ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

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, ECHA-NGES N° 122- Automne 2007 - 3 euros

bulletin du réseau

« Échanges et mouvement »

CHIAPAS, le nouveau visage de la guerre, p. 3

Dans les publications : Amérique latine, p. 9

Les tentatives d'insertion de l'INDE dans le capitalisme mondial, p. 10

Dans les publications: Monde. Etats-Unis: une seconde

révolution industrielle, 1 'exemple de la Caroline du Nord, p. 28

FRANCE :La descente aux enfers ou la lutte, p. 33 +Crise, union nationale

et bruits de bottes, p. 38 +Dans les publications, p. 39

Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:<<Etaient-elles

incompatibles, la critique de la vie quotidienne et la critique du système

d'exploitation?>>, p. 40 +<<Le problème de l'égale participation

de tous», p. 42 +A propos des TÉLÉOLOGUES, p. 43, et réponse:<< Questions

anciennes, conditions nouvelles», p. 44

Economie. LA CRISE FINANCIERE vue d'en bas, p. 50

Les mouvements ouvriers et la mobilité du capital,

tiré du livre de Beverly J. Silver, << FORCES OUVRIERES Les conflits ouvriers

et la mondialisation depuis 1870 »,p. 56

Dans les publications: théorie, organisations, histoire, p. 71

NOTE DE LECTURE.« MIL, Mouvement ibérique de libération. Mémoires

de rebelles>>, Jean-Claude Duhourcq et Antoine Madrigal, p. 74

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ÉCHANGES Bulletin du -réseau " Echnn ges ct mouvement'~

pour abonnement. informations et correspondance · BP 241, 75866 Pans Cedex 18. france C'ourriel

echanges. mouvement

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Sur Internet http // \\ww mondialisme.org

Abonnement· 15 euros pour quatre numéros comprenant les brochures publiées dans l'année.

Les publications d'Echanges et mouvement sont régulièrement déposées dans les librair'ies SUivantes à Paris

La Brèche, 27 rue Tatne, 12' Parallèles , 47 rue Saint­Honoré, 1" La Passerelle, 3 rue Saint-Hubert. 11' Le Point du JOUr, 58 rue Gay-Lussac , 5' Publico, 145 rue Amelot, 11' Ouilombo.23 rue Voltaire, 11' à Lyon La Gryffe, 5 rue Sébastien-Gryphe. 7'

2- ÉCHANGES 122 · AUTOMNE 2007

DERNIÈRE PARUTION

Le mouvement des Piqueteros Argentine 1994-2006

Première partie : des origines à décembre 2001.

Deuxième partie :

la période 2002-2006

Conclusions et commentaires nature exceptionnelle

du ph~mène: limites floues du monde piquctcro les revendications des piqueteros; frange radicale

Une brochure de 60 pages au format 14,8 x 21 cm. 3 euros

BROCHURES DISPONIBLES ICO et I'IS

(Echanges et mouvement, octobre 2006. 3 euros) Présentation du réseau« Echanges et mouvement » (Echanges et mouvement. décembre 2006, 1.50 euro)

La Révolte des cités françaises, symptôme d'un combat social mondial (Echanges et mouvement, mai 2006, 4 euros)

Aux origines de l'« antitravail » Bruno Astarian (Echanges et mouvement. décembre 2005. 3 euros)

La Classse ouvrière sous le III· Reich Tim Mason (Echanges et mouvement, mars 2004, 3 euros)

Pour une compréhension critique du mouvement du printemps 2003 (Echanges et mouvement, septembre 2004. 3.50 euros)

Militantisme et responsabilité suivi de Le Crime des bagnes nazis: le peuple allemand est-il coresponsable ~Henry

C'hazé (Echanges et mouvement. mars 2004. 3 euros)

Derrière l'Intifada du XXI' siècle, Aufhehen (Echanges et mouvement, octobre 2003,2,50 euros)

Les Grèves en France en mai-juin 1968, Bruno Astarian (Echanges ct mouvement, mai 2003. 3,50 euros)

Humanisme et socialisme/Humanism and socialism, Paul Mattick (Echanges et mouvement. mai 2003, 2 euros)

L'Argentine de la paupérisation à la révolte. Une avancée vers l'autonomie (Echanges et mouvement, juin 2002. 2.50 euros)

Correspondance 1953-1954, Pierre Chaulieu (Cornélius Castoriadis)-Anton Pannekoek, présentation et commentaires d'Henri Simon

(Echanges ct mouvement, septembre 2001.2 euros) Pour une histoire de la résistance ouvrière nu travail. Paris et Barcelone, 1936-1938, Michael Sc id man (Echanges et mouvement. mai 2001. 1.50 euro)

Fragile prospérité, fragile paix sociale. Notes sur les Etats-Unis, Curtis Priee (Echanges et mouvement, février 2001. 1,80 euro)

La Sphère de circulation du capital, G. Bad (Echanges et mouvement. octobre 2000, 1,50 euro)

Les droits de l'homme bombardent la Serbie, G. Bad (Echanges et mouvement. octobre 1999, 1.50 euro)

Entretien avec Paul Mattick Jr., réalisé par Han nu Rcimc en novembre 1991. Ed. bilingue (Echanges et mouvement, septembre 1999,1,50 euro)

Pourquoi les mouvements révol;~tionnaires du passé ont fait faillite. -Grèves.- Parti et classe. Trois textes d'Anton Pannekoek,

précédés de :Le Groupe des communistes internationalistes de Hollande, par Ca jo Brendel (Echanges et mouvement, avril 1999. 1,50 euro)

Enquête sur le capitalisme dit triomphant, Claude Bitot (Echanges ct mouvement, janvier 1999, 1.50 euro)

La Lutte de classe en France, novembre-décembre 1995. Témoignag~s et discussions (Echanges et mouvement, mars 1996, 1,50 euro) Mais alors, et comment? Réflexions sur une société socialiste

(Echanges et mouvement, 1,50euro)

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -78

Page 3: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

NOTE DE LECTURE

Mouvement Ibérique de Libération. Mémoires de rebelles Jean-Claude Duhourcq & Antoine

Madrigal,

éditions CRAS, 2007, 22 euros

Ceux qui ont atteint l'âge de déraison

dans les années 1970 seront nom­

breux à voir des souvenirs resurgir à

la lecture des trois lettres M I L. Et, certai­

nement, plus encore à 1 'évocation de 1 'exécution

de Salvador Puig Antich le 2 mars 1974.

La 1 utte des classes n'épargnait pl us 1 'Es­

pagne depuis la fin des années 1960. Le pays

s'était modernisé économiquement sous la

d1ctature franquiste et avait créé un prolé­

tariat avide de faire éclater les contraintes

d'une société sclérosée. Heureusement privé

d'expression politique et syndicale, il s'était

pris en mains dans de multiples coordina­

tions ou comités d'usines. En Catalogne, au

Pays basque et dans les Asturies, hauts lieux

de 1 'industrialisation espagnole, les ouvriers

d'industrie s'organisaient en commissions

nu plate-formes pour défendre leurs intérêts

contre le syndicat unique, 1 'Etat et le patro­

nat. Souvent abrités par 1' Eglise, Etat dans

1· Etat, ces regroupements autonomes de tra­

vailleurs sont rapidement devenus le lieu de

la confrontation entre la classe ouvrière et

ses ennemis internes, les partis sociaux-dé­

mocrates et léninistes.

Le MIL. groupe armé actif en 1972 et

\97], est né de ces luttes. Il revendiquait sa liai­

son avec le mouvement ouvrier et croyait à

l'importance de la volonté d'une minorité

dans la lutte de classes. La mythologie veut que

son ac ti vi té essentielle, l'attaque de banques

L'Il Catalogne espagnole, ali servi à financer la

cause lÏc 1 'autonomie nuvrière. S1 les

membres du MIL ont appurté de l'argent à

74- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

des caisses de grévistes et traduit quelques

textes théoriques qui firent connaître en Es­

pagne les conseils ouvriers de 1917 -192·1 en

Allemagne, les révoltes ouvrières en Alle­

magne del 'Est en 1953 et en Pologne en 1970,

leur temps fut surtout consacré à récolter 1 'ar­

gent qui devait servir à financer leur fuite en

avant dans la clandestinité.

Jean-Claude Duhourcq et Antoine Ma­

drigal montrent dans leur ouvrage que les

meilleures intentions ne résistent pas au prin­

cipe de réalité, grâce à une exposition des

faits entremêlant leur évocation par des ob­

servateurs extérieurs (journaux, justice, té­

moins, etc.) et par les acteurs mêmes (ex­

traits d'entretiens ou d'écrits). L'isolement

croissant des hors-la-loi par rapport aux gens

ordinaires leur impose de se replier sur eux­

mêmes. Leur rêve d'un avènement im·mé­

diat de relations communistes au sein d'un

groupe résolu devient peu à peu rancœur

contre soi-même et les autres, parfois même

méfiance, sans épargner les proches. Enfin la

répression, qui oblige à quémander 1 'aide de

ceux que 1 'on avait vilipendés auparavant,

parachève 1 'avilissement de tous les espoirs

passés.

I 1 est dommage que cet ouvrage souffre

de nombreuses coqui Iles, cl' une orthographe

erratique des noms propres et de traductions

souvent défaillantes.

J.-P. V.

CRAS. HP 5 1 0 26, 3 1 0 1 Il 1 ou 1 ou sc cc d c' 6 .

cr<!:-. .l!lU l ouse (f.~' wanadol). r r

MEXIQUE

CHIAPAS : LE NOUVEAU VISAGE

DE LA GUERRE

Les Européens ont parfois du mal à saisir ce qui se passe en Amérique latine parce qu'ils conservent une vision passée de la lutte de classes qu'ils veulent plaquer sur le présent partout dans Je monde. Comment, par exemple, comprendre les événements au Chia pas ? Les a/termondia/istes et leurs adversaires s'esbignent à coup de discours abstraits sans rien savoir des réalités concrètes que cache le cirque médiatique, aspirateur de tout un ramassis de vedettes de la politique et du show business dans la forêt lacandone. En traduisant l'article "Chiapas: la nueva cara de la guerra "*, nous avons voulu pallier en partie cette méconnaissance.

" Ca/avera Catrina •, de José Guadalupe Posada (~852-~9~3).

·''l'a ru dans le 11° -+2 (Juin 2007) de la revue espagnole

Etcéraa (p. -+3-46). Cet article a été rédigé par André

Auhry, mort dans un accident de la route au Chiapas,

j l'Ct ge de 80 ans, jeudi 20 septembre. Ccl ancien prêtre

dncnu anthropologue avait fondé un institut de re­

cherche sur les Mayas cl dirigeait les Archives hislo-

riqucs du diocèse de San Crîstôhal Il était un des

meilleurs connaisseurs Ju Chia pas, oü il vivait depuis

trente-cinq ans.

11 avait publié plusieurs ouYragcs, dont L(!s T::.ot:1/s

{Jar eux-mèmej. Rée us l!f écrus Je fW_\'.\uns incilen.\ du

MexiiJUe (éd. L'Harmattan).

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 _: 3

Page 4: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

C E t)IIE 1 'oN APPELLE la zone de

conflit est perturbée par une infection

nouvelle due à des acteurs anciens

qui ont changé de tactique. de visage et de

nom: URCI et Opddic. Nous voulons, avant

de préciser leur identité et analyser la trans­

formation préoccupante, profonde et pleine

de dangers du présent panorama de la forêt

lacandone. reprendre le processus depuis le

début jusqu'ilia situation actuelle telle que

nous la montre la salve de communiqués

issus non pas tant du Commandement gé­

néral que des juntes du bon gouvernement (lus

juntas de /){(en gobierno* ( 1) de tous ses

caracole.\* L'objectif immédiat de la

contre-insurrection apparaît comme une re­

mise en cause de la géographie territoriale

en vue de rendre à leurs anciens proprié­

taires" les terres récupérées>> ou progres­

sivement 1 i bérées par l'Armée zapatiste de

libération nationale (Ejército Zapatista de

Liberaci6n Nacional, EZLN) (2) depuis sapé­

riode clandestine.

Avant que le conflit n'éclate, la forêt a

appartenu successivement aux exploitations

forestières (monter/as*) qui pillèrent ses

richesses, aux récolteurs de la gomme du

sapotier, aux propriétés latifundiaires (jin -cas latifundistas*) anti-constitutionnelles

converties progressivement en fermes d'éle-

11) Tmncs les notes sont du traducteur. Afin de ne pas

trop charger la lecture de cet article, j'ai reporté dans

un glossaire (page 6) les explications de certains termes

propres JU MLxîqut. signalés par un astérisque. Merci à Quim pour sun aick

(2) Selon Antonio Garcia de Lcc'm, ù partir de 1984.

des survivants des luttes urbaines des années 1970 ont

in\'esti le Chia pa~, une région insoumise depuis long·

temps, i..ipportJnt leur militantisme Jans ct.:tlc région. L'EZLN est issue de celle conjonction entre militants urhaîns ct mou\·cments paysans indigènes (voir An­tonio G~ncîa de Lc6n. « PrOiogo ((à EZLN. Docu mentos v comu~J.icados. edicione~ Era. 199-+. 2tomcs.

tome l, p. 26 ct SUÎ\antcs, cet ouvrage a été traduit en français sous le titre Sous-Commandant Marcos.; Yo hasru f Les I!IS!Irgé."i ::.apo.tiste) raconte11t 1111 an de ré -

4 -ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

vage, aux narcotraficants et aux 400 La­

candons finalement « concentrés>> par

Echeverrfa (3) dans ce qui est aujourd'hui

la réserve nationale de la biosphère Montes

Azules (les Monts bleus). Ces domaines

étaient séparés par des espaces déserts, les

terres de la Nation, que la promulgation de

<<l'ouverture de la frontière agricole>> par

José L6pez Portillo (4) offrit aux migra­

tions de paysans sans terre. C'est dans cet

espace quel 'EZLN est née en 1983. Dans la deuxième moitié des six années

de la présidence de Carlos Salinas de Gor­

tari (5), les Zapatistes formaient déjà un

mouvement puissant, bien que clandestin ;

il attirait des dizaines de milliers de mi­

grants qui aspiraient à prendre possession de

la forêt. berceau de leur civilisation, éta­

blissaient de nouveaux ejidos* et formu­

laient des requêtes embarrassantes qui n'en

finissaient jamais. L'EZLN se présentait

comme une armée défensive qui allait les

protéger contre leurs anciens maîtres. Au­

trefois, le président Lazaro Cardenas· (6)

avait distribué des armes aux paysans pour

défendre leurs premiers ejidos* et leurs

écoles rurales; aujourd'hui, l'EZLN libérait

progressivement la forêt de ses usurpateurs.

Les narcotrafiquants furent les pre­

miers à partir. La police, à cette époque

volte au Chiapas, éditions Dagorno, 1996, 2 tomes.

mais sans le prologue d'Antonio Garcia de Leon).

L'EZLN est devenue célèbre pour son occupation

armée de San Cristôbal de las Casas, chef-lieu du Chia­

pas (une région située à l'extrême sud du Me,iquc), le 1" janvier 1994, date de J'entrée en vigueur de l'Accord

de libre-échange nord-américain (Aiena), liant le

Mc,ique, les Etals-Unis ct le Canada.

(3) Luis Echevcrria Àlvarez, président du Mexique de

1970 à 1976. (4) José Liipcz Portillo, président du Mexique de 1976 il \982. .

(5) Carlos Salinas de Gortari. président du Mexique

de 1988 à 1994. (6) Làzaro Càrdcnas (1895-1970), président du

MC\ iquc de 191~ il 1940.

de Gernika " dans les no 82,

83 et 84 de Jakilea (Le Té -

main) (CDDHPB, Maison de

la Vie Citoyenne Polo Beyris,

64100 Bayonne).

Brest 1.950 en BD + Dans Présence marxiste

no 58, septembre 2007, pré­

sentation critique d'une BD

" Un homme est mort " (Kris

et Etienne Davodeau, éd. Fu­

turopolis/Gallimard) sur une

tragédie ouvrière a Brest en

avril 1950.

Gorter +"Réponse a Lénine, la ma­

ladie infantile du commu­

nisme "sur le site de Collec­

tive Action Notes :

www.geocities.com/Capitoi­

Hiii/Lobby/2379/Brici1.htm

Rappelons que cet ouvrage

est disponible sur papier aux

éditions Spartacus (8 im­

passe Crozatier, 75012 Paris)

ou à Echanges. 7 euros.

Kenneth Rexroth +Toujours dans Commun!­

cating Vessels no 18 : " Ad­

ventures in American History

and the Lite of Kenneth Rex­

roth " (S'aventurer dans

l'histoire américaine et la vie

de Kenneth Rexroth), une re­

cension de l'ouvrage de Rex­

roth (poète américain, 1905-

1982) An Autobiographical

Novel (Un roman autobio­

graphique) (Communicating

Vessels, 3527 NE 15th Ave­

nue, no 127, Portland, OR

97211, USA).

IWW + Communicating Vessels

(no 18, été 2007) publie

deux textes "The Dying

Wobbly "et, de Loren Gold­

ner, "Joe Hill, les IWW et

la formation d'une contre­

culture ouvrière ,que nous

avons publié en français

dans Echanges no111 (hiver

2003-2004), p 66

KSL: l'anarchisme des Etats-Unis à la Lettonie et à la Pologne + KSL - Kate Sharpley Li -

brary no 50-51' juillet 2007

(en anglais) retrace l'histoire

de Sacco et Vanzetti et des

campagnes pour empêcher

leur exécution et donne des

biographies de Zolotarov,

animateur du Jewish Wor­

kers' Movement in America,

et de Peter the Painter

(Janis Zhaklis). Il raconte le

siège de Sydney Street,

d'où un groupe d'anar­

chistes lettons échappèrent

a la police en exécutant trois

flics, et qui plus tard, ayant

cru en la révolution russe

aurait fini dans les camps si­

bériens.

Et des documents sur l'anar­

chisme et l'anarcho-syndi-

calisme en Pologne dans la

première moitié du XIX'

siècle.

Souci pédagogique +" Peut-on aborder des su­

jets complexes de manière

pédagogique et conctse ? ,

On ne sait qui se trouve der­

rière le collectif Les rensei­

gnements généreux, qui ré­

pond par l'affirmative en

cette question en publiant

des brochures, sur papier et

sur Internet. La dernière en

date : Connaissez-vous Ni -

colas Sarkozy ?. Parmi les

autres- Révolutionner notre

rapport aux animaux, ren­

contre avec Yves Bonnar­

del, militant du mouvement

anttspéciste ; Pourquoi suis­

je révolutionnaire ?, où

Cornélius Castoriadis ex­

plique ici, de manière péda­

gogique, les raisons de

son idéal révolutionnaire.

CroÎtre, croire, obétr ques­

tionne les actions possibles

de désobéissance civile

face aux OGM, à la publi­

cité, à la carte d'identité bio­

métrique et au travail http //www.les-renseigne­

ments-genereux. o rg

Pétrole + " Pétrole du marché au

marchandage , dans La Ga -

zette de la société et des

techniques no 42, mai 2007

(copie a Echanges).

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 - 73

Page 5: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

local pour l'automne et ses

nouvelles trouvailles de bi­

bliothèque. (BP 259, 84011

Av1gnon Cedex 01.)

Castoriadis, Debord, Blanchard + Error del sistema; notas a

partir de Daniel Blanchard

[Pr6/ogo a Cris1s de pa/a -

bras; notas a part1r de Cor -

nelius Castoriadis y Guy De -

bord, Acuarela Libros & A.

Machado, 2007] (en cas­

tillan) et Les Luttes du vide

(en français), approfondis­

sement des thèmes d'une

conférence tenue lors de la

présentation de la revue

Espai en Blanc, (Amador

Fernandez Savati, Margerita

Padilla (copies à Echanges,

sur papier ou par internet.

(Voir la lettre de ce cama­

rade p. 40-42 )

Surréaliste portugais + " Un couteau entre les

dents " recueil bilingue de

poésies d'un surréaliste por­

tugais ayant eu des relations

avec les situationnistes.

Editions Ab lrato

Mai 68: Novlangue (suite) + Dans A Contre courant

no 187' septembre 2007' dou­

Zième livraison de " La nov-

' langue du libéralisme ", d'Alain

1 B1hr. l __

/CO réédité + !CO, La grève généralisée en

France, mai-juin 1968. (Spar­

tacus, mai 2007) :réédition de

la brochure publiée à chaud

au cours de l'été 1968 par le

groupe Informations Corres­

pondance Ouvrières et portant

témoignage des implications

des participants à ce groupe

aux 1 uttes sur leurs lieux de

travail. Le texte est précédé

d'une préface qui retrace la

genèse du groupe ICO, ses

positiOns et une activité mili­

tante de dix-sept années, qui

fut à l'origine d'Echanges (bro­

chure disponible à Echanges,

10 euros).

Victor Serge + Sandra Sagg10ro, "Les

dernières années de Victor

Serge 1900-194 7 (en fran­

çais) sur papier ou par Inter­

net (Dis)continwté no 27, juin

2007.

+ Dans Présence marxiste

no 58, septembre 2007, pré­

sentation critique de ce texte

de Saggioro.

Rudolf Rocker + Sous le titre " Penser

l'émancipation", le "bulle­tin de critique bibliogra­

phique " A contretemps consacre une deuxième li­

vraison (no 28, octobre 2007)

à Rudof Rocker Ce numéro

cont1ent un texte de Rocker,

" Fr1tz Kater et les origines

72- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

du syndicalisme révolution­

naire en Allemagne ",annoté

par son traducteur, Gaël

Cheptou, qui lui a adjoint,

sous le titre de " Scolies ",

des éclaircissements histo­

riques, ainsi que d'utiles notices

biographiques des personnes

citées, une étude de la pen­

sée de Rocker, " La liberté

par en bas. De l'anarcho-syn-

\ Rudolf Rocker dessiné par son

fils Fermin.

dicalisme au pragmatisme li­

bertaire "· et une bibliogra­phie.

a-contretemps@wanadoo. fr

http :1 /acontretemps. org

Classiques + Des textes de Marx, de Bordiga et autres, sur le site

http ://classiques. ugac. ca/

Guernica Gernika + " La controverse histo­

rique sur le bombardement

déji:t omniprésente, se débarrassa de ses armes et les offrit aux Zapatistes sans se

poser de questions parce qu'elle les pre­

nait pour des hommes de main (pistole ros) à la solde des grands propriétaires fonciers

(jinqueros*) ; bien que les vendant illé­

galement, évidemment, elle ne manquait

pas d'apprendre à leurs clients à s'en ser­

vir. Ce fut 1 'origine des malheurs des grands propriétaires terriens et du bonheur

des paysans qui récupérèrent peu à peu les

terres pour en faire des ejidos* jusqu'à ce

que Salinas, en 1992, réforme l'article 27

de la Constitution et déclare qu'il n'y avait

plus de terres à répartir. Finalement, les

grands propriétaires terriens (latifundis tas*), pressés par le 1" janvier 1994, aban­

donnèrent à leur tour la forêt. C'est à partir de ce moment-là que

1 'EZLN est entrée dans une phase pu­

blique. Afin de créer les conditions aux

premiers pourparlers de paix, ceux de la Cathédrale en 1994 (7), la diplomatie du

commissionnaire Camacho parvint à créer

une« zone grise>> démilitarisée corres­

pondant grosso modo aux ex-terres de la

(7) Pourparlers de la Cathédrale . après l'occupation armée de San Crist6bal de las Casas par I'EZLN le

l" janvier 1994, l'archevêque du diocèse de San Crist6-bal, Samuel Ruiz Garcia fait office de médiateur entre

les insurgés et le gouvernement. Le 21 février, des dé­

légués de I'EZLN ct le commissionnaire du gou,·cr­

nemcnt, Manuel Camacho Soifs, entrent en pourpar­

lers dans la cathédrale de San Crist6bal." Pendant les

conversations de la cathédrale, qui ont traîné en longueur à cause de la traduction en différentes langues, il n'y a cu aucun accord ; nous avons seulement dialogué. >>

(\oir EZLN. Documentas y comwzicados, op. cit.. tome

1, p. !59; passage non traduit dans 1 'édition française). (8) Journée du 9 février 1995 "Le 9 février. à 18 heures, le président Ernesto Zcdillo fait en direct d d l'improviste une déclaration solennelle à la télévision.

Il annonce la découverte de caches d'armes ct de do­

cuments de 1 'EZLN qui indiqueraient que les Zapa­

tistcs préparent des actions violentes hors du Chiapas.

Il annonce que des mandats d'arrêt ont été lancés contre

Ire ize membres de la direction de I'EZLN. dont il donne

Nation; en contrepartie, l'EZLN libérait l'ancien gouverneur Absalon Castellanos

Domfnguez.

Ultérieurement, après la journée tra­

gique du 9 février 1995 (8) qui mit en péril

la trêve conclue le 12 janvier de 1' année

précédente, fut promulguée la loi du dialogue

du Il mars (dont on a fêté récemment 1 'an­niversaire), qui permit la tenue d'autres pourparlers, ceux de San Andrés (9). La

zone grise de Camacho se convertit. à son

insu en l'occurrence, en un espace où,

conformément à la nouvelle loi, l'EZLN

allait se transformer de mouvement armé en

<<force politique», avec la création pro­

gressive et pacifique de municipalités au­

tonomes zapatistes. A partir de ce moment, les paysans, nouveaux propriétaires de la

forêt, vont gagner en force. Dès 2003, la

formation des caracoles* est à l'origine

d'un énorme effort pacifique et politique,

nourri en retour par les écoles et cliniques

alternatives, les programmes agro-écolo­giques et un commerce prometteur singu­

lier de produits biologiques, direct, sans

intermédiaires.

les noms et pscudonyrnt:s, ct 4u'il accuse d'être "rcs­pon"tble.s de nombrcu.\ délits."( ... ) L'armée a com­

mencé dès le matin du 9 février ü avancer dans la zone zapatistc. ( ... ) I~'armée pénètre simultanément par

toutes les "portes" de la Lacandona, mais I'EZLN s'est

repliée, refusant d'engager le combat et emmenant avec

elle dans les montagnes des mil lie" de villageois qui redoutent les représailles et les exactions des soldais.,

(Voir Sous-commandant A1arros. i Ya busta .'Les in surgés zapatistes racontent lill an de révolte au Chia pas. op. cir .. tome Il, note 1, p. 183.) (9) Pourparlers de San Andrés le 4 mars 1995, le Congrès adopte la loi pour le dialogue, la conciliatÎ()I\ ct la paix digne au Chiapasqui OU\'rt.~ la voie à de nou­veau.\ pourparlers entre insurgés ct gou\·crncmcnt. Ces Uis<.:ussions d~butcront dans le \ i liage de San Migut;l

le 9 avril 1995, puis sc poursuivront dans celui de San Andrés à partir du 20 <lv ri\ (voir Sou~-cnmmandwu Marcoj.; Y a ba.\ ta .1 Les insurgés :.apatisre~ racontent un an de révoltt' au Cll!apa.L op. c1t.. tnm~ Il. note 1. p. 268 ct note 2. p .132)

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 - 5

Page 6: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

Glossaire

+Caraco! :ce mot fait référence à une an­

cienne organisation communautaire maya.

JI désigne depuis 2003 les structures mises

en place dans les villages sous administra­

tion des insurgés du Chiapas.

+ Ejido : terme désignant un pâturage com­

munal à l'époque coloniale. Par extension,

il a pris le sens de terres attribuées en indi­

vision aux municipalités lors de la réforme

agraire sous la présidence de Làzaro Càr­

denas ; ces terres sont partagées périodi­

quement en lots entre les membres de la

commune pour leur usage personnel.

+ Finca/finquero : la finca est une grande

propriété foncière (terres ou immeubles) aux

mains d'un finquero.

+ Juntas de buen gobierno : la junta désigne

à l'origine (1055), en espagnol, une as­

semblée d'individus nommée pour diriger

les affaires d'une collectivité. Le mot, selon

les circonstances, revêt des caractères op­

posés et peut se référer à un organe de

consultation ou de subversion. A la fin du

XIX' siècle et au début du XX', les divers

, soulèvements militaires en Espagne et en

1

Amér1que latme, menés par des JUntes mili­

taires, ont fa1t que le mot JUnte a pr1s, en

\ ::~nça1s, àpart1r du XIX' s1ècle, le sens res­Lmt de" gouvernement m111ta1re s'étant

6 - ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

emparé du pouvoir par un coup d'Etat " (voir

Dictionnaire historique de la langue fran -

çaise, Le Robert, 1992). J'ai conservé le mot

junte en français dans son sens large, tou­

jours attesté dans les dictionnaires français

modernes malgré son sens restreint.

+ Latifundio/latifundista :le latifundia (du

latin latifundium) est une grande propriété

terrienne aux mains d'un latifundista.

+ Mapaches et pinedistas : les deux

groupes les plus importants dans le Chia­

pas pendant la révolution mexicaine née en

191 O. Se réclamant de Pancho Villa, ces

groupes semble avoir eu pour but de conte­

nir les ferveurs révolutionnaires de leurs

membres. Les mapaches étaient actifs dans

la vallée centrale de l'Etat du Chiapas ; les

pinedistas, moins influents, venaient des

hauts plateaux. + Monteria :grande exploitation forestière,

de cèdres et d'acajou principalement. Plusieurs

romans de B. Traven décrivent les condi­

tions de travail effroyables dans les mon -

terîas du Tabasco et du Chiapas pendant

les années 1920-1930. On lira par exemple

La Révolte des pendus (la plupart de ses ro­

mans sont parus en traduction française aux

éditions 1 0/18). B Traven est mort au

Mexique en 1969.

1

DANS LES PUBLICATIONS/ THÉORIE, ORGANISATIONS, HISTOIRE

Allemagne "Kosmoprolet "• n" 1 + Nous avons lu le premier

numéro (cahier no 1' 2007)

d'une nouvelle revue théo­

rique allemande, Kosmoprolet,

sous-titrée Revue des ami(e)s

de la société sans classe.

Dans leur éditorial, les édi­

teurs la présente ainsi : " Le

nom [Kosmoprole4 fait réfé­

rence à la cité cosmopolite, à

l'idée de citoyen du monde,

mais l'addition du " r , s'op­

pose au joli rêve du citoyen

(kantien) et en rappelle la

pomte radicale : la société

mondiale existe sous sa

forme inversée d'une prolé­

tarisation universelle. ,

Les articles de cette revue ont

été rédigés en vue d'apporter

des éléments pour une dis-

cussion sur les conditions mo­

dernes de la lutte de classes.

" Vingt-huit thèses sur la so­

ciété sans classe , posent les

bases d'un débat théorique ;

des analyses de la situation

au Venezuela et des avatars

de l'opéraisme italien, ainsi

que le soutien exprimé à des

camarades de Rome (Coor­

dinamento per l'autonomia di

classe) pour leurs critiques de

l'anti-impérialisme et des évé­

nements au Proche-Orient

montrent comment ces posi­

tions théoriques peuvent s'ap­

pliquer concrètement. Il semblerait que d'autres

groupes germanophones

aient entrepris une même dé­

marche. Kosmoproletcite • en

Suisse, Eiszeit de Zurich

(www.eiszeit.tk), et en Alle-

Résurgence des grèves en Allemagne et en Pologne dans« Wlldcat" n" 79: + Nous venons de recevoir un nouveau numéro de la

revue allemande Wildcat. Ce no 79 (automne 2007)

comble un vide de presque une année d'absence.

