 17

1994 14

1995 44

1996 26

1997 22

1998 31

36HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

Set celle au PAM de 1,68 million de dollars, soit la dix-neuvième contr ibution la plus importante. Parcomparaison, les États-Unis, le contributeur le plusimportant au PAM et au HCR, ont donné 452 millionsde dollars et 254 millions de dollars respectivement.

Il y a aussi des lacunes au niveau des institutions. L’Unitéd’aide humanitaire n’a guère d’influence au sein del’AECI et elle ne dispose que de peu de personnelexpérimenté et ayant reçu une bonne formation. Sesprocédures de gestion sont lentes et manquent desouplesse et elle ne possède pas ses propres moyenslogistiques. Bien au contraire, elle compte sur celles del’armée ou des ONG. La coordination entre l’AECI etles autres ministères, de même qu’entre l’AECI et lesONG, est insuffisante.

L’aide humanitaire gouvernementale n’a ni stratégiecohérente, ni objectifs clairs, ni critères ni politiquesbien définies. Faute de programmes stables, à long terme,l’assistance a tendance à réagir aux événements et à êtrefortement sensible à la pression qu’exercent les médiaset les hommes politiques. L’accent est sur uneintervention à court terme face à la crise : envoi d’uneaide d’urgence et d’une assistance médicale d’une part,et secours aux sinistrés de l’autre. Les tâches telles quela prévention des conflits et la médiation, la consolidationde la paix et le renforcement des capacités locales dansles pays cibles ou encore les efforts visant à lier uneassistance d’urgence à un développement ou à uneréhabilitation à long terme, ne sont absolument pas àl’ordre du jour. Les expériences dans ce domaine d’autrespays donateurs comme le RU et la Suède n’ont pas étéincorporées dans l’aide espagnole. Le rôle de l’aidehumanitaire par rapport à d’autres instruments d’aiden’est pas clair. L’Espagne joue seulement un rôle limitédans des instances internationales tels que le CAD oul’Union européenne. (Paradoxalement, le gouvernementespagnol a approuvé une étude sur les coûts de laparticipation militaire espagnole aux opérations de paixpour évaluer s’ils figuraient dans le cadre de l’APD ;ceci est expressément interdit par le CAD.)

Les autres acteurs : les ONG et les instancesparaétatiquesLe niveau d’aide humanitaire donnée par les ONGespagnoles s’est sensiblement accru au cours des années1990. Selon l’instance de coordination appelléeCoordinadora de ONG para el desarrollo, en 1995 lefinancement pour les ONG se situait à 180 millions dedollars, dont 28 millions étaient en aide humanitaire.Dès 1998, ce chiffre avait plus que doublé pour atteindre400 millions de dollars, dont 58,5 millions en assistancehumanitaire. De nouvelles organisations sont apparues,des ONG internationales se sont établies en Espagne etdes ONG qui avaient centré leurs activités sur ledéveloppement ont commencé à s’intéresser à desobjectifs humanitaires. Cette évolution était due enpartie à de nouvelles possibilités de financement demême qu’à une hausse des dons et du soutien de l’UEpar le biais d’ECHO. En 1998, les ONG espagnolesont reçu plus de 30 millions de dollars d’ECHO, soit lequatrième total national après la France, l’Italie et le

RU. Les dons publics suite à l’ouragan Mitch étaientdeux fois et demie plus élevés que les fonds assignés à lacrise par l’AECI.

L’une des caractéristiques particulières de la coopérationespagnole est sa nature décentralisée, grâce auxcommunautés autonomes, provinces et administrationslocales du pays. De 1995 à 1998, ces entités ontreprésenté 40 pour cent de toute l’aide humanitaireespagnole, excédant la contribution du gouvernementcentral. Une assistance décentralisée présente desavantages en ce sens qu’il n’y a pas de dons à rembourserou de crédits, que les fonds sont canalisés parl’intermédiaire des ONG plutôt que par celui de labureaucratie centrale et que moins de contraintescommerciales ou de politique étrangère leur sontrattachées. Cette aide a tendance à être orientée versdes régions ou des groupes non visés par l’assistancecentrale, à l’instar des réfugiés en Algérie, des Kurdesou de l’Iraq. Du côté des inconvénients, cette formed’aide manque d’une vision stratégique et il existe desproblèmes de coordination en raison du fait que lespriorités diffèrent d’une région à l’autre ainsi que pourdes raisons historiques et politiques.

Malgré leur nombre de plus en plus grand etl’augmentation de leur financement, les ONGespagnoles demeurent relativement faibles encomparaison de celles des autres pays européens.Nombre d’entre elles comptent sur le financementgouvernemental et sur les dons privés pour une crisespécifique. En règle générale, les niveaux de formationont tendance à être inférieurs à ceux des autres payseuropéens et la connaissance des débats et initiativesqui existent dans le domaine humanitaire – le débat sur« D’abord ne nuis pas » ou sur Sphere, par exemple –n’est pas très répandue. Par conséquent, certaines ONGont un concept relativement limité de l’actionhumanitaire, se concentrant sur des interventions desoutien après l’événement et à court terme. Danscertaines ONG qui s’occupent du développement, àl’instar de la Coordinadora de ONG para el desarrollo,l’assistance humanitaire est considérée d’un œil critique.

L’arméeLes troupes espagnoles prennent part aux opérations demaintien de la paix des Nations unies depuis les années1980 et l’armée espagnole est devenue un participantimportant des interventions d’urgence. En 1998, lorsde la première opération d’urgence de grande enverguredu pays, un millier de soldats, quatorze avions et troisnavires ont été mobilisés pour faire face auxconséquences de l’ouragan Mitch. En 1999, les troupesespagnoles ont participé à la construction de camps deréfugiés et à l’acheminement des secours au Kosovo et,en 2000, les troupes espagnoles ont transporté l’aide etmis sur pied un hôpital au Mozambique qui était dévastépar les inondations.

Cette participation militaire accrue est le résultat enpartie de facteurs externes, parmi lesquels la nouvelledoctr ine de l’OTAN en matière de sécurité etl’élargissement des responsabilités de l’Union

numéro 18 • juillet 2001 37

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

Seuropéenne occidentale pour inclure les missionshumanitaires militaires. Mais il y a aussi des influencespolitiques nationales : le manque de capacité logistiquede l’AECI, la volonté politique d’accroître la présencemilitaire internationale espagnole et la nécessitéd’améliorer l’image de l’armée dans le pays après Franco.Étant donné l’abolition de la conscription, l’armée abesoin de se montrer sous le jour d’une optionprofessionnelle attrayante.

La militarisation de l’assistance humanitaire a rencontréles objections de plusieurs ONG espagnoles et de vastespans du public espagnol ; les ONG ont refusé la requêtedu gouvernement leur demandant d’assister à une parademarquant la Journée des Forces armées à Barcelone enmai 2000, par exemple. En outre, la participation militaireaux opérations humanitaires est inefficace et trèsonéreuse : à titre indicatif, un camp de réfugiés construitpar les troupes espagnoles à Hammallaj en Albanie acoûté plus de 16 000 dollars pour chacun des 2250réfugiés hébergés et n’est resté ouvert que pour deuxmois seulement.

ConclusionL’aide humanitaire gouvernementale est relativementmodeste et se politise de plus en plus. Les ONGhumanitaires espagnoles ont accru leur capacité grâceau financement provenant d’ECHO, des institutionsparaétatiques et du public espagnol. Mais dans les deuxcas, il manque une certaine capacité technique et unereflexion conceptuelle ce qui rend délicat l’élaboration

Pour de plus amples renseignements sur l’aide humanitaireespagnole, voir le site Internet de l’Agence espagnole pourla coopération internationale : <www.aeci.es>

des stratégies et des critères d’assistance humanitaire.Dans ce domaine, l’éducation serait utile et les cursusuniversitaires sur le développement et sur l’actionhumanitaire, assortis d’une participation plus importanteaux instances internationales, relèvent les normes etaugmentent la sensibilisation. Après des annéesd’isolement, l’Espagne d’aujourd’hui possède un cadreinstitutionnel, politique et administratif capable desoutenir une aide politique plus engagée. Il existe unconsensus puissant en faveur de la hausse de l’aideespagnole et, pour la première fois, l’Espagne a lapossibilité de jouer un rôle important dans les domainesdu développement et de l’humanitaire. Il n’empêche, ily a un risque de confusion entre les visées humanitaireset les fins politiques et sécuritaires. Il y a donc grandbesoin de clarifier le rôle de l’aide espagnole dans unmonde de plus en plus complexe.

Karlos Pérez de Armiño est professeur associé en rela-tions internationales à l’Université du pays Basque etchercheur à l’Institut d’études sur le développement etla coopération internationale de Bilbao.

Francisco Rey est chercheur au Centre de recherche surla paix (CIP) de Madrid et membre de l’Institut sur lesconflicts et l’action humanitaire (ICAH). Il travaille pourla Croix-Rouge espagnole.

Préparatifs de paix et de développement : laproposition de Facilité de redressement stratégiqueShepard Forman et Stewart Patrick plaident en faveur d’un nouveau mécanisme pour ex-ploiter et coordonner l’appui des donateurs vers les pays qui se redressent au lendemaind’un conflit

Au cours des années 1990, la communauté internationaledes donateurs a promis une aide dont la valeur dépassaitune centaine de milliards de dollars à environ troisdouzaines de pays qui se redressaient au lendemain d’unconflit. Ces ressources financières et matérielles étaientdestinées à persuader les parties belligérantes à réglerles conflits pacifiquement et à jeter les fondements d’unetransition durable vers une croissance économique etun gouvernement participatif. Il y a eu des réussitesremarquables – au Mozambique, en Namibie, auSalvador et au Guatemala, par exemple – mais ceux-ciconstituent l’exception, plutôt que la règle. La Somalie,la Sierra Leone, le Burundi, le Rwanda, la Républiquedémocratique du Congo, la Bosnie, le Kosovo et leTimor oriental montrent de façon saisissante les coûtset les carences des arrangements actuels. Souvent, l’aidepromise n’a pas été attribuée, l’aide attribuée n’a pas étélivrée et l’aide livrée est arrivée trop tard et a été adaptéeaux intérêts des donateurs plutôt qu’à ceux des besoinslocaux. Par ailleurs, la planification et la mise en œuvre

de l’aide à la reconstruction ont fréquemment souffertd’une préparation insuffisante, d’une coordinationmédiocre et d’une conditionnalité inconsistante. Unnouveau mécanisme doit être mis en place pour garantirune réponse opportune et efficace aux besoins dessociétés qui se redressent au lendemain d’un conflit.

Les dimensions du défiLes donateurs continuent à se démener pour ajuster lescapacités humanitaires et de développement afin derépondre aux besoins transitoires des sociétés qui sortentde la guerre. Les ressources ont été limitées par desrestr ictions budgétaires et par une désillusiongrandissante relative à l’aide étrangère dans les paysdonateurs, alors qu’une forte proportion de l’aidepromise par la communauté internationale arriveseulement après des délais considérables. Dans le cas duCambodge, par exemple, sur les 880 millions de dollarspromis en juin 1992 lors de la Conférence sur laréhabilitation et la reconstruction, seuls 200 millions de

38HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

Sdollars avaient été déboursés en septembre 1993 etseulement 460 millions de dollars avant la fin de 1995.

Les explications conventionnelles pour les promessesde dons non tenues ou les retards survenus dans lafourniture de l’aide ont tendance à être unitalétarales,reflétant de façon disproportionnée les points de vuesoit des donateurs soit des bénéficiaires. En fait, ce sontles deux côtés qui partagent la responsabilité des carencesen ce qui concerne la conception, l’acheminement etla mise en œuvre de l’aide. Du côté de la « demande »,les États qui se redressent au lendemain d’un conflitn’ont souvent pas la capacité d’absorber les sommesconsidérables en jeu et ils ne possèdent pas les structuresadministratives requises pour concevoir et mettre enœuvre des plans détaillés de redressement. L’insuffisancedes ressources humaines, l’immaturité des institutionspolitiques, le sous-développement des cadres juridiques,une transparence limitée et des disputes internescontinuelles (ou résurgentes) sapent la bonnegouvernance et encouragent la corruption. Par ailleurs,il n’est pas rare que les bénéficiaires ne satisfassent pasaux conditions établies par la Banque mondiale, le FMI,les organismes des Nations unies ou les donateurs del’OCDE.

Du côté de l’« offre », les généreuses promesses de donsannoncées lors de conférences multilatérales risquenten réalité de n’être guère plus que des fondsprécédemment engagés et présentés sous un jourdifférent à des fins politiques. Plutôt que de répondre àdes besoins objectifs de redressement, les gouvernementsdonateurs conçoivent par moment des enveloppes d’aidequi reflètent leurs propres intérêts politiques ou ceuxde leur prestataires nationaux de service. Même lorsqueles fonds sont mobilisés, une coordination médiocreparmi les donateurs – et avec les gouvernementsbénéficiaires et les ONG – risque de se solder par desefforts faisant double emploi ou même contradictoires,des ressources attribuées à tort et des projets inopportuns.Les retards peuvent être aggravés par des formalitésbureaucratiques interminables, des examens législatifsprolongés et de lourdes procédures d’achat public. Danscertains cas d’espèce, les initiatives multilatérales deconsolidation de la paix sont entrées en collision avecles programmes d’ajustement structurel lancés par lesinstitutions financières internationales.

Bien que les donateurs aient essayé de formuler desprincipes et des meilleures pratiques communs, lesoutien venant de l’extérieur pour le redressement aulendemain du conflit demeure une entreprise librementconsentie et essentiellement ponctuelle. Les donateursbilatéraux, les organismes des Nations unies et lesinstitutions financières internationales sont tendancieuxdans leur implication dans certains pays, ils réinvententdes structures de coordination d’un cas à l’autre etsouvent ils ne s’accordent pas sur la répartition du travailet le partage du fardeau. Les donateurs bilatéraux onttendance à faire une distinction entre les pays en crise,leur niveau d’engagement reflètant un mélange d’intérêtspolitiques humanitaires, économiques, diplomatiques,stratégiques et nationaux.

Les donateurs bilatéraux et multilatéraux doivent releverun certain nombre de défis s’ils veulent améliorer lacoordination et les effets de l’assistance au redressement.Ils ont besoin d’instaurer un cadre conceptuel communet une approche intégrée aux premiers stades deredressement après conflit, y compris une évaluationconjointe des besoins. Il leur faut faire participer lesprincipaux acteurs locaux à la planification et à la miseen œuvre des programmes et garantir un dégagementrapide du financement adapté pour les programmes quiengendreront une paix durable. Finalement, lacommunauté des donateurs doit introduire une plusgrande obligation de rendre compte et une plus grandetransparence dans l’acheminement et la mise en œuvrede l’aide. Un système standardisé de surveillance et desuivi des promesses de dons, des engagements et desdéboursements, de même que des instrumentsanalytiques plus pointus pour évaluer les effets de l’aide,renforceraient la confiance en l’assistance internationale.

La Facilité de redressement stratégiqueLes sociétés qui émergent d’un conflit doivent faire faceà un vide important en matière de soutien essentiel auprogramme à mesure que les secours d’urgencecommencent à se réduire progressivement et que l’aideà la reconstruction à plus long terme demeure au stadede planification. Il s’agit d’une période critique au coursde laquelle doivent être instaurées les bases d’une paixet d’un développement durables. Pour ce faire, il fautune stratégie cohérente et commune qui implique lesacteurs locaux et internationaux, qui comprenne uneévaluation rapide des conditions locales et qui rassembleles ressources nécessaires pour entreprendre des activitésimmédiates de consolidation de la paix. Mais les missionsd’évaluation ont tendance à se concentrer sur uneénumération des besoins du point de vue del’infrastructure et des besoins des populations, en netenant aucun compte des conditions politiques et socialesessentielles qui provoquent des crises et qui déterminentla possibilité de redressement et de durabilité.

