e-revue ITB2010: La greffe et ses nouvelles technologies

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ITB 2010 LA GREFFE ET SES NOUVELLES TECHNOLOGIES e-REVUE

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Revue virtuelle réalisée par les étudiants du master ImmunoTechnologies et Biothérapies de l'UPMC

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ITB 2010

LAGREFFE ET SES NOUVELLES TECHNOLOGIES

e-REVUE

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Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d’attente de greffe progresse comme en

témoigne les chiffres fournis par l’agence de biomédecine (communiqué de presse 2010). Le décalage entre le nombre de patient ayant eu besoin d’une greffe (près de 14 400 en 2009) et le nombre de greffes réalisées (4580) reste important. La France connaît donc une situation de pénurie.Beaucoup d’efforts sont fournis afin de lutter contre cette pénurie d’organes. En effet, des équipes de recherche du monde entier travaillent à développer des solutions innovantes :► avant la greffe, en améliorant la compatibilité donneur-receveur au moment de la greffe, et en induisant une immunosuppression grâce à la thérapie cellulaire ► après la transplantation, en détectant précocement le rejet pour agir plus rapidement et surtout plus efficacement► en proposant des alternatives à la greffe classique grâce à l’ingénierie tissulaireEtant un groupe d’étudiants en Master II ImmunoTechnologies et Biothérapies (ITB) de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), nous nous sommes proposés dans le cadre d’une unité d’enseignement apprentissage par projet (APP) d’effectuer sous forme de revue un tour d’horizon des travaux réalisés par les médecins et ou chercheurs dans le domaine de la transplantation. Nous nous sommes intéressé plus particulièrement aux technologies innovantes développées dans ce domaine. La revue sera subdivisée en trois grandes parties, la première d’entre elles s’intéressera aux technologies utilisées avant la greffe, la seconde à celles développées post-greffe et enfin la troisième se concentrera sur les alternatives à la greffe d’organes.

Introduction│La greffe et ses nouvelles technologies•e-revue ITB2010 •3

A u t e u r s :

Havé Virginie

Caron JonathanDissanayake DulaniJaafoura SalmaNehar DjamelTaleb Kahina

Etudiants du master ITB, promotion 2010.

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4• e-revue ITB2010•La greffe et ses nouvelles technologies│Avant la greffe

>AVANT LA GREFFE

Comment améliorer la compatibilité donneur-receveur ?

Vers les années 1900, les premières greffes d’organes

ont lieu, mais elles se soldent toutes par des échecs entraînant la mort de l’homme. Ces échecs permettent de découvrir un des principaux obstacles de la greffe : le rejet, et soulignent ainsi l’importance de la compatibilité entre le donneur et le receveur.En 1930, Peter Gower met en évidence le complexe majeur d’histocompatibilité(CMH) chez la souris et montre le rôle des anticorps dirigés contre les molécules HLA (Human Leucocyte Antigen) du donneur lors du rejet d’allogreffe. En 1958, Jean Dausset découvre le système HLA chez l’homme, complexe codé par le bras court du chromosome 6 permettant au système immunitaire de discriminer le « soi » du « non-soi », notamment grâce à la sélection thymique [1]. Ce système est représenté par un important polygénisme et polymorphisme induisant plus de 10 milliards de

combinaisons possibles [1]. Il est donc quasiment impossible de trouver un donneur ayant un système HLA rigoureusement identique à celui d’un receveur.La sélection d’un donneur pour un receveur est basée sur deux critères. Le premier consiste à faire correspondre les groupes sanguins du donneur et du receveur et à déterminer la compatibilité HLA entre eux. Le deuxième critère est un test de cross-match lymphocytaire [1]. Le cross-match consiste à confronter les cellules du donneur avec le sérum du receveur afin de s’assurer que le receveur n’ait pas d’anticorps préformés dirigés contre les molécules HLA du donneur, susceptibles d’entraîner un rejet hyper-aigu [2, 3].Depuis 1960, la technique de cross-match de référence utilisée quotidiennement dans les laboratoires d’histocompatibilité est la lymphocytotoxicité complément dépendante (LCT). Elle se déroule en différentes