Le collectif n'est pas resté inactif ; il a organisé

plusieurs réunions autour du DVD sur les luttes de

Porto Marghera, en Italie, qui était joint

au no 78 (hiver 2006-2007) (voir Echanges no 120,

magne, K-21 de Francfort

(projekte.free de/k-21) et La

Banda Vaga de Fribourg

( www .labandavaga.antifa. net)

Kosmoprolet, c/o Rotes Anti­

quariat, RungestraBe 20,

10179 Berlin, Allemagne

www.klassenlos.tk

ou [email protected]

Salaire, salariat + Le Coquelicot rééd1te un

ouvrage (en français et en

espagnol) de Gaston Britel,

La Foire aux ânes, ou De

l'abolition du salanat, paru

en 1951 sur les différentes

formes de salaire et l'aliéna­

tion du salariat (10 euros à

Le Coquelicot, BP 4078,

31029 Toulouse Cedex 4.

Une anthologie d'" Oiseau tempête " + De Godzilla aux classes

dangereuses, recueil de

textes publiés dans Oiseau

Tempête de 1998 à 2005 sur

la thématique de l'idéologie et

de la dérive autoritaire de la

société existante.

abirato @internetdown .org

1

p. 15). Une façon, selon lui, d'appréhender les luttes Les Chemins non d'une manière différente. Constatant, comme dans le tracés déménagent

1

no 78, une résurgence des grèves en Allemagne, + Non Tracés, bulletin de la i ce no 79 fait la part belle aux conflits dans les bibliothèque des Chemins 1

1

entreprises, en Allemagne mais aussi en Pologne. non tracés et de J'Jnfokiosk 1

N'ayant pas eu le temps de le lire entièrement, nous y d'Avignon, no 8, juillet 2007

Lrevie~drons dans not: pr~~hain ~umér~-------· annonce un changement de

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -71

Page 7: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

duction s'effondrait partout dans les centres

capitalistes en raison de la crise pétrolière

et du mi 1 i tantisme ouvrier), 1 'industrie bré­

silienne continua à progresser de 4,5% par

an (26). Tout en réduisant leurs opérations

dans les centres capitalistes, les multina­

tionales investirent lourdement au Brésil

dans les années 1970 : Ford. par exemple.

investit plus de 300 millions de dollars et

accrut la capacité de ses usines de 100%

(27)

L'expansion rapide de 1 'industrie ma­

nufacturière en général et automobile en

particulier créa une nouvelle classe ou­

vrière: nouvelle par sa taille et son expé­

rience. De 1970 à 1980, 1 'emploi doubla

dans le secteur 1ndustriel (Humphrey, op.

cir.. 1987, p. 120). Dans la banlieue in­

dustrielle de Sao Bernardo do Campo. où était

concentrée l'industrie automobile, le

nombre d'ouvriers employés à la fabrication

passa cie 4 030 en 1950 à 20 039 en 1960

et~~ 75 118 en 1970 (Humpfrey, op. cit., 1982. p. 128-129). Cette nouvelle classe

ouvrière avait tendance à se concentrer

dans d'énormes usines. Trois usines à Sao

Bernardo - Yolkswagen, Mercedes et

Ford- employaient plus de 60 000 per­

sonnes (Humpfrey, op. cir .. 1982, p. 137).

Comme les protagonistes des luttes du

CIO des années 1930 et de la vague de

grèves en Europe de 1 'Ouest de la fin des an­

nées 1960. les ouvriers de l'automobile

brésiliens étaient placés de façon straté-

(2()) .lt)hJl Humphrey. Capua/n·t CtJn!rol and Worken · Srrugglc Ill tl1c Bra::.J!wn Auto /nd1ntry. Princ~_;Lon. New

.lcrsc).l'r~nccton Llni,ersit) Press, 1982, p. -lH-'iO. ( 27 r.IL>hn Hnmphrc). « Econumic Cris.rs and StJbi lit) o\ 1-.mplo) merU in the Bra;.ilian Mo tor lndustr) "· 111 W. Hricrle) eLl .. Trade Unwns and the Economie Cri.\i.\ of tire /VBO'.\. Guwcr. AIJcrshot. 19R7, p. 129.

70- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

gique dans une division techni4ue et com­

plexe du travail au sein des usines brési­

liennes. Mais cette nouvelle classe ouvrière

était aussi située de manière stratégique

cians ce qui était à présent le secteur clé

d'exportation de l'économie brésilienne:

les équipements de transport constituaient

la principale exportation du Brésil et lui

rapportaient 3,9 milliards de dollars en

1988 (28). Les grèves et le militantisme

dans 1 'industrie automobile affecteraient

non seulement les profits des entreprises

concernées, mais aussi les capacités du

gouvernement brésilien à rembourser aux

banques étrangères les i ntérèts de son

énorme dette .

Pendant les dernières années de la dé­

cennie 1970, alors que les mouvements

ouvriers subissaient d'importantes défaites

cians tous les centres capitalistes, un nou­

veau mouvement syndical fit une soudaine

apparition au Brésil, mettant fin à presque

une décennie et demie de passivité ou­

vrière. En 1978, une intense vague de

grèves inaugura une période d'activisme

qui survécut (et même prospéra) pendant

dix ans de répression et de récession dans

les années 1980. Les ouvriers de l'auto­

mobile brésiliens étaient au cœur de ce

mouvement. les ouvriers de l'automobile

et de la métallurgie avaient à leur actif

presque la moitié de toutes les grèves de

1978 à 1986 (29). (à suivre)

(2X) economisl lnLl'lligcncc Unit. Cou11try Profile.

BraZ!I. n' 1. \990, p .. 1 . (29) Gay Scidrnan, Mwrujucturu1g /vlilltunt e · Wor

ker.\ 'A1ovement~ in Braz.,il and South A/nca, /970-

N!J5. Berkeley. Uni,·crsity ofCaliforni<l Press, 1994, r 16.

C'est cet espace d'ejidos*, voulu par la

présidence mais jamais mis en place, que

I'EZLN appelle<< terres récupérées>>, non

seulement sous son aspect agraire mais

aussi en termes de gestion sociale. Il est

aujourd'hui de nouveau menacé par

I'URCI, i'Oppdic et même les anciens pro­

priétaires fonciers, dont les terres furent

pourtant payées un bon prix par le gou­

vernement; et, en dépit de 1 'abrogation du

partage des terres agricoles par Salinas en

1992, le Tribunal des affaires agricoles

s'apprête à légiférer en faveur de ces nou­

veaux usurpateurs. Ce qui est en jeu c'est

un retour au statu quo d'avant-guerre in­

cluant les anciens propriétaires. Les vic­

times n'en sont pas seulement les Zapa­

tistes, mais aussi les autres paysans qui.

quoique sans lien avec I'EZLN, bénéficient

de 13. gestion pluraliste des caracoles*

Depuis 1995, au mépris des sessions ré­

currentes des pourparlers de San Andrés,

on a structuré les politiques contre-insur­

rectionnelles telles que définies dans les

deux tomes du Manual de la guerra rédigé

par le secrétariat de la Défense nationale

(Secretarfa de la Defensa Nacional, Se­

dena). Cette théorie militaire rappelle les pa­

roles de Mao selon lesquelles" le peuple est

à la guérilla ce que 1 'eau est au poisson>>,

mais adopte une tactique inverse: <<On

peut rendre la vie impossible au poisson

dans l'eau (dans les communautés pay­

sannes) en agitant celle-ci, en y introduisant

des éléments hostiles à sa survie, ou bien des

poissons pius féroces qui 1 'attaque, le per­

sécute et 1 'oblige à disparaître ou à courir

le risque d'être mangé par ces poissons vo­

races et agressifs,, (tome Il, no 547). Les­

dits poissons regroupant des paramilitaires

connus sous le nom de<< civils armés >>.

De fait, la Sedena a fait le vide dans

l'eau des communautés, et elie les a péné­

trées. Les poissons les plus féroces ne sont

plus comme autrefois des agents extérieurs,

pistoleros de fortune qui rentraient en ville

une fois leur mission accomplie. ni des

gardes blancs, une élite exogène qui dis­

paraissait après avoir commis ses crimes;

ce sont maintenant des indigènes des com­

munautés,« employés,, à plein temps et

vivant sur place. Ils étaient au début orga­

nisés dans le Mouvement indigène révolu­

tionnaire anti-zapatiste (Movimiento Indf­

gena Revoiucionario Antizapatista, MIRA)

dont 1 'action fut très discrète. Cette nou­

velle formule exige un financement qui,

parce qu'il est officiel, doit se justifier par

cie nobles causes, dans ce cas la<< révolu­

tion». D'autres ont suivi avec plus de

" La Ca/avera de Cupido "• de José Guadalupe Posada (détails). Extraits de " Vi va Posada " (L'Insomniaque).

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007- 7

Page 8: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

constance. parés des devises du« déve­

loppement>>, de la" paix>> ou des« droits

de l'homme''· comme Paix et justice (Paz

y Justicia), récrutée au sein du Parti révo­

lutionnaire institutionnel (Partido Revo­

lucionario Institucional, PRI), avec pour

laboratoire lu zone nord de 1 'Etat du Chi a­

pas et pour victimes de nombreuses per­

sonnes emprisonnées ou déplacées. Cette

violence et des temps nouveaux ont en­

traîné des scissions. Les scissionnistes ont

essaimé au sein du Parti révolutionnaire

démocratique (Partido Revolucionario De­

mocn\tico, PRD), dans J'Union régionale

paysanne indigène (Union Regional Cam­

pesina lndfgena, URCI); et, au cœur de la

jungle autour de Teniperlas, le fondateur

elu MIRA a créé l'Organisation pour la dé­

fense des droits indigènes et paysans (Or­

ganizaciôn para la Defensa de los Dere­

chos lndfgenas y Campesinos, Opddic).

nouveau fer de lance de 1 'actuelle prési­

dence dans la forêt lacandone.

Ces vieux nouveaux poissons féroces, à

l'instar des folkloriques mapaches* et pi­

nedista.1 1 de la Révolution qui se disaient

vil listes (partisans de Pancho Villa), sont eux­

mêmes des paysans et des indigènes fidèles

aux vieux maîtres priistes (partisans du

PRI) oufinqueras*, et leur servent de chair

à canon. Drapés dans les nobles causes de

leurs slogans, ils occupent maintenant

3 000 hectares des ex-terres de la Nation.

du nord au sud aux alentours du Nuevo

Mo môn. Parce qu'ils offrent des terres sur

leurs nouveaux ejidos*, légalisés ou en voie

de légalisation. ils drainent de nombreux

paysans qui pâtissent de J'insécurité

agraire. Mais. à la différence de l'EZLN

qui applique une gestion pluraliste- un

monde qui contient plusieurs mondes; ne

pas diviser. unir ; ne pas vaincre.

convaincre; ne pas se mettre en avant, re-

8 - ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

présenter-, 1 'Opddic exige l'adhésion des

nouveaux possédants. Les récalcitrants se

voient retirer maisons, récoltes ou camions,

et sont expulsés, donnant ainsi naissance

à une nouvelle génération de personnes

déplacées.

Dans cette zone réoccupée, les poissons

féroces désorganisent les municipalités au­

tonomes, menacent leurs écoles et cliniques

alternatives, souillent les terres régénérées

ou reboisées par 1 'agro-écologie zapatiste,

s'opposent ~~e marché')ibéré des cha­

c~ mis en~J!.Y.ec-Silccès par les co­

opératives. Commence alors un délitement

de la voie politique patiemment organisée

par les caracoles* Si l'EZLN décidait à nouveau de défendre ses terres récupérées

par les armes comme du temps de la clan­

destinité, on dirait que la trêve et la loi sur

le dialogue ont été violées, on l'accuserait

de mener une guerre intestine, et on qua­

lifierait le conflit d'intra- ou d'intercom­

munautaire, indigènes contre indigènes.

C'est le nouveau visage de la guerre qui

se cache derrière des masques politiques, la

guerre des slogans trompeurs des poissons

féroces. Quelle stratégie cache cette tac­

tique mensongère? Pour le comprendre.

nous devons, à l'inverse du premier pro­

cessus, partir du but qu'ils poursuivent. Ce

qui se profile à l'horizon, c'est la privati­

sation des ressources naturelles de la forêt,

le Chiapas étant la porte du corridor bio­

logique qui mène de Puebla à Panamâ ( 1 0) :

la zone pétrolière dont les puits ont été fer­

més depuis que 1 'EZLN a été repérée en

1993. l'eau douce des fleuves et des lacs

dans les vallées, la richesse arboricole, les

plantes médicinales convoitées par l'in-

(JO) Sur k plan Puebla Panamà et J'opposition qu'il ren­

contre. \OÎr << l~a Commune de Oaxnca a vécu)),

Echanges n" 1 19, p. 7.

entre 1967 et 1975 (21 ). Chez Fiat, d'autre

part, on insista sur la robotisation massive,

y compris l'automatisation complète de la

chaîne d'assemblage des moteurs (22).

L'impact sur le pouvoir de négociation

des ouvriers fut semblable au cas améri­

cain. Dès le début des années 1980 , les

mouvements ouvriers en Europe de l'Ouest

(y compris dans 1 'automobile) étaient en

généralsur la défensive et on cessa d'en­

courager le'' syndicalisme responsable«.

Dès 1980, Fiat put contourner les conseils

ouvriers et mettre en œuvre unilatérale­

ment une politique agressive d'automati­

sation et de rationalisation qui fit passer le

nombre de salariés de 140 000 à

90 000 (23). Les gains de la fin des années

1960 avaient été largement réduits il zéro.

Toutefois, la face cachée de ce processus fut

la création (et le renforcement) de nou­

veaux prolétariats de 1 'industrie automo­

bile sur les sites d'expansion industrielle

en vogue dans les années 1970 et 1980 (24).

(21) International lnvestment and Multinational En

terprises: Recenr International Direct /nvestment

Trends, Paris, OCDE, 1981 ; Robert J. S. Ross,« Ca­pital Mobility, !:lranch Plant Location and Class

Power», rapport au Congrès annuel de la Society for

the Study of Social Problems, San Francisco. 19X2 .

Beverly J. Sllver, op. cil .. 1992. p. 80.

(22) Giuseppe Yolpato." The Automobile lndustry in

Transition · Product Market Changes and Firm Strdtegic>

in the 1970s and 19ROs ».in S. Tollida) and J. Zeitlin,

The Automobile lndustrv and /rs Workers: fJL'fween

Fordl.\111 and F/exrhiluv. New )'ork, St Martin's Press, 1987, p. 218.

(2:li Matteo Rollier, np ru. 19R6, P 117ct p 12C)

(2~) Le c<1s argentin ajoute une autrl.? \ariantc J. la même histo1rc de base rac0ntée ici. C'est le cas d'une Cl'PÎ<>S<lllCl' ra ri dL de la prnùuction de ml.iSSC dans 1 'in­

dustrie automobile gràce à 1 'ISI (unpnrt substitution in

dusrnalisaitan) dans ks années 1950 et 1960. La mu­

ù-élisatînn t.:l la SJ nchronisation de l'expansion de 1 'industrie ct du déferlement d'une importante vague J'agitation ouvrière est scmhlablc;) cc qui est décrit pour

1 'Europe de l'Ouest, sauf que le niveau de richc"c re­

lati\·cmcnt bas en Argen!! ne rendait k financement

d'un contrat social stable plus difficik. Pour l'Ar-

+ Le Brésil et le Fordisme dit EOI (Export Oriented lndustrialization). Le

«miracle économique>> brésilien, qui a

duré de 1968 à 1974, a correspondu exac­

tement à une période pendant laquelle les

centres capitalistes cherchaient à échapper

aux luttes ouvrières militantes chez eux.

Le Brésil semblait fournir un site parfait

pour leurs investissements: le coup d'Etat

militaire de 1964 avait mis en place un ré­

gime extrêmement répressif qui réussit à

écraser le vieux mouvement syndicaliste

corporatiste et à éradiquer toute opposi­

tion de la classe ouvrière, aussi bien au ni­

veau de 1 'usine qu'au niveau politique na­

tional (25)

L'industrie automobile brésilienne

connut une expansion rapide dans les années

1970. Dès 1974, le Brésil faisait partie des

dix premiers producteurs mondiaux de vé­

hicules. De 1969 à 1974, la production aug­

menta selon un taux annuel moyen de

20,7% :de 1974 3 1979 (alors que la pro-

gcntinc. comme pour k Japon. l'agitation ou\·rière fut un rroblème dès le Jéhut Mais contrairement au

Japon. l'agitation Oll\'rièrc ne provoqu" pas une rup­

ture imponan\e a\·ec Je !ordismc (vo!f no\fc discus­

sion du cas japonais plus J\'ant dans ce chapitre). En Argentine, la croissance de lJ fabrication automobile. bien qu'intermittente, renlorça la classe ouvrière ct

culmina Jans l'important soulèvement de la fin Jes annél'S \9()0 connu sous k nom de Cordoba;o, sui\'i d'un

coup d'Ftal militaire ct d'une période Je Jésindus­

trialisation brutale (Elisabeth Jclin, « Lahour Conllicts

unJcr the Second Pcron1st Regi mt:, Argcntina, Jl)73-1976 »,in Dn elopmcnts and Change, 10 (2). 1979: ct

Daniel JJ.rne.;;, << Ration;:llisatÎùn and W\1r\..ing Cl;\\\

Res ronse The Conte't and Lirnits of Facluf\ Flom Ac­

tivity in Argentin;..~ H, tn .Journal of Latrn Amcncan

Srudtcs. Il (2). 19RI. et .lames P. Brcnnan. Labur Wras 111 Cardo ba. 1955· 1976. 1deolngv. Work and Po ·

/mn u1 w1 Argentrnc lndusrriol Cit\'. C'amhridge. Mas· sachussclts. Harvard.Uni1 crstt) Press. 1994

(2.)J De rlus, les tentotinns Jlnstcurcr I'ISI (voir note

précédente) ailleurs en Amérique latine (particuliè­rement en Argentine) rroJuisaicnt des ragues J'agi­tatinn ou\ rièrc. renforçant 1 'attrait c.xerct': p<lr !c Hrt.:­

sil en tant que site altcrnatif'J'in\·estissement

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007- 69

Page 9: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

Ccci avait des conséquences à la fois sur le

marché et dans la politique sociale. Alors

4ue les pays de 1 'Europe du Nord-Ouest avaient de multiples sources de main­

d ·œuvre immigrée, 1' Italie et 1 'Espagne dé­

pendaient de leurs ressources internes où

d'autres pays puisaient aussi. Cette double

configuration du marché du travail raidit

les réactions italienne et espagnole aux

mouvements protes ta tai res et con tri bu a

ainsi à les rendre plus explosives. De plus, le fait que les ouvriers en Ita­

lie et en Espagne étaient des citoyens de

ces pays ouvrait une brèche dans laquelle

d'autres mouvements sociaux pouvaient

venir se greffer sur les luttes des ouvriers de

l'automobile dans un cadre plus large de luttes pour la démocratisation économique

ct politique. Dans les deux cas, comme dans

celui des prétendus pays en voie d'indus­

trialisation récente (NIC, new/y industria -

li;.ing countries) dont nous reparlerons pl us

tard. le mouvement ouvrier renforçait (et

était renforcé par) d'autres mouvements

dont le but était de larges transformations so­ciales, économiques et politiques (20).

La réaction des producteurs automo­

biles en Europe de l'Ouest à la réussite sur­

prenante des mouvements ouvriers fut sem­bl<:Jbie à celle de leurs homologues

américains lors des victoires du CIO dans les années 1930 et 1940. «Des innovations

( 20) JoL Fo\\·crakcr .tHaking Democrary 111 S[!atll. Carnb1 id ge, ( ·amhridgt: Uni\ ersity Press, 1 Y89; Sidney Tarrow, Dcnw -[ mrv und Ot~order. Prote.\f\ und Poliltc:o. 111 lruly. i<J65-Ii.J75.

lhlmu. (hlord Uni1c:rsity Press. 1986. HcnJ"min Martin, The AgcmyojA1odenH;:aTun.: L,aborand lndusrnali:nrwn 111

Spwn. lthaca, NY. C<>rncll University Press. 1990. p. -+17--+2o. Tcd Pcrlmuncr." ( :omparing Fordist Ci tics: The Logic of llrh<~n Crisis a nu LI ni on Rcsponsc in Turin 1950- 1975 and 1 ktruit 19J.:;;-J9.:.l.5 n. ( 'cnlèr for Europccm Studics \Vorking

P~trxr Senes 1(' 31. H<Jr\ an..l Universit), 199\ ; et Ruhcrt Fish­m~tll. \Vorkmg Cla.u Orgu.IJI;:ation and 1he Return of Demu · tTU< \ 111 .S'pauL lthaca. Comc!l University Prt:ss. 1990.

68- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

.

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.

·. .. .... ; .. ~

•.• · ••••• f::IJJJ(."'•

Grève à l'usine Scan/a de Sao Paulo, au Brésil.

dans le procès» (y compris la robotisation rapide des tâches nécessitant une main­

d'œuvre importante), tentatives d'encou­

ragement d'un << syndicalisme respon­

sable ''·et déiocalisation de la production, tous ces moyens furent énergiquement mis en œuvre. Pour Volkswagen, on adopta

principalement une stratégie de déiocali­

sation géographique- glissement des in­

vestissements sur des sites pius périphé­riques. surtout le Brésil et le Mexique. Globalement, les investissements directs del' Allemagne à l'étranger quintuplèrent

dus trie pharmaceutique, la mise à sac de la diversité végétale d'ores et déjà bio-piratée

(c'est-à-dire exportée clandestinement ou

candidate à la transgénération), les rivières

abondantes, les paysages et la faune exotique

pour une élite touristique en quête d'aven­ture. Une aubaine, en pleine crise du système

financier et productif, pour l'accumulation

(étrangère) de capital qu'un discours éco­

logique habile excuse facilement.

C'est cette richesse, soulignée par les accords de San Andrés et propriété terri­toriale grâce à la récupération des terres,

que surveille 1 'armée sous le prétexte de

contenir l'EZLN, comme l'a montré An­

drés Barreda en en dressant la carte: zone

grise et ressources naturelles occupent le même espace. Si cette zone restait sous le

contrôle des Zapatistes, sa privatisation se­

rait impossible; avec la docilité de l'Opp­

dic et autres poissons féroces vis-à-vis du

pouvoir, elle devient faisable.

Comment? Par la réforme de Salinas de l'article 27 de la Constitution et son ins­

cription dans la loi. En légalisant la récu­

pération des terres des anciens propriétaires par les nouveaux ejidos* de 1 'Oppdic, ces

terres deviennent ipso facto privatisables

grâce au Procede (Programme de certifi­

cation des droits sur les ejido.1*). Pour le moment encore facultatif, ce qui exclut que

les Zapatistes l'acceptent, ce programme

est maintenant entre les mains des avocats de 1 'Oppdic. Quand viendront des temps

<<meilleurs», les caracoles*. les munici­

palités autonomes et les juntes de bon gou­

vernement se transformeront en échelons

de gouvernement, sans terri toi re ni appui : leurs écoles n'auront plus d'élèves, leurs

cliniques plus de patients. leurs cultures

agro-écoiogiques seront livrées aux plantes

transgéniques et leurs commerces alterna­

tifs privés de clientèle. Si cette stratégie réussissait, les Zapatistes seraient réduits

à l'impuissance. Et les paysans et indigènes de 1 'Oppdic '!Ils se convertiraient tout sim­

plement, sur leurs propres ejidos*, en fan­

tassins des multinationales installées sur

les terres autrefois récupérées, maintenant

réoccupées non plus par des poissons fé­

roces mais par de gros poissons. les nou­

veaux opérateurs du système portés par la dernière vague.

A. A

DANS LES PUBLICATIONS 1 AMÉRIQUE LATINE

Mexique + " Retour sur un pays, le

Mexique. Une lutte, celle du

Chiapas. Une organisation sociale autonome, celle des communautés, dans Courant alternatifno 172 (été 2007).

Chili + Après la mort sous les balles de la police, en mai,

d'un jeune ouvrier forestier

en grève, Cette semaine

no 93 (août 2007) reproduit

un texte qui a circulé au Chili

et sur Internet (www. klina­men.org), appelant à ne pas

craindre la violence(" C'est

lorsque nous attaquons non

seulement leurs intérêts mais aussi leurs corps qu'ils com­mencent à avoir peur").

Venezuela + "Venezuela, chronique

d'une très bourgeoise révo­

lution bolivarienne , dans Le

Prolétaire, no 484-485 (mai­septembre 2007)

+ "Chavez vs. Working Glass , ) (Chavez contre la

classe ouvrière). dans Pro -letarian Revolution no 80 (au­tomne 2007)

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 - 9

Page 10: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

ASIE

LES TENTATIVES D'INSERTION DE L'INDE

DANS LE CAPITALISME MONDIAL

L'heure n'est pas celle d'un développement national, mais de l'exploitation des facteurs promettant à un capitalisme globalisé les meilleurs profits. Une main-d'œuvre pléthorique pour des zones économiques spéciales, une classe moyenne parlant anglais pour le développement d'Internet et des centres d'appel en sont des exemples

0 N l'AR LE FlFAliCOUP de 1 'Inde ces

temps-ci, mais d'une manière très

biaisée en ce qui concerne le déve­

loppement du capital et les conditions d'ex­

ploitation du travail. Les propos et les analyses

sont souvent faussés par le fait que ces consi­

dérations sont orientées par les considéra­

tions géopolitiques du moment: celles-ci veu­

lent voir, dans le développement capitaliste

"démocratique>> de l'Inde (au quatrième

rang mon di al par son PIB) un contrepoids,

éventuellement une barrière. au développe­

ment capitaliste<< autoritaire>> de la Chine.

Alors que les considérations sur 1 'exploitation

du travail en Inde insistent particulièrement

sur les secteurs<< nobles >>de 1 'informatique

et de la recherche délocalisés des vieux pays

industrialisés. nous tenterons de montrer que

les conditions d'exploitation dans le secteur

industriel sont bien plus le cœur d'une ac­

cumulation du capital dans ce pays. (Nous

devons msister dans tout ce qui suit sur la

fragilité des chiffres et statistiques, qui ne

peuvent donner que des ordres de grandeur.)

Nous n'évoquerons pas en détail l'im­

broglio complexe de l'intervention des in­

nombrables partis politiques et des syndi­

cats qui leur sont plus ou moins affiliés dans

d'indéchiffr-ables relations avec les struc-

10- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

tures sociales traditionnelles, tant au niveau

national que dans les Etats. L'ensemble se

superpose aux structures de classes, le tout

dans une certaine dynamique économique

et sociale, source supplémentaire d'affron­

tements souvent d'une violence démesurée.

Au XVIII' siècle, l'Inde et la Chine contrô­

laient 50% du commerce mondial ; à la fin

de 1 'époque coloniale (la fin des années

1940), ces deux pays n'en contrôlaient plus

que 0,2 %. Des projections capitalistes rê­

vent que la Chine et l'Inde, la<< Chinindia >>,

comme elles dénomment déjà cet assem­

blage, en contrôleraient bientôt 50%. Quelle

en serait la signification pour l'ensemble du

monde capitaliste? A ne voir que l'Inde, une

nuée de problèmes s'opposent en fait·à la

constitution d'une entité ca pi tai iste natio­

nale: au contraire, cette nuée paraît porteuse

d'orages pl us que d'ondées bienfaisantes.

Le capital global n'a que faire d'un déve­

loppement national mais cherche avant tout

à exploiter les facteurs qui sur le marché

mondial sont prometteurs des plus grands

profits.

Les carences de J'agriculture Comme pour tout pays engagé dans un

processus d'accumulation primitive et d'in-

" Automne chaud "1969 en Italie.

Les grèves ponctuelles, tournantes et

éclair visaient à créer le maximum de

désordre dans le flux de production en ciblant

les maillons les plus sensibles de la chaîne

de production. Les ouvriers de l'automo­

bile eurent recours à des techniques sem­

blables dans toute l'Europe de l'Ouest à la

fin des années 1960 et au début des années

1970 (18).

L'exploitation réussie de ces tactiques

l eut pour résultat une extension rapide du

! rôle des syndicats, du contrôle ouvrier dans

les ateliers et une explosion sans précédent

des salaires dans les années 1970. On imposa

des limites conséquentes aux prérogatives

du management. Par exemple chez Fiat, on

instaura des consigli dei delegati (conseils

de délégués ouvriers) au niveau de 1 'usine

dans le but de donner aux ouvriers (par 1 'en­

tremise de leurs délégués) un peu de

contrôle direct sur l'organisation de la pro­

duction et 1 'occasion de donner leur avis

dans l'exercice quotidien de ce qui était

jusque là réservé au management commt>

( 1 Ri Colin Crouch ct AlessanJro Pi uorno éJ . Of>. nt.

1 'assignation des

tâches. leur quan­

tité et leur rapi­

dité: les modifi­

cations dans l'or­

ganisation de la

production et 1' in­

troduction de nou­

velles technolo-

gies.

On demandait

au management

d'informer, de

consulter et de né­

gocier avec les dé­

légués des ou-

vriers sur toutes

les décisions concernant l'organisation de

l'atelier (19). Cependant. il faut ici faire la

distinction entre l'Europe du Nord-Ouest

d'une part et 1 'Europe du Sud-Ouest d'autre

part. Dans l'Europe du Sud-Ouest, les luttes

des ouvriers de 1 ·automobile furent bien

plus explosives que leur modèle du Nord­

Ouest. De plus, à l'époque, les luttes des

ou v ri ers de 1 · automobi 1 e en Espagne et en

Italie étaient plus centrales (y compris au

niveau symbolique) que les luttes politiques

et sociales au sens large clans chaque pays.

On peut relier ces deux différences à la

nature de la réserve de main-d'œuvre mi­

grante. Les industries européennes du Nord­

Ouest reposaient sur de la main-d'œuvre

immigrée non naturalisée (y compris les

ouvriers italiens et espagnols) tandis que

celles du Sud-Ouest dépendaient d'une

main-d'œuvre migrante mais naturalisée.

( 19) Be\ cri y Si lv cr. La bor Unresr and capital Ac('! lill//

/arion an" World Sr·a/c. PhD Jisscrtali on. 1 '!86. S liNY· Binghampton. 1992. p. 29-.10 . cl Matteo Rnllicr.

