Critique Historique

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Introduction à la critique histoire (15h) - Mr Raxhon

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CRITIQUE HISTORIQUE

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PLAN DU COURSIntroduction   : définition, obstacles, paradoxes, problématiques

Chapitre I   : Histoire de l’histoire • différents supports de l’écriture • naissance de l’histoire• 3 pionniers   :

1) Hérodote 2) Thucydide 3) Polybe

• notion de recul : positif et négatif• question de la vision du temps : cyclique et linéaire • transformations du temps   :

1) polythéisme -> monothéisme2) harmonisation du temps3) nécessités pratiques

• naissance de la critique historique

Chapitre II   : Règles de la critique historique 1) HEURISTIQUE• classification des sources :

1) écrites2) figurées3) matérielles4) orales5) audiovisuelles

• problématiques :diversité, distinction entre sources et travaux, précision• peu de sources : Antiquité• trop de sources : époque contemporaine• ennemi des sources : le temps : effets naturels et humains2) CRITIQUE EXTERNE ET CRITIQUE INTERNE• Mabillon• principes   :

1) meilleure copie2) données concernant le copiste3) phénomène de la pente vers la passivité4) originaux lacunaires

CRITIQUE EXTERNE   : 1) qui ?2) quand ?3) où ?4) comment ?5) par où arrive-t-elle ?CRITIQUE INTERNE   : 1) d’interprétation2) de sincérité3) de compétence4) d’exactitude5) contrôle des témoignages• degrés variables de certitudes• 3 types de certitudes

1) hypothético-déductives2) expérimentales par induction3) historico-critiques

3) HERMENEUTIQUE :

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• deux dimensions   : 1) explication2) signification

Chapitre III   : • trois théories du soupçon au XIXème siècle

1) marxisme2) freudisme3) structuralisme

• contre-point :1) positivisme2) technicisme3) histoire nouvelle

• catégories en histoire   : 1) en profondeur : division analytique2) en largeur : division géographique3) en longueur : division chronologique

• concepts en histoire   :

CHAPITRE I: L'HISTOIRE DE L’HISTOIRE

Avec l'invention de l'écriture, il y a passage de la préhistoire à l'histoire. Le souci du temps est à mettre

en rapport avec la nature des supports. Il y a différents supports d'écriture.

Les annales, rédigées par des logographes, sont des ouvrages rapportant les événements dans l'ordre

chronologique, année par année. Elles font mention pêle-mêle d'événements récurrents tels les naissances, les

annonces nécrologiques...

Les généalogies sont l'historique des souverains, des familles régnantes, sous forme de listes. Le temps est divisé

par règne.

Les codes juridiques font allusion à des événements du passé avec un souci de structurer les règles de vie.

Les arrangements religieux rassemblent plusieurs textes, plusieurs histoires légendaires qui font l'apologie du

passé mais pas une représentation rationnelle du passé. C'est donc un passé réinventé pour nourrir la doctrine

religieuse. Par exemple, l'Ancien Testament. Les premiers récits littéraires sont constitués des éloges des chefs,

des rois, pour glorifier leurs règnes au présent. Ceux-ci ont diverses formes telles que des poèmes, des hymnes...

Les mythes sont les témoins de la vitalité culturelle des sociétés. Ils sont riches car ils comportent plusieurs

entrées, plusieurs portées. Leur fonction est d'expliquer le réel, ils donnent une explication globale, non-

analytique. Ils veulent tout expliquer même ce qui dépasse nos sens. Les mythes sont anti-historiques car ils

nient une évolution de l'histoire en se référant sans cesse à un âge d'or.

Les légendes contiennent des éléments de vérité historique amplifiés par la fabulation, l'imaginaire. Par exemple,

la chanson de Roland. Les légendes sont plus souples, plus divertissantes, plus légères, moins explicatives que

les mythes. Elles laissent plus de place à la création littéraire. Les épopées sont des exaltations des faits glorieux

de personnages célèbres. L'histoire est sacrée car elle ne se pose pas certaines questions à savoir, pourquoi cela

s'est-il passé ainsi, que s’est-il réellement passé, quelles sont les causes, comment les causes sont-elles agencées.

Ces questions sont pourtant la nature même de la démarche historienne.

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La naissance de l'histoire se situe au cinquième siècle ACN, en Grèce, dans un contexte de mutations, de

transformations en profondeur, concernées par le phénomène de la rationalité. On découvre l'efficacité de la

raison, qui est un outil pour comprendre et maîtriser le réel. La démarche historienne peut alors prendre corps car

le rationalisme s'appuie sur les sens, sur l'observation. On voit l'apparition de sciences telles que la médecine, la

musique... La philosophie est ramenée sur terre. On invente la morale, au niveau individuel, la question est

comment bien vivre et au niveau collectif, comment je vis avec les autres. C'est le point de départ de la politique,

avec le triomphe de l'idée de cité. L'individu devient un citoyen actif, qui exerce ses fonctions dans la cité, et

concerné par la collectivité, en relation avec les citoyens. C'est le début de la recherche positive et rationnelle

basée sur l'observation analytique.

3 pionniers:

Dans l'Antiquité, il y avait peu de différences entre l'histoire et la rhétorique. Hérodote, considéré comme le père

de l'histoire, est un grec d'Asie Mineure du cinquième siècle ACN, contemporain des guerres médiques (qui

s'achève en 449 avec la victoire des Grecs sur les Perses). Il les étudie dans historia. Il ne s'appuie plus sur des

mythes mais mène une enquête sur ce qui s'est passé. Il voyage, interroge des témoins, observe les coutumes, les

mœurs des populations, constate les différences des climats, des économies, des pensées religieuses... Il adopte

une attitude nouvelle, celle d'aller voir. Le but est de comprendre, de sauver un souvenir. Il avait un sentiment de

l'importance de l'enjeu de ces guerres, il veut leur donner une place à perpétuité dans les mémoires. Il a le

sentiment que les choses auraient pu se passer autrement (révolution mentale) ; idée de la relativité des éléments

du passé. Il ouvre la porte à l'incertitude dans le présent et dans le futur. Hérodote est révolutionnaire car il est

plus difficile de gouverner des hommes dans l'incertitude. Il fait ressortir la question de l'importance d'un sujet.

Les guerres médiques sont importantes pour lui, car il est grec et que ce conflit oppose la civilisation à la

barbarie, la Grèce composées de petites îles à l'empire perse. Toute histoire même avec une volonté rationnelle,

une enquête objective, contient une profonde subjectivité. Toute enquête historique repose sur des idées

préconçues. Mais celle-ci rend l'objectivité en corrigeant les idées de départ et en les modifiant éventuellement.

"Je" part en quête du passé, toute histoire commence par un choix arbitraire et subjectif. L'idée de choix induit

donc l'exclusion de quelque chose. Si on choisit, on rejette, on privilégie, on extrait, mais le temps, l'histoire ne

s'arrête jamais. Quand on rompt la continuité, parce qu'on découpe un sujet, on s'éloigne du temps. C'est un

paradoxe dont l'historien doit tenir compte. Si l'on ne crée pas de hiérarchie, l'histoire est plate, morte. L'histoire-

réalité est inaccessible car le temps nous en sépare. L'histoire-connaissance est le produit de nos choix, est ce que

nous rendons intelligible du passé. Quand un historien fait un choix, il est subjectif car lui-même fait partie de

l'histoire, subit les conséquences de ce qu'il étudie. Il est difficile de ne pas associer nos questions à celles

d'autrefois, de ne pas repérer des analogies, de tirer des conclusions pour l'avenir. Le présent vient polluer,

niveler le passé. Hérodote nous invite à réfléchir sur le fait que la connaissance du passé n'est jamais immédiate,

mais se fait avec des intermédiaires, documents, témoignages, traces... l'histoire est inséparable de l'historien.