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Compatibilité donneur - receveur│La greffe et ses nouvelles technologies•e-revue ITB2010 •5

étapes. Tout d’abord, les cellules du donneur sont isolées à partir des ganglions, de la rate, ou du sang périphérique afin d’en séparer les lymphocytes T des lymphocytes B par tri immuno-magnétique. Ces différentes populations cellulaires, marquées spécifiquement par des anticorps couplés à des billes magnétiques, vont être purifiées et mises en présence du sérum des différents receveurs en attente de greffe auxquels on ajoute du complément. Un colorant composé d’acridine orange et de bromure d’éthidium (fluoroquench) permet de révéler la réaction [4]. Si les anticorps du receveur se fixent sur les lymphocytes du donneur, cela va provoquer une lyse des cellules via la voie classique du complément. En utilisant le microscope à fluorescence, les cellules vivantes apparaissent d’un vert fluorescent (cross-match négatif) alors que les cellules mortes apparaissent d’un rouge fluorescent (cross-match positif) dû à la pénétration du fluoroquench à l’intérieur des cellules lysées par le complément [1,4].La technique LCT est facile à

utiliser en condition d’urgence, mais elle ne permet pas de détecter un faible taux d’anticorps. De plus, elle ne détecte pas uniquement les anticorps anti-HLA du donneur DSA (Donnor Specific Antibodies), mais aussi ceux dirigés contre les antigènes lymphocytaires ou des auto-anticorps [5]. Face à la faible sensibilité de la technique LCT, de nouvelles techniques comme l’ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay) ou le Luminex sont en développement depuis 2-3 ans [5]. Le Luminex est une nouvelle technologie de cytométrie en flux, permettant l’analyse de multiples réactions dans un seul micro-puits. C’est un système multi-analytique composé d’un ensemble de microsphères, d’un cytomètre en flux à deux lasers et d’un logiciel d’acquisition [6]. Les microsphères sont des billes de polystyrène de 5.6 µm de diamètre, elles servent de support solide de fixation pour différentes molécules comme: des antigènes purifiés, des anticorps de capture ou encore différentes sondes nucléiques spécifiques d’allèles particuliers [6,7]. Les microsphères sont

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marquées par incubation dans des bains contenant un mélange de deux colorants fluorescents : le rouge et l’infrarouge. La technologie Luminex permet de détecter jusqu’à 100 billes ayant chacune une fluorescence

différente, d’où une analyse possible de 100 réactions dans un même puits. Le cytomètre est équipé d’un lecteur de microplaques 96 puits piloté par un ordinateur et il est constitué de deux lasers, de photodiodes et d’un photomultiplicateur. Le logiciel d’acquisition permet de suivre chaque catégorie de microsphères en temps réel. Afin de valider la réaction, un minimum de cent billes par catégorie doit être compté [8]. Suivant l’application, un logiciel

d’interprétation est couplé au logiciel d’acquisition.Dans le kit cross-match par Luminex, des anticorps de capture anti-molécules HLA de classe I et II sont préalablement fixés aux

microsphères. Puis, ces microsphères vont être mises en présence des lymphocytes lysés du donneur afin de fixer les molécules HLA. L’ajout du sérum du receveur va permettre la fixation des anticorps dirigés contre une ou plusieurs molécules HLA du donneur. La révélation se fait par une Immunoglobuline G couplée à la phycoérythrine (Cf Fig.1). Les microsphères vont passer une à une devant les lasers semi-automatisés vert et rouge du cytomètre. Le

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Fig.1. Principe de cross-match par Luminex