Pour résoudre ce problème et garantir que la commun-auté internationale soit prête à favoriser une réponseopportune et efficace, le Centre de coopération inter-nationale situé à l’Université de New York a recommandéla création d’une Facilité de redressement stratégique(SRF). La facilité proposée rapprocheraient les acteurslocaux et internationaux pour faire démarrer le processusde redressement et veiller à ce que les ressources soientdisponibles pour financer les éléments essentiels à laconsolidation de la paix dans les 12 à 18 premiers moisde redressement au lendemain du conflit qui sontcritiques jusqu’à ce que l’aide au développement à pluslong terme et les investissements directs privés entrenten lice. Cette facilité aurait un accès immédiat auxcompétences nécessaires pour entreprendre desévaluations rapides et concevoir des programmes ainsiqu’aux ressources nécessaires pour les mettre en œuvre.

StructureLa SRF ne vise pas à être une nouvelle agence inter-nationale. Bien au contraire, elle est conçue comme étantun mécanisme modérateur. Ses membres se composent

numéro 18 • juillet 2001 39

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

Sdes organisations de base du système des Nations unies,dont les institutions de Bretton Woods, les organisationsrégionales, les organisations bilatérales contributrices etles ONG opérationnelles clefs. Ces membres constit-ueraient la branche opérationnelle de la facilité, dont lamission primordiale serait de garantir une réponseopportune et efficace de terrain. L’idée est de rapprocherles organisations clefs de financement et les agencesopérationnelles autour d’un ordre du jour et d’unprogramme d’action communs qui amélioreront lescapacités individuelles d’intervention de chaqueorganisation participante.

Un conseil d’administration sélectionné parmi les hautsresponsables des organisations membres serait chargé del’administration de la SRF. Il pourrait inclure desindividus tirés du secteur privé. Dans l’idéal, il serait co-présidé par le président de la Banque mondiale et leSecrétaire général des Nations unies pour indiquer leurattachement à une collaboration efficace sur le terrain etaux sièges. Un personnel réduit gérerait la SRF,maintenant un « œil vigilant » sur les conflits et convoquantles organisations membres pour organiser l’inter-ventionlorsque les circonstances sembleraient appro-priées. Ilorganiserait aussi des sessions de formation conjointespour le personnel opérationnel des organismes adhérentset maintiendrait des tableaux de service des experts dansdes domaines divers dont on sait qu’ils sont essentiels auredressement au lendemain d’un conflit.

Suivant les orientations du Conseil d’administation, laSRF instaurerait un cadre conceptuel commun et uneapproche intégrée aux premiers stades de redressementau lendemain du conflit, elle évaluerait les risques et lespossibilités et préparerait des plans d’interventiond’urgence pour des réponses diverses aux conflits encours. Le personnel de la SRF identifierait des« événements déclencheurs », tels que le retour desréfugiés, qui justifient le commencement d’une assistanceau redressement et la SRF serait l’autorité chargéed’amorcer une action, sur les conseils des membres de lafacilité. Parmi ses fonctions elle serait responsabled’organiser des évaluations conjointes des besoins,d’œuvrer avec les autres organisations pour identifier lespartenaires locaux et veiller à ce qu’ils participentpleinement à tous les stades du processus de redressement.Au cas par cas, la SRF identifierait les actions quinécessitent un soutien immédiat, se concentrant enparticulier sur celles qui renforcent la capacité locale àmaintenir la paix et le développement à plus long terme.Ses objectifs supplémentaires couvriraient notammentla création de partenariats fonctionnels public–privé, lerenforcement des mécanismes de collaboration et uneapproche commune face à l’évaluation, à l’apprentissageet à la formation. Finalement, la SRF contribuerait àinstaurer des mécanismes de financement au niveau dupays pour des activités en cours et à plus long terme, envue de s’effacer peu à peu à mesure que l’équipe du payset la capacité locale prendraient la relève.

Le financementLa SRF est conçue pour assurer un investissement rapidedans les activités nécessaires pour assurer la paix et

promouvoir le développement. L’investissement requisafin d’atteindre un niveau suffisant de planificationpréalable pour une intervention rapide est modeste encomparaison des coûts des possibilités perdues – demême que des dépenses prolongées – que la commun-auté internationale continuera à assumer faute d’uneaction opportune. Afin d’opérer de manière efficace, laSRF exigera des dépenses de base modestes, des fondsd’affectation spéciale pour deux à trois évaluations deterrain par an, et un fond « relais » plus important pourles activités essentielles qui ne s’inscrivent pas dans lecadre des programmes actuels d’aide d’urgence et dedéveloppement. Ces fonds essentiels devraient couvrirles coûts du personnel, le suivi de la situation, l’évaluationdes besoins et les réunions de planification. Ces coûtspourraient être réglés par des contributions en liquideou en nature émanant des membres, de même que grâceà des subventions provenant de donateurs publics etprivés. Les fonds d’affectation spéciale seraient utiliséspour permettre à des experts non dotés du statutd’adhérents de participer aux évaluations des besoins etpour faciliter la participation d’acteurs locaux à laplanification et à la mise en œuvre des programmes. Lesfonds de relais seraient disponibles pour une durée allantjusqu’à 18 mois pour les besoins de redressementimmédiat, à court terme, qui dépassent les limites dessecours d’urgence et de la réhabilitation pour s’intéresser

RéférencesPour une évaluation complète du soutien des donateurspour la reconstruction, voir Shepard Forman et StewartPatrick (éds), Good Intentions: Pledges of Aid for Post-Conflict Recovery [Bonnes intentions : Promesses de donsen aide au redressement au lendemain du conflit] (Boulder,CO : Lynne Rienner, 2000)

Voir aussi :Michael Renner, Budgeting for Disarmament: The Costs ofWar and Peace [Prévoir un budget pour le désarmement :les coûts de la guerre et de la paix] (Washington DC :Worldwatch Paper 122, novembre 1994)

James K. Boyce, Political Conditionality and theImplementation of Peace Settlements [La conditionalitépolitique et la mise en œuvre des règlements de paix](Oxford : Oxford University Press pour le InternationalInstitute for Strategic Studies, à paraître 2001)

Krishna Kumar, ‘The Nature and Focus of InternationalAssistance for Rebuilding War-Torn Societies’ [La nature etle pôle de l’assistance internationale pour reconstruire lessociétés déchirées par la guerre], dans Krishna Kumar (ed.),

Rebuilding Societies after Civil War: Critical Roles forInternational Assistance [Reconstruire les sociétés après laguerre civile : rôles critiques pour l’assistance inter-nationale] (Boulder, CO: Lynne Rienner, 1997)

David J. Rothkopf, The Price of Peace: Emergency EconomicIntervention and US Foreign Policy [Le prix de la paix :intervention économique d’urgence et politique étrangèreaméricaine] (Washington DC : Carnegie Endowment forInternational Peace, 1998)

40HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

S

En janvier 2001, quelque 38 000 militaires et civilsétaient déployés dans 15 missions de maintien de lapaix de l’ONU dans le monde entier, du Saharaoccidental au Timor oriental. Entre juillet 2000 et juin2001, les Nations unies auront dépensé près de 3 milliardsde dollars en opérations de paix. Mais à quel effet ?L’opération de paix la plus vaste du monde – la missionen Sierra Leone comptant 13 000 casques bleus – n’apas réussi, à l’évidence, à mettre un terme à la violencedans le pays ; les opérations au Rwanda n’ont rien faitpour empêcher le génocide et les soldats de la paix dansles Balkans se sont trouvés impuissants à défendre deszones dites « sûres » contre les attaques serbes. Même làoù les opérations ont été jugées un succès, comme auCambodge par exemple, la menace d’instabilité, derenouveau du conflit et de violations des droits del’homme est toujours présente.

L’échec des soldats de la paix à maintenir la paix, faitgénéralement reconnu, a donné lieu au Rapport du

Le rapport Brahimi : la politisation de l’humanitarisme ?

Le personnel du HPN s’exprime sur ce que signifie le rapport Brahimi pour les organismesd’aide humanitaire

à ces exigences critiques de consolidation de la paixqui, à l’heure actuelle, sont laissées pour compte pendantcette période.

Et ensuite ?Trois questions ont tendance à revenir régulièrementeu égard à la SRF :

� pourquoi créer un autre niveau de bureaucratie ? � comment une amélioration de la coordination sera-

t-elle assurée dans ce cas alors que dans tous les autreselle a tendance à échouer ?

� et les donateurs vont-ils verser de l’argent dans unnouveau fonds en fidéicommis ?

Les réponses sont dans une certaine mesure anticipéesdans la structure de conception de la Facilité. Toutd’abord, elle n’a pas vocation à être une autre organi-sation bureaucratique mais un mécanisme modérateur« inférieur » de taille modeste pour assurer uneintervention de terrain efficace. Ensuite, un financementmis en commun encourage la coordination d’unemanière que l’exhortation et les meilleures intentionsne sauraient faire. Enfin, le « fonds de relais » pour lamise en œuvre du programme sera promis sur une base« prévisionnelle », pour être débloqué sur le terrain dèsréception d’un plan d’action agréé.

Mis à part ces questions et mis à part l’inquiétude qu’ontcertains responsables géographiques de secteur et de payseu égard au partage de l’autorité et des ressources, laproposition de la SRF a joui d’une réponse en généralpositive au sein des organismes des Nations unies et

parmi les ONG essentielles. Elle a reçu une promessede dons de 5 millions de dollars de soutien corres-pondant du Département br itannique pour leDéveloppement international. Cette promesse de donsest soumise à plusieurs conditions, à savoir que la facilitédemeure modeste, souple et libre de bureaucratie, qu’elletire profit de la technologie la plus moderne pourpoursuivre ses objectifs et qu’elle jouisse d’un soutiengénéral. La proposition est actuellement à l’étude parplusieurs autres donateurs bilatéraux.

Il est à présent temps de passer au stade suivant de laplanification et de la mise en œuvre. Ayant ceci en tête,le Centre est en train d’organiser une réuniond’organisations multilatérales, régionales, bilatérales etnon gouvernementales pour adopter les mesuresnécessaires afin de rendre la SRF opérationnelle. Lorsde cette réunion, nous espérons détailler encoredavantage la conception et les fonctions de la SRF etchoisir un ou deux cas pour lancer notre action. Nousestimons que la SRF détient des promesses considérablespour résoudre le problème épineux de savoir commentintervenir de façon opportune dans les situations decrise afin de jeter les bases d’une paix durable et d’undéveloppement soutenu.

Shepard Forman est directeur du Centre de Coopérationinternationale (CIC), Université de New York.

Stewart Patrick est chercheur associé auprès du CIC.Pour en savoir plus sur le CIC, consulter <www.nyu.edu/pages/cic>.

Groupe d’étude sur les opérations de paix des Nations unies(le Rapport Brahimi), publié en septembre 2000. Cedocument, préparé par un groupe de dix experts sousla présidence de Lakhdar Brahimi, ancien ministrealgérien des Affaires étrangères et ancien émissaire desNations unies en Afghanistan et au Pakistan, analysefranchement les carences actuelles dans la façon dontl’ONU monte et mène ses opérations. L’ONU se fixedes objectifs trop élevés, approuvant des mandatsambitieux alors qu’elle déploie des forces insuffisammentéquipées et souvent mal entrainées dans des situationsexplosives. Sa bureaucratie est lourde, avec peu decoordination entre les organismes pertinents. La prisede décision est trop lente, rendant impossibles desréponses rapides face aux crises qui se déroulent. Et –fait décisif – la volonté politique n’existe pas de rendreles forces de maintien de la paix plus déployables, plusrobustes et plus efficaces. Si l’ONU est la somme de sesparties, sa capacité à maintenir ou à créer la paix doitdépendre de l’attachement de ses membres à atteindre

numéro 18 • juillet 2001 41

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

S

que nombre de ces ONG travaillent dans un pays bienavant que n’arrive le premier des contingents de l’ONUet qu’elles y demeurent bien après son retrait.

Ceci soulève un certain nombre de questions qui onttrait au rapport entre forces militaires et organisationsciviles dans les situations de conflit. De plus en plus, lesgouvernements et les forces armées emploient le mot« humanitaire » pour définir une action militaire – voirles frappes aériennes américaines et britanniques contredes cibles iraquiennes en février 2001, par exemple, oules bombardements de l’OTAN en Serbie en 1999.L’on insiste aussi de plus en plus pour qu’il y ait unrapport plus étroit entre les forces armées et les ONG.L’armée britannique, par exemple, tient de plus en plusà s’impliquer dans des domaines qui, par tradition,étaient la chasse gardée des organisations civiles. Leslignes de démarcation qui traditionellement séparaientl’action militaire et politique de l’action humanitairese font plus floues.

Comment les organisations devraient-elles faire faceaux questions de coordination entre civils et militairessur le terrain ? Certaines organisations acceptent (oumême réclament) une participation militaire, d’autrespar contre s’y opposent catégoriquement. D’un pointde vue pratique, les organisations peuvent avoir besoin,ou peuvent être contraintes à accepter, une aide militairepour protéger les réfugiés ou pour se protéger elles-

mêmes ou encore pourtransférer les camps à unautre endroit. À l’évid-ence, l’armée possède descompétences susceptiblesde s’avérer utiles dans lesprogrammes de désarme-ment et de démobili-

sation. Ceci est notam-ment le cas pour un pays commela Grande-Bretagne, dont le gouvernement a défini ledésarmement, la démobili-sation et la réinsertioncomme étant un aspect important de son ordre dujour en matière de consolidation de la paix et qui amandaté une recherche de grande envergure sur le sujet.

ces objectifs qui sont souvent dans desendroits dont la pertinence stratégique esttout à fait marginale pour les puissancesles plus importantes. Et pourtant lesengagements pris envers les forces demaintien de la paix au Congo, par exemple,n’ont pas été respectés.

À court terme, il est possible que certainsconflits (relatifs aux ressources naturellescomme le diamant par exemple) nepuissent pas aboutir à un règlementsatisfaisant par une intervention militairede l’extérieur. Ce qui ne veut pas dire queles conflits dans des endroits peu accessiblesou éloignés peuvent être « oubliés ». Maiscela suggère que le concept traditionnelde maintien de la paix – qui consisteessentiellement à maintenir séparées lesparties belligérantes, comme sur le plateaudu Golan ou à Chypre – a besoin d’être revu étantdonné les conflits plus fluides et plus fragmentés verslesquels les casques bleus sont à présent envoyés.

Rien ne justifie le déploiement de missions dotées demandats faibles et peu clairs, d’un nombre insuffisantsde soldats et dont les buts et objectifs sont indistincts.Le rapport Brahimi a été salué lors du sommet duMillénaire des Nations unies, qui s’est déroulé vers lafin de l’an dernier, comme étant une analyse opportunedes problèmes et une recommandation utile dechangement. Et pourtant, les opérations en Sierra Leonetout comme au Congo, par exemple, ne respectent pasun grand nombre des principes qu’il avançait. L’objectifà long terme de l’opération des Nations unies en SierraLeone est peu clair et la capacité de l’ONU à faire unecontribution raisonnable à ce qui est une situationextrêmement instable au Congo est pour le moinsdiscutable. Les États membres sont incapables de fournirles contingents parfois très importants qu’une véritableopération exige. Par ailleurs, la qualité des cessez-le-feu,des trêves, des désengagements militaires et desdispositions de paix est souvent trop médiocre pourfavoriser le maintien de la paix.

Le rapport Brahimi et l’humanitarismeQue signifie le rapport Brahimi pour le personnel hum-anitaire ? Il serait peut-être plus souhaitable de demanderce que le personnel human-itaire signifiait pour lerapport Brahimi. Bien que leGroupe d’étude de Brahimi aitcompté parmi ses membres unancien dirigeant d’USAID etun ancien président du CICR,les enjeux explicitementhumanitaires ne sont guèrementionnés au delà de référ-ences aux instruments juridiques. Et pourtant lemaintien de la paix ne se déroule pas sous vide : là où setrouvent des forces de maintien de la paix, il y auraaussi des organisations humanitaires ; ce que font lescasques bleus et comment ils procèdent peut empiétersur les activités de ces organisations. Or, il se pourrait

Opérations de paix des Nations unies(janvier 2001)

Personnel militaire en service 37,719

Pays contributeur 89

Personnel civil international 3,638

Personnel civil local 8,939

Morts depuis 1948 1,672

Coûts estimés $ 2.6 milliards–(juillet 2000–juin 2001) $ 3 milliards

Contributions dues $ 2.2 milliards (est.)

