Droit des Entreprises en Difficulté

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Droit des Entreprises en Difficulté Introduction I) Qu’est-ce que le droit des entreprises en difficulté ? On est en présence d’entreprises, mais nous verrons que le droit des entreprises en difficulté s’applique parfois à des entités qui ne sont pas des entreprises. Ces entreprises en difficulté, historiquement, on ne les traitait que lorsqu’elles étaient en cessation des paiements, c'est-à-dire lorsqu’elles ne parvenaient plus à payer ses dettes pourtant exigibles. Désormais, le droit des entreprises en difficulté s’intéresse bien sur à ces entreprises en cessation de paiement, mais l’éventail d’intervention est plus large, puisqu’il vise un certain nombre de dispositifs pour détecter les difficultés, pour traiter ces difficultés lorsque l’entreprise a des difficultés qui ne se concrétisent pas encore par une cessation des paiements, ou encore lorsque les difficultés sont trop importantes, le droit des entreprises en difficulté organisera la disparition de l’entreprise, par la vente des éléments de l’actif, par la liquidation de ses actifs pour tenter de régler les créanciers. Il existe une pluralité de dispositifs, et la quasi-totalité d’entre eux contiennent des règles qui bouleversent les règles de droit commun. C’est un droit d’exception, cependant, il reste que ce droit est un droit des crises, ce qui est normal dans la vie. II) Pourquoi existe-t-il un droit des entreprises en difficulté ? L’idée est que les entreprises sont des acteurs de notre économie, et lorsqu’une ou des entreprises sont en situation difficile, cela va rejaillir sur les partenaires de cette entreprise (fournisseurs, salariés, URSAF, clients…). Cela ne concerne donc pas seulement les intérêts privés, mais également les intérêts publics ici mis en cause. De ce fait, l’Etat va intervenir. L’administration (cellules du Ministère des Finances) va intervenir, pouvant accompagner les entreprises en difficulté. C’est surtout l’autorité judiciaire qui va intervenir, avec les tribunaux de commerce et de grande instance. Le pouvoir du juge varie selon les dispositifs. Le Parquet a également sa place et son rôle à jouer. Cela étant, le mouvement actuel est plutôt à donner moins de pouvoir aux juges, ou plutôt de redonner une place aux partenaires de l’entreprise, à ses créanciers pour décider de l’avenir de l’entreprise. Sans ces dispositifs, qu’adviendrait les entreprises ? Chaque créancier interviendrait individuellement, pour essayer d’obtenir un titre Droit des Entreprises en Difficulté – Mme Thullier – M1 – S2 Page 1

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Droit des Entreprises en Difficulté

Introduction

I) Qu’est-ce que le droit des entreprises en difficulté ?

On est en présence d’entreprises, mais nous verrons que le droit des entreprises en difficulté s’applique parfois à des entités qui ne sont pas des entreprises.

Ces entreprises en difficulté, historiquement, on ne les traitait que lorsqu’elles étaient en cessation des paiements, c'est-à-dire lorsqu’elles ne parvenaient plus à payer ses dettes pourtant exigibles.

Désormais, le droit des entreprises en difficulté s’intéresse bien sur à ces entreprises en cessation de paiement, mais l’éventail d’intervention est plus large, puisqu’il vise un certain nombre de dispositifs pour détecter les difficultés, pour traiter ces difficultés lorsque l’entreprise a des difficultés qui ne se concrétisent pas encore par une cessation des paiements, ou encore lorsque les difficultés sont trop importantes, le droit des entreprises en difficulté organisera la disparition de l’entreprise, par la vente des éléments de l’actif, par la liquidation de ses actifs pour tenter de régler les créanciers.

Il existe une pluralité de dispositifs, et la quasi-totalité d’entre eux contiennent des règles qui bouleversent les règles de droit commun. C’est un droit d’exception, cependant, il reste que ce droit est un droit des crises, ce qui est normal dans la vie.

II) Pourquoi existe-t-il un droit des entreprises en difficulté ?

L’idée est que les entreprises sont des acteurs de notre économie, et lorsqu’une ou des entreprises sont en situation difficile, cela va rejaillir sur les partenaires de cette entreprise (fournisseurs, salariés, URSAF, clients…). Cela ne concerne donc pas seulement les intérêts privés, mais également les intérêts publics ici mis en cause. De ce fait, l’Etat va intervenir.

L’administration (cellules du Ministère des Finances) va intervenir, pouvant accompagner les entreprises en difficulté. C’est surtout l’autorité judiciaire qui va intervenir, avec les tribunaux de commerce et de grande instance. Le pouvoir du juge varie selon les dispositifs.Le Parquet a également sa place et son rôle à jouer.

Cela étant, le mouvement actuel est plutôt à donner moins de pouvoir aux juges, ou plutôt de redonner une place aux partenaires de l’entreprise, à ses créanciers pour décider de l’avenir de l’entreprise.

Sans ces dispositifs, qu’adviendrait les entreprises ? Chaque créancier interviendrait individuellement, pour essayer d’obtenir un titre exécutoire. Le créancier le plus rapide et le mieux informé peut alors saisir les actifs.Le but du Droit des Entreprises en Difficulté est d’éviter que l’un des créanciers saisisse tous les actifs, et que les autres se retrouvent sans rien.

Le Droit des Entreprises en Difficulté met en place des procédures collectives.Cela veut dire qu’une discipline collective va s’imposer à tous les créanciers, afin de tenter que les créanciers aient un traitement égal (au moins entre les créanciers chirographaires).

Quel effet a la procédure collective ? Les créanciers ont interdiction d’agir en paiement, ne peuvent agir en justice, et ne peuvent pratiquer des saisies pour ensuite faire vendre le bien. Les créanciers vont devoir tous se déclarer, c'est-à-dire leurs créances et apporter la justification de ce qu’on leur doit.

De son côté, l’entreprise soumise à la procédure collective, a interdiction de payer le passif, les créanciers antérieurs.

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Une procédure collective se caractérise aussi par le fait que les pouvoirs du débiteur en difficulté vont être modifiés par la procédure collective, avec une intensité variable selon la procédure. Il ne pourra plus agir comme bon lui semble, car il est sous contrôle de la justice.

Tous les dispositifs que nous allons étudier ne sont pas des procédures collectives.Il existe trois types de procédures collectives :

- La procédure de sauvegarde.+ La sauvegarde financière accélérée (SFA), variante de la sauvegarde (procédure semi-collective)

- La procédure de redressement judiciaire.- La procédure de liquidation judiciaire.III) A quoi sert le droit des entreprises en difficulté ?

Traditionnellement, on évoque trois fonctions.Aujourd’hui, celles-ci se combinent, mais il existe quand même une hiérarchie.

- Finalité répressive C’est la fonction la plus ancienne. Celui qui ne paye pas, trompe la parole donnée, il doit donc être puni. Cette fonction existe toujours, mais a été atténuée : ceux qui commettent des fautes ne sont pas toujours punis.

- Finalité de protection des créanciers L’intérêt étant que les créanciers qui n’ont pas été payés peuvent se voir remboursés grâce à la mise en place du dispositif. Ce de manière aussi égalitaire que possible, avec un certain ordre.

- Finalité de protection de l’entreprise Essayer de préserver l’entreprise en difficulté, de tenter de sauver l’instrument économique et de la remettre sur la voie de la prospérité quand cela est possible.Cela peut être au prix d’un sacrifice plus ou moins important des partenaires de la société, et notamment des créanciers.

Aujourd’hui, les trois fonctions existent, mais ces fonctions traditionnelles ont été remises en cause.En effet, les créanciers ne sont souvent pas payés, et 90% des procédures finissent en liquidation. Le succès du Droit des Entreprises en Difficulté est donc remis en cause de ce point de vue là.

Michel Jantin a proposé une autre fonction au Droit des Entreprises en Difficulté.- Fonction concurrentielle

L’idée est que nous sommes dans une économie de marché, une économie concurrentielle. Les entreprises doivent en permanence s’adapter, se restructurer soit en fusionnant (racheter d’autres entreprises), soit au contraire en s’adaptant, en s’allégeant (revendre des actifs).

Quand l’entreprise va bien, quand elle est in bonis, cela veut dire qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements. Pour se restructurer, se réorganiser, elle utilise le droit des sociétés (scission, fusion, apports partiels d’actifs…).

Quand les choses vont mal, le Droit des Entreprises en Difficulté assurerait la réorganisation des entreprises en difficulté, afin d’organiser et de contrôler les processus de réorganisation, voir de disparition de l’entreprise.

IV) Quelques données historiques

Il existe un mouvement perpétuel quant au rôle des créanciers. Selon les époques, ceux-ci ont plus ou moins de pouvoir. Actuellement, on leur redonne du pouvoir.Aujourd’hui, on parle du Droit des Entreprises en Difficulté mais les règlements communautaires parlent du droit de l’insolvabilité. C’est tout à fait trompeur, car les règles que nous allons étudier s’adressent à des entreprises en difficulté mais qui ne sont pas nécessairement insolvables.

A) La période révolue : celle du droit de la faillite

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- Rome Pour ce qui est de ce qui existait en droit Romain : lorsqu’on ne paye pas sa dette, on peut devenir esclave. Lorsque le débiteur ne paye pas, c’est la personne même du débiteur qui peut être appréhendée par le créancier.

Ultérieurement, l’ensemble des créanciers à payer a été autorisé à appréhender les biens du débiteur. On voit déjà apparaître un acteur de la procédure pour appréhender les biens.

- 10 ème siècles et suivants Il y a un effacement des institutions romaines.Dans l’Italie du Nord, on voit apparaître certaines procédures qu’on appelle la banqueroute.Ce terme existe toujours mais pour désigner spécifiquement une infraction pénale commise par ceux qui sont soumis à une procédure collective. Plus tard, le terme faillite apparaît.

A l’époque, la procédure est faite par et pour les créanciers. On est en présence d’un système privé. Ces procédures ont aussi un caractère pénal puisque le commerçant défaillant est considéré comme un fraudeur. Ce qui fait l’objet d’une répression.

- Ordonnances de 1539 (François Ier) et 1560 (Charles IX) confiant la compétence aux juges royaux Au 16ème siècle, le pouvoir royal s’est préoccupé des faillites dans deux ordonnances.Les procédures sont alors confiées aux juges royaux. La mort ou les galères sont leurs sanctions.En pratique, les juges délivraient des lettres de répit. On acceptait aussi que le débiteur puisse prendre des accords avec ses créanciers.

- 1715, compétence est confiée aux tribunaux consulaires Les procédures sont confiées aux juges consulaires, qui revendiquaient cette compétence.Près d’un siècle plus tard, on a le Code de Commerce.

- Le Code de Commerce de 1807 Celui-ci ne change pas fondamentalement les choses. On y trouve une grande rigueur, et sur le plan du droit pénal, on a un délit appelé « la banqueroute simple », et s’il y a fraude, c’est « la banqueroute frauduleuse » considérée comme crime.

- La loi du 28 Mai 1838, refondant les textes du droit de la faillite du Code de Commerce et tendant à accélérer la procédure et alléger son coût

On essaye de raccourcir les procédures (sauvegarde financière accélérée)

- La loi du 22 Juillet 1867, avec la suppression de la contrainte par corps On supprime la contrainte par corps, qui est tout simplement le fait que si on ne paye pas ses dettes, on va en prison. Aujourd’hui,

- La loi du 4 Mars 1889 qui crée, à côté de la procédure de faillite, la procédure de liquidation judiciaire pour les commerçants défaillants mais de bonne foi

- Les deux décrets-lois du 8 Août 1935, qui crée un super privilège en faveur des salariés, l’autre rend possible des poursuites contre les dirigeants

Ripert « Le droit de ne pas payer ses dettes ».On trouve également une augmentation des pouvoirs du juge.Le système ne fonctionne cependant pas bien : en pratique, on ouvre systématiquement des liquidations judiciaires. La confusion est faite entre les débiteurs de bonne ou de mauvaise foi.C’était donc un système très favorable à ceux qui ne payaient pas leurs dettes.

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- Le décret du 20 Mai 1955, le choix d’une procédure dépend de la moralité commerciale du débiteur Il faut avoir égard à la moralité du débiteur.

Procédure de règlement judiciaire, qui s’inspire de l’ancienne liquidation judiciaire. Le règlement judiciaire suppose que le débiteur soit jugé défaillant mais honnête. L’entreprise est maintenue et les créanciers doivent être payés conformément à un plan voté par eux, qui s’appelle le concordat. Procédure de faillite, le débiteur jugé malhonnête, cette procédure s’achève obligatoirement par la liquidation des biens du débiteur.Economiquement, c’est une aberration.

B) Du droit de la faillite au Droit des Entreprises en Difficulté : émergence et construction du Droit des Entreprises en Difficulté

Est née l’idée de la séparation de l’homme et de l’entreprise, avec la construction du Droit des Entreprises en Difficulté. On entend par cette idée nouvelle et fondatrice qu’il faut distinguer les problèmes de moralité, de bonne foi, d’appréciation du comportement du chef d’entreprise (l’homme) et de l’autre côté les problèmes liés à la viabilité de l’entreprise.

1. Les textes de 1967

Certaines procédures sont encore régies par ce texte.Si l’entreprise paraît viable, si économiquement, elle semble pouvoir être redressée, on ouvre un règlement judiciaire. Si cela aboutit, cela se terminera par un vote des créanciers sur un plan de redressement de l’entreprise, et les créanciers votent ce que l’on appelle un concordat. Ce concordat sera ensuite homologué par le tribunal.

Si l’entreprise n’est pas viable, si économiquement elle est condamnée, il y a liquidation des biens (liquidation judiciaire), cela aboutira à la vente des biens et la disparition de l’entreprise.

Cette loi de 1967 renforce le rôle du tribunal. Si les pouvoirs des créanciers sont diminués, ils restent encore importants puisqu’ils votent le concordat. On considérait que l’ensemble des créanciers constituait une entité, qui avait à défendre des intérêts communs, constituant une personne morale (sujet de droit). On appelle cela la masse des créanciers.

Autre indication concernant cette loi, auparavant, seuls les commerçants sont concernés. Avec la loi de 1967, on fait entrer toutes les sociétés civiles, ainsi que les associations. En résumé, on fait entrer toutes les personnes morales de droit privé. Cela laisse encore de côté les agriculteurs (qui sont maintenant soumis au Droit des Entreprises en Difficulté), ou encore les professions libérales (qui sont également soumis au Droit des Entreprises en Difficulté).

On trouve également une ordonnance datée du même jour, qui est théoriquement importante. Elle met en place une procédure en faveur d’entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements. Jusqu’à présent, le droit des faillites ou le Droit des Entreprises en Difficulté était uniquement fait pour ceux qui en étaient au stade de cessation des paiements.Economiquement, dès les premiers signes de faiblesse, il faut commencer à trouver des solutions.

Cette procédure était alors réservée aux entreprises qui avaient une importance nationale ou régionale. Il y a donc eu très peu d’applications.

L’autre originalité de cette procédure de suspension provisoire des poursuites était que les créanciers étaient entièrement dépossédés de pouvoirs.

En 1981, on trouve une loi modifiant la loi de 1967. Cela donne des pouvoirs au Ministère Public, la présence du Parquet n’a jamais reculé.

Cette loi de 1967 a été une bonne loi. Le seul problème est qu’elle a été fabriquée en période de prospérité, et s’est avérée inadaptée en période de crises.

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2. Les textes de 1984, 1985, et 1994

On a donc remplacé la loi de 1967, par les lois de 1984 et 1985, pour les procédures ouvertes à partir de ce moment là.

Quant à la loi de 1984 relative à la prévention et aux règlements amiables des difficultés des entreprises, celle-ci tient compte des enseignements venant des économistes : il faut prévenir, agir en amont et mettre en place des éléments de détection.Le chef de l’entreprise n’aura pas forcément les outils pour détecter les signaux d’alerte. On va donc lui imposer de faire des comptes, des systèmes d’alerte par le Commissaire aux Comptes, du Comité d’Entreprise…

On propose aussi des règlements à l’amiable, pour les entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements. L’idée est de s’entendre avec ses créanciers. Lorsqu’on a créé la conciliation, on s’est beaucoup inspiré des règlements à l’amiable.

Quant à la loi du 25 Janvier 1985, elle retire ses pouvoirs à la masse des créanciers, celle-ci disparaissant. La loi de 1985 donne tout le pouvoir aux tribunaux. Il faut sauvegarder l’entreprise coûte que coûte.

Avec cette loi, le législateur exprime ses objectifs : le maintien de l’activité, de l’emploi et l’apurement du passif. Aujourd’hui, les textes expriment les mêmes objectifs. La loi de 2005, aussi bien pour la procédure de sauvegarde que pour la procédure de redressement judiciaire, tend à maintenir l’activité, l’emploi et l’apurement du passif.

Cet ordre a un sens : l’objectif premier est de maintenir l’activité.Il faut que l’activité continue à se développer. Ensuite vient le maintien de l’emploi, puis l’apurement du passif.

Quant à la loi de 1994, elle redonne un peu de pouvoir aux créanciers.

3. La loi du 26 Juillet 2005 et l’ordonnance n°2008-1345 du 18 Décembre 2008, qui modifient le livre VI du Code de Commerce

La loi du 26 Juillet 2005 est celle sur laquelle nous allons nous appuyer ce semestre, avec les ordonnances qui ont suivi.

La loi du 26 Juillet 2005, comme ses prédécesseurs, part du constat que les procédures aboutissent souvent à la liquidation, à la fin des entreprises, et que ces procédures sont également longues et coûteuses. Face à ce constat, le législateur a voulu réformer en profondeur le Droit des Entreprises en Difficulté.

Elle est entrée en vigueur, et s’applique aux procédures ouvertes à compter du 1er Janvier 2006.En principe, elles ne s’appliquent qu’aux procédures qui débutent après cette date du 1 er Janvier 2006. Toutefois, certaines règles s’appliquent à des procédures et situations en cours au 27 Juillet 2005 (date de publication de la loi nouvelle), et en particulier en ce qui concerne les dispositions plus douces ayant trait aux sanctions.

Cette loi est le fruit d’une longue concertation. On a eu de nombreux avant-projets, et l’idée majeure est de développer les dispositifs en amont de la cessation des paiements. Cette nouvelle procédure a donné son nom à la loi : « loi de sauvegarde des entreprises ».

Au printemps 2005, le gouvernement déclare l’urgence sur ce projet, et lorsqu’il y a déclaration d’urgence, cela signifie qu’il n’y aura qu’une seule lecture par chambre. La loi est donc adoptée au mois de Juillet, soumise au Conseil Constitutionnel, puis devient la loi du 15 Juillet 2005.

Cette loi développe plusieurs grands traits :- Traitement préventif

La loi renforce les dispositifs préventifs, c'est-à-dire ceux qui viennent en amont.

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Le dispositif préventif emblématique, c’est justement la procédure de sauvegarde, procédure qui ne peut s’ouvrir que si l’entreprise est in bonis, elle n’est pas en état de cessation des paiements.L’originalité est qu’il s’agit bien d’une procédure collective.

En droit français, c’est la première fois qu’on offre aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements, un outil qui est une procédure collective (soumettre les créanciers à une discipline collective). C’est une innovation majeure.

La loi développe le règlement à l’amiable. Il change de nom, et devient la conciliation.Cela est symptomatique d’un changement de fond, et notamment le fait que certaines garanties peuvent être obtenues, offrant ainsi une plus grande sécurité aux créanciers.

- Développe le règlement des difficultés par la concertation avec les créanciers La conciliation, c’est le fait de discuter avec les créanciers. On essaie de négocier.En rendant cette procédure plus attractive, le législateur essaye de promouvoir un outil dans lequel le juge a moins de pouvoir que dans les procédures collectives.On attire ainsi davantage vers cette procédure.La sauvegarde, dans certains cas, fait une place aux créanciers. La loi fait, de même, pour le redressement judiciaire.

- Réorganise la césure entre conciliation (anciennement règlement amiable), et procédures judiciaires collectives, ainsi que la césure entre redressement judiciaire et la liquidation judiciaire

Cessation des paiements Absence de cessation des paiementsLoi de 1985 Redressement judiciaire, et liquidation judiciaire

On devait donc obligatoirement se soumettre à une procédure collective.

Mandat ad hoc et le règlement amiable.

Loi de 2005 Redressement judiciaire, et liquidation judiciaire.

Cependant, désormais, j’ai une troisième possibilité qu’est la conciliation, c'est-à-dire ce que l’on appelait antérieurement le règlement amiable. Il ne faut pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

Cela est très innovant d’accepter que quelqu’un qui n’arrive pas à payer ses créanciers, on lui offre la possibilité de l’amiable. On ne met pas ses difficultés sur la place publique avec une procédure collective, il doit cependant faire preuve de diligence.

Mandat ad hoc, la conciliation (règlement amiable), et une procédure collective qu’est la sauvegarde.

Il faut donc encore savoir si on est en état de cessation des paiements, mais cela n’a plus la même fonction discriminante. Si je suis en état de cessation des paiements, je dois agir et absolument me rendre au tribunal.

Si je ne suis pas en état de cessation des paiements, c’est ma responsabilité de chef d’entreprise quant à savoir si je me débrouille seul (discuter avec son banquier, les fournisseurs), ou demander l’aide du tribunal (ce qui pourra éventuellement être reproché plus tard). Il y aura alors une appréciation au cas par cas.

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Que veut dire redresser une entreprise ? Loi de 1985 Plan de continuation

Cela permet à l’entrepreneur de rester à la tête de l’entreprise, de continuer à gérer. Il faudra sans doute cependant que l’entreprise évolue : on va arrêter certaines activités, licencier des salariés, fermer un établissement…

Plan de cessionL’entreprise va être cédée. Autrement dit, l’activité va continuer mais sans l’entrepreneur, dans les mains d’un repreneur.

Liquidation judiciaireL’entreprise s’arrête. On vend ce qui peut l’être, et on paye ceux qui peuvent l’être.La loi prévoyait aussi la cession d’unités de production, on vendait uniquement une branche de l’activité.

Les règles de cession d’une partie des actifs dans la liquidation judiciaire étaient beaucoup plus simples que les règles du plan de cession.

Avec la loi de 2005, le principe est que si le redressement judiciaire réussit, ce sera par un plan de continuation, c'est-à-dire qu’au bout du compte, celui qui était en place (le débiteur) sera toujours là au bout du plan. On n’appelle plus cela un plan de continuation, mais « un plan de redressement ».Tandis qu’un plan de cession total devient liquidation judiciaire. Le fait que l’entreprise change de main pour le juge, ce n’est pas un redressement de l’entreprise, c’est une manière de la liquider.

C’est donc la liquidation judiciaire qui a donc deux branches : un plan de cession total, et l’entreprise qui n’est absolument pas viable.

- Accélère la liquidation judiciaire On a inventé la liquidation judiciaire simplifiée, qui est censée pouvoir se clore en une année pour les petites entreprises.

- Révise le régime des sanctions (dans le sens d’une moindre rigueur)

- Etend l’application du Droit des Entreprises en Difficulté aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante (y compris les professions libérales réglementées)

L’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, entrée en vigueur le 15 Février 2009 modifie profondément la loi de 2005. Elle concerne les procédures qui sont ouvertes à compter du 15 Février 2009.

Le droit que nous étudions est donc dans le Code de Commerce, dans le livre VI.

Quant à la sauvegarde, le législateur n’a fait qu’un copié-collé des dispositions anciennes du redressement judiciaire. Autrement dit, on peut dire dans un premier temps, que la sauvegarde est la même procédure qu’un redressement judiciaire, mais de manière anticipée.Pour être sur que les entreprises utilisent cette procédure, il a modifié la sauvegarde afin qu’elle soit plus attractive pour le débiteur.

4. La SFA et l’EIRL

EIRL (Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée) Consulter la loi du 15 Juin 2010, qui est intégrée dans le Code de Commerce aux articles L. 526-6 et suivants.

V) Droits étrangers

VI) Droit communautaire

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Livre I – Les dispositifs favorisant un traitement amiable des difficultés

Ce ne sont pas des procédures collectives, ce sont donc des dispositifs dont le point commun est la confidentialité, à des degrés variables mais l’idée est que l’on ne met pas sur la place publique les difficultés de l’entreprise.Dans le monde des affaires, c’est une banalité mais quelque chose de très profond.Dès lors qu’on a vent des difficultés d’une entreprise, les partenaires se retirent.

La connaissance de difficultés est en soi très néfaste pour une entreprise, ce qui explique que la sauvegarde ait eu peu de succès avant la crise car publicité.L’atout majeur du Livre 1 c’est la confidentialité.

Chapitre I – Traitements administratifs

Pas de loi dans le Code de commerce.C’est le Ministère des finances qui a mis en place des dispositifs très peu transparents.Il existe, au niveau du Ministère lui-même le Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI).Il va traiter des entreprises de plus de 400 salariés.Pour les entreprises de moins de 400 salariés, c’est au niveau départemental.Dans chaque département, on a un service dirigé par le Préfet qui est le CODEFI.Ce sont les Comités Départementaux d’Examen des problèmes de Financement des entreprises.C’est l’entreprise qui décide d’aller le saisir.Ces services animent les négociations avec les partenaires de l’entreprise.

Cela peut être bien de faire intervenir un tiers (services administratifs, mandataire ad hoc,…) qui a une autorité et qui va rassurer les partenaires.

Il ne faut pas être en état de cessation des paiements, sinon c’est obligatoirement conciliation, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire.

Le CIRI traite très peu de dossiers par an mais ce sont des grosses entreprises (69 dossiers en 2009).

Chapitre II – Mandat ad hoc

- Distinction mandat ad hoc et administration provisoire

- Economie générale du mandat ad hoc C’est purement prétorien.C’est le Président du TC de Paris qui avait inventé cela.Aujourd’hui c’est dans la loi aux articles L. 611-3 et L. 611-13 à L. 611-15.L’idée est de discuter avec les principaux partenaires mais avec l’aide d’un tiers.Personne désignée par le juge, par le Président du TC plus précisément.Ad hoc, c'est-à-dire mission adaptée.C’est le président du TC qui va définir la mission et qui va faire du sur mesure.Un administrateur provisoire est aussi une création prétorienne et est nommé par le Président du tribunal mais cela suppose une crise grave et là les dirigeants vont être remplacés.L’administrateur va prendre la direction de l’entreprise et cela fait l’objet d’une publicité.

Le mandataire ad hoc n’a pas ce rôle. Les pouvoirs du chef d’entreprise ne sont pas altérés.

- Confidentialité du mandat ad hoc, article L. 611-15 La confidentialité du mandat ad hoc : l’article L. 611-15 pose que toute personne qui est appelée dans le cadre d’une négociation sous l’égide d’un mandataire ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité, ce qui n’est pas le secret professionnel (infraction pénale). En cas de violation de la confidentialité, c’est la responsabilité civile qui est engagée mais ce n’est pas une infraction pénale.

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- Condition : Ne pas être en cessation des paiements Pour bénéficier de cette aide, il ne faut pas être en état de cessation des paiements.

- Compétence : Président du tribunal (Tribunal de Commercer ou Tribunal de Grande Instance) On va voir le Président du Tribunal, ce n’est donc pas le tribunal qui est compétent, c’est un juge unique qui va connaître de notre demande : le juge reçoit dans son bureau car cela se déroule en Chambre du Conseil (hors la présence du public).Huis clos en pénal.

- L’auteur de la demande : Seule l’entreprise en difficulté Seul le chef d’entreprise peut saisir le juge.

- Choix du mandataire ad hoc (Incompatibilités article L. 611-13) Désormais, celui qui demande la désignation peut proposer un nom mais bien sûr c’est le Président qui décide en définitive.Ce que l’on veut c’est que ce mandataire ad hoc soit quelqu’un d’indépendant, d’impartial.En pratique, la plupart du temps on choisit un administrateur judiciaire mais on peut parfaitement choisir quelqu’un d’autre.

Il existe des incompatibilités : il ne faut pas que celui qui est désigné ait perçu des sommes d’argent à quelque titre que ce soit, du débiteur, d’un créancier du débiteur, de personnes qui sont contrôlées par un débiteur ou un créancier, ou qui contrôlent le débiteur ou un créancier du débiteur.

On ne peut pas nommer comme mandataire ad hoc un juge du TC qui aurait quitté ses fonctions depuis moins de 5 ans.

- Rémunération du mandataire ad hoc , article L. 611 – 14 Pour ce qui est de la rémunération du mandataire ad hoc c’est l’article L. 611-14, il faut un accord du débiteur. Montant maximum fixé par le juge.En fin de mission, on fixera la somme due.

- Mission du mandataire ad hoc , contenu non précisé par la loi Il n’y a pas de durée, cela peut être très court mais aussi très long.Cela contraste avec la procédure.Souvent, en pratique, on commence par demander un mandat ad hoc et ensuite on demande une conciliation (là il va falloir aboutir).Donc, parfois le mandat ad hoc ne va pas aboutir à un accord, souvent adopté comme une préparation.

Chapitre III – Conciliation (Articles L. 611-4 et suivants, et articles R. 611-22 et suivants)

C’est l’ancien règlement amiable qui a été modifié, mais le but reste le même. Les premiers créanciers que l’on arrête de payer sont le fisc et l’URSSAF.Lorsqu’on ouvre une procédure de conciliation, le but de la procédure est d’aboutir à un accord (dans le mandat ad hoc, c’est le juge qui détermine la mission).

Le dispositif de mandat ad hoc se réduit à sa plus simple expression, la loi se borne à dire qu’il est possible de demander au Président du Tribunal de demander la nomination d’un mandataire ad hoc. Il est donc difficile de parler de procédure.En ce qui concerne la conciliation, on est en présence d’une véritable procédure, bien plus encadrée.

En comparaison avec les procédures collectives, la conciliation est plus souple et a l’avantage majeur de la confidentialité. Selon les choix que l’on fait, cette confidentialité pourra ne plus être absolue.

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Section I – Domaine d’application

§1 – Nature de l’entité et activité de l’entité

On ne peut ouvrir une conciliation qu’à l’égard d’un sujet de droit. Cela suppose donc que l’on soit en présence d’une entité, dotée de la personnalité juridique.Exemple : On ne peut ouvrir une conciliation à l’égard d’un groupe de sociétés.

Ce sujet de droit peut être une personne morale ou une personne physique. S’il s’agit d’une personne morale, celle-ci doit être de droit privé. Ce qui signifie que l’on ne peut ouvrir une conciliation au bénéfice d’une commune.

Au sein des personnes morales de droit privé, la loi ne distingue pas selon que la personne a une activité économique ou non. De ce fait, le terme utilisé pour désigner le droit que nous étudions « Droit des Entreprises en Difficulté » est un peu trompeur.Exemple : Une association qui mène une réflexion sur l’avenir de l’UFR de droit n’a pas une activité économique, mais est une personne morale de droit privé.

La personne morale pourra être aussi bien commerciale que civile.Pour les sociétés commerciales, on songe aux sociétés commerciales par la forme (sociétés en nom collectif, SARL, SA, SAS, SCA).

Pour ce qui est des personnes physiques, ne sont visés que ceux qui exercent une activité professionnelle à titre indépendant, en leur nom et pour leur compte. On ne vise donc que les entrepreneurs individuels. Ainsi, les fonctionnaires, salariés et dirigeants ne pourront pas être soumis au livre 6. Ils devront se tourner vers le droit du surendettement des particuliers.La loi de 2005 apporte une innovation importante qui est que les personnes physiques exerçant une activité libérale sont soumises au livre VI et peuvent demander une conciliation.La catégorie de personnes physiques exerçant une activité libérale est très large (médecins, avocats, journalistes, infirmiers…).Les agriculteurs ne bénéficient pas de la conciliation, ils sont toujours soumis au règlement amiable.

La loi vise également les personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale. Auparavant, dans les textes, on visait directement « les commerçants et les artisans ». En changeant la formule, il est possible qu’on ait pensé à des cas de personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale et pour lesquels on peut se demander s’ils sont réellement commerçants ou artisans : les auto-entrepreneurs.