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Compatibilité donneur - receveur│La greffe et ses nouvelles technologies•e-revue ITB2010 •7

laser vert excite la phycoérythrine couplée à l’anticorps anti-IgG à 532nm. Puis, le photomultiplicateur détecte l’intensité de fluorescence réémise par la phycoérythrine à 575nm. Le laser rouge excite à son tour à 633nm les fluorochromes incorporés aux billes. Les détecteurs photodiodes vont alors mesurer les intensités d’émission des mélanges de colorants fluorescents, assurant ainsi une classification des billes par code couleur : à 675nm pour le rouge et à 712nm pour l’infrarouge [7].Depuis plus de 40 ans, la LCT est utilisée pour réaliser le cross-match dans les laboratoires d’histocompatibilité, ce qui a fortement diminué les risques de rejet hyper-aigu [2]. Cependant, de nombreuses études ont constaté un rejet du greffon malgré un cross-match par LCT négatif [2,7]. L’urgence d’une greffe nécessite d’utiliser une technique de cross-match rapide, sensible et spécifique comme le Luminex. Les laboratoires HLA pourraient utiliser la même technologie Luminex pour différentes applications comme : le

typage HLA [7], la recherche d’anticorps [2] et le cross-match [5], permettant ainsi une prise en charge optimale du patient. ■

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8• e-revue ITB2010•La greffe et ses nouvelles technologies│Après la greffe

>APRÈS LA GREFFE / PRÉAMBULE

Le diagnostic précoce d’un rejet de greffe permet une prise en charge rapide et efficace du patient afin d’éviter la perte du greffon. Prévoir au plus vite le devenir du greffon est donc un enjeu majeur en transplantation pour guider le choix thérapeutique en fonction des caractéristiques d’un receveur donné. En pratique, le dépistage du rejet se fait sur biopsies par analyse anatomopathologique soit réalisée de manière systématique, soit suite à l’apparition de signes de dysfonction d’organe. Malgré les connaissances immunologiques dans la transplantation, il n’existe pas de marqueur précoce du rejet utilisé en routine dans les hôpitaux. Pourtant, l’identification d’un tel marqueur aurait des retombées sur les conditions de vie du patient. Il pourrait ainsi bénéficier d’un traitement personnalisé avec les immunosuppresseurs adéquats, augmentant ainsi l’espérance de vie du greffon tout en diminuant l’occurrence d’effets secondaires du traitement.

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L’utilisation d’outils immunolo-giques permettant le dépistage

du rejet avant l’apparition de signes fonctionnels ou même histologiques est envisageable. Le principe serait de détecter une population lympho-cytaire T (ou B) clonale fonction-nelle dirigée contre les antigènes du greffon. De nombreuses techniques ont déjà montré leur faisabilité: la dilution limite, la réaction lympho-cytaire mixte, les tests de proliféra-tion lymphocytaire au CFSE ou à la thymidine tritiée, l’ELISPOT, les té-tramères HLA, les techniques d’ana-lyse du répertoire et particulièrement l’Immunoscope [9].L’Immunoscope est une méthode basée sur la technique PCR (Poly-merase Chain Reaction). Elle permet d’étudier la diversité lymphocytaire grâce à leurs récepteurs à l’anti-gène (TCR). En effet, chaque clone lymphocytaire est caractérisé par son TCR qui lui confère sa spécifi-cité. Le TCR est un hétérodimère, composé d’une chaîne α et d’une

chaîne β, résultant du processus de recombinaison V(D)J [10,11]. Dans le thymus, lorsqu’une cellule pré-T est engagée dans sa maturation vers une cellule T, les gènes codant pour les parties variables des chaînes α et β subissent des réarrangements qui consistent en la juxtaposition d’un segment variable V et d’un segment J (pour la chaîne α) ou de ce seg-ment V et d’une région de jonction DJ (pour la chaine β) (Cf Fig.2).De plus, au niveau de la jonction V-(D)-J se produisent des délétions et des additions de nucléotides de manière aléatoire. Cette jonction est nommée CDR3 (Complementari-ty-Determining Region 3). Il s’agit de la région la plus polymorphe du TCR, la diversité du récepteur est donc directement corrélé à celle de la région CDR3. L’immunoscope permet de donner une description de la répartition relative des longueurs de CDR3 des régions variables de la chaîne bêta du TCR, dans un échan-tillon donné. En effet l’immunos-

L'immunoscope : une technique innovante pouvant améliorer la détection du rejet ?