Source : Nations Unies, <www.un.org/peace/bnote010101.pdf>

Rien ne justifie le déploiement de missions dotéesde mandats faibles et peu clairs, d’un nombre

insuffisants de soldats et dont les buts et objectifssont indistincts

42HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

S

La question clef a trait à la façon dont le rapport Brahimidéfinit l’impartialité. Pour les opérations de paix, celasignifie l’« adhésion aux principes de la Charte [desNations unies] : lorsqu’une partie à un accord de paixviole clairement et incontestablement ses conditions,continuer de traiter toutes les parties sur un piedd’égalité … peut dans le meilleur des cas se révélerinefficace et dans le pire se faire complice du mal ». Lemaintien de la paix est, par définition, une actionpolitique. Les casques bleus sont déployés sur la base derésolutions des Nations unies adoptées par lesgouvernements et ils peuvent être mandatés pourprendre des mesures explicitement politiques contredes parties à un conflit – arrêter des criminels de guerredans les Balkans, par exemple. Si leur présence vise àfaire respecter les accords de paix, ceux qui sont récal-

Le Rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’ONU est disponible à <www.un.org/peace/reports/peace_operations/docs/full_report.htm>. Les informations concernant toutes les opérations actuelles et passées de maintiende la paix se trouvent à <www.un.org/peace>.

RéférencesNicholas Leader, Friend or Foe? Some Humanitarian and Development Implications of the Brahimi Report on UnitedNations Peace Operations [Ami ou ennemi ? Quelques implications humanitaires et de développement du rapport Brahimisur les opérations de paix des Nations unies], projet de rapport préparé pour DFID, mars 2001

Michael W. Doyle, UN Peacekeeping in Cambodia: UNTAC’s Civil Mandate [Le maintien de la paix dans le cadre desNations unies au Cambodge : le mandat civil de l’UNTAC] (Boulder, CO : Lynne Rienner, 1995)

Michael O’Hanlon, Saving Lives with Force: Military Criteria for Humanitarian Intervention [Sauver des vies par la force :critères militaires pour une intervention humanitaire] (Washington DC : Brookings Studies in Foreign Policy, 1997)

Dennis C. Jett, Why Peacekeeping fails [Pourquoi le maintien de la paix est-il voué à l’échec] (Londres : Palgrave, 2000)

James H. Allan et John A. English, Peacekeeping [Le maintien de la paix] (Westport, CT : Praeger, 1996)

Site Internet de l’Association internationale de centres de formation au maintien de la paix (IAPTC): <www.iaptc.org>

International Peacekeeping News, Department of Peace Studies, Bradford University, GB, <csf.colorado.edu/dfax/ipn/index.htm>

Le Centre canadien international Lester B. Pearson pour la formation en maintien de la paix, <www.cdnpeaccekeeping.ns.ca>

citrants peuvent être contraints à rentrer dans le ranget les parties raisonnables, par contre, être récompensées.

Pour le personnel humanitaire, l’impartialité signifiequelque chose de très différent, à savoir l’acheminementde l’assistance selon les besoins seulement. Dans lecontexte d’une opération de paix, vers quoi les organi-sations peuvent-elles se tourner pour trouver « l’espacehumanitaire » jugé essentiel si elles veulent exercer leursactivités ? Il y a le risque qu’un rapport trop étroitentre la mission de maintien de la paix et l’opérationhumanitaire fasse participer le personnel humanitaireà une action politique à laquelle sont opposés certainséléments de la population locale, mettant par là mêmele personnel humanitaire en danger de représailles. Lanature du conflit moderne peut suggérer un rapportplus étroit entre les organisations d’aide et les militaires.Là encore, il s’agit d’une question délicate de principe.En théorie, du moins, il y a des domaines où l’onpourrait trouver certains points communs. Mais yparvenir avec succès signifierait la reconnaissanceexplicite des ordres du jour très différents desorganisations humanitaires et des forces de maintiende la paix et de leurs gouvernements. En refusant deprendre plus pleinement et plus explicitement encompte les préoccupations humanitaires, le rapportBrahimi isole le maintien de la paix du contexte pluslarge dans lequel il opère, et dont les organismes d’aidehumanitaire forment une part importante. Les ordresdu jour du maintien de la paix et de l’humanitairediffèrent forcément et il est important que cesdifférences soient maintenues.

© U

N/D

PI Photo by Eskinder Debebe

Un mainteneur de la paix portugais, Timor Oriental

numéro 18 • juillet 2001 43

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

S

Il est important de ne pas exagérer les effets del’assistance humanitaire et de la coopération audéveloppement sur les conditions et attitudesfondamentales qui ont trait au conflit ; voir, à titreindicatif, les cas de la Bosnie-Herzégovine, de l’Iraq etdu Kosovo. Mais l’aide peut parfois jouer un rôlesignificatif et constructif. Elle peut être utilisée,notamment, pour promouvoir le dialogue et laréconciliation, renforcer la sécurité et la protection, endiffusant, par exemple, les concepts du droit internationalhumanitaire et des droits de l’homme (grâce à la réformedu secteur de la sécurité) ou en surveillant lesagissements des groupes armés. De plus, elle peut aiderles gouvernements ou, dans lessituations d’après-conflit nota-mment, les sociétés civiles às’attaquer aux causes profondesde conflits en aidant un gou-vernement à améliorer sa capacité à fournir des servicesou encore en assurant la promotion de la démocra-tisation et de la croissance économique.

L’approche de la SIDADans le cadre d’un suivi de son programme d’actionpour la paix, la démocratie et les droits de l’homme, àla mi-1998 la SIDA a soumis une stratégie de préventionet de gestion des conflits au gouvernement suèdois.Dans les situations de conflit armé ouvert ou lorsque leconflit est imminent la SIDA cherche à encourager ledialogue et à renforcer la sécurité. En outre, elle tenteaussi d’intégrer ces processus dans le cycle normal,appliquant une « optique de prévention des conflits » àses programmes et à ses stratégies.

Encourager le dialogue et promouvoir lasécuritéEn 1999 et 2000, l’appui de la SIDA pour les initiativesvisant à encourager le dialogue et à renforcer la sécuritédépassait les 300 millions de couronnes suédoises soitenviron 30 millions de dollars répartis sur plus de 250projets, dont la plupart sont exécutés par des ONG.

En ce qui concerne la promotion du dialogue, la SIDAattache une attention toute spéciale aux projets quicherchent à influencer la culture de la violence, de mêmeque la recherche, l’éducation, les séminaires et lamédiation au niveau local. Promouvoir la sécuritéenglobe des interventions structurelles pour donner auxparticuliers et aux groupes une plus grande protection.Ces interventions sont exécutées à travers une « présence

Gestion et prévention du conflit : le point de vue del’Agence suèdoise de Coopération au Développementinternational

Il n’y a pas de « remède magique » lorsqu’il s’agit de prévention et de gestion des conflits,soutient David Wiking, mais l’approche d’intégration de la SIDA pourrait offrir une solutionfructueuse

préventive » : surveillance de la paix civile et fonctionsd’observateur, démilitar isation, désarmement etdémobilisation, contrôles sur les armes et les groupesarmés, réforme du secteur de la sécurité et enfin réformeet renforcement des fonctions sociales et des institutionsqui promeuvent la sécurité. Parmi les exemples citons :un soutien au désarmement, à la démobilisation et à laréinsertion au Rwanda et les initiatives « track 2 » auTimor oriental et au Sri Lanka.

La SIDA apporte aussi son concours à des projets conçuspour accroître la connaissance et la compréhension descauses de conflits. Il s’agit entre autres d’influencer

l’opinion publique, d’encouragerla recherche et la rechercheappliquée et des projets péda-gogiques. La SIDA soutient aussiplusieurs ONG qui s’occupent

de la transformation du conflit ou de la consolidationde la paix : International Alert, Conciliation Resources,Saferworld, The American Friends Service Committeeet le Life and Peace Institute – en leur fournissant unfinancement essentiel. Nous cherchons à transformercette relation davantage en un partenariat où chacunpeut apprendre des expériences des autres, plutôt quele genre de rapport habituel entre un donateur et unorganisme d’exécution. Se lancer dans un tel partenariatprend du temps et c’est pour cette raison que la SIDAn’envisage pas de revoir à la hausse le nombre desorganisations auxquelles elle apporte son concours decette façon.

Promouvoir la stabilité structurellePrévenir le conflit signifie s’occuper des facteursstructurels qui sont à sa base. Comme dans les situationsde conflit en cours, les effets de la coopération audéveloppement ne devraient pas être exagérés.Néanmoins, elle peut avoir un rôle dans la mesure oùelle cherche à s’attaquer aux causes profondes de conflit.

Dans les travaux de la SIDA, la prévention des conflitsentre essentiellement en ligne de compte dans lesanalyses et les stratégies des pays ou tel est du moinsson dessein ; dans certains cas, il est expressément déclaréque c’est un objectif direct ou indirect. Les domainesde coopération sont alors délibérément choisis en raisondes effets attendus en matière de prévention des conflits.Cependant, il peut parfois être délicat de discuterouvertement avec les pays partenaires de la nécessité deprévenir le conflit.

Prévenir le conflit signifie s’occuper desfacteurs structurels qui sont à sa base

44HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

SŒuvrant dans le domaine de la gestion et de laprévention des conflits depuis quelques années, la SIDArassemble à présent les enseignements tirés qui sontpertinents à la promotion du dialogue et de la sécurité.À savoir :

� La promotion de la paix est un processus dynamiquequi exige un engagement à long terme.

� Cela demande de la souplesse mais dans le cadre d’unplan stratégique plus vaste dans lequel les objectifs,analyses et instruments secondaires doivent êtreconstamment passés en revue.

� Garantir la parité entre les sexes est important si l’onveut que les initiatives de consolidation de la paixsoient durables (il y a beaucoup à faire dans cedomaine).

� Finalement, les travaux dans ce secteur doivent êtrefondés sur une analyse et des connaissances véritables ;la prévention des conflits en général et la gestion desconflits en particulier peuvent souvent être desactivités qui demandent beaucoup de temps.

A l’instar de bien d’autres acteurs dans ce domaine, laSIDA peut, bien entendu, améliorer sa façon d’opéreren ce qui concerne l’appui aux projets. Pour laisserdavantage de temps pour le dialogue et le suivi, nousdevons étudier comment nous structurons nos travauxet quel genre de conseils nous pouvons donner à nospartenaires afin de promouvoir une compréhensioncommune ou un point de référence commun. L’un desmoyens serait d’élaborer et d’émettre des lignesdirectrices en association avec les organisations quis’adressent à la SIDA pour demander des fonds dans cedomaine.

Intégrer la prévention des conflitsÀ la SIDA, l’intégration signifie utiliser une « optiquede prévention des conflits ». C’est à dire regardercomment les projets et les programmes influencent lesconflits et sont influencés par eux. Du point de vue desprojets, le défi est d’évaluer comment les activitésaffectent le conflit et sont affectées par celui-ci ; puiséviter de nourrir le conflit et renforcer les capacitéslocales pour la paix. Ce cheminement est parfois appeléÉvaluation des effets sur la paix et le conflit (PCIA).Ainsi, une assistance pour électrifier les zones ruralesdans un pays ou une région en danger de tomber dansle conflit ou entraînée dans le conflit pourrait êtrepositive car cela crée des revenus et des possibilitésd’emploi accrus, réduisant par là même la frustration etles griefs. En même temps, on court le risque que siseulement un groupe en tire profit les tensions avec lesautres groupes dégénèrent.

Les principes directeurs de la SIDA pour faire unedemande de fonds en vue d’obtenir une assistancehumanitaire soulignent combien il est indispensabled’avoir conscience des conséquences – à la fois voulues

et non voulues – de l’assistance humanitaire. Ceci neveut pas dire transiger sur les principes humanitaires etsur l’impératif humanitaire. L’objectif est plutôt d’obtenirque les organisations associées recherchent des solutionsalternatives ou des options lorsqu’il y a des risquesmanifestes que la proposition de projet aggravera unecrise humanitaire plutôt qu’il ne la minimisera. Il est ànoter que le Projet Capacités locales pour la paix (LCPP)offre un cadre réaliste pour commencer à penser auxeffets de l’aide sur le conflit et la SIDA recommandefréquemment son utilisation.

La SIDA a aussi essayé de travailler avec l’analyse desconflits au macro niveau. En coopération avec lesuniversités de Göteborg et d’Uppsala, trois analyses deconflits ont été produites, couvrant l’Angola, laCisjordanie/Gaza et l’Afrique occidentale. Dans le cadrede cette coopération, une espèce de « bureau d’entraide »a été mis sur pied, qui a vocation à mettre le genre deconnaissances que détiennent les chercheurs à ladisposition des responsables de programme de la SIDA.L’idée est de combler le vide qui existe entre lesapproches théoriques et les approches pratiques à laprévention des conflits. Bien que stimulant, ce projets’est révélé plus difficile que prévu.

L’histoire jusqu’ici – et les défis à releverLa prévention structurelle des conflits et l’intégrationd’une « optique de prévention des conflits » est unechose délicate et qui demande qu’on y consacrebeaucoup de temps. Il y a encore beaucoup à apprendre ;ce domaine est encore relativement nouveau et ceuxqui s’occupent du développement sont loin d’avoir tousaccepté ce cheminement. Il y a donc des progrès à faire.Le défi est non seulement de trouver de nouvellesméthodologies et de nouveaux moyens d’analyser lesconflits mais aussi de changer les attitudes des acteursqui s’occupent des questions de développement. Àmesure que les attitudes évoluent, il est à espérer qu’ils’ensuivra une amélioration de la coordination et de lacoopération, surtout entre les donateurs.

David Wiking est conseiller en gestion des conflits, dansla Direction de l’assistance humanitaire de la SIDA<www.sida.se>.

RéférencesGuidelines on Peace, Conflict and Development Cooperation[Principes directeurs sur la paix, le conflit et la coopération audéveloppement (Paris : OCDE/CAD, 1997)

Justice and Peace [Justice et Paix] (Stockholm : SIDA, 1997)

Preventing Violent Conflict – A Swedish Action Plan [Prévenir leconflit violent – un plan d’action suèdois] (Stockholm : SIDA, 1998)

Democracy and Human Rights in Swedish InternationalDevelopment Cooperation [La démocratie et les droits de l’hommedans la coopération suédoise au développement] (Stockholm :SIDA)

numéro 18 • juillet 2001 45

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

S

Lorsque les catastrophes frappent en Africa, avec desimages dans les médias d’enfants affamés ou de blessésde guerre, la première question qui se pose habituelle-ment est pourquoi la communauté de l’aide humanitairen’a-t-elle pas vu venir cette calamité. En vérité, les crisesne surviennent pas d’habitude tout d’un coup et ellesne prennent pas les organisations humanitaires audépourvu. Les systèmes de prévision et d’anticipationen place à travers toute l’Afrique mettent en garde contredes conditions climatiques qui présagent une sécheresseou des inondations. Par ailleurs, les rapports de terraindu gouvernement, des ONG et des organismes desNations unies donnent habituellement d’amples préavis,permettant une assistance à temps pour empêcher quela situation ne dégénère hors de tout contrôle. Leproblème le plus important est qu’il y a souvent undécalage entre les mécanismes d’alerte précoce et lesmécanismes de réponse de sorte que rien n’est fait suiteaux mises en garde. La planification des interventionsd’urgence peut combler ce fossé en préparant les déci-deurs bien à l’avance de la situation d’urgence actuelle.

La planification des interventions d’urgence : lafamine en ÉthiopieL’Éthiopie est devenue synonyme de pénurie de vivres.Les famines dévastatrices de 1973–74 et de 1984–85ont fait l’objet d’une attention massive de la part dupublic. Il y a eu des pénuries de plus petite enverguremais toujours graves en 1991 et 1994. Au cours desquatre dernières années, les principales pluies pastoraleset les pluies agricoles moins importantes ne sont pasarrivées. En 1999 et 2000, alors que les stratégies desurvie des populations s’épuisaient, les troupeaux ontété anéantis et les réserves vivrières réduites.