L'histoire-connaissance implique la création d'une hiérarchie et provoque donc une rupture dans la continuité de

l'histoire.

Thucydide est un athénien du cinquième siècle ACN, concerné par les guerres du Péloponnèse, qui vont

marquer le déclin d'Athènes. Il avait une haute responsabilité, or il a échoué et a donc été contraint de s'exiler. A

partir de son échec personnel, de sa position d'exilé, il repense les guerres, refait l'historique des guerres, pour

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comprendre les raisons de son échec, en tant qu'acteur et en tant qu'observateur. Il est rationaliste, il veut tout

comprendre tout analyser en profondeur. Il souhaite qu'il n'y ait plus d'échecs dans des situations analogues, il

tire des leçons du passé pour maîtriser l'avenir. Il souligne la fonction sociale de l'histoire, son rôle pédagogique.

Il est nécessaire de comprendre le passé pour ne plus qu'il se reproduise. Il croit que l'histoire qu'il produit est

définitive, que personne ne pourra mieux faire, comprendre, analyser que lui-même. Il transforme l'histoire en un

théorème. Pour sa version définitive du passé, on peut le mettre en rapport avec les positivistes du dix-neuvième

siècle. Thucydide est habité par le rationalisme, il est sûr de la raison. Il a la volonté d'ordonner ce qui est

hétéroclite, n'est pas intelligible.

Polybe est un grec du deuxième siècle ACN, qui vit dans le monde romain. Il veut faire une histoire

universaliste. Il a l'idée d'une histoire globale, totalisante, donc il doit faire de l'histoire comparative. Tous les

événements du passé conduisent à un résultat, le triomphe de Rome est évident, déterminé. Polybe annonce les

philosophes de l'histoire, universelle et totalisante, car il a un point de vue globalisant. Il est influencé par le

stoïcisme ; la raison universelle, associée au tout de l'univers, est supérieure à l'homme, la raison fait l'histoire.

L'histoire-connaissance fait partie de la réalité, elle se transforme en fonction de la réalité, elle n'est pas détachée

de la réalité. L'historien doit regarder le passé avec les sensibilités d'autrefois, pas avec ses propres sensibilités.

L'histoire est une vision changeante, en évolution, un va-et-vient entre le passé et le présent. Hérodote,

Thucydide et Polybe sont tous très proches de l'événement qu'ils racontent. Le recul est positif car, plus on

s'éloigne d'un événement, plus il est accessible, on retrouve des sources, le temps joue en faveur des historiens.

Par exemple, les archives diplomatiques. Le temps permet à l'événement de s'accomplir, il permet une

accumulation de réflexions sur le passé, il permet une certaine sérénité sur l'objet étudié. Le recul est négatif car,

une trop grande sérénité peut amener à l'indifférence, il peut rendre étranger au passé. Il y a ici un paradoxe,

lorsque l'on est engagé, il y a des éléments de subjectivité, et lorsque l'on est désengagé, c'est une source de

mépris, d'indifférence.

L'illusion de la rétrospectivité, c'est le fait de dire que ce qui c'est passé devait nécessairement se passer ainsi.

C'est la projection sur le passé d'un état de fait que ce passé ne pouvait qu'ignorer. Mais en histoire, il n'y a pas

de déterminisme, l'avant n'est pas toujours la cause de l'après. Il ne faut pas confondre la causalité et la

temporalité, un événement n'arrive pas parce qu'il est précédé d'un autre événement.

Transformations du temps:

La représentation du temps est non universelle, non éternelle. Il y a deux grandes visions contradictoires.

A l'Antiquité, c'était une vision cyclique, car tout est cycle : saisons, jour, nuit... La caractéristique fondamentale

est qu'il n'y a ni début, ni fin, et donc provoque une certaine harmonie. Les choses sont inscrites à l'avance. Il n'y

a pas de place au progrès, à l'inconnu de l'évolution, mais bien à l'immuable, à ce qui ne change pas. C'est une

vision à la fois rassurante, car il y a un équilibre, et pesante, car nous fait prisonnier. La transition d'une vision

cyclique à une vision linéaire se passe dans le bassin méditerranéen. Le judéo-christianisme devient religion

d'état et amène le monothéisme. Il n'y a plus qu'un seul dieu, créateur et colérique, les relations se distancent.

Avec la nouvelle vision, tout ce qui est produit est unique, il y a un côté dynamique, irrésistible, incertain,

aléatoire, mais avec des garde-fous, un début, la naissance du monde et une fin, la Parousie, c'est à dire le retour

du Christ sur Terre pour châtier les méchants et sauver le monde. La venue du Christ sur Terre réintroduit la

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dimension cyclique, adoucie par la place du Christ dans le christianisme. Donc, le temps est un peu moins

irréversible, définitif. La vision monothéiste dramatise le temps et l'adoucit. Le moteur de la dynamique linéaire,

c'est Dieu, c'est le moteur du temps et de l'histoire. La dominance de la vision chrétienne va durer jusqu'au dix-

huitième siècle. Avec le siècle des Lumières, le temps va se laïciser. Il n'y a plus de garde-fous, la question du

début est hors réflexion et la fin, elle, n'est plus prévue. La récompense de ce temps dramatisé est la notion de

Progrès, qui est indéfini, ne s'arrête jamais, et continu, s'accélère toujours grâce à la raison. C'est maintenant le

Progrès qui est le moteur du temps et de l'histoire. C'est une révolution mentale, l'homme accepte les risques de

l'incertitude. Exemple: Pascal l'a illustré, il est fasciné par le silence infini et effrayant, mais il accepte son état

par rapport à la grandeur du monde. L'univers est infiniment puissant, tandis que l'homme est infiniment petit. La

différence, c'est que l'univers n'en sait rien. La base du Progrès est la science et la raison. Hegel va rendre plus

complexe, plus saccadée la linéarité du temps, hypothèse, thèse, synthèse.

La question de la datation est inévitable dans les civilisations, car le temps sert de point de repère. Le temps n'est

pas une unité de mesure mathématique. Les temporalités décrites sont variables. La perception est différente de

la partition du temps. Exemples. Le christianisme a unifié notre temps, il a rangé les faits, les événements du

passé, avec un point de repère, la naissance du Christ. En Chine, au Japon, ils avaient une conception circulaire,

les règnes des empereurs organisaient le temps. Dans l'empire byzantin, le cycle de quinze ans était appelé

l'indiction. La datation des Romains se faisait en référence aux règnes des consuls. Chaque civilisation a sa

propre échelle, sa propre référence. Le souci de l'humanité a provoqué une harmonisation du temps, propre de

l'ère chrétienne. Bède le vénérable, moine anglais, au début du huitième siècle, fait opter la chrétienté au comput

fondé sur la naissance du Christ. Le premier document daté en fonction de la naissance du Christ, date de 742.

L'ère chrétienne est généralisée au onzième siècle. Aujourd'hui, la chronologie universelle est fondée sur l'ère

chrétienne. En France, en 1792, le calendrier républicain est imposé. Mais cette tentative n'aboutit pas, la lecture

politique du temps est supprimée par Napoléon, après dix ans de vie.

