Éducation Thérapeutique du Patient âgé

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Sandrine Delpierre Secteur Ambulatoire Bretonneau Capacités Coordonnées de Gériatrie d’Ile-de-France Séminaire des 22-23 et 24 janvier 2018 Pathologies chroniques Éducation Thérapeutique du Patient âgé

Transcript of Éducation Thérapeutique du Patient âgé

Sandrine Delpierre

Secteur Ambulatoire Bretonneau

Capacités Coordonnées de Gériatrie d’Ile-de-France

Séminaire des 22-23 et 24 janvier 2018

Pathologies chroniques

Éducation Thérapeutique du Patient âgé

Déclaration d’intérêts de Sandrine DELPIERRE janvier

2018

Praticien Hospitalier Secteur Ambulatoire Hôpital

Bretonneau (HUPNVS – Assistance Publique-Hôpitaux de

Paris)

Aucun lien d’aucune sorte avec les firmes

pharmaceutiques

Définissez l’ETP à un collègue Définissez l’ETP à un patient

Capacité de repérer, de comprendre, d’évaluer et

d’utiliser l’information pour améliorer ou maintenir sa

santé (adapté de Rootman et Gordon-El-Bihbety, 2008)

Littératie en santé

Niveau Littératie en Santé (EICA 2003)

Alphabétisation et compétences des adultes

% population

1

Grande difficulté ou incapacité à lire un texte simple

2

Faibles aptitudes en lecture se limitant à utiliser de la

documentation simple

3

Capacité à utiliser du matériel écrit à condition qu’il soit

clair et à exécuter des tâches simples

4

Capacité à répondre à la plupart des exigences de lecture

avec beaucoup de polyvalence

Majorité du matériel écrit produit dans le domaine de la santé

22 %

26 %

33 %

20 %

►Peut être incapable de déterminer correctement la

dose de médicaments à administrer d’après la notice

►Difficile de faire face à de nouvelles exigences

comme l’assimilation de nouvelles compétences

►Niveau minimal requis nécessaire pour bien

comprendre la posologie des médicaments ou les

consignes de sécurité

►Peut traiter de l’information complexe et exigeante

OCDE FRANCE USA RUSSIE

OECD Survey of Adult Skills (PIAAC) 2012

Age

Niveau études

Sexe

Percentage of people with limited health literacy in specific very vulnerable groups

The European Health Literacy Project 2009-2012

La littératie est un puissant prédicteur de la santé

Ex: Impacts d’une littéracie limitée sur l’utilisation des services et

sur l’autogestion des maladies chroniques

• Durées d’hospitalisation plus longues (Baker et al.,1997, 2002)

• Usage inadéquat des médicaments et difficulté à suivre les directives du

médecin (Williams et al., 1995; Kalichman et al.,1999)

• Utilisation moindre des services de prévention et moins de demandes pour

des soins de santé (Scott et al., 2002)

• Moins d’expression des préoccupations de santé (Rudd et al., 1999)

• Difficulté à utiliser le système de santé (Davis et al., 1996; Brez et Taylor, 1997)

• 62% des patients avec un faible niveau de compétence en lecture

incapables ou peu désireux de s’engager dans une démarche d’autogestion (Johnston et al., 2006)

« Les compétences que soutient la HL, centrées sur le

traitement de l’information en santé, sont particulièrement

complémentaires avec celles de l’ETP et influent sur

l’efficacité des programmes d’ETP. »

Gagnayre, 2014.

“A person's health literacy is dynamic” Elwood, 2000

« On peut accroître le niveau de littératie en

santé en développant les compétences des

individus et en abaissant les barrières érigées

par le personnel et le système de santé. »

Charte de Calgary, 2008.

Prérequis à l’ETP

Les exigences

• Acquérir et conserver des capacités et des compétences

qui les aident à vivre de manière optimale leur vie et leur

maladie. OMS,1998.

3 grandes catégories d’intervention Soit on informe… But …transmettre des informations sanitaires

pertinentes Soit on persuade… But … transmettre une vérité Soit on éduque… But … construire de nouveaux savoirs, de

nouvelles représentations

Définir sa stratégie d’intervention en santé

Résultat : Améliorer des connaissances

Résultat : Changer les comportements

Résultat : Acquérir des compétences

Laboratoire Pfizer & l’ARCOL (Comité français de coordination des recherches sur l'athérosclérose et le cholestérol)

Les exigences

• Acquérir et conserver des capacités et des compétences

qui les aident à vivre de manière optimale leur vie et leur

maladie. OMS,1998.