L'immunoscope│La greffe et ses nouvelles technologies•e-revue ITB2010 •9

>APRÈS LA GREFFE

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10• e-revue ITB2010•La greffe et ses nouvelles technologies│L'immunoscope

cope est tout à fait approprié pour repérer une prolifération clonale et donc une population lymphocytaire réactive contre le greffon. Les études de Sophie Brouard et al., de l’unité INSERM U643 à Nantes, ont montré qu’il existait un profil Immunoscope particulier chez les patients tolérant leur greffon rénal sans traitement, laissant supposer qu’il était possible de dépister des patients ayant un pro-fil similaire et d’adapter leur théra-peutique [12]. La sensibilité de cette technique est liée à la possibilité d’identifier facilement et rapide-

ment une situation pathologique en utilisant un profil de référence carac-térisé comme étant le profil type d’un sujet sain. L’apport d’une telle infor-mation peut avoir un intérêt non négli-geable en routine. Bien entendu, il est important de replacer l’immunoscope dans ce qu’il peut apporter aux tech-niques de monitorage déjà existantes et souligner que c’est en donnant des informations complémentaires sur l’état immunologique du patient qu’elle trouve son intérêt potentiel au sein des services de transplantation. ■

Fig.2. Principe de la recombinaison V(D)J

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>APRÈS LA GREFFE

La thérapie cellulaire: une alternative aux immunosuppresseurs conventionnels?

Depuis quelques années, les re-cherches en thérapie cellulaire

se multiplient et les expérimenta-tions ont plus d’une fois aboutis sur des résultats très encourageants. Cette nouvelle thérapie s’étend sur plusieurs domaines d’application et notamment, sur celui de la trans-plantation. Les patients qui reçoivent une greffe sont traités par des médicaments immunosuppresseurs afin d’éviter le rejet. Alors que le traitement im-munosuppresseur a amélioré de fa-çon importante la survie de la greffe après une année (rejet aigu), il n’a pas permis d’éviter le rejet chro-nique qui, lui, apparait plus tardi-vement. Par ailleurs, les traitements immunosuppresseurs très contrai-gnants, par le fait qu’ils inhibent de façon globale le système immuni-taire, ont des effets indésirables très importants, tels que les infections opportunistes ou le développement de certains cancers en plus du coût important qu’ils représentent.L’identification et la caractérisa-

tion des lymphocytes T régulateurs (Treg), une population de lympho-cytes T CD4+ ayant une activité im-munosuppressive, a ouvert de nou-velles perspectives thérapeutiques dans le domaine de la greffe. Définition et mécanismes d’action des lymphocytes T régulateurs:Les lymphocytes T régulateurs jouent un rôle primordial dans le maintien de la tolérance de l’orga-nisme [13]. Ils expriment constitu-tivement le CD25 (la chaîne alpha du récepteur à l’IL-2 de haute af-finité), GITR ((Glucocorticoid-in-duced tumor necrosis factor recep-tor familly-related gene), CD62L, CTLA-4 (Cytotoxic T lymphocyte-associated Antigen) et un taux faible de CD127 (la chaîne α du récepteur à l’IL-7). Cependant, aucun de ces marqueurs de surface n’est spéci-fique des Treg. Seul le facteur de transcription Foxp3 a été identifié comme un marqueur spécifique de ces cellules. Plusieurs études ont montré l’importance de Foxp3 dans le développement et l’activité im-

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munosuppressive des Treg [14]. Les lymphocytes T régulateurs agissent aussi bien sur les lympho-cytes T conventionnels que sur les cellules présentatrices d’antigènes (CPA). Ces cellules suppriment l’activité des cellules T CD4+ et CD8+ in vitro [15]. Elles peuvent agir par contact direct et induire une lyse des cellules T effectrices par perforine et granzyme [16] ou leur délivrer un signal négatif qui inhi-berait ainsi leur prolifération et leur production d’interleukine-2 (IL-2). La production de cytokines anti-inflammatoires, comme l’IL-10 ou le TGF-β, constitue l’un des méca-nismes par lequel les Treg peuvent exercer leur activité immunosup-pressive [17]. L’action des lymphocytes T régula-teurs sur les CPA se traduit par une réduction de leur capacité à présen-ter les antigènes, et par l’augmen-tation d’expression et de sécrétion de molécules immunosuppressives par ces dernières. Les Tregs aug-mentent l’expression de l’enzyme indolamine 2,3-dioxygenase (IDO) par les cellules dendritiques, une enzyme qui catabolise le trypto-phane en kinurénine, une substance