Naissance de la critique historique:

La critique historique naît à la Renaissance. Il y a une série de changements par rapport à l'époque médiévale. La

notion d'état se renforce, c'est la fin de la féodalité. Il y a une poussée démographique grâce à un stimulant

économique, l'agriculture. C'est aussi le moment des grandes découvertes qui provoquent un changement sur la

définition que l'homme se donne, sur le rôle de l'Europe. Le protestantisme crée une zone de rupture,

l'omniprésence du catholicisme est ébranlée. Avec les progrès de la science, on s'interroge de manière

scientifique sur le corps humain et sur les corps célestes. Les humanistes sont des érudits, qui ont beaucoup de

connaissance sur la culture de leur temps. Ils veulent rajeunir la culture par la recherche d'exemples dans

l'Antiquité. Les humanistes sont des individus tournés vers le passé, ils recherchent dans le passé des critères, des

valeurs pour le présent. Ils se revendiquent chrétiens, ils ne veulent pas reproduire l'Antiquité, ils savent qu'elle

est morte. Les sources transfugent par les moines, les copistes du Moyen-Age, sans eux, beaucoup de sources

auraient disparu. Les humanistes développent des techniques très précises pour travailler sur ces sources, qui

sont la seule passerelle avec l'âge d'or. Leur cri de guerre est ab funtes.

CHAPITRE II: LES REGLES DE LA CRITIQUE HISTORIQUE :

L'heuristique:

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Il faut respecter l'ordre des étapes pour aboutir à la synthèse. La première étape est l'heuristique qui est

la recherche des sources, des documents...Il faut les collecter systématiquement avec conscience de leur

diversité. Il y a cinq catégories de sources, les sources écrites, figurées, matérielles, orales et audiovisuelles.

Les sources écrites ont toujours une destination, une intention à transmettre. Les sources diplomatiques

remplissent un rôle déterminé dans la vie administrative ou juridique. Elles émanent d'une autorité et sont

soumises à un contrôle. Exemple de textes législatifs, les lois, décrets, ordonnances, circulaires, de textes

judiciaires, les jugements, de textes administratifs, rapports officiels, documents de comptabilité, registres

paroissiaux. Les sources narratives sont établies pour informer. Leurs buts sont littéraires, scientifiques,

politiques, publicitaires...Il y a trois catégories. Les œuvres historiques sont des récits de souvenir, des récits de

vie. Les œuvres de fiction sont importantes pour saisir le climat d'une époque, les conceptions d'une société. Les

documents d'information immédiate sont la presse, les discours politiques, la correspondance privée. Les sources

figurées comprennent les tableaux, les dessins, les sculptures, les cartes, les plans. Les documents

iconographiques sont porteurs de sens, donc documents en soi. Les documents cartographiques sont importants

pour comprendre le dix-huitième siècle. Les plans d'architecture donnent une foule d'informations. Les sources

matérielles sont involontaires et très variées, objets de vie quotidienne, sépultures, restes alimentaires,

bâtiments... Les sources orales sont plus importantes aujourd'hui, car on peut les fixer sur un support, par

exemple, interviews, dépositions, enquêtes orales, discours. Les sources audiovisuelles sont des témoignages

particulièrement saisissants. La diversité des sources a amené une collaboration entre les disciplines, on a recours

aux sciences auxiliaires.

L'Antiquité est relativement approximative au point de vue documentaire. Exemple à propos de la naissance de

Jésus Christ. Aucun document ne donne la date exacte, ne donne la preuve de sa naissance. En 1947, on

découvre des manuscrits dits de Qoumrân près de la mer Morte : un puissant groupe religieux pré-chrétien a

vécu là où Pline nous le montrait. L'histoire des esséniens constitue un chapitre important de l'histoire juive. Les

esséniens sont les membres d'une secte ascétique juive contemporaine des origines chrétiennes. Les premiers

chrétiens ne comptent pas les années en faisant référence à la naissance de Jésus-Christ mais à la fondation de

Rome. Au sixième siècle, un moine Denys le petit s'efforce d'établir la date de naissance de Jésus. Il se réfère

aux évangiles de Luc car il écrit que Jésus a été baptisé en l'an quinze du règne de Tibère, mais il se trompe sur

la date et Jésus est baptisé à environ trente ans. Sa naissance est donc antérieure de plusieurs années, il y a une

différence de 4 ou 5 ans. A l'Antiquité, il a une ou peu de sources. Exemples de manuscrits uniques. Sur

Alexandre le Grand, l'anabase d'Arrien, on n'a pas l'original du texte mais un manuscrit datant de 1200, et toutes

les copies dérivent de ce manuscrit. La constitution d'Athènes d'Aristote. L'histoire de Polybe. La vie des douze

césars de Suétone. Germanie de Tacite. Par contre, à l'époque contemporaine, il y a une masse de sources,

parfois trop et donc on doit faire une sélection. Le temps est l'ennemi des sources. Il y a des effets naturels, les

documents sont périssables, les papiers sont éphémères. Les effets humains sont des accidents, des

bombardements, des fuites, des vols, des destructions systématiques dictées par l'économie, manque de place, la

politique, l'industrie... Pour ce qui est des documents manuscrits, leur conservation est aléatoire. Les fonds

d'archives sont une accumulation de sélections. Le désir de conserver des archives remonte loin. Exemples.

Sanshi-Addu, roi de Mari, archives datant du deuxième millénaire ACN, constituées de vingt mille tablettes

d'argile. En Grèce, les comptes publics, les inventaires étaient gravés sur la pierre. En Egypte, grâce aux bonnes

conditions climatiques, le support des documents officiels était le papyrus. On recyclait les archives pour

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l'embaumement. Au Moyen-Age, on laisse une grande place aux procédures orales, et peu de place aux textes

écrits. On a retrouvé une quarantaine de documents, comme des diplômes, appartenant aux mérovingiens. Du

douzième au seizième siècle, le désir d'archives devient beaucoup plus manifeste, surtout dans les chancelleries

et dans les établissements religieux. Par exemple, contrats, testaments, chartes, recueils de documents appelés

cartulaires. Au seizième siècle, apparaît un nouveau concept, celui d'archives d'état. Philippe 2, répondant à un

besoin de centralisation, est le premier à organiser un dépôt d'archives de cet ordre-là. Le but est de rendre plus

efficace le gouvernement. Au dix-septième siècle, on publie les premiers traités d'archivistes. En 1789, les

premières archives nationales, municipales, sont à disposition de la nation consultables par tous, seul restriction,

la durée. Les institutions publiques sont obligées de déposer leurs archives quelque part. Les dépôts d'archives

prennent des envergures énormes. Par exemple, la France a une politique d'achat agressive, elle achète tout ce

qui a attrait à la France. Les documents imprimés forment une masse impressionnante. Le recours à

l'informatique est devenu fondamental. Avant, ils étaient en papier-chiffon, mais maintenant, ils sont en fibre de

bois et comportent certains désavantages. Des impuretés se transforment en acide sulfurique. Tous les ouvrages

du dix-neuvième siècle sont condamnés à disparaître dans 150 ans sauf s’ils reçoivent un traitement chimique

approprié. Les archives sonores, provenant du phonographe d'Edison de 1877, sont très rares car détruites. Après

1945, il y a une abondance de documents sonores. Il faut faire très attention à la manipulation des archives

sonores. Exemples. Le 4 juin 1940, Churchill lance un appel radiodiffusé sur la BBC, nous combattons sur les

plages, nous combattons sur les collines, nous ne nous rendrons jamais. En fait, c'est un acteur professionnel qui

a imité l'auteur du texte. Sous la présidence de Nixon, enregistrement de conversations secrètes à la Maison

Blanche, après cambriolage du Water-Gate, Nixon a dû remettre les enregistrements, transcriptions. Nixon

démissionne en août 1974. La première photographie date de 1822, et les premières archives illustrées datent de

1910. Elles peuvent être sujettes à des trucages. Exemple. Trotski a disparu de toutes les photos officielles. Les

archives cinématographiques peuvent être, elles aussi, soumises à des falsifications. Exemple. En 1967, lors de la

guerre israélo-arabe, la T.V. égyptienne diffuse des images de Tel-Aviv en flammes. En fait, ça ne s'est pas

passé.