«Changes in lndustrial relations at Fiat ».Ill O. Jacobi ct al éJ., Teclwulogical Change. Rutionali!.aflon wu( ln -dtotrwl Relations. LPndres, Croom Hclm, 1986

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 - 67

Page 11: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

combinée des entreprises et des gouverne­ments en Europe permit la croissance ra­pide des entreprises européennes de l'au­tomobile grâce à la consolidation et à 1 'introduction des techniques de produc­tion de masse les plus récentes. C'est ainsi, par exemple, que 1 '111dustrie automobile en Italie (qui avait reçu peu d'investissements directs de la part de fabricants de voitures étrangers) fit plus que tripler sa production pendant les années !950 et puis la doubla pendant les années 1960. Dès 1970. 1 'Ita­lie produisait presque deux millions de vé­hicules, et Fiat en produisait la plus grande partie ( 16 ).

L'extension rapide des techniques de production de masse en Europe de J'Ouest eut des effets contradictoires sur la force de travail, identiques à ceux dont les ou­vriers américains avaient fait l'expérience au début du xx' siècle. D'une part, son pou­voir de négociation sur le marché déclina alors que les artisans (et leurs syndicats) étaient écartés de la production et que 1 'on puisait dans de nouvelles réserves de main­d'œuvre. D'autre part, l'expansion et la transformation de cette industrie créa une c!::tsse d'ouvriers semi-qualifiés composée de travailleurs migrants prolétarisés de­puis peu de temps. Dans le cas des Etats-Unis du début du xx' siècle, les immigrants ve­naient de l'Europe de l'Est et du Sud (et du Sud des Etats-Unis). Dans le cas de 1' Europe de 1' Ouest des années 1950 et l960.les immigrants venaient des régions périphériques de l'Europe (Italie du Sud. Espagne. Portugal. Turquie et Yougosla­vie) Dans les deux cas, la première géné­ration de travailleurs migrants ne protesta généralement pas contre les dures condi-

( !6) .L.1mc~ Lau.\, The Europeun Automolnlc /Juhutr.v. Ne" Yurk. Twaync Publi,hc"· 1992. p. 17H-200

66- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

tions de vie et de travail. Les syndicats étaient faibles et le pouvoir arbitraire de la direction concernant l'embauche, leren­voi, la promotion et l'assignation des tâches n'était pas contesté dans les usines auto­mobiles. Mais dans les deux cas, la deuxième génération devint le fer de lance des luttes militantes qui réussirent à trans­former radicalement les relations à l'inté­rieur de l'usine et dans la société.

A la fin des années 1960, la vague de grèves en Europe de 1 'Ouest prit les syndi­cats, 1 es managers et les états au dépourvu. Au cours de ces grèves, les ouvriers des in­dustries de production de masse, comme leurs collègues américains des années 1930, purent exploiter le pouvoir de négociation qui leur était échu en raison de leur place dans la division du travail complexe. Dans les usines d'Europe del' Ouest, les ouvriers de 1' automobile prirent conscience du fait que des grèves bien placées et bien syn­chronisées pouvaient causer d'importants dommages à une entreprise, tout en rédui­sant au minimum les sacrifices faits par les ouvriers. Peut-être que l'exemple le pl us dramatique fut celui de« l'automne chaud» de 1969 chez Fiat.

Pour les grévistes italiens, la contesta­tion coordonnée à 1 'intérieur d'une unité de production à grande échelle fut entre­prise dans le but de paralyser la production au moindre coût pour les ouvriers. Une ap­plication judicieuse de la grève a singhiozzo (dans l'atelier) et a sacchiera (arrêts coor­donnés sur tout le site) mène rapidement au chaos dans la production. ( 17)

( 17) Pierre Dubois, "New Forms ol Indus trial Conflict. 1960·1974 "· "' C. Crouch ct Alessandro Pizzorno cd., The Resurgence ofC/as; Conf/tet ill Wes -rcr11 Europe !lin ce /96X. 2 \ ol .. New York, Holmcs and Meier, 1978, p 9

-... Jammu -., '~- ·x·'"·--~ i~ ....... et· ........ '', ' j :. • Srinagar , -' U.. Cachemire

-Laquedives-=.-. ----l. ----2'-Kavaratt" -laquedives+:----

';------------- /195--,---t------------- Nicobar_,_().___

-MALDIVES-:.-OCÉAN----------INDIEN-------

terriroires de l'Union : 1. Dadra-et-Nagar Have li 2. Laquedives 3. Pondichéry 4. Delhi • 5. Chandigarh 6. Andaman-et-Nicobar 7. Daman-et-Diu

- frontières internationales

-·- territoire revendiqué par l'Inde

-- limites d'États

ligne de contrôle (limite effective de l'Inde au Nord) ligne effective de l'Inde à l'Est

Bombay Capitale d'État

0 500km

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -11

Page 12: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

L'Inde dans " Echanges " + « C:c qui est arrivé ü Kanpur (Uttar Pradesh) le 30 mai)), lettre J'un camarad~: des Indes. 11° 16 (<>etohrc 1978):

+ Les n"' 1 ct 2 de Kcunwust Kranri. no 56 (m<u 1988).

+«Les ouvriers bloquent les chemins de fer>> (Kamunist Kranti) et commentaire critique par un camarade hollandais (Cujo Brendel), no 64 (avril l'J'lU).

+Débat avec Kamunist Kranti. ((Sur h.J "révolu­tion verte"'>, Inde. la grève du s1t:cle. !98/-1983. de (;érard Hcuzé (éd. L'Harmattan) (o­

trait). n° 69 (octobre 1991):

+Débat uvee Kamunisl Kranti: une grève Jcs docker<, n° 70 (janvier 1992).

+ " A perçu sur la réa 1 ité de 1 '1 nde. dé hat "'cc 1 e groure Kamunist Kranti >>;«L'aciérie de Bil-hai "(Kamunist Kranti). Chattisgarh Mukti Mor­cha. un mouvement d'organisation des tra­vailleurs temporaires ct intérimaires (lndustrial Workn), no 77 (janvier 1994),

+ ((Syndicalisme, pression mondiale \crs la libl-­ralisation t:l dirigimc national» (après l'assassi­nat du leader syndicaliste Datta Samant): « Apcr­<;US Je la lutte de classe en Inde":« Un siècle Je S)ndicalisme »:,,A bal!ad against work >>, 0° 84 (avril 1997);

+"De nouvelles méthodes contre la collusion ùirection-syndicut-Etat >>,une lettre de Kamunist K ranti ", n" 85 (septembre 1997) ,

• «Brève notice sur nos origines>,, par Kamu­nist Kranti, n" R7 (été 1998)

dustrialisation. dans un univers capitaliste basé sur la compétition internationale, le maintien de la compétitivité donc du main­

tien d'un bas coùt de production supposait en Inde un bas coût de tout ce qui est né­

cessaire à la reproduction de la force de travail, notamment des produits alimen­taires. D'oü 1 'importance du problème agraire avec une redistribution des terres en­

courageant la petite propriété, des pro­grammes d'irrigation, de modernisation

(pompes, mécanisation, engrais, pesticides

[li). Mais 1 'ensemble ne fut pas spéciale-

( 1) Ce qui fut appelé la« révolution ,·crte >>aboutit en

12- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

ment concluant car c'étaient les différ~nts Etats qui étaient chargés de 1 'exécution de

ces programmes. Ce qui entraîna de grandes disparités entre Etats pauvres et riches ; d'autre part. c'étaient les grands

et moyens propriétaires fonciers qui gou­

vernaient les Etats et réglaient ces pro­blèmes à leur profit. Ce que l'on a appelé la<< révolution verte» (engagée à partir de 1965-1966), outre qu'elle permit aux trusts américains des semences et des pro­

duits chimiques agricoles de s'implanter

durablement, n'aboutit qu'à 1 'accomplis­

sement du slogan << Dans la révolution verte, les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent» (57% des terres sont accaparées par 12% de la population active agricole - avec une moyenne de

quatre hectares ou pl us alors que les " sans-terre >>forment 26% de cette population agricole). La production essentielle de blé et de riz permettait à peine de satisfaire

les besoins alimentaires de base d'une po­pulation en forte croissance, rendant sou­

vent nécessaire le recours aux importa­tions; de plus, le manque de transports (un autre problème crucial en Inde) et d'ins­tallations de stockage faisaient qu'un quart à un tiers de la production agricole était régulièrement perdu.

Aujourd'hui, près de 60% de la popu­

lation vit dans les zones rurales, alimen­

tant un exode rural constant garantissant la permanence d'une main-d'œuvre abon­

dante et, partant, d'une force de travail à bas coût pour 1 'industrie et les services. On estime que les deux tiers de la population dépendent d'une agriculture à très basse

productivité. La moitié de la population

fait à une mainmise des trusts américains de la se­mence et des pesticides (dont la catastrophe de Bhopal fut un Jcs exemples de la manière dont se faisait cette domination)

bien avant que le régime de Vichy n'assu­mât le pouvoir (12).

A part les résultats à moyen terme beau­coup plus assurés des vagues de grèves américaines. la base du succès dans les deux mouvements était clairement diffé­

rente. Les deux vagues de grèves étaient remarquables par 1 'utilisation de la grève sur le tas et la tactique d'occupation d'usine. Mais le pouvoir des grèves parisiennes était basé sur un énonne mouvement de masse po­

litisé, et les occupations d'usine étaient

« soutenues avec enthousiasme par la po­pulation ouvrière des banlieues rouges de Paris», y compris celle associée aux syn­dicats anticommunistes. Au contraire,<< la grève chez GM était un mouvement mino­ritaire« qui dut résister à un important contre-mouvement de « retour au travail >>.

En somme. alors que le pouvoir de négo­ciation sur le lieu de travail relativement faible de 1 'ouvrier parisien était compensé

en partie par un fort pouvoir d'association, on obtenait la dynamique inverse dans le

cas des grèves américaines. Le pouvoir d'association relativement faible des gré­vistes de Flint était plus que compensé par leur capacité de« paralyser le circuit hau­tement intégré de production automo­bile>> ( 13).

Néanmoins, dès les années 1950 et 1960. les niveaux de pouvoir de négocia­

tion sur le lieu de travail des deux côtés de

1 'Atlantique commençaient à converger. Le centre de croissance dans le monde de 1 'in­dustrie automobile se déplaça vers 1 'Eu­rope de 1 'Ouest à la suite des recrudescences

( 12) W. Kendall, The Lal){)ur Movement in Europe.

Londres. Allen Lanc. 1975, p. 43-48; ct Arrighi ct Silver, op. cil., 1984, p. 186-190. ( 13) Michael Torigian." The Occupation of the Fac­torics »,Paris 1936, Flint 1937 »,in Comparative Stu­Jics in Society and History "· 1999, p. 329-330,.

de militantisme ouvrier des années 1930 et 1 940 chez 1 es ou v ri ers américains de l'au­

tomobile. Pour Altshuler et al. ( 14), la pre­mière grande vague d'expansion de l'in­dustrie automobile dura de 1910 à 1950 et

eut pour centre les Etats-Unis. La deuxième

grande vague d'expansion se produisit dans les années 1950 et 1960 et eut pour centre 1 'Europe de l'Ouest. La production de voi­tures fur multipliée par cinq en Europe de 1 'Ouest pendant les années 1950. pass<lnt

de 1.1 million en 1950 à 5.1 millions en

1960 ; elle doubla dans les années 1960 pour atteindre 10,4 millions en 1970 (Alt­

shuler et al.. 1984. op. cir. p. 19) La dynamique derrière cette expansion

était un mélange de« défi américain »et

de réaction européenne. Les Etats-Unis avaient commencé 8 investir directement

dans l'industrie de l'automobile européenne dans les années 1920 pour tenter d'éviter les barrières douanières et économiser sur les frais de transport et de main-d'œuvre.

Mais ces investissements montèrent en flèche dans les années 1950 et 1960. G M

investit plus de 100 millions de marks dans un grand développement d'Ope! (Alle­magne) entre 1950 et 195 5 et conti nua en­

suite 8 agrandir ses usines chaque année GM investit aussi 36 millions de livres chez Vauxhall entre 1952 et 1956 pour agrandir son site de Luton et construire une nouvelle

usine à Dunstable. De même, dans les années

1950, Ford développa rapidement son site de Dagenham au Royaume- Uni et son usine de Cologne en Allemagne ( 15). Une réac ti on

( 14) Alan Altshulcr el al .. The Fu/lire ofthe Auto/1/{)IJIIe · The Report ofi\1/T's lnternarional Auromohi!e Program, Cambridge, Massachussetts, MIT Press. 1984, ch. 2 ( 151 Carl Dasshach. Global Enterpriscs and the Wnrld

Economv : Ford. General /Y1oron u11d IBM. The Enu·r ge11ce of the TrWL\IWtional Enterpri.H'. PhD Dissertatinn, S\INY -Bi nghamton. 1988. p. 254-255 et 296-:100.

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 - 85

Page 13: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

plus importantes hors des Etats-Unis. Le

pouvoir de négociation des ouvriers amé­

ricains de l'automobile, déjà affaibli par

des décennies de restructurations, s'écroula

dans les années !9RO. L'assaut politique

contre les travailleurs organisés associé à

la« révolution reaganienne »ne fut que la

cerise sur le gâteau.

+ L'Europe de l'Ouest. Pendant

l'entre-deux-guerres, l'Europe de l'Ouest

était très loin derrière les Etats-Unis pour

la généralisation des techniques fordistes de

production de masse à l'industrie automo­

bile. Dans les années 1920, 1 'industrie eu­

ropéenne se composait surtout de nom­

breuses petites entreprises qui fabriquaient

cles voitures sur commande et à façon, au­

cune d'entre elles n'avait les ressources ou

les parts de marché suffisantes pour faire les

énormes investissements en usines et en

machines spécialisées nécessaires pour

,, rattraper>> les Etats-Unis. Dans les an­

nées 1930, la centralisation elu capital pro­

gressa rapidement avec l'aide des gouver­

nements, mais la capacité de profiter des

économies d'échelle inhérentes aux mé­

thodes fordistes était tout simplement ab­

sente. Les obstacles au commerce intra-eu­

ropéen et des salaires généralement bas

excluaient l'existence d'un réel marché cie

masse. Les ouvriers cie 1 'industrie auto­

mobile américaine pouvaient se permettre

d'acheter le produit qu'ils fabriquaient

(même clans les années 1920); ce n'était

pas le cas des ouvriers européens (Il).

1 Il) Da1·id Landes, The Unhound Prmnetheus. Cam­

/mdge Un1versity Prns. Cambridge, 1969, p. -+-+5-

-l., 1 :ct Ste ven Tollida). « Management iand Labour 111 Hritai11. IR96-19:19 "· 111 S. Tollida) ct J. Zcitlin cd , The A1.tonwbile /ndustr\' and lB Worker.\ : Ber -w..:en Fordtsm and F/e.rthi/ur. Ne\\ York, St Martin's

l're,, 1987. p. :12-:17

64- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

Etant donné l'extension limitée des

techniques de production de masse, le pou­

voir de négociation des ouvriers européens

sur le lieu de travail était relativement

faible entre les deux guerres. Par contraste.

leur pouvoir d'association était relative­

ment fort pendant les années qui suivirent

la première guerre mondiale. Mais malgré

1 'émergence de mouvements ouvriers.mi­

litants et de partis politiques de gauche,

avec parfois de grandes victoires dans les

usines et les urnes, la plupart de ces avan­

cées avaient été anéanties dès le milieu des

années 1920. (Le Biennio Rosso italien

1919-20, au cours duquel les ouvriers de

Fiat jouèrent un rôle très important en est

un exemple).

Dès le début des années 1930, des gou­

vernements fascistes étaient au pouvoir en

Italie et en Allemagne, et au Royaume-Uni

le Parti travailliste fut évincé au profit des

Conservateurs. Même les gains obtenus

lors des stupéfiantes victoires du Front Po­

pulaire en France qui ressemblent le plus

(et l'ont peut-être inspiré) aux luttes du

CIO aux Etats-Unis -furent de courte

durée. Très vite après l'accord de Mati­

gnon de 1936, une offensive renforcée des

employeurs réussit à bloquer la mise en

place d'accords nationaux de négociation

collective.

En l'espace de deux ans, les substan­

tielles augmentations de salaire obtenues

par l'accord de Matignon furent réduites ù

zéro par 1 'inflation ; et, en 1 'espace de trois

ans, les adhésions à la CGT représentèrent

le quart des cinq millions de membres dé­

clarés en 1936. Dès 1940, dans la France

en guerre, des,, règlements quasi esclava­

gistes ... enfermaient les ouvriers dans les in­

dustries de production cie guerre>>, et selon W. Kendall, le fascisme s'était préparé"

sous couvert cl' une lutte contre Hitler,

( 1,1 milliard) a moins de 25 ans, 40%

moins de 18 ans et, dans les cinq pro­

chaines années, le réservoir d'une nouvelle

main-d'œuvre s'élèvera à 762 millions de

candidats à 1 'exploitation du travail.

Les obstacles au développement industriel

Bien des obstacles s'opposaient à un

développement industriel de l'Inde en

1947, indépendamment des questions que

nous venons de soulever. Elles n'étaient

qu'en partie le legs du colonialisme, et te­

naient aussi aux structures sociales an­

cestrales de 1 'Inde; et elles tenaient pour

une autre part à tout un ensemble de pro­

blèmes politiques qui faussaient totale­

ment 1 'application d'un programme d'in­

dustrialisation planifié et de modernisation

des infrastructures nécessaires au déve­

loppement économique. Aujourd'hui en­

core, bien que la force de travail soit bien

disponible et exploitée intensivement, les

mêmes freins à un développement industriel

existent toujours et expliquent 1 'expansion

de certains secteurs pouvant outrepasser

lesdits obstacles. Comme nous l'avons

souligné, le capital, national et mondial,

n'en a cure, exploitant dans la situation

réelle ce dont il peut tirer profit dans la di­

vision mondiale du travail.

Tout le secteur des infrastructures est un

des principaux goulots d'étranglement du

développement industriel. Un industriel

indien constatait que le pays se trouvait

elevant « une demande explosive cie

chambres d'hôtel, de sièges clans les avions

de ligne, de fournitures régulières d 'élec­

tricité, de ports, de routes et de chemins

de fer, etc. »Une demande à laquelle ne

répondent en aucune façon les dépenses actuelles, qui représentent seulement 4,6%

du PIB pour la période 2008-2012, alors

que 8% cie ce PIB suffiraient à peine à ré­

soudre les problèmes les plus cruciaux ;

par comparaison, la Chine dépense sept

fois plus que l'Inde pour ses infrastruc­

tures et a déjà construit dix fois plus d'au­

toroutes :

+électricité: de nombreuses coupures

de sorte que les entreprises importantes

doivent construire des centrales ther­

miques ; le plan de cinq ans d'équipement

électrique qui s'est terminé en mars 2007

prévoyait d'arriver à une production· de

41 000 MW; elle n'arrivera qu'à

18 400 MW. 30 %de la production se per­

drait au long des lignes électriques, contre

8 % en moyenne dans le monde ; mais ce

n'est pas seulement une question de fi­

nancement du gouvernement fédéral.

L'électricité est un problème hautement

politique: dans les zones rurales, elle est

supposée être gratuite, mais son approvi­

sionnement est chaotique à cause du mau­

vais fonctionnement des installations ; les

Etats et les particuliers qui le peuvent fonc­

tionnent comme les compagnies privées

avec leurs propres générateurs, ce qui ac­

croît la pénurie de pétrole et de gaz natu­

rel ; le charbon abonde mais ne peut suffire

à la demande ;

+ routes: 500 km construits. contre

2 500 en 2005 (vu l'état cles routes, l'Inde

qui possède 1 %du parc mondial de véhi­

cules connaît 10% des accidents). Les en­

combrements routiers sont tels que le

temps de trajet a doublé en quarante ans

et que la livraison par camions en toute in­

cohérence pèse sur la production indus­

trielle et sur la productivité:

+les chemins de fer, hérités pour une

bonne part de l'occupation britannique,

sont particulièrement vétustes ; les deux tiers du trafic concernent le fret mais les

trains de marchandises roulent à une vi-

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -13

Page 14: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

tesse moyenne de 25 km/h, contre 60 km/h

dans le monde. Pour décongestionner les

ports et écouler la production des zones

industrielles de l'intérieur, des« corri­

dors>> de fret ont été construits entre le

nouveau port de Bombay et Delhi. C'est

encore pire pour les trains de voyageurs:

dans la banlieue de Bombay. les trains sup­

posés transporter 200 passagers en trans­

portent régulièrement plus de 500; +le port le plus moderne de l'Inde, au

niveau technique des ports européens, est

Jawaharial Nehru Port. situé près de Bom­

bay. Il peut traiter 2 500 conteneurs/jour

alors que le plus grand port chinois en

traite 12 000;

fèrent investir hors de l'Inde ou dans des

secteurs de pointe rattachés à l'informatique,

de sorte qu'il existe un décalage impor­

tant entre ces secteurs ultramodernes et l'ensemble des infrastructures obsolètes.

Le président de Wipo, l'une des plus

grandes sociétés d'informatique, basée à

Bengalore, l'exprimait ainsi:<< C'est à la

porte de l'entreprise que le problème sur­

git. Vous surfez toute !ajournée entre Bos­

ton et Hong Kong et en sortant du bureau

vous vous étalez dans les ordures» :

+le nouveau plan prévoit de construire

ou moderniser en cinq ans 35 aéroports,

76 ports et 6 000 km d'autoroutes; malgré

l'appel aux capitaux privés, ceux-ci pré-

+ des problèmes d'éducation et de

santé sont aussi des obstacles à certaines uti­

lisations de la force de travail pour une

meilleure productivité. Il est certain que

la grande diversité linguistique de l'Inde

(23 langues officielles, sans compter les

dialectes et une langue co mm une l'anglais)

tout comme la persistance des castes ou

De l'Empire britannique au capitalisme d'Etat

L'Inde est sortie du système

de domination capitaliste

colonial avec

l'" indépendance, en 1947.

La classe bourgeoise

dominante devait alors

assumer un développement

économique capitaliste

dans un cadre national,

développement obéré par le

legs du colonialisme. On

pourrait faire une

comparaison à ce sujet avec

la Chine qui accéda à cette

" indépendance, trois ans

plus tard dans un pays

ravagé par des décennies de guerre mais qui, dans

son cadre national a réussi

à se hisser à un niveau

économique bien supérieur

à celui de l'Inde.

Sur le plan politique, le

même legs colonialiste

exploitant les divisions pour

mieux dominer faisait que l'Inde héritait d'une

hétérogénéité de territoires

qui avaient été, les uns sous

gouvernement direct

britannique, les autres des

Etats princiers sous tutelle.

Même rassemblé en une

fédération de 28 Etats et

7 territoires, ce patchwork

n'a jusqu'à aujourd'hui pas

réussi à réaliser une

unification réelle : cette

structure révèle une grande disparité et la persistance

14- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

de grandes inégalités

sociales dont le maintien du

système des castes n'est

qu'un des aspects. Cette

situation a fait que l'Inde a

été constamment secouée

par des conflits sanglants,

ouverts ou larvés, qui ont

joué un rôle non négligeable

dans le retard du

développement

économique, masquant

souvent la lutte de classe.

Sur le plan économique, la

puissance coloniale

-l'Angleterre- avait

amorcé un certain

développement agricole 'et

industriel, mais

spécifiquement orienté en

fonction de besoins de la

" métropole"· Si des

entreprises sans syndicat ou ne pratiquant

pas le monopole d'embauche.<< Dès 1914,

lorsque la chaîne de montage mobile de

Ford transforma la production automobile en déqualifiant les emplois, le concept

d'entreprise sans syndicat... s'était fortement

implanté à Détroit et dans l'industrie au­

tomobile en particulier << (Rubenstein, op. cit., p. 234-235).

Avec le succès d'UAW, la délocalisation

de la production loin des bastions d'UAW

devint une des stratégies logiques adop­

tées par les entreprises automobiles au

cours du demi-siècle suivant. Immédiatement

en 1937. GM acheta une usine de moteurs

à Buffalo pour réduire sa dépendance par rap­

port à Flint et peu après commença à dis­

séminer ses sites de production dans les

zones rurales et le Sud des Etats-Unis (Ru­

benstein, op. cit., p. 240-241 ).

Mais la délocalisation géographique de

l'industrie automobile ne fut pas, dans la

période de l'après-guerre, principalement

un phénomène intérieur aux Etats-Unis. La

dislocation du marché mondial- depuis

l'effondrement de 1929 jusqu'au retour à la

convertibilité des monnaies en 1958 -

ferma la sortie de secours du capital inter­

national. Et dès que l'Europe d'après­guerre se fut stabilisée, en particulier avec

la création du Marché Commun et la res­

tauration de la convertibilité des monnaies,

les multinationales américaines (y compris

les fabricants d'automobiles américains)

investirent lourdement en Europe.

Pendant les décennies qui suivirent les

victoires du CIO (Congress of Industrial

Organizations), trois réactions des em­

ployeurs: la délocalisation de la produc­

tion (désinvestissement dans les bastions

syndicalisés), des innovations dans le pro­

cès de fabrication (principalement l'auto­

matisation) et<< l'échange politique» (la

défense du<< syndicalisme responsable >>a

répression du << syndicalisme irrespon­

sable >>) minèrent progressivement la force

structurelle de la main-d'œuvre américaine

en général, et des ouvriers de l'automobile

en particulier. Lorsqu'une recrudescence

d'agitation de la base à la fin des années

1960 (symbolisée par les << Lordstown Blues>>) poussa UA W à réutiliser les

vieilles tactiques de la confrontation lors

de 1'<< Opération Apache>> (une campagne

de grèves peu importantes. courtes. mais

fortement perturbatrices), les fabricants

automobiles cessèrent d'encourager le

<<syndicalisme responsable>> et s'engagè­

rent dans la délocalisation géographique

et l'automatisation de la production avec

un zèle renouvelé.

Au cours des années 1970, GM

construisit ou planifia l'implantation de 14

usines dans le Sud des Etats-Unis. surtôut

dans des zones rurales ou des petites villes.

Mais la<< stratégie sudiste» de GM pour

éviter les ouvriers militants devint obso­

lète dès l979lors d'une épreuve de force avec

UA W dont cette dernière sortit vainqueur

en obtenant que l'accord national du syn­

dicat avec GM s'applique à toutes les

usines du Sud. A l'occasion de cette confrontation, UA W exploita une fois de

plus le positionnement des ouvriers dans

une division du travail complexe: en faisant

grève dans 7 usines stratégiquement si­

tuées, UA W était crédible en menaçant

d'arrêter la production des deux modèles

les pl us vendus de l'entreprise. Avec 1 'ex­

tension des accords UA W à toutes 'les

usines du Sud, le Sud américain perdit son

principal attrait (Rubenstein, op. cit., p. 240-241 ). Les entreprises automobiles

réagirent en intensifiant leur stratégie déjà en cours de déplacer la production vers des

régions avec des réserves de main-d'œuvre

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007-83

Page 15: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

chaîne à l'improviste

et ens 'asseyant dans

1 'usine ... catalysa un

sentiment favorable

aux syndicats chez

une grande maJorité

d'ouvriers apa-

thiques " (8). La vague de grèves mon­

tra les limites du

contrôle techmque des ouvriers par le travail

:1 la chaîne un nombre relativement

réduit de militants

' \ pouvait arrêter 1 a pro- Des ouvriers occupent l'usine Fisher Body de Genarl Mo tors à Flint

duct1on de toute une(Michigan), début 1.937.

usine. Comme Edwards (9) J'a dit: <<le contrôle [technique} soli­

darisait tous les travailleurs de J'usine, et

quand la chaîne s'arrêtait, chaque ouvrier par-

ticipait forcément à la grève.,, De plus, tout comme une minorité mi­

litante pouvait arrêter la production dans une usine entière, si l'usine était un maillon

important dans un empire industriel. son

occupation pouvait paralyser toutes les en­

treprises. En occupant les usines Fisher

Body et 1 'usine de Flint qui produisaient la plupart des moteurs Chevrolet, les ou­

vriers r~ussirent à nuire à la production de

voitures de General Motors. Le taux de pro­

duction de l'entreprise passa de 50 000 voi­

tures par mois en décembre à seulement 125 pour la première semaine de février. GM fut obligé d'abandonner sa posture anti­svndJcale inflexible et de négocier une

convention avec UA W concernant les ouvriers

to 1 Mel' 1 n Dubuloh) ct W.' an Tine. John 1.. Le>~ 1.1.

A Bin~ruehv. ChiCClgn. QuaJranglc, IH77. p. 2S5.

(S>) Richarct.Cdwards, ContcsleJ Terrain. The Tra!ls formatwn of the Workpluce 111 the Twentii!!h Ccntury.

New York. Basic Ruuhs. 1979. p. 12H

62- ÉCHANGES 122 · AUTOMNE 2007

dans vingt usines afin de mettre fin à la

grève et de reprendre la production (10).

L'expérience précoce de 1' industrie au­

tomobile montre que la stratégie de mobi­

lité du capital n'est pas une nouveauté in­troduite lors de la phase la plus récente (fin

du xx' siècle) de la mondialisation. En réa­

lité.<< éviter la concentration de militants

ouvriers a influencé les décisions d'im­

plantation des entreprises même dans les

premiers jours de 1 'industrie automobile. ,,

Parmi les nombreuses raisons qui expli­quent pourquoi l'industrie de 1 'automobile

s'était concentrée dans la région de Détroit

au début du XX' siècle figurait l'environ­

nement le plus anti-syndical imposé par

J'Association des Employeurs de Détroit au moyen d'une campagne en faveur des

( 10) Melvyn Duboi"sky ct W. van lïnc. ''l' Cil.. p. 26~-21)<), Giovanni Arrighi ct Beverly Sil ver.« La bor Movcmenls

and Capital Migration :The lJS and Western Europe in

WuriJ-Historical Perspective "·in C. Bcrquist éd., Lahor 111 the Capua/i.\t Wnrld-Economv. Beverly Hi lis, Ca!iforntt:,

éJ. Sage. 198-t, p. 184-185 et 194-195 , ct James Ruben­stein . The Changing US Allio !ndustry: A C<ograpfucal Ana

'"'''·Londres. Routlcdge, 1992, p. 235-2.17 ·

des discriminations religieuses (voire en­

cadré page 18) peuvent cons ti tuer un frein

à 1 'expansion économique bien que cette di­versité ne joue qu'un rôle relatif dans la

formation d'un prolétariat indus triel. Mais

là aussi, le sous-développement est un obs· tacle: en 2002, le taux d'alphabétisation était

de 73 %pour les hommes et de 48% pour

les femmes, ce que masque le fait qu'il sort des universités ou écoles d'ingénieurs 400

000 diplômés chaque année, pratiquement

tous issus des classes moyennes et supé­

rieures (300 millions en 2006) ;

des inondations ou des sécheresses ca­

tastrophiques.