Il existe, dans le Code de la Consommation (consommateurs, particuliers… qui organise les procédures de surendettement des particuliers), il existe un article L. 333-3 qui pose que les dispositions relatives aux procédures de surendettement des particuliers ne s’appliquent pas aux personnes qui relèvent du livre VI du Code de Commerce. Les auto-entrepreneurs ne peuvent donc bénéficier des procédures de surendettement des particuliers, sans avoir égard à la nature de son passif (dettes purement domestiques).

On pourra demander la conciliation pour l’un des deux patrimoines.La procédure n’appréhendera que le patrimoine qui est en difficulté (le patrimoine professionnel, dès lors que le patrimoine non-affecté est exclusivement domestique).

§2 – Situation de l’entité

Dans quels types de difficultés sommes-nous pour avoir accès à la conciliation ?

A) Premier cas, l’entreprise n’est pas en cessation des paiements

C’est la situation traditionnelle, puisque le règlement amiable était déjà accessible aux personnes qui n’étaient pas en cessation des paiements.

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La loi dit que l’on peut demander une conciliation lorsqu’on connait une difficulté juridique (avoir un procès, subir une saisie…), économique (perte d’un client, contrat de franchise non-renouvelé, grève…) ou financière avérée ou prévisible.

Lorsque l’on n’est pas en état de cessation des paiements, on peut utiliser les traitements administratifs, le mandat ad hoc, et la sauvegarde.

B) Second cas, l’entreprise est en cessation des paiements depuis au plus 45 jours (Loi de 2005)

L’entreprise est en état de cessation des paiements, ce au maximum depuis 45 jours.Pour le président du tribunal, il peut être difficile de déterminer le point de départ des 45 jours.Lorsqu’on est en état de cessation des paiements, on a le choix entre le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire, avec toujours la confidentialité.

Section II – Processus préalable à l’accord amiable

§1 – Saisine du Président du Tribunal aux fins d’ouverture d’une conciliation

Qui est habilité à saisir le tribunal ? Uniquement l’entreprise et le débiteur concerné. Cette saisine se fait par requête. A l’occasion de cette saisine, le débiteur doit justifier de sa demande et doit déposer un certain nombre de pièces pour éclairer le président auquel il demande l’ouverture d’une conciliation (Article R. 611-22 du Code de Commerce).

Qui est saisi ? C’est le Président du Tribunal, et non le tribunal lui-même (au choix tribunal de commerce ou de grande instance). Traditionnellement, les commerçants et les artisans (personnes civiles) relèvent du Tribunal de Commerce et les autres (sociétés civiles, associations, professionnels libéraux…) relèvent du Tribunal de Grande Instance (Articles L. 611-4 et L. 611-5 du Code de Commerce).

§2 – Décision du Président du Tribunal et ses effets

Avant l’ordonnance de 2008, avant de dire s’il ouvrait la conciliation, le président pouvait ouvrir une enquête (nommer un expert par exemple). L’ordonnance de 2008 abandonne cela, et pour deux raisons :

- La confidentialité est alors altérée.- Il faut faire confiance au débiteur (il pose un dossier).

Une fois la conciliation ouverte, il pourra se renseigner.Le président devra obligatoirement avoir un entretien avec le débiteur avant d’ouvrir la procédure de conciliation.

Contenu de la décisionLe président peut rejeter la demande du débiteur, si par exemple il y a cessation des paiements depuis plus de 45 jours, ou que les difficultés sont trop importantes.

Inversement, le président peut accepter d’ouvrir une conciliation, et désigne alors un conciliateur. Celui-ci a pour mission de rechercher la conclusion d’un accord avec les principaux créanciers, et le cas échéant avec les cocontractants habituels. L’entrepreneur-débiteur peut récuser le conciliateur.

Il existe les mêmes incompatibilités pour le conciliateur que pour le mandataire ad hoc, ainsi que quant à sa rémunération articles L. 612-13 et L. 612-14.

Si la conciliation est ouverte, jusqu’à l’ordonnance de 2008, il n’y avait aucun recours possible.Après l’ordonnance de 2008, on s’est rendus compte que certains pouvaient abuser de cette procédure. Le Ministère Public a qualité pour former un recours pour interjeter appel de la décision qui ouvre une conciliation souhaitée par le débiteur.La décision d’ouverture est communiquée au Ministère Public, ainsi qu’aux ordres professionnels.

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En cas de refus d’ouverture de conciliation, l’appel est ouvert au débiteur déçu dans un délai de 10 jours. Le président qui a refusé d’ouvrir la procédure de conciliation peut revoir sa décision dans les 5 jours.

Effets de la décision d’ouverture d’une conciliationPeu de personnes sont au courant. Seuls les créanciers appelés à la table des négociations seront au courant. Cette procédure n’a pas du tout d’effet collectif. Il n’y a pas de suspension ou d’interdiction des poursuites.

Mesures de protectionIl se peut que l’on soit en cessation des paiements, et qu’un tiers nous assigne en redressement judiciaire, voir en liquidation judiciaire. Sa demande sera jugée irrecevable (confidentialité altérée), ce parce que le débiteur s’est mis sous la protection de la justice.

Il peut également arriver qu’un des créanciers nous assigne en paiement, voulant obtenir un jugement de condamnation, si l’on est en conciliation, on va pouvoir demander au président du tribunal d’imposer des délais à celui qui nous demande de payer.

La référence est faite à l’article 1244-1 du Code Civil qui nous dit que l’on doit payer dans les délais convenus, toutefois le juge peut accorder des délais de deux ans en tenant compte des situations des créanciers et des débiteurs.Le tribunal saisi par le créancier va surseoir à statuer, afin que celui qui a ouvert la conciliation puisse demander à son président un délai pour payer. L’ordonnance de 2008 a ajouté une modification, une simple mise en demeure suffit (l’assignation n’est plus nécessaire).

Pour obtenir un délai, il faut que j’assigne mon créancier devant « mon » président, article L. 611-7 du Code de Commerce, et R. 611-35 du Code de Commerce

Section III – L’accord et ses suites

Encore faut-il qu’il y ait accord.Ce n’est pas parce qu’une procédure de conciliation est ouverte qu’elle sera couronnée de succès. S’il y a échec, les choses s’arrêtent là. On peut aussi demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Avec la sauvegarde financière accélérée, variante de la procédure de sauvegarde, qui ne peut s’ouvrir qu’à diverses conditions, et l’une d’elles est qu’on soit passé par la conciliation, qui n’a pu aboutir favorablement mais à l’issue de laquelle on a vu qu’il y avait un soutien fort des partenaires. Ce que l’on n’a pu obtenir par l’amiable, on l’obtiendra dans une procédure, on fera voter les créanciers à la majorité, et tant pis pour les créanciers minoritaires.

§1 – L’accord

A) Parties à l’accord

Ce sont les principaux créanciers, et éventuellement les contractants habituels (ceux dont le soutien est nécessaire). Quel est l’intérêt des créanciers ? Un courant d’affaire pour l’avenir. Il est parfois plus intéressant garder un client en lui proposant des délais. Le conciliateur n’est pas une partie à l’accord.

B) Contenu possible de l’accord

Tout est possible, dans la limite du cadre légal. Il peut s’agir de remises de dettes, céder une sureté, accepter de conclure un nouveau contrat (la banque accepte de conclure un prêt), demande d’une augmentation de capital, fermer un établissement, licencier certains salariés, les créances peuvent devenir du capital et permettent de devenir associé… Le contenu peut donc être très large.

Les créanciers publics (administrations financières) sont les organismes de sécurité sociale, douanes, retraite complémentaire, Assedic, le fisc…

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Avant la loi de 2005, ils pouvaient faire des remises de dettes uniquement pour les pénalités et les indemnités de retard mais pas sur le capital. Depuis la loi de 2005, il est possible, à certaines conditions d’opérer des remises de dette sur le capital (article L.611-7 et L.626-6 qui posent : « à des conditions similaires à celles qu’octroierait un opérateur privé »).

Pour obtenir des remises, il existe dans chaque département une Commission des chefs financiers de ces services (CCSF ou Co. des chefs), qui doit être saisie dans les deux mois à compter de l’ouverture de la procédure à peine de forclusion.

C) Forme de l’accord

Il faut un écrit.

§2 – Les suites de l’accord

Constatation et homologation de l’accord

A) Première possibilité, la constatation de l’accord par le président (conditions)

En ce qui concerne la constatation de l’accord, quelles en sont les conditions ? Il faut une requête qui va être déposée devant le Président du Tribunal. Ce sont les parties qui forment cette demande (ce n’est pas le débiteur tout seul). Pour obtenir que le Président rende une ordonnance constatant l’existence d’un accord, il faut que le débiteur atteste qu’il n’est pas en état de cessation des paiements, ou qu’il n’est plus en état de cessation des paiements.

C’est une déclaration qu’il fait lui (le débiteur), et qui n’a aucune autorité, et en particulier si ultérieurement il est soumis à une procédure collective, le juge ne sera pas lié par cette déclaration.

Cet accord va être déposé au greffe, et dès lors que le Président aura constaté l’accord, la formule exécutoire va être apposée sur l’accord. L’ordonnance du Président du Tribunal, par laquelle il constate l’accord, va conférer à cet accord la valeur d’un titre exécutoire.

Cette décision du Président de constat de l’accord n’est soumise à aucune publication et elle n’est susceptible d’aucun recours. Lorsqu’on choisit la constatation (par contraste avec l’homologation), il y a moins d’avantages. La constatation a quand même pour mérite d’être confidentielle.Jusqu’à présent, 90% des accords sont constatés, mais on ne demande pas l’homologation à cause de cet avantage de la confidentialité.

B) Deuxième possibilité, l’homologation de l’accord par le tribunal

Par le Tribunal lui-même, cela devient donc collégial.

1. Les conditions de l’homologation

a) Une demande du débiteur

La constatation demande une requête des parties.Ici, la décision de demander l’homologation appartient au débiteur. En pratique, ceux avec lesquels il a conclu l’accord lui donneront leur avis, et pourront même le dire dans le contrat.

b) Les trois conditions de fond

- Il faudra que le débiteur ne soit pas, ou ne soit plus en état de cessation des paiements C’est le Tribunal qui va analyser la situation, et il ne pourra donner l’homologation si cette condition n’est pas replie. L’affirmation du Tribunal aura autorité de la chose jugée.

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Ainsi, si ultérieurement la situation du débiteur se dégrade et qu’on ouvre contre lui une procédure collective, le tribunal saisi ne pourra prendre compte de la situation du débiteur lors de la procédure d’homologation.

- Il faut que l’accord soit de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise Le juge a un pouvoir d’appréciation quant à cet accord. Un accord qui permettrait simplement de passer un mauvais cap ne serait pas suffisant.

- Il faut que le tribunal vérifie que l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non- signataires

2. La décision d’homologation

Le Tribunal doit auditionner certaines personnes. Il est important de déterminer lesquelles, car ces personnes pourront avoir accès à l’accord de conciliation, et ce sont les seules personnes qui pourront y avoir accès. Certaines personnes sont déjà au courant de cet accord.

Quelles sont ces personnes ? Le débiteur, les créanciers, le conciliateur, le Ministère Public, les représentants du Comité d’Entreprise ou à défaut des délégués du personnel (pour autant qu’il y en ait). Pour les professionnels libéraux, on trouve également l’autorité ou l’ordre desquels le professionnel dépend. L’article L. 611-9 du Code de Commerce ajoute que toute personne dont l’audition paraît utile, peut être entendue.

Quelles sont les notifications et les publicités faites à la décision ? Le jugement (et non l’accord) qui statue sur l’homologation de l’accord va être notifié aux créanciers et au débiteur. Il est communiqué au Ministère Public et au conciliateur.

On a ensuite une publicité du jugement (dans lequel il n’y a pas l’accord), qui se fait d’abord au Greffe, puis un avis dans un journal d’annonces légal, puis dans le BODACC de l’existence d’une homologation au profit de X.

La seule chose mentionnée dans le jugement, c’est le privilège de l’article L. 611-11 du Code de Commerce qui a pu être constitué.

C) Effets de la constatation de l’accord et de l’homologation de l’accord

1. Effets communs

- Fin de la procédure de conciliation La procédure prend fin. Ce qui est important, puisque quand je suis en conciliation, on ne peut m’assigner avec une procédure collective, celle-ci sera irrecevable. Une fois le jugement rendu, cette protection disparaît.

Lorsque je suis en conciliation, si un de mes créanciers me met en demeure ou m’assigne, je peux demander des délais. Avec la fin de la procédure de conciliation, cette protection disparaît également.

- Personnes coobligées, ou ayant consenti une sûreté personnelle, ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord constaté ou homologué, article L. 611-10-2 du Code de Commerce

Cela est très important.

Lorsque j’ai mon accord de conciliation, mes partenaires font des efforts (délais, remises de dette…). Exemple : Le gérant de la SARL s’est porté caution pour que la banque prête de l’argent, ou accepte une hypothèque sur sa maison personnelle. D’une manière ou d’une autre, le gérant s’est porté caution de la SARL.Lors de l’accord de conciliation, les personnes codébitrices, qui ont consenti des sûretés personnelles ou des garanties sur leurs biens pour garantir les dettes de la SARL, bénéficient-elles d’une protection ou non ?

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L’article L. 611-10-2 du Code de Commerce annonce que ces personnes bénéficient de l’accord de conciliation. Cela est très incitateur pour le gérant d’aller en conciliation, puisque la société et lui-même seront protégés.

La même question se pose avec la sauvegarde et le redressement.Dans la sauvegarde, il y aura protection pour les personnes physiques.Dans le redressement, il n’y a pas de protection.On essaye d’encourager à aller à la conciliation.

- Interdiction et interruption des actions et des poursuites individuelles (destinataires de cet effet), article L. 611-10-2 du Code de Commerce

La constatation ou l’homologation du tribunal va interrompre ou interdire toutes les actions en justice, les mesures d’exécution concernant les créances qui font l’objet de l’accord. Cela vaut pendant toute la durée de l’exécution de l’accord.

Si le débiteur ne paye pas quelque chose qu’il devrait payer, on ne peut agir en justice. Que peut-on faire ? On va devoir demander la résolution de l’accord.

2. Effets propres à l’homologation

- Article L. 611-10-2 du Code de Commerce (émission chèque) Automatiquement, si on était interdit bancaire, cela lève l’interdiction bancaire.Cela est automatique de par la loi de toute interdiction d’émettre des chèques.

- En cas de règlement judiciaire ou de liquidation judiciaire ultérieurs, le tribunal ne pourra faire remonter la période suspecte à une date antérieure à la décision définitive d’homologation

Ultérieurement, les choses tournent mal, et en définitive, le débiteur est soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Les actes accomplis pendant la période suspecte sont des actes qui sont susceptibles d’être remis en cause, annulés. Ce sont les nullités de la période suspecte.

Dès lorsqu’on a eu une homologation, c’est une date butoir.Le tribunal ouvrant une procédure ultérieure, ne pourra s’intéresser à ce qui se passait avant, et ne pourra remonter la date de cessation des paiements à une date antérieure à la date d’homologation.

- Privilège de l’article L. 611-11 du Code de Commerce (« argent frais ») L’hypothèse est que certains créanciers/partenaires de l’entreprise ont accepté d’apporter de l’argent frais, un nouvel apport d’argent, pour aider l’entreprise à remonter la pente.

Vont bénéficier de ce privilège non seulement ceux qui ont apporté de l’argent, mais également ceux qui ont, pour la poursuite de l’activité, apporté un nouveau bien (crédit-bail) toujours dans le but de poursuite de l’activité de l’entreprise. On vise également ceux qui ont apporté de nouveaux services.

Le débiteur va donc leur devoir de l’argent.Ultérieurement (après l’homologation), la situation se dégrade et une procédure collective s’ouvre (donc discipline collective, qui ne peuvent agir en justice contre le débiteur). Dans l’ordre de paiement des créanciers, les créanciers privilégiés sont en troisième place (après les salariés et le paiement des frais de justice).

Fin de l’accord

- Exécution

- Inexécution Le débiteur ne paye pas à la bonne date, ne licencie pas, ne ferme pas tel établissement… Il n’exécute pas ce qu’il a promis de faire. Dans ce cas là, il va falloir retourner devant le juge.Si l’accord a été constaté (par le Président), on s’adressera au Président.Si l’accord a été homologué (par le Tribunal), on s’adressera au Tribunal. L’article L. 611-10-3 du Code de Commerce nous dit qu’à priori, il n’y a pas de pouvoir d’appréciation.

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Dans les mêmes conditions, le Tribunal prononce la résolution de l’accord homologué, et ce même texte, dans son alinéa 3 dispose que le Président du Tribunal ou le Tribunal qui décide de la résolution de l’accord peut aussi prononcer la déchéance de tout délai de paiement prononcé.

Si résolution, il y a, c’est donc rétroactif. Cela efface tout, ce qui pose des difficultés pratiques.

- Ouverture d’une procédure collective : sauvegarde, redressement judiciaire, ou liquidation judiciaire

Dans ce cas, même si j’ai réussi à exécuter l’accord, je peux demander une sauvegarde en voyant les difficultés s’accumuler. Lorsqu’une procédure collective est ouverte, cela met fin de plein droit.

De droit/de plein droitDe droit, on doit passer devant le juge, et il n’a pas de pouvoir d’appréciation.De plein droit, il n’y a pas à passer devant le juge.

Conclusion – L’article L. 650-1 du Code de Commerce

Quand on a des entreprises qui ont des problèmes, il est arrivé que les banquiers, avant qu’une procédure collective ne s’ouvre, continuent à prêter à des conditions vraiment défavorables, l’entreprise continuant ainsi à vivre.Lors de la liquidation judiciaire, le tribunal reprochera surement au dirigeant de s’être enfoncé encore plus. On pourra également reprocher au banquier d’avoir prêté de manière abusive. C’est une action, qui veut qu’en tant que professionnel, la banque doit s’arrêter (action en responsabilité contre les banquiers qui soutiennent abusivement l’entreprise).

Les banquiers se sont organisés en groupes de pression, d’où cet article : s’ils ont fait des concours, ils ne sont pas responsables. On les mettra de côté lorsqu’une procédure du Livre VI s’ouvre, cela donne une immunité à ceux qui ont consenti des crédits, des concours sauf cas de fraude, immixtion caractérisée, ou garanties trop importantes par rapport aux concours consentis.

Le texte a changé avec l’ordonnance de 2008 : lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers bénéficient d’une immunité sauf fraude… La conciliation n’est pas incluse !Cela pourrait pousser les créanciers à pousser leurs clients vers une procédure collective.

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Livre II – Traitements judiciaires des difficultés : traitement par les procédures collectives

Partie I – L’ouverture d’une procédure collective

Soumise à des règles communes que la procédure soit une sauvegarde, un redressement ou une liquidation.

Titre I – Conditions de fond d’ouverture

Sous-Titre I – Conditions tenant à la qualité de la personne du débiteur

Cela doit toujours être une personne de droit.

Chapitre I – Quelles personnes physiques ?

Article L. 620-2 du Code de Commerce « Toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou règlementaire, ou dont le titre est protégé ».

Section I – Cas de figure basiques/simples

§1 – L’entrepreneur individuel commerçant

Il est certain qu’un commerçant peut bénéficier d’une procédure collective, mais désormais le texte en e vise plus les commerçants mais ceux qui développent une activité commerciale.

S’il n’est pas immatriculé au RCS ? Tous ont cette obligation sauf les auto-entrepreneurs.Si on est un commerçant de fait (Article L. 123-8 du Code de Commerce, règle de tous les inconvénients et aucun avantage), peut-on demander une procédure collective ? On a une décision où une personne était commerçante, avait omis de s’immatriculer, et ne pouvait se prévaloir de ce bénéfice. En revanche, un tiers peut-il l’assigner ? Oui.

§2 – L’entrepreneur individuel artisan

L’artisan est celui qui fait un travail manuel, et qui n’emploie pas ou peu de salariés. Il fait le travail lui-même (sinon, c’est de la spéculation sur le travail d’autrui, et donc un commerçant).Il doit s’immatriculer au Répertoire des Métiers, mais on ne peut lui reprocher son oubli (l’artisan de fait n’existe pas), et il pourra donc demander l’ouverture d’une procédure collective.

Les artisans sont entrés dans le Droit des Entreprises en Difficulté que depuis la loi de 1985. Ils relèvent du Tribunal de Commerce.

§3 – L’entrepreneur individuel agriculteur

Les agriculteurs sont soumis à une loi de 1988, leur ouvrant le Droit des Entreprises en Difficulté. Les agriculteurs sont ceux qui développent les activités décrites L. 311-1 du Code Rural. Ils doivent s’inscrire au Registre de l’Agriculture. L’omission ne pourra leur être reprochée sur le plan du Droit des Entreprises en Difficulté.

Pour ceux-ci, si c’est un de leurs créanciers qui demande l’ouverture d’une procédure collective, il ne peut le faire directement, il faut qu’il demande un règlement amiable, éventuellement refusé.

§4 – Les autres entrepreneurs individuels civils (notamment professionnels libéraux)

Cela date de la loi de sauvegarde du 26 Juillet 2005.Raisons historiques qui voulaient que les professionnels libéraux, surtout les professions réglementées, n’étaient pas considérées comme des entreprises, mais comme des personnes rendant services à leurs clients.

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Du fait, de l’évolution des métiers, ils sont considérés comme entrepreneurs et sont soumis au Droit des Entreprises en Difficulté.

Section II – Cas de figure complexes

§1 – L’entrepreneur individuel a cessé son activité

Cela est intéressant lorsqu’on est en état de cessation des paiements et que l’on cesse son activité, on a encore un passif cependant. J’ai cessé mon activité, et je n’ai pas demandé de procédure.Cela serait trop facile de cesser son activité pour éviter l’ouverture d’une procédure collective.Ce qui est étrange, c’est qu’on prévoit la possibilité d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire, car s’il a cessé son activité… Cela n’a plus d’intérêt. En pratique, on devrait uniquement s’orienter vers la liquidation judiciaire.

A) Cas de la cessation simple de l’activité

1. Le cas du commerçant

Pour le commerçant, normalement, un commerçant (sauf autoentrepreneur) s’est fait immatriculer au RCS. Quand il arrête son activité, il doit se faire radier du RCS. La loi dit qu’on peut régler le problème de la cessation des paiements, des impayés par le truchement d’une procédure collective mais il faut le faire dans un délai d’un an à partir de la radiation.C’est un délai préfixe.

Il s’est immatriculé, mais il ne s’est pas fait radier du RCS. Il a un gros problème car le délai d’un an court à compter de la radiation… Il n’y a donc plus de délai.

Que se passe-t-il s’il ne s’est pas immatriculé au RCS ? C’est un commerçant de fait.Il ne peut jamais se faire radier, le délai ne commencera donc jamais à courir.On ne sait donc pas ce qu’on fait pour les autoentrepreneurs qui n’ont pas l’obligation de s’immatriculer (on tiendra sans doute compte du moment où ils auront réellement arrêté leur activité).

2. Autres cas

Les artisans, agriculteurs, professions libérales ont également un an à compter de la cessation d’activité.

B) Cas de la cessation de l’activité due au décès de l’entrepreneur

En tant que fille de l’entrepreneur décédé, tout le patrimoine de mon père m’est attribué, ce qui veut dire que j’hérite de tous ses biens mais également de toutes ses dettes. Les créanciers de mon père deviennent mes créanciers, de telle sorte qu’ils vont pouvoir saisir mes biens (ceux de mon père transmis, et les miens à l’origine). Dans mon patrimoine, sur tout mes biens, vont se trouver en concurrence à la fois les créanciers de mon père et mes créanciers originaires.

Si mon père m’a légué plus de dettes que de biens, les créanciers de mon père seront très contents de sa mort, puisqu’ils pourront saisir mon patrimoine, tandis que mes créanciers vont se découvrir des concurrents.

Lorsqu’un entrepreneur décède avec des dettes professionnelles impayées, il va être possible en quelque sorte, alors que normalement tout le patrimoine est transmis et se fond dans celui du successeur pour n’en former plus qu’un, grâce à l’ouverture d’une procédure collective de perdurer une dualité de patrimoines. L’objectif sera de traiter séparément les difficultés du mort.

Le droit civil permet de faire également cela, il est possible d’accepter une succession purement et simplement (tout se mélange), mais aussi on peut l’accepter à concurrence de l’actif net (sous réserve que cela soit une bonne affaire).

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Ce ne sont pas les mêmes règles, ce sont deux outils qui ont la même finalité, mais en ce qui nous concerne, si on utilise cet outil là (ouverture d’une procédure collective), une discipline collective va s’imposer à tous les créanciers.

L’héritier n’a pas de délai pour demander l’ouverture d’une procédure collective. En ce qui concerne les créanciers mais aussi le Ministère Public, ceux-ci ont la possibilité de demander l’ouverture d’une procédure collective, mais ce à compter d’un an à partir du décès de l’entrepreneur.

§2 – L’autoentrepreneur

On peut parfaitement être un entrepreneur et d’avoir comme seule activité professionnelle une activité indépendante, et donc pour se simplifier la vie, bénéficier d’un régime fiscal et social particulier, se mettre dans ce statut.Il ne faut pas avoir un chiffre d’affaires trop important.

Les pouvoirs publics ont dit que ce statut de l’autoentrepreneur peut certes, être utilisé par les professionnels dont l’activité principale est d’être artisan, commercial… mais cela s’adresse aussi à ceux qui ont une autre profession (salariés, fonctionnaires, étudiants…) pour arrondir leurs fins de mois peuvent utiliser ce statut.

L’article L. 333-3 du Code de Commerce nous dit que dès lors qu’on a une activité commerciale ou artisanale, on relève du Livre VI, et dès lors les dispositions du Code de la Consommation ne s’appliquent pas même si les dettes ne sont pas professionnelles. Si le passif est essentiellement domestique, il sera un peu plus curieux d’appliquer le livre VI.

§3 – L’entrepreneur individuel est marié (indications sur la situation de son conjoint)

On imagine ici que le régime régissant le mariage est celui de la communauté légale.Tous les biens acquis avant le mariage nous reste propres, et il en est de même s’agissant de mon conjoint. Ensuite, durant le mariage, ce que l’on va acquérir sont les biens communs. Ce dont on hérite ne devient pas un bien commun, cela reste un bien propre.

En pratique, les ménages ont constitué leur formule personnelle durant leur mariage (domicile conjugal), par des biens qui sont donc communs. Lorsque l’on est marié sous le régime de communauté légale, on conserve la maîtrise de nos biens propres. Quant aux biens communs, pour les gérer, les administrer, le principe c’est que chacun a la maîtrise des biens communs. Il existe des exceptions pour les biens les plus importants comme le fonds de commerce…

Le fait d’être marié ne signifie plus qu’il faille toujours agir ensemble, de telle sorte que lorsque l’un des époux conclut un contrat avec un tiers, peut le faire seul, et si l’on ne paye pas, quel est le droit de gage du vendeur ? Il a un droit de gage sur les biens propres, mais également sur les biens communs alors même que je me suis endettée sans l’accord de mon mari.

Si monsieur exerce une activité professionnelle indépendante, soumis à une procédure collective, ce qui veut dire que les biens vont être appréhendés par la procédure, et ses pouvoirs vont être altérés.

Qu’est ce qui va être saisi par la procédure ?Les biens propres, mais également les biens communs du ménage. Tout ce qu’il a pu faire seul engage ses biens propres et ses biens communs. De telle sorte que dans une liquidation judiciaire, c’est le liquidateur qui va gérer les biens. En tant qu’épouse, je ne suis pas soumise à la procédure, et même si le Code Civil dit que les deux époux peuvent gérer les biens communs, le liquidateur l’emportera. Je perds donc la maîtrise des biens communs.

De mon côté, si je veux continuer à avoir une activité, mes créanciers vont me demander ce que j’apporte comme garantie ? Quels sont vos biens communs ? Ils sont là, mais ils sont appréhendés par la procédure collective. On ne peut donc plus compter sur les biens communs.

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Enfin, avant l’ouverture de la procédure collective contre mon mari, si je me suis endettée moi-même, et que je dois de l’argent à mes créanciers qui prétendent se faire payer sur les biens propres et les biens communs, biens communs qui sont appréhendés par la procédure collective. Mes créanciers devront donc se manifester à la procédure collective s’ils entendent se faire payer sur mes biens communs, sinon ils n’auront rien sur ces biens.

La première procédure collective ouverte appréhende les biens communs, et seront soumis à cette procédure collective.

§4 – L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL du 15 Juin 2010)

Il pourra toujours avoir un patrimoine non-affecté, et un patrimoine affecté à une activité professionnelle. Si celle-ci a des difficultés, c’est ce patrimoine là qui sera soumis à une procédure collective.

Dans ce cas là, on ne peut pas dire que c’est le débiteur qui est soumis à la procédure collective (tous ses patrimoines), c’est l’un de ses patrimoines qui est soumis à l’une des procédures collectives.

A partir de 2013, je pourrai avoir plusieurs patrimoines affectés.

Chapitre II – Quelles personnes morales ?

Comme pour la conciliation, la personne est que toute personne morale de droit privé peut agir.

Section I- La réponse : toute personne morale de droit privé

§1 – Cas généraux

Il faut être doté de la personnalité juridique, de telle sorte que si nous créons une association mais que nous ne la déclarons pas, celle-ci n’a pas la personnalité juridique. S’il y a des dettes, il faudra voir si chacune des personnes physiques ayant créé la société ont des activités commerciales, artisanales… pour s’intéresser à eux personnellement.

Tant que la société est en formation elle n’est pas dotée de la personnalité juridique, on ne pourra ouvrir une procédure collective à l’égard d’une société qui est encore en formation.

Les groupes de société ne sont pas dotés de la personnalité juridique : il faut ouvrir autant de procédures qu’il y a de personnes morales en difficulté.

Les personnes publiques (Etat, collectivités territoriales…) sont exclues, ainsi que les EPIC.En revanche, une société nationalisée pourrait être soumise au Livre VI.

§2 – Cas particuliers

- Syndicats des copropriétaires Il y a obligatoirement un syndicat des copropriétaires, dotés de la personnalité juridique par la loi de plein droit. Ceux-ci ne relèvent pas du Livre VI, mais relèvent d’une loi de 1994, réformé récemment.

- Entreprises d’assurance et établissements de crédit Le livre VI n’est pas totalement exclu, mais on trouve des règles particulières.

- Transformation Une SARL qui se transforme en SA, quel impact cela peut-il avoir pour l’ouverture d’une procédure collective ? Cela ne pose aucun problème.

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- Dissolution C’est la condamnation à mort de la société. Elle ne meurt pas tout de suite, elle garde sa personnalité juridique. Pendant ce temps là, il y a la période de liquidation. Une fois ces opérations finies, la personnalité juridique cessera.Elle ne garde sa personnalité juridique que pour les besoins de la procédure collective.

- Nullité Lorsqu’une société est nulle, la nullité n’a pas d’effets rétroactifs, et du coup, la nullité a les mêmes effets qu’une dissolution. A partir du moment où il y a nullité, il y a dissolution, et elle garde la personnalité juridique. On peut donc ouvrir une procédure collective.

- Fictivité C’est une société qui a été créée pour mettre des biens à l’abri. Le juge a le pouvoir de lever le voile de la personnalité juridique, et étendre la procédure à la société fictive.

- Confusion de patrimoines On a réellement deux sujets de droit comme une société-mère et une société-filiale, ayant des activités différentes, seulement il y a une confusion qui règne : il peut y avoir des relations financières anormales c'est-à-dire que c’est la société-mère qui commande à un tiers, et c’est la société-filiale qui paye la facture… il peut également y avoir une confusion des comptes.

Le tribunal peut dire qu’il ne s’y retrouve pas, et du fait de cette telle confusion, la procédure collective ouverte pour l’une des deux sociétés, englobera les deux sociétés.

La confusion peut également exister entre une personne physique et une personne morale.

On pourra réunir deux patrimoines de l’EIRL, en un seul patrimoine lorsqu’il y a confusion.Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux règles prévues à l’article L. 526-13 du Code de Commerce.

Section II – Une question : La procédure collective de la personne morale atteint-elle ses membres et ses dirigeants ?

Le fait qu’une procédure collective soit ouverte à l’égard de la personne morale ne provoque aujourd’hui aucunement l’ouverture d’une procédure collective à l’égard des dirigeants et des membres de la société.