La critique externe et interne:

La critique externe et interne est une opération de tri, de sélection, de choix. Un document ne se contente pas

de parler, il faut s'interroger sur son origine, sa validité, sa provenance, sa forme, son poids, son utilité... Lorsque

l'on choisit une seule copie parmi plusieurs, recensio. Lorsque l'on restaure une seule copie d'un original perdu,

emendatio. Les problèmes des copies sont liés aux copistes, aux circonstances de la rédaction, et donc, les copies

ne sont pas toujours fidèles à l'original. Mabillon est un bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, en relation

avec le monde des copistes. Il est amené à se pencher sur la question des sources, sur la validité des archives,

pour une raison d'actualité, une raison politique. Un ordre, les bollandistes, avec à leur tête Papenbroch,

remettent en question la légitimité des bénédictins. On publie De Re Diplomatica, qui énonce un certain nombre

de règles pour analyser les originaux et leurs copies. Il fonde la diplomatique, qui est la science qui étudie

l'authenticité, l'âge, la valeur historique, l'origine des documents officiels, chartes, diplômes, actes... Quelques

principes. Une copie ne doit pas son autorité à l'aspect ancien sous lequel elle nous est parvenue. Le risque

d'erreur dans une copie est proportionnel au nombre des intermédiaires entre l'original et cette copie. Le stemma

codicum est la généalogie des étapes de textes. Le temps ne change rien, ce sont les copies intermédiaires qui

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font la différence. Les plus récentes ne sont pas nécessairement les plus mauvaises. Recientores non deteriores.

Il faut connaître des données concernant le copiste en tant qu'homme, ses qualités, ses défauts... Mieux vaut un

ignorant, qu'un qui corrige. Il faut aussi être attentif au phénomène de la pente vers la passivité. Quand il y a des

variantes entre des copies, il faut choisir le terme le plus difficile, le moins courant. La lecture la meilleure est la

plus difficile. Lectio melior, lectio difficilior. La lecture globale ne connaît que des erreurs facilitantes.

Exemples. On a peu de documents intimes concernant Luther, mais quand même quelques lettres. Il y a eu une

mauvaise interprétation, juste à cause de deux lettres. Un traducteur anglais étudie des poèmes d'Appolinaire, et

se trompe sur un mot. Que doit-on faire quand un original est abîmé ou lacunaire ? On peut rétablir le passage en

le signalant aux lecteurs, ou aussi, écrire sic, signalant que l'on a vu la faute mais qu'on ne la change pas.

La critique externe:

La critique externe est une opération qui cherche à déterminer l'authenticité ou la provenance d'un

document. Un document authentique est un document qui provient bien d'où il prétend provenir, est un document

qui sort bien des mains de son auteur. Un document qui n'est pas authentique est un document apocryphe. Il y a

trois exemples célèbres. La donation de Constantin, empereur roman du quatrième siècle, qui fait du

christianisme une religion d'état, est un acte octroyant au pape Sylvestre 2, des territoires et le pouvoir sur cet

espace. Ainsi, le pouvoir spirituel et temporel est légitimé par la donation de Constantin. Mais au quinzième

siècle, Laurent Valla par la critique historique remet en question l'authenticité du document. C'est un document

qui a été fabriqué par les juristes du pape au douzième siècle. Le protocole des sages de Sion est un compte-

rendu édité d'une réunion secrète avec les élites juives mondiales. En fait, il n'y a jamais eu de réunion d'élites

mondiales. Ce document a été fabriqué par la police du tsar mais a servi aux thèses antisémites. L'affaire Dreyfus

repose sur un document faux. En juillet 1794, Robespierre tombe. La coalition, nostalgiques du royaume,

révolutionnaires plus extrémistes, publie les mémoires authentiques de Robespierre. Mais, en fait, c'est un

document faux qui va nourrir le discours anti-révolutionnaire, faisant de Robespierre, un monstre hypocrite, qui

voulait devenir à terme le souverain de la France. Les documents apocryphes sont actifs, même dénoncés. Ils

peuvent donner de l'information, sur le climat de l'époque, sur les faussaires, sur les intentions... Ils ont aussi leur

place en histoire. La critique externe concerne cinq questions. Qui a rédigé le document ? Il n'est pas toujours

évident de déterminer l'auteur. Exemples, faussaires, attribution de textes à des auteurs morts, homonymes,

changements de noms, anagrammes, pseudonymes... Quand le document a-t-il été rédigé ? Difficile aussi, car

l'usage de dater est relativement récent. Le calendrier grégorien date de 1582. On peu t identifier un document

dans le temps avec le C14, qui émet de la radioactivité présente dans les organismes vivants, et décroît au fil du

temps. On sait déterminer l'âge à 150-300 ans près. Pour les objets métalliques, on utilise la méthode de

thermoluminescence. Le terminus ante quem, c'est la limite avant laquelle le document doit avoir été écrit, et le

terminus post quem, c'est la limite après laquelle le document ne peut pas avoir été écrit. Où le document a-t-il

été rédigé ? La détermination du lieu de rédaction du document cause plusieurs problèmes, car les noms des

lieux changent. Quelle est la forme du document ? lettre, diplomatique, narratif... Exemple : Un titre juridique

sur une propriété foncière, le propriétaire fait une copie de ce titre pour avoir un double, et il perd l'original. Il

reste le faux, qui est quand même authentique car il provient bien d'où il prétend provenir, il y a là un paradoxe.

La critique interne:

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Après la critique externe, la critique interne pose le problème de la véracité, de la crédibilité d'un

document. Ici aussi, il y a différentes étapes. La critique d'interprétation est l'étape où l'on cherche à savoir ce

que l'auteur a dit et ce qu'il a voulu dire. Il faut tenir compte de l'époque, du pays, su milieu, du contexte, et de la

langue de l'auteur, de ce que lui, attribue comme définitions et sens aux mots. Le concept est un mot et une

réalité, ils n'ont pas le même statut. Il faut se contenter du texte, de ce qu'il contient. On est souvent tenter de

comprendre ce que l'auteur a voulu dire avant de constater ce qu'il dit. La critique de compétence est l'étape, qui

consiste à déterminer dans quelles conditions, l'auteur à élaboré son témoignage et, s'il était à même de

comprendre ce dont il parle et, de l'appréhender correctement. L'auteur d'un témoignage peut être direct,

oculaire, il peut décrire sans comprendre...Le témoin peut également écrire son témoignage d'après d'autres

témoignages. Ephore disait que le maximum de crédit doit être réservé aux écrivains contemporains des faits

qu'il racontent. L'abondance de détails précis dénote un témoin bien informé, s'il s'agit d'un fait proche, tandis

qu'elle nous met en défiance contre le narrateur d'un passé lointain. Plus un témoin est éloigné des faits qu'il

rapporte, et plus les détails sont suspects et vice versa. La critique de sincérité cherche à savoir si l'auteur est

sincère ou s'il ne travestit pas son exposé pour différentes raisons. Elle contrôle les enjeux du témoin. Il y a

diverses raison de travestissement volontaire ou non. L'auteur peut avoir intérêt à mentir même dans les actes

officiels. Il faut être vigilant à la relation entre l'autorité et les subalternes. Il peut y avoir une altération de la

vérité de la part de l'auteur, car il est contraint à mentir, parce qu'il est dans les positions contraires aux règles

habituelles, par exemple, il peut antidater les documents. Mais aussi, par sympathie ou antipathie, par vanité, par

conformisme, au nom d'une esthétique...Les faux témoignages ne sont jamais à jeter car ils donnent des

renseignements sur l'auteur et sur l'époque. La critique d'exactitude cherche à déterminer les cas d'erreurs

involontaires, qui peuvent être d'ordre culturel, on ne voit pas tous la même chose. Les préjugés, les stéréotypes