DANS SON EXI'ANSIUN mondiale, Je

capital a cherché à tirer profit des

situations locales lui permettant de

maximiser le profit dans les zones ou Etats

où certains facteurs économ1ques s'avé­

raient particulièrement favorables à J'ex­ploitation du travail d'une certaine main­

d'œuvre et aux échanges commerciaux

nécessaires (notamment stabilité politique

et infrastructures). L'Inde avec tous les pro­

blèmes que nous venons d'évoquer offra1t

peu de chances à une exploitation capita­

liste traditionnelle, ceci d'autant plus que les

capitaux accumulés par les entreprises in­

diennes sur le plan intérieur cherchaient, à

cause de ces problèmes, à s'investir ailleurs

pour une rentabilité meilleure et ne contri-

+un autre problème est celui de l'eau

conjuguant à la fois le réseau de distri­

bution vétuste, qui connaît de nombreuses

pertes et coupures, et les sources de pol­

lution. A l'origine de maladies récurrentes et d'empoisonnements suite aux déver­

sements industriels, pour ne pas parler

travaux avaient été

entrepris pour l'irrigation, l'" encouragement,

colonial avait visé

essentiellement la

production de thé et de

jute :les famines

récurrentes dues autant aux Incertitudes du temps qu'à la surpopulation des

campagnes montraient que

rien n'avait été fait même

pour une subsistance

minimale, un problème qui se posera d'emblée au nouvel Etat ind1en. Quant à l'industrie, si elle avait

connu un développement

au-delà des traditionnelles

industries coloniales, alimentaire et textile, c'était

surtout dû aux deux guerres

mondiales au cours

desquelles la métropole,

plus ou moins coupée de sa colonie, avait dû improviser

sur place des industries de

base, notamment

métallurgiques, pour

approvisionner ses armées d'Orient.

Lors de l'" mdépendance" J'Inde pouvait prétendre

ainsi être la dixième

puissance mondiale (bien

que représentant 4 % du PIB mondial pour 14% de la population de la planète),

mais c'était un trompe-l'œil,

le principal et crucial

problème pour le nouvel

Etat national, en proie aux difficultés politiques et

sociales déjà mentionnées,

étant qu'une population

agricole excédentaire alimentant un important

exode rural ne pouvait être

absorbée par le faible

développement industriel.

Comme tous les Etats

nationaux devant se fa1re une place dans le monde

capitaliste déjà dominé par

quelques grandes

puissances économiques, le

développement capitaliste à

l'intérieur des frontières nationales ne pouvait se faire que sous la forme

d'une variante capitaliste

d'Etat, seule forme

économique permettant dans cette circonstance de réaliser l'accumulation

primitive, transformant la

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 ~15

Page 16: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

L'exploitation des cerveaux à distance

Dans le monde capitaliste globalisé, à la re­

cherche de moindres coûts de production, le

capital a pris en Inde ce que 1 'arriération des

infrastructures l'autorisait à prendre sans trou­

ver d'obstacles majeurs C'est ainsi qu'Inter­

net lui a permis, sans gros investissement et

par la voie des ondes, d'utiliser le potentiel

oftert par les jeunes issus d'une classe

moyenne cultivée parlant anglais. Cette ex­

ploitation couvre des secteurs variés, depuis

les centres d'appel jusqu'à la recherche dans

toutes les technologies En trois ans, l'Inde

est devenue un redoutable compétiteur dans

la création, la transformation et la mainte­

nance des programmes à distance. Cette ac­

tivité touche tout traitement de données, la

comptabilité, l'analyse financière, toute la re­

cherche et développement depuis la phar­

macie jusqu'à l'aéronautique. Une heure de

travail dans ce secteur coûte trois fois moins

cher qu'en Europe.

La classe moyenne indienne (200 à 300 mil­

lions de personnes, dont 4% parlent bien l'an­

glais) offre un marché de 400 000 diplômés

par an. Les cinq grands de l'informatique in­

dienne lnfosys, Tata, Wipro, Satyam, Cogni-

rani recrutent chaque année 125 000 jeunes

et 100 000 autres s'orientent vers des firmes

plus petites. Beaucoup vont se former aux

Etats-Unis, le quota annuel de 65 000 entrées

offert pour cette émigration temporaire est

rempli en un jour. Les 30 000 Indiens déjà

fixés dans la Silicon Valley en Californie re­

viennent au pays.

Le système de recrutement pour une société

comme lnfosys est confié à des sous-traitants

et traité par informatique : un million decan­

didats sont triés chaque année par ordinateur,

160 000 sont sélectionnés, puis, après

entretien, 80 000. Les " heureux " vont être as­

treints à un stage de formation de dix-huit se­

maines dans un camp spécial ultra-perfec­

tionné, une sort'e d'hôtel quatre étoiles Le

coût total de cette sélection représente 4 %

des ventes. Mais étant donné l'expansion ra­

pide du secteur, le turn-over est de 14% et

on estime qu'en 2010 il manquera 500 000

travailleurs dans ce secteur où les entreprises

mondiales délocalisent entre 5 %et 20% de

leurs effectifs mondiaux.

La capitale de cette envolée économique est

Bengalore, une ancienne ville de garnison bri­

tannique dans l'Etat de

Karnataka (Deccan,

Sud de l'Inde) passée

en cinquante ans de

150 000 habitants à

7 millions. Peu importe

qu'autour toute l'infra­

structure ne suive pas :

tout s'exporte par la

voie des ondes.

Les Indiens vus par 1. Type dra:vldien; 2. Négrlto du GonJvana; 3. Hindou Radjpout; 4. Tblbéta.in de l'HimD.lo.ya;

6. Prêtre de Vlc.huou; G. Birman; 1. Djât.h ·, 8, 9. Homme t't femme du Deccan méridional; 10. Cbtttmeur <le aerpcnb (Delhi).

le " Nouveau Larousse

illustré " (1.900).

16- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

du capital face à J'action directe des tra­

vailleurs sur le lieu de production.

Comme nous le verrons, les pics de

grève étaient non seulement semblables par

leur forme et leur style de militantisme,

mais ils subissaient aussi le même confi­

nement, leurs victoires suscitant une suc­

cession de stratégies managéria!es qui

affaiblissaient structurellement les mou­

vements ouvriers. A court terme, on en­

couragea le« syndicalisme responsable >>et

l'institutionnalisation de la convention col­

lective pour obtenir la coopération des di­

rigeants syndicaux dans l'endiguement des

perturbations issues de la base. A court et

moyen terme, le travail fut de plus en plus

automatisé, et les nouveaux investisse­

ments dirigés loin des bastions syndicaux.

Cette restructuration du capital minait il la

fois le pouvoir de négociation des tra­

vailleurs sur le lieu de production et les

ressources sur lesquelles la résistance pou­

vait s'appuyer.

Les efforts répétés des entreprises pour

trouver une solution spatiale au problème

du contrôle de la main-d'œuvre signifient

que ces pics de grèves ne sont pas qu'une

série d'occurrences indépendantes dans un

processus général. Mais plutôt qu'ils sont

étroitement 1 iés aux dél oc ali sa ti ons suc­

cessives de la production loin des forces

de travail militantes. C'est pourquoi la par­

tie suivante de notre récit est aussi l'his­

toire d'un processus historique unique de mi­

litantisme ouvrier et de mobilité du capital.

Au fur et à mesure que le capital s'éloi­

gnait des sites de production établis. le

pouvoir de négociation des travailleurs était

freiné. et pourtant de nouvelles classes ou­

vrières se créaient sur les lieux choisis pour

l'expansion industrielle.

Le résultat est une trajectoire qui com­

mence dans les années 1930 et traverse les

années 1990, entraînant à sa suite les tech­

niques de production de masse dans 1 ·au­

tomobile et une forme particulière de mi­

litantisme qui ont envahi le monde, partant

des Etats-Unis, traversant l'Europe de

l'Ouest pour aboutir dans les pays en voie

d'industrialisation rapide.

Deuxième partie

De Flint à Ulsan : déjà-vu dans les principales vagues de grèves dans l'industrie automobile

+ Les Etats-Unis. Le 30 décembre

1936, des ouvriers occupèrent à Fit nt dans

1 e Mi chi gan, les usines n'" l et 2 Fisher

Body de General Motors. Dès le 12 mars

!937, General Moturs (GM. la plus gre1ndc

société industrielle des Etats-Unis. avec

d'énormes ressources financières et un ré­

seau d'espions anti-syndicats) furent obli­

gés de capituler et de signer un accord avec

UA W (United Auto Workers =Union des

Ouvriers de l'Automobile). C'était le début

d'un déluge de grèves qui apportèrent la

syndicalisation aux industries américaines

de production de masse. à une époque ca­

ractérisée à la fois par un fort taux de chô­

mage (c'est-à-dire un pouvoir de négocia­

tion faible sur le marché) et par une timide

organisation ouvrière (c'est-à-dire un pou­

voir d'association faible).

Un des critères de réussite d'UA W était

le pouvoir de négociation des travailleurs

sur le lieu de travail la capacité des ou­

vriers à exploiter leur position à l'intérieur

de la division du travail complexe carac­

téristique de la production de masse. La

grève sur le tas de Flint qui paralysa 1 'usine

Fisher Body de G M fut planifiée et orga­

nisée par une" minonté militante» d'ou­

vriers de l'automobile qui en" arrêtant la

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 - 61

Page 17: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990

1934 11939 1944 1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1996

Etats-Un1s x

Canada

Royaume-Un1 x

France x

1tal1e x x

Allemagne x

Espagne x

Argentine x

Afnque du Sud x

Bréstl x

Corée du Sud x

Note Les pays c1tés sont ceux qw contribuent à au mo ms 1 %des ment1ons d'agitation ouvnère dans l'automobile dans la banque de

données WLG Les cro1x 1nd1quent des" p1cs ".au cours desquels le nombre de ment1on représente au moms 20% des ment1ons

Tableau 2. Les pics d'agitation ouvrière dans l'industrie automobile mondiale, 1930-.1996.

la sulte de notre récit que ces vagues d'agi­

tation ouvrière- tout en se produisant dans

des environnements très différents politi­

quement et culturellement et à des époques

différentes de 1 'histoire mondiale- parta­

gent des caractéristiques étonnamment si­

mitai res. Elles faisaient irruption avec une

souLlaineté et une force auxquelles les

contemporains ne s'attendaient pas. Elles

remportaient rapidement d'importantes vic­

toires, même confrontées à des employeurs

hostiles aux syndicats (et. dans certains

cas. à des gouvernements hostiles). Toutes

s'appuyaient sur des formes de contesta­

tion non conventionnelles- surtout la grève

sur le tas- qu1, chaque fois, paralysaient

la production d'énormes complexes in­

dustriels, mettant efficacement en évidence

la vulnérabilité de la division techmque et

complexe du travail dans l'industrie face

à l'action directe des travailleurs sur le lieu

de production. Dans tous les cas. les travailleurs

étaient principalement des migrants (in­

ternationaux et mterrégionaux) de la première

60- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

et de la seconde génération, et le soutien

d'une communauté vigoureuse était un in­

grédient essentiel des luttes. Enfin, les

luttes des ouvriers de l'automobile revêti­

rent une signification politique, au sens

large du terme, pour le reste de la nation

par-delà le secteur industriel concerné et

ses travailleurs. En tant que telles, ces

grèves représentaient aussi des« tournants

décisifs« dans les relations travail-capital

dans chaque pays.

L'industrie automobile semble aussi

produire une forme caractéristique d'ac­

tion directe. Les grèves stratégiques. surtout

les grèves sur le tas visant un point sen­

sible dans la division du travail technique

de bout en bout de l'entreprise automobile,

étaient des armes de choix lors de chacun

de ces pics de grève. On peut relier la ré­

currence de cette forme (et son succès) au

fort pouvoir de négociation sur le lieu de

travail des ouvriers de l'automobile. La di­

vision du travail technique et complexe qui

caractérise la production de masse dans

l'industrie automobile accroît la vulnérabilité

huaient nullement à résoudre ces problèmes

par des investissements dans le pays même.

Mais, faute d'investissements du capital in­

dien ou étranger dans les secteurs tradi­

tionnels (comme en Chine par exemple),

pour exploiter une force de travail à très

bas coût (voir encadré p. 16) les capitaux

étrangers ont su exploiter ce qui pouvait

l'être d'une façon qui éludait à la fois la ca­

rence des infrastructures et toutes les dif­

ficultés sociales.

Inde, paradis des délocalisations de tou.t le

monde industrialisé ..

C'est ainsi que l'économie de l'Inde ac­

tuelle offre une juxtaposition:

• d'un paysannat pléthorique et sou­

vent misérable (50% de la population) ;

• d'un prolétariat industriel surexploité

en raison d'un réservoir inépuisable de

force de travail (on ne parle pas de« mi­

grants » comme en Chine bien que 1' exode

rural peuple d'énormes bidonvilles.

350 millions d'Indiens (27% de la popu­

lation] vivent avec mois de 1 dollar par jour

[0,70 euro]);

Legs historique, l'Inde disposait d'une

classe moyenne importante (300 millions de

personnes) éduquée (500 000 diplômés du

supérieur par an) et de langue anglaise ( 4%

de la population parle couramment l'an­

glais). Tout ce qui pouvait se traiter à dis­

tance sans recours important aux infra­

structures défaillantes, par l'usage intensif

de l'informatique, s'est ainsi déversé en

• d'une bourgeoisie et d'une classe

moyenne prospères (les différentiels de sa­

laires sont passés de l à 5 en 1991 à 1 à

14 en 2001) œuvrant essentiellement dans

des secteurs technologiques de pointe de­

venant presque un énorme centre de re-

(suite de la page 15)

surpopulation agricole en

prolétariat Industriel. Ce

développement, sous

l'égide du nouvel Etat et

d'une classe dominante

nationale en formation, prit

la forme d'une planification

Impliquant un important

investissement de 1 'Etat

indien. Plusieurs plans

qu1nquennaux (le modèle

russe) se succédèrent ainsi

à partir de 1951 autour de

quelques nationalisations

(aviation, assurances) et du

développement d'un secteur

étatique de base (aciéries,

armement, énergies

hydraulique, thermique et

nucléaire, chimie)

parallèlement à un secteur

privé, dans une sorte

d'économie mixte. Aucun

secteur n'était

monopolistique ma1s en

1970, le secteur public

assurait 40 % de la

production industrielle (8%

en 1961) et l'Etat indien

imposait un contrôle des

prix.

Comme sous tous les

systèmes capitalistes

d'Etat, l'impéritie des

gouvernements et la

corruption d'un appareil

bureaucratique jointes à la

pression indirecte et directe

du capital International

firent qu'après une certaine

fuite en avant (avec de

nouvelles nationalisations,

un contrôle renforcé de

l'économie et notamment la

limitation des

investissements étrangers),

l'état global catastrophique

de l'économie indienne

contra1gnit au recours en

1991 à l'intervention du FMI

et de la Banque mondiale

qui imposèrent 1 'ouverture

au " marché libre , et la fin

progressive de tous les

contrôles étatiques. Cela

coïncidait avec la chute du

système soviét1que qui avait

été quelque peu le modèle

et le soutien de l'Inde

engagée dans la politique

du " non-alignement "·

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -17

Page 18: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

r---~--~- Castes, minorités et religions

1

La persistance des problèmes séculaires de

castes et des affrontements religieux masque

des conflits de classe, leur violence n'étant

qu'un exutoire à la misère sociale.

Le très complexe système des castes em­

poisonne la vie économique, sociale et poli­

tique. Schématiquement, il se réfère à cinq

grands ensembles qui définissent 1 'accès à

une certaine fonction sociale .

• trois castes supérieures · les brahmanes

(lettrés et prêtres), les Kshatriya (guerriers

et militaires), les Vaishya (marchands) ;

• les basses castes, shundra, dans lesquelles

on classe une catégorie de minorités bapti­

sées " classes arriérées " ;

• les hors-caste, les intouchables : 17% de

la population totale cantonnés dans l'agri­

culture, la domesticité et l'équarissage.

Jusqu'à récemment, les basses classes et

les intouchables étaient exclus notamment

de la fonction publique, des entreprises d'Etat

et de nombreuses activités dans le secteur

privé. En 1990, un système de quotas leur a

ouvert, en principe, les emplois dans la fonc­

tion publique et le secteur d'Etat. Récemment

ces quotas ont été portés à 27 % des postes

à pourvoir. Mais même si le système bouge en

raison de l'évolution économique, il fait l'objet

de manipulations politiques et est parfois le

théâtre d'affrontements violents, relatifs no-

tamment à l'attribution des quotas.

Une autre source d'affrontements, d'ordre re­

ligieux, est l'opposition entre hindouistes et mu­

sulmans. Ces derniers (140 millions de per­

sonnes, soit 14% de la population,

concentrées dans certains Etats), soumis eux

aussi au système des castes, sont particu­

lièrement victimes d'une discrimination exa­

cerbée par les affrontements avec les pays

musulmans voisins, Pakistan et Bangladesh.

18- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

Comme le soulignait un commentateur, les

musulmans en Inde ont toutes raisons de se

considérer comme des exclus (accusés d'an­

tipatriotisme et d'être des suppôts du Pakis­

tan) même si certains d'entre eux appartien­

nent à la classe des riches. Une récente

enquête officielle a établi qu'ils devaient se

battre avec les stigmates de cette exclusion,

qu'ils se retrouvent parqués dans des ghettos

fuyant la persécution des Etats où ils sont mi­

noritaires (le grand ghetto musulman de l'Etat

de G ujarrat compte 400 000 habitants et

s'agrandit chaque jour au rythme des émeutes

dans l'Etat). De plus, marquant leur identité par

des signes extérieurs, ils sont victimes de

persécutions au faciès. La discrimination

touche l'emploi, le logement et l'école ; les

taux d'alphabétisation, de durée d'études,de

pauvreté sont sensiblement plus élevés que

pour la moyenne nationale. Ils sont relégués

dans des métiers traditionnels de l'artisanat,

du tissage, de la viande, métiers menacés

par l'industrialisation.

Le dernier cycle de violence dont ils sont vic­

times et acteurs a débuté en 2005. Mais au­

paravant, entre 1950 et 1995, les affronte­

ments religieux avaient fait 40 000 morts et

blessés dans les quelque 700 000 villes. et

villages de l'Inde, essentiellement des mu­

sulmans. En juillet 2005, les émeutes de Bom­

bay ont fait 200 morts et 700 blessés. En

2007, le 22 juillet, un train de pèlerins hin­

douistes a été attaqué, semble-t-il par des

extrémistes musulmans : 58 voyageurs ont

été brûlés vifs. En réplique, dans l'Etat de Gu­

jarat, on a assisté à un véritable pogrom où

2 500 musulmans de toutes classes ont été

massacrés.

Cette situation explosive ne favorise en au­

cune manière le développement économique.

-Jlr,nl '> \:J"

!\.lh '~l'"" \r<,;L"J\Ior••

("'"''"'

mmD l' (

Tableau 1.. Répartition géographique des mentions

(dans la base de données WLG) de mouvements

1960 et 1970, avant de baisser dans

les années 1980 et 1990. L'augmen­

tatitJn importante de la part de J'Eu­

rope du Sud (5) a lieu dans les années

1970, s'élevant de 2% dans les années

1 950 à 10% dans 1 es années 1 960 et à

32% dans les années 1970. Le dernier

changement important est l'augmen­

tation du total pour le sud en voie

d'industrialisation rapide, dont la part

saute de 3% dans les années 1970 à

28% dans les années 1980 et à 40%

dans les années 1990.

Le tableau 2 renforce cette Image

d'une succession de modifications

spatiales dans le militantisme des ou-de résistance ouvrière dans l'industrie automobile,

1.930-1.996.

t::~nt sur l'épicentre du militantisme de

1 'Amérique du Nord dans les années 1930

et 1940, vers l'Europe du Nord-Ouest (et

ensuite du Sud) dans les années 1960 et

1970, puis vers un groupe de pays en voie

d'industrialisation rapide dans les années

1980et 1990(4)

Alors que l'Amérique du Nord totalise

une écrasante majorité du nombre de re­

censions d'agitation ouvrière dans les an­

nées 1930 et 1940 (75% dans les deux dé­

cennies), dès les années 1970 et 1980, elle

totalise une minorité caractéristique de

1' ensemble des recensions (respectivement

1 5% et 20%). Par contraste, les pays d'Eu­

rope du Nord-Ouest se partagent des aug­

mentations du nombre total de recensions

de J'agitation ouvrière de 23% dans les an­

nées 1930 et 1940 à 39% d::~ns les années

1950 et à presque 50% dans les années

(-1) Les Il pays inclus Jans les tableaux 1 ct 2 satis­faisaient à un critère seuil : le nombre de mcntiflns de

J'agitation ouvrière Jans l'industrie automobile re­présenter plus de 1% Ju nomhre total Je mentions dans la hase de données WLCJ concernant l'industril' :tutu­mobile mondiale.

vriers de J'automobile, en identifiant les«

pics« de J'agitation ouvrière dans J'auto­

mobile pour Il pays où le militantisme des

ouvriers de 1' automobile est un phénomène

social significatif. (6).

La partie suivante de ce chapitre décrit

brièvement les" vagues de pics" identi­

fiés dans Je tableau 2(7). Il se dégagera de

(5) L'Argentine est comprise dans\' cnsemh\e sud-européen pour des raisons qui seront expliquées dans la note 21 (6) Les pics (indiqués dans le tableau 2 par un X) sont définis comme l'année record d'agitation OU\ rîèrc pour

un pays donné ct/ou l'année ou cours de laquelle le-"

mentions d'Jgitation uu\TÎèrc sont supérieure.;; Je 2()Cf,­

au total des mentions pour ce pays. (7) Le Japon ne figure pas Jans la liste des pays sujets à des vagues d'agitution des ouYricrs de \'automohile choisis à des fins d'analyse Jans k tahleau 2. L'ex­pansion rapide de J'industrie automobile au Japon n'a pas ahouti à une vague importante d'agitation ouvrière

-anomalie sur laquelle sc concentre la partie trois.

Toutefois, comme il en sera aussi question dans la par­tic trois. il; a bien cu une rague importante d'agitation

ouvrière au Japon dans ks années de l'immédiat après

guerre et que la hase de données du WLG relève. Celte

\'aguc d'agitation a affecté toute~ les industncs. y com­pris 1 'industrie automobile. Pourtant, parce que 1 'in­dustrie automohilc n'était pas l'une des industries prin­t:ipa!cs du Japon immt-.diatcmcnt après guerre, les in tic\ dcsjournau\ ne sl:kctionnent p<.~s l'industrie automo­

bile lorsqu'ils parlent Je la vague Je grèves

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -59

Page 19: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

tendue lean production [3]) et, du coup, de

triompher dans la compétition mondiale

des années 1980. Dans les années 1980 et 1990, les mé­

thodes de lean production ( 1 ) se répandi­

rent dans le monde entier, puisque partout

dans le monde, les producteurs de style for­

diste cherchaient à imiter les producteurs ja­

ponais de manière sélective et puisque les

entreprises automobiles japonaises elles­

mêmes devenaient des entreprises trans­

nationales importantes. On pense généra­

lement que cette combinaison de processus

a créé une «bête» post-fordiste fonda­

mentalement différente face à laquelle les

bases traditionnelles du pouvoir de négo­

ciation des ouvriers sont fragilisées( ... ).

Pourtant, comme nous le soutenons dans

la troisième partie de ce chapitre, cette ré­

organisation post-fordiste de la production

sc démarquait du modèle japonais sur des

points cruciaux. On adoptait les mesures

de réduction des coùts de ln lean produc­

tion. mais on ne prévoyait pas de gnrantie

de l'emploi; c'est pourquoi la base de mo­

tivation nécessaire à la coopération active

des ouvriers avec les employeurs n'exis­

tait pas. De plus, l'impact de ces transfor­

mations sur le pouvoir de négociation des

ouvriers n'a pns été franchement négatif.

En vérité, dans certaines >ituations, les mé­

thodes de lean production ont en fait accru

())Lean proJuctton litléralcrnLill '< production

mo~rgrL~ >}Concept global qui rJsscmhlcpnl)\etlence, trc~vai! Je groupe. f!u\ tendus t:l 1.éro défaut. L'nh­

jt:ctif central est dt: réduire les coùts (fnirc fondre lit gra1ssc) autour des Jtt:lier::. taylori~és, c'cst-à-din: dans

les dctiv îté~ de maintenance. de qualité. Jans la gestion

de rroUuctÎL)Il. En effet, ces se n'lees occupaient rci<J­tivcment de rlus en plus Je rnlllldc. La taylorisation de cc~ tf1chc~ permet de rédu1rc kurs èffcctifs ct Li~.:

ré.llllt;grcr !'co.;scnticl de ct:s fonctions dans le !ot Lie~ t~ch~s qui ~euvcnt être prises L'il charge par des opé­rateur~ rcu qualifiés. La hiérarchi~ intermédiaire \'Oit.

elle aussi, ses effectifs fondre.

58- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

la vulnérabilité du capital face à des irré­

gularités des flux de production et à un pou­

voir de négociation des ouvriers sur le lieu

de travail plus important.

Donc nous découvrons que ni le rafis­

tolage technologique post-fordiste, ni les

rafistolages spatiaux successifs, n'ont

fourni de solution durable pour les pro­

blèmes de contrôle de la main-d'œuvre

dans 1 'industrie mondiale de 1 'automobile.

Comme nous l'affirmons dans la dernière

partie, les tentatives récentes des grandes

entreprises automobiles pour obtenir la co­

opération active de leurs ouvriers tout en

réduisant les coûts, sont en train de créer

une stratification géographique accrue de

la force de travail dans l'automobile selon

une ligne de partage centre-périphérie ainsi

que selon des lignes entre les sexes, les eth­

nies et les nationalités. De plus, les contra­

dictions et les limites de ces tentatives, à

tour de rôle, révèlent au niveau entre­

prise/industrie comment le conflit tra­

vail/capital est prisonnier d'une tension in­

hérente (chapitre 1) entre des crises de

légitimité et des crises de rentabilité.

Première partie

Les tendances historiques et mondiales du militantisme ouvrier dans l'industrie automobile.

La description de l'agitation ouvrière

à l'échelle mondiale dans l';wtomobile,

extraite de la base de données du WLG (World Labor Group), est résumée dans les

tableaux 1 (ci-contre, page 59) et 2 (page 60).

Le tableau 1 montre la répartition des men­

tions d' ngi tati on ouvrière dans l' automo­

bile par décennie et par région. Au cours

du temps, on peut distinguer une succes­

sion de modifications géographiques por-

cherche mondial. Plus de 100 000 Indiens

avouent en 2001 une fortune supérieure à 1 million de dollars (700 000 euros), chiffre

en augmentation de 20% en 2005 ;

+d'énormes disparités non seulement

entre les différentes classes sociales mais,

au sein d'une mêm~ classe, à cause du pro­

blème des castes et des minorités (voir en­

cadré page 18), des différences tenant à la

géographie physique (fertilité des terres,

possibilités d'irrigation, climat, etc.)

Un seul exemple permet une approche de

ces disparités: le téléphone portable ne né­

cessitant qu'un minimum d'investissement

en infrastructure a fait un bond énorme

comme dans tous les pays en développe­

ment (bien que la construction de relais pose

des problèmes locaux). En 1947, 0,2% de

la population était équipé d'un téléphone

(fixe) et en 1998 2% ; en 2007, 18% des In­

diens ont un téléphone, dont 200 millions

de mobiles :à Delhi, la capitale, ce pour­

centage est en 2006 de 50% des habitants,

et il est de seulement de 0,4% dans l'Etat

de Bihar (nord-est sur les contreforts de

l'Himalaya).

60 % de la population possèdent un

compte en banque à Delhi et 5% dans le

Bihar.

La tentative des zones économiques spéciales

Ces énormes disparités, freins de toute

façon à l'accumulation du capital tant national

qu'étranger, sont pourtant l'objet d'une at­

tention globale. Leur réduction était le but des différents plans de développement de­

puis les années 1950, et l'abandon partiel

et progressif de cette économie planifiée

n'a fait que modifier les tentatives plus ou

moins avortées de mesures destinées à lever

les plus criants des obstacles à ce dévelop­pement capitaliste.

Une des dernières tentatives a été de

copier le développement chinois avec l' ins­

titution de zones économiques spéciales

(ZES), qui avaient grandement contribué

à 1 'exploitation du potentiel chinois de

force de travail par le capital chmois et

étranger. En février 2006, a été promul­

guée une loi dont le but avoué était de fa­

voriser l'implantation d'entreprises étran­

gères et de résorber - en le rendant

productif- le surplus de force de travail

des paysans chassés des campagnes. Les

capitalistes et les autorités locales (sauf

dans quelques Etats à base paysanne im­

portante) n'ont pas manqué de répondre à

cet appel, offrant des conditions particu­

lièrement favorables pour une exploitation

à bas coût de la force de travail.

Plus de 400 projets de ZES furent ainsi

soumis au gouvernement central et 63

étaient déjà acceptés quand il apparut que

ces projets rencontraient une opposition

déterminée, essentiellement de la part des

paysans dépossédés de leurs terres, en­

traînant leur annulation. D'un point de vue

purement capitaliste, le nombre des avan­

tages prévus pour les entreprises de ces

ZES prévues a surpris: indépendamment

des investissements en capital fixe (dont

le bas coût des terrains et la concentration

des équipements publics de base), la pro­

ductivité des installations pouvait bénéfi­

cier à la fots des exemptions diverses de

taxes et facilités d'exportation, et de la

concentration du prolétariat (il était prévu

un pool de main-d'œuvre) autorisant d'une

part son contrôle policier. et éventuelle­

ment syndical, et sa dispersion hors de la ZES

vers les lieux d'habitation exténeurs.

Cependant dans l'Etat de Haryana

(celui dans lequel est enclavée la capitale,

la ville-Etat Delhi). la plus grande ZES de

1 'Inde reste prévue ( l 0 000 ha. en vi ron la

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -19

Page 20: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

Inde-Chine-Etats-Unis : quelques éléments de comparaison

INDE

+ Superficie (km') 3 291 000 + Population (en milliers) 1 095 000 + Population 15/69 ans (milliers) 662 000 + Population urbaine (millters) 109 000 + Densité de population au km' 335 + Espérance de vie 63 ans

+ Structure du PIB (en%)

- Agriculture 20 - Industrie 26 - Services 54

+ Production électrique

(milliards de kwh) 614 + Nombre de téléphones fixes 123 Nombre de téléphones portables 105 pour 1 000 habitants + Alphabétisation 57 (%de la population) +Médecins 0,5 (pour 1 000 habitants) + Exportations 125 (milliards de dollars) + Importations 189 (milliards de dollars) + Investissements directs étrangers (IDE) 6,2 (en milliards de dollars)

(chiffres de 2005 ou 2006)

superficie de Paris) avec un aéroport de fret, une centrale de 2 000 MW et qui ex­

ploiterait entre 200 000 et 500 000 tra­vailleurs dans des industries diverses sur­

tout de pointe. D'autres sont plus spécialisées, comme cette entreprise tex­tile qui sur 30 ha veut exploiter 30 000 tra­vailleurs.