Cela n’a pas toujours été le cas, en particulier pour les personnes morales SNC, où les associés sont tenus indéfiniment et solidairement, où l’on considérait que les associés n’étaient pas capables de payer et devaient donc être personnellement en cessation des paiements. De ce fait, lorsqu’on ouvrait une procédure collective contre la personne morale, cela rejaillissait sur les dirigeants/associés contre lesquels on ouvrait une procédure collective.

La loi de 2005 a gommé cela. Si l’on veut ouvrir une procédure contre les associés ou les dirigeants, il faut vérifier qu’ils sont bien eux-mêmes en cessation de paiements, il faut vérifier les conditions…

Pour ce qui est des dirigeants, le fait que la société soit en procédure collective n’entraîne pas l’ouverture d’une procédure collective à l’égard du dirigeant. Il y avait une exception effacée par la loi de 2005 lorsque le dirigeant avait commis une faute grave.

Sous-Titre II – Conditions tenant aux difficultés du débiteur

Il faut avoir certaines difficultés pour pouvoir bénéficier de l’ouverture d’une procédure collective.

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Chapitre I – Le débiteur n’est pas en conciliation et est en état de cessation des paiements

Articles L. 631-1 et articles L. 640-1 du Code de Commerce.+ Pour les agriculteurs, article L. 621-5 dernier alinéa et article L. 640-5 dernier alinéa du Code de Commerce.

Il s’agit ici d’étudier les conditions pour obtenir l’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire. Dans le chapitre II, il n’est pas en état de cessation des paiements, il s’agit d’étudier les difficultés qui permettent l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Que l’on envisage d’ouvrir un règlement ou une liquidation judicaire, il faut être en état de cessation des paiements. C’est donc être dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible.

Section I – Le « passif exigible » de l’article L. 631-1 du Code de Commerce

§1 – Nature des dettes composant le passif considéré

Pour savoir si je suis en état de cessation des paiements, on tient compte de quelles dettes ?

Lorsque je suis une personne physique, peu importe que je sois un autoentrepreneur ou pas, il se peut que j’ai des difficultés, mais que celles-ci ne soient pas liées à mon activité professionnelle : rembourser mon loyer, mon prêt contracté pour l’achat de mon voiture.

Va-t-on tenir compte de ces dettes non-professionnelles ? On tient compte de toutes les dettes qu’elles soient domestiques ou professionnelles.

A une époque, on ne tenait compte que des dettes commerciales, et pas des dettes civiles.

§2 – Caractères des dettes composant le passif considéré

Celles-ci doivent être certaines, liquides et exigibles ou exigées.

- Certaines Si je ne paye pas une dette car j’estime que je ne la dois pas, c’est qu’elle n’est pas certaine.On ne va donc tenir compte que des dettes que je ne paye pas, mais qui sont certaines.

- Liquides On tient compte des dettes liquides, c'est-à-dire des dettes dont on connaît le montant, qui est évaluée ou au moins évaluable.

- Exigibles ou exigées Lorsque je lis l’article L. 631-1 du Code de Commerce, on me dit que c’est celui qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.Le passif exigible, c’est celui qui dit que je devais payer le 14, et qu’on est le 15.

Qu’en est-il lorsque la dette est exigible le 15 décembre, et le 15 février, le créancier ne m’a toujours rien demandé ? C’est exigible, mais non exigé. Cela nous met-il en état de cessation des paiements ?Je ne suis pas en retard, je ne le suis que lorsque le créancier m’a mis en demeure.

Dans un arrêt Com – 28 Avril 1998, la Cour précise que le passif prend en considération le passif exigible (date arrivée, il y a présomption d’être en état de cessation des paiements jusqu’à ce que le débiteur nous démontre que le créancier a réellement voulu nous faire crédit), et le passif exigé.

Section II – « L’actif disponible » de l’article L. 631-1 du Code de Commerce

Il est disponible, c'est-à-dire ce dont je peux disposer, utiliser pour payer mes dettes exigibles à très court terme : ce que j’ai en caisse, sur mon compte en banque, des actions cotées, des effets de commerce…

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La jurisprudence n’a pas qu’une approche purement comptable pour savoir ce qui est disponible. Elle a une approche plus large.

Section III – « L’impossibilité de faire face » de l’article L. 631-1 du Code de Commerce

La jurisprudence n’accepte jamais de considérer un débiteur en état de cessation des paiements si la gêne n’est qu’occasionnelle.

L’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible doit être distinguée de l’état d’insolvabilité. L’état d’insolvabilité, c’est quand on regarde tout mon actif et tout mon passif, et que mon passif est supérieur à mon actif.

L’état de cessation des paiements, c’est que je ne suis pas capable avec mon actif disponible actuellement de faire face à mon passif exigible. Je peux être en état de cessation des paiements et ne pas être insolvable. Section IV – La possibilité ou l’impossibilité manifeste d’un redressement (liquidation judiciaire ou règlement judiciaire)

Si on est en état de cessation des paiements, l’une ou l’autre des procédures est accessible, mais le redressement judiciaire suppose qu’on ait des chances de redresser la situation (dans les mains d’un repreneur) tandis que la liquidation judiciaire pourra être ouverte directement (au moins 80% des cas), cela suppose que le juge voit qu’il est manifestement impossible de redresser la barre.

Chapitre II – Le débiteur est en difficulté mais n’est pas en état de cessation des paiements ni en procédure de conciliation (la procédure de sauvegarde)

Si d’aventure, il était en conciliation, rien ne lui interdit de demander la fin de la conciliation pour passer à la procédure de sauvegarde. Pourquoi voudrait-il abandonner la conciliation au profit de la sauvegarde ? Pour une raison très simple, en conciliation, il peut négocier avec ses cocontractants habituels, mais il n’y a pas de suspension générale des poursuites. Ainsi, il n’aura plus à payer les créanciers dont la créance est déjà née.

- Difficultés permettant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, avec l’article L. 620-1 (modifié par l’ordonnance de 2008).

Lorsqu’on lit l’article L. 620-1 du Code de Commerce, il faut faire le parallèle avec les difficultés dont la preuve est exigée pour obtenir une conciliation. Pour obtenir une conciliation, il faut établir une difficulté.Ici, c’est le pluriel qui est utilisé : il faudrait donc démontrer une pluralité de difficultés.Les auteurs ne sont pas convaincus par cette interprétation littérale.

Le juge ne refuserait pas l’ouverture d’une sauvegarde en la présence d’une seule difficulté.Ces difficultés peuvent être juridiques, financières, sociales (grève), économiques… On trouve donc la même palette pour la conciliation. Cependant, pour obtenir l’ouverture d’une conciliation, je peux simplement démontrer une difficulté prévisible. Pour la sauvegarde, la difficulté doit être avérée.

Quant à la gravité, celle-ci doit être particulière puisqu’il est exigé que la difficulté doit être insurmontable. Non pas dans l’absolu, puisque dans ce cas là, c’est la liquidation qui sera envisagée. La difficulté doit être d’une gravité telle, que le débiteur seul ne peut la surmonter.Grâce à la sauvegarde, il va pouvoir s’en sortir.Cela est fort difficile à apprécier pour un tribunal.

Il est intéressant de noter les exigences du législateur français : la procédure de sauvegarde, introduite avec la loi de 2005, est inspirée du droit américain (procédure de réorganisation américaine). Or, en droit américain, il n’y a pas de conditions de fond, c’est le débiteur qui dit qu’il a besoin d’aide et il n’a pas à démontrer de difficultés particulières.

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En 2005, le législateur avait posé une condition supplémentaire, qui a été supprimée.Il fallait une difficulté insurmontable, de nature à le conduire à la cessation des paiements. Cette suppression ouvre plus grand les possibilités d’obtenir l’ouverture de la sauvegarde. Cela permet également de recourir à la sauvegarde plus tôt

Dans des arrêts du Com – 27 Juin 2007, on s’est demandés si, lorsque j’ai une société qui demande une sauvegarde, le tribunal doit-il avoir égard au groupe dans lequel la société s’inscrit ? Si la société va mal, mais que la société-mère va très bien ? Doit-on apprécier pour savoir si elle est en difficulté insurmontable, la situation du groupe ?Il faudra s’intéresser à la seule situation économique de la société (personnalité juridique distincte). C’est l’autonomie des sujets de droit, des personnes morales qui prime.

Cela étant, d’un point de vue moral, il faut tenir en compte le fait que la société a des difficultés, n’est pas en état de cessation des paiements, et pour la réorganiser, on va lui donner un répit. Ce sont ses créanciers qui vont en payer le prix. Lorsqu’une société va mal, la première personne qui devrait effectuer des sacrifices, ne devraient ce pas être les actionnaires (la société mère) ?

- Innovation par l’ordonnance de 2008, l’article L. 622-10 alinéa 3 : l’hypothèse est que le débiteur est en sauvegarde et n’est pas en cessation de paiements, mais l’adoption d’un plan de sauvegarde est manifestement impossible, et la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements. Dans ce cas, à la demande du seul débiteur, le tribunal décide également la conversion en redressement judiciaire

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Titre II – Le jugement d’ouverture

Sous-Titre I – Saisine du tribunal et préparation du jugement

Chapitre I – La saisine du tribunal

Section I – L’auteur de la saisine

Sauvegarde, article L. 620-1 du Code de Commerce. Seul le débiteur peut en demander l’ouverture.Si je suis une personne morale, avec un problème de confusion du patrimoine, on obtiendra une extension de procédure à l’autre personne (qui n’a rien demandé du tout).

Règlement judiciaire, article L. 631-4 et article L. 631-5, et liquidation judiciaire, article L. 640-4 et L. 640-5. Il y a une pluralité des auteurs possibles de la saisine.

§1 – Le débiteur

En sauvegarde, il est seul à pouvoir demander l’ouverture de la procédure. Nul ne peut juridiquement l’y contraindre. Il ne peut demander une sauvegarde que s’il n’est pas en état de cessation des paiements. Sinon, selon la gravité de ses difficultés, il pourra (devra) demander soit un redressement judiciaire soit une liquidation judiciaire.

- Si le débiteur est en état de cessation de paiements Il existe un délai de 45 jours (Article L. 631-4 du Code de Commerce, et article L. 640-4 du Code de Commerce), pour choisir entre la conciliation, le règlement judiciaire ou la liquidation judiciaire.

Dès lors qu’il est en état de cessation des paiements, il doit se soumettre au jugement du tribunal. Il faut nécessairement qu’il fasse son choix dans les 45 jours, il doit agir : conciliation, redressement ou liquidation.La différence est que s’il n’a pas respecté les 45 jours, il ne pourra plus avoir accès à la conciliation, tandis que le redressement et la liquidation seront toujours accessibles.

Sinon, il y a un risque de sanction (Article L. 653-8 du Code de Commerce) qui est l’interdiction de gérer (mesure d’exclusion), il ne pourra plus exercer une profession commerciale par exemple, et une obligation de réparation (Article L. 651-2 du Code de Commerce). Le débiteur qui envisage de se lancer dans une procédure collective, doit préalablement informer et consulter le comité d’entreprise s’il existe. A défaut, il commet un délit (Délit d’entrave).S’il n’y a pas de comité d’entreprise, il doit informer et consulter les délégués du personnel (11 salariés).En deça de 11 salariés, les salariés ne seront pas informés.Environ 90% des entreprises soumises à une procédure collective ont moins de 11 salariés.

Qui a qualité pour demander l’ouverture de la procédure collective ?Si c’est une personne physique, l’entrepreneur lui-même.Si c’est une personne morale, son représentant. Un associé ne peut donc pas demander l’ouverture de la procédure collective, un administrateur de SA ne le pourrait non plus.

Lorsque le débiteur demande l’ouverture d’une procédure collective, il doit justifier de sa demande, et il est exigé qu’il dépose certains documents : comptes, bilans…

§2 – Un créancier (saisine par)

Celui-ci va procéder par assignation. Il ne pourra s’agir que d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Peu importe la nature de sa créance, et en particulier, celui qui assigne peut parfaitement être un créancier professionnel ou un créancier non-professionnel. En pratique, les créanciers qui assignent sont les créanciers publics et tout particulièrement l’URSAFF.

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Cette assignation doit contenir un certain nombre d’indications, contenues à l’article L. 631-2 du Code de Commerce. Lorsque le débiteur est un exploitant agricole, le créancier doit d’abord démontrer qu’il a fait une demande de règlement amiable (ancienne conciliation).

Avant la loi de 2005, un créancier ne pouvait pas assigner un débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire, sans avoir préalablement diligenté contre lui des poursuites, des voies d’exécutions. Le législateur de 2005 a estimé que cela était une perte de temps, et a abandonné cette condition.

En revanche, règle très importante, certains créanciers, qui pour faire pression sur leurs débiteurs, avaient la pratique qui consistaient à dire « j’assigne en paiement », et subsidiairement en redressement/liquidation judiciaire. La loi interdit cette pratique (Articles R. 631-2 et R. 640-1 du Code de Commerce).

Soit le débiteur ne paie pas, et n’est pas en état de cassation des paiements, et dans ce cas, on ne peut que faire une action en paiement, et non pas un redressement/liquidation judiciaire. Soit il est en état de cessation des paiements, le créancier le sait, et ne doit donc pas exiger un paiement (car celui-ci risque d’être annulé), il faut l’assigner en redressement/liquidation judiciaire.

Il est interdit de faire des demandes doubles.

§3 – La saisine d’office

C’est le tribunal lui-même qui décide d’ouvrir une procédure collective contre le débiteur.Sauf cas d’extension, le tribunal ne peut ouvrir de lui-même une sauvegarde.

Cette saisine d’office, en pratique, est assez rare. Cela progresse, mais reste assez marginale (7/8% des procédures).

Le débiteur doit être convoqué, par acte d’huissier (acte judiciaire) et sera reçu en Chambre du Conseil, c'est-à-dire hors la présence du public.

§4 – Le procureur de la République

Cela est symbolique que le Parquet puisse demander l’ouverture d’une procédure collective.Cette possibilité existe depuis 1981 (Loi du 15 Octobre 1981), renforçant les pouvoirs du Parquet en Droit des Entreprises en Difficulté. Cela est très peu utilisé.

Section II – La juridiction saisie

Sous-Section I – La compétence matérielle/d’attribution

- TGI ou Tribunal de Commerce ?

Traditionnellement, c’est le tribunal du Commerce qui sera compétent pour les commerçants, ainsi que pour les artisans (même s’il n’est pas commerçant). Pour tous les autres, c’était le TGI qui était compétent.

Le problème, c’est que l’article L. 621-2 du Code de Commerce a vu ses termes modifiés par l’ordonnance de 2008, et désormais dispose que « Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal de grande instance est compétent dans les autres cas ».

On passe donc à l’exercice d’une activité commerciale. Certaines SARL n’auront ni une activité commerciale ou artisanale, et ne relèveront donc pas du tribunal de commerce. Cela installe un certain désordre.

- Exceptions

Dans certains ressorts, il n’y avait pas de tribunal de commerce. Du coup, lorsqu’on avait des commerçants, on allait devant le TGI, mais qui statuait en matière commerciale. Les juges suivaient la procédure adéquate.La carte judiciaire a été modifiée, et en conséquence, cela ne se présente presque plus.

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Il existe une exception pour la Moselle, le Haut-Rhin et le Bas Rhin, où ce sont le TGI qui est compétent.

Il existe aussi l’alinéa 2 de l’article L. 621-2 du Code de Commerce, avec une procédure ouverte à l’égard d’un commerçant par un Tribunal de Commerce, il y a extension de cette procédure à un non-commerçant (cas de confusion des patrimoines ou de fictivité de la personne morale non-commerçante). C’est le tribunal d’origine qui sera compétent.

Enfin, les SEL (sociétés d’exercice libéral), qui ont une forme commerciale, mais la loi du 31 Décembre 1990 donne compétence au TGI.

Sous-Section II – La compétence territoriale

§1 – Le débiteur a son siège sur le territoire français

A) Le principe

C’est l’article R. 600-1 qui indique qu’il faut s’attacher à déterminer le centre principal de ses intérêts.Pour une personne physique, on va considérer le lieu de son principal établissement, le centre de direction de son entreprise individuelle.Pour une personne morale, on va se référer au siège statutaire, mais la jurisprudence retient que si le siège statutaire est fictif, alors on pourra ouvrir la procédure au lieu du siège réel.

B) Les exceptions

Article R. 600-1 alinéa 2 : La personne morale a changé de siège récemment (depuis moins de 6 mois). Cet article nous dit que le tribunal compétent est celui de l’ancien siège. Lorsqu’on change de lieu de siège social, il existe une présomption que ce serait pour choisir son siège.

Article L. 662-2 du Code de Commerce, et article R. 662-7 du Code de Commerce, on relève du tribunal de Nanterre, mais il existe de bonnes raisons pour que le conflit soit délocalisé comme un conflit d’intérêts. Le débiteur ne peut rien faire, il faut demander au Président du Tribunal, mais c’est lui qui décidera, ou le Ministère Public. S’ils sont d’accord, ils vont transférer le dossier au Premier Président de la Cour d’Appel. Si on veut changer de ressort de Cour d’Appel, cela sera transféré au Premier Président de la Cour de Cassation.

Pour le cas des groupes de société, la société-mère relève du tribunal de Bordeaux, une filiale relève de Périgueux… On va traiter chaque difficulté devant le tribunal dont elle relève ? Il serait intéressant de centraliser toutes les difficultés devant un seul tribunal.

§2 – Le débiteur n’a pas son siège sur le territoire français : indications de droit international privé, et étude du règlement communautaire 1346/2000 du 29 Mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité

L’hypothèse est celle d’un débiteur qui a son siège dans un état A, une succursale dans un état B, et est propriétaire de biens dans un état C où il n’exerce pas d’activité. Un tribunal des états A, B ou C peut-il ouvrir une procédure ? Le règlement communautaire donne une solution et nous dit que le tribunal qui est compétent pour ouvrir la procédure collective est celui sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur (Le siège statutaire). Il ne s’agit que d’une présomption simple qui peut donc être renversée.

Quelle est la loi applicable ? La loi française s’appliquera si le centre des intérêts est en France.Quels sont les effets d’une ouverture dans les autres Etats ? Cela est automatiquement reconnu dans les autres Etats (exequatur).

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Chapitre II – La préparation du jugement

La loi donne la possibilité au tribunal de s’informer via un juge enquêteur.

Informations du tribunal1. Possibilité de commettre un juge enquêteur préalablement à l’ouverture de la procédure collective. Ce

juge enquêteur peut être demandé dans les trois procédures collectives. Il devra déposer un rapport écrit au greffe, communiqué au Procureur de la République, au débiteur ainsi qu’aux représentants des salariés.

2. Dans le cas où le débiteur a bien exploité les dispositifs du Droit des Entreprises en Difficulté, c'est-à-dire qu’il demande une procédure de sauvegarde, il a déjà bénéficié préalablement d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation dans les 18 mois qui précèdent, le tribunal pourra accéder aux dossiers et rapports rédigés dans les dispositifs antérieurs. En outre, le Procureur de la République sera informé. Il y a donc une volonté d’éviter les détournements et abus des dispositifs de Droit des Entreprises en Difficulté.

Toujours pour son information, le tribunal va auditionner certaines personnes, de façon facultative ou obligatoire.Auditions

1. Le débiteur doit être auditionné, tout cela se déroule en Chambre du Conseil. La non-convocation du débiteur, ou une convocation irrégulière est une cause d’annulation de ce jugement d’ouverture.

2. La loi impose la convocation des représentants du Comité d’Entreprise ou des délégués du personnel toujours en Chambre du Conseil.

3. Quant aux auditions facultatives, celles-ci sont très larges : toute personne dont l’audition paraissant utile au tribunal peut être faite.

Publicité des débatsLes audiences de procédures collectives se tiennent hors la présence du public. L’idée est d’essayer de rester aussi discret que possible, mesure de protection en faveur du débiteur. Cela étant, cela n’est pas forcément conforme aux règles du procès équitable (Article 6 §1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme). La loi de 2005 a modifié la règle.

Ainsi, en cas général, c’est qu’on reste sur le principe que toutes les audiences se tiennent en Chambre du Conseil. Toutefois, une fois la procédure ouverte (qui fera l’objet d’une publicité), les autres audiences pourront être publiques, ce à la demande de certains acteurs.S’il y a demande, le tribunal doit ordonner que les débats se tiennent publiquement. Il existe une réserve : le Président du Tribunal peut exiger que l’on revienne en Chambre du Conseil s’il existe des troubles de nature à perturber le bon déroulement de la justice.

Enfin, pour toutes les audiences qui visent à sanctionner les dirigeants, alors cela doit devenir public.L’audience est publique, mais si l’une des personnes mises en cause le demande avant l’ouverture des débats, le Président du Tribunal peut décider que les audiences auront lieu en Chambre du Conseil, celui-ci dispose d’un pouvoir d’appréciation.

Sous-Titre II – Contenu et efficacité du jugement d’ouverture

Chapitre I – Le contenu du jugement d’ouverture

Section I – Constatation des difficultés justifiant l’ouverture d’une procédure collective

Sous-Section I – Constatation des difficultés justifiant l’ouverture d’une sauvegarde

Le moment auquel le tribunal doit se situer pour apprécier les difficultés de la société.La jurisprudence (Arrêts Com – 26 Juin 2007), nous dit qu’il faut se situer au moment où le tribunal statue pour décider de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. En cas d’appel, la Cour d’Appel devra aussi se situer au moment où le tribunal avait statué.

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Si le tribunal refuse l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, la Cour d’Appel doit retourner en arrière et doit se situer au moment où le tribunal a statué.

Sous-Section II – Constatation des difficultés et règlement/liquidation judiciaire : constatation de la cessation des paiements et fixation de sa date

Il faut obligatoirement constater la cessation des paiements, et en fixer la date. Cela est très important, parce que le débiteur a 45 jours pour saisir le tribunal. S’il ne l’a pas fait dans les 45 jours, il encourt une sanction, et on peut aussi considérer qu’il a commis une faute engageant sa responsabilité.

Il existe un autre enjeu important : imaginons que le tribunal dise que cela fait trois mois que le débiteur est en état de cessation des paiements, alors cela veut dire que cela fait trois mois que le débiteur est en difficultés graves, qu’a-t-il fait pendant ce temps là ? Cette période s’écoulant entre le moment où on est en état de cessation des paiements et où l’on ouvre la procédure est une période dite suspecte, avec des actes suspects, qui pourront être annulés.

§1 – Les règles de constatation et de fixation de la dette de cessation des paiements

On ne s’intéresse qu’au redressement et à la liquidation judiciaire. Ceux-ci ne peuvent être ouverts qu’avec une cessation des paiements.Le tribunal ne peut retenir une date postérieure au jugement, c’est au pire le jour de l’ouverture de la procédure.

Pour apprécier la date de cessation des paiements, à quel jour la juridiction doit-elle se situer ? Pour savoir s’il y a un état de cessation des paiements justifiant un redressement ou une liquidation, le tribunal détermine s’il y a cessation des paiements au jour où il statue, et la Cour d’Appel statue au jour où elle est saisie.

La loi donne au tribunal la possibilité de choisir une date. Sinon, la loi prévoit un filet de sécurité puisqu’elle dispose que l’état de cessation des paiements est censé avoir débuté au jour du jugement d’ouverture. Cette date peut faire l’objet d’une modification. Les indications dont disposent le tribunal ne lui permettent pas toujours de fixer précisément cette date. Il est donc possible de la changer. Cette possibilité est encadrée. Le tribunal ne peut pas de lui même décider de changer cette date (depuis 2005), il faut donc qu’il soit saisi (un mandataire de justice, un administrateur judiciaire, le liquidateur ou le ministère public c'est-à-dire des acteurs énumérés par la loi).

Peut-on indéfiniment changer la date ? Non, le délai est seulement d’un an à compter du jugement d’ouverture.

Les butoirs : il est de 18 mois au maximum. Normalement, la CP ne peut pas avoir un âge supérieur à 18 mois avant le jugement d’ouverture. Il existe aussi un butoir issu de l’homologation d’un accord dans le cadre d’une conciliation. Lorsque le tribunal a homologué, il a vérifié qu’il n’y avait pas état de cessation des paiements. Il y aura autorité de la chose jugée, sauf s’il y a fraude.

§ 2 – Date de CP et période suspecte (P.S.) : étude des nullités de la P.S.

Peut-on demander la nullité des actes accomplis pendant la PS pour reconstituer le patrimoine ?

A) Intérêt des nullités de la P.S

C’est de reconstituer le patrimoine du débiteur.

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B) Conditions générales de nullité

1. Conditions de fond

Il doit s’agir d’un acte accompli pendant cette période. Le régime prévu par le DED ne peut s’appliquer qu’aux actes accomplis pendant la période suspecte. Cela ne signifie pas qu’il est impossible d’attaquer des actes accomplis avant la cessation des paiements (on utilisera ici le droit commun).Seuls les actes faits par le débiteur en PS peuvent être attaqués. Mais la jurisprudence a élargie cette obligation aux actes accomplis en période suspecte par le conjoint du débiteur. On parle désormais des actes intervenus en période suspecte et plus seulement des actes faits par le débiteur.

2. Conditions procédurales

Seules certaines personnes peuvent agir : l’administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, le liquidateur, le ministère public (innovation de 2005), et enfin le commissaire à l’exécution du plan. Le tribunal ne peut donc pas se saisir d’office et le débiteur ne peut pas prendre d’initiative.

A propos des contrôleurs : Ce sont des créanciers du débiteur qui vont se proposer pour contrôler (souvent le banquier) et qui sont ensuite nommés par le juge chargé du dossier. La loi de 2005 a innové : si le mandataire judiciaire n’agit pas, on peut le mettre en demeure et au bout de 2 mois, les contrôleurs peuvent agir à sa place.

Le défendeur est celui qui a bénéficié de l’acte. On n’agit pas contre le débiteur.

C’est le tribunal qui a ouvert la procédure qui est compétent = dérogation au droit commun.

C) Distinction entre nullités de droit et nullités facultatives

1. Nullité de droit ou nullités objectives (article L.632-1 I du Code de Commerce)

L’article L.632-1 dresse une liste de catégories d’actes. Lorsque le tribunal est saisi, et qu’il constate l’existence d’un tel acte, il doit prononcer la nullité (il n’a pas de pouvoir d’appréciation). La liste en question est limitative mais ne cesse de s’allonger.

- Si le tribunal est saisi, et qu’il constate qu’en PS le débiteur a fait des actes à titre gratuit, alors le tribunal doit les annuler.

- Tous les contrats commutatifs déséquilibrés dès lors que ce sont les obligations du débiteur qui excèdent celles de l’autre partie.

- Les paiements de dettes non échues, faits pendant la période suspecte.- Les paiements faits par des modes anormaux (qu’est ce qu’un mode normal de paiement ?).

(Suite en papier).

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La période d’observation débute avec le jugement d’ouverture, et s’achève avec l’adoption du plan. L’entreprise, grâce aux efforts consentis par les partenaires, va retourner dans le droit commun.On trouve des prolongements de la procédure, mais c’est durant cette période, que se déroulent les évènements les plus forts de la procédure de sauvegarde ou de règlement judiciaire.

Cette période a une durée limitée, elle est normalement de 6 mois, qui peuvent être renouvelés une fois (12 mois). Exceptionnellement, on peut ajouter encore 6 mois. Il n’y a que le Ministère Public qui puisse demander cette prolongation au-delà des douze mois, pour arriver à 18 mois maximum.Il y a des dispositions particulières pour les agriculteurs.

Qu’advient-il si à la fin du délai adopté, le plan n’a pas été adopté ? On n’a pas beaucoup de données sur ce cas de figure, mais il faut savoir que si le tribunal adopte un plan hors-délai, cela ne le rendra absolument pas irrégulier. Cela ne conduit donc pas à la liquidation judiciaire.Cela étant, à l’égard des tiers, il y a des règles dures qui s’imposent à eux. A priori, dès lors qu’on sort de la période d’observation, on ne peut plus se prévaloir des règles dérogatoires au droit commun, et propres aux procédures collectives.

Cette période d’observation peut prendre fin avant que le terme fixé par le tribunal ne soit venu à échéance. IL y a l’hypothèse optimiste qui veut que les difficultés ont cessé (article L. 622-12 du Code de Commerce, et L. 631-16 du Code de Commerce). Sinon, les choses se sont aggravées : la période d’observation prendra fin si on passe en liquidation judiciaire. Ce passage de la procédure de sauvegarde ou du redressement judiciaire à la liquidation judiciaire emporte la fin de la période d’observation, qui n’est pas prévue en cas de liquidation judiciaire. Toutefois, en liquidation judiciaire, s’il y a continuation de l’activité, il y a des règles qui s’appliquent communes à la procédure de sauvegarde et au règlement judiciaire. Il se peut aussi qu’une procédure de sauvegarde soit transformée en règlement judiciaire, et dans ce cas là, il y aura aussi une période d’observation. Le tribunal convertissant la procédure, modifier le temps de période d’observation qui restera à courir.

En redressement judiciaire, le tribunal, au bout de deux mois, doit s’assurer qu’on arrive à payer les nouvelles dettes qui interviennent (Article L. 631-15 I du Code de Commerce). A ce moment là, il peut décider de passer en liquidation judiciaire, ou d’allonger la période d’observation.

Section IV – Désignation d’organes de la procédure

Ces organes de la procédure, pour un certain nombre d’entre eux, animent la procédure.Dans le jugement d’ouverture, on trouve un certain nombre d’acteurs désignés. Nous allons en faire un tableau plus complet, et les envisager plus largement : les acteurs désignés par le jugement d’ouverture, et ceux désignés en marge de ce jugement d’ouverture.

§1 – Le juge-commissaire et l’organe chargé de l’inventaire et de la prisée

A) Le juge commissaire : un organe obligatoire, en sauvegarde, en règlement judiciaire et en liquidation judiciaire

On le trouve dans toutes les procédures. Il est obligatoire. C’est un juge de la juridiction qui rend le jugement d’ouverture, qui a ouvert la procédure qu’il s’agisse d’une sauvegarde, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation. C’est le juge chargé plus spécifiquement du dossier de l’entreprise soumis à la procédure collective. Il est possible d’en nommer plusieurs. Le juge commissaire ne doit pas être un parent ou allié du chef d’entreprise ou des dirigeants de l’entreprise et ce jusqu’au quatrième degré.

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Quel est le rôle du juge commissaire ?

- En matière d’information Le juge commissaire peut à la fois demander des informations, et en recevoir. C’est un organe pivot de la procédure, il reçoit des informations et les transmet. On ne peut lui opposer le secret professionnel.Toutes ces informations proviennent des autres acteurs de la procédure, ou inversement, mais cela est aussi à l’égard des tiers (administrations, organismes publics) sans que le secret professionnel puisse lui être opposé.C’est l’agent de transmission à l’égard du tribunal. Certaines décisions ne peuvent être prises que par le tribunal, organe collégial, et le juge commissaire en est l’une des principales sources d’information.

- Pouvoirs de décision qui suscitent des interrogations quant aux recours possibles contre ses décisions C’est lui qui nomme les contrôleurs.Ce sont en principe des créanciers qui se sont proposés pour superviser et voir ce que fait le liquidateur ou le mandataire judiciaire. Il a bien d’autres pouvoirs de décision : s’il y a des licenciements en période d’observation, c’est lui qui va les autoriser (immense pouvoir, et grande responsabilité morale). Quand il y a des actes graves qui doivent être pris, comme des cessions d’actifs, c’est le tribunal qui va les autoriser.En liquidation judiciaire, lorsqu’on décide de vendre l’actif, c’est le juge commissionnaire qui autorise la vente.

Quels sont les recours possibles contre les ordonnances du juge-commissaire ? Le principe, c’est que le recours est porté devant le tribunal, dans un délai de 10 jours à compter de la notification. Ce jugement qui est rendu, avant la loi de 2005 (sauf en matière de revendication), n’était pas susceptible de recours. La loi de 2005 a élargi les possibilités : un recours est donc possible.