Le gouvernement éthiopien a tenté de couvrir lesbesoins alimentaires pour l’année calendaire à venir enlançant des appels annuels demandant une assistanced’urgence chaque décembre/janvier, avec une mise àjour fondée sur la performance des premières pluiesqui est publiée en juin/juillet. Comme à l’habitude, il ya un temps mort de trois à quatre mois entre le momentoù un donateur promet des vivres et l’arrivée de sesvivres en Éthiopie. La majorité des pénuries de vivresprécédentes en Éthiopie étaient causées par l’échec dela longue saison agricole dans les régions montagneuses.Pour ces situations d’urgence, le moment choisi pourl’appel lancé par le gouvernement est judicieux puisquemême les fermiers qui ont eu une moisson médiocreont produit assez de nourriture pour subvenir auxbesoins de leur famille pour les premiers mois de l’année.

Lorsque les donateurs prévoient l’imprévu : lapossibilité de réponse rapide aux crises naissantes

Depuis 1999, une sécheresse récurrente a dévasté les communautés agricoles et pastoralesde l’Éthiopie alors que, selon les estimations, le conflit avec l’Érythrée voisine aurait laissé350 000 Éthiopiens déplacés. Dans ce contexte, la planification des interventions d’urgenced’USAID a contribué à permettre une réponse rapide, évitant ainsi une crise encore plusgrande selon Laura Hammond

Par contre, les populations affectées par la situationd’urgence qui a commencé début 1999 étaient despasteurs et fermiers tributaires des pluies agricoles moinsimportantes ; ces populations ont eu besoin d’une aidealimentaire pendant le premier trimestre de l’année.Attendre l’appel annuel du gouvernement avant decommencer à mobiliser les promesses de dons auraitsignifié que cette aide ne serait pas arrivée avant mai oujuin, même s’il n’y avait pas eu de retard dans sontransport. Une planification et un suivi des interventionsd’urgence continus étaient donc nécessaires pour queles promesses de dons soient faites assez tôt pour veniren aide à ceux qui étaient les plus démunis.

Depuis la fin de 1998, USAID-Éthiopie a mis en placeune série de plans d’intervention d’urgence pour laréponse à la sécheresse. Ces plans ont servi à ces fins :

� proposer des orientations stratégiques pour que legouvernement américain fasse des dons opportunsd’assistance à la fois alimentaire et autre ;

� fournir une analyse de tout le pays et des cas de figureéventuels des effets des pluies sur la production dansles secteurs agricole et pastoral ;

� identifier les mesures à prendre dans l’éventualitéd’une amélioration ou d’une détérioration desconditions ;

� et les mettre à la disposition des hauts responsablesdans les visites de briefing et des techniciens de terrain.

Bien qu’il ne soit pas toujours possible de prédireexactement ce qui va se passer dans six mois ou plus àl’avenir, la compilation de ces plans a contribué àaugmenter la planification préalable et la sensibilisationenvers la nature des risques auxquels l’Éthiopie se trouveconfrontée. La planification des interventions d’urgence

Chargement des vivres pour la région somalie,Dire Dawa, mai 2000

© Laura H

amm

ond

46HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

SLes plans d’intervention d’urgence produits ennovembre 1999 et en mars, juin et août 2000,identifiaient quelles étaient les actions immédiates àprendre dans les domaines des secours alimentaires etautres. Ils fournissaient aussi une information sur lestypes d’activités en cours et sur les partenairesopérationnels à qui l’on pouvait faire appel pour destypes d’actions spécifiques.

Il serait naïf de dire que le gouvernement américainétait prêt à réagir purement par suite de ses plansd’intervention d’urgence. Plusieurs délégations de hautniveau se sont rendues en Éthiopie pour voir la situationde leurs propres yeux et leurs visites ont attirél’attention des médias. Elles ont aussi suscité desréactions immédiates, comme en mars 2000 oùl’Administrateur adjoint d’USAID a ordonné un pontaérien de denrées alimentaires complémentaires versla zone de Gode dans la région somalie après avoir vude ses propres yeux la gravité de la situation là-bas.

Les réponses efficaces exigent tout de même que ceuxqui sont en mesure de changer les choses réagissentréellement devant les alertes et les demandes deressources qu’ils reçoivent. Les pays comme l’Éthiopie,où chaque année semble apporter de nouvellescatastrophes, éprouvent des difficultés à attirerl’attention de ceux qui prennent les décisions en cequi concerne les dons. Les donateurs ont le sentimentque leur assistance n’empêchera pas la famine de revenir– puisque la majorité de l’assistance consiste en secoursd’urgence et qu’elle ne s’attaque pas aux causesfondamentales d’insécurité alimentaire – et que, parconséquent, cela ne sert pas à grand-chose de s’engagerà donner de vastes ressources pour une situation quimontre peu d’espoir de changer.

Cependant, les plans d’intervention d’urgence ontcontribué à synthétiser l’information en une formuled’action que les décideurs peuvent facilement digéreret utiliser. Ils étaient aussi largement partagés avecl’ONU, les ONG, les autres donateurs et le gouverne-ment éthiopien pour essayer de consolider les stratégieset d’identifier les besoins dont d’autres en plus dugouvernement américain pourraient s’occuper.Finalement, ces exercices de planification de l’inter-vention rapide ont aussi été utiles pour guider laplanification pour le redressement et le développement.

Toutes les activités de redressement et de réhabilitationproposées dans les plans d’intervention d’urgence ontvocation à réduire la vulnérabilité aux catastrophesnaturelles futures en augmentant le pouvoir d’achatdes populations les plus sévèrement affectées et às’attaquer aux défis écologiques et économiques quifont obstacle à une plus grande sécurité alimentaire(causes fondamentales de la vulnérabilité).

La planification des interventions d’urgence : leconflit Érythrée–ÉthiopieLa guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée qui acommencé en 1998 aurait entraîné, selon lesestimations, le déplacement interne loin des zones

a donné au gouvernement américain des indicationsprécoces des besoins alimentaires probables, contribuantainsi à éviter une rupture de stocks dans lesravitaillements en vivres. Au cours des derniers moisde 2000, par exemple, les donateurs se démenaient déjàpour identifier les ressources qui pourraient être misesà disposition entre janvier et mars de cette année – cequi correspond à la pér iode où ceux qui sontessentiellement affectés par la situation d’urgence la plusrécente en ont le plus besoin. Une fois qu’une promessede dons est confirmée par écrit, elle peut être utiliséecomme billet à ordre pour emprunter auprès de la FoodSecurity Reserve éthiopienne (EFSR), qui sert debanque alimentaire. Au plus fort de sa capacité, l’EFSRa un stock d’environ 400 000 tonnes de grain. Enempruntant auprès de la Réserve, les denréesalimentaires peuvent être rendues disponiblesimmédiatement et lorsque les vivres promis arrivent,ceux-ci sont utilisés pour « rembourser » à l’EFSR leprêt retiré auparavant. S’il y a un retard dansl’acheminement de la promesse de dons, les réserves del’EFSR baissent et sa capacité à prêter des vivres enéchange de promesses de dons supplémentaires devientlimitée. C’est ce qui s’est produit vers la fin de 1999 etau début de 2000. Par conséquent, la Réserve ne peutcouvrir que quelques mois lorsqu’il s’agit de rendredes vivres disponibles pour une distribution rapide.

En compilant ses plans d’intervention d’urgence,USAID a consulté les organisations qui s’occupent del’alerte rapide, y compris le Système de détectionprécoce en cas de famine (FEWS) parrainé par USAID,l’Agence nationale des services météorologiques dugouverne-ment éthiopien, l’Observatoire régional dela sécheresse basé à Nairobi, l’Unité d’évaluation de lavulnérabilité du Programme alimentaire mondial etd’autres organismes des Nations unies. D’autresdonateurs ont aussi été consultés sur leur compré-hension de la situation, de même que sur leurs intentionsde financement. Il est constamment demandé auxpartenaires opérationnels d’USAID quelles sont lesconditions sur le terrain et les programmes sont suivispour évaluer leur efficacité et pour chercher commentles renforcer. D’habitude chaque plan exposebrièvement les effets prévisionnels qu’une saison despluies positive ou négative aurait sur chaque groupebénéficiaire important. Il est alors possible de se référerau plan pendant la période où les pluies sont attenduesafin de décider quels sont les besoins spécifiques enressources. Un cadre type, tiré du plan d’interventiond’urgence de mars 2000, figure page 47.

En 2000, les pluies précoces ne sont pas arrivées pourla troisième (et dans certains endroits la quatrième) fois.Ceci s’est soldé par une insécurité alimentaire sévèreet les populations ont migré vers les villes à la recherched’un labeur salarié et d’une nourriture d’urgence. Uneopération de secours massive a été lancée pour fournirdes vivres, de l’eau et des soins médicaux auxpopulations affectées. Le gouvernement américain étaitle donateur le plus important, avec une contributionde plus de 600 000 tonnes de vivres d’ici à la fin del’an 2000.

numéro 18 • juillet 2001 47

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

Sfrontalières de 350 000 Éthiopiens et de près de deuxfois ce nombre en Érythrée.

En septembre 2000, USAID a exécuté un pland’intervention d’urgence d’un genre différent, un planqui s’intéressait à pourvoir aux besoins immédiats et àmoyen terme des régions et des populations affectéespar le conflit en Éthiopie. À la fin de cette guerre qui aduré deux ans, la voie était ouverte pour que ceux quiavaient été déplacés puissent retourner dans leursmaisons. Cependant, la prolifération de mines terrestreset d’artillerie inexplosée dans les contrées situées àproximité de la frontière, la destruction des maisons etdes bâtiments publics, la perte des biens personnels et lemanque de débouchés économiques en raison de lafermeture de la frontière représentaient tous des obstaclesimportants au retour dans de nombreuses régions.

Le plan d’intervention d’urgence a examiné lespossibilités de fournir une assistance pour surmonterces obstacles sous la forme de quatre cas de figuredifférents :

� la situation la plus probable : la prévalence d’une paixtendue et fragile ;

� dans le meilleur des cas : un réglement rapide duconflit et un retour à des rapports d’amitié entre lesdeux pays ;

� une impasse inscrite dans la durée ;� dans le pire des cas : la reprise des hostilités.

La compilation de ce plan a impliqué toutes les sectionsde la mission d’USAID, car les bureaux de développe-ment sectoriel ont été chargés d’identifier les ressourcesqui pourraient être reprogrammées ou réorientées pourrépondre aux activités exposées brièvement sous chaquecas de figure. Ceci a amené ceux qui par traditionn’avaient pas participé à la programmation d’urgence àêtre en contact plus étroit avec les priorités immédiatesdans les domaines de la programmation et a aussi orientédavantage la planification des secours d’urgence vers ledéveloppement. Depuis la finalisation du plan, desinitiatives ont été prises pour mettre en oeuvre desmesures de redressement et de réhabilitation dans lesrégions sinistrées.

Effets de l’échec des pluies

La préparation des sols sera retardée dans lesrégions tributaires des pluies agricoles mineures ;la moisson sera ainsi tardive et la productionréduite

Les labours pour le maïs et le sorghum sontretardés dans les régions tributaires des pluiesagricoles principales

Détérioration continuelle des zones pastorales :eau et pâturages de plus en plus rares, morts dubétail, maladies humaines

Régions tributaires des pluies agricoles min-eures : échec total des récoltes

Préparation des sols retardée ou réduite pour lamoisson de maïs et de sorghum (due ennovembre/décembre) dans les régions tributairesdes pluies agricoles principales ; réduction desrécoltes dans la saison maigre (maïs vert, etc) enaoût/septembre

Détérioration continue des régions pastorales ;pluies du sud-ouest (Région somalie) dues aussimaintenant

Plantations tardives dans les régions tributairesdes pluies agricoles principales et pertespotentielles de maïs et de sorghum (47 pour centde la production céréalière annuelle)

15 mars

31 mars

30 avril

Cas de figurepour avril/mai

Fin mai

Conséquences pour les besoins en aidealimentaires

Les besoins alimentaires dans les régionstributaires des pluies mineures serontprolongés pendant tout juillet (en supposantqu’il y ait une moisson en août)

Changement possible vers des récoltes à cyclecourt, donnant un rendement moindre

Les besoins alimentaires dans les régionspastorales du sud sont prolongés

Les besoins alimentaires dans ces régions (1,3million d’habitants) sont prolongés jusqu’à lafin du mois de juin de l’année suivante

Réduction potentielle majeure de la disponi-bilité alimentaire en 2001

Besoins alimentaires pré-moisson grandiss-ants (août/septembre) dans certaines régions

Besoins alimentaires dans les régionspastorales du sud et du sud-ouest (1,7 milliond’habitants) prolongés éventuellementjusqu’à la fin du mois d’octobre 2000 (ensupposant que les pluies arrivent alors)

La disponibilité en vivres en 2001 peut êtreconsidérablement réduite – selon les pluiesqui tombent à partir d’avril

a) quelques pluies en avril suivies de mai/juin secs (comme en 1999) replantation/perte derécoltes à long cycle moisson principale réduiteb) pluies en avril–juin favorables à la plantation de récoltes à long cycle pourraientencore produire une bonne moisson principale si les pluies de juin–septembre sont favorables

Re-évaluation interorganisations de la saison agricole mineure et besoins alimentairesprévisionnels pour le reste de 2000

Situ

atio

n ac

tuel

leD

ans

le p

ire

des

cas

Éval

uati

on &

pla

nific

atio

npr

éala

ble

néce

ssai

res

!!!!!!!!!!!!!!! !!!!!

Si les pluies n’ont pascommencé au :

48HUMANITAIREéchange

LE

S

IN

IT

IA

TI

VE

S

IN

ST

IT

UT

IO

NN

EL

LE

SLes plans d’intervention d’urgence ont contribué à faireressortir quels étaient les besoins dans des régions éloi-gnées où la capacité du gouvernement est limitée et àmobiliser des réponses qui autrement auraient pu nepas se manifester. En dernière analyse, les plans d’inter-vention d’urgence ne peuvent être un succès que dansla mesure où ceux qui les diligentent souhaitent qu’ilsle soient ; qui plus est, les efforts déployés par un seuldonateur suffisent rarement à éviter une crise majeure.Pour chaque plan qui réussit à mobiliser un soutienpour des opérations de secours et de redressement,nombre se retrouvent sur des étagères sans avoir jamais

été lus. En revanche, si la planification des interventionsd’urgence est exécutée sérieusement et que ses résultatssont partagés par toutes les parties prenantes, elle peuts’avérer un instrument précieux pour identifier lespriorités et les ressources en vue d’une action encollaboration.

Laura Hammond est anthropologue. Elle vit et travailleen Éthiopie depuis 1993. En 2000 et 2001, elle étaitconsultante en planification des interventions d’urgencepour USAID-Éthiopie.

Les transferts d’argent dans les situations d’urgence : évaluation des avantages et estimationdes risques par David Peppiatt, John Mitchell et Penny Holzmann

Dossier thématique 35

En théorie comme en pratique, il semblerait que l’on dispose d’arguments solides en faveur de réponsesfinancières face aux situations d’urgence alimentaire lorsque l’offre et les conditions du marché s’y prêtent. Cedossier passe en revue les fondements théoriques d’une approche financière face aux situations d’urgencealimentaire et présente des études de cas de distribution d’argent. Ces exemples, tirés de l’Afrique, de l’Asie duSud et des Balkans, mettent l’accent tant sur les risques que sur les avantages que présentent les réponsesfinancières par rapport à l’aide alimentaire traditionnelle. D’un côté, l’argent est plus rentable car ses coûts detransaction sont moins élevés, il est plus aisément convertible, il accorde un choix plus vaste au bénéficiaire etil permet de stimuler les marchés locaux. De l’autre côté, l’argent peut être utilisé contrairement aux intentionsdu donateur, il peut contribuer à aggraver l’inflation locale et il pose des risques sécuritaires qui ne sont pasnormalement associés à l’aide alimentaire.