20- ÉCHANGES 122 -AUTOMNE 2007

CHINE ÉTATS-UNIS

9 584 000 9 640 000 1 305 000 290 000

890 000 146 000 250 000 203 000

250 30 72 ans 77 ans

12 2,6 42 23 42 74

2 469 4 147 570 547 395 680

91 97

1,6 2,7

970 960

755 1 200

63 837

Partout où l'on a essayé d'établir de telles zones industrielles sont survenus des

grèves, des grèves de la faim, des barrages routiers, des émeutes et autres formes de vio­lence. Une des plus importantes opposi­tions a vu dans le Bengale occidental (ré­gion de Calcutta), le 14 mars 2007, un affrontement entre les paysans dépossé-

JO u.

mondiale suggère que là où va le capital,

le conflit suit. Ou, pour paraphraser David Harvey, la délocalisation géographique de

la production est un<< rafistolage spatial » qui ne fait que<< reprogrammer les crises» ; il ne les résoud pas de façon permanente.

L'analyse présentée dans les deux pre­mières parties du chapitre insiste sur les ressemblances et les rapports entre les vagues d'agitation ouvrière sur les princi­

paux sites de l'industrie automobile en ex­pansion. L'industrie japonaise del 'auto­

mobile brille par son absence dans cet examen, car sa grande expansion après guerre n'a pas déclenché une vague im­portante de militantisme ouvrier. Pourtant, comme nous le soutenons dans la quatrième partie, une vague importante d'agitation

ouvrière est cruciale pour expliquer cette «exception japonaise».

Le Japon a connu une montée du mili­tantisme ouvrier à grande échelle à la fin

de la seconde guerre mondiale (c'est-à-dire juste avant le décollage de l'industrie au­tomobile japonaise). Afin de venir à bout des contraintes imposées par cette vague de militantisme ouvrier, les entreprises auto­mobiles ont choisi de se démarquer claire­ment du style fordiste de production de masse. Renonçant à leurs tentatives pre-

" Le montage à la chaîne " décrit par le magazine " L '/llustration " du 4 octobre 1924 : " Le montage à la chaîne, dont les journaux ont souvent parlé cette année, a pour but de supprimer, dans la fabrication de l'automobile en grandes séries, à la fols le plus possible de la ma if}· d'œuvre et le plus possible des erreurs dont elle est fatalement cause. Ce procédé tend donc à produire des voitures qui soient à la fois de prix beaucoup plus petit et de valeur usuelle beaucoup plus grande. " (Texte complet sur http:j jpboursin.c/ub.frjpdgusine.htm)

mières d'intégration verticale, les produc­

teurs d'automobiles japonais constituèrent un système de sous-traitance à niveaux multiples qui leur permit simultanément de garantir un emploi à (et d'établir des

liens de coopération avec) un noyau es­

sentiel de la force de travail, tout en obte­nant des contributions flexibles à bas coüt de la part du réseau de fournisseurs au bas de l'échelle.

Cette combinaison n'a pas seulement permis au Japon d'échapper au genre d'agi­tation ouvrière qu'ont connue tous les autres principaux producteurs, mais a aussi permis aux grandes entreprises japonaises d'introduire un train de mesures de réduc­tion des coüts dans les années 1970 (la pré-

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -57

Page 21: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

THÉORIE

LES MOUVEMENTS OUVRIERS

ET LA MOBILITÉ DU CAPITAL

Ce texte est la traduction du chapitre 2 du livre de Beverly J. Si/ver " Forces ouvrières Les conflits ouvriers et la mondialisation depuis 1870» (1}.

C f: CHAPITRE ANALYSE à ] 'échelle

mondiale la dynamique de 1 'agita­

tion ouvrière dans ce qu'on consi­dère comme J'industrie dominante du ca­pitalisme du vingtième siècle: J'industrie mondiale de 1 'automobile. La première par­tie du chapitre présentera la structure tem­porelle et spatiale de 1 'agitation ouvrière clans 1 'industrie automobile mondiale de­puis 1930 jusqu'à nos jours, basée sur des indicateurs provenant de la base de don­nées elu WLG (2). Nous identifions une série de modifications spatiales dans la ré­partition de J'agitation ouvrière, J'épicentre

du militantisme se déplaçant tout au long du xx· siècle depuis l'Amérique du Nord, traversant l'Europe de l'Ouest, pour se fixer

( 1) Force.\ of Lahor. Worker ·, Aiovemcnts and Cio hu!I::arzon \/!lee JR70. Camhridge Stud1c~ in Corn ra~ rati'c J'olitics. Carnhridgc (Rovaurnc-llnil. 200.1. llc­\ erl~ J S'1lvcr est prnft:sscLJr Je sociologie ~l l'uni,crsité Johns Hopkins (Haltirnorc. MMyland). r21 l.a banque de données du Worlcl Labor Group (WLCi) cq une des sources principales du li\TC Je B. J. Sii\Cf. Elk a t.:té crête en !986 par un grourc Je Lhcrchcurs du centre fernand-Braudel de l'uni\'er~ilé Hinghamtnn Elle se fonde sur la notion de« lahor un-1c~t >>,que nous avons tradu'tt rar « agit<ttinn ou­\ !Îl'IL "·ct qui désigne toute forme Je résistance à la dégr.~Uatinn des conditions de travail. à la b;.1Îsse des ~d[alfl'~, ;J la (1fO\étarisatJOfl Ct Ù la destruction des ha­hl tUde~ de \~ic par la violence ou la destruction des

mudes Je\ ie alternatifs au travail salarié

56- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

clans un groupe de pays en voie d'indus­

trialisation récente. Ensuite, la deuxième partie décrit la dy­

namique de ces modifications spatiales et leur corrélation avec la succession de dé­localisations du capital. Nous soutenons que la production de masse dans J'indus­trie automobile a eu tendance à recréer des contradictions sociales similaires partout où elle s'est développée, et qu'en consé­quence, des mouvements ouvriers puissants et efficaces se sont produits pratiquement sur chaque site où la production de masse fordiste s'est étendue rapidement. Pour­tant, chaque fois qu'un mouvement ouvrier fort a émergé, les capitalistes ont délocalisé la production vers des sites où la force de travail était moins coûteuse et en principe plus docile, affaiblissant les mouvements ou­

vriers sur les sites en voie d'abandon, mais donnant des armes aux travailleurs sur les nouveaux sites en voie d'expansion.

Notre description de la corrélation e'ntre les mouvements ouvriers et les délocalisa­tions du capital dessine ainsi une image beaucoup plus ambiguë que celle que donne la théorie de la course vers le bas [pour le.1 wlaircs ct les conditions de travail, NDTJ

... ).Pour Je résumer en une seule phrase, la trajectoire de J'industrie automobile

dés par Je projet de création d'une ZES de 4 000 hectares par Je gouvernement com­muniste de 1 'Etat, à Nardigram: 14 tués, 45 blessés. Des paysans s'étaient déjà oppo­sés à des installations industrielles, comme des populations tribales J'ont fait à Orissa contre 1 'installation d'une mine. Plus ré­cemment, à Singar, les manifestations d' opposition à la construction d'une nou­velle usine par le trust Tata ont fait des morts. D'une certaine façon on peut voir dans ces luttes des résistances à la prolétarisa­tion sous le capital (on peut comparer avec des événements similaires en Chine).

La dimension de cette opposition fut telle que Je gouvernement fédéral a été contraint de réformer la loi de 2006 en li­mitant la dimension des ZES à 5 000 ha, en imposant J'obligation de procurer un em­ploi à chaque personne déplacée et une in­terdiction par les Etats de procéder à des

expropriations pour la création d'une ZES. Ce qui a eu pour effet de geler pas mal de projets et d'en limiter la portée. Cet épi­sode est assez symptomatique des diffi­cultés du développement capitaliste en Inde et des entraves à la modernisation des infrastructures: constamment, les po­litiques conscients de J'ampleur de ce pro­blème sont coincés dans la contradiction entre leurs appels à des investissements dans des secteurs clés et Je maintien de secteurs protégés tant par J'Etat fédéral que dans chaque Etat.

Pourtant, les projets industriels des so­ciétés privées ne manquent pas; on ne sait pas s'ils peuvent venir contrebalancer la priorité donnée aux sous-traitances et ins­tallations directes diverses autour de 1 'ex­ploitation de 1 'informatique, profitant d'une certaine façon des carences qui s'opposent à une expansion industrielle à

la chinoise. Faut-il croire les pronostics d'un ponte planificateur qui affirme que «la prochaine révolution automobile aura lieu en Inde«, prévoyant que les 10 mil­lions de travailleurs exploités aujourd'hui pour une production en 2006 de 1,3 million de véhicules seront 25 millions en 2016, ex­ploités par Tata Motors, Renault-Nissan associé à Bajaj, Hyunda1, etc. C'est à voir. car cela suppose qu'un réseau routier à la hauteur de cette production ait ·été construit ou amélioré si cette production doit alimenter un marché intérieur, et que des ports et autres installations aient été pré­vus s'il s'agit d'alimenter une exporta­tion.

Le commerce protégé Un autre secteur protégé- pour des rai­

sons de paix sociale et électorales- est Je commerce, dont la concentration est ré­

glementée en vue de la protection de mil­lions de petits commerçants et artisans. Cette activité qui manque totalement d'équipements (notamment pour la chaîne du froid) représente 40 %du PIB. Les chaînes de supermarchés ne sont autori­sées qu'en tant que grossistes et celles qui ont pu s'établir ne représentent que 1 %à 3 %du commerce de détail. On peut aussi mesurer ici la distance entre cc'' petit com­merce» disséminé dans tout le pays et la prolifération, dans Je voisinage des centres d'appel ou autres ac ti vi tés délocalisées au­tour de l'informatique, de centres com­merciaux à 1 'occidentale et magasins de luxe. Comme le soulignait un observateur de la montée des nouveaux riches, la classe bourgeoise (industriels, entrepreneurs di­vers, professions libérales) n'achète plus à l'étranger, mais clans le pays même, les pro­duits de luxe d'ici et d'ailleurs.

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 - 21

Page 22: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

Faut-il voir dans cette mutation et dans

1' accroissement d'une classe bourgeoise et

petite-bourgeoise, ou dans les besoins de

l'expansion industrielle, le besoin récent

de « nettoyer,, les grandes villes des bi­

donvilles colossaux peuplés des << mi­

grants , de 1 'exode rural '1

Ainsi les 500 000 habitants de Mol­

chand, près de Delhi, ont-ils été, pour cause

de spéculation immobilière, déplacés ;

300 000 d'entre eux seulement ont trouvé

un gîte précaire dans une plus lointaine << GG

Colony , ; à Delhi 400 000 familles (2 mil­

lions de personnes) doivent être déplacées

d ' i ci 2 0 1 0 . dans le rn ê rn e but de << co rn­

mercialisation de la terre,,; à Bombay, un

plan de" réhabilitation,, vise les 600 000

habitants de Dharavi, le plus grand bidon­

ville d'Asie, qui seront relogés aussi loin du

centre ; un autre bidonville, Nanglamaa­

chi, a été balayé au bulldozer le 29 mars

2007, sélectivement, en démolissant

d'abord les lieux de lien social (écoles,

lieux associatifs, centres de soins ... ).

Qui profite du développement chao­

tique de 1 'Inde '1 Un disciple de Gandhi

constatait avec amertume : « Nous sommes

1 milliard, il est triste que seuls 300 mil­

lions bénéficient du boom. Gandhi est mort

plus que jamais.,,

Voulait-il dire que la résistance passive

n'est plus de mise et que la violence so­

ciale de la lutte de classe la remplace '1 La

prolétarisation progressive de toutes les

couches sociales exclues de leurs bases

campagnardes et leur appauvrissement peut

se mesurer à de simples chiffres : la pro­

portion d'enfants de moins de trois ans

souffrant d'anémie à cause de la malnutri­

tion était évaluée à 74% en 1998; elle

s'élève à 85 %en 2007.

H. S.

LE SORT DES PROLÉTAIRES AUJOURD'HUI

ET LA LUTTE DE CLASSE Les précisions et récits qui suivent sont empruntés à 1111 bulletin ouvrier en anglais, Gurgaon Workers News ( 1 ), qui tire la plupart de ses informations d'un mensuel en hindi, Faridabad

Madjoor Samaachaar (FMSJ. Faridabad et Gurgaon sont des vif les industrielles de l'Etat de Haryana (dans lequel est enclavée la capitale de l'Inde, Delhi).

G URGA()N, DANS LE HARY ANA, est pré­

senté comme la lumière de l'Inde,

un symbole de la réussite capitaliste

promettant une vie meilleure à tous ceux

qui peuvent franchir le seuil du dévelop­

pement. A première vue, les tours des im­

meubles de bureaux et les centres com­

merciaux rèf!ètent cette chimère et même

22- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

les façades des usines de confection res­

semblent à l'entrée d'hôtels trois étoiles.

Derrière la façade, derrière les murs des

usines et dans les rues adjacentes des zones

industrielles, des milliers de travailleurs

entretiennent cette course frénétique au

<< progrès >>, produisant des voitures et des

scooters pour la classe moyenne qui s'em­

pilent dans les blocages routiers de la nou­

velle autoroute entre Delhi et Gurgaon. Des

milliers de jeunes des classes moyennes

perdent leur temps, leur énergie et leurs es-

( 1) Cinq numéros parus, disponibles sur Internet. (toute correspondance en anglais) :

www .gurgaon workersncws. wordprcss.corn gurgaon_ [email protected]. uk Majdpor Library. Autopin Jhuggi. NIT. Faridabad \2001

les Européens, inquiets de cette offensive,

veulent mettre en place des mécanismes pour

contrer les prises de participation des pays du

Golfe dans leurs secteurs stratégiques. La

mondialisation auraient-elle atteint pour eux

ses li mi tes '1

La crise actuelle est le résultat d'une

overdose de liquidités, de crédit, de valeurs

circulant sous la forme de titres et produits

financiers, n'ayant aucune correspondance avec

une valorisation réelle. Elles ne sont que des

valeurs fic ti v es, elles représentent le choc

dont parle Patrick Artus, qui veut que 30 mil­

liards de dollars de pertes peuvent engen­

drer 7 000 à 8 000 milliards de perte d'ac­

tifs financiers (14). Ce n'est donc pas parce

que les banques centrales injectent des li-

Les crises financières dans" Echanges "··· + " Les crises monétaires, reflets de la

crise mondiale du capital" : n"78 (Juillet 1994), 79 (janvier 1995) et 81 (janvier 1996) ;

+ " L'emprunt international et la dette du tiers monde " :supplément au no 84 (avril 1997);

" La dévalorisation financière internatio­nale " :no 86 (janvier 1998) ; + " La crise financière internationale, crise

du mode de production capitaliste :La crise

asiatique acte Il " :no 88 (automne 1998)

+ " Réflexions sur la crise finale " et " A propos de La Loi de l'accumulation et de

l'effondrement du système capitaliste

d'Henryk Grassmann " : no 93 (printemps

2000);

1

+ " La croissance mondiale en berne l'exemple américain " :no 115 (hiver 2005-

l:~06~--------------

quidités que le système de crédit se remettra

sur pied: cela revient ü vouloir sauver un

noyé en lui faisant boire de l'eau.

Nous reviendrons sur cette crise. qui va

perdurer, le pire étant devant nous.

Gérard Bad

6 septembre 2007

( 14) P. Anus indique« Cc sont les moins fragiles qui

revendent leurs risques cU\ plus fragiles Si les banques <..~méricaincs ct européennes avaient gardé lutH

le "suhprime" dans leurs \ines. elles auraient fait au­

jourd'hui 26 ou 30 milliards de dollars de pene cl on en parlerait il peine. Leurs profits ont atteint en 2006 300 milliards de dollars. Elles auraient donc essuyé

une perle de 10 S'o, cc qui n'csl pa-; un gr<lnd drame.

ct il n'y aurait pas cu Je crise de marché. C'est btcn parce que les banques ont n.~pJssé ces risques à des gens plu~ frllgilcs que la crise s'est tiL~\'eloppl·c n

... et dans les autres publications + Dans A Contre Courant no 187 (septembre

2007) : " Les premiers pas d'une criSe fi­

nancière généralisée. " + Dans Left Business Observer no 115

(31 mai 2007) : une série de scandales fi­

nanciers aux Etats-Unis avait contraint en 2002 le gouvernement Bush à signer tout un

ensemble de textes - dénommé SOX - im­posant aux dirigeants d'entreprise une sorte de code de conduite assorti de pénalités par­

fois sévères. Tout comme en France on

s'achemine vers la dépénalisation des délits

financiers, se fait Jour aux Etats-Unis le pro­

jet de revenir sur ces dispositions, sans doute 1

en raison de la dimension des prévarications

du capital et de ses agents à travers la cirse 1

:"E:~.~::,:E~:::~~::~::::;:~:::~~:: 1

investisseurs. , (en anglais, cop1e à \

Echanges.) _j

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -55

Page 23: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

La déconfiture de nombreux organismes

financiers n'allait pas faire que des mal~

heureux. Déjà des prédateurs se position­

naient en augmentant leurs taux ct' intérêts

interbancaires de 4,1 %à 4,7% (11). En met­

tant à la disposition des banques des fonds à

4 %, la BCE indiquait vouloir freiner la

monté des taux et la dégringolade des cours

boursiers. Loin de rétablir la« confiance»,

ces interventions des banques centrales ont

affolé les'' petits actionnaires>>. Comme les

Bourses ont continué de chuter, la BCE est

de nouveau intervenue, injectant une somme

globale de ... 156 milliards d'euros ... et, le 5

septembre, la BCE a injecté de nouveau

42,24 milliards d'euros dans le système ban­

caire. Cette interventiOn massive de liqui­

dités par les banques d'Etat est la troisième

en vingt ans (les deux autres sont celle de la

Fed en 1998 et celle de septembre 2001).

Chaque crise financière ayant son ca­

ractère spécifique, nous devons nous inter­

roger pour savoir ce qui distingue cette«

crise immobilière des subprimes >> des

grandes crises précédentes : caisses

d'épargne américaines (1985), krach de

1987, crise asiatique, crise mexicaine (1994),

LTCM (12) (1998), bulle Internet (2001),

banqueroute de 1' Argentine (2002).

« Ce qui fait 1 a spécificité de lia cri se

actuelle!, estime Patrick Artus dans l'en­

tretien déjà cité, c'est que le choc tnitial est

cette fois beaucoup pl us petit. Les pertes cu­

mulées sur le secteur immobilier à risque

aux Etats-Unis- (jUI correspondent à 1 'aug­

mentation de 10% à 14% des défauts de

paiement- sont actuellement de 30 milliards

( ll) Il s'agil des tau\ Uïntérêtt:s que les banques s'ap­pliquent entre elles. celte hausse montrait que les banques

n'ont rlus confiance les unes dans les amr~s ct ne croient

donc pJs à leur propre!'l communiqués

( 12) !:l'CM (LongTcrm Capital Management), un<< hcJgc fund, (fonds spéculatif) sauvé de la faillite par la Fed.

54- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

de dollars. En 1998, le fonds L TCM avait

coulé Il 0 milliards. Le dégonflement de la

bulle Internet s'est traduit par une perte de

capitalisation boursière de 6 000 milliards entre

2001 et 2003 ! Ce que 1 'on peut comprendre

lorsque sur le Nasdaq, en 2000, on payait

les boîtes à 100 fois le résultat. Mais, au­

jourd'hui, une perte initiale de 30 milliards

a produit depuis juin une baisse de 4 500

milliards de dollars de la capitalisation bour­

sière, 2 000 milliards de pertes sur les déri­

vés sans compter les 5 000 milliards de dol­

lars de titres ABS (13) qui n'ont plus

d'acheteurs. Rendez-vous compte! ltll choc

de 30 milliardi engendre 7 000 à 8 000 mil -

liards de pertei potentielles de valeur de

marché [souligné par nous}.Ce qui veutdire

que la crise touche essentiellement des ac­

tifs irréprochables. C'est ça qui est nouveau

et qui explique qu'on ne l'a pas vue venir. "

S'agit-il d'une crise de liquidités 0 Au

niveau purement superficiel, nous pourrions

dire qu'il y a une crise des liquidités, c'est­

à-dire des moyens de paiement mis en cir­

culation- mais pas dans le sens ou elle est gé­

néralement présentée. La crise de liquidités

ne vient pas d'un manque, mais d'un excédent

de liquidités.

Faire boire le noyé Les pays du Golfe, que la rente pétro­

lière enrichit jusqu'à la démesure, ne sayent

plus oü placer leurs liquidités. Depuis 2002,

les monarchies pétrolières prennent des par­

ticipations dans les aéroports, les ports, et

même dans le fleuron militaro-industriel de

1' Europe, EADS (European Aeronautic De­

fence and Space co). Les Américains comme

( i).l Obligations acqu1ses par les investisseurs ct JitL:s «adossées» au portefeuille d'actifs. on parle d'A;5e1

Backed Securities (ABS).

Conditions de travail et luttes dans le groupe Escorts, une grande entreprise automobile locale

En 1960, le groupe Escorts était un des dix plus

grands groupes industriels de l'Inde, un géant

produisant des tracteurs, des machines agri­

coles, des motos, des grues, du matériel de

travaux de terrassement et de chemin de fer.

Escorts collaborait aussi dans l'automobile

avec Yamaha et Ford.

Jusqu'au milieu des années 1990, 24 000

travailleurs permanents y étaient exploités

dans plusieurs usines, situées essentielle­

ment à Faridabad. Des centaines de petites

unités industrielles et d'ateliers de la région

étaient ses sous-traitants. A la fin des an­

nées 1980, ces travailleurs furent attaqués

de différentes façons à travers des plans di­

vers pour accroître la charge de travail et la

productivité, souvent avec la coopération des

dirigeants syndicaux. Un combat souterrain

fut poursuivi au début des années 1990 à tra­

vers différentes stratégies pour briser toute

résistance ouvrière :fermeture d'usines pour

une ou deux semaines, pression sur les plus

anciens pour qu'ils partent en préretraite,

etc. Cette pression fut même accrue par l'uti­

lisation des hauts et bas du marché pour me­

nacer de licenciements collectifs.

A partir de 1996, la restructuration s'accé­

léra. Différentes sociétés cessèrent de s'ap­

provisionner chez Escorts, la division télé­

communications fut cédée. La purge se

concentra alors sur le secteur des machines

agricoles qui vit ses effectifs de travailleurs

permanents, remplacés par des temporaires

ou des intérimaires, fondre de 24 000 à

6 000. Le nombre des temporaires qui n'était

que de 2% des effectifs totaux en 1992 peut

osciller actuellement entre 10% et 50% sui­

vant la demande.

Voici le témoignage, recuetlli en février 2007,

d'un ouvrier d'une des usines Escorts :

" A l'usine Farmtrack secteur 13, la chaîne fonc­

tionne avec deux équipes alors que l'atelier

peinture a trois équipes. L'atelier peinture

comporte 35 ouvr1ers permanents, presque

tous de l'équipe A, le reste dans l'équipe B.

L'équipe C ne comporte pratiquement que

des temporaires et des intérimaires. 35 tem­

poraires et 190 intérimaires venant de diffé­

rentes boites d'intérim font que l'atelier pein­

ture fonctionne avec 13 % à 14 % de

permanents, 13% à 14% de temporaires et

72% à 74% d'intérimaires.

Parmi ces derniers, ceux d'une boîte spéci­

fique dot vent préparer la peinture et dot vent

aussi assurer le nettoyage avec différents

solvants puis finalement de l'eau. Ils reçoivent

90 roupies (1 ,61 euro) pour huit heures

d'équipe; ils ont droit à l'ES! (Employee's

State Insu rance- voir page 26) et au PF (Em­

ployee's Provident Fund) (mais cela entraîne

bien des contestations car les papiers ou­

vrant ces droits ne sont pas toujours fournis

ou sont mal remplis). Ceux qui manipulent

les pistolets à peinture reçoivent 180 rou­

pies (3,22 euros) ... Les heures supplémen­

taires sont sans majoration

Selon son statut, un travailleur de l'atelier de

peinture peut recevoir pour le même travail

96, 125, 160, 164, 600 roupies par jour

(1,72 €, 2,24 €, 2,86 €, 2,93 €, 10,73 €).

D'autres problèmes surgissent constamment,

ne serait-ce, pour les équtpes les plus nom­

breuses, la queue à la cantine où le termps

d'attente peut atteindre une heure et demie

alors que la pause de mtdi esL d'une heure

et demte.

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -23

Page 24: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

Les ateliers des arrière-cours des bidonvilles

Voici un autre récit extrait de la Newsletter de

Gurgaon ·

L'industrie automobile est d'une importance

primordiale à Gurgaon et à Faridabad. Selon

une publication officielle, la moitié des quatre­

roues et 60% à 70% des deux-roues produits

en Inde sont fabriqués là. La moitié des tra­

vailleurs de l'Etat de Haryana sont exploités dans

ce secteur. Comme près de 70% des effectifs

exploités dans l'industrie n'ont pas d'existence

officielle, parce que non enregistrés, on peut

penser que cette masse ouvrière se situe entre

8 à 9 millions de personnes pour l'ensemble des

activités, y compris domestiques et travailleurs

agricoles, ce qui laisse pour l'industrie de 5 à

6 millions de travailleurs, parmi lesquels ceux

de l'automobile sont difliciles à dénombrer.

Les chaînes de montage terminales em­

ploieraient environ 50 000 travailleurs. Mais Ma­

ruti compte 400 sous-traitants, Honda 240,

etc. et la chaîne d'approvisionnement en

pièces détachées sombre dans l'obscurité de

toute la zone.

Avant de finir sur la chaîne de montage, les

pièces détachées doivent franchir de nom­

breuses étapes. Par exemple les durites pour

lies carburateurs arrrivent en bloc d'un village

proche de Faridabad. Ce village n'est qu'un

amas de taudis près duquel paissent vaches

Î et chèvres et des ouvriers travaillent dans de

jpetits ateliers, sur des tours allemands des

années 1970 ou sur des presses antédilu­

viennes. La chaîne d'approvisionnement de

Maruti commence là, dans l'arrière-cour des

taudis d'habitation. Dans l'un de ces ateliers

des charnières de portes sont galvanisées,

les ouvriers trempent jusqu 'aux chevilles dans

le_l!quide chimique. Dans un autre, une femme

travaille da.ns l'obscurité, près d'un généra-

24- ÉCHANGES 122 - AUTOMNE 2007

teur bruyant ébarbant des pièces de métal.

Dans un troisième, deux enfants couverts

d'une poussière noire font la finition des durites

sur un engin électrique rudimentaire. Pr.ès

d'eux, deux ouvriers finissent de mouler et de

couper ces durites dans une presse manuelle.

La femme et les enfants gagnent 800 à 1 200

roupies par mois (14 à 21 euros) pour une

équipe de dix à douze heures, six à sept jours

par semaine. Un des ouvriers est le patron of­

ficiel de la société qui fabrique ces durites,

mais il n'est que l'ouvrier permanent, le sous­

tratant, d'une société plus importante. Les du­

rites finissent chez Mahindra, chez Suzuki et

dans l'industrie ferroviaire. Mais entre-temps

elles passeront par quatre ou cinq sous-trai­

tants et les mains de centaines d'ouvriers.

L'importance du capital fixe investi dans ces

opérations s'accroît de plus en plus à mesure

que l'on approche de l'usine finale principale.

Cela commence avec la production dans les

bidonvilles d'assemblages de pièces plas­

tiques que collent des femmes assises de­

vant leur portes. Ensuite cela va dans les pe­

tits ateliers que nous venons de décrire, puis

dans des ateliers de taille moyenne assurant

le travail sur les tôles métalliques. Pour finir chez

Delphi (filiale de General Motors, de Bosch,

etc. Le nombre total de ces sous-traitants avoi­

sinerait 6 000 dans le secteur, de 400 à 800 pour

une firme comme Maruti Suzuki.

L'industrie automobile s'étend ainsi dans un ré­

seau fragile d'unités manufacturières exploi­

tant une masse d'ouvriers temporaires pas­

sant souvent de l'une à l'autre, et il est fréquent

de rencontrer des ouvriers ou d'anciens ou­

vriers ayant travaillé dans une usine ou une

autre à un degré quelconque de la chaîne

d'approvisionnement.

avoir del 'argent qui leur permette de se

débarrasser de cette dette. Mais au fur et à

mesure que le temps passe et que le prix

de l'immobilier chute, ils se retrouvent

coincés, ne pouvant vendre à un prix suf­

fisamment élevé pour rembourser le capi­

tal et les intérêts (8).

Surtout, alors que ces petits emprun­

teurs bénéficient pendant les deux ou trois

premières années d'un taux d'appel (teaser

rate) particulièrement bas, de 1 %à 3,5 %, ce taux est << re fixé » au terme de cette pé­

riode en fonction du marché financier, et les

taux montent alors à 6,5 % et même

jusqu'à 18 %, en fonction du<< risque»

fixé par le prêteur; d'où l'importance du

taux directeur de la Fed. Alors ils doivent

se saigner à blanc pour continuer à payer des

traites révisées à la hausse. Quand ils ne

pourront plus faire face à la situation, ils se­

ront expulsés et leur bien vendu à perte.

Mais ils ne seront pas pour autant libérés

de leur dette et devront continuer à rem­

bourser traite sur traite. Cependant, selon

le Center for Responsible Lending (Centre

pour le crédit responsable), près d'un em­

prunt sur cinq, contracté au cours des deux

dernières années, ne pourra pas être rem­

boursé.

Un à trois millions de personnes, sub­

mergées par l'envolée des mensualités,

pourraient perdre leur logement, a déclaré

le 21 août le sénateur démocrate Christo­

pher Dodd, président de la commission

bancaire du Sénat. Le I1ombre de saisies

de logements commence à inquiéter sé­

rieusement le pouvoir, et ce d'autant plus

qu'aux Etats-Unis, comme l'indique Pa­

trick Artus dans un entretien au quotidien

(?\)!l'après le quotidien Lu Tnf>IIIU' du6 aoùt 2007. il ) aurait 900 000 maisons ne trouvant pas preneur; ct. selon les experts, les prix dans les grandes villes pour­raient chuter lie 15 ü 20 LJr: d'iri deLL\ à trois ans

La Tribune (9) sous le titre<< Le pire de la

crise financière est devant nous»,

«qu'aux Etats-Unis il y a quatre

millions de logements invendus, soit

trois années de stock. Evidemment les

prix chutent(- 4% sur un an du prix

des maisons). Comme un prêt immo­

bilier finance souvent 80 % de la

consommation aux Etats-Unis, c'est

toute la demande des ménages qui est

touchée. La consommation américaine

va donc fléchir et amputer d'un point

à un point et demi la croissance 1 'an

prochain qui, au lieu d'atteindre 3,5 %, pourrait ne pas dépasser 2%. Ce n'est

guère bon pour l'Europe qui, par

ailleurs, est directement affectée par la

crise via ses banques .. "

Le scénario est le même en Angleterre,

où des ménages se sont eux aussi endettés

jusqu'à cinq fois leur revenu brut annuel

sur des prêts à long terme ou variables.

