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L’État du Congo (RDC) existe depuis 134 ans. A.-B. Ergo Le 2 février 2015, je recevais dans ma boîte aux lettres un petit livre dédicacé par l’auteur à mon nom, « Vraiment Congo, une tribu ! ». Je ne connaissais de l’auteur, Marcel Yabili, que l’enregistrement d’une conférence publiée par Mémoires du Congo et j’imagine, que lui-même, m’avait découvert dans les livres que j’avais déjà publiés. L’avant- propos débutait par un constat : les enfants sont envoyés à l’école pour apprendre à lire et, une fois diplômés, ils ne lisent plus. Il faut se réconcilier avec le livre, véhicule du savoir et de l’action, gardien de la mémoire collective, source d’émotions et de loisirs Le livre était conçu comme une suite d’histoires réelles, courtes, sur la page paire, en français, et sur la page impaire suivante, pour les enfants des écoles, en swahili, avec un résumé en lingala. Le swahili, la langue africaine inscrite jadis au programme des études et apprise en s’aidant du livre de Fl. Cornélis, ce qui m’avait permis de traduire un texte à l’examen : mtu anakata mti kwa shoka. Le lingala, ma première langue de travail chez les Budjas, apprise sur le tas dans un livre distribué aux Européens de la Force publique et recommandé par la compagnie. Ce qui m’avait permis, le premier jour de travail, de donner fièrement mon premier ordre en lingala : Kata matiti tii kuna, en montrant un bâton planté au loin. Mon assistant, Simon, m’avait regardé attentivement, sans rien dire, mais il m’apprit, au « defriefing » du travail l’après-midi, que j’avais planté le bâton 30 mètres trop loin, ayant confondu la distance entre les palmiers et celle entre les lignes. Aucun travailleur n’avait rouspété, mais je me suis empressé de réparer cette erreur. Que ton geste s’accorde avec ce que tu dis, avait écrit Verhaeren. Quelques années plus tard, transféré au West Cameroon, j’ai dû oublier le lingala pour le pidgin local et le français pour l’anglais. Mais tout cela nous écarte du sujet. C’est inévitable, l’évocation de l’Afrique titille la mémoire et fait ressurgir, chez les Belgolais, un tas de souvenirs. Tout récemment, en 2017, le légiste et docteur en droit Marcel Yabili a publié à Paris 1 son dixième livre intitulé : RDC, deux saisons sans la troisième République, dans lequel il expose, aux pages 15 et 16, les différentes « ères » connues par le pays en 100 ans de constitution et même à partir de la Conférence de Berlin en 1885.

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L’État du Congo (RDC) existe depuis 134 ans.A.-B. Ergo

Le 2 février 2015, je recevais dans ma boîte aux lettres un petit livre dédicacé par l’auteur à mon nom, « Vraiment Congo, une tribu ! ». Je ne connaissais de l’auteur, Marcel Yabili, que l’enregistrement d’une conférence publiée par Mémoires du Congo et j’imagine, que lui-même, m’avait découvert dans les livres que j’avais déjà publiés. L’avant-propos débutait par un constat : les enfants sont envoyés à l’école pour apprendre à lire et, une fois diplômés, ils ne lisent plus. Il faut se réconcilier avec le livre, véhicule du savoir et de l’action, gardien de la mémoire collective, source d’émotions et de loisirs

Le livre était conçu comme une suite d’histoires réelles, courtes, sur la page paire, en français, et sur la page impaire suivante, pour les enfants des écoles, en swahili, avec un résumé en lingala. Le swahili, la langue africaine inscrite jadis au programme des études et apprise en s’aidant du livre de Fl. Cornélis, ce qui m’avait permis de traduire un texte à l’examen : mtu anakata mti kwa shoka. Le lingala, ma première langue de travail chez les Budjas, apprise sur le tas dans un livre distribué aux Européens de la Force publique et recommandé par la compagnie. Ce qui m’avait permis, le premier jour de travail, de donner fièrement mon premier ordre en lingala : Kata matiti tii kuna, en montrant un bâton planté au loin. Mon assistant, Simon, m’avait regardé attentivement, sans rien dire, mais il m’apprit, au « defriefing » du travail l’après-midi, que j’avais planté le bâton 30 mètres trop loin, ayant confondu la distance entre les palmiers et celle entre les lignes. Aucun travailleur n’avait rouspété, mais je me suis empressé de réparer cette erreur. Que ton geste s’accorde avec ce que tu dis, avait écrit Verhaeren. Quelques années plus tard, transféré au West Cameroon, j’ai dû oublier le lingala pour le pidgin local et le français pour l’anglais. Mais tout cela nous écarte du sujet. C’est inévitable, l’évocation de l’Afrique titille la mémoire et fait ressurgir, chez les Belgolais, un tas de souvenirs.

Tout récemment, en 2017, le légiste et docteur en droit Marcel Yabili a publié à Paris1 son dixième livre intitulé : RDC, deux saisons sans la troisième République, dans lequel il expose, aux pages 15 et 16, les différentes « ères » connues par le pays en 100 ans de constitution et même à partir de la Conférence de Berlin en 1885.

Il y affirme d’ailleurs des choses sur lesquelles je base et appuie depuis toujours mes réflexions historiques relatives à l’État indépendant du Congo.