Formation des personnes âgées

Création lien

social

Gestion vie

quotidienne

Le sujet de l’apprentissage

Peux plus

apprendre à son

âge L’entend rien,

l’y voit rien,

l’y comprend

rien

L’est pas

motivé(e) L’est passif(ve)

Les prérequis

Littéracie en santé

Troubles cognitifs

Les prérequis (suite)

Rendre le patient compétent

En lui donnant tous les moyens cognitifs et techniques

d’une cogestion de sa maladie Gagnayre, 2008.

Quid des programmes d’ETP destinés aux patients

présentant des troubles cognitifs ?

L’y

comprend

rien

ETP : une formation non opposable à la personne

« Accorder au patient éduqué la liberté de choisir lui-même le préférable

(la norme), suppose qu’on lui laisse également la possibilité de ne pas le

choisir. Faute de cette possibilité, sa liberté de choix n’est que fictive. »

Barrier, 2003.

Le sujet de l’apprentissage

Peux plus

apprendre à son

âge

L’est pas

motivé(e) L’est passif(ve) L’épreuve des faits

Les prérequis

Littéracie en santé

Troubles cognitifs

La motivation du sujet

« Un ensemble de processus permettant à une personne

d’adopter un comportement, de lui donner une direction, de le

conserver et de le préférer à d’autres. » Wlodkowski, 1985.

L’est pas

motivé(e)

Contexte (1)

Déterminants

Perceptions du patient

- de la valeur

d’une activité (2)

- de sa propre

compétence (3)

- de la contrôlabilité

d’une activité (4)

Le pilote de l’air du Pr Grimaldi

68.6%

6%

Nos patients sont souvent interrogeables

Eux seuls peuvent estimer la valeur de leur

santé

Tsevat, JAMA 1998

Plus un élève est capable de se

représenter ce qu’il désire faire

dans le futur, plus il est motivé Lens & Decruyenaere

Contexte (1)

Déterminants

Perceptions du patient

- de la valeur d’une

activité (2)

- de la contrôlabilité

d’une activité (4)

La majorité des patients n’ont

pas le rôle qu'ils désirent quel

que soit le stade du cancer ou le

temps écoulé depuis le

diagnostic

Tariman et al., 2010

Idem lorsque âgé

polypathologique multihospitalisé

Ekdahl et al., 2011

- de sa propre

compétence

(3)

James : estime de soi

Bandura : auto-efficacité

Le rôle perçu peut prédire la

satisfaction vis-à-vis de la

décision prise

Pipe, 2005.

L’est

passif(ve)

La préférence semble individuelle

Discutez afin d'adapter le processus décisionnel aux besoins et aux

capacités de chaque patient

451 Patients ≥70 ans (âge moyen 83 ans) 6 UGA Ile de France

Bonnet-Zamponi, 2013.

426 patients ≥ 70 ans SSR France

Paillaud, 2007.

Contexte (1)

Déterminants

Perceptions du patient

- de la valeur d’une

activité (2)

- de la

contrôlabilité

d’une activité (4)

- de sa propre

compétence (3)

Les attributions causales

Rotter : locus of control

Weiner : perception de la changeabilité

Attribution

causale

Locus of

control

INTERNE

Locus of

control

EXTERNE

Changeable

Non

changeable

Pensez-vous pouvoir agir sur votre

maladie ? Sur votre environnement ?

✖ ✖

Processus attributionnel strictement

personnel, forcément subjectif,

considérablement influencé par

croyances, valeurs, expériences

antérieures ...

Interrogez le locus de contrôle

de la santé de votre patient

« Je ne sais pas si quelque chose qui m’a

donné cette maladie ou pas, ça en tout cas

je ne connais pas. Parce que si je connais

cette cause qui m’a donné la maladie, je

dois éviter ça. Comme je ne connais pas,

je sais pas, je ne sais rien, je suis navré

pour ça, voilà.»

« Je pense que oui quand même parce

qu’il y a eu une période que j’étais hyper

stressée. J’étais hyper stressée et je

me suis dit peut-être c’est à cause de

ça. »

« Non, non, non, qui peut éviter un truc

pareil ? Qui ? Personne. Y a que le Bon

Dieu qui sait et qui peut... c’est le destin,

c’est son destin, comment il va finir,

chacun c’est son destin, impossible de

savoir comment que ça se fait, moi-

même je sais pas.»

Entressengle-Baron, 2009.

Y a-t-il des causes à votre cancer ?

Contexte

(1)

Déterminants

Perceptions du patient

- de la valeur

d’une activité (2)

- de sa propre

compétence (3)

- de la contrôlabilité

d’une activité (4)

Stratégies motivationnelles

Le patient parle spontanément

92 secondes

50-87 ans : 108

Langewitz et al., 2002.

Le médecin interrompt

le patient 18 secondes

après le début de

l’interrogatoire

Beckman et al.,1984.

Two Words to Improve Physician-Patient Communication :

What Else?

Barrier et al., 2003.