évoluent à travers le temps. Dans la presse d'informations, des témoignages sont parfois anticipés. Les auteurs

affirment parfois un fait dont ils ne peuvent avoir eu connaissance, et parfois encore, ils sont induits en erreur par

eux-mêmes. Le contrôle des témoignages compare le contenu d'un témoignage avec d'autres témoignages

indépendants. Aucun témoin n'est absolument fiable, mais tout témoin est recevable. Dasn le cas d'un témoin

unique, l'adage juridique, testis unus, testis nullus, n'a pas sa place en histoire. Ce qui importe, c'est voir s'il faut

croire ou ne pas croire un témoin. On accorde donc une créance raisonnable aux affirmations d'un témoin qui

semble digne de foi. La question du contexte à connaître est indispensable. Il faut connaître le témoin le plus

profondément possible, les circonstances dans lesquels les témoins ont été établis. Dans le cas de témoins

multiples, il est toujours dur de résoudre un problème, lorsque les témoins se contredisent. Le nombre de témoins

ne fait pas la valeur, il faut les peser et non les compter. Non numerentur sed ponderentur. L'idéal pour

l'historien, c'est d'avoir une concordance dans le fond de témoignages, avec une différence de certains détails.

L'argument du silence est déduit du silence gardé à son sujet dans les documents contemporains du fait en cause.

C'est le fait d'invoquer le silence des sources comme preuve de l'inexistence d'un fait. Pas de témoignages, donc

pas de faits. Cet argument est pertinent s'il réunit certaines conditions. Il faut avoir vu toutes les sources. Il faut

qu'un fait ait été lisible aux contemporains de l'époque, qu'il soit considéré comme suffisamment important. Il

faut que les contemporains d'un fait aient eu la possibilité de connaître le fait. Les certitudes expérimentales par

induction sont obtenues dans le cadre de la répétition d'une expérience, dans les mêmes conditions, en donnant la

Page 11: Critique Historique

possibilité d'une contre-enquête. Les certitudes historico-critiques sont fondées sur le discernement de la valeur

du témoignage. On a de la connaissance du passé que par des intermédiaires, et donc on doit faire acte de foi,

plus de l'ordre du croire, moins de l'ordre du voir.

Le but de ces démarches est de dégager des certitudes. En histoire, les certitudes ont une couleur particulière, à

degrés variables, qui vont du certain au douteux. Le possible est ce qui en soi peut exister amis le possible varie

selon les critères culturels d'une époque à l'autre. D'autre part, ce qui est possible ne signifie pas l'existence de

traces. Le probable est ce qui possible mais nous avons des indices réels, qui sont des éléments de preuve non

suffisants pour des événements certains. Les événements possibles ou probables peuvent entraîner un débat de

fond inépuisable. Le vraisemblable est ce qui nous semble vrai en fonction de certains critères de subjectivité,

qui peut être totalement imginaire. Ces différents degrés exigent l'auto-critique. Il y a trois types de certitudes.

Les certitudes hypothético-déductives sont obtenues par les mathématiques, la déduction, sont la conclusion

s'impose à tout le monde de façon certaine.

L'esprit critique doit être vif, mais parfois, lui aussi est sujet à critique, il n'est pas un référent absolu. Il a une

histoire et connaît ses dérivés et ses excès. On atteint l'hypercritique quand on a franchi la frontière entre le doute

méthodique et le doute hyper-méthodique. C'est une méfiance systématique, paralysante et excessive, qui a

également une histoire. Marshall, Ardouin, ont énoncés des principes hypercritiques comme, tout document est

faux jusqu'à preuve du contraire, un document est plus suspect s'il est plus ancien. L'hypercritique peut être au

service d'une politique, par exemple le négationnisme, qui prétend reposer sur une démarche scientifique en

mettant en doute systématiquement les témoignages, le travail d'enquêteurs...

L'herméneutique:

La troisième étape de la méthode critique est l'herméneutique ou critique d'interprétation. Il faut tenir compte de

deux dimensions : l'explication et la signification. Expliquer, c'est comprendre par les causes. La causalité

implique des rapports entre des phénomènes, c'est à dire ce qui apparaît à nos sens. S'il y a un rapport entre

antécédent et conséquent, il y a temporalité. Mais en histoire, la causalité est de l'ordre du contingent, de ce qui

arrive, et non du nécessaire. La causalité est multiple, elle dégage des possibilités, et il est impossible d'en faire

la liste complète. Il y a parfois les même effets, mais jamais les mêmes causes. La variété d'enchaînement de

causes empêche les lois scientifiques. Les causes premières sont souvent les plus évidentes. Exemples.

Robespierre meurt le 27 juillet 1794 parce que la Convention a voté son arrestation. C'est la cause première, mais

il y a plusieurs causes sur le pourquoi de ce vote. Les causes sont difficiles à déterminer. Exemple. Les causes

lointaines de la guerre 14-18, sont la rivalité économique et navale entre l'Angleterre et l'Allemagne, l'hégémonie

militaire de l'Allemagne, les agissements des pangermanistes, l'esprit revenchard de la France, les ambitions

russes vers la Méditerranée, le Congrès de Vienne où est restructuré le continent européen après la défaite de

Napoléon. Les causes proches sont la politique agressive de l'Autriche-Hongrie dans les Balkans, la rupture de

l'équilibre européen, la paix armée qui règne en Europe, le désir des Allemands d'une épreuve de force,

l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand par un fanatique serbe à Sarajevo le 28 août 1914. Il est nécessaire

de hiérarchiser les causes pour faire ressortir la dimension intelligible de l'histoire. Exemple. Les débats sur le

génocide pendant la deuxième guerre mondiale. La question des causes peut orienter l'un ou l'autre perspective

Page 12: Critique Historique

dans une certaine direction. Les historiens intentionalistes disent que le projet du génocide existe depuis Mein

Kampf et que dans les années trente, est mise en place l'idéologie hitlérienne. Hitler est donc le moteur de

l'histoire. Pour les historiens fonctionnalistes, le génocide a germé dans le projet des premières difficultés

militaires sur les fronts de l'est, ainsi que l'idée de la solution finale. Hitler n'est qu'un des éléments, il est inséré

dans un processus d'une Allemagne nazifiée et démilitarisée. Les causes ne sont pas en soi des causes, elle

doivent être articulées à autre chose.

La deuxième dimension est la signification, la question du sens, du dégagement de sens. La signification doit

être propre au contexte étudié. Entrer dans la logique de l'autre est encore plus difficile dans le passé. Il faut

s'impliquer pour assimiler la signification, il y a une inévitable transposition de sens. L'historien est soumis à son

propre système d'interprétation. Les documents sont donc des barrières qui nous empêchent de divaguer,

néanmoins, la traduction est une trahison inévitable. L'histoire ne dira jamais la vérité mais c'est une traduction

momentanée du passé par le présent. L'histoire dit les vérités d'autrui, ce que les hommes ont tenu pour vrai, ce

qui est appréhendé dans la mesure où ce que je tiens pour vrai est compatible avec le passé. L'obstacle est le

temps, qu'on peut corriger par les documents et la sympathie, ouverture d'esprit, générosité. La compréhension

implique la complicité, la sympathie.