1. Affirmation du fait que Léopold II n’a pas de colonie personnelle lorsqu’on évoque l’État.  Marcel Yahili est moins formel lorsqu’on parle du peuple. J’aurais dû écrire « des » peuples car les différences entre les « tribus » du nord (Zande ou Gbandi) et celles du sud (Luba ou Lulua) sont aussi grandes que les différences observées en Europe entre les Siciliens et les Polonais. D’autre part, aucune de ces tribus, à l’époque, ayant fait allégeance à l’AIC, n’est consciente d’être une partie dorénavant d’un seul grand peuple.

2. La Conférence de Berlin reconnaît un territoire (le bassin du Congo) que les responsables désignés (l’AIC) proclament État Indépendant du Congo (EIC) le premier juillet 1885, avec son propre drapeau, entretenant des relations internationales, créant un passeport et définissant une nationalité qui peut être attribuée même à des Européens (Cfr. Le capitaine Joubert). Un statut nettement différent de celui des colonies africaines. Jusqu’en 1908, il n’existera pas de texte directeur, le roi est le détenteur de tous les pouvoirs. C’est le régime de l’absolutisme royal [4]. En 1889, le roi signe un testament en faveur de l’État belge.

3. En 1908, l’EIC cède la gestion et l’administration des territoires à la Belgique, après la signature d’un traité international entre les deux états souverains. Ce traité a été soumis à la ratification du parlement belge qui l’a accepté. Un premier texte directeur appelé Charte coloniale est élaboré en 1908 [5] dans lequel l’État belge s’engage à bien gérer le territoire qui garde d’ailleurs son drapeau. Cette gestion sera séparée de celle de l’État belge sous le contrôle d’un ministère particulier dont le ministre sera aidé par un Conseil colonial dont les membres seront désignés en partie par le gouvernement et en partie par le roi. L’État belge reçoit également les quotes-parts de l’EIC dans les différentes sociétés dans lesquelles l’EIC était engagé.2

En 1960, [6] la Belgique, à la demande du peuple congolais, rend la gestion des territoires au gouvernement congolais fraîchement élu, aux représentants duquel elle lègue également en guise de constitution, deux lois fondamentales, la première relative aux institutions du pays, la seconde relative aux libertés publiques. Le gouvernement reçoit en sus, les participations dans les sociétés du pays, soit en argent, soit en sièges dans les différents Conseils d’administration. 3

Le drapeau de l’État congolais existe inchangé depuis 1885 quand le drapeau de l’AIA (Étoile jaune à 5 branches, centrale sur fond bleu azur) fut choisi pour l’EIC. Il est resté identique jusqu’en 1960 époque à laquelle une bande transversale rouge fut ajoutée en souvenir du sang des martyrs. Pour souligner une différence entre un état géré et pas colonisé, jamais le drapeau belge ne fut ajouté dans le coin supérieur gauche du drapeau congolais, comme c’était souvent le cas sur les drapeaux des colonies anglaises et françaises et de leurs pays sous tutelle (Canada, Australie)

Durant la présidence de Mobutu et du Zaïre, un autre emblème fut testé mais vite oublié.

Le Congo est donc bien depuis 1885, le troisième pays libre de l’Afrique, après l’Éthiopie (800 ans avant JC) et le Liberia en 1847.

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1.Le livre est publié à Paris en 2017. Les Impliqués Editeur.21 bis rue des Écoles 75005. [email protected].

2.Par exemple, le ministère des colonies a reçu en 1908 pour la participation de l’EIC dans l’Anversoise, la somme de 9690000Fr correspondant aux 1700 parts sociales libérées. Pour les 1000 parts sociales de l’ABIR libérées, il a reçu 3887500 Fr. à la même date. On ne connait pas la participation dans la quarantaine de compagnies présentes en 1908, sinon dans celle de la Compagnie du Kasai.

3.Pour les participations prises avant 1960 par le conseil de gestion de l’État dans les entreprises, l’État congolais a bénéficié, en 1960, du capital de celles-ci à raison de 50% Banque centrale, 50% TCI, 85.8% Forces du Bas Congo, 98.7% Forces de l’Est, 50% SABENA, 55.8% Vicicongo, 55,5% Forminière et ses filiales (Forescom, Minière de la Tele, Sobiasbo, Société d’élevage et de culture, Société des Plantations de la Gayu, Société agricole commerciale et industrielle du Kasai ) et 46.8% dans l’UNATRA où il possède 9 sièges sur 11. Il possède en outre un important pourcentage des voix dans les CA de compagnies : 63.8% K.D.I, 50% Minières du Kasai, 50% Compagnie minière du Congo belge, 95,6% Mines d’or de Kilo-Moto, 50% Compagnie minière du Congo occidental, 50% Compagnie minière du Congo septentrional, 50% minière du Nepoko, 50% minière du Luebo ainsi que 50% à l’Office du Café Robusta, à l’Office des produits agricoles et à l’Office des produits agricoles de Stanleyville. Il a également une participation majoritaire au CSK, 25.5% du capital et 45.4% des voix à l’UMHKatanga, et, 22.5% du capital et 72.5% des voix à la Géomine et à sa filiale Geomandu.

En 1960, les valeurs du portefeuille de l’État congolais sont réparties en majorité sur 4 secteurs essentiels de l’économie :- celui des transports 33.73%

- celui des sociétés à portefeuille 27.7%

- celui des sociétés minières 15.75%

- celui de l’énergie et de la distribution d’eau 12.01 %

ce qui était suffisant pour couvrir la charge de la dette publique. (Inventaire réalisé par P. Vanhove.)