A titre exceptionnel, l’ordonnance du juge-commissaire peut être attaquée, non pas devant le tribunal (juridiction à laquelle appartient le juge-commissaire), devant la Cour d’Appel. C’est lorsqu’on a notamment refusé ma créance. Il en va de même lorsqu’il s’agit de vendre les biens du débiteur, et que le juge-commissaire a donné son autorisation ; le débiteur est exproprié et peut aller devant la Cour d’Appel.

B) Le commissaire-priseur judiciaire ou notaire ou huissier ou courtier en marchandises assermenté : inventaire et prisée (Articles L. 622-6 et R. 622-4 du Code de Commerce, Article L. 631-14-I, et Article L. 641-1 du Code de Commerce).

Il peut exister dans toutes les procédures, mais ce n’est pas obligatoire.L’inventaire, c’est connaître l’état des lieux de l’actif du débiteur.La prisée, c’est évaluer les biens du débiteur.On a dans l’esprit qu’il pourrait être utile de les vendre.

Avec la loi de 2005, était posée l’exigence d’un inventaire et d’une prisée dans les trois procédures. Cela se comprend aisément pour la liquidation judiciaire. En redressement judiciaire, cela est plus curieux que l’on fasse une prisée. On veut parvenir à un plan de redressement, et donc à sauvegarder l’entreprise. Cependant, il arrive des cas où l’on vend quand même une partie de l’entreprise, une partie des actifs, une seule branche des activités de l’entreprise. En sauvegarde, l’entreprise n’est même pas en état de cessation des paiements. Comment peut-on envisager la cessation des actifs ?

On a modifié les choses en 2008 et en 2009 pour la sauvegarde.Ainsi, celui qui n’est pas en état de cessation des paiements, qui accepte de jouer le jeu proposé par le législateur, accepte de se mettre sous le contrôle du tribunal, n’a plus besoin de subir un inventaire ou une prisée. C’est le débiteur lui-même qui va effecteur l’inventaire, il n’aura pas à subir la présence d’un tiers. Il doit quand même le faire certifier par son commissaire aux comptes, ou par son expert comptable. On prévoit quand même, pour le cas où il n’aurait pas entrepris ses opérations d’inventaire (8 jours après le jugement), le juge-commissaire désignera un commissaire-priseur, un notaire pour faire l’inventaire.

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§2 – Les organes d’un redressement judiciaire et d’une procédure de sauvegarde

A) Le ou les administrateurs judiciaires

1. Désignation obligatoire ou facultative

Administrateur, c’est celui qui va avoir une mission, en relation avec l’administration, la gestion de l’entreprise.Quant à sa désignation, tout dépend de la taille de l’entreprise.

Cet administrateur judiciaire n’est pas obligatoire. Il existe des seuils en CA et en salariés qui sont fixés.Ainsi, la désignation reste facultative, si le débiteur a moins de 20 salariés, et un CA HT inférieur à 3 000 000€. Si l’un des seuils est dépassé, et le tribunal doit désigner un administrateur judiciaire (articles L. 627-1 à L. 627-4 du Code de Commerce). Si les seuils ne sont pas dépassés, le tribunal a quand même un pouvoir d’appréciation, et il pourrait quand même nommer un administrateur judiciaire.

2. Missions

a) Variabilité

Cela dépend. Il n’y a pas quelque chose d’absolument fixe.Traditionnellement, il y a trois possibilités de mission pour l’administrateur judiciaire :

- Il ne fait que surveiller le débiteur Le chef d’entreprise, les dirigeants de la personne morale continuent à prendre des décisions, sauf exceptions.

- Une mission d’assistance On peut faire une analogie avec la curatelle.Les dirigeants ne vont plus pouvoir agir seuls, ils vont devoir agir avec l’administrateur judiciaire (Il est nécessaire pour signer des chèques par exemple).

- Une mission de représentation On peut faire une analogie avec la tutelle.L’administrateur agit au lieu et place du chef d’entreprise, des dirigeants de la personne morale. Ceux-ci sont démunis des pouvoirs. Dans ce cas là, on est dans une situation très comparable à celle d’un débiteur placé en liquidation judiciaire.

Les possibilités offertes au tribunal d’investir l’administrateur dépendent des procédures :- Si c’est une sauvegarde qui est ouverte, la mission de représentation ne peut pas être confiée à

l’administrateur judiciaire.- Si c’est un redressement judiciaire, le tribunal ne peut choisir qu’entre l’assistance et la

représentation.

Le tribunal peut aussi panacher en disant que cela sera une mission de surveillance, mais pour certains actes, on devra se faire assister de l’administrateur judiciaire.

Que se passe-t-il s’il y a irrespect de la répartition des pouvoirs ? C’est une inopposabilité à la procédure.Le créancier avec qui j’ai contracté, ne pourra pas être privilégié.

b) De l’intangibilité de certains pouvoirs et droit

Quelle que soit la procédure, certains pouvoirs sont toujours conférés à l’administrateur, et le débiteur conserve toujours certains droits.

L’administrateur, même s’il n’a qu’une petite mission de surveillance, la loi lui attribue un certain nombre de prérogatives, et il en est nécessairement titulaire quelle que soit la procédure et la mission attribuée par le tribunal. En particulier, il est le seul habilité à décider de continuer les contrats en cours durant la période d’observation, à élaborer le bilan, et en règlement judiciaire à soumettre le projet de plan ou les propositions aux comités de créanciers (en sauvegarde, c’est le débiteur qui va le faire avec le concours de l’administrateur).

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Quant aux droits intangibles du débiteur, même lorsqu’il est représenté, celui-ci a toujours des prérogatives qu’il conserve. La loi lui a laissé la possibilité d’accomplir valablement des actes de gestion courante à l’égard des tiers de bonne foi. Ce, afin de faciliter la gestion de l’entreprise et de protéger les tiers en assurant la sécurité juridique. C’est très important.

Un tiers de bonne fois, c’est quelqu’un qui ne connaît pas les restrictions dont fait l’objet du débiteur. Il croit en la réalité des pouvoirs de son interlocuteur. Or, le principe est que la bonne foi est présumée, et donc si on veut remettre en cause l’acte, il faut prouver la mauvaise foi. Le jugement d’ouverture fait l’objet d’une publicité au RCS, au BODACC… Peut-on établir la mauvaise foi ainsi ? Non.

Un acte de gestion courante, c’est l’activité de l’entreprise avant la procédure collective. Il est interdit de payer les créances qui sont nées avant le jugement d’ouverture (ce pour se mettre à l’abri). Cela ne rentrera jamais dans les actes de gestion courante.

Il peut aussi exercer des droits extrapatrimoniaux, ou des droits propres. Sur la convention de partage des biens entre époux après un divorce, l’administrateur judiciaire sera présent, avec son mot à dire. Cela est vrai en sauvegarde et en règlement judiciaire.

Enfin, quant aux droits propres, c’est la jurisprudence qui en a parlé en premier.Dans certains cas, elle désigne simplement des droits extrapatrimoniaux, mais cela présente également un intérêt, surtout sous l’empire des lois antérieures, quant aux recours possibles contre les décisions prises sont limitativement énumérées. La loi de 2005 a ouvert des recours. En créant la catégorie des droits propres du débiteur, cela lui permet dans bien des cas d’exercer des recours alors que la loi était muette.

3. Responsabilité de l’administrateur judiciaire

Sa responsabilité dépend des obligations qu’il a, et donc des missions attribuées par le tribunal.Ce qu’il faut savoir, c’est que certaines décisions sont sévères à l’égard des administrateurs judiciaires, et notamment des décisions concernant le droit pénal du travail, et des sociétés.

Avec une mission de représentation, normalement, il existe des obligations : en droit des sociétés, il faut convoquer les associés, dans les six mois de la clôture de l’exercice, pour qu’ils approuvent les comptes. Sinon, il y a une sanction pénale et une peine d’emprisonnement. Un administrateur judiciaire ne l’avait pas fait.Il a donc été poursuivi pénalement.

4. Statut

B) Mandataire judiciaire

L’administrateur judiciaire a partie liée avec la gestion, et dans certains cas, il n’y a pas d’administrateur judiciaire. Sans administrateur judiciaire, on ne peut pas faire ce qu’on veut. Pour les contrats en cours, par exemple, il va falloir se mettre d’accord avec le mandataire judiciaire, et c’est le juge-commissaire qui sera arbitre.

Il y a obligatoirement un mandataire judiciaire, quelle que soit la procédure ouverte, la taille de l’entreprise ou son chiffre d’affaires, on l’appelait le représentant des créanciers auparavant. Le mandataire judiciaire est plutôt côté intérêts des créanciers (même si cela est plus compliqué).

Autrefois, sous l’empire de la loi de 1967, les administrateurs et mandataires judiciaires n’existaient pas. Seul un syndic existait. Le syndic concentrait tous les pouvoirs (côté entreprise, et côté créanciers). Quelques fois, il devait être un peu schizophrène. Le législateur de 1985 a considéré que cette position n’était pas tenable, et c’est la raison pour laquelle on a eu cette dualité.

Voir articles L. 811-1 à L. 811-16 du Code de Commerce

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1. Missions

a) Représentation de l’intérêt des créanciers

L’article L. 622-20 du Code de Commerce indique que le mandataire judiciaire a seule qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers (qui ne peut plus agir seul contre l’entreprise).On parle de monopole.

Là encore, cela ne traduit pas tout à fait la réalité. C’est vrai si ce que l’on veut dire, c’est que lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt des créanciers, un créancier individuellement ne peut pas le faire. Seul le mandataire judiciaire peut exercer des actions.(Exceptionnellement, lorsque le créancier invoque un préjudice distinct de celui ressenti par la communauté de créanciers).

Il existe certains actions qu’il peut intenter, mais il n’en a pas le monopole, comme la nullité des actes en période suspecte.

La loi de 2005 a modifié son monopole. Lorsque le mandataire judiciaire n’agit pas, l’article L. 622-20 du Code de Commerce permet la nomination d’un créancier comme contrôleur, qui peut agir dans l’intérêt collective en cas de carence du mandataire judiciaire. Il ne peut y avoir qu’au maximum 5 contrôleurs.Ils doivent d’abord mettre en demeure le mandataire judiciaire. Si deux mois plus tard, rien n’est fait, un contrôleur pourra être nommé.

b) Vérification des créances

C’est le juge-commissaire qui va décider en définitive, sur proposition du mandataire judiciaire.Il va avertir les créanciers individuellement si possible, d’avoir à déclarer leurs créances. Il est destinataire des déclarations de créance. Il lui incombe de vérifier les créances et de proposer au juge-commissaire leur rejet ou leur admission.

2. Statut

§3 – L’organe de la liquidation judiciaire : le liquidateur articles L. 641-4 à L. 641-5 du Code de Commerce

L’activité de l’entreprise ne cesse pas en dépit de l’ouverture d’une liquidation judiciaire.Dans ce cas, c’est le liquidateur qui va gérer l’entreprise pendant ce temps là. Ce n’est cependant pas sa profession. Quand la liquidation fait suite à un redressement judiciaire ou à une conciliation, on va garder le dispositif d’administrateur judiciaire, qui restera en fonction pour gérer la société.

Si on est en présence d’une grosse entreprise, il faudra même nommer un administrateur judiciaire (Mêmes seuils que précédemment).

Le liquidateur a pour mission, d’un mandataire judiciaire dans une sauvegarde ou dans un redressement judiciaire. Il défend les intérêts de la collectivité des créanciers. Il vérifiera les créances (le mandataire judiciaire est souvent choisir sur la liste des liquidateurs). Si besoin est, il gère l’entreprise. Enfin, il représente toujours le débiteur.

Le débiteur sera toujours dessaisi. Il ne peut que décider quant à ses droits extrapatrimoniaux et ses droits propres. Il ne peut exercer des actes de gestion à l’égard des tiers de bonne foi. Enfin, le liquidateur va liquider de manière isolée, de manière globale… puis répartira entre les différents créanciers.

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Appendice : autres organes que ceux désignés dans le jugement d’ouverture

Les comités de créanciersLe principe c’est que le tribunal adopte le plan.Depuis la loi de 2005, lorsqu’on est en face d’une entreprise d’une certaine importance, on a des créanciers dont la loi dit qu’ils vont se réunir en comités.

On va avoir un vote de ces comités de créanciers sur le plan.Ces comités de créanciers ils n’existent qu’en présence d’assez grosses entreprises.C’est la loi qui détermine la qualité des créanciers qui vont entrer dans ces comités.En réalité, ce n’est pas facile de déterminer si on est les principaux fournisseurs, c’est l’administrateur qui institue ces comités. Outre les contrôleurs qu’on trouve quelque soit la taille de l’entreprise, il y a les comités. On ne les trouve que dans les entreprises d’une certaine taille.

Les comités enlèvent du pouvoir au tribunal, on s’est inspiré du droit américain.Sous la loi de 1967, les créanciers votaient un concordat.En 2005, on redonne du pouvoir aux acteurs privés et donc ici aux comités de créanciers.

Les comités d’entreprise ou délégués de personnelDu côté des salariés, avant la loi de 1985, les salariés n’existaient presque pas dans la loi, leur place était vide dans la procédure. La loi de 1985 a changé de manière notable la place des salariés, ils sont auditionnés peuvent même parfois faire des recours dans la procédure collective.La loi de 2005 n’a pas touché ce qui a été acquis en 1985, pas de progression de leur rôle dans la procédure collective.

Premier cas : une entreprise où j’ai soit un comité d'entreprise soit un représentant du personnel. On a un comité d'entreprise en principe lorsque le nombre de salarié est au moins de 50 et un délégué du personnel dans une entreprise de plus de 20 salariés.

Ils doivent être consultés par le chef d’entreprise, avant que celui-ci ne demande l’ouverture d’une procédure collective. A l’issue de la consultation, le comité va désigner des représentants qui vont être entendus par le tribunal, avant que celui-ci n’ouvre la procédure.Tout au long de la procédure, des auditions sont parfois exigées par les textes, et c’est le représentant désigné qui sera entendu.

De même, lorsqu’il s’agit d’exercer un recours.Dans certains cas, il est possible pour les salariés d’exercer des recours dans le cadre de la procédure collective. C’est ce représentant qui a qualité pour exercer les voies de recours.

Exemple : Si on ouvre une sauvegarde, les salariés peuvent-ils attaquer le jugement ouvrant une sauvegarde ? Non, ils ne peuvent pas.Peuvent-ils attaquer un jugement de redressement judiciaire ? Non, ils ne le peuvent pas.Ils ne peuvent attaquer qu’un jugement de liquidation judiciaire.

En outre, on va trouver le représentant des salariés.Ce représentant est désigné par le comité d’entreprise ou les délégués du personnelSa mission n’est pas de représenter le comité d’entreprise ou les délégués du personnel. Cela ne concerne que la vérification des sommes dues aux salariés. Ce représentant des salariés, dans le cas considéré, a pour mission avec le mandataire judiciaire de faire état de ce qui est du aux salariés. Il va vérifier le relevé soumis par le mandataire judiciaire.

S’il n’y a ni comité d’entreprise, ni délégués du personnel, je n’aurai pas de représentant de ces derniers.Dans ce cas, le seul acteur que nous ayons, c’est le représentant des salariés. Ce représentant ne pourra pas être désigné par le comité d’entreprise ou les délégués du personnel, il sera donc élu par les autres salariés.Il gardera sa mission traditionnelle, et il aura une autre mission, contenue à l’article L. 621-4 du Code de Commerce, et L. 631-9 du Code de Commerce : il exerce les fonctions qui sont celles normalement du comité d’entreprise ou du délégué du personnel. C’est donc lui qui va pouvoir exercer les recours par exemple.

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Chapitre II – L’efficacité du jugement d’ouverture

Section I – Le jugement d’ouverture : un jugement constitutif opposable à tous

C’est un jugement constitutif, opposable à tous.Encore aujourd’hui, les praticiens en parlent encore comme « le jugement déclaratif ». Or, le jugement d’ouverture déclare effectivement certaines choses. Ce qui l’emporte, c’est le fait que le jugement fait naître une situation nouvelle.

Toute personne est censée savoir que le débiteur est soumis à la procédure collective. Cela emporte un certain nombre d’effets dès l’heure 0 du jour du prononcé du jugement d’ouverture.

Section II – Le jugement d’ouverture : des mesures de publicité et d’information individuelles.

Ce sont des mesures publiques qui sont forts utiles.Lorsqu’on est en procédure collective, est ce que cela est marqué sur le casier judiciaire ? Oui pour la liquidation judiciaire, selon l’article 768 du Code de Procédure Pénale.

La première publicité qui va intervenir, c’est l’audience au cours de laquelle est prononcée l’ouverture de la procédure car cette audience est publique et ensuite la procédure retourne en Chambre du Conseil.Historiquement, la loi de 1989 avait créée la liquidation judiciaire pour ceux qui étaient de bonne foi, cette loi avait optée pour l’absence de publicité en début de procédure.

L’information réelle via la publicité est nécessaire car on alterne les droits des créanciers de l’entreprise.

§1 – Les mesures de publicités

Le greffe va devoir faire des publicités dans les 15 jours de la date du jugement.Première publicité va mentionnée dans un registre l’existence de la procédure collective.

Dans le cas des autoentrepreneurs, la loi a prévu à l’article R. 621-8 du Code de Commerce, un registre ouvert à tous ceux qui ne sont pas déjà immatriculés dans d’autres répertoires, et ce registre est tenu au TGI. Il y est mentionné l’existence de la procédure et les restrictions de pouvoir imposées au débiteur.

Les mesures de publicité déplaisent aux entrepreneurs. Ceux-ci ont obtenus avec l’ordonnance de 2008, qu’au bout de 2 ans, en présence d’un plan de sauvegarde, alors qu’il exécute son plan, il peut demander la radiation de la mention de la procédure du registre selon l’article R.626-20 du Code de Commerce.

La publication au BODACC est très importante car à la différence de la publication au RCS, elle fait courir des délais.

Dernière mesure de publicité dans des journaux d’annonces légales, qui ont publiées,

§2 – Les mesures individuelles d’information

Elles sont très nombreuses, il y a d’abord une notification faite au débiteur lui même.C’est le greffier qui se charge de cette notification et puis tous les mandataires qui ont pu être nommés sont informés (le liquidateur, le mandataire), le parquet, et les impôts.D’autres mesures d’informations individuelles sont prévues.

Section III – Les possibilités de remise en cause de l’efficacité du jugement : la double particularités des voies de recours article L. 661-1 et L.661-2 du Code de Commerce

§1 – Les particularités des voies de recours nées du caractère exécutoire du jugement.

En Droit des Entreprises en Difficulté, les jugements et ordonnances, sont exécutoires de plein droit à titre provisoires. Cela est vrai aussi bien en sauvegarde, en redressement et en liquidation judiciaire et même en

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2010 ce texte joue en matière de mandat ad hoc et conciliation. La règle qui prévaut est que les décisions sont automatiquement exécutoires à titre provisoire.

Ce, même si un recours suspensif est possible et que le délai n’est pas encore venu à échéance il faut exécuter la procédure. Les recours qui habituellement sont suspensifs et bien là ils ne le sont pas.

Il existe une exception lorsque l’appel est interjeté par le Ministère Public, il a un effet suspensif mais seulement en cas de liquidation judiciaire.

Il existe l’article R. 661-1 du Code de Commerce qui permet de demander au premier président de la Cour d’Appel d’arrêter l’exécution provisoire cette possibilité là. Cette possibilité existe dans les trois procédures.

§2 – Particularités des voies de recours liées au contenu de la mesure attaquée

Lorsqu’on ouvre la procédure, on désigne tel mandataire judiciaire… le contenu est très riche. Hors les possibilités de recours sont régies différemment selon ce que vous attaquez.

Si on attaque le principe même de la procédure, qu’une procédure ait été ouverte, dans ce cas, l’appel est ouvert : au débiteur (défendeur en sauvegarde), au créancier, au Ministère Public (même si pas partie principale devant le tribunal peut faire appel) et les salariés (mais seulement en présence d’une liquidation judiciaire). Le délai d’appel de droit commun est de 1 mois et pourvoi en cassation est de 2 mois.Pour le Droit des Entreprises en Difficulté, le délai est de 10 jours.

Un autre recours possible est la tierce opposition, cette voie de recours est ouverte aux tiers, et est régie par les articles 582 et suivants du Code de Procédure Civile. Quelle juridiction est saisie ? La juridiction même qui a rendue la décision critiquée. C’est une voie extraordinaire de recours.En droit commun la tierce opposition, ceux qui ont été tiers, ils ont 30 ans pour agir.

Tous ces éléments là, nous montrent que d’une manière générale en Droit des Entreprises en Difficulté, les règles sont faites pour qu’il y ait le moins de recours possibles, les recours ne sont possibles que lorsque la loi le dit.

Le juge commissaire a été nommé peut on contester cette désignation ? A chaque fois il faut scruter les textes pour savoir si on a une possibilité de recours ou pas, selon la mesure attaquée on peut avoir une possibilité de recours ou non. C’est assez complexe.On ne peut pas contester la nomination du juge commissaire dans le jugement d’ouverture.Pour les autres auxiliaires de justice, uniquement le ministère public peut attaquer.

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Partie II – Le sort des partenaires du débiteur et le sort du débiteur lui même.

Sous-Partie I – Le sort des partenaires du débiteur

Titre I – Le sort des créanciers antérieurs et assimilés

On s’attache aux créanciers antérieurs, dont la créance est née avant le jugement d’ouverture.Avant la loi de 2005, il y avait un partage.La loi de 2005 a changé la donne : on a toujours la catégorie des créanciers antérieurs (au jugement d’ouverture), mais le législateur a dit que ceux qui deviennent créanciers après le jugement d’ouverture étaient dorénavant inclus. Faut il bien les traiter tous mieux que les créanciers antérieurs ?Parmi les créanciers postérieurs il faut faire un tri, et ainsi au sein des créanciers postérieurs certains vont être assimilés à des créanciers antérieurs.

Ce sont ces créanciers antérieurs et assimilés qui font l’objet de ce titre I.

Chapitre I – Le gel des poursuites de ces créanciers antérieurs ou assimilés

Un des objectifs de la procédure collective, c’est de mettre l’entreprise à l’abri des poursuites, soit dans le but de lui donner un répit, soit pour éviter l’anarchie.

Ce qui est interdit c’est d’agir en justice pour obtenir le paiement d’une somme d’argent ou bien d’obtenir la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Ces actions sont irrecevables.

Si on les a intentées avant l’ouverture de la procédure collective, l’instance est alors interrompue et le créancier d’une certaine manière doit se plier à la procédure, il va déclarer sa créance.Ensuite la procédure va pouvoir reprendre son cours, et dans ce cas l’action reprend son cours mais ne tend pas à obtenir une condamnation, en revanche l’action peut avoir pour finalité de faire fixer la créance par la juridiction saisie (on échappe à la procédure de vérification, ce n’est pas le juge commissaire qui va établir la créance mais c’est le tribunal saisi).

Pour une action en nullité, victime d’un dol, on pourra continuer l’action mais on ne peut pas demander le paiement d’une somme d’argent. Tout n’est pas fermé. Les associés pourraient agir en dissolution de la société ce n’est pas une action en paiement d’une somme d’argent. Sont également interdites les voies d’exécution, on ne peut plus saisir le compte bancaire d’une société.

Exemple : Si une SARL est en procédure collective, et que celle-ci avait contacté un emprunt auprès d’une banque. La banque a accepté une garantie. Si la SARL ne paie pas, la banque peut agir contre le dirigeant, ou alors le dirigeant a affecté un bien en hypothèque. Mais la SARL se retrouve en procédure collective, la banque ne peut pas agir contre la SARL mais peut-elle agir contre le dirigeant caution ?

La réponse peut varier, comme je suis une personne physique je peux être protégé dès lors que je suis caution ou que j’ai affecté un de mes biens en garantie.

Cela joue t’il pour toutes les procédures ? Oui, cela se retrouve aux articles L. 622-28 (sauvegarde) et R. 631-14 (redressement) du Code de Commerce, dans ces cas je suis protégé.Si la SARL est soumise à une liquidation, on peut parfaitement continuer à agir contre les cautions.

Cette protection jusqu’à quand dure t-elle ? Pour ce qui est du débiteur en procédure collective, la protection dure jusqu’au jour d’ouverture jusqu’au jugement qui arrête le plan.Mis dans le plan, on dit que les cautions ne vont payer que dans 10 ans.Le tribunal peut cependant donner des délais aux créanciers, comme on le voit dans l’article L. 622-28 du Code de Commerce. Le créancier peut tout de même prendre des mesures conservatoires, qui elles sont possibles.

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En liquidation judiciaire, cela ne joue pas à l’égard des cautions, mais le débiteur est à l’abri des poursuites. La liquidation judiciaire se termine soit avec un paiement intégral du passif.

Seconde hypothèse, la plus fréquente, il n’y a pas assez pour payer tout le monde, dans ce cas il y a clôture de la liquidation pour insuffisance d’actifs. Dans ce cas là, le principe c’est que les créanciers ne retrouvent pas leurs droits individuels d’agir en justice. Sauf exception, le débiteur personne physique cela lui donne un nouveau départ.

Chapitre II – Un gel des créances antérieures

Section I – L’immutabilité de ces créances antérieures

§1 - L’immutabilité du montant de la créance : interdiction du paiement et arrêt du court des intérêts

A) L’interdiction du paiement par le débiteur des créances antérieures et assimilées

Une fois que le jugement d’ouverture s’ouvre le montant de la créance est gelé, il y a interdiction du paiement par le débiteur des créances antérieures et assimilées

Ce montant ne peut pas diminuer en raison de l’article L. 622-7 pour la sauvegarde, L. 631-14 pour le redressement et L. 641-3 pour la liquidation, qui contiennent la règle de l’interdiction du paiement des créances antérieures et assimilées.

Cette règle est d’ordre public, alors qu’en droit commun payer est un acte de gestion. Ici cela ne rentre pas dans la possibilité des créanciers de bonne foi. Si une créance a été payée c’est la nullité qui joue ici. Tout intéressé peut agir et le Ministère Public aussi. Le délai pour agir est de 3 ans à compter du paiement.

Quel est le fondement de cette règle ? Si on a une entreprise en difficulté, si on veut la sauvegarder, la redresser il faut lui laisser du répit. Et pour la liquidation c’est pour empêcher d’avantager un créancier par rapport à un autre.

Cela étant c’est assez extraordinaire d’interdire à un débiteur de régler ses créanciers alors qu’il pourrait le faire en étant en redressement ou sauvegarde (il est in boni).

Le juge commissaire dans des cas exceptionnel peut autoriser le paiement de dettes antérieures dans les conditions posées par la loi. Par exemple pour récupérer un bien du débiteur le juge commissaire peut autoriser le paiement du garagiste pour récupérer le bien. Les créances alimentaires, on peut toujours les payer.

La compensation, si nos créances sont certaines, liquides et exigibles et réciproques, de part la loi c’est une compensation automatique.

Bien évidement si un débiteur D, et le partenaire PA, si les conditions de la compensation se sont réalisées avant le jugement d’ouverture il n’ya pas de problème. La difficulté est si PA a sa créance qui est née avant le jugement d’ouverture et la dette réciproque est née après. Si on fait la compensation après le jugement d’ouverture cela est annulé car cela est assimilé à un paiement.

Deux cas de figures où il y a connexité : - A fait une prestation à B mais la prestation est mal faite, de telle sorte que A n’est pas seulement

créancier du prix mais également débiteur de dommages et intérêts. Dans ce cas il y a connexité.

Mais la jurisprudence admet la connexité dans d’autres cas : plusieurs contrats qui constituent une opération économique unique, comme l’exemple du contrat cadre et ensuite du contrat d’application. On admet ici qu’il y a connexité.

Exemple : Une coopérative, et un éleveur concluent une convention cadre et selon cette convention, la coopérative livre des aliments pour des porcs et l’éleveur entre en PC.

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Postérieurement à l’ouverture de la PC, qui engraisse les porcs, les revends à la coopérative. La coopérative est débitrice du prix des procs, vente d’Aliments et vente de porcs. Mais la créance d’aliment est née avant le JO et la créance de vente de proc est postérieure. Bien que les dates soit différentes on admet la connexité.

Je suis gérant d’une SARL, mais je n’ai pas libéré mon apport, et si le gérant fait un prêt en compte courant, la jurisprudence a dit qu’il y a d’une part le contrat d’apport et d’autre le contrat de prêt, il n’y a pas connexité.Mais dans tous les cas il faut déclarer sa créance.

???? (Il manque trois lignes).Cette question de la constitutionnalité de l’article L. 622-7 du Code de Commerce en permettant la compensation des créances connexes a été soumise à une juridiction qui l’a transmise à la Cour de Cassation. On ne saura pas quel aurait été l’avis du Conseil Constitutionnel, puisque la Cour de Cassation a décidé de ne pas transmettre la QPC au Conseil Constitutionnel Com – 14 Septembre 2010.

B) L’arrêt du cours des intérêts

La règle est posée par l’article L. 622-28 pour la sauvegarde, et joue également en redressement judiciaire avec l’article L. 631-14 du Code de Commerce.

L’hypothèse est que l’on a conclu un contrat avec une société ou une entreprise quelconque, et on a accepté de lui donner des délais pour que cette personne paye ce qu’elle me doit, avec un intérêt stipulé.La règle posée par les textes, est que dès lors que le débiteur est soumis à une procédure collective, à partir du jugement d’ouverture, le cours de l’intérêt arrête de courir.Le taux d’intérêt stipulé ne va plus produire d’intérêt, ceux-ci sont figés, arrêtés.

Cette règle joue aussi bien pour les intérêts légaux, que pour les intérêts conventionnels, ainsi que pour les majorations de retard (c'est-à-dire les taux d’intérêts qui courent pour le retard du paiement des impôts, de la sécurité sociale…).

Cela a une vertu : d’un point de vue purement pratique, il est plus difficile de détermine combien l’on doit, cela fige donc les choses, et cela limite le passif. Cette règle bénéficie au débiteur de la procédure collective.

Cela joue-t-il aux tiers particuliers, qui se sont portés cautions, qui ont souscrit une garantie personnelle, ou les codébiteurs ? Cela dépend. Ces tiers ne sont protégés que lorsqu’il s’agit de personnes physiques, et que l’on se trouve en sauvegarde (cela a varié avec le temps).

Cela veut dire que dans les autres procédures, ils vont être redevables de sommes dont le débiteur ne sera pas redevable. Le champ d’application de cette règle n’était pas illimité, ainsi certains créanciers vont voir leurs intérêts continuer à courir : ce sont les créanciers qui ont consenti des crédits à moyens termes au débiteur.

L’article 622-28 du Code de Commerce précise que les intérêts résultant de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an continuent à courir. Il en est de même pour ceux qui n’ont pas à proprement conclu un prêt, mais un contrat qui était assorti d’un paiement différé à un an ou plus.

Ce qu’il faut bien voir, c’est qu’à chaque fois, ma créance soit née avant le jugement d’ouverture. Les intérêts qui vont être comptabilisés vont être rattachés à cette créance, de telle sorte que quand je vais déclarer ma créance, je vais devoir déclarer le principal, mais également les intérêts dus.

§2 – Immutabilité relative concernant l’exigibilité

Avant la loi de 1985, dès lors qu’on avait un redressement ou une liquidation judiciaire d’ouvert, la règle était que les dettes qui n’étaient pas encore exigibles, le devenaient automatiquement du fait de l’ouverture de la procédure.

Cette règle a été écartée par la loi de 1985 pour le redressement judiciaire. La loi de 2005 a maintenu cette règle et l’a étendue pour la sauvegarde. Lorsqu’on a une procédure de sauvegarde ou de redressement

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judiciaire, cela ne change pas le terme : les créances non-exigibles ne le deviennent pas du fait de l’ouverture de la procédure collective (De toutes les manières, l’interdiction de payer reste).

Cela peut être intéressant une règle qui continue de dire « exigibilité immédiate », avec la compensation des créances connexes.

En liquidation judiciaire, on a maintenu la règle. L’ouverture de la procédure provoque l’exigibilité immédiate des créances qui ne seraient pas encore exigibles. Il y a déchéance du terme. La cession d’entreprise, lorsqu’elle est possible, il n’est pas question de précipiter les choses et de dire que le débiteur doit tout de suite. Dans ce cas là, la poursuite de l’activité dans un but de cession d’entreprise a pour conséquence que l’exigibilité anticipée ne se produit pas. Elle n’arrivera que lors du jugement de cession.