Un savoir-agir complexe

Multitude d’éléments à prendre en compte

pour combler l’écart entre la situation initiale

et le point d’arrivée

Un savoir-faire en action

Ressources

internes et externes

toujours intégrée dans une situation

Stratégie d’implantation

• Acquérir et conserver des capacités et des compétences

L’objet de l’apprentissage

Le sujet de l’apprentissage

Peux plus

apprendre à son

âge

Les pressions environnementales

sont la clé de la plasticité

plus on apprend, plus on peut

apprendre

L’épreuve des faits

Les prérequis

Littéracie en santé

Troubles cognitifs

Rendre le patient compétent

En lui donnant tous les moyens cognitifs et

techniques d’une cogestion de sa maladie

Gagnayre, 2008 .

Logique de l’intégration / assimilation

Comment ?

Par un transfert organisé de compétences du

soignant vers le patient

L’enjeu du transfert Peux plus

apprendre à

son âge

La prise du traitement

« observance »

« compliance »

« adhésion »

50% OMS, 2003.

46 à 100% Greer et al., 2016.

77 à 100% à 1 an, 50% à 5 ans hormonothérapie cancer sein

69 à 88% à 1 an thérapie orale non hormonale

« the extent to which a person’s behaviour – taking medication,

following a diet, and/or executing lifestyle changes – corresponds with

agreed recommendations from a health care provider »

« alliance thérapeutique »

Evidence for significant correlates of poor adherence to oral antineoplastic therapies

Greer et al., 2016.

Les représentations / conceptions de la maladie, de ses

facteurs et du traitement

La motivation pour gérer la maladie

En particulier la vulnérabilité perçue (auto-efficacité) OMS, 2003.

• Faire ce que l’on aime (90%)

• Ressources économiques (80%)

• Jouir de la vie (50%)

• Être en bonne santé (30%)

Qualité de vie

?

• Relations humaines (80%)

• Ressources économiques (80%)

• Vie professionnelle (60%)

• Disposer de temps (40%)

• Jouir de la vie (40%)

• Être en bonne santé (10%)

L’influence des représentations

Alfonso Roca, 2009

Mener une vie satisfaisante au niveau social en disposent de ressources économiques suffisantes et s’épanouir dans le domaine professionnel

Faire ce qu’on aime en disposant de ressources économiques suffisantes

La prostate L’hypophyse

Localiser (chez des patients)

Giordan, 2010.

La digestion =

estomac

La digestion = trajet

à travers des

organes

Double digestion =

1 pour les solides

1 pour les liquides

Représenter la digestion

5 ans

L’influence des conceptions

Une balle plus lourde tombe-t-elle plus vite

qu’une balle plus légère (dans un

environnement où la résistance de l'air est

négligeable) ?

Brault Foisy, 2015.

« un ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes,

explicatives, utilisées par les apprenants pour raisonner face à

des situations problèmes » et « traduisant une structure mentale

sous-jacente responsable de ces manifestations contextuelles »

Giordan,1990

(1) Un bâton et une balle coûtent 1,10 € au total. Le bâton coûte 1 € de plus que la balle.

Combien coûte le balle ? _____ cents.

(Réponse correcte = 5 cents; réponse intuitive = 10 cents)

(2) S'il faut à 5 machines 5 min pour faire 5 objets, combien de temps faut-il à 100

machines pour faire 100 objets ? _____ min.

(Réponse correcte = 5 min; réponse intuitive = 100 min)

(3) Dans un lac, il y a une parcelle de nénuphars. Chaque jour, la parcelle double de taille.

S'il faut 48 jours pour que la parcelle couvre tout le lac, combien de temps faudrait-il

attendre pour que la moitié du lac soit couverte ? _______ jours.

(Réponse correcte = 47 jours; réponse intuitive = 24 jours)

The Cognitive Reflection Test (RCT) Frederick, 2005.

Les erreurs persistantes semblent basées sur des réseaux de

neurones solidement établis

Conception 1 Conception 1 Conception 2 +

apprentissage

inhibition

activation

Apprendre

c’est aussi apprendre

à inhiber ses connaissances antérieures

Les intuitions spontanées liées aux erreurs persistantes ne

disparaissent peut-être jamais

L’enseignement influence le

développement du cerveau

L’architecture du cerveau

influence l’apprentissage

Plus le soignant se confronte

aux arguments du patient, ou

tente de le convaincre...

et plus le patient résiste !

Patterson et al., 1985.

Apprendre à inhiber

Conflit cognitif ? La conception initiale ne se transforme que si

l'apprenant se trouve confronté à un ensemble d'éléments

convergents et redondants qui rendent cette dernière difficile à

gérer. Giordan, 2010.

Fugelsang, 2005.