En conclusion, ce dossier énonce dans quelles conditions une aide en numéraire pourrait constituer uneintervention adaptée et il souligne comment les risques qui lui sont associés peuvent être minimisés. Il nesaurait y avoir de “ schéma directeur ” pour l’emploi de l’argent face à toutes les situations d’urgence et danstoutes les circonstances ; par contre, il faut que les organismes humanitaires mettent en balance les avantageset les risques au cas par cas.

Evaluer la sécurité alimentaire en vue de sécuriser les moyens d’existence dans une situationd’urgence par Helen Young, Susanne Jaspars, Rebecca Brown, Jackie Frize et Hisham Khogali

Dossier thématique 36

Ce dossier présente la théorie et l’application pratique de l’approche d’Oxfam GB en matière d’évaluation dela sécurité alimentaire dans une situation d’urgence. L’approche préconisée correspond simplement à uneprogrammation d’urgence qui cherche à la fois à sauvegarder les moyens d’existence et à sauver des vieshumaines. En ce qui concerne l’évaluation de la sécurité alimentaire, cette approche suppose l’appréciationdes risques à plus long terme pour les moyens d’existence des populations touchées, en plus des risques pourleur nutrition et leur vie.

La première partie du dossier décrit les concepts clefs de la théorie de la sécurité alimentaire par rapport à lasécurisation des moyens d’existence. La deuxième partie explique la manière dont Oxfam fait le bilan de lasécurité alimentaire et la troisième partie du dossier présente des études de cas illustrant l’application pratiquede l’approche Oxfam et l’adaptation de celle-ci en fonction des moyens d’existence concernés et de la naturedu choc externe. Les études de cas portent sur une évaluation d’urgence de l’impact du cyclone et des inondationsà Orissa (Inde) en 1999; une visite de suivi de la réponse d’Oxfam face à la sécheresse à Wajir (Kenya) en2000 ; un examen du programme d’Oxfam à l’intention des personnes déplacées par le conflit à Uraba(Colombie) en 1999.

La dernière partie souligne les défis clefs que suppose l’évaluation de la sécurité alimentaire en vue de sécuriserles moyens d’existence dans une situation d’urgence, à savoir : décider du volume d’aide alimentaire nécessaire,choisir les catégories de personnes qu’il convient de cibler ; trouver des modalités efficaces d’association desinterventions alimentaires et non alimentaires - et savoir à quel moment passer de l’une à l’autre ; commentfaire face aux enjeux de la neutralité et de l’impartialité, surtout mais pas seulement dans des situations d’urgencepolitique complexes.

numéro 18 • juillet 2001 49

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

LES PROCESSUS DECISIONNELS

L’ONU est en train d’adopter des mesures importantespour améliorer la sécurité de ses opérations de terrain.Le rapport du Secrétaire général Kofi Annan intituléSûreté et sécurité du personnel des Nations unies – passe enrevue l’ampleur du problème auquel l’ONU estconfrontée sur le terrain et les carences d’une stratégiemise au point il y a une vingtaine d’années dans descirconstances très différentes.

Le rapport énonce des propositions visant à améliorerla sécurité, dont la nomination d’un Coordonnateur dela sécurité au niveau de Secrétaire général adjoint, lacréation d’un mécanisme plus fiable pour financer lesOfficiers de sécurité sur le terrain et l’augmentationdes ressources destinées au Coordonnateur de la sécuritéde l’ONU (UNSECOORD), afin de renforcer laformation du personnel, les évaluations de sécurité, l’aidepsychosociale et la gestion du stress. Ces propositionssont un pas – pour ne pas dire un saut – dans la bonnedirection. Cependant, tout en reconnaissant que lesONG sont confrontées à ce même environnementopérationnel difficile, le rapport ne mentionneabsolument pas la nécessité d’accroître la coordinationet les efforts de sécurité conjoints avec la communautédes ONG. Ceci est une erreur importante nonseulement pour les ONG, mais aussi pour la sécuritédes opérations de terrain de l’ONU elles-mêmes.

L’ONU est de plus en plus tributaire de la communautéde l’aide humanitaire. Le Haut Commissaire pour lesréfugiés de l’ONU, en particulier, s’appuie lourdementpour remplir son mandat sur les « ONG partenairesd’exécution » (les ONG qui ont un rapport contractuelavec un organisme des Nations unies pour mettre enœuvre un projet spécifique avec le financement del’ONU). En 1999, le HCR a budgétisé près de 300millions de dollars par le biais de ses partenairesd’exécution. Et pourtant il n’a pas fait grand-chose pourpréciser comment il œuvrera avec ces partenaires pourassurer la sécurité sur le terrain au-delà de dispositionsponctuelles. Par suite, la gestion de la sécurité dans chaquesituation est si radicalement différente qu’il est difficilede saisir une vue d’ensemble, ce qui fait que les ONGne savent pas à quoi s’attendre ni que prévoir jusqu’à cequ’il soit trop tard.

Inversement, lorsque le HCR choisit vraiment de jouerun rôle de coordination en matière de sécurité, les

Un rôle plus proactif de l’ONU dans la sécurité dupersonnel des ONG ?

La mort d’agents du HCR au Timor occidental et en Guinée en septembre 2000 a une fois deplus attiré l’attention sur les conditions précaires en matière de sécurité dans lesquelles lessecours d’urgence se déroulent souvent. Mais, soutient Randolph Martin, les efforts déployéspar l’ONU pour améliorer la sécurité de ses opérations de terrain ne feront pas grand-chosepour aider les ONG

résultats peuvent être impressionnants. Lorsqu’il organiseune réunion pour les ONG sur la coordination de lasécurité, celles-ci répondent présentes. Lorsqu’il instaureun réseau commun ou une fréquence commune pourles communications, les ONG participent. Lorsque leHCR offre aux ONG des conseils ou une formationtechniques, c’est en général avec enthousiasme qu’ellessont prêtes à exploiter ces compétences. Ce sont desrôles que seul le HCR peut offrir vu sa position. Parailleurs, dans la plupart des situations il est bien mieuxplacé que la majorité des ONG pour faire des démarchesauprès des autorités nationales et régionales – ou desprincipaux donateurs – aux plus hauts niveaux pourpréconiser un accès humanitaire et la sécurité dupersonnel humanitaire.

Le Mémorandum d’accordL’ONU a tenté d’aboutir à un accord plus officiel sur lasécurité avec les ONG. En 1996, l’UNSECOORD –le Bureau des Nations unies mandaté pour fournir unsoutien politique et technique sur les questions desécur ité à la famille onusienne – a rédigé unMémorandum d’accord pour essayer d’instaurer uncadre de rapport sécuritaire entre les organisations del’ONU et leurs ONG partenaires d’exécution. Au regarddu Mémorandum d’accord, il incombe à l’ONUd’assurer une « protection » non spécifiée « du personnelinternational », d’inclure une « information pertinente »sur le personnel international dans le plan de sécuritéde l’ONU, de tenir les ONG au courant des faitsnouveaux en matière de sécurité et des mesures misesen œuvre par l’ONU et, « dans la mesure du possible »,d’assurer une aide pour les déplacements en casd’urgence. « Lorsque cela est possible », l’ONU est aussiconvenue d’exposer aux autor ités d’accueil lesinquiétudes des ONG en matière de sécurité.

En échange, le Mémorandum d’accord exige que lespartenaires d’exécution signataires « suivent pleinementles instructions de [l’ONU] s’agissant des questions desécurité », tout en assumant en même temps « tous lesrisques et toutes les responsabilités ayant trait à lasécurité » du personnel et en s’occupant de « toutes lesréclamations telles qu’elles pourraient être introduites àl’encontre des Nations unies découlant de l’élargisse-ment au titre du Mémorandum … à leur personnelinternational ». Céder l’autorité de cette façon a été unenjeu central pour les ONG – en particulier vu les

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

50HUMANITAIREéchange

vagues promesses de protection qui sont données enéchange. Le Mémorandum d’accord poursuit enexigeant que les ONG « veillent à ce que [l’ONU] soità tout moment informée des coordonnées et mouve-ments … du personnel international ». Le Mémorandumexige aussi que les ONG « prêtent, s’il y a lieu et dans lamesure du possible, contre rembourse-ment, uneassistance aux déplacments au [personnel de l’ONU] ».

En bref, le Mémorandum d’accord prévoit l’échangede l’information ayant trait à la sécurité et à l’évacuationdu personnel international contre la cession à l’ONUpar l’ONG de son autorité sur les questions de sécurité.Le Mémorandum a soulevé autant de questions qu’ilcherche à en résoudre. Qu’entend-on exactement parun « partenaire d’exécution » : ce Mémorandum serapporte-t-il au personnel d’une ONG financée pard’autres donateurs, mais qui travaille pour des projetsfinancés par l’ONU ? Ce Mémorandum s’étend-il aupersonnel d’un partenaire d’exécution qui travaille pourdes programmes complémentaires qui ne sont pasfinancés par l’ONU ? Ce Mémorandum est-il envigueur lorsque les ONG exécutent des projets de bonnefoi pendant les périodes souvent prolongées où l’ONUest en train d’étudier des propositions et des accords etoù, au sens strictement officiel, il n’y pas d’accord entrel’ONG et l’ONU ? Il n’est pas rare que ces périodes delimbes contractuelles perdurent pendant des mois. Lesdispositions du Mémorandum qui on trait à l’évacuationse rapportent–elles au personnel national qui est amenédans une région pour mettre en œuvre un projet financépar l’ONU ? Et qu’advient-il si une ONG désobéitaux instructions de sécurité du HCR – le Mémorandumd’accord dans son ensemble est-il révoqué ou lepersonnel récalcitrant de l’ONG est-il tout simplementomis de la partie pertinente du plan de sécurité commel’évacuation par exemple ?

Pourquoi serait-il déraisonnable pour l’ONU des’attendre à ce que les ONG souhaitent « suivre pleine-ment les instructions de [l’ONU] s’agissant des questionsde sécurité » ? La réponse doit en partie se trouver dansla culture d’indépendance au titre de laquelle opèrentla majorité des ONG. Il n’empêche, il existe d’autrespréoccupations. Tout d’abord, la réaction d’une ONGface à un environnement de sécurité devrait êre essen-tiellement liée à son mandat mondial et à sa mission locale.Il est probable qu’une ONG qui exécute des servicesde vulgarisation agricole, par exemple, aura une toléranceau risque bien inférieure à celle d’une ONG qui assuredes services médicaux de secourisme. Ce n’est pas réalistede s’attendre à ce que ces deux organisations réagissentde la même manière face à des situations de sécurité.

Ensuite, la réaction même de l’ONU aux environne-ments de sécurité peut être compromise par des intérêtsfinanciers non liés aux ONG. Si, par exemple, leReprésentant résident du HCR est réticent à dresser laliste des priorités de financement à tirer du budgetréservé à un pays donné, aucun Officier de sécurité deterrain ne sera désigné. Selon le rapport d’Annan,seulement 60 sur 80 postes à haut risque ont des officiersde sécurité attitrés. Il n’y a pas d’Officier de sécurité de

terrain en Ouganda, par exemple, et en conséquence lepersonnel du HCR hésite à visiter les sites qui setrouvent dans le nord qui est peu sûr. Par suite, lepersonnel du HCR n’a guère passé plus de quelquesjours dans le camp de réfugiés d’Achol Pii en 2000. Enrevanche, le HCR attend des ONG qu’elles assurentdes services dans le camp au quotidien. Si les ONGdevaient suivre l’initiative du HCR sur la sécurité, iln’y aurait tout simplement pas de services. Lefinancement est aussi en jeu dans la définition des phasesde sécurité de l’ONU, mais pas toujours comme l’onpourrait s’y attendre : selon un haut fonctionnaire duHCR à Hargesa, le HCR au Somaliland est resté auniveau d’alerte trois longtemps après que les conditionsse soient améliorées simplement parce qu’on s’inquiétaitde l’effet que le retrait d’une allocation attachée à ceniveau de sécurité pourrait éventuellement avoir sur lemoral du personnel déjà au plus bas.

À l’évidence, il serait peu judicieux que les ONGconfient toutes les décisions de sécurité à l’ONU, mêmedans le meilleur des cas. Et pourtant l’UNSECOORDs’est montré résolument peu disposé à modifier leMémorandum d’accord, alors même qu’aucune ONGne l’a signé en tant qu’accord au niveau mondial.(L’Organisation internationale pour les migrations quin’est pas, en général, considérée comme étant une ONGet dont les préoccupations en matière de sécurité parrapport à l’ONU sont très différentes, est la seuleorganisation qui a signé mondialement.) Dans 14 cas,dont le Libéria, le Soudan et le Tadjikistan, les ONGont signé au niveau du pays. Ceci laisse entendre que leMémorandum d’accord est mieux adapté dans les en-droits où il est improbable que les ONG auront la capa-cité nécessaire pour assurer une logistique d’évacuationou encore les connections diplomatiques requises pourassurer l’accès humanitaire et la protection de leur per-sonnel. L’IRC, par exemple, est l’un des signataires duMémorandum d’accord au Soudan, où il travaille avecl’ONU dans les villes de garnison du sud sous le contrôledu gouvernement. Les conditions y sont diffi-ciles : lespossibilités d’évacuation sont limitées et les communi-cations extrêmement restreintes, car le gouvernementsoudanais estime (officieusement, au moins) que l’actionhumanitaire est complice de ses ennemis.

Aller de l’avantEn tant que document mondial exposant brièvementle rapport qui existe entre l’ONU et les ONG enmatière de sécurité, le Mémorandum d’accord estprofondément vicié. Il demande que les ONG cèdenttoute autorité en ce qui concerne leurs propres affairesde sécurité en échange d’une protection non spécifiéeet d’un soutien en cas d’évacuation. En même temps, leMémorandum d’accord ne couvre pas les nombreuxenjeux en matière de coordination de la sécurité quisont si importants pour les ONG.

En premier lieu, la décision de nommer un Officier desécurité de terrain devrait être prise entièrement en sefondant sur l’environnement en matière de sécurité etnon sur les soucis sur le plan de l’économie et lespriorités contradictoires du Représentant résident. En

numéro 18 • juillet 2001 51

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

conséquence, ces postes – qui coûtent environ 100 000dollars chacun – devraient être financés à partir d’unfonds distinct, géré centralement. Telles sont,essentiellement, les propositions du Secrétaire général.

En second lieu, la coordination des ONG en matièrede sécurité devrait être la responsabilité officielle desOfficiers de sécurité de terrain de l’ONU. Parmi leursfonctions figureraient l’organisation et l’animation deréunions régulières sur la coordination de la sécurité,l’instauration d’un réseau commun de communicationspour la sécurité, des évaluations de la menace et l’éch-ange de l’information pertinente en matière de sécurité.La participation à ces activités serait facultative et cesactivités n’impliqueraient pas non plus une responsabilitéenvers l’ONU. Néanmoins, elles seraient bien suivies etprécieuses pour les ONG tout comme pour l’ONU.

En troisième lieu, l’ONU devrait faire un sérieux effortpour adopter la langue et le cadre conceptuel que lesONG ont mis au point. Les organismes des Nationsunies et les ONG acceptent de plus en plus des« meilleures pratiques » communes dans de nombreuxsecteurs des opérations du programme. Ceci constitueune excellente occasion pour que l’ONU reconnaisseles réussites considérables de ses ONG partenaires dansle domaine de la sécurité et qu’elle les adopte.

Finalement, alors que le Mémorandum d’accord del’UNSECOORD ne devrait pas être abandonné, il abesoin d’être retravaillé pour préciser quelles sont sesfonctions au sein de contextes spécifiques. Il devraitêtre invoqué lorsque les possibilités d’évacuation sontlimitées et là où une représentation et une coordinationde haut niveau sur la sécurité sont essentiels pour assurerl’accès humanitaire. Certaines portions de son textedevrait être spécifiques au contexte, précisant les sitesqu’il couvre et les rôles que l’on peut attendre des partiesqui travaillent dans ces sites. Dans ces circonstances

limitées, un régime de sécurité aussi strict devrait êtreoffert aux partenaires d’exécution de l’ONU. Il pourraitmême être exigé. En bref, pour que le Mémorandumd’accord soit utile, il est impératif que l’UNSECOORDfasse preuve d’une souplesse qui a fait défaut à ce jouren le rédigeant à nouveau sur une base mieux orientéevers le contexte.