La signification de l'intervention des banques centrales

Le jeudi 9 août, après l'annonce de BNP

Paribas, la Banque centrale européenne

(BCE) volait au secours du système mo­

nétaire international et de sa montagne de

capitaux fictifs. Balayant tout le discours mo­

nétariste sur la rétention de création mo­

nétaire, pour juguler l'inflation, elle in­

jectait la somme de 94,8 milliards d'euros

( 10) pour enrayer la crise. Les banques cen­

trales des Etats-Unis, du Japon. du Canada,

de l'Australie lui emboîtèrent le pas

(9) (<Le pire de la crise financière est devant nous ~>.

entretien avec Patrick Anus, directeur de la recherche

économique ch et Nati.\IS, La Tnbunc du 27 au Lit 2007 ( 10) Pour se faire une petite idée de cc que représente cette somme, une centrale nucléaire de type El'R coûte 3,3 milliards d'euros.

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007- 53

Page 25: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

vé!é par la crise. Quand le souffle de la

crise intervient au niveau de la sphère fi­

nancière, cela signifie que cette crise cou­

vait déjà depuis longtemps clans la sphère

de production de plus-value, que J'écono­

mie réelle ne trouvait plus de liquidités

pour se régénérer ; bien que ces liquidités

soient en excédent sur tout les marchés fi­

nanciers, elles ne trouvent pas à s'investir

dans J'économie réelle jugée peu rentable

et à risque. La crise dite des« subprime

mortgage" va en quelques jours secouer

lès principales Bourses de la planète et

contraindre les banques centrales à intervenir

rapidement et à la hauteur des risques

(325 milliards de dollars) pour que Je« vrai

argent ''(dollar, euro, yen) conserve sa

fonction de valeur refuge, et que les capi­

taux ne se retirent pas en masse.

Pendant que les banques centrales in­

tervenaient, les matières premières (6) ac­

cusaient déjà des baisses importantes et la

première visée en pareil cas, celle qui se

déprécie immédiatement, c'est la mar­

chandise force de travail. Elle est alors li­

quidée en masse : rien que pour le secteur

financier américain. une étude (7) chiffre à

87 962 les emplois perdus depuis Je début

de l'année (75% de plus qu'en 2006). Ef­

fectivement il ne se passe pas une semaine

sans qu'une entreprise financière licencie

ou se mette en faillite. Les banques et les or­

ganismes de crédit hypothécaire ont an­

noncé 50 000 suppressions d'emplois entre

le début et la mi-septembre, principalement

les commerciaux chargés de placer ces cré­

dits auprès des particuliers, et qui avaient

été recrutés à tour de bras ces dernières an-

161 Baisse des cours du rétro le hrul de la mer du Nmd. du

plomb, du cuivre. (7) t:tuLlc Jl,lcabinct Challenger. Gra) ~1nd Christmas Jont lès pnncipau\ résultats ont été publiés sur k site

W\\''' .info.RSR.ch

52- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

nées. Les statistiques officielles améri­

caines annonçaient pour le mois d'août,

pour 1 'ensemble du pays tous secteurs

confondus, 4 000 emplois perdus, prerpier

solde négatif depuis quatre ans, alors que les

économistes prévoyaient 110 000 emplois

créés.

Quelques exemples parmi bien

d'autres: Novostar Financial va supprimer

37 % de ses effectifs ; American Home

Mortgage vire la quasi-totalité de ses sa­

lariés (7 000); Lehman Brothers ferme sa

filiale BNC Mortgage et licencie 1 200 per­

sonnes; Accredite Home Leaders, en sur­

vie, supprime deux tiers de ses collabora­

teurs; Senti na! Management Group et First

Magnus Financial (6 000 personnes licen­

ciées) demandent à être mis sous la loi de

protection américaine des faillites. Selon

J'agence d'information économique e.t fi­

nancière Bloomberg, il y aurait entre 70 et

84 dépôts de bi Jan d 'organismes financiers

pour le moment.

Propriétaires ... de dettes Quand le président Bush et son homo­

logue français Sarkozy prétendent faire de

leurs pays respectifs des« nations de pro­

priétaires» c'est de nation de« proprié­

taires de dette» qu'il faudrait parler. Aussi

des millions de salariés, et même des chô­

meurs, seront-ils mis en coupe réglée par

les banques et 1 'endettement« subprime

mort gage >> ; introduit à ses débuts pour

l'achat de taudis et de caravanes, le sys­

tème s'est étendu rapidement aux appar­

tements et maisons. Chaque petit proprié­

taire pensant pouvoir spéculer à son niveau

en revendant plus cher sa maison, en réa­

lité la plus grande partie d'entre eux se­

ront surtout propriétaires de dettes, car la

chute des prix de 1 'immobilier et du foncier

va les pousser à vendre au plus vite, pour

poirs de promotion sociale dans les équipes

de nuit des centres d'appel, en vendant des

crédits à la classe ouvrière américaine ou

des plans de consommation d'électricité

pré payés aux pauvres du Royaume Uni. A

la porte à côté des milliers de migrants ru­

raux déracinés par la crise agraire cousent

pour l'exportation en compétition avec leurs

frères et sœurs de misère au Bangladesh ou

au Vietnam. Et la course frénétique n'ar­

rête pas: à la périphérie de Gurgaon la plus

grande ZES du pays est en construction

Mais dans 1 'industrie, les petites entreprises

représentent 40 % de la production industrielle

occupant 65% de l'emploi total

Plutôt qu'une vision d'ensemble, pra­

tiquement impossible dans le peu de pages

dont nous disposons, nous ne donnerons

que quelques données sur la condition ou­

vrière en Inde et un exemple parmi une

foule d'autres sur les conditions de travail

et les luttes dans une grande entreprise au­

tomobile.

Quelques données sur la condition ouvrière en Inde

Dans les entreprises, plusieurs catégo­

ries de travailleurs:

+ 1 'encadrement sous statut permanent :

dirigeants, contremaîtres, sécurité, em­

ployés;

+ ouvriers sous contrat recrutés pour

un emploi professionnel défini et payés

selon cet emploi. L'accès à cet emploi peut

se faire après une période de formation de

6 mois à 2 ans, mais en pratique les patrons

font ce qu'ils veulent;

+ temporaires embauchés pour un

temps limité;

+intérimaires légalement supposés être

embauchés définitivement après 240 jours

de travail dans la même société- mais la

loi est facilement tournée. Dans beaucoup

Haryana

N

t d'entreprises, ils forment de 60% à 80% de

la fore~ de travail avec des salaires entre

1/8 et 116 du salaire des permanents.

Les salaires sont fixés d'après un mi­

nimum légal dans chaque Etat. Dans le Ha­

ryana, ce salaire est en mars 2007 d'envi­

ron 2 500 roupies (environ 45 euros) par

mois pour 8 heures par jour et 4 JOurs de

repos dans le mois. Mais ce minimum n'est

nullement respecté. Un nettoyeur dans un

centre d'appel à Gurgaon. un ouvrier

d'usine à Faridabad ou un conducteur de

rickshaw à Delhi gagnent 2 000 roupies

(36 euros) pour 70 heures par semaine

(pour situer ce que signifie ces salaires,

1 kg de riz coûte 0,25 euros, une livre. de

lentilles 0,50 euro, le loyer mensuel d'une

chambre sans cuisine 20 euros). Les heures

supplémentaires au-delà de 8 heures par

jour devraient être majorées légalement de

100% avec un plafond de 50 heures par

trimestre. Mais en pratique, elles sont quasi

Illimitées et payées sans majoration. Sou­

vent le paiement des salaires est différé

jusqu'au milieu du mois sutvant ou plus.

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -25

Page 26: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

Un système d'assurances sociales (Em­ployee's State Insurance, ES!) garantissant maladie, accidents du travail et séjours hos­pitaliers ne s'applique officiellement qu'aux entreprises de plus de dix tra­vailleurs pour tous ceux qui y travaillent (4,75% du salaire à charge de 1 'employeur, 1, 75 % à charge du travailleur. Mais dif­férentes manipulations des paperasseries bureaucratiques font que la plupart des tem­poraires ou intérimaires ne peuvent en bé­néficier et sont sans couverture santé). Em­

ployee's Provident Fund (PF) ne garantit une retraite qu'aux travailleurs des entre­prises de plus de vingt salariés.

Mais là aussi bien des travailleurs n'ont pas de documents officiels prouvant leur qualité pour faire valoir ces droits et ne re­çoivent rien. De plus il y a souvent des plans pour se débarrasser des travailleurs âgés .. de plus de 35 ans (2)

Pour garantir le bas coût dans la repro­duction de la force de travail, des<< avan­tages<< de l'ancien système capitaliste d'Etat ont été maintenus. Des cartes de ra­tionnement permettent d'avoir accès à des « boutiques gouvernementales à prix contrôlés» oü, en principe, les plus pauvres peuvent se procurer à prix réduits les den­rées de base : farine, riz. kérosène pour foyers domestiques. La délivrance de ces

(2) Un e\cmrk parmi d'autres de la manièn: dont sc font ces mises ù la retraite anticipée. Escorts a un ou­\'rtCI permanent à trois an.;; de la retraite. Elle lui pn•­posc un marchandage. embaucher son fils, si celui­ci remplit les conditions requises ct si le père accepte la retraite anticipée de trois ans en lui versant l'in­demnité légale ùc -HlO 000 rourics (environ () 'iiiO euros) l'our être embauché définitivement, le _jeune doit :-.uhir une formation qui \'a lui coütcr

-100 000 rou ries, sans même garantie J'une embauche définitive. Lo" de cette embauche il percevra un sa­laire mensuel de 5 000 ù 7 000 roupies alors que son rère au moment Q.c sa mtsc ~1 la retraite perccYait 15 000 roup1cs

26- ÉCHANGES 122 -AUTOMNE 2007

cartes dépend des autorités locales et elles sont souvent un instrument de corruption politique.

Les syndicats sont étroitement liés à des partis politiques. Parmi les cinq plus grands :

- AITUC, << Ali lndia Tracte Union Congress >> le pl us ancien et 1 'organisation centrale en Inde. affilié au Parti commu­niste de l'Inde;

- CITU « Centre of India Trade Unions>>, une fédération nationale liée au CPI(M), Parti communiste de 1 'I·nde (marxiste) fondé en 1970;

Il serait trop long d'expliquer la com­plexité des situations, de la présence éven­tuelle des syndicats dans les grandes en­treprises lorsque cela apparaît nécessaire pour l'encadrement des travailleurs trop revendicatifs ou de leur exclusion totale parfois avec violence, leurs liens et mani­pulations politiques.

Mais le fait est que la grande majorité des travailleurs, précaires s'il en est, ne peu­vent faire valoir un droit quelconque en raison, pas tant de l'absence de syndicat que d'un rapport de forces qui laisse carte blanche aux patrons petits et grands dans l'exploitation du travail.

H. S.

Bientôt la césarienne

mulé comme prévu les investissements pro­ductifs: mais les familles américaines en ont profité pour s'endetter davantage au moyen de crédits hypothécaires. Ces crédits leur per­mettant de disposer d'une manne financière pour continuer à consommer au-dessus de leurs moyens (4).

Tout fut fait pour que davantage de ci­toyens américains empruntent de l'argent, même ceux à qui leurs revenus ne permet­taient pas de le faire. Les fameux prêts im­mobiliers à risque (subprimes) vont se dé­velopper de manière exponentielle jusqu'à la débâcle financière d'août 2007.

Cette crise n'est une surprise pour per­sonne. Tout le monde savait que la bulle immobilière allait crever, mais personne ne pouvait dire quand, ni envisager le mon-

(4) Depuis la récession de 2001, la baisse des salaires réels américains est un fait, qui va jouer négntivcment sur toute la partie du salariat concerné par ks prêts h;'pothécaircs ù taux variables. Le salaire stagne ou baisse alors que les traites augmentent. li arrive vite un momcn~ oll k grand écart n'est plus possible. <.~lors \c drame des non-remboursements commence, a\t'C les con5équences que nous évoquons.

0 m (/) if>

z Gl m :0 "p

:Il 0

tant de la future dé­

valorisation tïnan­cière internatio­

nale. La sonnette d'alarme était ré­

gulièrement agitée par les écono­mistes, qui ne ces­saient de dire que le capital fictif avait dangereu-se­ment décroché de

1 'économie réelle: celui-ci atteignant maintenant trois

~ fois le PIB mon-o

dia!, alors qu'il

était en 1980 équivalent à ce PIB. Comme un fil invisible relie l'ensemble

des dettes privées et publiques de la pla­nète, la moindre survenance d'un impayé à

un endroit ébranle plus ou moins fortement tout le système financier globalisé. C'est ce que nous constatons depuis quinze ans : les crises financières s'enchaînent à la ca­dence d'une tous les quatre ans. Les Etats. éternels garants de la reproduction du ca­pital, sont alors contraints d'intervenir par le truchement de leur banque centrale pour sauver la reproduction du capital lui-même et sa représentation qui est 1 'argent et son

système financier global. Alors, comme toujours en pareil cas, le

capital fait le choix de liquider les mar­chandises et les forces productives pour sauver la représentation du capital lui­même, c'est-à-dire son rôle fictif (5) ré-

(.5) Le« capital rtctir)) est en fait un non-G}pital, c1u st:n:-. oü, pour les mJ.rxistcs, seul a valeur de capital le cJpital argent engagé dans la rroUuction de plus-\aluc. On ar pelle« capital fictif>> la valeur du caplti.il J~ prêts sur des revenus anticipés, non C\Îstants, virtuels. ne pou­VJnt sc réaliser. ct qui donc doivent se dévaloriser.·

ÉCHANGES 122 - AUTOMNE 2007 -51.

Page 27: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

ÉCONOMIE

LA CRISE VUE D'EN BAS

L'impossibilité pour des ménages insolvables de rembourser des prêts immobiliers qui leur ont été consentis en masse aux Etats-Unis entraÎne, par une réaction en chaÎne, une débâcle qui ne touche pas seulement cette économie " fictive " que sont les produits monétaires, mais touche aussi J'économie réelle et détruit nombre d'emplois. Le pire de la crise est cependant à venir

L r. H:UDI 9 AOUT, la banque française

BNP Paribas a décidé de geler trois

fonds de placement composés de titres

liés à des prêts immobiliers américains« à

risques>>, en raison de la crise connue aux

Etats-Unis en rai son de ces " su bpri mes >>,

des prêts hypothécaires consentis à des mé­

nages peu solvables ( 1 ). Cette décision

d'une banque n'a été que le signal en France

d'une crise financière généralisée, les

Bourses du monde entier accusant de fortes

baisses et les banques centrales se voyant obli­

gées d'« injecter >>de fortes sommes dans les

circuits financiers, c'est-à-dire d'avancer

de l'argent aux banques. Cette crise finan­

cière aux nombreuses répercussions éco­

nomiques sera sans doute de longue durée.

Pour comprendre cette crise et ce qui

se passe aux Etats-Unis actuellement, il

faut remonter à la ïécession de 200 l, et à la

( l) L·c,rression amént:ain~ combine dt.:U\ termes.« su~

rrirn::: ~,est un terme hancairc: banques et assuranct:s

c!J~SL:nL leurs clients en<( non-prime)),<< prime>> et« sub­

pri mc ,, , ~elon les ri:.qucs cs ti més de ùéfai lia nec de ['cm­

pruntcur. Lt.:s « suhprimcs )) sont les plus potentielle­

ment défaillants (en France cc systèml.! n'existe pa . ..,

ufficJcllcmcnt mais les \.ariJ.tions des taux d'assurance agissent en réalité sur le montant total de J'intérêt); quant au mut" mortgagc ».il s1gnifie hypotheque. On pcullra­ùuin.: •< suh,)rime mortgage » par<< crédil hypothécaire ù risque>>.

50- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

débandade de la nouvelle économie (2).

Cette année-là, la Réserve fédérale (Fed,

la banque centrale américaine) a été

contrainte de réduire onze fois les taux

d'intérêts en moins de douze mois- ce qui

ne s'étaitjamais vu depuis 1961. Pour re­

lancer la consommation (3), la Fed baissa

en juin 2003 ses taux d'intérêts à 1 %, très

en dessous du taux d'inflation.

Mais si le crédit facile résout en appa­

rence les difficultés du moment, il ne fait que

reporter le problème à plus tard, et donc

réduit la demande future, qui pâtit en plus

du paiement de l'intérêt que les banques

réclament. La triche du crédit facile arri­

vera vite en bout de course et, si jusqu'à la

fin juin 2004, la Fed maintint des taux bas.

elle reprit à partir de cette date le chemin

du crédit cher- et son principal taux di­

recteur, le loyer de 1 'argent au jour le jour,

qui était de l % en mai 2004, est au­

jourd'hui de 5,25 %. Force était de consta­

ter que la baisse des taux n'avait pas sti-

(2)" Nouvelle économie>> est le terme utilisé puurdésigncr l'économie Je J'information el des nouvelles technolo­

gies, Internet.. (3) L'Etal fédéral a abaissé fortement le tau.\ dlmposi­tion des ménages ct accordé un amortissement fiscal ac­céléré aux entreprises qui investissaient entre .JUin 2003 cl décembre 2004. La relance par la consommation à enS­dit a tout au plus maintenu le tau.\ de consommation.

SÉCURITÉ ET LIBERTÉ

DE NOUVEAUX MURS

N OUS AVIONS TENTÉ de montrer, SOUS le

titre<< Murs virtuels ou murs réels>>,

dans le no 120 d'Echanges, comment

s'édifiaient dans les sociétés capitalistes

<< modernes >> à la fois des murs réels, bien

matériels et/ou des murs virtuels, ceux-ci

non visibles et pas du tout imaginaires. Tous

ces<< murs» donnent l'illusion d'une sé­

curité garantie d'une pseudo-liberté dans

un espace restreint. Mais, dans le même

temps, cet espace, cette<< liberté», sont soi­

gneusement enfermés dans un réseau le plus

souvent virtuel d'une surveillance de tous

les instants dans un luxe de fichiers, de

caméras et autres contrôles informatiques

-un autre mur peut-être beaucoup plus dan­

gereux que les murs matériels.

La liste s'allonge avec de nouvelles

«murailles de Chine>> destinées, en prin­

cipe, à prévenir des invasions pacifiques

de migrants non désirés.

Murailles bien réelles avec 1 'idée de

construction d'un mur de 473 km entre la

Tt•rquie et le Kurdistan irakien pour empê­

cher 1 'incursion de séparatistes kurdes ré­

gulièrement en conflit avec 1 'armée turque,

m3is aussi pour empêcher les Kurdes ira­

kiens de se mêler à leurs frères turcs ; ou

encore avec le projet de construire le long

des 900 kilomètres de frontière entre 1 'Ara­

bie saoudite et l'Irak une barrière électri­

fiée. En plus petit, mais à relier aux murs

déjit construits un peu partout pour isoler

les classes sociales ou les communautés, la

construction par les Américains à Bagdad

d'un mur réel de 1 km de long pour sépa­

rer les quartiers ch ii tes et sunnites de la ca-

pitale, comme si cela devait résoudre les

affrontements que leur présence entretïent

et devant lesquels ils doivent s'avouer im­

puissants.

Dans la même direction de l'isolement

d'une couche ou classe sociale déterminée,

avec une fonction économique autant que

sécuritaire, l'extension des zones écono­

miques spéciales (ZES) qui, parties des an­

ciennes << zones franches >> portuaires oc­

cidentales, ont fleuri en Chine pour se

répandre dans le monde entier et plus ré­

cemment en Inde (voir page 19). Elles ap­

paraissent d'ailleurs, avec un souci plus

grand de sécurité et de contrôle des tra­

vailleurs qui y sont surexploités, comme le

prolongement sous d'autres formes des

zones industrielles et/ou commerciales Ins­

tallées à la périphérie des villes, vidées de

l'entremêlement d'usines et d'ha bi tati ons

qui était autrefois la caractéristique du tissu

urbain -et pas seulement dans les ban­

lieues.

Dans l'érection des murs virtuels, on

peut voir la prolifération des lois destinées

au contrôle de 1 'immigration dont les der­

niers avatars sont le contrôle génétique et

l'exigence de connaissance du français

avant l'entrée sur le territoire, afin de mettre

une barrière au regroupement familial des immigrants.

Dans 1 'accélération de l'enfermement

national ou individuel, chacun p.eut ajou­

ter sa pierre à cette liste qui, comme nous le

soulignions dans l'article cité d'Echanges,

ne fait que témoigner de la vulnérabilité du

système capitaliste. •

ÉCHANGES 122 -AUTOMNE 2007-27

Page 28: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

1 ::~é: LES PUBLICATIONS

Etats-Unis + " Après la grève générale,

calme précaire en Guinée",

dans Le Prolétaire no 484-485

(mai-septembre 2007).

Philippines + Dans A Contre Courant

no 186, août 2007 · " Philip­

pines : violences contre des

grévistes "·

Immigration + " Laws, Raids and Depor­

tations · Immigrant Workers

Face Crackdown , (Lois,

raids et déportations · lestra­

vailleurs immigrés devant une

dure répression) (en anglais)

dans Proletarian Revolution

no 80 (automne 2007) (copie

à Echanges).

+ " Derrière les rafles et la

xénophobie spectaculaires,

marché des ombres, marché

de dupes " · les faits et mé­

faits de la chasse aux clan­

destms en France. Dans

CQFO no 48, (septembre

2007)

Une seconde révolution industrielle en Caroline du Nord Alors que les Etats-Unis pa­

raissent ravagés par les dé­

localisations, par le poids de la

dette extérieure et les vicissi­

tudes de la spéculation im­

mobilière (voir page 50), ce

pays affiche des taux de crois­

sance respectables Laques­

tion que l'on peut se poser est

de savoir d'où est tirée son

act1vité économique actuelle.

Si nous accordons une place

particulière à l'article suivant

du quotidien américain Wa­

shington Post, titré " L'essor

de la biotechnologie montre

que l'industrie est encore la

clé de l'économie améri­

caine", c'est qu'il apporte un

début de réponse, même si

ce reportage est limité à un

seul Etat. la Caroline du Nord.

" Jusqu'à la fin des années

1950, le long bâtiment en

briques dans le centre de la

petite ville de Pittsboro [comté

de Chatham] hébergeait

l'usine textile (bonneterie)

Kayser-Roth, écrit le journa­

liste, Peter S. Goodman.

Quelque 400 travailleurs,

dans le bruit des métiers, y fa­

briquaient des collants. ,

28 - ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

L'entreprise a aujourd'hui dis­

paru, comme bien d'autres

sociétés textiles de Caroline,

dans une réorganisation glo­

bale qui a concentré cette pro­

duction en Asie et en Amé­

rique latine. Mais la vieille

usine en briques est encore

debout, occupée par une so­

ciété de biotechnologie, Biolex

Thérapeutics.

"Quatre-vingt-dix personnes

travaillent à J'aide de coûteux

équipements de laboratoire

pour traiter des lentilles d'eau

venant des mares voisines,

afin de produire un médica­

ment utilisé pour traiter les

problèmes du foie. Même le

moins payé des techniciens

du labo ramène à la maison

beaucoup plus que ce que

pouvaient gagner les ou­

vrières du textile. Si cette nou­

velle entreprise prospère, elle

sera beaucoup plus rentable

que la confection des collants.

Alors que les législateurs ten­

tent de concevoir des lois pour

amortir le choc des ferme­

tures d'usine et que la réduc­

tion de certaines industries

devient un des sujets de

débat de la campagne pour

l'élection présidentielle de

2008, on peut penser que

l'économie américaine vit la

mort de J'industrie manufac­

turière. Mais la reconversion de

imposant ses vues pour son compte

>>.Cela semble particulièrement spé­

cieux, car d'une part le capital a tou­

jours. par une voie ou une autre, les

moyens d'imposer son idéologie (il ne

peut fonctionner sans un mélange de

contrainte et de consensus) et d'autre

part l'information n'est jamais qu'un

instrument entre les mains des repré­

sentants du capital, et ne possède nulle­

ment cette autonomie qu'ils lui prêtent­

elle est encore moins« une force organisée

>> (la récente élection présidentielle

pourrait parfaitement illustrer cette do­

mination du capital sur les médias).

Nous devons arrêter là ce débat car.

à notre avis il peut se poursuivre éter­

nellement sans arriver à une conclusion

1 es << tél éol agi ens >> sem bi ent assem­

bler tant d'éléments à notre avis dispa­

rates qu'il faudrait des pages et des

pages non seulement pour contester leurs

analyses des faits (dont ils n'ont

connaissance. comme nous pour 1 'es-

sentie!, qu'à travers J'information) mais

pour rejeter les liens qu'ils peuvent éta­

blir entre des événements si différents.

Bien sûr, tu peux continuer ce débat

(. .. ).

H S.

Chazé et les Allemands D'un camarade français (mars 2007)

« ... J'ai dévoré la brochure sur Chazé

(Militantisme et responsabilité). Et ai

retrouvé dans ses souvenirs de guerre (la

fraternité avec des Allemands de base)

la même banalité que ceux de mon père qui

"ne fut que" prisonnier de guerre.

D'ailleurs, le point de vue démocra­

tique occidental sur la responsabilité col­

lective du peuple allemand souffrait

d'une contradiction de taille: comment

une dictature totalitaire aurait pu béné­

ficier de l'assentiment de ceux qu'elle

terrorisait. Vieux débat que Chazé

illustre à merveille avec la chair de ses

souvenirs ... >>

a Les désastres de la

guerre "• de Goya.

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007-49

Page 29: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

parentent à une libération totale et peu~

vent faire penser à ce que serait un

monde communiste. Mais ce n'est nul~

le ment spécifique à 1 'émeute. De plus,

vu les circonstances extrêmement di~

verses et le type de société où se pro~

duisent ces émeutes, celles~ci ont des

caractères très différentGême sj elJe

expriment pour un court m()me_n~t __ 5ette

li~on, libér~tion très différente

selon la société dans laquelle l'émeute sur~

git. Il semble y avoir un certain para~

doxe à décréter que seuls les premiers

moments J'une émeute valent la peine

J'une considération et d'y consacrer des

pages et des pages d'analyses sur leur

signification A relire ce que les« té~

léologues, pouvaient écrrre il y a plus

de quinze ans sur les émeutes de ce

temps. on peut relativiser ce qu'ils peu~

vent dire aujourd'hui.

Voici par exemple ce qu'ils écri~

vaient dans leur bulletin n" 2 de mai

1991 au sujet de la France:<< Mais c'est

en France où 1 'émeute depuis si long~

temps absente, est revenue et dans des

secteurs si variés et si complémentaires,

qu'avec un peu plus de recul que le

nôtre, on doit forcément penser que c'est

l'ensemble des Français qui se sont em~

brasés, comme aux moments les plus

glorieux de leur passé: en mars. les co~

Ionisés assistés de La Réunion. au large

de Madagascar, ouvrirent le bal, les pay~

sans s'y joignirent à la fin de 1 'été. imi~

tés par les banlieusards lyonnais en oc~

tobre. puis les lycéens parisiens, vite

submergés par les banlieues de la capi~

tale en novembre. enfin les ouvriers mi~

neurs de Lorraine en finirent en dé~

cembre avec la courtoisie sociale .. Car

la con~lusion et la plaisanterie de cette

année si dense qu'on doive en résumer

48- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

malheureusement chacun des formi~

dables assauts contre la loi et la sérénité

imposées, aura été le "Mondial" de foot­

ball.. >> [Remarquons par ailleurs leur

absence de réaction après novembre

2005.1 -Quant à considérer la révolution

iranienne de 1979 comme Je mouvement

fondateur de notre époque, c'est, à mLJn

avis une autre absurdité: aucun événe~

ment n'est historiquement fondateur de

quoi que ce soit. Le 14juillet 1789 ou

la révolution d'octobre 1917, même si

ces dates sont devenues des repères my­

thiques, n'ont jamais constitué le point

de départ de quoi que ce soit~ chacune

a été un événement parmi tant d'autres

marquant une évolution historique qui

avait débuté quelquefois des siècles au­

paravant et qui s'est poursuivie des dé­

cennies après (par exemple il a fallu près

d'un siècle après Je 14 juillet 1789 avant

que la bourgeoisie française consolide

définitivement son pouvoir sur 1 'aristo~

cratie foncière tenant de la monarchie).

D'ailleurs, considérant l'événement en

question (la révolution iranienne) en lui~

même, nous ne pensons pas gu' i 1 ait été

fondateur de quoi que ce soit à l'échelle

du dév~~-lllent capitaliste nwndial. -Le rôle que l-es- téléologues attn

bue nt à 1 'information, comme une sorte

de processus autonome entièrement dé­

taché de tout le système capitaliste. Sans

insister sur ce point (le rôle de l'infor~

mation dans la domination idéologique

du capital) ce qui nous semble très

contestable. c'est ce qu'ils appellent«

1 'effondrement de 1 'idéologie marxiste»

(qui pour juste que ce soit est formulée

assez vaguement pour penser à un rejet

du marxisme) qui amène" 1 'émergence

de l'information comme force organisée

ce vieux bâtiment de briques

souligne qu'en dépit des fré~

quents sombres pronostics, l'in~

dustrie manufacturière améri~

caine est sous bien des aspects

plus forte que jamais.

Les Etats~ Unis fabriquent plus

de produits manufacturés que

dans aucune période de leur

histoire si on mesure cette pro~

duction en valeur dollar (ajus~

tée pour tenir compte de l'in~

flation) ~trois fois plus que dans

le milieu des années 1950, sup~

posées être le sommet de la

prospérité de l'industrie améri~

caine. Entre 1877 et 2005, la

valeur de la production indus~

trie lie américaine s'est accrue de

1 300 milliards de dollars pour

atteindre le record historique

de 4 500 milliards de dollars,

selon les chiffres du Bureau of

Economie Analysis.

Avec moins de 5% de la popu~

lation mondiale, les Etats~Unis

sont responsables depuis des

décennies de presque un quart

de la production manufacturière

globale mondiale. Les Etats~

Unis sont la plus grande unité in~

dustrielle mondiale, loin devant

le Japon, son seul rival pour ce

titre, et dont l'importance a dé~

cliné. La Chine se développe

mais représente seulement en~

vtron un dixième de la produc~

tian industrielle mondiale.

Mais si cette image est plus

brillante que certams le pen~

Vu de Grèce Nous avons reçu le dernier numéro de TPTG (Ta Paidia Tis Galerias} (en grec, avec la présentation suivante: + TPTG contient d'abord un long texte sur les causes profondes de la grève des enseignants du primaire qui dura six semaines (septembre-octobre 2006}. Y

figurent aussi le tract que nous avons distribué durant cette grève, et ceux que nous avons distribués au cours des longues luttes des étudiants contre l'entrée des entreprises dans le secteur universitaire, de mai 2006 à mars 2007 ; +un texte encore plus long consacré au mouvement

social en France 14an passé. Nous pensons que votre brochure La Révolte des cités françaises est un des meilleurs écrits sur le sujet. Nous avons utilisé la chronologie qui y figure dans une série de textes sur le mouvement social en France: l'histoire de la précarisation des relations de travail en France depuis

les années 1970; une chronologie de la lutte anti-CPE

et quelques notes sur le mouvement étudiant, que nous considérons comme un mouvement de la classe ouvrière ; l'histoire des lois sur l'immigration en France depuis les années 1970 ; une chronologie des

émeutes de banlieues (basée sur la vôtre et celle de Mouvement communiste} ; une traduction de

" Incendies sans paroles '' de Charles Reeve ; nous avons aussi beaucoup emprunté aux ouvrages dont nous dressons la liste page 122 ;

+ un texte, " La guerre contre le terrorisme est une guerre contre la classe ouvrière par d'autres

moyens ••, sur la crise aux Etats-Unis au début des

années 2000, la guerre consécutive à cette crise, à la fois contre la classe ouvrière américaine et celle du Moyen-Orient, et les luttes récentes en Amérique. Nous discutons sur le point de savoir si l'hégémonie américaine arrive ou non dans une crise terminale (ce que pas mal prétendent) ; +le texte final est un entretien avec l'auteur italien Nan ni Balestrini sur littérature et lutte de classe, le mouvement des années 1970 en Italie ... et bien plus.