toxique pour les lymphocytes T. L’effet combiné de ce métabolite et de l’appauvrissement du milieu en tryptophane limite la différenciation des lymphocytes T naïfs en lympho-cytes effecteurs [18]. D’autre part, les Treg diminuent l’expression du CMH-II et des molécules de co-sti-mulation de la famille B7 par les CPA, ce qui diminue leur capacité à stimuler une réponse effectrice. Ces deux effets semblent dépendants de l’interaction de la molécule in-hibitrice CTLA-4 exprimée par les Tregs avec les molécules de co-sti-mulation CD80 et CD86 sur les DC [19].Cette population cellulaire étant ini-tialement décrite dans la lutte contre les mécanismes d’auto-immunité, plusieurs équipes se sont naturel-lement intéressées à leur utilisation potentielle dans ces pathologies. Ainsi, dans le diabète de type I, un transfert de cellules régulatrices spé-cifiques d’antigènes pancréatiques contrôlerait cette maladie chez les souris NOD (Non-Obese Diabetic) [20]. Dans le cadre du traitement de l’uvéite, une injection de Treg spé-cifiques d’un antigène dans l’œil in-duit une immunosuppression locale

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[21].Rôle des lymphocytes T régulateurs dans le rejet de greffe:Si cette population cellulaire est bien connue dans les mécanismes d’auto-immunité, on sait qu’elle est également impliquée dans l’induc-tion de tolérance dans la transplan-tation et dans le traitement de la GVH (Graft Versus Host). En effet, après une greffe de moelle osseuse allo-génique chez la souris, les Treg naturellement présents dans le greffon médullaire retardent spon-tanément l’apparition de la GVH. L’administration, au moment de la greffe, d’un grand nombre de Treg syngéniques permet de prévenir ou de retarder considérablement la survenue d’une GVH. Cet effet est obtenu aussi bien avec des Treg fraîchement purifiés qu’avec des cellules obtenues après leur expan-sion in vitro [22].Se basant sur le rôle physiologique dans la régulation immunologique reconnu aux lymphocytes T CD4+ CD25+ Foxp3+, plusieurs équipes ont étudié leur rôle dans la greffe de moelle osseuse. Les cellules T régulatrices n’étant présentes dans l’organisme qu’en

quantités limitées, les protocoles d’immunothérapie ont longtemps été bloqués par le faible nombre de cellules obtenues après purifica-tion. Une équipe de chercheurs ont développé une approche leur per-mettant de prévenir le rejet d’une allogreffe de moelle osseuse [23]. Après purification, le nombre de Treg issus du receveur fut aug-menté via une étape de culture in vitro. Afin d’enrichir la population obtenue en précurseurs allo-spéci-fiques, des cellules présentatrices d’antigènes du donneur furent utili-sées comme source de signal mito-gène (Cf Fig.3).

La capacité des cellules T régula-

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Fig.3. Induction de tolérance après expansion des Treg in vitro (D'après Sakaguchi S. Nat Immunol. 2005)

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trices du receveur ainsi obtenues à contrôler les mécanismes de rejet après allogreffe de moelle osseuse fut testée chez des animaux condi-tionnés par une irradiation non-lym-pho-ablative. Le but du prétraite-ment était de libérer des niches pour les cellules souches hématopoïé-tiques allo-géniques et de déprimer transitoirement et partiellement la réactivité du système immunitaire afin de faciliter l’action de la popu-lation suppressive injectée. Dans ce système, les Treg issus du receveur et amplifiés contrôlent de façon du-rable le rejet dirigé contre la moelle osseuse allo-génique. Contraire-ment aux immunosuppresseurs classiques, les Treg inhibent uni-quement le compartiment allo-réac-tif, et non le système immunitaire dans sa globalité.Dans le cadre de greffe d’organes solides, le diagnostic du rejet se ba-sant sur des paramètres cliniques et histologiques, certaines études ont permis de mettre en évidence une infiltration du greffon par les Treg. La présence de ces cellules semble corrélée à la survie du greffon chez l’animal et l’homme [24]. Le rejet d’allogreffes est orchestré