CHAPITRE III:

Le dix-neuvième siècle est le siècle de l'histoire, les révolutions intellectuelles viennent peser sur les

conceptions de l'histoire, c'est le siècle où l'on réfléchit sur l'homme à travers différentes philosophies. Se mettre

dans la peau des hommes d'autrefois, pour connaître leurs intentions, leurs motivations, est devenu insuffisant.

L'historien a donc intérêt à se pencher sur les théories du soupçon. Ce sont des approches qui prétendent déceler

les motivations inconscientes des individus, qui complèteraient un premier travail de recherches des

significations apparentes des hommes d'autrefois. Il y a trois moments forts de la pensée contemporaine, trois

pistes explorant les inconscients individuels et collectifs, les espaces inconnus ou non révélés par les hommes

d'autrefois. Leur point commun est la volonté de dépasser les apparences, ce qui est tentation et risque pour

l'historien qui lui est soumis aux documents.

Karl Marx, philosophe, économiste et homme politique allemand, subit une triple inspiration, philosophique, la

dialectique d'Hegel, politique, les théoriciens socialistes français, et économique, l'économie politique

britannique. Il élabore une approche des faits historiques et sociaux qui fait de la lutte des classes un principe

d'explication, et accorde au prolétariat un rôle émancipateur de l'humanité. Marx a avant tout sous les yeux, la

société industrielle de son temps. C'est une société très dure, très rude, de la mécanisation totale, qui intègre les

nouvelles conceptions du travail. Les ouvriers sont remplaçables facilement, les machines, infatiguables, ont pris

le pas sur les individus. Au nom de la productivité, il faut soumettre l'homme à la machine et non le contraire. Il

constate l'apparition d'une nouvelle classe sociale, la classe ouvrière. Les premières théories socialistes,

utopiques sont inspirées du romantisme, elles pratiquaient l'analyse comme au dix-huitième siècle. Les idées

libérales sont issues de la Révolution française. Marx ne veut pas attaquer racines du mal sans comprendre les

racines. Mais il faut aller plus loin que les apparences pour découvrir les motivations cachées. Il est pour un

travail de fond sur sa société et les différentes périodes qui précèdent, il constate qu'il y a des constantes dans

l'histoire, des luttes de classes, récurrentes, qui changent de forme et d'apparence. Il distingue les infrastructures,

rapports de forces économiques, des superstructures, apparences d'une société, la religion, la culture, la politique,

Page 13: Critique Historique

pour masquer la réalité des rapports de force. La vraie historie est à déceler dans les rapports d'opposition entre

dominants et dominés, entre ceux qui détiennent les moyens de production et ceux qui ne possèdent que leurs

forces de travail. Il faut la déceler dans l'histoire non-apparente, inavouée. Les dominants sont à l'origine des

superstructures, ils construisent des masques, ils entretiennent l'exploitation des dominés. La culture est un

paravent. La religion est l'opium du peuple. Les discours religieux sont des illusions, pour éviter que les dominés

ne prennent leur sort en mains. L'histoire est dialectique, à chaque époque, il y a des tensions entre dominés et

dominants, qui sont dépassées à l'annonce de nouvelles tensions, qui elle-mêmes seront dépassées...Marx assigne

un sens à l'histoire, la dictature du prolétariat, qui abolira les rapports de forces.

La deuxième révolution de la pensée est le freudisme. Freud est un psychiatre, neurologue autrichien, qui fonde

la psychanalyse. Il s'interroge sur l'origine des troubles mentaux. Sa technique repose sur l'idée que la conscience

n'est pas tout, elle doit tenir compte d'autres dimensions comme l'inconscient. la passerelle entre les deux, est le

rêve. On explore donc l'inconscient par l'analyse des rêves. Les troubles du comportement sont dus à des

pulsions inconscientes, qui ont pour origine, des refoulements et des comportements inavouables aux yeux de la

morale ou de la culture. L'inconscient est tellement puissant qu'il détermine les comportements de l'individu. La

vérité de l'être n'est pas seulement dans ce qu'il dit mais aussi dans ce qu'il ne dit pas. Les historiens vont

maintenant tenir compte de ce qu'ils ne disent pas, ils vont essayer de trouver des méthodes pour accéder à cet

inconscient. C'est la voie ouverte vers une dimension nouvelle de l'histoire, à l'interprétation de motivations

cachées. Freud tente lui-même de pousser des recherches et des investigations, vers les grands problèmes de

civilisations.

Le troisième courant est le structuralisme. Le structuralisme définit les faits à partir de structures invariantes

dont on peut tirer un modèle. C'est une méthode d'analyse qui trouve son origine dans les travaux des linguistes,

dans l'analyse des mots et des formes verbales. Le principe est qu'un mot n'est pas qu'un mot. Cette méthode

inspire d'abord les anthropologues. La culture extra-européenne est codée, le comportement répond à des règles

strictes que les individus ignorent. Ici aussi, la vérité est cachée, elle renvoit à un au-delà de la réalité apparente.

La quête de l'arrière-scène de l'histoire va motiver les historiens. Cette méthode est pleine de pertinence, mais

comporte certains dangers. L'effet de mode et de séduction. Quand on est grisé, on a tendance à faire une grille,

un système d'analyse exclusif. On a une clé mais jamais l'ultime clé. Deuxième danger, le viol de document, c'est

à dire, comprendre un document en y appliquant une grille de lecture pour aller au-delà du document. Il est

dangereux de malmener le document, de faire ressortir de ce document ce qui n'est pas inscrit, de projeter dans

un document son propre inconscient du présent.

Le contre point   :

Le contre-point à ces nouvelles perspectives est dominé par le positivisme. Le positivisme est le système

d'Auguste Comte, qui considère que toutes les activités philosophiques et scientifiques doivent s'effectuer dans le

seul cadre de l'analyse des faits réels vérifiés par l'expérience, et que l'esprit humain doit se borner à formuler les

lois et les rapports qui s'établissent entre les phénomènes. Il développe la religion du fait et du document, le

document et rien que le document. Il est lié au contexte même du dix-neuvième siècle, révolutions industrielles,

explosion du rationalisme, envol des sciences exactes. Le positivisme est en réaction contre le romantisme, il

trouve ses origines dans l'empirisme et le rationalisme. L'empirisme est la recherche, par les sens, des faits,

comme des objets indépendants, qu'on peut rassembler comme des briques pour construire l'histoire, et

Page 14: Critique Historique

l'architecte serait la raison. Le rationalisme permet l'articulation entre les faits pour dégager des lois en histoire.

La forme extrême est le scientisme, qui est la tendance qui consiste à n'accorder de valeur qu'au savoir

scientifique et à attendre de la science seule la satisfaction des besoins matériels, intellectuels et moraux de

l'humanité. Le scientisme a une confiance totale dans les infinies possibilités de la science. Les nouveaux pays se

cherchent une identité à travers l'histoire. Le positivisme joue un rôle dans la formation des identités nationales,

en se forgeant sur une histoire événementielle, énumération méthodiquement construite des faits historiques. Les

faits sont les faits, ils s'articulent entre eux. On révèle des faits grâce aux documents, on dégage des lois. Le

positivisme est réductionniste, le champ historique est limité à l'histoire politique, diplomatique et militaire.

Cependant il y a quelques apports, à savoir, le développement du travail professionnel de l'historien car, on

publie de grands recueils de sources, de matériaux de base et on forme des séminaires.