Problèmes partagésL’ONU devrait clarifier, sinon officialiser, le rôle uniqueet central qui est le sien en renforçant la sécurité de toutle personnel humanitaire. Mais il ne faudrait pasconsidérer la critique de l’ONU comme voulant direque les ONG ne peuvent rien faire de plus pour couvrirleurs propres intérêts en matière de sécurité. En effet,les ONG en général ont beaucoup à faire pourreconnaître et pour s’occuper de la sécurité de leurpropre personnel sur le terrain. L’espoir que l’ONUpuisse jouer un rôle plus actif dans la coordination de lasécurité reflète en grande partie l’échec des ONG à lefaire elles-mêmes. Peu d’ONG ont des officiers desécurité attitrés aux sièges ou sur le terrain ; peu ontdes structures adaptées en matière de politiquesécuritaire ; peu s’occupent de façon satisfaisante del’orientation et de la formation en matière de sécurité ;et peu s’occupent de façon satisfaisante des besoins enressources associés à une amélioration de la sécurité surle terrain. Il faut un nouveau dialogue entre les ONGconcernées et les organismes des Nations unies sur lafaçon dont nous pourrions mieux collaborer pour créerun environnement plus sûr pour nos missionshumanitaires. Il est évident que nous avons tous un longchemin à parcourir.

Randolph Martin est directeur en chef des opérations,International Rescue Committee, New York. E-mail :<[email protected]>, site internet : <www.theIRC.org>. Cetarticle a été publié pour la première fois dans ForcedMigration Review, <www.fmreview.org/fmr099.htm>.

RéférencesLe texte intégral du Mémorandum d’accord est disponible auprès de l’UNSECOORD à New York; fax : +1 (212) 963 4104

Le rapport de Kofi Annan, Sûreté et sécurité du personnel des Nations unies : Rapport du Secrétaire général se trouve sur leReliefWeb à <www.reliefweb.int/library/documents/SG_Report_A_55_494.htm>. Parmi les autres documents pertinentsfigurant sur le ReliefWeb citons : Luis Enrique Eguren, ‘Beyond Security Planning: Towards a Model of Security Management’[Au-delà de la planification de la sécurité : vers un modèle de gestion de la sécurité], juillet 2000, <www.reliefweb.int/library/documents/securitymanag.pdf> (voir aussi Eguren, ‘Les lacunes en matière de protection : politiques et stratégies’,Échange de pratiques humanitaires N° 17, octobre 2000)

Parmi les efforts des ONG pour s’occuper des intérêts en matière de sécurité citons :

• Le Protocole de coopération sur le terrain pour les ONG d’InterAction <www.interaction.pair.com/disaster/protocol.html>. Voir aussi James Kunder, ‘Evaluation of the NGO Field Cooperation Protocol’ [Évaluation du Protocolede coopération sur le terrain pour les ONG], disponible sur le site Internet du HPN à <www.odihpn.org/report.asp?ReportID=1073>

• Réseau de sécurité et de protection du personnel humanitaire de VOICE (HSPN) à <www.hspn.org/hspn_home.asp>• Le Code de People in Aid sur les meilleurs usages dans la gestion et le soutien du personnel d’aide, Dossier thématique

20 (Londres : Réseau Aide d’urgence et Réhabilitation, 1997)

Randolph Martin, « La sécurité des ONG sur le terrain », <www.theIRC.ORG/refref/index.cfm>

Koenraad Van Brabant, La gestion opérationnelle de la sécurité dans les environnements violents, Revue sur l’état desconnaissances N° 8 (Londres : Réseau des pratiques et politiques humanitaires, 2000)

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

52HUMANITAIREéchange

Les dernières sanctions contre la Serbie, la principalerépublique de la République fédérale de Yougoslavie(RFY), ont été levées en janvier 2001 suite aux électionsqui ont mis un terme au gouvernement de SlobodanMilosevic. Ces mesures – allant d’une interdiction devisas à des embargos commerciaux et sur les livraisonsd’armes – ont tout d’abord été imposées pourdécourager les conflits, puis pour forcer le respect desAccords de Paix de Dayton de 1995 et, finalement, pourfaire opposition aux actions du gouvernement deMilosevic au Kosovo. Mais elles ont aussi entravé leredressement économique, encouragé une économieparallèle et un marché noir florissants et limité l’accès àdes biens humanitaires essentiels, dont les médicamentset certains approvisionnements énergétiques. De 1993à 1999, plus de la moitié de la population de la Serbies’est appauvrie, s’est retrouvée au chômage ou déplacéeou encore réfugiée. À partir de décembre 1993, leProgramme alimentaire mondial (PAM) a distribué desvivres à 200 000 à 700 000 habitants par mois, tandisque la Croix-Rouge fournissait des vivres, des matériauxpour faire des abris et des vêtements à 100 000 habitantslocaux et à 200 000 personnes déplacées. En tout,l’assistance humanitaire à la Serbie au cours des années1990 a probablement atteint de 5 à 10 milliards de dollarsau total. Par habitant, ce niveau d’assistance étaitprobablement sans égal dans n’importe quelle autre criserécente.

L’impact des sanctions sur l’aide humanitaireCe sont le comité des sanctions de l’ONU et d’autresorganisations internationales qui ont fourni ou gérél’assistance humanitaire. L’Organisation mondiale de laSanté (OMS), le Programme alimentaire mondial (PAM)et l’UNICEF ont effectué leurs propres évaluations desbesoins mais il n’y a pas eu d’évaluations interorgan-isations de l’assistance ni du niveau des besoins ou del’efficacité de la protection humanitaire jusqu’à ce leBureau de la coordination des affaires humanitaires del’ONU (BCAH) ne commence ses opérations en 1999.Ainsi, bien que les conventions internationales exigentle maintien de la dignité humaine et interdisent lessouffrances inutiles, aucun système n’avait été mis enplace pour déterminer si ces principes étaient bienrespectés au cours des sept premières années de sanctionsni comment ils l’étaient, le cas échéant.

Les économistes estiment que les effets des sanctionssur l’économie serbe étaient moins sévères que les effetsde la sécession de quatre des six républiques de laRépublique fédérale de Yougoslavie, de la mauvaise

Les sanctions et la République fédérale deYougoslavie : évaluer les effets et tirer leenseignements

Une décennie de sanctions contre la Serbie, qui fait partie de la République fédérale deYougoslavie, a pris fin en janvier 2001. Mais, comme le dit Richard Garfield, certains deseffets indésirés de ces mesures se feront sentir pendant des années encore

gestion par le gouvernement central et de la destructioninfligée par les frappes de l’OTAN en 1999. Certaineslacunes et une application inadaptée des sanctions avaientaussi atténué leurs effets. Il n’empêche, ces sanctionsétaient assez sévères pour retarder le redressementéconomique. Le coût du combustible avait triplé,paralysant le secteur énergétique et donnant lieu à defréquentes coupures de courant et à des pénuries decombustible, ce qui laissait de nombreux foyers sanschauffage. Le régime s’est servi des approvisionnementsénergétiques comme enjeu politique en mettant moinsde charbon et de pétrole à la disposition descommunautés qui avaient voté contre le gouvernementde Milosevic en 1996. À son tour, l’Union européenne(UE) a approvisionné 34 communautés membres del’opposition à l’aide de son programme « énergie pourla démocratie ». Cette confusion des critères politiqueset humanitaires a occulté les objectifs des sanctions ayanttrait aux droits de l’homme.

Le problème de l’exemptionEn principe, les marchandises humanitaires étaientexemptes des sanctions imposées à la Républiquefédérale de Yougoslavie. En pratique, cependant, cesmarchandises étaient limitées de bien des façons. Lessanctions financières ont interrompu ou gelé les sourcesexternes de soutien, y compris les envois de fondsprovenant de membres de la famille se trouvant àl’étranger, les paiements de retraites et les fonds destinésaux organisations privées de bénévoles. Même lesorganisations humanitaires internationales ont étéaffectées. En 2000, par exemple, le CICR et ECHOont organisé de financer l’achat localement de 4000tonnes de blé pour le PAM à Belgrade. Les fonds etl’approbation sont partis de Bruxelles via Genève versune banque en Allemagne, où ils ont été gelés. Après unretard d’un mois, les fonds ont été déviés via une banquedans un autre pays et n’ont atteint Belgrade que parceque cette banque avait omis d’appliquer les sanctions.

Les restrictions imposées aux contacts culturels etsociaux ont conduit à un isolement intellectuel et scien-tifique. Les habitants ne pouvaient se rendre à l’étranger,ils étaient privés de toute information scientifique,coupés du financement pour la recherche, rejetés parles organisations professionnelles et exclus du systèmepostal international. Bien des gens qui auraient été toutà fait capables de répondre aux besoins humanitaires dupays ont ainsi été découragés d’agir. Les effets de cetisolement pourraient bien prendre plus de temps àcorriger que les coups économiques des années 1990.

numéro 18 • juillet 2001 53

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

AdaptationConfrontés aux sanctions, les gens se sont adaptés. Lahausse progressive en importance du secteur privé danstous les domaines, y compris l’éducation et la santé, aaffaibli le tissu social, encouragé le manque de respectpour les normes sociales et créé des carences et desdéséquilibres dans l’économie. Jusqu’aux années 1990,l’État assurait des avantages sociaux du berceau à latombe, y compris un système de santé bien développéfinancé en grande partie par le gouvernement. À la findes années 1990, la plupart des médicaments et destraitements médicaux étaient devenus privés ce quidésavantageait nettement les personnes déplacées àl’intérieur du pays ainsi que les réfugiés et d’autresgroupes vulnérables. Leur survie dépendait de plus enplus de connections politiques ou familiales, d’une aidecaritative de la part des organisations humanitaires oudu marché noir. La toxicomanie, la violence conjugaleet la proportion de jeunes souffrant de traumatismepsychologique ou affectif ont augmenté.

Les effets des sanctions extérieures ont été amplifiés parle gouvernement Milosevic, qui a imposé ses propresmesures internes pour limiter l’accès aux marchandiseset augmenter les profits des importateurs liés augouvernement. Ainsi, alors que des médicamentsessentiels (dont l’insuline et des antibiotiques de base)étaient difficiles à obtenir, grâce au marché de lacontrebande il était aisé de se procurer certains produitsde « luxe » comme le Viagra. Les contrôles internes dugouvernement sur l’accès aux marchandises et sur leurprix – y compris les marchandises humanitaires – étaientpeut-être aussi importants que les restr ictionsinternationales imposées par les sanctions. Cesrestrictions permettaient qu’il soit fait un usage abusifde l’accès aux droits et aux opportunités de base,aggravant par là-même la discrimination économiqueet sociale. Plutôt que de répondre aux besoins desgroupes vulnérables, les sanctions ont, en fait, contribuéà aggraver la vulnérabilité des femmes et des retraitésde même que de ceux qui ne jouissaient pas de bonscontacts dans le monde politique et des salariés dusecteur officiel de l’économie.

La bureaucratie des sanctionsLe comité des sanctions de l’ONU a autor isél’acheminement de biens humanitaires, instituant unmécanisme grâce auquel les médicaments et produitsconnexes pouvaient être importés. La procédurenécessaire pour requérir une exemption était complexe,embrouillée et prenant beaucoup de temps. Le comitéa été rapidement dépassé par le volume des requêtes etmanquait de compétences nécessaires pour les étudier.Même les requêtes émanant du CICR et de l’OMS,parfois, ne sont pas parvenues à obtenir des réponsesrapides. Près de la moitié des fonds disponibles àl’importation des médicaments n’ont pu être utilisésdu fait que le comité des sanctions n’avait pas été à mêmede donner son approbation à temps.

Le PAM et l’UNICEF ont effectué des évaluations hum-anitaires importantes et assurés des services aux groupesdans le besoin. D’autres groupes dotés de mandats ayant

trait au développement culturel ou économique étaientbien plus limités dans leurs activités. Jusqu’en 2000, lePNUD n’avait qu’une mission d’observation en Serbie,et l’UNESCO et la Banque mondiale n’ont jamaisenvoyé de missions sur le terrain. L’OMS n’a pu dépêchésur place qu’une mission d’assistance humanitaire car saconstitution ne permet pas de bureaux techniquescomplets dans les pays qui ne sont pas membres del’ONU. Ceci a empêché une assistance pour la réformedes systèmes de santé, qui aurait pu améliorer l’à-proposou l’efficacité des programmes sanitaires.

L’après-sanctionsMême à leur pire moment, les problèmes qui se sontprésentés au comité des sanctions étaient dérisoires encomparaison des effets non anticipés de la levée dessanctions par l’ONU en 1996. L’idée générale était quececi marquerait un « retour à la normale pour le mondedes affaires ». Bien au contraire, le résultat a souvent étéun calme plat pour les affaires. Les entreprises avaientretiré leurs représentants de la République fédérale deYougoslavie pendant les sanctions et vendaient leursmarchandises sous l’autorité et la protection juridiquedes Nations unis. Le comité des sanctions a utilisé lesfonds de la République fédérale de Yougoslavie gelésdans des comptes internationaux pour régler nombred’importations médicales. Sans ces garanties et sans lasupervision du comité des sanctions, les entreprises enRépublique fédérale de Yougoslavie ont accumulé desdettes élevées et perdu la confiance des vendeurs. Avecun marché plus modeste et instable après les sanctions,une instabilité continue dans les relations avec laRépublique fédérale de Yougoslavie et des sanctionstantôt appliquées tantôt levées parmi les États de larégion, de nombreuses entreprises estimaient que c’étaittrop risqué d’un point de vue économique ou politiquede vendre leurs marchandises dans le pays. L’ironie estque la levée des sanctions par l’ONU s’est soldée parune réduction de l’accès aux médicaments d’impor-tation. L’on n’est pas suffisamment conscient desconséquences continues des sanctions et de la nécessitéde maintenir les échanges commerciaux pour protégerles approvisionnements en marchandises humanitaires.

Les enseignements à tirer pour l’avenirBien que ne faisant pas partie des intentions déclaréesdes sanctions, l’isolement culturel et intellectuel en aété l’une des conséquences majeures. Il y a une certaineconfusion quant aux règles qui régissent les sanctionset de grandes possibilités de discrimination contre leshabitants dans un pays qui fait l’objet de sanctions. Lesinstances qui fixent les sanctions devraient annoncerclairement qu’un tel isolement n’est pas parmi leursobjectifs et elles devraient s’efforcer de faciliter lescommunications, y compris par courrier et par Internet,si ceci est autorisé au regard des sanctions.

Les comités des sanctions de l’ONU et d’autresorganisations internationales ont un rôle particulière-ment important à jouer. Ces comités ont, par le passé,été mis sur pied pour juger quelles marchandisesdevraient être autorisées dans un pays faisant l’objet desanctions. L’on pourrait au contraire leur confier la

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

54HUMANITAIREéchange

charge plus positive d’assurer un « couloir humanitaire »qui aiderait le pays à acquérir des marchandisesapprouvées. Un comité des sanctions devrait aussicontribuer à garantir que les marchandises permisespuissent être achetées et il devrait encourager les ventesde tels produits pendant et après la période de sanctions.Ces comités pourraient aussi observer les conditionshumanitaires et identifier et faciliter les actions visant àpourvoir aux besoins des groupes vulnérables.

Le statut des organisations humanitaires de l’ONU quitravaillent dans des pays qui ne sont pas actuellementmembres des Nations unies devraient faire l’objet d’unnouvel examen. L’arrangement actuel de missionsd’« observation », qui se limitent à fournir une informa-tion scientifique et une assistance technique dotées d’unavantage potentiel d’un point de vue humanitaire, devraitêtre révisé. Ceci pourrait demander la création denouveaux critères pour les missions d’observation, afind’éviter de contribuer à l’isolement intellectuel et culturel.