par des lymphocytes T susceptibles de reconnaître les allo-antigènes de deux façons distinctes, directe et in-directe. A court terme, les cellules présentatrices d’antigène du don-neur migrent du greffon vers les or-ganes lymphoïdes drainants du re-ceveur et stimulent ainsi les cellules T allo-spécifiques. Dans ce cas, les cellules T de l’hôte reconnaissent donc les peptides allo-géniques pré-sentés par les molécules du CMH du donneur. Cette voie d’activation est essentiellement associée aux épi-sodes de rejet aigu. A long terme, les cellules T spécifiques sont activées de façon indirecte par des cellules présentatrices d’antigène de l’hôte qui colonisent le tissu greffé et cap-tent des antigènes. Les lymphocytes T reconnaissent donc des complexes formés par des molécules du CMH du soi et des peptides allo-géniques, et vont alors initier les mécanismes de rejet chronique (Cf Fig.4).Dans le but d’éviter tout type de rejet, l’équipe du Pr. Van Merwijk propose de mettre en culture des lymphocytes T régulateurs en pré-sence de cellules du donneur de l’or-gane. Cette culture in vitro a permis d’ “éduquer” les Treg, qui, en deux

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semaines, apprennent à reconnaitre l’organe à greffer. Les auteurs de ce travail ont ensuite effectué chez la souris receveuse une double greffe de moelle osseuse et d’organe (peau et cœur) accompagnée d’une injec-tion de lymphocytes T régulateurs cultivés. Aucun rejet, ni aigu ni chro-nique, n’a été observé [25].Si ces données sont encourageantes, de nombreux obstacles restent ce-pendant à résoudre avant de trans-poser cette approche à la clinique humaine. Chez l’homme, la situa-tion est plus complexe puisque le marqueur CD25 est exprimé par les cellules T activés et que Foxp3, de par sa localisation nucléaire, n’est pas exploitable. Des études récentes

semblent suggérer que d’autres mar-queurs, tels que CD127 pourrait ser-vir pour la purification des Treg. D’autre part, la notion d’une greffe de moelle associée à une greffe d’or-gane semble difficilement applicable chez l’homme puisque une irradia-tion corporelle est un traitement lourd pour un patient. S’ajoute à ces contraintes la notion de spécificité des Treg, qui représente une difficul-té majeure puisque comme tout lym-phocytes un Treg a besoin d’être ac-tivé par une interaction TCR-CMH antigène spécifique malgré l’effet by-stander des Treg après activa-tion. ■

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Fig.4. Voies de reconnaissance des antigènes par les lymphocytes T allo-spécifiques (D'après Joffre O. Médecine sciences. 2008)

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L’ingénierie tissulaire appliquée à la réparation vasculaire.

Le concept de génie tissulaire (tissue engineering) apparu ré-

cemment, intègre l’ensemble des technologies utilisant des cellules vivantes ou des biomatériaux (syn-thétiques ou naturels) afin de re-construire ou régénérer des tissus et organes humains, ou encore de rem-placer un organe déficient. Parmi les nombreuses applications de ce domaine de la médecine régénéra-tive figure la réparation vasculaire. En effet, avec près de 180 000 décès par an, les pathologies cardiovascu-laires restent la première cause de mortalité en France. Le traitement de choix, dans les cas les plus sé-vères de syndrome coronarien ou de maladie artérielle occlusive pé-riphérique, consiste à prélever un vaisseau autologue du patient afin de mettre en place un pontage au niveau du vaisseau malade. Cepen-dant, chez les patients âgés, ou ne disposant pas de vaisseaux en as-sez bon état, cette thérapie n'est pas