En accord : acceptation + mise

en mémoire

En désaccord : détection conflit

+ détournement de l’attention

Les croyances des gens et leurs attentes peuvent agir comme un filtre

biologique au cours de l'évaluation de données

recrutement sélectif

de mécanismes d'apprentissage pour obtenir des données probantes

conformes aux croyances

de mécanismes de détection d'erreurs pour les preuves

incompatibles avec les croyances

Les études suggèrent que les personnes ne sont pas en mesure

d'évaluer dans quelle mesure leurs croyances et leurs attentes

influencent leurs décisions lorsqu'elles jugent les éléments de preuve

Apprendre à inhiber

Rendre explicite leurs idées fausses de sorte que les apprenants

soient en mesure de les reconnaître et de les inhiber Masson, 2014.

(1) Donner la conception souhaitée au début de la séquence

(2) Introduire des avertissements inhibiteurs pour rendre conscient

(3) Augmenter la prévalence d’apparition de la conception souhaitée

(4) L'apprenant doit y trouver un intérêt, se sentir concerné

LA SUITE APRÈS LA PAUSE …

L’ ETP est un « pari sur l’intelligence qui infère qu’il est

possible de soigner par l’intelligence. » Gagnayre, 2011.

L’ETP une démarche systémique

Ivernois (d’) & Gagnayre, 2011.

Diagnostic

éducatif

Contrat

d’éducation

Evaluation

Mise en

œuvre

ETP

Analyse des besoins éducatifs

Les 5 dimensions à explorer

Qu'avez-vous ?

Pouvez-vous me décrire le moment où l'on vous a annoncé votre diagnostic ? Qu'est-ce qu'il s'est passé pour vous à ce moment là ? Selon-vous votre maladie est plutôt bénigne ou plutôt grave ? Quels problèmes vous pose la gestion de votre traitement ? Comment faites-vous pour prendre votre traitement ?

Que faites-vous ?

Loisirs, vie sociale ? Comment votre entourage familial et amical perçoit-il ou réagit-il à votre maladie et à ses contraintes ? Avez-vous le sentiment d'être compris, aidé, soutenu ?

Que savez-vous ?

Racontez, si vous êtes d'accord, votre dernière hypoglycémie ou crise d'asthme ? Comment avez-vous réagi, vous auriez pu faire autrement ?

Qui êtes-vous ?

Pensez-vous pouvoir agir sur votre maladie ? Sur votre environnement ?

Avez-vous un/des projet(s) ?

Que souhaiteriez-vous poursuivre malgré la maladie ?

Exemple de guide d’entretien

Une « improvisation réglée »

4 R

Reformuler

Renforcer

Recontextualiser

Résumer

S’accorder sur un contrat d’éducation

Diagnostic

éducatif

Contrat

d’éducation

Evaluation

Mise en

œuvre

ETP

A partir

Des connaissances et croyances sur la maladie

Des besoins et attentes

Du projet susceptible de motiver à apprendre et à prendre

soin de soi-même

De ce que doit apprendre ou réapprendre le patient pour

assurer sa sécurité

Des facteurs facilitants et limitants pour réussir l’éducation

Déterminer les objectifs d’apprentissage

Recherche permanente d’équilibre dans une négociation

entre norme thérapeutique soignant et norme patient

→ Auto-normativité Barrier, 2010.

Norme thérapeutique soignant

• Prévenir / faire face aux crises

• Objectifs de sécurité : ceux qui conditionnent la survie du patient

• Priorités pédagogiques : compétences de sécurité

L’ETP est avant tout un « secourisme de soi »

Toujours parmi

les objectifs

soignants

« Il ne peut y avoir d’éducation thérapeutique si la

thérapeutique elle-même est erronée ou inadaptée au

patient » Grimaldi, 2010.

►Première urgence: optimiser la prescription (PMSA et

Psycho SA) www.has-sante.fr

Optimiser la prise en charge de l’ensemble des maladies

chroniques par une intervention:

1) centrée sur le patient

2) focalisée sur les FDR d’H évitables (médicaments, dénutrition,

dépression)

3) avec adaptation des 3 facettes au sujet polypathologique:

– Prescription (outils du programme PMSA de la HAS)

– Coordination précoce et renforcée avec le médecin traitant

avec messages clés pour le suivi

– Education

Legrain, 2011.

L’expérience de l’essai OMAGE

(Optimisation des Médicaments chez les sujets AGEs)

Bénéfice surtout pour les patients:

– qui ont eu une optimisation de leurs diagnostics et de leurs

traitements ;

– qui étaient admis pour accident iatrogénique et qui

faisaient le lien.

Diagnostic

éducatif

Contrat

d’éducation

Evaluation

Mise en

œuvre

ETP

HAS, 2007.

Finalités spécifiques

http://inpes.santepubliquefrance.fr/FormationsEpS/liste.asp