§3 – Immutabilité de la nature de la créance : arrêt du cours des inscriptions de sûretés

L’article L. 622-30 du Code de Commerce (et équivalents en redressement et liquidation) dispose que les hypothèses, les gages, les nantissements, les privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture. On chercher à geler le patrimoine de l’entreprise.

Si on a bien inscrit son hypothèque (celle-ci se renouvellent périodiquement), on peut inscrire son renouvellement de l’hypothèque déjà inscrite, mais on ne peut pas en inscrire une nouvelle.

Section II – La fixation des créances antérieures

§1 – Déclaration des créances

Lorsqu’on a une créance contre un débiteur, et que celui-ci est soumis à une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation), l’ouverture de cette procédure met en cause ma créance. En tant que créancier, si je veux sauvegarder ma créance, il va falloir faire une réclamation « On me le doit ». Il faut donc faire une déclaration de créance. Antérieurement, on produisait sa créance.

Individuellement, il est impossible d’assigner le débiteur en paiement, il est nécessaire de s’exprimer en déclarant sa créance. La déclaration de créance est assimilée à une demande en justice, ce qui est très important quant à qui peux déclarer.C’est une réclamation qu’il faut absolument faire, sinon on considèrera que l’on n’est pas créancier.

Articles L. 622-24 à -27, et articles L. 622-31 et suivants pour la sauvegarde.Article L. 631-14 pour le redressement.Article L. 641-3 pour la liquidation.

A) Domaine

Traditionnellement, ne devaient être déclarés que les créances nées avant l’ouverture de la procédure collective. Il s’agit des créanciers de sommes d’argent, aussi bien les créanciers chirographaires, que les créanciers ayant une sûreté. Peu importe qu’on ait déjà un titre ou non.

Il existe une exception pour les salariés qui n’ont pas à déclarer leurs créances.L’AGS paye les salariés dans certains cas, puis se retourne contre les salariés, et elle doit déclarer ses créances.

Pour les salariés, c’est le mandataire judiciaire, avec le représentant des salariés, va établir un relevé des créances salariales et le juge-commissaire va viser la liste, mais ne décide rien. Il se borne à apposer sa

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signature sur le relevé. Ensuite, le relevé est transmis à l’AGS, au greffe, puis il y a notification individuelle donnée à chaque salarié concerné.

Si celui-ci n’est pas d’accord avec ce qui est indiqué sur le relevé, il va voir son juge naturel qui est le Conseil des Prud’hommes. On est dans un délai de deux mois à compter de la notification.

Il existe une autre exception pour les créances alimentaires, qui n’ont pas à être déclarées.

La loi de 2005 a soumis à déclaration de nouveaux créanciers qui n’avaient pas à se soumettre à la procédure antérieurement. Il s’agit de créanciers dont la créance est née après le jugement d’ouverture et la loi de 2005 pour ces créanciers nés après le jugement d’ouverture, il faut faire un tri. Pour déterminer ces pauvres créanciers postérieurs non-privilégiés, assimilés aux créanciers antérieures, il faut aller voir dans le Code.

Pour que la créance soit privilégiée, elle est née pour les besoins du déroulement de la procédure (frais de justice, de procédure…), pour les besoins de la période d’observation, et cela joue aussi en liquidation judiciaire. Le texte ajoute que cela englobe également les créances nées en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.

B) Contenu, modalités, délai

1. Contenu et modalités

L. 622-25, R. 622-23 détaillant les éléments que l’on doit apporter au soutien de notre déclaration : montant, intérêts, sûretés dont on bénéficie, et justificatifs de l’existence et du montant de la créance.

Il faut un écrit. La déclaration doit être faite par écrit. La forme n’est pas réglementée. Cela se fait en général par lettre RAR. La déclaration faite par télécopie est admise.

Qui peut déclarer la créance ? Il y a un contentieux très abondant sur cette question. Si la personne qui a déclaré la créance n’avait pas le pouvoir de le faire, la déclaration ne vaut rien. La créance devient alors inopposable à la procédure.Le texte est l’article L. 622-24 du Code de Commerce qui dit que la déclaration de créance peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.

Quand on lit le texte, on pourrait croire que « préposés et mandataires » vont avoir le même régime.Un préposé est quelqu’un de l’intérieur de l’entreprise, et souvent cela va être un salarié (Il est admis qu’un préposé n’est pas forcément un salarié cependant). Dans ce cas, on considère que c’est l’entreprise elle-même qui dépose la créance, il faudra une délégation de pouvoir. S’il y a contestation, la jurisprudence nous dit qu’il faut une chaîne de délégation, et on peut justifier de la délégation de pouvoir tant que l’on n’a pas pris la décision définitive sur l’admission des créances.

Si c’est un mandataire, pouvoir que l’on veut donner à un tiers…S’il est avocat, cela ne pose pas de problème, mais il faut quand même faire attention, à ce que le courrier de l’avocat soit signé par l’avocat lui-même et non par sa secrétaire. Si le pouvoir est confié à un tiers, alors il faut un pouvoir spécial c'est-à-dire qu’il n’est pas question de pouvoir général de déclarer les créances.

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AP – 4 Février 2011, jusqu’à cet arrêt, lorsqu’il y avait contestation du mandat, la Cour de Cassation, chambre commerciale, disait que le mandat devait être produit lorsqu’on déclarait la créance ou en tout cas, dans le délai donné par la loi pour déclarer sa créance (Deux mois à compter du jugement d’ouverture au BODACC).

L’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme a été invoqué, en disant que cela n’était pas équitable. L’Assemblée Plénière a donc considéré qu’il peut être justifié du mandat jusqu’au jour où le juge statue. On a donc un alignement des procédures.

Le destinataire de la déclaration de créanceAu mandataire judiciaire, lors d’une sauvegarde et d’un redressement judiciaire.Au liquidateur, lors d’une liquidation judiciaire.

2. Délais de la déclaration de créance

a) Longueur et point de départ

Le délai est de deux mois, et ce délai commence à courir à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC R. 622-24 du Code de Commerce.Il existe des allongements lorsque le créancier est domicilié hors de la France métropolitaine, avec un délai de quatre mois. Ce sont des délais courts.

Comment savoir que le débiteur est soumis à une procédure collective ?Un débiteur en procédure collective, doit dresser la liste de ses créanciers et des sommes dues. Grâce à cette liste là, le mandataire judiciaire ou le liquidateur selon le cas, va avertir les créanciers connus de l’ouverture de la procédure. Cela ne change pas le point de départ du délai. Le créancier doit déclarer sa créance.

Il existe des cas particuliers, avec les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou d’un contrat publié (location-gérance). Ceux-ci doivent être avertis personnellement ou à domicile, par lettre RAR, dans les 15 jours du jugement. Le délai de déclaration de la créance court à compter de l’avertissement reçu. Tant qu’ils n’ont pas été avertis personnellement, le délai ne commence pas à courir.

Il existe un autre cas particulier, pour les créanciers postérieurs non-privilégiés qui doivent déclarer leurs créances. En ce qui les concerne, le délai pour déclarer leur créance est de deux mois à compter de l’exigibilité de leur créance.

b) Cas du dépassement de délai

Avant l’entrée en vigueur de la loi de 2005, une créance non-déclarée en définitive était une créance éteinte, c'est-à-dire une créance que l’on ne peut plus recouvrir ni à l’égard du débiteur, ni à l’égard des cautions. Désormais, il y aura seulement inopposabilité, c'est-à-dire que tant qu’il y a procédure, on va faire comme si la personne n’était pas créancière.

C’est une inopposabilité qui peut confiner, en pratique, à l’extinction de la créance, parce que la loi précise que si le débiteur bénéficie d’un plan de sauvegarde ou de redressement alors, le créancier ne pourra toujours rien lui demander. L’ordonnance de 2004 a ajouté que si le plan est bien exécuté, le créancier ne pourra toujours rien demander.Si la procédure s’achète pour insuffisance d’actif, on ne pourra pas agir en paiement.

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Les cautions restent-elles tenues ? Peut-on agir contre la caution si on n’a pas déclaré sa créance ? Désormais, le créancier peut agir contre les cautions, sauf en sauvegarde si ceux sont des garants personnes physiques. Dans ce cas là, les poursuites sont suspendues pendant tout le temps de l’exécution du plan de sauvegarde.

La loi offre une petite chance pour le créancier qui n’a pas respecté le délai, celle de demander un relevé de forclusion. Cette demande de relevé de forclusion a un délai très court.Depuis la loi de 2005, le créancier a six mois pour demander le relevé de forclusion. A partir de quand ? C’est le même point de départ que pour déclarer la créance, c'est-à-dire à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. On a un an pour ceux qui étaient dans l’impossibilité de connaître leur créance.

Pour obtenir son relevé, il faut prouver soit, que le débiteur nous a oubliés volontairement dans sa liste, ce qui est difficile à obtenir, soit que sa défaillance n’est pas due de son fait.

§2 – Les suites de la déclaration des créances

A) Vérification des créances

Elle est opérée par le mandataire judiciaire ou le liquidateur.Dans certains cas, en liquidation judiciaire, il n’y aura pas de vérification de créances, selon l’article L. 641-4 du Code de Commerce, lorsqu’il n’y a manifestement pas de quoi payer, sauf lorsque c’est une personne morale qui est en procédure collective, les dirigeants s’ils ont commis des fautes vont être rattrapés, il sera alors possible d’agir contre eux pour leur faire payer tout ou partie de l’insuffisance d’actifs.

Le mandataire ou le liquidateur va procéder à une vérification, et va émettre une proposition à propos de chaque créance, soit d’admission pure et simple, soit de rejet pur et simple, soit une admission partielle.Cette proposition va être soumise au créancier. Celui-ci doit se manifester, parce que son silence conservé pendant 30 jours, lui interdira de contester la proposition faite par le mandataire ou le liquidateur.

B) Décision de rejet ou d’admission

Le juge-commissaire a le pouvoir de décision, et n’est pas lié par les propositions du mandataire ou du liquidateur. C’est lui qui va décider du rejet ou de l’admission de la créance. Une fois que cette décision est prise, cela provoque une interversion de la prescription (elle devient de droit commun).

Cette décision peut faire l’objet d’un recours, et on se rappelle que les décisions sur les créances seront contestées directement devant la Cour d’Appel, dans un délai de 10 jours soit par le débiteur, par le créancier, mais aussi le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ainsi que l’administrateur judiciaire.

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Titre II – Le sort des propriétaires de meubles : restitution et revendication selon les articles L. 624-9 et suivants du Code de Commerce L’ouverture de la procédure collective met en discussion leur droit de propriété sur les meubles dont ils sont propriétaires et qui seraient entre les mains du débiteur. Il faut donc exercer son action en revendication, action pétitoire exercée devant le TGI. En Droit des Entreprises en Difficulté, si on veut se voir reconnaître son droit de propriété sur le meuble, cela vaut en même temps restitution du meuble.

Section I – Obligation de revendiquer

Il faut être propriétaire d’un bien meuble. Cela concerne tous les meubles, c'est-à-dire les meubles corporels mais aussi les meubles incorporels.Certains propriétaires de meubles n’ont pas à revendiquer, il s’agit de ceux qui ont fait publier avant le jugement d’ouverture le contrat portant sur le meuble qui est entre les mains du débiteur en difficulté. S’ils le veulent, ils peuvent demander la restitution du bien (Article L. 624-10 du Code de Commerce), étant précisé qu’il n’y a pas de délai. Si on demande la restitution du bien, cela est formulé auprès de l’administrateur (les créances sont déclarées au mandataire judiciaire), ou au débiteur s’il n’y a pas d’administrateur.

Si l’administrateur ou le débiteur opposent un refus, un recours est possible devant le juge-commissaire.

Section II – Droit de revendiquer et d’obtenir restitution

§1 – Etre propriétaire d’un bien meuble : condition nécessaire mais pas toujours suffisante

Il faut être propriétaire d’un meuble. Si on est propriétaire d’un immeuble, on n’est pas obligé de revendiquer, même si on peut le faire si on en a envie.

L’objet de ce paragraphe est de donner des précisons concernant certains propriétaires particuliers, tenant leur droit de propriété de la clause de réserve de propriété. Technique qui consiste, dans un contrat de vente ou d’entreprise, à stipuler que le transfert de propriété ne s’opère pas solo consensu, le vendeur se réserve la propriété de la chose jusqu’à paiement complet du prix.

La question qui s’est posée était celle de savoir si cet accord pouvait être opposé aux tiers en cas de procédure collective de l’acheteur en particulier ? Une loi de 1980 a dit que cette clause pouvait être opposable aux tiers.Lorsqu’on fait le compte des biens appartenant au débiteur, si on a une clause de réserve, on devra considérer que le propriétaire n’est pas l’entreprise en difficulté bien qu’elle ait la chose entre ses mains, mais le vendeur. Le vendeur va devoir revendiquer.

Toutefois, pour que la clause puisse être opposée, la loi pose qu’il faut que cette clause soit consignée dans un écrit, qui doit avoir été établi au plus tard au moment de la livraison. Bien entendu, il faut un accord convenu entre les parties.

Lorsque l’on a des conditions générales de vente et d’achat qui sont contradictoires, comment fait-on ? La loi du 1 er Juillet 1996 , portant de manière générale sur les relations commerciales, et dont l’objectif était d’assurer un rééquilibrage entre les fournisseurs face à la grande distribution. Cette loi, en son article 19, avait modifié le texte sur les revendications du livre VI du Code de Commerce, en indiquant que nonobstant tout clause contraire, les clauses de réserve de propriété sont opposables à l’acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n’aient convenu par écrit de l’écarter – Article L. 624-16 du Code de Commerce.L’ordonnance de 2006 réformant les suretés, a fait disparaître cette disposition.

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Actuellement, on risque de retomber dans les affres des discussions existant avant 1996.

La jurisprudence a considéré que le vendeur, créancier du prix, peut bien sur transférer cette créance au profit de son banquier par exemple, grâce à laquelle il aura de la trésorerie. La clause de réserve de propriété est un accessoire de la créance, elle sera donc transmise à la banque. Il sera propriétaire des marchandises vendues.Cette règle du caractère accessoire a été reprise par l’ordonnance de 2006, la plaçant à l’article 2367 du Code Civil

§2 – L’objet de la revendication

C’est un bien meuble.Il faut quand même des conditions remplies, et en particulier, la loi indique qu’on ne peut normalement revendiquer qu’autant que le bien se retrouve en nature chez le débiteur, lors de l’ouverture de la procédure.On va pouvoir invoquer son droit de propriété à la condition qu’on retrouve le bien, dont on se prétend propriétaire, en nature, chez le débiteur, à l’ouverture de la procédure collective.

Pour beaucoup de biens, cela ne pose aucun problème : biens corporels loués, mis à dispositions…D’autres sont appelés à être utilisés par l’entreprise pour leur production, et ils sont donc incorporés à d’autres ou transformés. Dans ce cas là, le « en nature » n’est pas pris de manière trop rigoureuse. Cela vise quand même les biens incorporés ou transformés.

Exemple : J’ai vendu des pneus à une clause de réserve de propriété, or ceux-ci ont été montés sur une voiture.Le bien a été incorporé à un autre.

Puis-je toujours me prévaloir de mon bien de propriété ? Oui, car dans ce cas là, on considère qu’on peut désincorporer sans dommages pour le bien en question (les pneus), pour les autres biens (jantes, moteur), et pour le bien d’ensemble (voiture). Il y aura évidemment un dommage économique.

Sur la transformation, qui est une question de fait. La jurisprudence peut être parfois assez laxiste, et il est difficile de déterminer si on va pouvoir revendiquer son bien. Le texte admet la revendication même s’il y a transformation, dès lors qu’il n’y a pas altération des propriétés et caractères du bien.

Exemples : La revendication est admise pour du bois transformés en morceaux de bois, étuvés. Les juges ont considéré que cela restait du bois, et que la transformation n’était pas suffisante pour faire échec à la revendication.En tant que viticulteur, je récolte du vin, et je fais partie d’une coopérative à qui je livre mon vin. En argumentant, la jurisprudence a considéré qu’on pouvait toujours revendiquer alors que le raison s’est transformé en vin.

Que se passe-t-il pour les biens fongibles ? Le fournisseur A a livré 50 kilos de pommes de terre avec une clause de réserve de propriété. B livre 50 kilos de pommes de terre avec une clause de réserve de propriété.La procédure collective s’ouvre à l’égard de l’acheteur, et on trouve 25 kilos de pommes de terre en vrac. A et B vont revendiquer leurs pommes de terre. Ils auront 12, 5 kilos chacun.

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On retrouve au jour de l’ouverture de la procédure, 25 kilos en sacs au nom du fournisseur A. On peut donc identifier, mais il n’empêche que ce sont des pommes de terre fongibles. On a une opposition en jurisprudence :

- Dans certains arrêts, on nous dit que e qui compte c’est fondamentalement le bien, et la loi donne à tous les vendeurs un droit de revendication, indépendamment de l’identification possible de la véritable origine.

- Cependant, si une pharmacie achète des médicaments auprès de plusieurs grossistes, les boîtes sont identifiées… Comment faire ?

Il faut que le bien se retrouve en nature, mais l’article L. 624-18 du Code de Commerce envisage le cas où la marchandise/le bien qui a été acheté par le débiteur, mais non-payé, a été revendu avant l’ouverture de la procédure collective. Il y a une subrogation réelle de mise en place, et si le bien a été revendu avant le jugement d’ouverture, et que la revente n’a pas fait l’objet d’un paiement au profit du débiteur, alors le vendeur initial peut exercer sa revendication sur la créance de prix.

La jurisprudence, de manière très curieuse et critiquable, donne une réponse négative à la question suivante : A agit contre C en paiement en se prévalant de son droit de propriété, C peut-il lui dire qu’il ne le paiera pas car il a des choses à reprocher à B (exception d’inexécution) ?

Les biens qui sont compris dans le patrimoine fiduciaire, peuvent être revendiqués par le fiduciaire.

§3 – Modalités d’exercice du droit

On a trois mois pour revendiquer son bien. C’est un jugement préfix, il n’est donc pas susceptible d’être interrompu ou suspendu. Le point de départ est la publication du jugement d’ouverture au BODACC.

Il y avait une exception qui a disparu : lorsque le bien était chez le débiteur en vertu d’un contrat en cours, et dans ce cas, on disait au propriétaire qu’on allait garder le bien en période d’observation. Le point de départ était donc la fin du contrat. L’ordonnance de 2008 a changé les choses, et a appliqué le point de départ commun.

Qu’advient-il si on ne revendique pas ? Il n’y a pas de seconde chance, il n’y a pas de demande de relevé de forclusion possible. Cela veut donc dire qu’on peut être propriétaire, mais que le droit de propriété ne sera pas opposable à la procédure collective.Il ne pourra rien réclamer au titre de la valeur de son bien.

Quelle est la forme ? Il est précisé par la loi que la demande doit être faite par lettre RAR adressée à l’administrateur lorsqu’il y en a un, ou au débiteur lui-même.A ce stade, on considère que la demande n’est pas encore assimilée à une demande en justice. L’administrateur judiciaire/le débiteur ont un mois pour prendre position. L’administrateur judiciaire doit se mettre d’accord avec le débiteur, et le débiteur doit avoir l’accord de son mandataire judiciaire s’il est seul. Ils ont un mois pour cela.Si on a un accord, tout va bien. Les choses s’arrêtent là.

Si on n’a pas d’accord, dans ce cas, on va contester devant le juge-commissaire, ce dans un délai d’un mois.On ne trouve pas de dispositions sur le préposé. Il faut un pouvoir spécial.

La décision du juge-commissaire pourra faire l’objet d’un recours devant le tribunal, et ce dans un délai de 10 jours, et le jugement pourra fait l’objet d’un appel.

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La loi prévoit qu’il est possible d’éviter une revendication lorsqu’on paye le prix immédiatement a posteriori, avec l’autorisation du juge-commissaire.

Enfin, revendiquer, c’est son droit de propriété et la restitution, et même ceux qui n’ont pas à revendiquer, peuvent demander la restitution du bien.Bien évidemment, si l’activité se poursuit, il se peut qu’on ait besoin du bien, l’article L. 624-10-1 du Code de Commerce qui indique que le droit de restitution va être empêché lorsqu’on est en présence d’un contrat en cours, lorsqu’on demande la poursuite de l’activité.

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Seconde Sous-Partie – Le sort du débiteur

Titre I – Le sort du débiteur pris comme entreprise

Sous-Titre I – Le débiteur est en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde

Chapitre I – Du jugement d’ouverture à l’arrêté d’un plan : la période d’observation

Lorsque la procédure collective s’ouvre, il y a la période d’observation (Jugement rendu jusqu’à l’arrêté du plan). Que se passe-t-il à ce moment là ?

Section I – La poursuite de l’activité durant la période d’observation

Il y a deux éléments clés dans le Droit des Entreprises en Difficulté concernant cette période d’observation : - Pour que l’activité se poursuive, le législateur a mis en place des règles particulières aux

cocontractants, aux contrats en cours. - Les avantages conférés aux titulaires de certaines créances nées après le jugement d’ouverture- Réalisation de biens durant la période d’observation

Sous-Section I – Les contrats en cours

Le législateur contemporain a pris conscience du fait que les contrats étaient une valeur patrimoniale, et que la valeur de l’entreprise est fonction des contrats dont elle bénéficie, qu’elle a pu contracter et conclure avec des tiers. Maintenir ce réseau contractuel, c’est maintenir la valeur de l’entreprise.Le législateur va donc imposer certaines règles aux cocontractants, lui imposant la poursuite de la relation contractuelle, même s’il n’a pas été payé, encore faut-il que l’administrateur judiciaire souhaite la poursuite de cette relation (lui ou le débiteur).

§1 – Régime général (Articles L. 622-13, L. 631-14 du Code de Commerce + Article L. 641-11-1 du Code de Commerce)

A) Domaine

Pour le déterminer, il faut s’attacher à :

1. Option et nature ou caractère du contrat

En principe, la règle, c’est que tous les contrats ont vocation à entrer dans le champ d’application du pouvoir d’opter de l’administrateur judiciaire ou du débiteur s’il n’y a pas d’administrateur judiciaire.

- Contrat de travail C’est une exception absolue. Il n’y a pas d’option concernant les contrats de travail, ceux-ci se continuent.

- Fiducie et contrat de mise à disposition L’ordonnance de 2008 précise que le contrat de fiducie lui-même échappe aux règles que nous allons étudier. L’administrateur ne peut pas opter, on ne se pose pas la question de savoir s’il y a un contrat en cours.En revanche, pour les contrats de mise à disposition contenus dans la fiducie, un choix est possible. L’administrateur pourra opter.

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- Contrats avec intuiti personae L’idée étant qu’il y a une relation de confiance particulière, un choix a été fait de l’entreprise envers ce contractant. La procédure collective ne change-t-elle pas la donne, ne peut-on pas imposer la continuation de la relation ?

2. Notions de contrats en cours

Le lien existant entre le cotisant (l’entrepreneur individuel) et la caisse choisie est-ce un contrat en cours ? La jurisprudence a considéré que l’adhésion était obligatoire, que cela le soumettait à un statut obligatoire. Il choisit certes sa caisse, mais le lien n’est pas de nature contractuel. L’administrateur ne pourra donc opter.Si les cotisations n’ont pas été payées, il faudra trouver une autre caisse (on ne pourra forcer la caisse à continuer).

Qu’est ce qu’un contrat « en cours » ? Pour faire simple, on peut dire qu’on va considérer qu’un contrat est considéré comme en cours, lorsque le débiteur en procédure collective attend encore une prestation de la part du cocontractant. C’est donc un contrat qui n’est pas venu à terme avant l’ouverture de la procédure.

Que se passe-t-il lorsqu’on a des résiliations en vertu de clauses ? Le cocontractant a invoqué une clause résolutoire, qui était dans le contrat.Il faut réception de la lettre de résiliation avant le jugement d’ouverture, ou la décision du juge et qu’elle soit passée en force de chose jugée avant le jugement d’ouverture pour les résiliations judiciaires

Que se passe-t-il pour les contrats qui se réalisent normalement en un instant, mais qui peuvent se dérouler dans le temps comme les prêts ? Ce contrat va s’exécuter par le remboursement des mensualités par l’emprunteur. L’emprunteur se retrouve en procédure collective.Est-ce un contrat en cours ? Il n’est pas fini, mais au sens de l’article L. 622-13 du Code de Commerce, ce n’est pas un contrat en cours, car l’entreprise en difficulté n’est plus en attente d’une prestation de son cocontractant. Si la remise du montant du prêt n’a pas été totale, alors le contrat est en cours.

B) Régime

La règle de base est que les contrats qui sont en cours le demeurent. Autrement dit, non seulement, la survenance de la procédure collective ne provoque pas une rupture des contrats en cours (L. 622-13 I alinéa 1 du Code de Commerce), les contrats en cours continuent de vivre.Pour les contrats, dans lesquels on trouverait éventuellement une clause prévoyant que si l’un des deux contractants se retrouve en procédure collective, alors le contrat s’arrête… Ces clauses ne valent rien. Cela vise non seulement les clauses contractuelles, mais aussi les dispositions légales (Article 2003 du Code Civil en terme de mandat, qui dispose que le mandat prend fin par la déconfiture du mandant ou du mandataire).C’est une règle d’ordre public.

Il est possible de décider de continuer le contrat, ou de le résilier.

1. Continuation

a) Qui peut demander la continuation ? Qui peut la décider ? Le titulaire de l’option

Lorsqu’on est en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire, et qu’il existe un administrateur judiciaire, alors quelque soit la mission de l’administrateur judiciaire (surveillance/assistance, assistance/représentation), la loi donne un pouvoir à l’administration judiciaire pour décider s’il y a lieu ou non de continuer un contrat qui est en cours. C’est un monopole qui lui est conféré.C’est un pouvoir majeur, puisque la vie de l’entreprise est faite de ces contrats.

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Lorsqu’il n’y a pas d’administrateur judiciaire, c’est l’article L. 627-2 du Code de Commerce, il faut que le débiteur lorsqu’il fait un choix, se munisse de l’avis conforme du mandataire judiciaire. Il faut qu’il se mette d’accord avec le mandataire judiciaire, aussi bien en sauvegarde qu’en redressement judiciaire.S’il y a un désaccord, il faudra soumettre le désaccord au juge commissaire.

C’est donc lui qui est saisi, et qui va rendre une ordonnance ordonnant la continuation ou non. Cette décision sera motivée au regard des besoins de la procédure collective.

b) Les pouvoirs et devoirs du titulaire de l’option

Pouvoirs : Le pouvoir de l’administrateur judiciaire ou du débiteur avec l’accord du mandataire judiciaire ne peut leur être retiré. Ni la loi, ni une clause contractuelle ne peut décider du sort du contrat. Le contrat se poursuit forcément.

Selon quel critère va-t-on décider de continuer ou non le contrat ? C’est une décision en opportunité, au regard des besoins de l’activité lors de la période d’observation. Il faut également voir plus loin, dans la perspective du plan. Etant précisé que lorsque mon débiteur est un chef d’entreprise individuelle (entrepreneur individuel), alors c’est tout son patrimoine qui est soumis à la procédure collective : tous les contrats sont concernés, ceux ayant un lien avec son activité professionnelle mais également son contrat d’abonnement Internet.

Les contrats qui relèvent de sa vie non-professionnelle n’ont pas un lien direct avec la vie professionnelle, mais il peut être opportun de faire des économies, et de rompre avec ces contrats.

Devoirs : Il y a un devoir absolument majeur, c’est que celui qui va décider de continuer ou non les contrats, doit impérativement s’assurer au moment où il demanderait l’exécution, qu’il dispose des fonds nécessaires pour exiger l’exécution de la part du cocontractant. Cette obligation doit être remplie au moment où on opte, et tout au long de l’exécution du contrat. Sinon, l’administrateur judiciaire met fin au contrat. (S’il ne le fait pas, il met sa responsabilité en jeu / mandataire judiciaire).

Il faut savoir que lorsqu’on opte pour la continuation du contrat, le contrat qui va se continuer est le contrat que j’ai trouvé (sauf si je le renégocie avec le partenaire). Toutes les clauses du contrat vont donc s’appliquer (La clause compromissoire s’appliquera par exemple).

c) Les modalités de l’expression du choix

L. 622-13 du Code de Commerce : Le cocontractant a la possibilité de mettre en demeure l’administrateur judiciaire / débiteur+mandataire judiciaire d’avoir à opter, de prendre parti pour mettre fin à l’incertitude. C’est une possibilité et non une obligation.

- Sans mise en demeure par le cocontractant Le titulaire de l’option a-t-il un délai pour choisir ? La loi lui impose-t-elle de prendre parti ? Non, il n’y a pas de délai. Cela ne veut pas dire qu’aucune initiative ne sera prise. Cela peut donc être fait formellement, mais l’administrateur judiciaire peut être plus fuyant et par exemple, il faudra scruter les faits pour déterminer s’il a choisi ou non.

Exemple : Le fait qu’il y ait eu une exécution, mais attention, la simple exécution peut être un acte de gestion courante fait par le débiteur, et cela ne vaudrait pas engagement sûr quant à la continuation du contrat.Pour être certain que l’administrateur a opté, il faut que l’exécution ait son aval.

Il peut aussi se prononcer en défaveur de la continuation, et prendre spontanément une initiative en défaveur de la continuation, en informant le cocontractant qu’il ne compte pas poursuivre le contrat. Ce cas mérite quelques mots.

Dans une affaire Com – 18 Septembre 2007 – AOM Air Liberté, où le contrat en cours était un contrat de location d’aéronefs, et le débiteur en procédure collective était la compagnie aérienne, locataire des avions.

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Il est décidé de renoncer au contrat, et donc la renonciation intervient au mois d’août (On informe les propriétaires qu’on ne souhaite pas continuer les contrats de location), mais les avions ne sont restitués qu’en octobre. Le propriétaire réclame le paiement de loyers du jugement d’ouverture jusqu’au mois d’octobre.

La Cour de Cassation admet que des sommes sont dues du jugement d’ouverture à la restitution, ce qui signifie que la renonciation spontanée ne met pas un terme au contrat. Le contrat n’est pas fini. Pour que le contrat prenne fin, il faut une demande en résiliation.

Cette renonciation spontanée a quand même un effet majeur, c’est que des loyers sont dus, mais alors que les loyers courus du jugement d’ouverture jusqu’à la renonciation vont être considérés comme des créances privilégiées, celles qui courent de la renonciation jusqu’à la restitution vont être considérées comme des créances non-privilégiées, donc assimilées à des créances antérieures. Il faudra donc les déclarer, et l’administrateur n’aura donc pas le droit de les payer (+ le propriétaire n’a pas d’action en justice).

- Avec une mise en demeure par le cocontractant Le cocontractant n’a pas de délai imparti pour faire cette mise en demeure. Il le fait quand il le veut.Une fois cette mise en demeure faite, le titulaire de l’option a un mois pour prendre parti. Le juge-commissaire peut modifier ce délai d’un mois, le raccourcir (rare en pratique) ou le prolonger pour permettre à l’administrateur de réfléchir pour deux mois maximum.

En cas de silence à l’issue du délai, le contrat est résilié de plein droit selon l’article L. 622-13 II 1° du Code de Commerce. Si dans le délai d’un mois, le titulaire de l’option s’exprime, tout va bien. La jurisprudence a admis que le refus express après mise en demeure emporte résiliation de plein droit.

2. Résiliation

L’ordonnance de 2008 a apporté des éclaircissements.

a) Résiliation de plein droit

Premier cas, si le cocontractant fait une mise en demeure, et il y a un refus express du titulaire de l’option, selon l’arrêt Com – 18 Mars 2003.

Deuxième cas, le cocontractant fait une mise en demeure, et à l’issue du délai, un silence a été conservé, la loi dit qu’il y a résiliation de plein droit selon l’article L. 622-13 III 1° du Code de Commerce.