Contrôler les effets des sanctions sur l’action humanitairedevrait commencer dès que celles-ci sont à l’étude etdevrait se poursuivre pendant toute la durée dessanctions. Que des professionnels, en Serbie, qui avaientreçu une formation avancée et utilisaient de bonssystèmes de données, puissent estimer que l’effet prin-cipal des sanctions était une hausse de la mortalité infantiledonne à réfléchir. Non seulement ceci n’était pas vrai,mais la mortalité infantile à davantage baissé dans laRépublique fédérale de Yougoslavie que dans n’importequel autre pays de la région dans les années 1990.

Parallèlement, la hausse des taux de mortalité parmi lesadultes est passé inaperçue. Un suivi impartial de la partdes autorités internationales pendant toute la durée dessanctions peut attirer l’attention sur des problèmesimportants. Il peut aussi aider à identifier les groupes

vulnérables et faciliter une réponse plus efficace auxdifficultés de ceux qui sont les plus démunis, à la foispendant les sanctions et pendant la période de transitionaprès leur levée.

Le cas de la République fédérale de Yougoslavie montreque le suivi ne devrait pas seulement se concentrer surles conditions humanitaires, mais aussi sur l’efficacitédes exemptions aux sanctions. Le suivi doit êtrespécifique au pays. Le grand nombre de cas d’obésitéen Serbie, par exemple, rend les mesures de lamalnutrition dans les crises traditionnelles insensiblesaux changements dans les conditions de vie. Un suiviau plan national devrait, chaque fois que cela est possible,être complété par des bilans au niveau local. Cecipourrait augmenter la capacité des communautés localesà mobiliser des fonds, à fixer les priorités, à identifier lesgroupes et individus les plus démunis et à s’engagerdans le renforcement des capacités afin d’accélérer leredressement. Plutôt que simplement des clichés anciensde la situation, ces bilans devraient être exécutéspériodiquement et ils devraient être plurisectoriels.

Richard Garfield est professeur clinicien à ColumbiaUniversity, New York. Un rapport détaillé sur les sanc-tions et les données humanitaires pour la Républiquefédérale de Yougo-slavie, dont est tiré ce rapport, setrouve à ReliefWeb, <www.reliefweb.int>.

La recherche a été entreprise avec l’appui du BCAH/NYet de l’UNICEF/Belgrade, et avec l’assistance de ManuelBessler, Kayoko Gotoh, Jelena Marjanovic et Jean MichelDelmotte. Parmi les autres organisations qui ontcontribué à l’étude dans la République fédérale deYougoslavie citons l’ICVA, l’OMS et le PNUD. Ce rap-port présente l’opinion de l’auteur mais pas nécessaire-ment celle des individus ou organisations qui y ontcollaboré.

RéférencesSite Internet du Group 17 <www.g17.org.yu/english/index.htm> – un groupement indépendant d’économistes yougoslaves

La Campagne contre les sanctions en Iraq <www.casi.org.uk>

Richard Garfield, Les Effets des sanctions économiques sur la santé et le bien-être, Dossier thématique 31 (Londres : RRN,1999)

Koenraad Van Brabant, Les sanctions peuvent-elles être plus intelligentes ? débat actuel (Londres : ODI/RRN, 1998)

D. Cortright et G. Lopez (éds), The Sanctions Decade: Assessing UN Strategies in the 1990s [La décennie des sanctions :évaluation des stratégies de l’ONU dans les années 1990] (Boulder, CO : Lynne Rienner, 2000)

Chantal de Jonge Oudraat, ‘Making Economic Sanctions Work’ [Rendre les sanctions économiques opérationnelles], Survival,vol. 42, no. 3, automne 2000

Elizabeth S. Rogers, ‘Economic Sanctions and Internal Conflict’ [Sanctions économiques et conflit interne], dans Michael E.Brown (éd.), The International Dimensions of Internal Conflict [Les dimensions internationales du conflit interne] (Cambridge,MA : Le MIT Press, 1996)

E. Hoskins, The Impact of Sanctions: A Study of UNICEF’s Perspective [Les effets des sanctions : étude du point de vue del’UNICEF] (New York : UNICEF Office of Emergency Preparedness [Bureau de la Planification préalable en cas d’urgence]1998)

numéro 18 • juillet 2001 55

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

Trois ans après son premier Livre blanc sur le développe-ment, le gouvernement britannique a publié son second,Eliminating World Poverty: Making Mondialisation Work forthe Poor [L’élimination de la pauvreté dans le monde :faire jouer la mondialisation en faveur des pauvres], endécembre l’an dernier.1 Il s’agit d’un document degrande envergure, qui couvre des questions aussi diversesque les nouvelles technologies, le commerce desarmements, le maintien de la paix, la corruption etl’obligation de rendre compte et l’acheminement del’aide. Il engage le Gouvernement britannique à atteindretoute une série d’objectifs groupés autour des Objectifsde développement international tels qu’énoncés dansle premier Livre blanc et, par la suite, avalisés lors duSommet du Millénaire des Nations unies à la fin de l’andernier. Ses éléments essentiels englobent les objectifsdu Comité d’assistance au développement (CAD) quiprévoient d’ici à 2015 une réduction de moitié de laproportion de la population qui vit dans une « extrêmepauvreté », une éducation primaire pour tous les enfantspartout dans le monde d’ici à la même date, un « progrèsavéré vers la parité des sexes », une réduction importantede la mortalité maternelle et infantile et la mise en œuvrede « stratégies nationales de développement durable danstous les pays » d’ci à 2005.

L’engagement du Gouvernement britannique dans leLivre blanc est d’une portée tout aussi grande quel’envergure du document. Le gouvernement promet enparticulier d’(e) :

� « œuvrer de concert avec les autres » pour « gérer »la mondialisation afin de réduire la pauvreté ;

� promouvoir une croissance économique équitableet durable ;

� aider les pays en développement à mettre en placedes gouvernements efficaces, à réduire la corruption,à garantir le respect des droits de l’homme et à réduirele conflit ;

� promouvoir une meilleure hygiène et une meilleureéducation pour les plus démunis ;

� ne ménager aucun effort pour renforcer le systèmefinancier mondial, améliorer la coopérationinternationale relative aux investissements, à laconcurrence et à la fiscalité et encourager une

La mondialisation peut-elle vraiment jouer en faveurdes pauvres ? : le nouveau Livre blanc du RU sur ledéveloppement

« responsabilité sociale d’entreprise de la part dessociétés nationales et transnationales » ;

� encourager un « système commercial internationalouvert et fondé sur des règles » et des réductionscontinues dans les barrières commerciales ;

� s’attaquer à la dégradation de l’environnement ;

� rendre plus efficace l’aide au développement etaccélérer l’allègement de la dette ;

� « collaborer avec les autres » pour mettre en place un« système international plus fort, plus ouvert et pluscomptable ».

L’aide britannique au développement devrait aussis’accroître de 45 pour cent d’ici à 2003–2004, pouratteindre 36 milliards de francs (soit 5 milliards de dollars)ou l’équivalent de 0,33 pour cent du produit nationalbrut (en hausse par rapport au chiffre de 0,26 pour centen 1997). Ceci est encore loin, cependant, de l’objectifde 0,7 pour cent fixé par l’ONU.

Les hypothèses sous-jacentesLe Livre blanc est, de par sa nature, un documentpolitique destiné tout autant à la consommationintérieure car il s’agit d’une déclaration de priorités enmatière de développement international. Il est guidépar deux positions idéologiques fondamentales. Lapremière est une foi néo-libérale dans les avantagesqu’offrent la mondialisation, les marchés libres et ladéréglementation commerciale. Le risque n’est pas,d’après le document, que la mondialisation désavantagela majorité du monde en développement en faveur d’uneminorité occidentale, mais plutôt que le monde endéveloppement soit en quelque sorte exclu des aspectspositifs que la mondialisation a à prodiguer. Ceci est,bien entendu, discutable. À part une référence gnomiqueau « côté sombre » de la mondialisation – à savoir laprolifération de la traite des êtres humains et de lapornographie enfantine – il n’y a guère de tentativespour répondre à quelques-unes des questions poséessur la mondialisation à Seattle et ailleurs. Cette situationrepose sur une définition restrictive de la mondialisationcomme si elle signifiait tout simplement « intercommun-ication », plutôt que sur une analyse plus sophistiquéequi prend en compte les effets d’un commercetotalement libéralisé et des courants de capitauxincontrôlés, par exemple. Certes, les effets de ceschangements dans l’économie mondiale se font sentirdans le monde développé où emplois et capitaux sontalors transférés vers des juridictions plus favorables. Ladifférence, cependant, c’est que les économies biendéveloppées sont en général assez robustes pour

1 Pour le gouvernement britannique, un Livre blanc est undocument qui présente une information ou des propositionssur un sujet particulier. Ce n’est pas un document juridiqueen soi.

LE

S

PR

OC

ES

SU

S

DE

CI

SI

ON

NE

LS

56HUMANITAIREéchange

compenser ce déficit, soit grâce à une croissance dansd’autres domaines soit au moyen de dispositions socialesà court terme. Souvent les populations les plus démuniesdu monde en développement n’ont pas ces mesuresd’intervention à leur disposition.

La seconde hypothèse, qui est liée à la première, c’estque la mondialisation peut être gérée au bénéfice despauvres. Là encore, c’est une question de définition. Sila mondialisation signifie simplement un monde pluslié, sa gestion devrait effectivement être possible aumoyen d’une coopération intergouvernementale plusgrande pour en fixer les règles. Mais si la mondialisationsignifie un affaiblissement de l’autorité gouvernementaleet une érosion progressive des systèmes fondés sur lesrègles, il est alors clair que sa gestion devient plusproblématique. Quelle que soit la définition que l’ondonne à la mondialisation, celle-ci n’était pas en soiresponsable de l’effondrement de l’économie thaïl-andaise en 1997, toutefois l’aisance avec laquelle lescapitaux peuvent se déplacer d’un pays à l’autre acontribué à la propagation de la crise. Il se peut quecela ait été un échec en matière de gestion, mais celaaurait pu tout aussi bien être la conséquence inéluctablede la manière dont le système opère. La question n’estpas purement théorique : l’on peut au moins soutenirqu’il y a un lien de cause à effet entre l’effondrementde l’économie indonésienne et la crise humanitaire auTimor oriental et le conflit interne qui s’ensuit. Ceuxqui se trouvent plus à gauche de l’échiquier politiquepourraient avancer que ce dont le monde endéveloppement a réellement besoin est davantage deréglementation et de protection, plutôt que de tenterd’ouvrir ses marchés et ses sociétés aux marchandises,aux capitaux et à la culture de l’Occident.

Le Livre blanc et l’humanitarismeLe Livre blanc n’a pas grand-chose à dire directementau personnel humanitaire, ceci est dû en partie à ladistinction rigide qu’il fait entre les enjeux du « déve-loppement » et les enjeux « humanitaires ». Les chiffresbudgétaires visés plus haut n’englobent pas l’assistancehumanitaire et le mot « humanitaire » n’est mentionnéque cinq fois dans les 108 pages du document et, mêmelà, essentiellement dans le contexte soit de violationsdu droit international humanitaire, soit pour décrire lesinterventions militaires au Kosovo et au Timor oriental.L’assistance humanitaire n’est mentionnée que deux fois.

Ceci dit, un certain nombre de questions traitées par cerapport officiel ont des implications humanitairesévidentes. La principale est le conflit. Dans ce cas,cependant, l’analyse est figée : le conflit est mauvais pourle développement et il doit disparaître avant que ledéveloppement puisse se faire. Il est patent que cecin’est pas strictement vrai dans tous les conflits à toutmoment. En outre, il ne fait aucun rapport entrel’économie de la mondialisation et la perpétuation,l’atténuation ou le réglement du conflit. L’implicationdes Taliban au trafic de stupéfiants en Afghanistan,l’exploitation des ressources forestières au Cambodgeou au Libéria ou encore les profits de l’UNITAprovenant du diamant et les revenus tirés du pétrole du

gouvernement angolais font tout autant partie du « côtésombre » de la mondialisation que la prostitution. Lesguerres civiles peuvent présenter des bénéficeséconomiques pour les combattants, ce qui joue souventcontre leur réglement. Si la mondialisation a facilité lecommerce licite, il est peut-être naturel alors deprésumer qu’elle a joué le même rôle pour lescommerces illicites qui alimentent un grand nombredes guerres les plus brutales d’aujourd’hui. De même,le Livre blanc parle abondamment du rôle que l’ONUdevrait remplir dans la prévention des conflits et ilendosse les propositions énoncées dans le rapportBrahimi (voir l’article sur Brahimi dans ce numéro).Mais Là encore, il n’y a aucune tentative de faireprogresser cet argument. Les déclarations de soutien nesont pas la même chose qu’un appui financier sansréserve ou des promesses de dons pour amener par lacajolerie les membres de la communauté internationaleles moins disposés à le faire à honorer leurs engagementsenvers l’Organisation.

Vers un changement fondamental ?Deux Livres blancs au cours d’un même gouvernementest une réussite en soi et prouve un attachement évidentau développement. La portée de ce rapport officiel estaussi impressionnante, tout comme l’est l’éventail depromesses de dons auquel s’est engagé le gouvernementbritannique. Mais le Livre blanc cherche à ajuster pourainsi dire les éléments fondamentaux sur lesquels reposele système mondial plutôt qu’à avancer un ordre dujour radical de changement. L’admission que lesgouvernements des pays en développement ont besoind’une voix plus forte dans les instances multilatéralesclefs est accueillie avec satisfaction, mais ceci ne sauraitgarantir qu’ils obtiennent une donne plus équitable. L’onse félicite également du propos du Livre blanc derenforcer l’obligation de rendre compte du point devue social en ce qui concerne les sociétés transnationales– qui sont tout autant les moteurs de la mondialisationque le sont les gouvernements de leur pays d’origine.Mais le rejet de la réglementation par le livre blanc enfaveur d’encouragements est de mauvais augure pourun changement significatif. Finalement, le manque detoute discussion approfondie de l’assistance humanitaireest une carence fondamentale dans un document quitraite des effets de la mondialisation. Chercher à savoirqui est gagnant et qui est perdant au fur et à mesure quela mondialisation prend de l’ampleur et comment cephénomène doit être abordé est à peine mentionné. Ilsemble certain qu’il y ait des perdants ; certains pays etcertaines populations seront de plus en plus marginalisésà mesure que l’assistance afflue vers les pays jugés« acceptables » par les donateurs. Que va-t-il leur arriverdans notre monde de plus en plus « planétaire » ?

RéférencesEliminating World Poverty : Making Globalisation work forthe Poor [L’élimination de la pauvreté dans le monde : fairejouer la mondialisation en faveur des pauvres] est disponibleà <www.globalisation.gov.uk>. Le Livre blanc dugouvernement britannique de 1997, Eliminating WorldPoverty [L’élimination de la pauvreté dans le monde] setrouve à <www.dfid.gov.uk/public/who/who_frame.html>

numéro 18 • juillet 2001 57

PA

GE

D

E

GA

RD

EPAGE DE GARDE

Baliet, petite ville de huttes de boue perdue dans la junglede la région du Haut Nil dans le Sud-Soudan, estaccrochée sur les bords de la rivière Sobat. Si on s’enapproche en venant de l’ouest, plusieurs heures aprèsavoir quitté le Nil blanc près de l’extrêmité nord duCanal Jonglei, la première indication que cette coloniede peuplement existe sont les pirogues remontées sur larive. Avant la guerre civile, il était possible d’atteindre laville par la route, mais cette route est envahie par lavégétation depuis des années et l’on croit, à juste titre,qu’elle est minée.