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007- 29

Page 30: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

,-1 sent, l'industrie américaine 1 subit néanmoins des chan­

j gements fondamentaux qui

1 exercent une énorme pres-

Sion sur les travailleurs.

Les importations augmentent

et représentent maintenant un

tiers de toutes les marchan­dises consommées dans le

pays, alors qu'elles n'en for­

maient que 10% dans les an­

nées 1970.

Les exportations américaines augmentent plus vite que les

importations mais les entre­

prises doivent subir avec la

Chine, l'Inde, le Brésil et des

douzaJnes d'autres pays à

bas salaires une intense com­pétition jouant sur les prix ( ... ).

Les industriels do1vent modi­

fier les chaînes de production

pour les rendre plus efficaces,

substituant des machines à la

force de travail partout où cela

est possible.

Le résultat en est que si la

production industrielle ne dé­

cline pas, l'emploi industriel

s'est contracté dramatique­

ment. Après avoir atteint un

sommet en 1979 avec 19 mil­lions de travailleurs, l'indus­

trie américaine n'emploie plus

que 14 millions de travailleurs,

le chiffre le plus bas depuis

1950.

( .. ) En 1973, plus de la moitié

des Amér'lcains ouvriers d'In­

dustrie n'avaient pas terminé

leurs études secondaires et

seulement à % avaient fré-

quenté une université, selon

la National Association of Ma­

nufacturers. En 2001, près de

la moitié ont terminé leurs

études secondaires et un

quart sont allés à l'université.

Nouveaux secteurs La Caroline du Nord est un

modèle des forces qui remo­

dèlent l'industrie manufacturière

américaine Entre 2002 et

2005, l'Etat a perdu 72 000

emplois industriels, dont les

trois quarts dans le textile,

l'ameublement et l'électro­

nique, selon la Commission

de Caroline du Nord pour le

développement de l'emploi.

En même temps, l'Etat a

connu une croissance remar­

quée de nouveaux secteurs

industriels rentables comme

la biotechnologie, les produits

pharmaceutiques et les tex­

tiles sophistiqués

Comme ils doivent se battre

dans cette mutation, lestra­

vailleurs de la Caroline du

Nord tout comme les proprié­

taires d'usines doivent ré­

pondre à une question immé­

diate quel est l'avenir de

l'industrie aux Etats-Unis?

Le reportage s'attache en­

suite au personnage de Mi­

chael K Dugan, un ancien fa­

bricant de meubles en bois

sculpté de Spruce Pine, an­

cienne ville minière de l'ouest

de l'Etat (comté de Mitchell).

Il a employé jusqu'à 1 000 tra-

30- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

vailleurs, la plupart sans di­

plôme et parfois illettrés,

payés environ 14 dollars de

l'heure (12 euros) avec des

garanties santé et vieillesse.

Les chambres à coucher Hen­

redon se vendaient au détail en­viron 5 000 dollars (4 000

euros) au début des années

1990. Quelques années plus

tard, les mêmes modèles ve­

nant des Philippines se ven­

daient 2 000 dollars (1 600 euros). Maintenant on tes

trouve à 799 dollars (640

euros) produites par des tra­

vailleurs de Chine qui ne ga­

gnent pas plus de 40 cents de

l'heure (30 centimes d'euro).

La fermeture de l'usine éli­

mina les 350 travailleurs res­

tants qui vinrent gonfler la

vague de licenciements du

comté de Mitchell, qui a vu un

cinquième des emplois ba­

layés depuis 2000, selon la

Commission pour l'Emploi en

Caroline du Nord. La plupart

des devantures des bâtiments

de briques du centre de

Spruce Pi ne sont vides. Les

restaurants et les boutiques

sont fermés, ayant succombé

à la mort du pouvoir d'achat

local. Les jeunes vont cherher

du travail ailleurs. "Ici il y a

Wai-Mart et c'est tout. ,

Pendant vingt-six ans, Philip

Wilson a travaillé chez Hen­

redon comme maître sculp­teur sur bois. Maintenant, il se

lève avant l'aube pour gagner

par d'autres qu'eux-mêmes (par lestra­

vailleurs eux-mêmes).

Les téléo/ogues et la

" Bibliothèque des émeutes " Nous ne connaissions pas les <<té­

léologues »et la<< téléologie» tout au

moins dans ces termes qui sonnent à mes oreilles comme une sorte de secte. Le

sens du mot téléologie- <<Etude de la fi­

nalité>• «Science des fins de l'homme••

et <<Doctrine qui considère le monde

comme un système de rapports entre

moyens et fins••- et ce que tu en décris

ne nous en apprend guère plus.

Mais la fin de ta lettre et cette réfé­

rence à la révolution iranienne comme

acte fondateur du début d'une ère nouvelle

m'a fait personnellement ressouvenir de

brefs contacts que j'avais eus au début des

années 90 avec la« Bibliothèque des

émeutes''· J'ai même conservé les pre­miers numéros de leur publication

quelque peu luxueuse et montrant une

connaissance approfondie de l'informa­

tique. Comme nous procédions à une re­

cherche intensive des luttes partout dans

le monde, leur quête, bien que ciblée dif­

féremment, nous avait alors semblé suf­

fisamment identique à la nôtre, même

indépendamment des critiques que je

pouvais déjà leur faire, pour justifier des

contacts, ne fût-ce que pour un échange

d'informations de base.

J'ai effectivement rencontré dans

cette période une jeune femme à laquelle

j'ai exposé les positions d'Echanges et les

fondements de notre collecte d'infor­

mations en proposant cet échange d'in­

formations. Un refus clair et net fut la

réponse avec l'affirmation catégorique que

la lutte de classe ne les intéressait nul­

lement.

Chacun en resta là; j'ai continué à

acheter les numéros de la<< Bibliothèque

des émeutes"· et même acquis trois vo­lumes (que je ne retrouve pas, les ayant

prêtés) détaillant Jeu1·s positions théo­

riques. Je pense que j'ai cessé de m'y

intéresser à la fois parce qu'il apparais­

sait que nous n'avions rien de commun et parce que leur publication cessa de

paraître. Je ne savais pas qu'ils étaient

passés d'un recensement des émeutes et

à leurs analyses d'une théorie plus glo­

bale bien que cela se trouvât sans

doute dans les documents que je viens

de mentionner.

Je dois dire que le peu que je sais des

positions que tu mentionnes et qui se trouvent déjà dans le bulletin no 1 Bi­bliorhèque des émeurcs ne nous incitent

guère à aller plus avant; je ne mention­

nerai que trois points: -«L'émeute est le seul moment pra­

tique où J'aliénation est critiquée comme

1 'organisation d'une société qui empêche

tout débat sur la finalité de l'humanité.

Dès qu'une émeute est organisée, elle cesse d'être une émeute .. elle n'est

qu'un jaillissement de v1e sans

conscience .. le seul mouvement de pen­

sée plus rapide que 1 'aliénation .. " Le

reste est de la glose sur cette affirma­

tion péremptoire. A mon avis, cela ne

tient guère debout. Tout mouvement so­

cial, émeute ou pas, s'inscrit dans. un

processus historique avec une cause et

ne tombe pas du bleu du ciel: elle s'ins­

crit dans un processus dialectique avec

des forces qui, d'une manière ou d'une

autre, vont tenter de la faire disparaître

par la répression ou l'intégration (qui

n'est qu'une autre forme de répression)

Il est évident que toute lutte, tant qu'elle

dure, présente des caractères qui 1 'ap-

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007-4 7

Page 31: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

les grands syndicats ont contrôlé les mou­

vements de base s'est considérablement

modifiée: l'apparition au cours ùe luttes sous des formes diverses d'organismes

spécifiques de lutte et de ce que 1' on pour­

rait appeler une démocratie de base les a

contraints, pour tenter de garder ce contrôle et accomplir leur fonction de mo­

difier leur pratique. Si j'insiste sur cette

question, c'est qu'elle n'est que la consé­

quence de l'évolution globale à laquelle

j'ai fait allusion ci-dessus et qui influe

également sur l'analyse que tu livres des

relations entre !CO et I'IS.

Sur ces relations (tu as raison de sou­

ligner que s'il n'y eut pas relations di­

rectes il y eut quand même débat pra­tique), j'aborderai la question par une

constatation: pourquoi les deux groupes­tendances ont-ils disparu dans l'après-

1968, comme si l'un et l'autre ne répon­

daient plus à une situation nouvelle, figés

qu'ils étaient dans des débats apparte­nant à un autre âge') Si j'ai une

réponse pour !CO, je n'en ai pas pour I'IS. mis à part ce que les situs eux-mêmes (individuelle­

ment et non collectivement) ont

pu écrire à ce sujet. A mon avis,

d'après les rapports personnels de ceux qui ont approché le CMDO ( 1) en mai 1968 (certains

y ont même participé). leur pra­

tique apparaissait assez contra­

dictoire avec ce qu'ils pouvaient prôner par ailleurs et s'apparentait

plus à l'activité de ceux qu'ils criti­

quaient qu'à quelque chose d'innovant. Même si ce débat peut m'intéresser,je le

laisse volontiers à ceux qui auraient le

loisir de l'approfondir.

Le véritable débat, et c'était au cœur

des critiques de I'IS vis-à-vis d'ICO, ne

portait pas tant sur les pratiques de 1' IS (jus­

tifiant une certaine forme de rejet), mais

le concept même de groupe et de son activité (le débat sur ce point se prolon­

gea au sein même d'ICO après 1968). Il

n'était d'ailleurs pas un des moindres pa­

radoxes de I'IS, que son refus (justifié)

d'être une organisation politique, et la

construction dans 1 'événement d'une structure ayant un but défini et par

ailleurs le fait de se poser en quelque

sorte comme les gardiens du temple ré­

volutionnaire, formulant des jugements

sur les organisations existantes qui ne ré­

pondaient pas à 1 'organisation modèle,

dont ils affirment souhaiter la création

( l) Le Comité pour k maintien des occupa­tiun\ (CMDO) rCunitjusqu'd son autoùisso­

lllllun. le l.ijuin 196R. (( ks situationnistes. !c'i Enragés. et de ln.::ntc ù sot :xante autres ré­\Olutionnaircs conscillistes )) (/S n° 12,

p. 23), retranchés dans l'Institut national pé­tLtgngiquC'""'<..lu'ils occuraicnt rue J'Ulm.

Emeute aux Tuileries, le 10 août 1792.

46- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

Caroline du Nord.

en voiture son nouvel emploi,

gardien de la maison de cor­

rection de moyenne sécurité de Mountain View. Sa paie a di­minué de 15 %, ce qui le

contraint à prendre un second

travail dans un magasin de

matériel d'occasion.

Dans tout l'Etat et à vrai dire

dans tout le pays, les ouvriers

licenciés sont pratiquement

assurés de retrouver du tra­

vail, mais la plupart du temps

avec une paie diminuée.

Selon une étude publiée en

juin 2002 par le Justice and Cornrnunity Development

Center de Caroline du Nord, les ouvriers qui avaient perdu

leur emploi industriel en 1999 et 2000 gagnaient six mois

plus tard seulement 72% de

leur précédent salaire.

Programmes d'Etat Dans nombre d'industries de

main-d'œuvre, si les usines ne peuvent s'automatiser,

elles disparaissent L'indus­

trie textile a été particulière-

ment agressive. Il y a cin­

quante ans un ouvrier de Ca­

roline du Nord surveillait cinq machines à la fois, chacune

d'elles étant capable de tirer un

fil dans un métier cent fois à la minute. Maintenant les ma­

chines tournent six fois plus

vite et un seul travailleur en

surveille cent. Les machines se

trouvant de plus en plus au

centre de la production, les chefs d'entreprise recher­

chent pour le contrôle des tra­

vailleurs instruits et de grande

expérience.

Pour répondre à ces besoins et aider les travailleurs à re­

trouver un emploi sûr, la Ca­

roline du Nord a organisé des

cours spéciaux dans les ly­

cées de l'Etat

Il y a trois ans, l'Etat a créé Bionetwork, un programme de formation basé dans les ly­cées pour fournir des tra­

vailleurs qualifiés au secteur

grandissant de la biotechno­logie. "Toutes les qualifica­

tions sont étroitement liées au

poste de travail ", déclare

Norman Smit, le directeur du

recrutement de Bionetwork Srnit cherche des étudiants dans les zones industrielles

sinistrées. D'après lui, avec

une formation intensive et une

volonté de s'adapter, un ou­

vrier du textile ou de l'ameu­

blement peut devenir un tech­

nicien biotech bien payé. ( .. )

Les économistes suggèrent que c'est l'avenir de l'indus­

trie américaine . partir de zéro

pour fabriquer des marchan­

dises de grande valeur utili­

sant les avances technolo­giques des Etats-Unis, ce qui peut compenser le coût élevé

de la force de travail. Cette

stratégie a alimenté un boom

des exportations des produits

industriels américains . rna­chines, matériel divers, aéro­

spatial, produits pharmaceu­

tiques.

L'Etat de Caroline du Nord

s'est lancé dans cette voie de façon agressive, poussant au

développement de la bio-

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 ~ 31

Page 32: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

1

technologie. Depuis dix ans,

selon le North Carolma Blo­

technology Center, le nombre

de sociétés de biosciences

est passé de 131 à 386, et le

nombre de travailleurs dans

cette branche de 20 000 à 47 000 Dans le complexe de Re­

search Triangle Park, proche

de Raleigh-Durham, Biogen

Idee a établi un des plus

grands sites de biotechnologie

des Etats-Unis, fabriquant des

produits pharmaceutiques très pointus. Les débutants

ayant reçu la formation re­

quise gagnent de 27 000 à

1 35 000 dollars par an (de

19 000 à 25 000 euros). Les

travailleurs expérimentés

peuvent se faire considéra­

blement plus.

Le Washington Post décrit en­

suite l'exemple de Glen

Raven Custom Fabrics, une

autre société textile de Caro­

line du Nord reconvertie dans

des matériaux textiles spé­

ciaux pour le mobilier urbain,

les navires et les bâches- des

matériaux coûteux qui né­

cessitent une clientèle spéci­

fique, une expertise technique

et des machines perfection­

nées.

A la place des 225 travailleurs

qui à Norlina fabriquaient

avant 1990 des articles de

bonneterie, poussant à la

vaille urs manipulent les ordi­

nateurs qui contrôlent des

mètres et des mètres de ro­

bots et de bobines. En 2006,

la Caroline du Nord a exporté

pour 52 millions de dollars (40

millions d'euros) de textiles et

autres dérivés vers la Chine,

cinq fois ce qui était exporté

en 2003.

Les usines chinoises utilisent

de plus en plus les matériels

produits par Glen Raven pour

faire des parasols et de

l'ameublement de salon. Leurs ouvriers gagnent moins

en un mois que le prix d'un

parasol chez un détaillant

américain. Le succès de Glen

Raven autonse la société à payer à ses travailleurs amé­

ricains de 10,50 à 22 dollars de

l'heure (de 7 à 15 euros) avec

en plus les avantages santé

et retraite. Même avec ces sa­

laires, le coût du travail ne re­

présente finalement que 5%

du coût total de la transfor­

mation de la fibre en tissu.

" Pour le dire d'une autre

façon, conclut le journal, l'ef­

ficience des machines qui ont

éliminé des emplois a permis

à Glen Raven de payer aux

travailleurs restants suffi­

samment pour se permettre

d'avoir des voitures, une mai­

son et une assurance santé.

Quelques-unes de ces mai-

. main des panerées chargées sons avec des patios et des

~_:ylon, aujourd'hui 157 tra- pelouses s'abritent du soleil

32- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

avec des parasols fabriqués

en Chine avec des matériaux

produits juste un peu plus bas

dans la rue. "

+ Dans Street Voice no 79,

toujours des nouvelles ·et

textes des exclus des rues de

Baltimore avec quelques slo­

gans comme " Make waves,

not graves " (" Faites des

vagues, pas des tombeaux ")

ou " War is not the ans­wer .. But what is the question

? " (" La guerre n'est pas la

réponse ... Mais quelle est la

question?"). POB 39521, Baltimore, Md

21212, Etats-Unis; courriel .

[email protected]. En anglais,

copies à Echanges).

+ " Who is running the

show ? " (Qui mène le bal ?), un article sur la classe domi­

nante aux Etats-Unis, dans

Left Business Observer no 115 (31 mai 2007).

gardes organisées ont fait place à des

avant-gardes diffuses. ce qui rejoint les

conséquences de l'individualisation dans

l'organisation du travail et la précarisa­

tian.

Il en est ainsi en particulier du rôle des

syndicats que tu soulèves dans ta lettre. Il

est certain qu'objectivement, les syndi­

cats jouent toujours le même rôle d'inter­

médiaires dans les relations capital-tra­

vail et la fixation du prix de la force de

d'exercer même la fonction réformiste qui

leur était dévolue. Ce qui fait que la distance

entre la base des travailleurs (membres ou

pas) et leur bureaucratie s'est accrue d'au­

tant, renforçant leur pouvoir légal et la

connaissance par cette base de leur fonc­

tion réelle dans le système (je ne men­

tionne pas ici J'existence de syndicats pa­

rallèles très minoritaires. une situation

très spécifique à la France). Au cours des

trente dernières années, la manière dont

travail. Mais là Emeute à la Constltuci6n

aussi, les conditions

dans lesquelles ils

exercent cette fonc­

tion ont été grande­

ment modifiées, ne

fut-ce que depuis

1968. D'une part ils

subissent les consé­

quences de 1 'évolu­

tion des structures

du capital (dispari­

tion de ce qui était

leurs bastions tradi­

tionnels), de l'indi­

vidualisation dans

1 'exploitation qui en

résulte et de 1 'effri­

tement du rôle qu'ils

pouvaient jouer dans

l'information su~ les

conditions d'exploi­

tation et les luttes.

D'autre part, comme

pour tout ce qui re­

lève de l'activité

politique, la mon­

dialisation et acces­

soirement la consti­

tution de l'Union

européenne font res­

sortir leur incapacité

~ Un VOUP't brlle une fen!tre ~ de b Sa.lla d'attenttl ct

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au leu.

9

Comment s'est passé l'émeute de la gare Constituci6n, à Buenos Aires,

le 1." novembre 2005. Ce schéma illustre le récit d'un Argentin paru

dans" Cette semaine" n• 93 (août 2007), qui rappelle d'autres

événements semblables (Temperley, Argentine, 21. juin 2007, Gare du

Nord à Paris, mars et septembre 2007, Santiago-du-Chili, août 2007 ... )

en ajoutant: " La vraie question reste la même que celle concernant le

grand incendie de novembre 2005 en France : non pas pourquoi ça

explose, mais pourquoi ça n'explose pas plus souvent ? "

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -45

Page 33: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

même, je crois que leur démarche, leur mé­

thode apportent quelque chose, et que leurs

textes (certains sont publiés, tous sont sur Internet) sont intéressants au moins à titre informatif, voire pour en faire une critique

de fond (j'en suis moi-même incapable, et

me contente de tenter de bien les com­

prendre- pas seulement par pure curiosité

intellectuelle, mais aussi et d'abord parce que je me sens concerné par le problème

pratique qu'ils abordent, tout comme pour

Echanges).( ... )

Questions anciennes, conditions nouvelles

Réponse :

F. C.

Il est tout à fait normal que tu ne

prennes pas pour du bon pain ce que nous

pouvons écrire. Même si une brochure

comme celle sur les relations entre ICO et

I'IS est le reflet de ce que certains d'entre

nous ont alors vécu, nous n'estimons pas pour autant anormal que d'autres, au nom

de leur expérience présente, puissent en

tirer d'autres conclusions. Il est bien cer­

tain que les questions d'alors sur les re­

lations entre travailleurs et intellectuels,

sur le rôle de la théorie, sur la diffusion éventuelle de cette théorie restent tout à

fait d'actualité mais il est tout autant évi­

dent que les réponses peuvent se modi­

fier en fonction de l'évolution actuelle

des rapports de production, des structures

du capital et de la lutte des classes consé­

cutive. Si, fondamentalement, la société ca­

pitaliste fonctionne sur la même base de l'exploitation du travail et de l'accumu­lation. ce ne sont pas seulement 1 'en­

semble des techniques de production et

J'exp<rllsion du capital (à la fois géogra­

phiquement et en profondeur) qui ont pu

44- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

modifier ces données concernant les re­

lations capital-travail. Mais aussi, pour

tout travail militant ou tout simplement pour la connaissance des faits sociaux (et

leur analyse critique éventuelle), l'ir­

ruption de ces mêmes techniques a consi­

dérablement modifié les réponses aux

questions ainsi posées.

-on peut sans aucun doute critiquer

1 'utilisation par le système des médias, mais les innombrables possibilité d'accès

à toutes sources d'information mo di fie

sensiblement la connaissance des faits­

y compris ceux de la lutte de classes­

même si cette profusion d'information

est la cause d'une grande confusion qui né­cessite un travail de confrontation et

d'analyse critique;

-il en est de même de la théorie. De

même qu'il y a un libre-service dans un su­

permarché de 1 'information, on trouve

tout sur Internet, dans le supermarché de

la théorie alimenté tant par des groupes que par des individus. S'il y a confrontations

et débats, où cela mène-t-il, car qui y a

accès et en fait autre chose qu'un passe­

temps (par exemple dans une activité mi­

litante ou tout simplement dans son com­

portement face à l'exploitation)'!

-la connaissance étendue des faits et

de la théorie par ces nouveaux canaux a

considérablement réduit le rôle que s'as­

sumaient les organisations tradition­

nelles, partis et syndicats grands ou petits,

ce que l'on peut aussi relier à l'élévation du niveau global de l'instruction. Ce

qu'ils prétendaient faire par la propa­gande liée à l'action et à 1 'intervention, un travail de formation et d'éducation (de recrutement bien sür) en gros d'« éléva­

tion de la conscience de classe>> est battu

en brèche par cette connaissance paral­

lèle aisément accessible. Les avant-

FRANCE

LA DESCENTE AUX ENFERS

OU LA LUTTE

Loi anti-grève, règlements diminuant les prestations de la Sécurité sociale et enchérissant le coût de la santé, suppression de postes dans l'éducation, promotion de valeurs morales, réapparition de l'inflation ... La liste est longue des projets du gouvernement, auxquels seule la lutte pourra s'opposer

LE GOUVERNEMENT Sarkozy-fillon-La­

garde veut aller vite, très vite dans ses réformes anti-sociales, dans sa mise

au pas des salariés. Depuis le mois de mai le gouvernement n'a pas chômé et Chris­

tine Lagarde, ministre des Finances, est

montée au créneau pour affirmer:« Nous

nous sommes engagés dans une course pour

faire rentrer notre pays dans le XXI' siècle.

C'est, sachez-le, une cause que nous allons

courir à fond et qui durera cinq ans. >>Et

effectivement tous les projets inspirés du

rapport Camdessus de 2004 (1) sont votés en enfilade: après le Sénat, l'Assemblée

nationale a approuvé le 18 juillet la loi dite

«contre la récidive>>, puis la loi sur les uni­versités, puis la loi anti-grève sur le<< ser­vice minimum>>, etc.

( l) Le Sursaut. Vers une nouvelle croissance pour la France. rapport du groupe de travail présidé par Michel Cam dessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, 200-+. Disponible en volume à la Documentation française, pour 6 euros, ou gratuitement en PDF à 1 'adresse Internet http:/ilesrapports.ladocumentationfmnçaisc.fr/BRP/044000498 /OOO.pdf- Nous avons évoqué déjà cc rapport à propos des lict:ncicmcnts cl des indemnités de chômage (Echon~es 118, automne 2006, p. 58) ct à propos du contrat unique (Echanges n' 120, printemps 2007, p. 10). (2) C est tout le système de la hiérarchisation des textes ct du principl: de faveur qui est remis en cause. C\~st surtout la durée du travail (actuellement de 35 heures hebdomadaires

Après avoir fait en sorte qu'un accord

d'entreprise puisse se substituer- à la baisse -aux conventions collectives (loi Fillon) (2),

on met sur le grille code du travail et le droit

de grève. En ce qui concerne la santé, après

l'absurdité du médecin traitant, nous passons

à l'éternel déficit, voulu, de la Sécurité so­

ciale, qui fait bien l'affaire de la Cades (3).

Chaque fois qu'une nouvelle mesure anti -so­

ciale est appliquée, le gouvernement cherche

à la justifier au nom d'un humanisme pré­

tendument <<solidaire » et << responsable >>.

Pour mémoire, les 15 000 décès consécutifs

à la canicule de 2003, que le gouvernement Raf­

farin a fait payer aux salariés en supprimant

le lundi de Pentecôte habituellement chômé. Durant sa campagne électorale, Nicolas Sar­

kozy avait lancé l'idée d'appliquer des fran-

annualisées) qui est visée par la loi Fi lion , La Trib11ne du 10 août le confirme: "La durée du travail légale, natio­nale et interprofessionnelle ayant été supprimée, chaque entreprise est désormais libre de déterminer par accord avec les organisations syndicales, la Jurée Ju travail qui convient le mi eu\ à son activité.)) Cet article du code ùu travai 1 n' e\ istc pas encore ... Mais qu'en sera-l-i 1 en 2012 ? 0) La Caisse d'amortissement de la delle sociale (Cades) chargée de gérer la Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) a été créée pour" une durée de treize ans ct un mois à compter du 1 ".Janvier 1996 "·Voir" CSCJ ct CRDS, un racket permanent de l'Etal fran<;ais »,

Echanges n' Il 0 (automne 200-+).

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -33

Page 34: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

chises pour financer la Sécurité so­

ciale et<< responsabiliser>> les ma­

lades. Comme l'idée avait scandalisé.

et que les élections étaient proches.

l'idée fut mise en réserve, comme

d'ailleurs celle de la TV A sociale.

Sarkozy est revenu à la charge

après avoir été élu président de la Ré­

publique française. C'est mainten<ll1t

le cancer et la maladie d'Alzheimer

qui servent d'alibi pour faire passer

la pilule des franchises. Voici donc

annoncée l'application d'une fran­

chise à hauteur de 50 euros par an et

par assuré social, à travers un méca­

nisme touchant chaque médicament

et chaque acte paramédical. Le but

officiel de 1 'opération étant de finan­

cer un plan de lutte contre le cancer

et la maladie d'Alzheimer à la hau­

teur de 850 millions d'euros.

Pas besoin de donner des argu­

ments chiffrés ou autres petites ré­

formes pour dire qu'il s'agit d'unnou­

veau racket, dans la continuité de la

politique de déremboursement des

médicaments.

Au regard des critères fixés par le traité de

Maastricht, les déficits sociaux font partie

des déficits publics. Les gouvernements na­

tionaux sont donc conviés, par la nomenkla­

tura européenne dont ils sont 1 'exécutif. à

transférer une part de plus en plus importante

des dépenses de santé vers les assurances

complémentaires. tout en laissant une charge

de pl us en plus importante au compte des pro­

létaires (chômeurs, précaires, retraités). Dans

tous les pays européens, patronats et gou­

vernements mènent des offensives contre les

systèmes de protection sociale.

Même le FMI s'est inquiété des consé­

quences sociaJes à moyen terme de ce<< trans­

fert du risque patrimonial (de pertes) vers les

34- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

·.]

0 m (/)

!!' z C> m :0 )> :0 0

"' )> 0

particuliers , . « Alors que les banques, les

assureurs, et les fonds de pension cherchent

à réduire la volatilité de leurs bilans( ... ).

toute une série de risques, traditionnellement

gérés par ces instances, passent directement

au secteur des ménages >> (La Tribune du

6 avril 2005) .

Dès l'automne 2004, le ministre de la

santé d'alors, Jean-François Mattei, s'est at­

telé à faire aboutir sa réforme de 1 'assurance­

maladie en créant le « Haut conseil de J'as­

surance-maladie >>qui doit exécuter cette

tâche. Il n'hésitera pas à reconnaître que le dé­

ficit « le trou de la Sécu >> provient entre

autres de ce que le patronat bénéficie de mul­

tiples exonérations de cotisations sociales: au

rarchie (par un certain point en tout cas) en

son sein. Je ne crois pas qu'il faille y voir

un élément léniniste: l'IS n'était pas un

parti, encore moins de masse, et l'exclusion

en eile-même ne se présentait pas comme

une infamie mais comme le rétablissement

formel de relations d'indépendance. La to­

lérance et la liberté dans ICO se justifient

évidemment aussi; elles permettent d'être

plus nom breux. de ne pas se priver de l' ap­

port de personnes moins disponibles, etc.

Encore une fois. cela dépend de ce qu'on

\·eut faire ensemble.

C'est un peu comme le style tranchant,

l'emploi de l'insulte, une autre caractéristique

de I'IS très étrangère à !CO. On comprend,

et vous l'expliquez, la position de relative­

ment vieux militants identifiant cette atti­

tude à !:1 violence et au sectarisme des sta­

liniens. Mais l'intérêt de systématiquement

refuser d'éluder les désaccords entre ceux

qui tiennent des positions plutôt proches est

de pousser chacun à l'approfondissement.

à la vérification, plus fmctueuses sans doute,

pour la recherche théorique en tout cas. Là

encore, il s'agit au fond de définir le mini­

mum d'accord pour travailler ensemble en

fonction de ce que l'on veut faire, de sa fin.

A propos des " téléo/ogues "

Je voudrais. à propos, vous parler d'une

autre de mes lectures- j'ignore si vous les

connaissez : les téléologues. Ce groupe a

a priori beaucoup de divergences, impor­

tantes, avec Echanges (beaucoup de théo­

rie, langage, rejet du matérialisme, orga­

nisation, style ... ). Mais ille rejoint aussi

sur certains points fondamentaux: l'ob­

servation, la recherche de connaissance du

" négatif dans l'histoire », de la cri tique

pratique, bref des luttes. est leur point de dé­

part, et ils y reviennent constamment Leur

élaboration théorique, dense et,, difficile »,

n'est pas faite pour tourner à vide, pour

elle-même. Je crois donc que la critique

d'idéalisme qui leur a été faite ne tient pas.