envisageable, d'où une demande de plus en plus forte de la part des chirurgiens en substituts de vais-seaux fonctionnels. Deux grandes approches de construction des subs-tituts vasculaires par ingénierie tis-sulaire se sont développées.La première approche consiste en l’association dans une même unité fonctionnelle d’une composante cellulaire et une composante arti-ficielle, permettant d’assurer une bonne tenue mécanique de l’en-semble. Les premiers travaux uti-lisant l’ingénierie tissulaire pour la préparation de vaisseaux artificiels ont été réalisés par Weinberg et Bell en 1986 où des cellules musculaires lisses et des fibroblastes étaient cultivés dans des tubes formés par des mèches de Dacron visant à donner la stabilité mécanique au système. Afin de former la couche interne du vaisseau ce dernier est ensuite ensemencé par des cellules endothéliales. Cependant, le ma-

>UNE ALTERNATIVE À LA GREFFE

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tériau obtenu ne résistait pas aux fortes pressions vasculaires in vivo. Niklason et al. [26] ont créé des néo-vaisseaux en condition dynamique de flux. Des cellules musculaires lisses d’aorte bovine sont ensemen-cées dans un tube polymère biodé-gradable et cultivées en flux, puis des cellules endothéliales bovines sont implantées. Le vaisseau ob-tenu présente une densité cellulaire et un contenu en collagène proches de ceux retrouvés in vivo, répond aux substances vasoactives, résiste à des forces de pression de l’ordre de 2000 mm Hg et reste perméable quatre semaines après implantation chez le porc. La deuxième approche consiste à produire des greffons vasculaires autologues totalement cellulaires présentant des caractéristiques structurales proches des vaisseaux natifs. L’Heureux et al. [27] ont conçu un vaisseau in vitro par la mé-thode d’assemblement des feuillets cellulaires : Chacun des trois types cellulaires (fibroblastes, CML et CE) est cultivé à partir de tissus hu-mains (Cf Fig.5). Les résultats ob-tenus après 8 mois d’implantation chez le chien et chez le singe ont montré que 86% des substituts res-

taient perméables.Cette approche a été testée chez l’Homme lors d’une étude pilote. Des fibroblastes de patients ex-traits après biopsie sont multipliés. Ils sont cultivés jusqu’à confluence puis congelés 2 à 3 mois avant la chirurgie. Un premier tapis cellu-laire est enroulé sur un mandrin en acier afin de lui donner la forme d’un vaisseau, puis un deuxième ta-pis de fibroblastes est enroulé sur le premier et fusionné. Le tube alors formé est enfin ensemencé avec des cellules endothéliales du patient (Cf Fig.5). Les résultats de l’étude pi-lote sur 10 patients ont été publiés dans la revue The Lancet en avril 2009 [28]. Les résultats sont inté-ressants et ils représentent surtout la première application humaine d’ingénierie vasculaire au monde. Cet essai fourni ainsi des résultats encourageants. En effet, pour 5 pa-tients parmi les 10, les greffons ont fonctionné de 6 à 20 mois (total de 68 mois fonctionnels sur l’en-semble). Ces nouvelles technologies sont en voie de développement, et promet-tent des avancées extraordinaires dans le domaine de la transplanta-tion. Par ailleurs, de nombreux obs-

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tacles freinent leur mise en place, notamment en ce qui concerne la thérapie cellulaire utilisant les cel-lules T régulatrices et l’ingénierie tissulaire. En effet, de telles tech-nologies sont souvent couteuses et requièrent du personnel hautement qualifié.

Il demeure indispensable de pour-suivre les recherches sur les phé-nomènes de rejet et de continuer le développement de nouvelles technologies alternatives à la trans-

plantation, d’autant plus que le don d’organe reste le seul moyen de sauver des vies ou d'amé-liorer considérablement l'exis-tence de nombreux malades. ■

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Fig.5. Reconstitution d’un vaisseau sanguin humain in vitro par assemblage des diverses couches vasculaires. MEC : matrice extracellulaire, CML : cellules musculaires lisses. (Source: http://www.cytograft.com)

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Bibliographie│La greffe et ses nouvelles technologies•e-revue ITB2010 •19