Le technicisme est en réaction au positivisme et, est initié par Fustel de Coulanges. Il souligne l'illusion du

positivisme qui dégage des lois à partir de faits comme si les faits existaient indépendamment des autres. Mais il

retient l'importance accordée aux documents et aux sources de qualité. Il dit qu'il ne faut pas être dupe de la

notion de fait historique car l'homme est lié au temps, caractéristique inévitable, irréversible, seul le présent est

réel. On ne rencontre pas de faits historiques. Le fait historique à l'état brut est une notion fallacieuse, c'est déjà

une interprétation, soumise à d'autres interprétations. Y a-t-il une irréductible subjectivité ? pas tout à fait, car en

perdre conscience, c'est déjà une manière d'y répondre. L'historien renonce à des représentations chaotiques du

passé, il se situe grâce aux documents dans une certaine fourchette d'interprétation. La subjectivité est sous

contrôle.

La nouvelle histoire, terme de Henri Berr, est l'étape suivante qui tient compte des sensibilités du dix-neuvième

siècle. Nouvelle, car elle a cherché à renouveler la problématique de l'histoire. Comment aborder le passé en

tenant compte des différentes disciplines en sciences humaines qui, début du vingtième siècle, prenaient aussi

leurs marques, comme la sociologie, l'anthropologie, la psychologie, la géographie...Une des caractéristiques de

la nouvelle histoire va donc être, l'interdisciplinarité. L'histoire nouvelle retient une double dimension

fondamentale de deux démarches en sciences humaines, de la géographie humaine, interaction entre l'homme et

le milieu, et la science économique et sociale, en liaison avec l'apport du marxisme, l'économie est le moteur de

l'histoire. La théorie des cycles économiques est empruntée aux économistes. L'économie est faite de cycles, de

crises pas nécessairement perceptibles des contemporains. L'histoire est construite en fonction de ses cycles

économiques, et est pertinente que s'il y a le concept de longue durée, une idée d'un temps long, quasi-immobile,

celui des structures matérielles, géographiques et techniques, s'opposant aux temporalités plus courtes de

l'échange économique ou à la rapidité de l'action politique et militante. Il faut du recul pour pouvoir analyser un

fait historique. Les crises, les faits historiques sont a posteriori, non perceptibles des contemporains. Les

phénomènes historiques doivent être étudiées en dégageant sur le temps long, des grandes structures sociales,

économiques, démographiques...Le concept de longue durée est nécessaire pour appréhender correctement les

mouvements de fond de l'histoire. L'histoire nouvelle est une histoire totale, qui fait appel à toutes les sources

possibles : écrites, matérielles..., qui utilise les sciences auxiliaires, qui aborde des thèmes non limités et

nouveaux. Un des premiers ouvrages de l'histoire est Montaillou, village occitan de 1294 à 1324 d'Emmanuel Le

Roy La Durie. La méthode le l'auteur est intéressante, il a choisi une période brève, un espace ciblé, il traite de

toutes les sources possibles, il révèle les évidences et les apparences d'une petite population, il aborde l'histoire

Page 15: Critique Historique

des mentalités, ce que les hommes ont fait et pensé et pensé qu'ils faisaient. La nouvelle histoire est fondée à

partir d'une revue les annales d'histoire économique et sociale en 1929, par Lucien Febvre et Marc Bloch. Leur

objectif est de ne pas limiter l'histoire à l'histoire bataille, politique, événementielle...Ils proposent un

élargissement du champ de l'histoire. Après la deuxième guerre mondiale, le titre change et devient les annales,

économies, sociétés, civilisations, au pluriel, car parle des hommes, pas de l'homme. Le mot civilisation a un

autre sens que au dix-neuvième siècle. Au siècle des Lumières, ce mot renvoie à un modèle de civilisation, la

société française ou européenne où la raison est triomphante, la liberté défendue, la science, l'avenir de

l'humanité. Civilisé veut dire policé. Conséquence, au dix-neuvième siècle, ça justifie les entreprises coloniales

européennes. Avec les progrès de l'anthropologie, et le contact avec des sociétés extra-européennes, le concept

de civilisations englobe différentes formes d'organisations humaines dans le présent et le passé, qui en fonction

de l'environnement naturel, s'adaptent. Ce n'est plus l'apologie d'un modèle de civilisation mais l'existence de

civilisations qui ont toutes leurs particularités. Il n'y a plus de hiérarchie entre les civilisations mais des modèles

de sociétés que l'histoire fait évoluer vers une direction ou une autre. La civilisation est la combinaison entre le

domaine spirituel et matériel. La vision des annales est en opposition avec des historiens comme Toynbee, qui

dit que dans l'histoire de l'humanité, il est possible de faire une distinction entre 21 civilisations et 650 sociétés

primitives qui n'avaient pas atteint le stade de civilisations. Il élabore une hiérarchie que l'histoire semblait

confirmer, un petit nombre de civilisations et un grande nombre de sociétés primitives. L'histoire des

civilisations est vitaliste, car les sociétés, les civilisations, naissent, se développent et meurent. L'histoire est un

mélodrame. La nouvelle histoire est une histoire à thèmes, à problèmes comme la mort, les sentiments religieux,

les croyances, exemple : le problème de l'incroyance au seizième siècle, la religion de Rabelais, de Lucien

Febvre. Toutes les sources sont nécessaires, les approches sont multiformes pour tâter la dimension du passé,

discours, représentations iconiques, cérémonies, médecine...Voltaire en 1744, entrevoit les fondements de cette

nouvelle histoire dans les Nouvelles considérations sur l'histoire, donc il faut l'apport des économistes, qui

donnent leurs points de vue sur l'histoire. François Simiand dénonce les trois idoles de la tribu des historiens,

l'idole politique, l'idole individuelle, faire de l'individu le personnage principal, l'idole chronologique, s'en tenir

exclusivement aux événements qui se succèdent. Les historiens sont invités à passer du singulier aux relations

stables, aux phénomènes réguliers pour y dégager de véritables lois, des systèmes de causalité. Les historiens en

tiennent compte avec excès parfois, ils octroient une place surdimensionnée à l'économie, qui nie complètement

l'événement. Les historiens de la nouvelle histoire essaient de produire une histoire équilibrée, par exemple, la

méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe 2, de Fernand Braudel. Il propose trois niveaux

d'analyse. Le premier cadre est le temps immobile de la géographie, les forces permanentes antérieures ou

postérieures au seizième siècle, contenues dans la géographie, la géopolitique de la Méditerranée. Le deuxième

cadre est le temps long de l'économie, les forces impersonnelles qui agissent dans le seizième siècle, qui font

ressortir un contexte. Le troisième cadre est le rythme rapide de la guerre et du politique, c'est à dire les

événements, tumultueux, qui tiennent compte d'une donnée, le hasard, qui fait aussi l'histoire.

Les catégories en histoire   :

Faire des catégories est une manière de mettre de l'ordre dans les idées, de ranger les faits historiques. L'histoire

est une discipline sans vocabulaire technique propre. Une histoire événementielle et linéaire est facile à

construire quand il n'y a qu'une seule société mais lorsque plusieurs sociétés sont en contact, c'est plus complexe.

Page 16: Critique Historique

Avec les grandes conquêtes d'Alexandre, les civilisations qui étaient séparées les unes des autres, découvrent

qu'il y a une autre histoire que la leur et sont maintenant rassemblées dans un empire. Les historiens ont besoin

de catégoriser pour ne pas être disparate, de découper dans la densité du matériel historique.

La division en profondeur ou analytique est la plus récente. Voltaire avait déjà la vision d'une histoire

thématique, avec le principe des tiroirs. C'est le premier historien à remplacer l'ordre chronologique par l'ordre

logique des faits. Pour cela, il découpe le sujet de son étude en différents aspects. Il considérait l'histoire comme

une suite de tableaux. Il écrivait l'histoire comme une tragédie, avec une exposition des faits, un nœud et un

dénouement final. L'enseignement des années 70 est marqué par l'historie thématique. Le problème de ce

découpage, est qu'il est impossible de délimiter nettement les champs d'observation, tant ceux-ci se recoupent.