Troisième cas, l’hypothèse est que l’administrateur/débiteur a opté en faveur de la continuation, et ce qui est dû au cocontractant n’est plus payé. Outre la responsabilité de l’administrateur engagée, il y a résiliation automatique de plein droit du contrat selon l’article L. 6622-13 III 2° du Code de Commerce.

b) Résiliation demandée (au juge)

Premier cas, il n’y a pas de mise en demeure, et j’ai une renonciation spontanée de l’administrateur judiciaire/mandataire + débiteur, alors le contrat est encore en cours.Il faut demander la résiliation. Ce qui est curieux, c’est que si c’est le cocontractant qui demande la résiliation, il va aller devant le juge de droit commun (normalement applicable pour la résiliation du contrat), alors que si c’est le titulaire de l’option qui demande la résiliation, alors il suffit de s’adresser au juge-commissaire.La loi demande au juge-commissaire d’opérer une vérification : la résiliation sera prononcée si elle est nécessaire à la sauvegarde/redressement, et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts du cocontractant de façon excessive.

Deuxième cas, où la continuation a été choisie, et l’administrateur judiciaire se rend compte qu’il n’aura plus les moyens d’honorer les contrats, et il met donc fin au contrat.Dans ce cas, l’article L. 622-13 IV du Code de Commerce lui permet de demander la résiliation au juge-commissaire, aux conditions évoquées plus haut.

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En conclusion, Premier point, lorsqu’en définitive, il y a une résiliation (de plein droit ou demandée), le cocontractant a droit à une réparation, une indemnisation. Ces dommages et intérêts sont soient accordés par le tribunal, grâce à une clause pénale… Tout ce qui a été éventuellement prévu dans le contrat en cas de résiliation anormale ou anticipée joue. Mais, cette somme d’argent, quel statut a cette créance ? Est-ce une créance privilégiée ? La loi nous dit que chronologiquement, c’est effectivement une créance postérieure, mais juridiquement, elle va être assimilée à une créance antérieure.

Deuxième point, que se passe-t-il lorsque le cocontractant est lui aussi soumis à une procédure collective, et que les deux administrateurs judiciaires font des choix inverses quant à la continuation du contrat ?

§2 – Régimes spéciaux

A) Les contrats de travail

L’article L. 622-13 du Code de Commerce dans son dernier alinéa précise que les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Il y a cependant une règle commune, qui est que lorsque la procédure s’ouvre, les contrats de travail se poursuivent de plein droit. Le salarié n’a pas et ne peut pas mettre en demeure l’administrateur pour savoir s’il continue ou non. Cela ne fonctionne pas comme cela. L’administrateur ne peut pas opter, il n’a pas de possibilité.

Il n’empêche que des licenciements peuvent être envisagés.En procédure de sauvegarde, si des licenciements sont envisagés en période d’observation, ce sont les règles de droit commun qui s’appliquent, alors qu’en période d’observation de redressement judiciaire, il y a des règles spéciales/particulières qui vont être évoquées (Gros conflit lors de la prise de la loi du 26 Juillet 2005).

En cas de redressement judiciaire, L. 631-17 du Code de Commerce prévoit que lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable, alors l’administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder au licenciement (Sans administrateur, L. 631-21 alinéa 2 du Code de Commerce).

L’ordonnance fixée par le juge-commissaire va déterminer le nombre de salariés que l’on peut licencier, et les catégories socioprofessionnelles qui vont être victimes des licenciements.Cette ordonnance du juge-commissaire est transmise au Ministère Public, au mandataire judiciaire, et est notifiée aux institutions représentatives du personnel (Comité d’entreprise, délégués du personnel, représentant du salarié) qui peuvent faire un recours, qui sera porté devant le tribunal de la procédure collective.

On peut contester la procédure de licenciement, le caractère urgent et indispensable des licenciements. Ce n’est qu’ultérieurement que cela va passer au nominatif, puisque l’ordonnance ne désigne pas les personnes qui seront victimes des licenciements.

Une fois que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le caractère économique du licenciement ne peut être contesté, et les juridictions prudhommales n’ont pas à connaître du motif du licenciement.En revanche, le Conseil des Prud’hommes retrouve sa compétence à propos des situations individuelles des licenciés (Critique l’ordre des licenciements [Ancienneté, qualification professionnelle…]).

B) Le bail de locaux professionnels

L. 622-14 du Code de Commerce Les dispositions spéciales de l’article L. 622-14 sont à articuler avec certaines dispositions de l’article L. 622-13 du Code de Commerce.

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1. Quels sont les contrats concernés ?

Cela vise le bail des immeubles donnés à bail au débiteur et affectés à l’activité de l’entreprise. Cela ne joue donc que lorsque le débiteur en procédure collective est le locataire. Si je suis locataire de mon domicile (entrepreneur individuel), alors cela n’est pas applicable.

2. Le régime

Il faut articuler certaines de ces dispositions avec l’article L. 622-13 du Code de Commerce. Dès lors qu’on est en présence d’un contrat en cours, L. 622-13 s’applique dans certains cas :

- Les dispositions légales ou contractuelles d’indivisibilité, de résiliation sont inapplicables.- Le cocontractant doit continuer à exécuter le contrat même s’il n’a pas été payé des loyers avant

l’ouverture de la procédure collective. - Quant à l’option, celle-ci existe en faveur de la continuation ou de la non-continuation,

l’administrateur judiciaire/débiteur + mandataire, peut décider d’arrêter. - Si on décide de continuer le contrat, il faut fournir la prestation promise, au cours de la période

d’observation, il faut fournir la prestation promise, au cours de la période d’observation. On est obligé de payer le loyer. L’administrateur ou le débiteur doit donc s’assurer d’avoir les fonds nécessaires, et si en cours de route, on se rend compte qu’on a plus d’argent, on doit mettre fin au contrat.

L. 622-14 du Code de Commerce pose des règles particulières : - Le cocontractant ne peut pas mettre en demeure le titulaire de l’option.- Si le contrat continue, et que le paiement du loyer a bien lieu, alors le bailleur ne peut pas se prévaloir

d’un défaut d’exploitation de l’immeuble loué durant la période d’observation.- La décision de l’administrateur judiciaire de ne pas continuer le bail emporte résiliation du bail de

plein droit. - Si les loyers dus au titre de la période d’observation ne sont pas payés, le bailleur va pouvoir

demander la résiliation ou la faire constater (Clause résolutoire pour non-paiement du prix), ce qui veut dire qu’on a une règle différente ici. S’il n’est pas payé, il n’y aura pas de résiliation de plein droit.De plus, il faut attendre trois mois à compter du jugement d’ouverture pour se prévaloir de la résiliation.Si les trois mois sont passés et qu’il a demandé la résiliation, si en définitive, il est payé juste avant l’expiration, il n’y aura pas lieu à la résiliation, le paiement empêche la résiliation.

Sous-Section II – Les avantages conférés aux titulaires de certaines créances nées après le jugement d’ouverture

Cela concerne très souvent les titulaires de contrats en cours.

§1 – Le domaine d’application de l’article L. 622-17 du Code de Commerce

On parle des créances de l’article L. 622-17 du Code de Commerce, mais on les trouve encore sous le nom des créances de l’article 40.

Si on ne les avantage pas, on ne va pas réussir à financer la période d’observation. Il faut certains gages pour que la période d’observation se déroule bien. On ne peut pas non plus exiger des cocontractants qu’ils travaillent, et qu’on ne les paye pas.

Auparavant, il suffisait que la créance soit née régulièrement après le jugement d’ouverture. La grande nouveauté avec la loi de 2005 a fait un tri au milieu de toutes ces créances, dont certaines ne méritent pas un statut privilégié. On a essayé de réduire le champ des créances privilégiées, mais le législateur n’est pas entièrement cohérent, car pour être une créance privilégiée, jugée méritante, l’article L. 622-17 du Code de Commerce faisait un lien avec l’activité professionnelle (la créance est une contrepartie pour l’entreprise). L’ordonnance de 2008 a rouvert le champ.

Cela a donc été très remanié par la loi du 25 Juillet 2005, qui a modifié le champ d’application des créances postérieures privilégiées. De plus, c’est très complexe, et ce n’est pas toujours logique.

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Pour faire parti des créances privilégiées, un premier point est qu’il faut que la créance soit née postérieurement au jugement d’ouverture. De plus, il faut que la créance soit née régulièrement, et enfin des conditions ont été ajoutées par la loi de sauvegarde de 2005, qui sont d’une part que la créance ait été « utile », et qu’il faut informer les acteurs de la procédure.

A) La créance doit être née postérieurement au jugement d’ouverture

Cette condition seule ne suffit pas.Première indication, le critère chronologique était très important avant la loi de 2005. Le seul fait que la créance soit née postérieurement suffisait. Désormais, après s’être embêté à déterminer que cela était bien postérieur, cela ne servira pas autant : si on a une créance postérieure, mais qu’elle n’est pas « utile », alors elle ne sera pas privilégiée. Le caractère chronologique a perdu de sa force. Cela reste important.

Si on est un créancier, même si la créance n’est pas privilégiée parce que considérée comme « inutile », cela est utile au juge. Dans les deux cas, on doit déclarer sa créance, qu’elle soit antérieure ou postérieure. Si la créance est postérieure, on est assimilé à un créancier antérieur. Quel est le délai pour déclarer sa créance ? Si on est un créancier dont la créance est née postérieurement, le point de départ normal, de principe de deux mois est à compter de l’exigibilité de la créance.

Deuxième remarque, comme si c’est difficile de savoir si on va être privilégié ou non, on peut être tenté de déclarer sa créance parce que l’on doute… Le problème est que si le doute n’est pas levé avant que le juge-commissaire admette ma créance. Après, avec la décision de justice, s’il admet ma créance, sa décision a autorité de la chose jugée, et il y a donc une présomption de vérité attachée à sa décision, qui veut que l’on soit créancier antérieur.

Pour déterminer si une créance est antérieure ou postérieure, il faut tenter de trouver le fait générateur de la créance. C’est l’évènement qui fait naître la créance, ce qui signifie déjà au moins, que ce qui compte ce n’est pas l’exigibilité de la créance.

Exemple : La taxe foncière.Celles-ci doivent être payées au mois d’octobre/novembre, mais qu’est ce qui fait que je la dois ? C’est le fait d’être propriétaire au 1er Janvier de l’année.

Il faut déterminer le fait générateur de la créance.

1. Faits générateurs d’une créance d’origine contractuelle

En ce qui concerne les faits générateurs d’une créance d’origine contractuelle, on peut encore scinder entre les créances nées du contrat lui-même, et les créances nées du fait de la disparition du contrat.

a) Les faits générateurs des créances issues du contrat

Quand on est civiliste, on peut considérer que si l’on conclut le contrat aujourd’hui, mes obligations et les votes naissent aujourd’hui. On pourrait donc être tenté de considérer que c’est le contrat qui fait naître les dettes et créances réciproques.On ne raisonne pas ainsi en Droit des Entreprises en Difficulté, en particulier, lorsqu’on est en présence de contrats s’écoulant dans le temps.

Avec les contrats à exécution successive, c’est la réalisation de la prestation qui fait naître le contrat. Dans un contrat de bail, c’est la jouissance paisible des lieux qui fait naître la créance au fur et à mesure. Pour la jouissance des lieux pour la période postérieure au jugement d’ouverture, ce sont des créances postérieures.

Il en va de même pour un contrat de travail, c’est le travail fourni.Ce sont les prestations caractéristiques, et le moment auxquelles elles sont fournies qui donne le critère.

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Lorsqu’on est en présence d’un contrat de vente avec clause de réserve de propriété jusqu’à paiement complet du prix, si le prix n’est pas payé et la propriété non-transmise, on doit alors considérer que, puisque la propriété n’est pas transférée, alors les sommes encore dues sont des créances postérieures.

Pour un contrat unilatéral, qui ne fait naître des obligations qu’à la charge de l’un, pour le prêt, on raisonne de la même manière. SI les sommes ont été remises avant le jugement d’ouverture, la créance de remboursement est une créance antérieure. En revanche, si les fonds n’ont pas encore été mis à disposition avant le jugement d’ouverture, alors la créance de remboursement sera postérieure.

Exemple : Le cautionnement.C’est un contrat conclu entre un créancier et une caution, celle-ci s’engageant pour le cas où le débiteur n’honore pas ses engagements.Première hypothèse, le débiteur se retrouve en procédure collective. La caution paye postérieurement au jugement d’ouverture. La caution va pouvoir dans certaines conditions se retourner contre le débiteur. Cette créance qu’a la caution contre le débiteur, est-ce une créance antérieure ou une postérieure ? Lorsque la caution agit contre le débiteur, il y a deux fondements possibles (Article 2305 du Code Civil) :

- Un recours subrogatoire et dans ce cas, la caution exerce l’action du créancier. Il faut donc rechercher si la créance du créancier était postérieure ou antérieure. Cela emprunte donc à la créance d’origine.

- Un recours personnel, et dans ce cas, on aurait pu imaginer que ce qui fait vivre, c’était le paiement, le fait qu’elle ait payé le créancier. Ce n’est pas la solution retenue par la Cour de Cassation : le fait générateur du recours personnel, c’est le fait de s’être porté caution. Ce qui compte, c’est la date du contrat de cautionnement, ce sera donc une créance antérieure.

Deuxième hypothèse, la procédure collective frappe la caution. Dans ce cas, la créance qu’a le créancier principal contre la caution, est-ce une créance antérieure ou postérieure ? C’est la date du contrat qui sera le fait générateur. On rejoint ici la règle civiliste.

b) Les faits générateurs des créances nées du fait de la disparition du contrat

Avant la procédure collective, une partie se plaigne à l’égard de l’autre de la manière dont elle a exécuté le contrat et invoque une clause résolutoire pour mauvaise exécution du contrat. On ne se heurte pas à l’interdiction du paiement de poursuites. Dans ce cas, le contrat peut prévoir une indemnité de résiliation (clause pénale). L’indemnité en question, est-ce que c’est une créance antérieure ou postérieure ? La jurisprudence considère que l’indemnité de résiliation due par le débiteur, en procédure collective, va être une créance antérieure même si la résiliation est postérieure au jugement d’ouverture.

C’est une fiction légale que nous avons déjà rencontré à l’article L. 622-13 du Code de Commerce sur les contrats en cours. Ce texte nous dit qu’il ne s’applique pas aux contrats de travail.Lorsque j’ai des indemnités de licenciements postérieures au jugement d’ouverture, ce sont des créances postérieures.

Autre exemple, pour les créances de restitution dues à l’annulation/la résolution d’un contrat conclu avant le jugement d’ouverture, et on a un vendeur qui va être soumis à une procédure collective.L’acheteur, qui avait payé un prix, et qui demande l’annulation du contrat ou sa résolution, va devoir rendre la chose, et devient créancier de la restitution du prix. Pour la Cour de Cassation, le fait générateur est le jugement prononçant l’annulation ou la résiliation. Si le jugement a eu lieu avant le jugement d’ouverture, ce sera une créance antérieure. Sinon, ce sera une créance postérieure. Il existe une exception, qui est que si l’annulation est celle d’un acte conclu en période suspecte. L’annulation sera toujours postérieure au jugement d’ouverture.

2. Faits générateurs d’une créance d’origine extracontractuelle

Premier cas, les cas de responsabilité extracontractuelle.On a une victime, à laquelle le débiteur en procédure collective doit des dommages et intérêts. Qu’est ce qui fait naître la créance de dommages et intérêts ? On trouve beaucoup de discussions doctrinales.

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Un arrêt Com -11 Juin 2003 semble dire que ce qui compte, c’est le jugement.On voit bien, qu’autrefois, avant la loi de 2005, la victime, si le jugement n’était rendu qu’après le jugement d’ouverture, était un créancier privilégié. Aujourd’hui, on va se demander si cela est utile à la procédure.

Deuxième cas, toutes les sanctions (Autorité de la Concurrence/AMF/juge pénal prononce une amende).La réponse est que la décision de l’autorité fait naître la créance.Si la décision est antérieure au jugement d’ouverture, alors ce sera une créance antérieure.

La Chambre Criminelle, dans un arrêt du 17 Janvier 2007, quant aux décisions du juge pénal, a dit que ce qui comptait, c’était le moment de l’infraction. On a donc une opposition Chambre commerciale/Chambre Criminelle.

Troisième cas, quant aux cotisations sociales.Le fait générateur est le travail du salarié. Les cotisations sociales dues par l’employeur sur les salaires versés, c’est le travail fourni.

A partir du moment où le plan de sauvegarde/de redressement est adopté (la période d’observation cesse), il n’y a plus de questions à se poser quant aux créances postérieures ou antérieures. On revient au droit commun. Le débiteur recouvre ses pouvoirs.

B) La créance doit être née régulièrement

Pour la jurisprudence, cette exigence de régularité de la créance s’apprécie en vérifiant que la répartition des pouvoirs, spécialement entre le débiteur et l’administrateur judiciaire, a bien été respectée.Avait-il le pouvoir de le faire ? L’administrateur pouvait-il le faire ? Le débiteur ?La jurisprudence a même examiné cette question de la régularité pour des actes de concurrence déloyale.

Si on a un débiteur qui est soumis à une mission de représentation, et qu’il fait des actes de concurrence déloyale à l’occasion des actes ne relevant pas de la gestion courante, alors même si le jugement prononçant les dommages et intérêts est postérieur, la créance n’est pas née régulièrement.

Que se passe-t-il lorsqu’on ne respecte pas la répartition des pouvoirs ? C’est l’inopposabilité.Si, un acte est fait irrégulièrement, alors la créance ne sera pas éligible au privilège. La créance deviendra inopposable, elle est hors-procédure. On ne la connaît pas, et elle ne peut être déclarée.Pour autant, on a tous les inconvénients d’une créance antérieure puisqu’on ne peut agir en paiement, faire de mesures conservatoires…

Voir Com – 30 Mars 2010.

C) Les conditions ajoutées par la loi de sauvegarde de 2005

1. Condition liée à « l’utilité » de la créance postérieure

Désormais, depuis la loi de 2005, il y a un critère d’utilité, c'est-à-dire que la créance va être avantagée ou non en fonction de son utilité entendue au sens large (Il n’est pas dit qu’elle doit être nécessaire et indispensable).L. 622-17 du Code de Commerce « Pour les besoins du déroulement de la procédure, ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur ».

Avant l’ordonnance de 2008, le texte se poursuivait « pour son activité professionnelle ». Cela a été supprimé.

a) En contrepartie d’une prestation

Cela veut dire que, puisque désormais est gommée l’activité professionnelle, qu’une créance postérieure née régulièrement peut être privilégiée dès lors que lez débiteur a reçu pendant la période d’observation, une prestation qui peut être immatérielle (un service), mais qui peut aussi être un bien.

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Bien évidemment, cela concerne tous les contrats en cours, mais on peut être hors du domaine contractuel, avec par exemple un bail résilié et le débiteur ne quitte pas les lieux. Il va devoir une indemnité d’occupation en échange de la jouissance des lieux (Encore faut-il que le contrat soit résilié/ Air Liberté).

La prestation peut également être liée à l’activité hors sphère professionnelle. C’est étrange, normalement, le privilège est donné car le créancier participe au financement de la période d’observation. On voulait éliminer des créances inutiles du champ, et là, on réintroduit des créances non-professionnelles qui ne sont donc pas utiles à la procédure.

Pour le débiteur personne physique achetant un véhicule à crédit… S’il est en procédure de sauvegarde, avec seulement une surveillance. Acheter un véhicule, ce n’est pas un acte de gestion courante. Pour autant, fait-il quelque chose d’interdit ? Ce serait oui, si on considère que c’est un acte de disposition (Autorisation du juge-commissaire nécessaire).

b) Les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation

Cela vise tout spécialement les honoraires dus à l’administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire, au liquidateur judiciaire, à l’éventuel expert, la nécessité d’un inventaire fait par un inventaire…

On a également les créances nées pour les besoins de la période d’observation.Il va falloir mettre des choses qui ne sont ni pour la procédure, et qui naissent sans contrepartie : ce sont tous les impôts (taxe foncière, impôt sur le revenu)…Certains considèrent que pour être privilégié, pour répondre aux besoins de la période d’observation, il faudrait que la créance soit née à l’occasion d’une opération qui apporte un avantage à la période d’observation. Ce n’est pas vraiment le cas de la taxe foncière… Ce n’est pas positivement utile.D’autres disent que les créances ne doivent pas forcément favoriser la période d’observation, mais qu’elles sont inhérentes à l’activité. Dans ce cas là, ca élargit le champ des créances postérieures privilégiées.

Civ. 2 ème – 2 Septembre 2010 admettant les cotisations d’assurance maladie.

2. Portée de l’exigence d’une information de la part du créancier

Avant la loi de 2005, le mandataire judiciaire devait établir la liste de ces créanciers postérieurs.C’est une tâche qui peut être assez compliquée, et du coup, dresser la liste pouvait provoquer un retard, plus un risque de méconnaissance de certaines créances.

La loi de 2005, dans l’article L. 622-17 du Code de Commerce indique que le créancier doit porter sa créance à la connaissance de l’administrateur, ou au mandataire judiciaire s’il n’y a pas d’administrateur. Il a un an pour le faire à compter de la fin de la période d’observation.Si on omet de se manifester, cela nous fait perdre notre privilège. Si on a été payé, le droit à payer ne sera pas remis en cause…

§2 – Le contenu et la nature des avantages conférés par l’article L. 622-17 du Code de Commerce

A) Contenu

1. Droit au paiement à l’échéance

A la différence des créanciers antérieurs ou des postérieures non-avantagés, ils ont le droit d’être payé à l’échéance de leur dette. Ce qui veut dire que l’administrateur judiciaire ou le débiteur doit payer ses créances. Le créancier peut invoquer une compensation, et si les créanciers ne sont pas payés, comme tout créancier impayé, ils vont pouvoir exercer des droits de voie pour obtenir paiement.

S’ils ont déjà un titre exécutoire, ils peuvent exercer des saisies, toutes les mesures d’exécution à leur disposition contre le débiteur. C’est le premier qui demande à être payé qui va l’être. C’est indépendant de l’ordre qui peut exister.

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Il existe tout de même une difficulté, ce si les fonds sont sur un compte à la CDC (Caisse des Dépôts et Consignations). On a un texte l’article L. 662-1 du CCom qui indique qu’un administrateur judiciaire, et même un mandataire judiciaire, els sommes qu’il peut percevoir, si elles ne sont pas portées sur le compte bancaire ou postale du débiteur pour les besoins de l’activité, ces sommes sont censées être portées sur un compte spécial à la CDC. C’est un compte qui est insaisissable. C’est évidemment un frein aux saisies.

Le problème, c’est que dans certains cas, le créancier privilégié ne sera pas payé.En pratique, c’est que l’on va passer à une procédure plus lourde, qui sera souvent la liquidation judiciaire. Dans ce cas-là, il va falloir déterminer si tous les créanciers postérieurs privilégiés vont passer devant tous les créanciers antérieurs ? La réponse est négative.Certains créanciers antérieurs vont alors passer devant les créanciers postérieurs privilégiés. C’est la question du classement externe.Une fois que le groupe des créanciers privilégiés ont été classés par rapport à d’autres, les créanciers privilégiés sont-ils tous égaux ? Là encore, la réponse va être négative. C’est le classement interne.

a) Le classement externe

Il faut s’intéresser au classement externe en liquidation judiciaire plus particulièrement.Certains créanciers vont forcément passer devant les créanciers postérieurs privilégiés. Le classement pour les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire sont :

- Rang I – Le superprivilège des salaires, qui sont nés avant le jugement d’ouverture (pour les 60 derniers jours travaillés).

- Rang II – Les frais de justice postérieurs. Cela ressemble à un piège, car on est pourtant dans le classement externe.

- Rang III – Privilège de conciliation (L. 611-11 du Code de Commerce).- Rang IV – Créanciers postérieurs privilégiés.- Rang V – Créances antérieures, assorties d’un privilège d’une sûreté réelle spéciale immobilière

(hypothèque), mobilière avec droit de rétention, matérielles et outils selon L. 525-1 du Code de Commerce

- Rang VI – Les autres créances

Pour la liquidation judiciaire, c’est la même chose, sauf qu’à partir du rang IV :- Rang IV – Créances antérieures- Rang V – Créances postérieures privilégiées.

La situation des créanciers postérieurs se dégrade donc.

b) Le classement interne

Cela concerne le rang IV qui a vocation à devenir un rang V en liquidation judiciaire.Les choses ont été simplifiées, notamment avec l’ordonnance de 2008.L’article L. 622-17 du CCom, dans son III, nous donne le classement interne entre les créanciers postérieurs privilégiés :

- Les salaires des salariés qui n’auraient pas été payés non-pris en charge par l’AGS pendant la période d’observation. Si l’AGS est sollicitée, elle couvre au maximum un mois et demi de travail, or la période d’observation peut être plus longue.

- Les créanciers qui ont consenti un prêt durant la période d’observation, et à condition que ce prêt ait été autorisé par le juge-commissaire, et que ce prêt ait été publié faite dans un registre spécial ouvert au greffe du tribunal. + Les créanciers dont la créance résulte d’un contrat en cours, consenti avec des délais supplémentaires par rapport aux prévisions contractuelles. Il faudra l’autorisation du juge-commissaire, et que les délais fassent l’objet d’une publicité au registre spécial ouvert au greffe du tribunal.

- Les autres.

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B) Nature de la priorité (hypothèse de l’absence de paiement)

Etant un créancier postérieur privilégié, on a le droit d’être payé, mais il se peut qu’on ne le soit pas, et que la situation se dégrade, de sorte qu’une nouvelle procédure collective s’ouvre.Dans ce dernier cas, par hypothèse, en tant que créancier postérieur dans la procédure antérieure, je deviens créancier antérieur. Grâce au privilège dont on dispose (du fait des caractéristiques particulières de la créance, j’ai aidé lors de la période d’observation, prestation au profit du débiteur…), ce caractère privilégié sera conservé dans la nouvelle procédure.

Alors même que la créance chronologiquement est née avant l’ouverture de la procédure, je serai traité comme un créancier postérieur privilégié. Je vais me trouver aux côtés d’autres créanciers, mais pas aux côtés des créanciers antérieurs.

Il y a eu des discussions sur la nature de cet avantage. La Cour de Cassation a dit que ce n’était pas un privilège. La loi de 2005 a donné un fondement à cette qualification, il s’agit bien d’un privilège attaché à la créance.

Sous-Section III – Réalisation de biens durant la période d’observation

Normalement, en période d’observation, ce n’est pas le moment de dilapider les biens de l’entreprise. Il peut cependant advenir qu’il y ait un immeuble par exemple, qui soit vendu.Il existe alors des règles particulières, qui ne visent évidemment pas les actes des ventes de marchandises.

§1 – La réalisation d’un bien non grevé d’une sûreté

On vend un immeuble, du matériel, de l’outillage, sans qu’il y ait de sûreté dessus. Normalement, on n’a pas le droit de vendre. Il va falloir une autorisation du juge-commissaire selon l’article L. 622-7 du Code de Commerce pour que l’on puisse vendre un bien. Cela est applicable en sauvegarde ou en redressement judiciaire (L. 631-14 du Code de Commerce).

A qui l’autorisation est-elle délivrée ? Si on n’a pas d’administrateur judiciaire, cela sera au débiteur.Si on a un administrateur judiciaire, avec une seule mission de surveillance, l’autorisation est donnée au débiteur.Si on a un administrateur judiciaire, avec une mission de représentation, l’autorisation lui sera donnée à lui. Si on a un administrateur judiciaire, avec une mission d’assistance, il faut que les deux soient d’accord pour demander l’autorisation, et l’autorisation sera donnée aux deux.

Sur quels biens l’autorisation peut-elle porter ? Cela présente un intérêt lorsque le débiteur est un individu, une personne physique. Peut-on envisager de vendre des biens qui ne sont pas utilisés dans le cadre professionnel, mais dans le cadre privé (la maison de campagne des époux) ?La réponse est oui. Dès lors qu’on n’a qu’un seul patrimoine, l’autorisation judiciaire sera obtenue.

Si on est en mission de représentation, le débiteur n’a rien à dire. C’est l’administrateur qui a la main sur les biens. Quand on fait taire le débiteur, on fait également taire son conjoint. L’administrateur judiciaire représentera le débiteur, et du coup a la main sur la gestion des biens communs.Lors d’une mission d’assistance, il faudra donc l’accord du conjoint.

L’autorisation doit être donnée préalablement.Il faut vraiment qu’elle soit préalable.Sur le plan civil, l’acte pourra être annulé s’il a été fait sans autorisation (acte interdit), avec une prescription de trois ans à compter de l’acte, et tout intéressé peut demander la nullité y compris le Ministère Public. Sur le plan pénal, à l’égard du débiteur, il existe des sanctions pénales prévues par l’article L. 654-8 1° du Code de Commerce qui prévoie 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende.

Si on a eu l’autorisation du juge-commissaire, à qui profitent les fonds ? Cela rentre dans le patrimoine du débiteur, cela constitue de la trésorerie pour lui.Si on a mis l’argent sur le compte bancaire, des créanciers postérieurs vont pouvoir effectuer une saisie.

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§2 – La réalisation d’un bien grevé d’une sûreté

La question est de savoir, lorsqu’on conclut un contrat avec quelqu’un, qu’on lui demande une hypothèque, et que cette personne se retrouve en liquidation judiciaire, et que le bien est vendu… A quoi ai-je le droit ?

Article L. 622-7 et L. 622-8 du Code de Commerce. La règle de base est la même, on n’a pas le droit de vendre des biens sans l’autorisation du juge-commissaire. De telle sorte, que tout le §1 vaut ici.

Que vont devenir les fonds ? Je vends un immeuble hypothéqué, ou un bien grevé d’un gage ou d’un nantissement… Que se passe-t-il ?L’article L. 622-8 du Com nous dit qu’une partie du prix, correspondant à la créance garantie, va être mise sur un compte à la CDC. On ne peut pas saisir les sommes qui sont sur des comptes à la CDC.Il n’est intéressant de vendre le bien, pour l’entreprise, que s’il espère retirer une somme d’argent supérieure aux créances.

Quant à ce qui est à la CDC, les créanciers vont devoir attendre l’adoption du plan. Pendant toute la période d’observation, le créancier n’est pas payé. A l’issue de la période d’observation, une fois le plan adopté, l’article L. 622-17 du Code de Commerce nous demandera de regarder l’ordre de paiement (salariés payés ? superprivilèges ? frais de justices postérieurs ? privilège de conciliation ? créanciers postérieurs ?). S’il reste de l’argent après cela, alors seulement, le créancier pourra être payé.

Normalement, on doit donc attendre l’adoption du plan.L’article L. 622-8 du Code de Commerce prévoit la possibilité d’obtenir un paiement provisionnel, c'est-à-dire un paiement provisoire. Cela n’est pas utilisé en pratique. On va après se rendre compte que l’argent payé n’était pas du… Il faudra le rembourser.

Section II – L’élaboration du bilan économique social et environnemental et projet de plan

§1 – L’élaboration du bilan économique, social et environnemental

Ce bilan est traité aux articles L. 623-1 et suivants du Code de Commerce (sauvegarde), et également aux articles L. 631-18 du Code de Commerce (redressement). On fait le diagnostic des causes de difficulté de l’entreprise, et leurs natures.

Ce bilan, ainsi que son appellation l’indique, se fait sur le terrain économique et aussi sur le terrain social. Un bilan environnemental est également appliqué. Cette dernière exigence ne concerne que les installations classées, c'est-à-dire les entreprises qui exploitent une installation classée (porteuses de danger pour l’environnement…).

Qui dresse le bilan ? C’est l’administrateur judiciaire avec le concours du débiteur.Si je n’ai pas d’administrateur judiciaire, désormais, le bilan n’est pas dressé. L’administrateur judiciaire doit faire ce bilan. Les textes ne disent rien quant à une éventuelle sanction s’il ne le fait pas. Le droit commun nous dira que c’est surement une faute… Il faudra regarder si cela cause un préjudice.

Pour faire le bilan, l’administrateur peut se faire assister d’experts en diagnostic d’entreprises en difficulté. Il peut avoir recours à des informations demandées au juge-commissaire. L’article L. 623-3 du Code de Commerce pour obtenir l’avis des représentants du personnel.