Avec une petite équipe de la Campagne soudanaise pourl’interdiction des mines terrestres (SCBL) et Oxfam, jeme suis rendu à Baliet dans le cadre d’une initiative visantà évaluer l’étendue des problèmes liés aux mines terrestresau Soudan. Pendant les jours que nous avons passés dansla ville j’ai été frappé non seulement par la détresse decette communauté sinistrée par la guerre, mais encorepar les effets minimes que les activités de la campagneinternationale contre les mines terrestres et laConvention d’Ottawa exercent sur les vies désespéréesdes populations dans ces situations. Il est, peut-être, justed’avancer que si ce n’était pour l’intérêt internationalaccru aucun financement n’aurait été mis à la dispositionde notre mission, mais il serait difficile de trouver unimpact plus grand. Les habitants de Baliet n’avaient pas

Les mines terrestres : et maintenant que faire ?

Rae McGrath sur la raison pour laquelle la campagne d’interdiction des mines terrestres abesoin de reprendre de l’élan

conscience que la communauté internationale s’étaientengagée à éliminer les mines terrestres et même sil’interdiction des mines anti-personnel avait étéantérieure aux batailles qui avaient rendu leur terre sidangereuse et si les parties belligérantes avaient respectéles exigences de la convention, cela n’aurait guèremodifié la situation.

La bourgade de Baliet elle-même, entourée de terrainsremplis de mines anti-personnel, se trouve en plein cœurd’un champ de mines anti-tank, un type de mineterrestre interdit au regard du traité d’Ottawa. Desconsidérations de cette nature sont théoriques ; que lesparties au conflit soudanais arrêtent d’utiliser des minesterrestres ou non, Baliet est déjà minée. Il y a desstructures d’accueil en chirurgie et prothèse capablesde traiter les survivants d’incidents dus à des minesterrestres au Soudan ; mais il est douteux qu’une victimequelconque de Baliet survive à une évacuation par larivière, même dans l’éventualité tout à fait improbableoù l’on pourrait trouver un radeau adapté. Le Sud-Soudan est ravagé par la guerre et, malgré le fait queBaliet n’a pas connu de combat depuis quelques années,ceci garantit qu’aucun effort international pour nettoyerles mines dans le pays ne sera entrepris dans un avenirprévisible. Or la situation n’est pas aussi simple que celapuisse paraître car un certain nombre de communautés

Victimes de mines terrestres dans les pays visés

Albanie 136 victimes recensées en juin 1999–juillet 2000Angola 1004 victimes officiellement recensées de la mi-1998 à 2000Bosnie-Hertzégovine 94 victimes en 1999Birmanie Estimations : 1500 victimes en 1999Cambodge 1012 victimes recensées en 1999Colombie 63 victimes identifiées en 1999, dont 35 au premier semestre 2000Croatie 51 victimes déclarées en 1999Djibouti 69 victimes recensées entre 1999 et début 2000Érythrée 504 victimes déclarées entre 1994 et mi-999Éthiopie 100 morts déclarées, 1998–1999Inde (Jammu & Kashmir) 835 victimes civiles recensées en 1999Kosovo 492 victimes recensées, juin 1999–mai 2000Laos 102 victimes déclarées en 1999Liban 50 victimes en 1999, au moins 35 avant juin 2000Mozambique 60 victimes recensées en 1999Namibie 89 victimes déclarées décembre 1999–mi-mai 2000Pakistan 405 victimes identifiées dans la région de BajaurPhilippines 33 victimes déclarées en 2000Sénégal 59 victimes enregistrées en 1999Soudan 51 victimes à Chukudum (1999–mai 2000)Sahara occidental 42 victimes déclarées en novembre 1999–mars 2000Tchétchénie Des centaines de victimes déclarées en 1999 et 2000

Source : Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres, Landmine Monitor Report 2000, <www.icbl.org/lm/2000/report>

58HUMANITAIREéchange

PA

GE

D

E

GA

RD

Edans les régions du Sud-Soudancontrôlées par l’armée populairede libération du Soudan (SPLA)bénéficient d’initiatives de démin-age financées au plan international.Par contre, Baliet, située dans unterritoire entre les mains du gou-vernement, ne pourrait être consi-dérée pour ce genre d’initiativespar aucun des principaux donateursinternationaux parce que ceux-cijugent que le régime de Khartoumdépasse les limites du point de vuepolitique et des droits de l’homme– fait que les habitants de Balietne sauraient guère influencer.

J’ai choisi Baliet comme exemple,non pas parce que c’est unebourgade qui sort de l’ordinaire,mais plutôt parce qu’elle repré-sente la norme au Sud-Soudan etdans bien d’autres pays. Si cescommunautés ne sont pas sympto-matiques de l’échec de la campagne d’interdiction desmines terrestres et de la réponse internationale aux minesterrestres, elles illustrent clairement à quel point noussommes loin d’atteindre nos objectifs. Ce qui ne veutpas dire, comme l’ont conclu les critiques, que nousavons échoué. Ce n’est cependant pas un réconfortd’accepter que la campagne internationale ne s’est passoldée par des mesures réalistes en matière d’ingénierieou d’aide aux victimes dans les pays affectés par les mines.

Les raisons en sont relativement simples : des fondsinsuffisants ont été engagés et les réponses sont liéesaux ordres du jour politiques des pr incipauxgouvernements donateurs. Si cette dernière raison estprobablement la conséquence inévitable des prioritésqui se chevauchent des principaux donateurs dans leszones de conflit, ce n’est certainement pas une situationà accepter. Puisque la société civile pouvait influencer,motiver et forcer les gouvernements à adopter un traitéaccéléré pour interdire les mines anti-personnel,pourquoi s’arrêter là ?

Lorsque le défi est lancé aux hommes politiques et auxfonctionnaires de répondre à l’accusation que l’actionconsa-crée aux mines est très insuffisamment financée,ils répondent invariablement en dressant la liste des

montants que leursgouvernements respectifs ontdonnés, plutôt qu’en expli-quantpourquoi des fonds suffis-antsn’ont pas été rendus dispon-ibles.Cet argument pourrait êtreparaphrasé de la manière sui-vante : « nous avons affectébeaucoup d’argent à l’actioncontre les mines – cela devraittout de même être suffisant ». AuKosovo, où il y avait une incit-ation politique, « beaucoup » peuten effet être suffisant. Dans laplupart des autres pays minés, oùla seule motivation est la détressehumaine, « beaucoup » s’est avéréinsuffisant. L’on ne pourraitraisonnablement réfuter qued’autres secteurs de l’interventionhumanitaire et liée au développe-ment exigent un financementtout aussi urgent et tout aussinécessaire. Ceci étant le cas, il est

surprenant qu’aucun gouverne-ment, parmi lesnombreux gouvernements qui se sont montré consternéset préoccupés par l’impact des mines terrestres, n’aitadopté la seule option possible et juste, à savoir promettredes fonds prelevés sur le budget militaire spécialementpour déminer les terrains minés et l’artillerie inexploséeet pour évacuer et traiter les victimes des mines.

Dans quelle mesure cette option est-elledéraisonnable ?Cette option ne trouverait guère de soutien dans lesministères de la Défense et dans les hiérarchies militaires.Les gouvernements pourraient à juste titre répondre àcette opposition en disant que « beaucoup » du point devue des dépenses militaires doit être « assez », en d’autresmots, en choisissant l’option courageuse de placer le positifau-dessus d u négatif – en favorisant les priorités de lavie aujourd’hui aux dépens des coûts prévisionnels duconflit demain. Cette proposition n’est pas aussirévolutionnaire qu’elle semble l’être. Même une compa-raison rapide des coûts de l’équipement militaire avec lesbudgets actuellement alloués au déminage humanitairerevèle que l’armée n’y perdrait guère en termes réels,alors que les programmes réservés à l’action contre lesmines bénéficieraient de façon spectaculaire. De plus, cecine serait pas une contribution injuste de la part desnombreux pays dont les forces armées ont bénéficié d’uneformation « gratuite » en matière de déminage danscertains des pays les plus touchés du monde.

Pour que cette argumentation soit même considérée, ilfaut exercer une pression politique ; la société civile doitde nouveau pousser le gouvernement pour qu’il débloqueles fonds nécessaires à l’élimination des mines terrestresdéjà dans le sol. La campagne contre les mines terrestresn’en fait pas assez à cet égard. Ceci peut paraître uneadmission surprenante de la part d’un membre actif de lacampagne, mais je ne suis pas le seul parmi les militants àêtre convaincu que nous devons redonner de l’élan à

Déminage en Angola

© Sean Sutton/M

AG

Financement émanant des donateurs pour lesprogrammes d’action contre les mines, 1993–1999(en millions de dollars)

1993 22,21994 37,71995 66,71996 991997 102,61998 158,21999 210,6

Source : Landmine Monitor Report 2000

numéro 18 • juillet 2001 59

PA

GE

D

E

GA

RD

Ecette campagne et, une fois de plus, mettre les minesterrestres à l’ordre du jour politique, pour que si lesgouvernements ne réagissent pas cela leur coûte desvotes. Les centaines d’organisations qui composent lacampagne internationale ont besoin de redevenir activesune fois de plus sur la question des mines terrestres,parce que sans leur engagement franc, la campagne estinefficace et les idéaux auxquels nous avons publiquementaspiré au cours de la dernière décennie du vingtièmesiècle ne s’avéreront rien de plus qu’un exercice derhétorique. Certaines organisations soutiendront qu’ellesne peuvent être « actives » que sur une seule question àla fois et qu’elles ont à présent dépassé la campagnecontre les mines terrestres pour s’intéresser au pointsuivant, mais cette argumentation n’est pas défendablealors que pratiquement aucun des objectifs originauxde la campagne internationale n’a été atteint.

Lorsque la campagne contre les mines terrestres a acceptéle Prix Nobel de la Paix, ses membres ont exprimé lesentiment que l’élimination des mines terrestres étaitune chance de « laisser le monde dans un meilleur état »

pour les générations futures. L’élimination des minesest un objectif réalisable et une possibilité du point devue de l’ingénierie, mais tout examen neutre des progrèsque nous avons accomplis conclurait que nous sommesvoués à l’échec, que nous sommes en train de gâcherune rare occasion de nous montrer capables de prendresoin de l’humanité et de notre environnement dans unmonde dominé par la preuve de notre capacité dedestruction. Si c’est ce qu’il advient, les gouvernements,les fabricants d’armes et les combattants n’en seront pasles seuls responsables ; la campagne contre les minesterrestres (et les organisations qui s’y rattachent)partageront la culpabilité au motif que, si nous avonsréussi à en faire beaucoup, nous n’en avons pas fait assez.

Rae McGrath est un partenaire de Bridge Initiatives, unService de conseil spécialisé dans les interventionsd’après-conflit et conseiller technique pour LandmineAction, la campagne britannique contre les mines terres-tres. Il peut être joint par e-mail à <[email protected]>, ou en écrivant à Bridge Initiatives, Carlisle Enter-prise Centre, James Street, Carlisle CA2 5BB, RU.

RéférencesLe texte intégral du Traité d’Ottawa se trouve à <www.armscontrol.org>

Chris Horwood, L’action humanitaire contre les mines : la première décennie d’un nouveau secteur, Dossier thématiqueN° 32 (Londres : Réseau des pratiques et politiques humanitaires, 2000)

Rae McGrath, Landmines: Legacy of Conflict [Les mines terrestres : leg du conflit] (Oxford: Oxfam, 1994)

Rae McGrath, A Wasteland Called Peace [Une terre à l’abandon que l’on appelle Paix] document de synthèse pour laCampagne britannique pour un commerce des armements transparent et comptable, 1999

Rae McGrath, Landmines and Unexploded Ordnance: A Resource Book [Les mines terrestres et l’artillerie inexplosée](Londres : Pluto Press, 2000)

Niland Eaton et Chris Horwood, The Development of Indigenous Mine Action Capacities [Le développement des capacitésautochtones en matière d’action contre les mines] (New York : United Nations/DHA, 1998

Office des programmes de déminage humanitaire, Hidden Killers: The Global Landmine Crisis [Les tueurs cachés : la crisemondiale des mines terrestres] (Washington DC: US State Department, 1998)

United Nations Mine Action Service, Mine Action and Effective Coordination: The United Nations Policy [L’action contre lesmines et une coordination efficace : la politique des Nations unies] (New York : United Nations, 1998)

Landmine Action <www.landmineaction.org>

Mines Action Canada <www.minesactioncanada.com>

Campagne internationale contre l’interdiction des mines terrestres,<www.icbl.org>

Initiative allemande en faveur de l’interdiction des mines terrestres <www.landmine.de>

Handicap International <www.handicap-international.org/presentation/icbl>

CICR <www.icrc.org/eng/mines>

Centre de déminage humanitaire de l’Université James Madison <www.hdic.jmu.edu>

Mines Advisory Group <www.mag.org.uk>

Centre des Nations unies contre les mines terrestres <www.un.org/Depts/landmine>

Le Réseau des pratiques et politiques humanitaires (HPN) estle nouveau nom du Réseau d’Aide d’urgence et de Réhabilitation(RRN). Il a été lancé en 1994 en réponse à une rechercheindiquant qu’il existait des fossés immenses entre les spécialisteset les décideurs dans le domaine de l’humanitaire de mêmeque des défaillances graves dans la capacité du secteur àapprendre et à mieux « se fonder sur la recherche ».

ButEncourager l’analyse critique, faire progresser l’acquisition desconnaissances et le perfectionnement professionnels de ceuxqui s’occupent de l’action humanitaire ou qui exercent desactivités connexes et améliorer les pratiques.

ObjectifFournir une analyse et des conseils pertinents et faciles à utiliserpour la pratique humanitaire, de même qu’une informationconcise sur les mesures et les développements institutionnelspertinents dans le secteur humanitaire.

Activités• Publications en trois formats : Revues sur l’état des

connaissances (une par an), Dossiers thématiques (de quatreà six par an) et le magazine du HPN (deux par an). Tous cesdocuments sont publiés en anglais et en français.

• Opération d’un site de ressources sur le web : ce siteconstitue l’un des premiers sites de référence pour les acteurshumanitaires.

• Collaboration avec les réseaux « partenaires » internationaux :ceci augmente la portée du HPN et apporte un bénéficemutuel aux réseaux partenaires.

• Organisation de séminaires occasionnels sur des thèmesd’actualité : ces séminaires réunissent praticiens, décideurset analystes.

Public ciblé du HPNLes particuliers et les organisations qui œuvrent activement dansl’action humanitaire. Ainsi que ceux qui sont impliqués dansl’amélioration des performances au niveau international,national et local – en particulier les cadres opérationnels moyens,le personnel des services politiques et les formateurs.

Tout en étant un projet et un Réseau doté de sa propre identité,le HPN est intégré au Groupe de travail sur les politiqueshumanitaires (HPG), dans le cadre de l’Overseas DevelopmentInstitute. Grâce à cela le HPN bénéficie de possibilitésimportantes de constitution de réseaux et de diffusion et, enoutre, se positionne dans un « centre d’excellence » plus vastequi renforce l’impact de ses travaux.

Le financementHPN est soutenu par : Swedish International Development Co-operation Agency (SIDA), Royal Danish Ministry of Foreign Af-fairs (DANIDA), Department for International Development(DFID, UK), Dutch Ministry for Foreign Affairs (MFA), et UnitedStates Agency for International Development (USAID).

Réseau des pratiques et politiqueshumanitaires

HUMANITAIREéchange

Échange humanitaire est publié par le Réseaudes pratiques et politiques humanitaires, dans

le cadre du Groupe de travail sur lespolitiques humanitaires, à l’Overseas

Development Institute

CoordinatriceFrances Stevenson

Coordinateur adjointMatthew Foley

AdministratriceRebecca Lovelace

Administratrice adjointeVictoria Siddiqui

Edité par Matthew Foley et Frances Stevenson

Mise en pagepar Victoria Siddiqui avec Rebecca Lovelace

Traduction par Claire Mantle

Imprimé par DS Print & ReDesign,Enfield, Londres

Réseau des pratiques et politiqueshumanitaires

Overseas Development Institute111 Westminster Bridge Road,

London, SE1 7JDR-U

Tél : +44 (0)20 7922 0331/74Fax : +44 (0)20 7922 0399

Email : <[email protected]>Site web : <www.odihpn.org>

ISSN: 1472-4847© Overseas Development Institute 2001