Leur méthode est très intéressante : le dé­

tournement systématique des médias. de

l'information dominante. Leur recours à

daull·es types d'informations est secon­

daire, ce qui a l'avantage d'être exhaustif

dans la recension qu'on peut faire à partir

des médias (ce n'est pas si facile que

cela ').Par rapport à ICO, leur observation

est donc bien sûr beaucoup plus condi­

tionnée par les médias (et la critique qu'ils

en font) mais aussi plus globale, mondiale.

Cela s'explique bien sûr par l'abondance

récente d'informations sur toutes les ré­

gions du monde. et Echanges n'est pas en

reste ; mais leur relevé systématique des

récits d'émeutes est inédit, et leur permet

des analyses inédites. Par rapport à l'lS.

ils vont donc bien plus loin, en se concen­

trant davantage qu'elle sur cette observa­

tion systématique. Leur référence à 1' IS est

en partie critique, par exemple sur laques­

tion de J'antitravail individuel (voir leur

critique du<< modedevitisme >>).

L'un de leurs apports est donc la rel:1tion

et l'analyse de certains faits. qu'on ne

trouve pas ailleurs- c'est aussi la raison

pour laquelle je vous parle de ce groupe.

La révolution iranienne de 1979 constitue

par exemple, selon eux, le moment fonda­

teur de notre époque. Le rôle d'Internet. et

notamment lndymedia, est analysé et critiqué

à propos de l'Argentine en 2001-2002 (1).

Au-delà donc (ou en deçà; peu importe)

de l'intérêt qu'on peut ou non ressentir à

discuter et critiquer cette téléologie elle-

( 1) On trouve les te.\tes des téléologucs sur les sites

www .http://w\\'\\ .tclculogic. org

ct \\'\\'W .http://www .bel !esc mot ions.orf!

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -43

Page 35: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

l'expérience. Je ne connais pas assez l'his­

toire d' !CO : est-ce qu'elle a produit cette

sorte de conceptualisations en prise avec l'expérience qui fournissent de la force aux luttes., Ou bien y avait-il séparation entre

des récits informatifs d'un côté et des dis­

cussions abstraites sur l'avenir (Conseils

ouvriers, etc.) de J'autre~ ( ... )Je crois aussi que l'idée cl' organisation

est plus" contemporaine,, chez ICO que

chez l' JS, mais il serait trop long d'expliquer

tci ce que j'en pense.( ... ) Je t'envoie ci­

JOints deux textes :dans le premier (en fran­

çais. mais pas cians une traduction défini­

tive), j'essaie avec une copine à moi de

rendre compte et de réfléchir sur l 'expé­

rience politique d'" accompagnement >'des victimes des attentats du 1 1 mars 2004 à Madrid (une expérience assez étrange peut­

être): le deuxième (cette f01s en espagnol)

est la préface à une anthologie cie textes de

Daniel Blanchard (4) qu'on vient de publier

chez Acuarela (là j'exprime quelques idées

sur le rapport entre théorie et pratique).( ... )

Sur" /CO et 1'/S " : " Le problème de l'égale participation de tous "

A.

C 'est la /ectllre de la brochure /CO et

1'/S qui m'a fait m'intéresser à !CO

( ... ).Puisque vous m'y invitez, et

aussi parce que ce que vous pouvez répondre

m'intéresse, je vous livre quelques com­

mentaires. Je précise que ceux-ci ne se fon-

i-l) Uaniel Blanchard, poète, traducteur de Murra) Bookchin. fMrttcipa à Socialtsmc ou Harharic sous le rscu­dun; mc de P C<Jnjucrs ct rédigea en 1 (.)60 a\ cc Guy l)eborù le~ ((Préliminaires pour une définition de

l'unité ùu programme révolutionnaire}). Cc texte csL rcprodurt n<J!amment Jans Daniel Blanchard. Dcbord dan' ft' hnut de ia cataracze Ju temp.\. éd Sens~\

lon ka, 2000 Voir références de ces tntcs p. 72

42- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

dent pas sur une expérience particulièrement

intéressante et qui me donnerait qualifica­

tion spéciale, seulement sur ma vie de tous les jours et la réflexion politique qui 1 'ac­

compagne. La plupart des questions soulevées par ·!CO

restent d'actualité: celle des relations entre

un groupe constitué et animé hors d'une

lutte intense et massive et les« gens nor­

maux» ou en tout cas les autres; celle de

l'importance et du rôle de la théorie (com­

prise comme tentative de compréhension,

d'analyse rigoureuse et cohérente du monde)

et de l'observation et de l'information sur

les luttes dans le monde (qui d<;ent être le

pot nt de départ et de confrontation constante

avec toute théorie). Le contenu des numéros d'ICO m'a aussi

paru intéressant à titre dcumentaire, sur

l'histoire sociale de son époque (grèves,

conditions de travail, rôle et évolution des syn­

dicats à l'époque, etc.). Et on peut dire.que

beaucoup de choses n'ont pas vraiment

changé depuis- rôle des syndicats et autres

organisations existant en dehors des luttes, par exemple. Il y a aussi le cumul des dif­

férentes sources d'information: expérience

directe des participants sur leur lieu de tra­

vail. renseignemenb obtenus par enquête et

par la presse. Sur la question de l'organisa­tion à adopter par un groupe indépendant de

luttes particulières, je crois qu'il ne faut pas

conclure (pour !CO ou pour l'IS, par

exemple) sans prendre en compte le but

qu'un tel groupe se donne. Même si, comme vous le dites, il n'y eut

que communication imparfaite entre !CO et 1' IS, on pourrait di re qu'il y a eu débat pra­

tique, par l'existence de chaque groupe et leur confrontation. Le problème de l'égale

participation de tous se posait dans 1 es deux

cas, mais pas pour faire la même chose. L' IS a utilisé l'exclusion afin d'éviter toute hié-

Qu'est-ce que la TVA sociale ?

La presse aux ordres titre : " Sécu : taxer la

consommation plutôt que le travail ? , ou

bien :" Nous pouvons évoluer d'un système

taxant la production à un système taxant les

produits, ce qu'ont déjà compris le Danemark et l'Allemagne» ... Ils n'étaient pas élus, que

déjà les principaux candidats à l'élection pré­

sidentielle parlaient de nouvelles taxes et no­

tamment de TVA sociale (Sarkozy et Bayrou

notamment).

Qu'est-ce donc que cette TVA sociale (1)?

C'est une sorte de continuité avec la CSG

que nous devons au socialiste Rocard. le pre­

mier à avoir de ce fait commencé à fiscaliser la sécurité sociale (2).

Vous aurez compriS, qu'il s'agit de faire dis­

paraître progressivement le salaire différé des

salariés, pour en reporter la charge sur les

produits de consommation qui augmenteront

de ce fat! Le sénateur UMP Philippe Marini

propose de relever la TVA de 19,6% à 25%.

(+ 5,4 %). Les gouvernants pensent en lai-

total 19 milliards d'euros pour 2002, près de

Jeux fois le déficit annoncé, environ 8% du

budget de la Sécu' En fait, c'est le déficit du

paiement patronal des cotisations qu'il s'agit de combler.

Alors l'Etat se retourne contre les ma­

lades, qui devraient être« responsabilisés>> (4).

Pour éponger le déficit patronal, se souvenir

des mesures de l'année 2004: hausse du for­fait hospitalier, augmentation de certaines

taxes ou déremboursement de médicaments ( 6 17

(-l) Dans le cadre de la réforme de l'assurancc·mala­

die, les contrats complém.:ntaires santé doivent (depuis janYicr 2006) être" responsables». lin nouveau tcrml:,

4ui signifie nous faire payer notre irrc~ponsahililé.

sant ce transfert lutter contre les délocaltsa­

tions en baissant le coût du travail, et rafler

la plus-value de 1 'économie souterraine (15 %

du PIB). Mais il y a plus grave :ils vont aussi

commettre le hold-up du siècle, en taxant ré­

troactivement les économies des classes po­

pulaires et des classes moyennes de France, qui devront payer 5,4 % plus cher tout achat

qu'ils auraient pu faire avant (seulement taxé

à 19.6% ou 5,5 %).

Non seulement les satanés se font escroquer,

mais que dire des retraités. chômeurs,

Rmistes .. ?

( 1) Vous remarquerez que toutes les saloperies se feint

avec l'adjectif" soc1al "(plan soc1al. contribution

sociale. CSG. contribution au remboursement de la

dette sociale ... ) Nous finissons par ha ir le social 1

(2) Les cotisations sociales n'assurent plus que 60 %

des ressources de la Sécurité sacrale contre 90 %il

y a vingt ans. Il veulent après les élections faire bas­

culer 200 milliards d'euros de cotisations sur la TVA.

réductions de remboursement et clérembour­

sement complet de 84 médicaments). La mise

en place pour certains médicaments du« tarif forfaitaire de responsabilité>>, qui, sous cou­

vert de développement des génériques, baisse

le remboursement de 450 médicaments. Et ce

n'est pas fini: le !er mars 2006,282 spéèia­

lités seront ajoutées à la liste: aujourd'hui,

c'est l'instauration de franchises.

La loi anti-grève est votée En mettant tous les fers au feu en même

temps, le gouvernement pense pouvoir dis­

perser les répliques qu'il craint. Dans ce cadre

il s'attaque à la<< grève>> qu'il veut régle­

menter de nouveau et réduire à néant- en gé-

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007 -35

Page 36: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

néralisant la loi anti-grève des transports à

d'autres secteurs. Cette loi anti-grève, donc,

a été votée à 1 'Assemblée nationale le 2 août

2007 par 96 voix pour, 22 contre, 0 absten­

tion. Sachant qu'il y a 577 députés à l'As­

semblée nationale. nous voyons que même

sur le terrain de la légalité bourgeoise nous

avons affaire à une bouffonnerie.

Le texte de la loi prévoit diverses nou­

velles mesures applicables aux entreprises

de transport pour rendre le droit de grève in­

opérant et finalement mettre la grève hors la

loi:

«Art 3- Délai de prévenance et« obli­

gation de négocier" qui imposent un délai

pouvant aller jusqu'à onze jours entre

1 'appel à la grève et son déclenchement. In­

terdiction des préavis successifs sur le

même sujet.

Art 5- préavis individuel de grève:

Obligation de se déclarer gréviste deux jours

avant, au risque de sanctions pour les sala­

riés.

Art.6- Possibilité pour la direction ou un

syndicat non gréviste d'organiser une

consultation après huit jours de grève, pour

en contester la validité. »

Comme le fait remarquer l'ex-inspecteur

du travail Gérard Filoche:<< Cela fera de la

grève, d'un acte collectif, entraînant, soli­

daire, un parcours individuel, dissuasif. sélectif.

Des millions de salariés le savent: "Ce genre

de loi. y' a qu'une saleté d'ami de taulier de

choc pour inventer cela.">>

Les syndicats mis au secret Les syndicats étaient au parfum, depuis des

lustres, que le patronat et le gouvernement

allaient de nouveau passer à la vi tesse supé­

rieure pour valoriser la valeur travail et donc

extraire plus de travail gratuit sur les sala­

riés. Les syndLcats maintenaient la paix sociale

et entamaient des négociations secrètes avec

36- ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007

le patronat. Pour se dédouaner du Waterloo

social, ils ont organisé. le 31 juillet 2007, une manifestation de façade, un véritable pé­

tard mouillé, histoire de culpabiliser les ad­

hérents qui ne se déplacent plus. Aussi les

lois Pécresse, Dati, Bertrand ... seront-elles

votées à la chaîne au Parlement sans aucune

opposition.

Sous le titre<< Un accord bien balancé»,

Le Monde du 10 juillet révélait que le Medef

et les syndicats français étaient parvenus.

après dix-huit mois de négociations et quinze

réunions confidentielles, à un" relevé de dis­

cussions». Pas plus secret que les autres, cet

accord, non formalisé par un écrit, relèverait

d'une tradition de« dialogue économique»

qui remonterait au Commissariat du Plan

(1945-1952) de Jean Monnet, tradition ré­

activée par Laurence Parisot dès son él ec­

tion à la tête du Medef en 2005. Ce n'est pas une découverte, il y a belle

lurette que le<< dialogue social» tripartite

s'opère dans les salons parisiens et même à la

Mutualité. L'accord est non écrit pour ne pas

mouiller les syndicats, mais tout le monde

peut se faire une idée de son contenu en li­

sant le discours de Christine Lagarde à l'As­

semblée nationale du 10 juillet 2007. Ce discours en appelle à l'union natio­

nale : « Mettons nos intelligences en com­

mun au service de la France, au lieu de les

dresser les unes contre les autres. Il ne sert

à rien de se chamailler quand il est 1 'heure

de travailler.» Puis elle prononce tout un

plaidoyer visant à défendre des valeurs : la

valeur travail, la démocratique, la républi­

caine, l'économique et la sociale.

Après avoir reconnu une valeur chère,

celle qui produit la richesse pour les riches et

la pauvreté pour les pauvres, elle s'en prend

à Paul Lafargue et à son li v re le Droit ·à la

paresse, qu'elle oppose à Alexis de Toc­

queville, pour finir par sortir: «Le grand pa-

tuationniste n'est pas

« bolchevique >> ma1s

,, artistique». A l'image

des surréalistes. l'ISse

prenait par une sorte

d'« unité mystique » qui

monopolise le sens et

1 'intelligence révolution­

naires. L' IS identifie la

subjectivité révolution­

naire avec la subjectivité

artistique et la considère

non comme un processus

mais comme une totalité

idéale, un donné absolu.

C~:He publimi de; lo:r. -C1l:tt~,:~··Eumi~ (rt~ 1'?-G7) évo_q~c_oftJs. lU~t'llo_ll_~~:~i:t l:t.gl::.cDtion de:_ ù.. 'oo't.~ _!,-..,1t­~·îd~!_h: _qui:~~c:~t. ry:n~Cl'-'""" rJI'lll$ (~ ·p_enp~:ctj:tç: spo:t;~t.UIAJra :.1~ V!"~O't ::~H;:. d~nnoe. ~ vl'l~~ ~l~~·••.t­~Î!:~trnem comn1.i!·-t..ouv4ni.-.)"'Ù Cil!~~ rp:t.:i<Jilsulon .dl! ta.-t·~·~~ r~u-i·l~t-. tr.o:;~v~ SQ.Uf!:'IIS::: l.:~rd~~ mu~~r~ d:'u-n ~r't:cni '::~teti~~lfl.~ C'fl perrn.n'~r'lCt. ·~c:. !.<::rhf::O ù.( !.o vi~ Opt _êt.t. p!'rd:J~ cn~1h';..:l,

L'IS- d'abord l'IS,

puis son comité central.

et finalement Debord­

incarne cette subjectivité.

D'où le fait que l'IS ne

soit pas capable de dialo-" La domination du spectacle sur la vie " : extrait de la revue Internationale situationniste, no 11 (octobre 1967), p. 57.

guer avec tous ceux qui

n'étaient pas identiques à elle-même (et

cela dans un groupe qui théorise sur la

puissance subversive du dialogue face au

spectacle').

les ouvriers, et ceux-ci étaient inspirés par

l'exemple des premiers, les deux se rencon­

trent parfois, à Censier par exemple).

En tous cas, si je crois que les générali­

tés de Le Giou (2) furent idéologiques, ce

n'est pas parce qu'il aurait été hors du circuit

de production (je ne pense pas que le mou­

vement des droits civiques ait été idéolo­

gique, par exemple), mais plutôt parce qu'il

ne parlait pas à partir d'une pratique réelle 1

Dans son livre sur les situationnistes

(3), l'Italien Mario Perniola a très bien ana­

lysé comment la racine du sectarisme si-

(2) Jacques Le Giou, producteur de cinéma. alors jeune membre du" Groupe révolutionnaire de Ménilmon­tant n, intervint à des rencontres organisées en 1967 par

llO. Voir /CO er /'!S. op. cir .. p. 20 ct sui l' (:l) Mario Perniola. 1 Sirua~innisri. Roma. Castelvcc­chi. 1998, 200'i. cl 15. L'A!icnaz)one arrisrica. Mi­lono, Mursia, 197l,trad. fr. L'Aliénation artistique, Poris. LIGE 10118, 1977.

Pourtant, la sui-référence narcissiste de

l'JS était loin d'être stérile: ses membres

ont reniflé et théorisé beaucoup de phéno­

mènes et de tendances de leur époque.

même si leur lien avec la réalité n'était pas

fait à partir du« témoignage ouvrier».

Mais c'est aussi vrai que leur théorie

conserve toujours une présomption diri­

geante :elle explique la révolte incons­

ciente qui a lieu ici et là-bas (Watts, etc.),

et la révolution devrait tout simplement

l'exécuter après en termes pratiques.

Je trouve que la procédure d' !CO est

plus intéressante (et actuelle): l'idée que la

théorie vient des mouvements politiques

mêmes. que la théorie doit être« le point de

vue des luttes». J'union entre la théorie et

ÉCHANGES 122 ·AUTOMNE 2007-41

Page 37: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

CORRESPONDANCE

Réactions à la brochure« !CO et l'JS »:«Etaient-elles incompatibles,

la critique de la vie quotidienne et la critique du système d'exploitation 'J »,p. 40

« Le problème de 1' égale participation de tous. »,p. 42 + <<A propos des

tdéologues, p. 43, et réponse :<<Questions anciennes, conditions nouvelles>>, p. 44

Sur u /CO et 1'/S , : u Etaient-elles incompatibles, la critique de la vie quotidienne et la critique du système d'exploitation ? " D'un camarade espagnol de la revue

<< Archipielago »:

J 'Al PU fiNALEMENT lire la brochure ( ... )

sur les rapports entre !CO et 1 · IS ( l ),

très intéressante 1 Merci, il ne s'agit

pas d'un simple règlement de comptes his­

torique (à la seule attention des fétichistes,

parmi lesquels je m'inclus'). mais elle es­

saie de ti rer de cet épi sode-là des problèmes

politiques actuelles: la tension entre la théo­

rie et la pratique. la question del 'organisa­

tion. les points possibles de politisation et de

lutte (le travail, la vie quotidienne, etc). On

ressent le pulse militant de celui qui 1 'a écrit

Je crois que les problèmes dont tu parles

sont toujours d'actualité, même si parfois

les conditions<< objectives>> ont changé:

Je pense que la production et la reproduc­

tion sociale ont une tendance à se confondre

auJourd'hui l'une avec l'autre, la plupart

de ceux des travailleurs précaires qui ont

mené des grèves dans des call-centers à Ma­

drid sont allés à 1 'université, la culture et

l'information sont devenus des secteurs éco­

nomiques clefs. etc.

(! J !CO et f'JS. Rerour liU' /('1 rc!utLons entre lnfor­

mullni/S cr~rrespvnd.unn· uuvrii:res ct 1'/ntr!rnatwnale

.liruarionnl.;te. d'Henri Sirnun. Echange::; ct Mouve­

ment. octobre 2006.

40- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

Je crois qu'on pourrait parler déjà d'un

nouveau type d'aliénation et de malheur

qui a beaucoup à voir avec l'instrumenta­

lisation de ce qu'il y a de plus intime: le lan­

gage, les affections, les dispositions

éthiques (l'obligation de mentir pour les

travai lieurs des call-centers, par exemple),

les capacités créatrices, la pensée, etc.

Peut-être que\' un des problèmes que

les<< formes>> des prédateurs de 1 'JS ont

empêché de poser est celui qui parle des

points de politisation. On dirait qu'ICO

considérait (de façon juste à ce moment­

là, je crois) qu'il y avait un processus au

cœur de la société capitaliste (exploita­

tion), un lieu privilégié de l'action poli­

tique (l'usine) et un acteur fondamenta·l (le

prolétariat).

L'IS, malgré ses références un peu

vagues et très générales au prolétariat en tant

que sujet de l'histoire, invitait à penser

(comme Socialisme ou Barbarie [Sou 8] de­

puis 1963 '1) qu'il y avait aussi d'autres

<< points de politisation >>possibles, à savoir

:l'art, la ville. la communication, la culture,

les rapports, la sexualité, l'université, le

désir, etc. C'est peut-être la raison pour la­

quelle l ïS était en prise plutôt avec les gé­

nérations les plus jeunes '1 Cela pourrait peut­

être expliquer l'influence durable de l'IS '1

Etaient-elles incompatibles, la critique de

la vie quotidienne et la cri tique du système

d' exploitation " En 1968, ces deux cri tiques

avaient toutes les deux besoin de 1 'autre,

n'est-ce pas vrai? (les étudiants cherchaient

tron comme le petit employé savent ce que

cela signifie, une journée de boulot. >>

Après cette tautologie, la valeur républi­

caine se résume par<< 1' égalité des chances >> ;

elle est en dessous de celle de la Française

des jeux ou de « Gagner des millions » ; la

valeur économique est circonscrite à« On

ne peut plus croire que travailler moins per­

met de travailler mieux. Il faut travailler pl us

et mieux. »Les 35 heures au pilori, la chasse

aux glandeurs est ouverte. Quant à la valeur

sociale, elle se résume par:« Retroussons

nos manches. >>

La rentrée sociale La rentrée sociale s'annonce extrême­

ment tendue et les CRS vont pouvoir gagner

plus et cogner plus et mieux en faisant des

heures sup, mais, problème, cela va creuser

le déficit de 1 'Etat... L'Education nationale,

elle, va devoir lutter contre la suppression

programmée de Il 000 postes ...

L'inflation (qui devait théoriquement être

terrassée par les<< libéralisations>>, les« dé­

réglementations >>,la« concurrence >> ... )me­

nace de nouveau et pour une période durable.

La flambée de plusieurs matières premières

agricoles (céréales, graines oléagineuses,

protéagineuses). Leur prix a augmenté de

40 % à RO % en une année. Les conséquences

ne vont pas se faire attendre : les prix du pain,

des pâtes alimentaires, des biscuits, des

pizza ... ainsi que ceux de 1 'huile, de la mar­

garine et d'autres graisses vont subir des

hausses de 3% à 10%.

La ha usse des prix de ces produits de base

va se répercuter sur les volailles (le groupe LOC

[Loué et Le Gaulois) procède déjà à une

hausse de prix des volailles de 4% à 5 %).

La filière lait est elle aussi victime de la

politique de pénurie organisée et réglemen­

tée par 1' Union européenne (5), parce que les

tmsts poussent à réglementer pour empêcher

les cours de s'effondrer. Alors les produits

lai tiers devraient eux aussi prendre 4 % de

hausse. En Allemagne, selon 1 'institut ZMP.

spécialisé dans le calcul des prix des produits

agro-alimentaires, les prix des produits laitiers

devraient s'envoler. La Fédération allemande

de 1 'industrie laitière a ainsi estimé que le

prix d'une plaquette de beurre allait grimper

de 50%, celui du fromage blanc de 40%, et

celui du litre de lait d'environ 10% à 20%.

A cela il faut ajouter la TV A sociale, qui

devait s'appliquer dès l'automne, mais est

provisoirement reportée pour les raisons sui­

vantes : « La dégradation de la conjoncture rend

plus difficile de céder dès 1 'automne à la ten­

tation d'instaurer cette mesure, qui transfé­

rerait en partie le financement de la protection

des entreprises vers les ménages via une

hausse de la TV A, en échange d'un allé·ge­

ment des cotisations patronales pesant sur le

travail. C'est qu'avec le resserrement du cré­

dit consécutif à la crise des "subprimes'' (6)

une hausse de la TV A pourrait porter un coup

au seul moteur valide de 1 'économie fran­

çaise, la consommation » (La Tribune du

5 septembre 2007, p. 25).

Gérard Bad

août-septembre 2007

(5) Bruxelles a longtemps été préoccupé pat· les montagnes

Je hcurre ct de poudre de lait qui pesaient sur le budget

Je la Communauté. La production Je lait Je la cam­

pagne 2006-2007 (aHil-mars), avec 121i milliards de

litres, a atteint son ni\ cau de collecte le plus bas de­

puis quinze ans.,, Il manque un milliarJ dt litres. es­

sentiellement en Allemagne ct t:n france <•, aflïrmc

M. Picot. La France. Ucu\Îèmc pa) s producteur avec 2

milliards de litres fournis par 3,8 millions de vaches ct

100 000 producteurs. n'arrive même plus ù réaliser le maxi­

mum du quota qui lui a été accordé jusqu'en 2015

(6) Subprimcs pour« suhprimc mortgage ''·crédits

hypl)thêcaircs J risques. ces prêts accordés J des mé­

nages insolvables dont le non-remboursement entraîne

la crise financière <lctuclle (voir page 50).

ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007 -37

Page 38: ECHA-NGES · Correspondance. Réactions à la brochure« ICO ET L'IS »:

CRISE, UNION NATIONALE

ET BRUITS DE BOTTE

Même si des propos ministériels disant en substance qu'il fallait se préparer à la guerre ont été démentis, ils s'inscrivent dans Je climat de " guerre contre le terrorisme " et de la diffusion de peurs mal définies. Questions

H istoriquement. chaque fois 4u'une crise profonde menace la domina­tion capitaliste et impose une des­

truction de valeur, capital constant et ca­pital variable, une des issues est la guerre sous une forme ou sous une autre.

La guerre, quelle qu'elle soit est une défaite pour le prolétariat, car elle signi­fie essentiellement pour les travailleurs des sacrifices tant en chair humaine que dans l'imposition d'une dictature de fait par des <<états d'urgence» et autres variantes to­talitaires impliquant la suppression de toutes" libertés» et l'instauration d'une exploitation forcée du travail.

Dans notre précédent numéro, nous avions souligné sous le titre<< Réflexions sur quelques mythes électoraux »qu'en pa­roles comme en actes. l'emprunt aux<< va­leurs et mythes de gauche » et l'« ouver­ture» ministérielle à des têtes marquantes del 'immigration se voulaient un pas vers une << union nationale >> face à des << dan­gers» réels ou extrapolés par le battage médiatique tant sur la plan économique que sur l'échiquier international.

Nous avions alors restreint ces consi­dérations au champ français del 'exploita­tion d'un prétendu déclin de 1 'économie française (l) qui serait gravement mena-

(1) \ln po.lnt d~\·uc de Jérôme (;uillct," polytechni­cien ct banquier''· publié par Le Monde du Il sep-

38- ÉCHANGES 122- AUTOMNE 2007

cée si des mesures drastiques n'étaient pas prises, mesures concernant avant tout les conditions d'exploitation du travail et les systèmes de protection sociale. Ce qui bien sOr nécessite un large consensus d'où ces amalgames auxquels se prêtent complai­samment les acteurs politiques et syndi­caux y compris d'<< opposition», d'où leurs atermoiements désorientés.

Un degré vient d'être franchi dans ce << sauvetage de la patrie menacée »par les propos d'un ministre qui de pl us représente bien cette tentative d'intégration de l'op­position politique: une menace de guerre. On aura reconnu Bernard Kouchner, mé­decin fondateur de l'organisation humani­taire Médecins sans frontières, ex-ministre (alors socialiste) de la Santé (2), au­jourd'hui ministre des Affaires étrangères

tembrc 2007 sous Je titre" Non, la France n'est pas en déclin», souligne, chiffres à J'appui, que" J'évidence très répandue que les blocages français nécessitent d'urgentes "réformes" repose sur un constat partiel et partial. ))

(2) S'il a (hrièvement) appartenu au Parti socialitc, Bernard Kouchncr s'est depuis distingué entre autres en rédigeant pour la société Total (ct pour la somme de 25 000 euros), un rapport exemptant cette société de toute utilisation du travail forcé au Myanmar (ex-Bir­manie). Pourtant cette société, en novemhre 2005, a versé JO 000 euros à chacun des sept Birmans qui l'ac­cusaient alors d'a,·oir travaillé pour elle sous la contrainte de 1 'armée birmane sur le chantier du ga­zoduc Y adana. Et elle a accepté de consacrer 5.2 mil­lions d'euros à l'indemnisation d'autres personnes qui

pourraientjusti fi cr d'un travai 1 forcé.

par la grâce de Sarkozy. Il a déclaré le J 6 septembre, interrogé sur RTL-LCI-Le Figaro, qu'il fallait<< se préparer au pire» C'est-à-dire? lui demande-t-on alors-" la guerre». Même si de tels propos, aussitôt repris partout et démentis dès le lendemain "Je n'ai pas voulu dire cela ... >>peuvent paraître dérisoires et ne sont peut-être qu'une carte jetée dans un jeu diplomatique et économique indéchiffrable (et où levé­ritable<< ennemi» n'est pas formellement identifié), c'est le couronnement d'une<< guerre contre le terrorisme» déjà à 1 'origine de la distillation médiatique d'un<< danger »multiforme générateur de peurs diffuses conduisant à s'unir en courbant le dos.

L'union nationale est-elle nécessaire parce que la France prend du retard par rap­port à ses concurrents (malgré la bonne productivité de l'ouvrier français) <J Est­ce que ça explique aussi les attitudes agres-

sives de Sarko vis-à-vis des autorités eu­ropéennes ?

Une hypothèse serait que la lutte contre le terrorisme est en réalité une lutte- de chaque capital contre ses concurrents, et que c'est pour ça qu'il n'y a pas d'ennemi désigné- hormis le prolétariat.

C'est en tout cas une nouvelle étape dans le conditionnement global. Celui-ci pourrait-il fournir au capital les moyens de surmonter la crise et d'accroître le taux d'exploitation du travail ? Une baisse du niveau de vie du prolétariat suffira-t-elle à éviter la crise? Celle-ci n'a pas pour seule origine le niveau des salaires, mais aussi la suraccumulation de capital. Seule une résistance de classe sous toutes les formes peuvent être un mur contre cette évolution qui. sans cela, peut s'avérer particulière­ment dangereuse.

• DANS LES PUBLICATIONS/FRANCE

• " Buffalo Grill .On a arra­ché des régularisations ", sur la lutte des sans-papiers ex­ploités par cette enseigne de restaurants, dans La Forge no 476 (juillet-août 2007).

• Dans Cette Semaine no 83 (été 2007), outre les articles ha­bituels sur action et répres­Sion principalement en Eu­rope, un échange au sujet de la Picharlerie, un hameau des Cévennes squatté depuis le printemps 2002 et que son propriétaire a fait détruire en faisant intervenir préfet et gendarmes. Au texte des oc-

cupants, " Un bulldozer est passé près de chez vous ", répond une " lettre ouverte " qui critique essentiellement la référence à la Résistance des squatteurs de " la Pich' "· http://lapicharlerie.in­ternetdown.org. Courriel :la­[email protected] • Dans Le Prolétaire no 484· 485 (mai-septembre) : " La leçon des grèves à Airbus. " • Dans A Contre Courant no 186, août 2007 : "Accord discret entre Mede! et syndi­cats, "Waterloo" du droit so­cial. " Et aussi " Vauve-

nargues et le smic mondial. " • " Les ex-Lustucru refusent de passer à la casserole ", dans La Lettre de liaison du Garas no 19 (2' trimestre 2007) : un ensemble de té­moignages sur cette lutte et ses suites. • Dans la même Lettre du Garas, présentation et extra­its d'une BD :Amiante, chro -

nique d'un crime social( Edi­tions du 7' Choc)

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