Ce bilan va être joint au projet de plan.

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§2 – Le projet de plan

A) Quel plan ? Quel contenu ?

1. Quel plan ?

Sous l’empire de la loi de 1985, la sauvegarde n’existait pas.On trouvait pour le règlement judiciaire, un plan de continuation, cela signifiait que le débiteur conservait son entreprise en procédure collective. L’autre voie du règlement judiciaire était le plan de cession totale de l’entreprise. L’entreprise va être reprise par un tiers. L’entreprise va être dissoute.

Sous l’empire de la loi de 2005, on a la sauvegarde et le redressement judiciaire.En sauvegarde, cela s’appelle un plan de sauvegarde, mais je pourrai écrire que c’est égal à un plan de continuation. Le débiteur conserve son entreprise.

En redressement judiciaire, mon plan de redressement est un plan de continuation. Est-il possible d’aboutir à un plan de cession ? A l’origine, le législateur avait dit non. Si l’idée est de vendre l’entreprise, il faut aller en liquidation. Les débats parlementaires ont montré que l’entreprise était forcément dans des difficultés plus avancées. Lorsqu’on ouvre la procédure collective, il faut convaincre son administrateur d’opter pour le plan de cession. Sinon, l’administrateur peut recevoir des offres des tiers, et il pourra être tenté d’opter pour un plan de cession totale de l’entreprise.A la demande de l’administrateur, le tribunal peut opter pour un plan de cession partiel et total.

2. Quel contenu ?

Pour les plans de sauvegarde et de redressement qui sont des plans de continuation, que se passe-t-il ?

Le débiteur reste à la tête de son entreprise, mais celle-ci va être modifiée.Exemple : La SARL, son objet social est l’exploitation de magasins de bijouterie (l’une à Puteaux qui marche bien, l’autre à Nanterre qui marche mal). Il est possible de vendre le fonds de commerce de Nanterre dans le plan.A la sortie de la procédure, la SARL sera toujours là, mais l’entreprise n’aura plus qu’un seul magasin.Un plan peut donc contenir des propositions de ventes.

Le plan peut aussi prévoir des fermetures, vendre le local. Il y a aussi possibilité d’adjoindre de nouvelles activités.

L’entreprise peut se trouver substantiellement modifiée.Il peut y avoir une hausse du capital.

Lorsqu’on fait un projet, on doit dresser un volet économique, un volet financier et un volet social.Le volet économique, il s’agit de s’avoir quelles activités on va conserver, va-t-on faire une augmentation de capital, contracte-t-on un emprunt, quelles sont les garanties données… rendre inaliénables certains biens en cas de cession (interne ou externe) de la société…De même, pour que le plan marche bien, on pourra changer le gérant de la SARL.Le tribunal pourra conditionner l’adoption du projet de plan au remplacement des dirigeants. L. 631-19-1 du Code de Commerce.

Le volet financier, c’est le règlement du passif. Comment va-t-on régler les créanciers, les délais, les remises de dettes demandées.

Le volet social, va-t-on licencier ou pas ?En sauvegarde, c’est la procédure de droit commun qui s’applique.En règlement judiciaire, il n’y a pas de procédure de droit commun. C’est devant le tribunal qui adopte le plan qu’on contestera les licenciements économiques (contestation par le Comité d’Entreprise, les délégués du personnel, ou le représentant des salariés, mais pas le salarié lui-même).

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B) Elaboration du projet des plans de sauvegarde et de redressement

1. En l’absence de comités de créanciers

L’hypothèse la plus fréquente est celle où on n’a pas de comités de créanciers.Il n’y a de comités de créanciers que pour des entreprises d’une certaine taille. La procédure ici étudiée est la plus courante.

Lorsqu’on n’a pas d’administrateur judiciaire, c’est le débiteur qui doit faire un projet de plan. Il peut être dérogé un expert, qui écrira un rapport. Le tribunal statuera, dira oui ou non au projet de plan.S’il existe un administrateur judiciaire, si c’est une sauvegarde, c’est le débiteur qui écrira le rapport.En redressement, il incombe à l’administrateur d’élaborer le projet de plan, avec l’aide du débiteur.Le projet sera proposé au tribunal, qui adoptera un jugement dans lequel il adoptera ou non le plan.

Il faut dire quelques mots du volet financier.Comment décide-t-on pour les créanciers ? On va aller voir les créanciers antérieurs, les consulter.On va leur faire des propositions, le mandataire judiciaire les transmet, il sert d’intermédiaire. Pour ce faire, soit il écrit à chacun des créanciers par lettre recommandée selon l’article L. 626-5 du Code de Commerce. Le créancier répond oui ou non, mais il devra se dépêcher. S’il ne dit rien pendant un délai de 30 jours, son silence vaut acceptation. Soit, il y a une convocation des créanciers à une réunion.

Quant aux créanciers publics (le fisc, les organismes de sécurité sociale), si on leur demande simplement des délais, il n’y aura pas de règle particulière. En revanche, si on leur demande des remises de dettes, cette possibilité a été élargie par la loi de 2005, l’argent peut être utilisé au service d’entreprises publiques.Toutes les créances publiques ne peuvent pas faire l’objet de remises de dettes, comme pour la TVA.Enfin, il faut saisir une commission départementale CODECHEF qui réunit les chefs de service de l’URSAFF au niveau du département, dans un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, avec un délai de forclusion.

Ce qu’on demande aux créanciers, ce n’est ni un délai ni une remise de dette, plutôt que d’être payés en argent, on peut leur proposer d’être associés. Cela n’est possible que pour les procédures s’ouvrant à partir du 1er Mars 2011 (Nouveauté de la loi de 2010).

2. En cas d’existence de comités de créanciers

Ils vont être appelés à voter le plan.Le projet de plan va être présenté aux comités de créanciers, qui vont débattre, puis voter.Ensuite, on se retrouve devant le Tribunal. Cela ne permet pas d’échapper au jugement adoptant le plan. Le cheminement, et le contenu du plan peut être différent lorsqu’on est en présence d’entreprises dont le plan va être élaboré grâce à l’intervention de comités de créanciers, qu’un plan uniquement adopté par le tribunal.

Dans quels cas existent-ils des comités de créanciers ? Champ d’application des textes Aussi bien en procédure de sauvegarde que de redressement judiciaire. Plus spécifiquement, à quelles entreprises cela s’applique-t-elle ? La réponse doit être nuancée, parce que la loi fait une distinction : il y a des entreprises pour lesquelles la mise en place de comités est obligatoire, et pour toutes les autres entreprises, ce n’est que facultatif (L. 626-39 et suivants du Code de Commerce).

Pour les entreprises pour lesquelles la mise en place d’un comité est obligatoire, il s’agit d’entreprises dont les comptes sont certifiés par un Commissaire aux Comptes ou au moins établis par un expert-comptable. Ensuite, pour que cela soit obligatoire, il faut que l’entreprise atteigne une certaine importance, mesurée à l’aune du nombre de salariés ou de chiffres d’affaires. Si on a un nombre de salariés supérieurs à 150 au moment du jugement d’ouverture ou un chiffre d’affaire supérieur à 20 millions d’euros, alors la présence d’un comité de créanciers sera obligatoire.Ces seuils sont votés par l’article R. 626-52 du Code de Commerce.

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La procédure est facultative, ou est possible pour les entreprises qui n’atteignent pas ces seuils, mais qui ont bel et bien des comptes soient certifiés par un Commissaire aux Comptes, soient établis par un expert-comptable.

Dans ce cas, qui peut demander qu’il y ait constitution d’un comité ? Un créancier, un contrôleur peut-il le faire ? C’est uniquement l’administrateur judiciaire lorsqu’il en existe un, et sinon, c’est le débiteur.

A qui cette demande est-elle adressée ? C’est une décision qui relève du juge-commissaire. Si le juge-commissaire accède à la demande, dans ce cas, s’il n’y avait pas d’administrateur-judiciaire, alors le juge-commissaire doit nommer un administrateur qui n’aura pas une mission de surveillance/d’assistance/de représentation, il sera uniquement là pour constituer les comités de créances, et les faire fonctionner.

Un des enjeux des comités de créanciers fait que le plan pourra être différent. On pourra leur demander des sacrifices, qu’un tribunal ne peut imposer de lui-même. Ce qui veut dire que lorsque le débiteur/l’administrateur demande, cela présente véritablement des conséquences pour les créanciers.Du coup, on pourrait se poser la question de savoir que lorsque le juge-commissaire dit oui (cela est facultatif), est-ce que cette décision est susceptible d’un recours, et par qui ?Il n’est pas possible d’opposer un recours selon l’article R. 626-54 du Code de Commerce. C’est une mesure d’administration judiciaire, de la justice. Cela est contestable selon Mme Thullier.

Deuxième question, quant à la détermination des comités de créancier, et de leur compositionQuels sont ces comités de créancier ? Il existe un comité des établissements de crédit et assimilés. On trouve également le comité des principaux fournisseurs et à strictement parler, il n’y a donc que deux comités.

Dans l’affaire Eurotunnel, la question s’est posée des obligataires. L’ordonnance de 2008 a introduit une disposition particulière. Elle ne parle pas des comités des obligataires. Cependant, les dispositions qui ont été mises en place font dire à de nombreux auteurs que si l’appellation n’a pas été utilisée, malgré tout les règles applicables aux obligataires ressemblent fort à celles prévalant pour les établissements de crédit et les fournisseurs.

Pour les établissements de crédit et assimilés, cela a donné lieu à de nombreux problèmes résolus par un certain pragmatisme du TGI de Paris. L’ordonnance de 2008 a tenu compte des difficultés, et tend à élargir la composition.

On vote le plan, et cela se fait à la majorité.On va donc pouvoir se retrouver dans un comité de créanciers qui va voter le plan à une majorité, sans que l’on soit d’accord. On sera broyé par la loi de la majorité.

Dans le comité d’établissements de crédit et assimilés, on trouve d’abord les établissements de crédit que l’on trouve à l’article L. 511-1 du Code Monétaire et Financier, qui font des opérations de banque (banques, crédit-bail, affacturage…). On trouve également des institutions particulières mentionnées à l’article L. 500-18 du Code Monétaire et Financier comme la CDC, les caisses d’épargne. La loi et le décret d’application indiquent également qu’entrent dans ce comité, des établissements étrangers qui interviennent en France soit en libre-établissement soit en libre-prestation de service. Puis un décret du 12 Février 2009 a modifié la partie règlementation, et a inscrit à l’article R. 626-55 du Code de Commerce incluant « toute autre entité auprès de laquelle le débiteur a conclu une opération de crédit » dans le comité. Cela vise notamment les hedge funds.

L’ordonnance de 2008 a posé, que si avant le jugement d’ouverture, un créancier du débiteur a transféré sa créance à autrui (établissement de crédit), alors l’article L. 626-30 du Code de Commerce indique que tous ceux qui ont acquis des créances auprès d’un fournisseur, établissements de crédit ou assimilés, font partie du comité de créanciers.

Une fois que l’on a le jugement d’ouverture, un établissement de crédit cède sa créance à quelqu’un d’autre. Le texte (Article L. 626-30-1 du Code de Commerce) dit que l’appartenance du cédant à un comité de créanciers est un accessoire de sa créance. Le nouveau créancier aura donc sa place au comité de créancier.

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Enfin, concernant la composition du comité des établissements de crédit et assimilés, certains en sont exclus. Ce sont ceux qui sont bénéficiaires d’une fiducie-sûreté. Autrement dit, imaginons une banque qui a fait un crédit et en garantie, elle a demandé une fiducie. Elle a donc demandé que tel immeuble soit transféré dans un patrimoine fiduciaire.Avantage considérable en faveur de cette banque, l’article L. 626-30 du Code de Commerce indique que le créancier bénéficiant d’une fiducie-sûreté ne bénéficie pas d’une place au comité pour ces créances garanties par cette fiducie-sûreté. Ce qui veut dire qu’il ne va pas être soumis à la loi de la majorité.On ne pourra pas lui imposer des sacrifices sur ces créances là.

Dans le comité des principaux fournisseurs, qui trouve-t-on ?La loi nous dit que l’on va considérer comme principaux fournisseurs, dès lors que la créance représente plus de 3% du total des créances des fournisseurs. Ce 3% date de l’ordonnance de 2008.

Si la créance n’est pas supérieure à 3%, on pourra quand même faire partie du comité, ce si l’administrateur judiciaire nous sollicite, et nous demander de faire partie du comité des fournisseurs, mais il faudra le consentement du fournisseur, et le silence ne vaudra pas acceptation (il vaudra refus).

En ce qui concerne les transferts de créance, si je suis fournisseur du débiteur qui n’est pas encore en procédure collective, et que je cède ma créance à un tiers, ce cessionnaire va dans les établissements de crédit. Si je transfère ma créance, je cède en même temps ses accessoires, et donc dont l’appartenance au comité des principaux fournisseurs. Le cessionnaire sera membre du comité des principaux fournisseurs.

Le fournisseur qui aurait eu une fiducie-sûreté. Va-t-il faire partie des comités ? Non. C’est la même règle que précédemment.

Quant aux obligataires, qu’a fait l’ordonnance de 2008 ? Depuis l’ordonnance de 2008, tous ces obligataires vont être réunis en une seule assemblée.On déroge donc aux règles qui normalement sont applicables (relevant du livre II du droit des sociétés). Ils sont réunis en une seule assemblée, et cette règle est applicable à tous les obligataires indépendamment de la loi applicable au contrat d’émission de l’obligation.

Quant au vote par les comités, Concernant le vote, il existe un délai. Il faut que les comités soient constitués et qu’ils aient votés dans un délai de 6 mois non-prorogeables à compter du jugement d’ouverture. Si on n’a pas réussi à les faire voter, alors on va recommencer, reprendre la procédure sans comité de créancier, conformément à ce que l’on a étudié précédemment (on consulte chaque créancier individuellement, et le tribunal décidera).

Si on y arrive dans les 6 mois, il faudra que cela passe au tribunal.

Y-a-t-il un ordre dans le vote ? Les derniers à voter sont les obligataires, il n’y a pas d’ordre entre les établissements de crédit et les fournisseurs.

Qui vote ? C’est une question nouvelle parce que la loi du 22 Octobre 2010 a ajouté un aliéna à ‘article L. 626-30-2 du Code de Commerce où il est dit que ceux à qui on ne demande pas de sacrifice, on ne demande pas de projet de plan. Ne prennent pas part au vote, les créanciers qui vont avoir un paiement intégral en numéraire dès l’adoption du plan.

Le plan sera considéré comme adopté lorsqu’il recueille les 2/3 des créances ayant exprimées un vote.Les votes nuls ne sont donc pas pris en compte. Cela veut aussi dire que ce ne sont pas les 2/3 des créances. On va demander aux comités des sacrifices que l’on ne pourrait pas leur imposer si le tribunal se prononçait seul.

Lorsqu’il n’y a pas de comités de créanciers, on demande individuellement à chaque créancier s’il veut bien faire des remises ou des délais, puis le tribunal adopte un plan. Si le créancier a dit non à tout, le tribunal ne pourra pas lui imposer des remises, et pour les délais, il y aura un maximum de 10 ans.

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Chapitre II – Arrêté et exécution du plan

Section I – Le jugement arrêtant le plan

§1 – Traits fondamentaux

Première chose, même si on passe par un vote des comités, en définitive, le plan est censé être le fruit d’une décision de justice. Il est définitivement adopté par le tribunal. Les pouvoirs du tribunal vont être assez différents, selon qu’en amont les comités de créancier sont intervenus ou non.

En effet, lorsque les comités de créanciers sont intervenus, si on a un vote qui a été obtenu, l’article L. 626-31 du Code de Commerce indique quel est le pouvoir du tribunal : le tribunal s’assure que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés. Le texte poursuit en disant que si après vérification, le tribunal estime que les intérêts sont suffisamment protégés, alors le tribunal arrête le plan conformément au projet adopté. Autrement dit, il met son sceau sur le plan tel que voté par les comités.C’est un contrôle très étroit.

On ne parle pas de contrôle du tribunal quant à la pertinence du plan par rapport aux besoins de l’entreprise.Cela peut sembler étrange.

Lorsqu’il n’y a pas eu de vote du comité, ou qu’il n’y a pas eu de comité, la discussion se fera entre l’administrateur, le débiteur et le tribunal. Ce dernier vérifiera que le plan est correct au regard des droits des créanciers, mais aussi qu’il permet de sauvegarder, relever l’entreprise.

Deuxième chose, concernant les recours possibles.L’appel est possible, de même que le pourvoi en cassation. Le délai est de 10 jours.Voir les articles L. 661-1 et R. 661-3 du Code de Commerce.La tierce opposition est également prévue, dans un délai de 10 jours.

Troisième chose, le jugement arrêtant le plan de sauvegarde/de redressement est exécutoire de plein droit à titre provisoire (ce, donc même s’il y a un appel qui est constitué).

Quatrième chose, le jugement est opposable à l’égard de tous, erga omnes : les majoritaires, les minoritaires, les comités, les tiers… on a même des sanctions pénales prévues à l’article L. 654-8 2° et 3° du Code de Commerce.

On peut faire un lien, avec le fait que si moi débiteur j’ai obtenu des remises/délais, qu’en est-il de ceux qui s‘étaient porté cautions, ou de mes codébiteurs ? Peuvent-ils s’en prévaloir ?En conciliation, l’accord auquel on aboutit, tous les codébiteurs/cautions/garants personnels peuvent s’en prévaloir.En sauvegarde, ce n’est la même chose que pour les personnes physiques (dirigeant physique qui s’est porté caution). En revanche, en redressement judiciaire, personne ne peut s’en prévaloir.

Cinquième chose, le tribunal se doit de bien déterminer dans son jugement quelles sont les personnes qui ont contracté des obligations (le débiteur, les nouvelles personnes se portant garantes de l’exécution du plan…). Cette détermination est importante.

Sixième chose, selon l’article L. 626-13 du Code de Commerce, l’adoption du plan lève l’interdiction bancaire (émettre des chèques notamment).

Septième chose, le tribunal doit fixer la durée du plan, avec une durée maximum de 10 ans selon l’article L. 626-12 du Code de Commerce (15 ans pour les agriculteurs). Ce délai est écarté lorsque le plan a été voté par un comité de créanciers.

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Huitième chose, le tribunal nomme un commissaire à l’exécution du plan. Il peut en nommer plusieurs s’il le veut. Ils ont pour mission de veiller à la bonne exécution du plan. Cela va être soit l’administrateur judiciaire, soit le mandataire judiciaire. Il restera en fonction tant que le plan ne sera pas exécuté.C’est lui qui reçoit les dividendes, et qui les redistribue.

Il doit faire tous les ans un rapport déposé au greffe, lorsqu’il y a des problèmes d’exécution, il devra en rendre compte dès leur survenance.

§2 – Contenu du jugement

A) Mesures relatives au débiteur

Pour beaucoup, les mesures qui peuvent être adoptées concernent le débiteur personne morale, ou les dirigeants du débiteur personne morale.

Dans certains cas, lorsque le débiteur est une personne morale, il est nécessaire d’augmenter, de faire venir de l’argent frais, et le tribunal va adopter un plan comprenant une augmentation de capital de la personne morale. Le tribunal requiert que des assemblées générales se réunissent, car ce n’est pas lui qui va imposer l’augmentation de capital.

L’article L. 626-14 du Code de Commerce ouvre au tribunal la possibilité de prononcer l’inaliénabilité des biens de l’entreprise à la condition que cela soit indispensable à la continuation de l’entreprise. Cette inaliénabilité peut durer fort longtemps, aussi longue que la durée du plan.

Malgré tout, il sera possible d’y mettre fin plus tôt en demandant une autorisation au tribunal.

Autre indication, quant au remplacement des dirigeants, il est possible mais seulement en redressement judiciaire, de subordonner l’adoption du plan à la condition d’avoir un remplacement du plan (le droit des sociétés joue à ce moment là).

Toujours en redressement judiciaire, le tribunal a la possibilité de prononcer l’incessibilité des titres des dirigeants, ou au contraire de provoquer la cession forcée selon L. 631-19-1 du Code de Commerce.

B) Sort des créanciers antérieurs

Premier cas de figure, il existe des comités de créanciers.Il y a des sacrifices qui vont pouvoir être imposés aux membres des comités de créanciers qui ne seront pas les mêmes à ceux qui ne sont pas membres du comité.S’agissant de ceux qui ne sont pas membres des comités, ils sont soumis au droit commun, c'est-à-dire à ce qui se passe pour tout créancier, lorsqu’il n’y a pas de comité.

Si les comités adoptent un plan, avec à leur charge des obligations et des sacrifices, sur une durée de plus de 10 ans. Lorsqu’on a des comités de créanciers, ils peuvent décider que leurs créances, leurs façons d’être payés ne sera pas en argent, mais en titres de capital ou donnant accès au capital.

Est-il possible de dire aux créanciers ? Vous n’aurez rien pendant 10 ans, et tout vous sera payé après. Ce n’est pas possible. Au bout d’un an, le débiteur doit se mettre à payer quelque chose.Cette règle n’est pas applicable lorsque le plan est adopté par le tribunal à la suite d’un vote des comités de créanciers.

Les comités de créancier sont également la possibilité d’établir un traitement différent des créanciers si les situations le justifient. Ils pourraient aller au-delà, en disant que certains vont faire des remises de dette, et d’autres non. Les mesures n’ont pas à être identiques pour tous les créanciers, à condition que ce traitement différencié s’explique, se justifie.

Les comités de créancier, entre le moment où on leur fait les propositions et où ils doivent voter, il doit s’écouler entre 20 à 30 jours. Ce délai peut être réduit à 15 jours (demande du juge-commissaire).

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Second cas de figure, il n’existe pas de comité de créanciers, ou les gens qui sont en dehors des comités de créanciers.Le tribunal peut faire une distinction entre ceux qui ont accepté les propositions de remises et de délais, et entre ceux qui ont opposé un refus.

En ce qui concerne les premiers, ceux qui ont accepté des sacrifices, la première chose est que le tribunal va donner acte des délais et des remises acceptées par certains créanciers. Dans ce cas, le tribunal ne peut pas aggraver la situation du créancier qui a accepté les propositions faites, ainsi le tribunal ne pourra pas allonger les délais. En revanche, le tribunal a la possibilité de réduire les délais et les remises qui ont pu être acceptées.

Il y a toutefois des créanciers qui même s’ils ont donné leur acceptation, leur acceptation ne sera pas prise en cause. La loi nous dit qu’il existe certains créanciers dont le tribunal ne peut pas prendre acte des remises ou délais consentis. De qui s’agit-il ? Il s’agit des petits créanciers (+ super-privilège des salaires).

Il s’agit de créanciers dont la créance est inférieure ou égale à 300€, ils voient leurs créances remboursables, immédiatement sans remise et sans délai. Cependant, il y a quand même un plafond global de 5% du passif.Ce qui veut dire que s’il y a beaucoup de petits créanciers, et que ce total dépasse le plafond, dans ce cas, les petites créances ne seront payées qu’à concurrence de ces 5%.Dans quel ordre ? On commence par les plus petites créances.

Pour les créanciers qui n’ont pas accepté de sacrifice, le tribunal va néanmoins pouvoir leur en imposer. Première chose, on ne peut pas leur imposer des remises de dette.

Deuxième chose, le tribunal peut juste leur imposer des délais, qui seront uniformes. Tous seront soumis au même sacrifice en termes de délai. Si le plan est de 10 ans, les délais seront de maximum de 10 ans.Si le plan est de 8 ans, on ne pourra fixer des délais supérieurs à 8 ans.En revanche, le tribunal peut prévoir un choix pour les créanciers qui sont donc normalement soumis à des délais uniformes, d’être payé dans des délais plus brefs mais avec une réduction proportionnelle du montant de la créance, cela est prévu à l’article L. 626-19 du Code de Commerce,Il appartient au créancier d’en décider.

Il convient de préciser qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre les créanciers chirographaires et les créanciers dotés de sûretés. Ils sont tous traités de la même manière.

Enfin, le tribunal a une certaine marge de manœuvre pour vérifier comment les dividendes vont être payés.En général, le tribunal prévoit un paiement par rang : telles sommes seront payées au commissaire à l’exécution du plan qui répartira les sommes.Il n’est pas possible de tout payer au bout de 10 ans. A la fin de la première année, le débiteur est obligé d’effectuer un paiement.

A partir de la troisième année, chaque annuité (ce qui est payé chaque année) doit être égale ou supérieure à 5% du passif admis.

Exemple : J’ai un plan de 10 ans.La première année je paye 1%, la deuxième année, je paye 2%. Je dois payer 5% dès la troisième année.Au bout de 9 ans, j’aurai payé 37% de mon passif.A la dixième année, je pourrai payer le solde.

Toutes ces règles peuvent ne pas jouer lorsqu’il y a un comité de créanciers (s’ils votent aux 2/3).

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Section II – L’exécution du plan

§1 – Le débiteur a exécuté son plan selon les articles L. 626-28, L. 631-19 du Code de Commerce

Le débiteur a correctement exécuté son plan, alors le tribunal va prendre acte de cette exécution, et va donc rendre un jugement (procédure gracieuse), qui constate que le plan est terminé et qu’il est correctement exécuté. C’est le commissaire à l’exécution du plan, le débiteur ou tout intéressé qui peut saisir le tribunal.

Ceux qui n’ont pas déclaré leurs créances, dès lors, que le plan a été correctement exécuté, ils ne pourront pas exercer des poursuites selon l’article L. 622-26 alinéa 2 du Code de Commerce, depuis l’ordonnance de 2008.

§2 – Est-il possible de modifier le plan ?

Cette possibilité est prévue à l’article L. 626-26, L. 626-31, L. 31-19 du Code de Commerce, qui prévoient des modifications substantielles. C’est le tribunal qui a le pouvoir de procéder à une modification qualifiée de substantielle. Etant précisé que si le plan que l’on envisage de modifier avait été adopté via le vote de comités, de l’assemblée des obligataires, il faudra en repasser par là.

§3 – Inexécution incomplète du plan par le débiteur

L’inexécution (l. 626-27, L. 631-21-1 du Code de Commerce) peut être d’ordre pécuniaire (il ne paye pas les annuités), mais il peut s’agir d’autres cas d’inexécution (licencier, fermer des établissements…).Le tribunal peut prononcer la résolution, mais ce faisant, le tribunal a un pouvoir d’appréciation. Or ce pouvoir d’appréciation existe, mais pas dans tous les cas.

Si l’inexécution révèle que le débiteur est en cessation des paiements, alors le texte affirme que le tribunal décide la résolution, et ouvre une procédure collective. De quelle procédure collective s’agit-il ? Peut-on retourner en sauvegarde ? La loi précise que si on avait un plan de sauvegarde, que l’on n’exécute pas et que l’on se retrouve en cessation des paiements, le tribunal va déterminer si la procédure est un redressement ou une liquidation.En revanche, si j’ai bénéficié d’un plan de redressement, qu’il y a eu inexécution et une cessation des paiements, le tribunal n’a pas le choix et devra ouvrir une liquidation judiciaire.

Dans certains cas, il se peut qu’il ne paye pas ses annuités mais ne soit pas en cessation des paiements, dans ce cas là, c’est le travail du commissaire à l’exécution du plan qui doit recouvrir les sommes dues, et il n’y aura pas d’ouverture de procédure collective.Si le tribunal est saisi, et considère que ce non-paiement est grave, il devra prononcer la résolution du plan, sans ouvrir une procédure collective.

Si la résolution est prononcée, cela emporte déchéance de tous les délais de paiement qui avaient pu être accordés, et l’article L. 626-27 du Code de Commerce indique également que les remises de dette sont annulées, les créanciers vont recouvrer leurs créances.

Enfin, si on a une résolution du plan accompagnée de l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, la loi prévoit que les créanciers n’ont pas à déclarer leurs créances à nouveau.

Sous-Titre I Bis – La Sauvegarde Financière Accélérée

Cette Sauvegarde Financière Accélérée est née de la loi du 22 Octobre 2010.Cette loi introduit dans le livre VI de nouveaux articles, un nouveau chapitre aux articles L. 628-1 et suivants du Code de Commerce.

Le 3 Mars 2011, a été adopté le décret d’application, modifiant la partie règlementaire.

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Les trois termes de la Sauvegarde Financière AccéléréeSauvegardeOn est bel et bien en présence d’une procédure de sauvegarde. Les dispositions normalement applicables à la procédure de sauvegarde, ont vocation à s’appliquer à la Sauvegarde Financière Accélérée sauf dérogations particulières.

Il n’y a donc que le débiteur qui peut la demander, il n’y a pas de cessation des paiements, et le débiteur doit justifier de difficultés insurmontables.

FinancièreCette procédure collective ne va concerner que ce que l’on pourrait appeler les créanciers financiers. Ce qui veut dire que les banques, les sociétés d’affacturage vont être concernées par cette procédure alors que les fournisseurs ne le seront pas. Il s’agit d’une procédure uniquement dédiée à traiter les créances dites financières, de telles sortes que seuls les créanciers financiers seront affectés par la procédure.

Pour les autres créanciers, c’est comme s’il n’y avait pas de procédure collective.Cela s’adresse aux entreprises qui n’ont pas de passif fournisseurs.

Ce n’est plus tout à fait une procédure collective. Celle-ci a vocation à imposer une discipline collective à tous les créanciers. Ce n’est plus le cas, puisque tous les autres créanciers autres que financiers ne seront pas affectés par la procédure collective.Du coup, l’image de marque de l’entreprise à l’égard de ses partenaires commerciaux est préservée.

AccéléréeLa Sauvegarde Financière Accélérée doit se dérouler sur un temps très bref, puisque tout théoriquement, tout doit être bouclé en un mois. Entre le jugement d’ouverture, et le jugement arrêtant le plan, il doit s’écouler un mois. En réalité, cette durée est renouvelable pour un autre mois.

Ce qui ne ressort pas des trois termesLa Sauvegarde Financière Accélérée n’est pas ouverte à toutes les entreprises. Elle n’est accessible qu’aux entreprises de grosse taille, c'est-à-dire celles qui sont éligibles à la procédure de sauvegarde avec constitution obligatoire de comités de créanciers (+ de 150 salariés/+ de 20 millions de chiffre d’affaires).

S’il y a eu des emprunts obligataires ? Les obligataires sont-ils touchés par la Sauvegarde Financière Accélérée ? Un obligataire a financé l’entreprise, c’est donc un créancier financier, et il sera donc touché. J’aurai un comité de créanciers financiers, et une assemblée d’obligataires.Ces deux seront appelés à voter à la majorité des 2/3.Les créanciers publics sont aussi hors-comité.

Le juge-commissaire al possibilité de réduire le délai à 8 jours entre le moment où on fait la proposition, et le moment où les comités doivent se prononcer.

La Sauvegarde Financière Accélérée ne peut s’ouvrir que si préalablement, on est passés par la conciliation.C’est grâce à cette conciliation qu’on va pouvoir aller très vite dans la Sauvegarde Financière Accélérée, puisque tout aura été préparé dans le cadre de la conciliation, de manière confidentielle. On aura déjà élaboré le plan.

Pourquoi vat-on en Sauvegarde Financière Accélérée ? Dans la conciliation, pour aboutir à un accord, il faut que tous ceux appelés soient d’accord. Il faut l’unanimité. En outre, l’accord va s’imposer à la charge de ceux qu’on a invité à la conciliation.Le débiteur fait venir à la table les principaux créanciers, et soit tous ont dit oui mais on a pas appelé d‘autre personnes, auxquelles on voudrait imposer des sacrifices, soit tous les gens appelés n’ont pas dit oui.On va obtenir par une Sauvegarde Financière Accélérée les consentements manquants, grâce à un vote majoritaire aux 2/3.

En principe, le conciliateur, c’est lui qui va être nommé administrateur. Tout cela ne s’applique qu’aux entreprises qui entrent en conciliation depuis le 1er Mars 2011.