La division en largeur ou géographique repose sur un choix déterminé. Elle est très importante dans

l'enseignement, car il est indispensable de commencer l'enseignement par une base qui n'ait rien d'artificiel, une

unité historique ancienne et durable. Aujourd'hui, dans la formation à l'histoire, on part du régional à l'universel.

La division en longueur ou chronologique se fait par tranches, elle apparaît comme la plus simple, mais en fait,

c'est la plus complexe. Il est nécessaire de diviser l'histoire en périodes. Les tranches chronologiques sont

affublées d'appellation commode, préhsitoire antiquité, renaissance...Même les noms relèvent de l'arbitraire, par

exemple, le Moyen-Age est une appelation porteuse en soi d'un sens péjoratif. Les âges historiques ont aussi des

appellations suspectes, par exemple, l'obscurantisme médiéval, la Belle Epoque...Par exemple, le rapport entre le

Moyen-Age et la Renaissance. La frontière est fixée par l'élite intellectuelle humaniste, qui rejette l'époque

précédente. Cette frontière est poreuse car le Moyen-Age ne disparaît pas avec la Renaissance et la Renaissance

hérite du Moyen-Age, ces deux périodes se chevauchent, par exemple, Dante, et Saint François d'Assise. Les

dates diffèrent pour la séparation, la découverte de l'Amérique, la naissance de l'imprimerie...Les époques

postérieures étoffent les définitions des époques antérieures. Le dix-neuvième siècle revisite le Moyen-Age et la

Renaissance, et propose sa vision. Les époques sont étoffées par le regard des générations postérieures. La

division en périodes est aléatoire, alors on peut catégoriser l'histoire en siècles, mais ça a également une tendance

arbitraire, car on passe d'un siècle à l'autre avec l'idée de changement. Le vingtième siècle débute en Europe en

1914, au Japon en 1904, en Espagne en 1898...Il existe aussi des siècles qui ne sont pas des siècles, comme le

siècle de Louis 14, la guerre de 100 ans, le siècle des Lumières...On a aussi penser catégoriser en terme de

générations, c'est à dire d'après les groupes dont l'unité résulte d'une mentalité particulière à certains moments de

l'histoire. Trois générations s'inscrivent dans un siècle mais les générations se chevauchent, une n'efface pas

l'autre. Les divisions en catégories sont arbitraires et nécessaires, ou nécessaires et arbitraires.

Les concepts nous amènent aussi à réfléchir sur une définition de l'histoire. L'histoire n'a pas de concepts

spécifiques, elle va les puiser ailleurs. Par exemple, l’énoncé suivant, à la veille de la Révolution, la société

française traverse une crise économique d'Ancien Régime. Il y a deux types de concepts, séparés par leur origine

chronologique. Révolution est un terme d'époque, propre à l'époque concernée. L'Ancien Régime est appelé

comme tel dès le deuxième semestre de 1789, un régime est en train de disparaître pour un nouveau. Ce terme va

être adopté par les générations postérieures. Les deux autres concepts ne datent pas de l'époque révolutionnaire,

ne sont pas forgés par les contemporains de l'événement, ils ne s'inscrivent pas dans le même héritage

chronologique. L'énoncé historique, est en fait constitué par des concepts de niveaux différents, contemporains

des faits et utilisés par les historiens a posteriori. Il y a deux niveaux pour les discours historiques, l'historien

Page 17: Critique Historique

analyse des faits déjà exprimés et reconstruit des faits qui n'ont pas été exprimés. Cette construction peut paraître

ambiguë, par exemple le terme capitalisme, datant du dix-neuvième siècle, a servi pour des époques antérieures.

Il y a risque d'anachronisme lorsqu'on pense le passé avec des concepts contemporains. Certains concepts

étrangers semblent cohérents dans une analyse, viennent combler un vide explicatif, conceptuel. D'autres, qui

désignaient des réalités aujourd'hui disparues, sont abandonnés. Il y a un assemblage permanent, dans le discours

historique, entre les concepts du passé, prises de conscience d'autrefois, et concepts inventés, prises de

conscience d'aujourd'hui. L'analyse historique est juge. L'historien construit l'histoire à partir de concepts

sélectionnés. Les concepts ne sont pas figés, pas finis, ils contiennent à évoluer. Le problème des concepts

historiques est la question des relations entre l'histoire et la mémoire, canal par lequel le monde des médias

réactive telle ou telle époque. L'articulation éclaire le présent qui parle d'histoire. Il y a des concepts de deux

types, les concepts évoluent et se chargent de définitions à travers le temps.

Le cœur de toute démarche intellectuelle est de poser des questions. L'historien dépend des sources et des

documents. Il n'y a pas de questions sans documents, mais en échange, tout document peut soulever des

questions. Le propre de l'histoire est de l'ordre de l'interrogation : celle qui porte sur le changement dans le

temps. Le document est la clé du questionnement historique, à cela deux conséquences. On a jamais fait une

lecture définitive d'un document même le plus élémentaire. On peut faire parler des documents avec des

nouvelles méthodes. Exemples. Les archives de notaire du dix-huitième siècle, sont très riches pour étudier la vie

économique et sociale, car elles font la liste des biens des personnes. Mais elles sont aussi porteuses d'autres

informations, comme les violences conjugales, pour étudier l'aspect des relations entre hommes et femmes. Les

archives de police à propos des réunions ouvrières, servent à appréhender la sociabilité d'une classe sociale. On

peut aussi s'interroger sur la configuration d'un imaginaire, et alors chercher à savoir ce qui s'est dit lors des

meetings du passé. Les documents parlent plusieurs langues. Les questions se renouvellent sur les traces, et les

documents, qui ne changent pas. Au dix-neuvième siècle, l'écrit, le texte dominent, à la Renaissance aussi. Au

vingtième siècle, avec l'anthropologie et le structuralisme, il y a d'autres sources matérielles, on s'interroge sur

les pratiques, les rituels, les non-dits, les symboles...Les questions les plus légitimes sont les questions qui n'ont

pas encore été posées, elles font avancer la réflexion. Même les genres historiques ont une histoire. Par exemple,

le statut de la biographie, a évolué au fil du temps. Elle a connu son heure de gloire avec le positivisme, car les

historiens du dix-neuvième siècle font une histoire politique. Le rôle des grands hommes, des événements sont

décisifs pour les positifs. L'histoire nouvelle relativise le rôle des acteurs. Dans les années 50, la biographie est

poussée dans les exercices de style, mais ce n'est pas un travail sérieux. Le marxisme et sa traduction politique

sont un échec, et donc est relancée l'histoire politique et les rôles des individus. La biographie est un des plus

anciens genres historiques, à travers différentes formes, pamphlets, éloges...L'objet de la biographie est la

transmission véridique d'une personnalité. C'est le confluent entre la psychologie et la l'histoire, l'homme agit sur

son temps, ou le temps agit sur l'homme. Aujourd'hui, il y a une nouvelle relation entre l'histoire et la mémoire,

notre société est axée sur le présent, elle anticipe l'avenir sur une base de gestion, pas sur des utopies. L'histoire

apparaît comme une nécessité pour comprendre les tragédies. Quelque soit l'époque et la manière de traiter le

passé, la subjectivité a été à la base de l'histoire. Nous savons que nous sommes subjectifs, mais les documents

nous ramènent vers une objectivité relative et aussi les autres historiens, et le fait que tout ce qui est dit, peut être

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critiqué par les autres. L'objectivité n'est jamais atteinte, mais ne conduit pas à l'impuissance. Elle est comme

l'horizon pour le marin, un chemin escarpé, difficile de la liberté.