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Enfin, quant à la déclaration de créance, le principe est qu’on est en présence d’une procédure de sauvegarde. L’article L. 628-5 du Code de Commerce nous dit que la procédure de sauvegarde s’applique, toutefois, ce même texte facilite grandement les choses à l’égard des créanciers qui ont participé à la conciliation.Une liste sera certifiée par un expert-comptable, déposée au greffe.Chaque créancier est informé par le mandataire judiciaire de ce qui est dit sur la liste le concernant. La créance est alors réputée déclarée. S’ils ne sont pas d’accord, ils peuvent déclarer leurs créances.

Diverses observationsOn a un dispositif qui mêle un traitement différent des créanciers (caractère collectif atténué), et que du côté des entreprises concernées, cela n’est accessible qu’aux grosses entreprises.

Dès avant la loi du 22 Octobre 2010, il y a deux juridictions (Tribunal d’Evry et le Tribunal de Nanterre) ont fait des Sauvegardes Financières Accélérées, dans les affaires Autodis et Thomson.

Cet outil est fait pour les banquiers. C’est l’idée qu’une entreprise a une valeur, c’est un bien économique, et il faut préserver cette valeur et faire ne sorte qu’elle ne soit pas altérée par une procédure collective très rapide. Le but est de faire que la restructuration soit faite du point de vue financer seulement afin que la valeur des créances ne soit pas altérée.

Sous-Titre II – Le débiteur est en liquidation judiciaire

Jusqu’à la loi de 2005, les dispositions de la liquidation judiciaire étaient identiques que l’on soit en présence de TPE, ou de très grosses entreprises. Le législateur a voulu mettre en place une procédure de liquidation judiciaire simplifiée pour les TPE.

Chapitre I - L’ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire

Section I – Le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire

Le jugement peut intervenir dès l’origine, mais il se peut aussi qu’une entreprise se trouvant d’abord en redressement et ensuite on assiste à une conversion de la procédure.En revanche, on note que lorsqu’on est en sauvegarde ou en redressement on a eu un plan résultat dans ce cas c’est une nouvelle procédure on ouvre une LJ, ce n’est pas une conversion.

Dans tous les cas, le principe est que si on ouvre une LJ c’est que l’entreprise est en cessation des paiement et que son redressement est impossible.

Le jugement est rendu en séance publique. Son contenu, désignation d’un juge commissaire éoud e plusieurs, il va y avoir la désignation du liquidateur avec la possibilité d’en designer plusieurs. Si je suis en présence d’une conversion en principe le mandataire va devenir liquidateur. Le tribunal dans son jugement doit fixer la date de cessation des paiements sinon le jour du JO à 0heures.Le tribunal pourra modifier cette date ultérieurement.Lorsque le tribunal ouvre ou prononce la LJ il doit dans son jugement fixer un délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée.

Le jugement est publié au BODAC et signifié à un certain nombre de personnes. Voies de recours : L661-1 le débiteur peut attaquer le jugement, le ministère public, el représentant des salariés et les créanciers poursuivant s’il y a eu une assignation.Lorsqu’on est en présence d’une conversion le mandataire ou le conciliateur peuvent aussi interjeter appel.

La tierce opposition L661-2 les tiers et spécialement les créanciers peuvent former uen tierce opposition dans un délai de 10 jours.

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Section II – Les effets de l’ouverture ou du prononcé de la liquidation judiciaire

§1 – Les effets sur le débiteur

A) Le dessaisissement

Ce dessaisissement s’opère que le débiteur soit une personne physique ou une personne morale.Qu’est ce que cela veut dire ? Cela veut dire que la personne voit tous ses biens soumis à une saisie collective, et si on étudie le droit des procédures d’exécution, on sait que lorsqu’une saisie intervient, cela veut dire que les biens sont sous main de justice, et même si matériellement, le débiteur peut avoir les biens chez lui, il n’en a plus la maîtrise juridique.C’est ce qui se passe pour le débiteur en liquidation judiciaire. Il est toujours propriétaire de ses biens, mais il n’en a plus la maîtrise, il ne va plus pouvoir gérer ses affaires. Cela, que l’on soit en présence d’une personne physique ou morale.

Cet effet se produit automatiquement, de plein droit selon l’article L. 641-9 du Code de Commerce.Le débiteur ne peut plus gérer ses affaires lui-même, et les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. Le débiteur se trouve en quelque sorte en situation de représentation.

Sous ce rapport, on peut faire un rapprochement avec, en redressement judiciaire, le cas où l’administrateur judiciaire a une mission de représentation.

Cela ne concerne que son patrimoine, ce qui veut dire que tout ce qui n’est pas patrimonial, le débiteur en conserve l’exercice. On peut faire un rapprochement avec le fait que même en cas de représentation, les droits extrapatrimoniaux et les droits propres au débiteur sont conservés par le débiteur.

Le débiteur, personne physique, va pouvoir faire appel du jugement de liquidation judiciaire lui-même. En revanche, en présence d’une personne morale, la question va être de savoir comment la personne morale va pouvoir exercer ses droits extrapatrimoniaux ou ses droits propres. Cette question est liée au B), qui est celui de la dissolution ou non de la personne morale.

Le fait que le débiteur soit dessaisi, et lorsque l’activité ne cesse pas tout de suite, en présence d’un professionnel libéral, soumis à une liquidation judiciaire. Il ne peut plus gérer ses biens. Le dessaisissement va jusqu’à interdire l’exercice d’une activité professionnelle indépendante. Cela est vrai au-delà des professions règlementées : commercial, je ne peux me lancer dans une activité d’agriculteur. Je peux juste être salarié. Il m’est interdit d’exercer une nouvelle profession libérale, tout le temps que dure la liquidation judiciaire.

Lorsque c’est un professionnel libéral soumis à une liquidation judiciaire, et que l’activité ne cesse pas immédiatement, puisqu’il est dessaisi, il ne peut plus exercer son activité professionnelle. Alors, on a prévu à l’article L. 641-36 du Code de Commerce qui prévoit que l’autorité professionnelle désignera une personne pour exercer les actes de la profession. Cette mesure heurte de front ce qu’est la profession libérale, avec l’indépendance et l’autonomie de la profession libérale.

Pendant qu’il est dessaisi, il peut être salarié. S’il ne trouve pas de travail, comment vit-il ? S’il trouve un travail, que fait-on du salaire ? Le salaire entrera dans l’actif soumis à la liquidation, sauf la part insaisissable du salaire.

Le plus souvent, soit l’activité se poursuit un peu, et il a le droit à une rémunération fixée par le juge-commissaire. Sinon, il a le droit à des subsides prélevés sur l’actif pour faire vivre le débiteur et sa famille, selon l’article L. 641-11 du Code de Commerce, renvoyant à un texte sur le redressement judiciaire qu’est l’article L. 631-11 du Code de Commerce.

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Enfin, on se souvient qu’en sauvegarde et en redressement judiciaire, les actes de gestion courante peuvent être accomplis par le débiteur, sont valables et opposables dès lors qu’on a affaire à des tiers de bonne foi. Cette exception ne se retrouve pas en liquidation judiciaire. Si le débiteur prend des initiatives intempestives (il ne respecte pas le dessaisissement), il y aura inopposabilité de l’acte à la procédure collective.

B) Le débiteur est une personne morale : dissolution ou non ?

A cet égard, il faut distinguer selon qu’on est en présence d’une société ou d’autres personnes morales.- En présence d’une société

L’article 1844-7 7° du Code Civil énumère les causes de dissolution.On trouve ainsi l’indication que la société prend fin par l’effet du jugement ordonnant la liquidation judiciaire.Une société est dissoute, cela ne veut pas dire qu’elle est morte. Elle est condamnée à mort, mais ne l’est pas encore. Entre le moment de la dissolution, et le moment où vraiment la personnalité juridique disparaît, il y a une période que l’on appelle « la liquidation » en droit des sociétés.

Pendant cette période, la société a une personnalité juridique réduite (elle ne conserve que la partie qui lui sert à sa liquidation). Les dirigeants ne sont plus en fonction, et on doit nommer un liquidateur amiable.En liquidation judiciaire, cas de figure très fréquent, c’est la société qui va vraiment mal, dirigeant malhonnête, disparaissant avec l’ouverture de la liquidation judiciaire… Les associés apprennent que la liquidation judiciaire a été prononcée après le délai pour pouvoir faire appel… A supposer qu’ils aient connaissance de l’ouverture de la liquidation judiciaire… Il faut alors nommer un liquidateur judiciaire.La Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt du 8 Mars 2007, nous a condamnés en nous disant qu’on ne respectait pas les règles du procès équitable.

La loi de 2005 a mis fin à ce scénario. La loi de sauvegarde nous dit que la société est bien dissoute, en ajoutant que les dirigeants restent en fonction. Cela est très maladroit : ils ne restent pas dirigeants, ils restent en fonction pour exercer les droits extrapatrimoniaux et droits propres de la société (V. L. 641-9 II du Code de Commerce).

- En présence d’autres personnes morales L’article 1844-7 7° du Code Civil ne joue pas.Lorsque la Cour de Cassation a été saisie pour savoir si une association était dissoute, elle a répondu non (en 2003, par exemple).

Lorsqu’on est en présence d’autres personnes morales, la liquidation judiciaire ne rime pas avec dissolution.

§2 – Les effets sur l’entreprise

A) L’activité de l’entreprise (L. 641-10, et L. 642-2 du Code de Commerce)

L’activité se poursuit-elle ?Le principe, c’est que si l’on ouvre une liquidation judiciaire, c’est que l’activité va très mal, et que l’activité n’est plus possible (voir a déjà cessé). Cela a un effet notamment sur les salariés qui seraient encore présents, il va donc falloir les licencier. Il faut même aller vite.

Le liquidateur doit s’efforcer de les licencier dans les 15 jours du jugement. Pourquoi ? Ce respect du délai de 15 jours est une condition pour que la garantie de l’AGS joue. Autrement dit, si on les licencie tous dans ce délai, toutes les indemnités de rupture seront prises en charge par l’AGS.Il n’existe pas de règles exceptionnelles de licenciement. Il faut suivre les règles de droit commun.S’il ne le fait pas, sa responsabilité peut être engagée. Contrairement aux licenciements en période d’observation, il n’y a pas d’autorisation du tribunal ou du juge-commissaire.

Exception, il advient que l’activité se poursuive.Il existe trois cas de figure relativement larges, dans lesquels il est possible de poursuivre l’activité :

- On envisage une cession totale ou partielle de l’entreprise, puisqu’on vend ici l’activité.

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La loi prévoit que dans ce cas, l’activité doit se poursuivre pour garder l’entreprise en vie.- Le tribunal peut également décider de la poursuite de l’activité dans l’intérêt des créanciers.- Si un intérêt public justifie la poursuite de l’activité.

3 mois de délai, plus 3 mois exceptionnellement sur demande du Ministère Public.

Pendant ce temps là, qui gère l’entreprise ? Le liquidateur (leur métier est de liquider), ce n’est pas un administrateur. Lorsqu’on est en présence d’entreprises d’une certaine taille, on nommera un administrateur judiciaire (+ de 20 salariés, + de 3 millions de CA HT).

B) Les contrats en cours (L. 641-11-1 et suivants du Code de Commerce)

Spontanément, on aurait tendance à dire que si l’activité cesse, les contrats cessent et inversement. Faux.La jurisprudence a considéré qu’en toute circonstance, que l’activité soit poursuivie ou non, un contrat en cours sera poursuivi. Cela n’emporte pas fin des contrats.Comme en sauvegarde ou en redressement judiciaire, il y aura possibilité de choisir si l’on veut continuer ou non les contrats. Les règles vues précédemment s’appliquent.A ceci près, que c’est le liquidateur qui va exercer l’option.

Particularité, on se souvient qu’en sauvegarde et en redressement judiciaire, lorsqu’un administrateur dit spontanément « je ne continue pas », le contrat n’est pas automatiquement résilié (V. Cours précédents).

C) Les créanciers postérieurs (L. 641-13 du Code de Commerce )

Les créanciers dont la créance est née postérieurement vont se trouver dans une situation comparable à celle des créanciers postérieurs d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire. V. Précédemment. Chapitre II – Les opérations de liquidation judiciaire

Section I – La réalisation de l’actif

Peut-on vendre tous les biens du débiteur ? - Certains biens sont inaliénables, on ne peut pas les vendre. - Certains biens sont communs, on peut les faire vendre.- Certains biens sont indivis, l’article 815-17 du Code Civil précise que cela n’est pas possible.- Il y a possibilité pour les entrepreneurs individuels d’aller voir un notaire pour faire en sorte que leurs

biens immobiliers soient déclarés insaisissables.

On peut effectivement vendre les biens de manière isolée, Lorsqu’on est en sauvegarde ou en redressement judiciaire, on peut vendre des biens. Ces règles là vont être appliquées. Il existe des règles différentes si ce que l’on entend vendre est réellement un outil de production de l’entreprise. Ce sont les règles du §2.

Deux précisions :- Dans ce §2, on va étudier des règles relatives à la cession de l’entreprise. Le repreneur reprend une

entreprise. On ne vend pas la maison de campagne abritant le logement familial.- Rappel, quand on est en sauvegarde ou en redressement et que cela réussit, il se peut qu’il reste à la

tête d’une entreprise changée, modifiée, restructurée, et que pour continuer, il faille abandonner une branche d’activité. Alors, on a un plan de redressement/sauvegarde, avec la vente d’une branche d’activité, cession partielle de l’entreprise. Cette vente se fait selon les règles du §2.

§1 – La vente des biens isolés

A) La vente des immeubles (L. 642-18, R. 642-22, et L. 642-19-1 du Code de Commerce)

1. Le principe de la vente sur adjudication aux enchères publiques en audience judiciaire

Cela impose de respecter la procédure très lourde et longue de la vente d’immeuble sur saisie, qui est gouvernée par le Code Civil aux articles 2204 et suivants.

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Cette vente s’opère à la barre du tribunal, et selon cette procédure, celui qui acquière ce bien acquière un bien purgé des hypothèques et des privilèges de ce bien. On applique donc les règles de droit commun un peu aménagées quand même. En droit commun, en principe, le créancier fixe la mise à prix. Ici, c’est le juge-commissaire qui fixe la mise à prix.Le cahier des charges (les conditions de la vente) est fixé par le juge-commissaire, qui détermine également les modalités de publicité adéquatés à venir.

Cette procédure de droit commun, avec aménagements substantielles, offre des garanties pour l’acheteur ainsi que le débiteur. Cette protection a des inconvénients: procédure longue, lourde et coûteuse.

2. La dérogation : les cessions amiables

On peut échapper ainsi à la saisie immobilière.C’est le juge-commissaire quia le pouvoir de dire, de décider qu’on ne passera pas par la procédure classique de saisie immobilière et qu’on autorise le recours à la cession amiable. Il faut donc une ordonnance motivée. Le juge-commissaire est tout de même encadré puisque la loi ne permet d’échapper à la procédure classique que si la cession amiable doit permettre une meilleure vente, une vente dans des meilleures conditions.

Le texte envisage deux modes de cession amiables :- L’adjudication amiable.

Dans ce cas, l’immeuble va être vendu aux enchères mais sans la procédure et sans être à la barre du tribunal (plus de formalités). C’est donc un notaire désigné par le juge-commissaire qui organisera la vente.Le juge-commissaire fixe la mise à prix, et cette adjudication va avoir la même vertu que l’adjudication judiciaire puisqu’elle va permettre à l’acquéreur d’obtenir un bien purgé des hypothèques et privilèges inscrits.

- La vente de gré à gré Cela suppose que le liquidateur ait eu des offres. Le liquidateur qui a reçu des offres va les soumettre au juge-commissaire, et autorisera la vente à un prix fixé par le juge-commissaire.Cela est très souple, mais cela n’as pas l’avantage de purger les privilèges et hypothèques du bien vendu.L’acheteur va devoir respecter la procédure de droit commun pour obtenir la purge.

Cet acheteur, qui peut-il être ? Est-ce que mon frère, ma sœur peuvent acheter les biens ? Si c’est une société en liquidation, les dirigeants peuvent-ils acheter les biens ? Non, l’article L. 642-3 du Code de Commerce fixe certaines limites, ces personnes ne peuvent, ni les dirigeants contrôleurs.Il faut une autorisation du tribunal, et les contrôleurs ne peuvent pas l’obtenir.C’est très restrictif, car qui peut demander cette dérogation ? Seul le Ministère Public peut demander la dérogation en leur faveur.Cela est vrai pour les immeubles, les meubles, mais également pour la cession d’entreprise.

B) La vente des meubles (L. 642-19, L. 642-19-1, L. 642-20 alinéa 2, L. 642-20-1 du Code de Commerce)

Les meubles ne sont pas des biens sans valeur, on trouve les brevets, les marques, les droits sociaux (actions, parts sociales…)… En ce qui les concerne, l’intervention du juge-commissaire est également obligatoire. La vente ne sera valable que si elle est ordonnée par le juge-commissaire. A défaut, la nullité absolue est encourue.A la différence des immeubles, le juge-commissaire ne fixe pas le prix.

Il existe deux techniques de vente :- La vente aux enchères, organisée par un notaire, un huissier de justice, un officier ministériel, un

commissaire-priseur.- La vente de gré à gré.

Le juge-commissaire choisit entre l’un ou l’autre de ses deux modes de vente.

Qui peut acheter ? V. Précédemment.

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+, pour certains meubles, l’article L. 642-20 du Code de Commerce pose une règle particulière pour les biens meubles de faible valeur et nécessaires aux besoins de la vie courante. Dans ce cas, il est possible d’obtenir des dérogations au texte précédent, et ce de manière plus souple. L’intéressé doit déposer une requête, et c’est le juge-commissaire qui donne l’autorisation.En revanche, ce ne sera jamais en faveur des contrôleurs.

Cas d’un bien meuble faisant l’objet d’un droit de rétention ou d’un gageL’article L. 641-3 alinéa 2 du Code de Commerce prévoit que le créancier peut résister, le liquidateur peut demander au juge-commissaire l’autorisation de retirer le bien à condition de payer la dette. Dans le cas contraire, le liquidateur doit demander dans les 6 mois du jugement de liquidation, de faire vendre le bien et le droit de rétention se reporte sur le prix (L. 642-20-1 du Code de Commerce).

Quand le bien fait l’objet d’un gage, c’est l’article L. 642-20-1 alinéa 2 du Code de Commerce qui, à propos du créancier gagiste, prévoit que le créancier peut avant la réalisation du bien, demander au juge-commissaire de se faire attribuer le bien.

§2 – La cession d’entreprise

- Loi de 1985 et la cession d’unités de production Sous l’empire de la loi de 1985, vendre une entreprise était considéré comme un moyen de la redresser. Cela rentrait dans le cadre du redressement judiciaire.Le législateur n’avait pas prévu en liquidation judiciaire la seule possibilité de vendre des biens isolés, mais également la possibilité de céder des unités de production. Cela ressemblait beaucoup à des cessions partielles d’entreprise.

- Cession totale de l’entreprise et cession partielle Le législateur de 2005 a abandonné, qu’on soit en présence d’une cession partielle ou totale, c’est en liquidation judiciaire.

- Personne physique exerçant une profession libérale Pour ce qui est des professions libérales, exercées par des sociétés, la loi a admis que l’entreprise puisse être cédée à un repreneur dans le cadre de la liquidation judiciaire, avec une cession forcée sans le consentement de la « société-avocat », et donc sans le consentement de la clientèle.

En revanche, lorsque la profession libérale est exercée par un avocat en son nom propre, ou un architecte, un médecin, la loi a apporté une réponse toute différente. Dans ce cas, on peut céder les éléments corporels mais pas les éléments incorporels. On peut comprendre cette différence dans la mesure où assez vraisemblablement, lorsqu’on exerce à titre individuel, il y a un lien fort avec la clientèle, peut être plus prononcé lorsque la profession est exercée en groupe.

La loi du 26 Juillet 2005 n’avait pas adopté le même parti à l’égard des officiers publics et ministériels, comme les notaires et les huissiers. Lorsqu’ils veulent céder leurs charges, ils doivent présenter leurs successeurs au Ministre, qui dit oui ou non.Dès la loi de 2005, le législateur a admis que le liquidateur puisse présenter le successeur au Ministre.

Cette distinction n’existe plus aujourd’hui.

- Poursuite d’activité et cession Lorsqu’on ouvre la liquidation judiciaire, et qu’une cession totale ou partielle est envisagée, le tribunal peut maintenir l’activité.

A) Nature de la cession d’entreprise dans le cadre d’un plan de cession

Lorsque l’on entend le mot « cession », cela renvoie à des choses connues, et on peut être tenté par la qualification de « contrat », de « convention ». Le mot est ici trompeur. Il aurait fallu parler de transfert d’entreprise.

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La cession suppose en principe un accord de volonté. Or, ici, on a une volonté du repreneur qui se manifeste par son offre, mais de l’autre côté, on n’a pas réellement un vendeur. Le débiteur qui est en liquidation judiciaire, ne donne pas son consentement à la cession/au transfert.

Qui de l’autre côté dit oui ? Ce n’est pas le débiteur, mais le tribunal. Il n’y a évidemment pas de contrat conclu entre l’offrant/le candidat repreneur et le tribunal.Il reste que l’on appelle quand même cela une cession.

Il y a de réels enjeux à cette qualification.Si on dit que ce n’est pas une vraie cession, un vrai contrat, mais que cela y ressemble fort, en y faisant produire les effets de la vente, la Cour de Cassation n’est pas d’accord. Cela voudrait dire que celui qui a été victime d’un vice du consentement pourrait attaquer la cession, or cela n’est pas possible.Une fois une cession adoptée, et décidée par le tribunal, on peut juste attaquer la décision judiciaire, mais non faire un recours en disant qu’on a été trompé.On pourrait également songer à une garantie des vices cachés. Là aussi, cela n’est pas possible.

Lorsqu’on cède une entreprise, pour que le repreneur puisse exploiter cette entreprise, on va lui céder les immeubles et le fonds de commerce. Or, en droit commun, lorsqu’on vend le fonds de commerce, même si le contrat ne dit rien, le vendeur est tenu de la garantie d’éviction, c'est-à-dire qu’on ne doit rien faire qui puisse évincer l’acheteur de l’utilisation paisible du fonds de commerce. On est tenu d’une obligation légale de non-concurrence. Or, ici, on n’est pas en présence d’une cession, et on ne lui fait pas produire les effets d’une cession. Le « cédant »/le débiteur en difficulté n’est pas tenu d’une obligation de non-concurrence.

La Cour de Cassation dit que ce n’est pas une vente de droit commun, c’est « une opération qui a un caractère forfaitaire, aléatoire, et forcé ». Les garanties que l’on trouve normalement dans la vente, ne peuvent donc pas jouer.

B) Cession peut être assortie d’une location-gérance (L. 642-13 à L. 642-17 du Code de Commerce)

De quoi s’agit-il ?C’est l’article L. 642-13 et suivants du Code de Commerce qui prévoit l’hypothèse dans laquelle le repreneur choisi par le tribunal, va acquérir, et aura la possibilité de ne pas payer le prix tout de suite, mais d’exploiter l’entreprise pendant une période au maximum de 2 ans, en location-gérance.

On peut faire cela pour faciliter le financement de l’opération.Le repreneur va ainsi en retirer des revenus, qui peuvent être utiles pour payer le prix.

Indications d’ordre généralEn droit commun, pour pouvoir conclure un contrat de location-gérance, il faut un certain nombre de conditions, et ici, en droit des procédures collectives, ces conditions sont exclues.Ensuite, cette opération est dangereuse (problème de financement), or, au bout du compte, le repreneur doit acheter.Cette possibilité est très peu utilisée en pratique du fait de ces dangers.

C) Les offres (L. 642-2 et suivants du Code de Commerce)

Ces offres sont des actes unilatéraux de volonté, qui engagent les candidats repreneurs, dans des conditions que nous évoquerons ci-dessous.

1. Moment pour le dépôt d’une offre

A partir de quand les tiers peuvent-ils adresser des offres, des propositions de reprise ? En ce qui concerne la liquidation judiciaire (et le redressement judiciaire, et en sauvegarde judiciaire), cela est possible dès l’ouverture de la procédure. Les tiers sont ainsi admis à adresser des offres de reprise.

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Comment peuvent-ils savoir qu’une entreprise est à vendre ? D’une manière générale, s’agissant d’une entreprise au moins en RJ, voir en LJ, elles sont à vendre, mais cela ne veut pas dire qu’on est vendables (savoir si le produit vaut la peine). Il faut donc avoir des informations.La loi organise des publicités relatives à ces entreprises/actifs qui sont à vendre, pour susciter des offres. C’est une sorte d’appel d’offres, qui est fonction de la taille de l’entreprise, ainsi que de la nature des actifs à vendre selon l’article L. 642-2-22 du Code de Commerce.

C’est le liquidateur qui a la charge de procéder à ces publicités. Les modalités sont elles aussi prévues par l’article R. 642-40 du Code de Commerce qui indique qu’il faut organiser une publicité via Internet. Outre la publicité par Internet, le juge-commissaire peut ordonner une publicité par voie de presse. C’est lui qui va déterminer l’étendue de la publicité.Enfin, il y a au greffe un dépôt par le liquidateur ou par l’administrateur judiciaire, d’un dossier qui décrit les caractéristiques principales de l’entreprise à vendre. Tout intéressé peut en prendre connaissance.

Jusqu’à quand peut-on déposer des offres ? En réalité, le tribunal, lorsqu’il envisage une cession de l’entreprise, fixe un délai à l’issu duquel les offres ne seront plus recevables.

2. Auteur de l’offre

Qui peut acheter des biens meubles ou biens immeubles ? Les règles sont les mêmes.Le débiteur, les dirigeants ne peuvent se porter acquéreurs lui-même. Les familles jusqu’au deuxième degré, ainsi que les contrôleurs ne peuvent pas. Il y a des possibilités de dérogation, de façon stricte…Voir précédemment.

Si une personne qui n’a pas le droit de se porter acquéreur, acquiert, c’est une nullité d’ordre public, c'est-à-dire que toute personne peut demander la nullité de l’acte, pendant trois ans à compter de l’acte en question.

3. Destinataires de l’offre

A qui adresse-t-on les offres ? En liquidation judiciaire, au liquidateur.Sauf que dans les grosses entreprises, à côté du liquidateur, il peut y avoir un administrateur. Il faudra donc adresser les offres aux deux personnes.

En redressement judiciaire, c’est l’administrateur judiciaire qui est destinataire de l’offre.Lorsqu’il n’y a pas d’administrateur judiciaire, il faudra alors en nommer un (L. 631-1-1 du Code de Commerce), dont la mission sera uniquement de gérer la cession d’entreprise.

En sauvegarde judiciaire, c’est également l’administrateur.En revanche, lorsqu’il n’y a pas d’administrateur judiciaire, il n’y a pas d’obligation d’en nommer un. Ce seront le mandataire judiciaire et le débiteur qui seront les destinataires.

4. Forme et contenu de l’offre

FormeIl faut nécessairement un écrit.

ContenuL. 642-2 II du Code de Commerce, qui indique le contenu de l’offre :

- L’offre doit désigner les biens ou droits qui sont inclus dans l’offre. Désormais, cela peut désigner non seulement les biens, les droits mais également les contrats. Cette précision n’existait pas avant la loi du 26 Juillet 2005.

- Il faut également désigner les prévisions d’activité et de financement.- Il faut indiquer le prix offert, les modalités de règlement.

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- Il doit préciser la date de réalisation de la cession, et doit également prendre des engagements quant aux perspectives d’emploi.

- Il doit enfin désigner les garanties de son offre, ainsi que s’il envisage de céder des actifs dans un délai de deux ans, s’il reprend l’entreprise.

- Il doit indiquer la durée de chacun des engagements pris.

Le repreneur pourrait-il prendre des engagements mais assortir ces engagements de conditions suspensives ? « Je rachète mais à condition que le débiteur en difficulté dont je récupère l’entreprise, prenne un engagement de non-concurrence » ? La réponse apportée par la jurisprudence est oui. Cela est possible, mais en pratique, il est indispensable que ne soient prévues que des conditions dont on va savoir avant le jugement, si elles sont réalisées ou non.Le tribunal ne peut pas arrêter un projet qui n’est pas totalement sûr.

Quant au contenu de l’offre, Il est très important que le repreneur le fixe avec précision.Il sera tenu de par ses offres, celles-ci deviennent intangibles. Il ne sera plus possible de les modifier.

5. Informations sur les offres et publicités

L’hypothèse est que des candidats repreneurs se sont manifestés, faut-il une certaine transparence sur ses offres ? Les autres candidats vont-ils être informés ? Avant la loi de 2005, il y avait une grande opacité. On ne savait pas si d’autres candidats avaient déposé des offres, et le contenu de ses offres.

La loi de 2005 marque une évolution assez importante.Au titre des informations, il faut bien sûr que ces offres soient portées à la connaissance du débiteur qui n’est pas forcément destinataire de l’offre. La loi impose aussi que ces offres soient portées à la connaissance du représentant des salariés, aux contrôleurs (créanciers).Lorsque le débiteur en difficulté exerce une profession libérale, son ordre professionnel doit avoir connaissance de l’offre déposée. Il y a également une communication de ses offres au juge-commissaire ainsi qu’au Ministère Public.

Ensuite, on a une publicité.Le liquidateur qui a reçu les offres, va les déposer au greffe du Tribunal qui est en charge de la procédure collective. Autrefois, cela était confidentiel.(+ Possibilité d’améliorer ses offres maintenant).

6. Irrévocabilité et intangibilité

Irrévocabilité des offresUne fois les offres déposées au greffe par le liquidateur, on ne peut plus revenir dessus. On est engagés, on ne peut pas la retenir, on est un candidat repreneur engagé.

Intangibilité des offresC'est-à-dire peut-on modifier l’offre ?Non, c’est donc une intangibilité relative, car on peut la modifier si c’est pour l’améliorer.

D) Objets de la cession

1. Etude générale

Pour déterminer ce qui peut être vendu, il faut regarder les textes sur les pouvoirs du tribunal.Or, il s’agit d’une cession d‘entreprise. Autrement dit, lorsque l’on fait une offre d’une reprise d’entreprise, on ne peut intégrer que les biens qui permettent d’assurer le maintien de l’entreprise, et de son activité économique (fonds de commerce, fonds libéral, fonds artisanal, immeubles, meubles…).

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On voit bien que là, que lorsqu’on dit en Droit des Entreprises en Difficulté qu’on cède une entreprise, ce n’est pas la même chose que de dire que l’on cède un fonds de commerce. Dans ce dernier cas, on cède un bien meuble incorporel. De ce fait, on ne cède pas les immeubles. Une cession d’entreprise est plus large : on cède les contrats, on cède les dettes et créances…

+ Revoir la problématique des biens insaisissables.

Il s’agit de céder l’entreprise, et les biens utiles au maintien de l’activité.On ne peut donc inclure des biens qui certes appartiennent au débiteur en liquidation judiciaire, mais qui ne sont pas attachés à l’exercice professionnel, lorsqu’on fait une offre de reprise. Cela est important lorsque le débiteur est une personne physique.

(Responsabilité du repreneur ne respectant pas son offre selon 1371 du Code Civil (quasi-contrats), et Com – 26 Octobre 1999).

Matériellement, il faudra faire autant d’actes que de biens cédés. Chaque acte devra respecter les conditions de droit commun de la vente sans être véritablement un contrat de vente.

2. Etude spéciale : les contrats (L. 642-7 du Code de Commerce)

a) Pouvoir de déterminer les contrats cédés au repreneur

Peut-on céder une entreprise, sans céder tous ses biens contractuels, tous les nœuds conventionnels ? Economiquement, si on veut céder une entreprise, il faut transférer les contrats.Juridiquement, si on veut céder les contrats, en droit commun de la cession de contrat, il faut le consentement du cocontractant cédé. Se plie-t-on à cette exigence pour la cession ? En cession, c’est la raison économique qui l’emporte. On peut ne pas reprendre les contrats, et ce sans consentement des cocontractants.Le Code de Commerce pose que les contrats vont pouvoir être cédés sans consentement des partenaires.

Qui va déterminer les contrats dont va bénéficier le repreneur ? Avant la loi de 2005, le repreneur pouvait se voir imposer des contrats dont il ne voulait pas, et inversement, le tribunal pouvait refuser le transfert de contrat que la société aurait bien voulu récupérer. Le tribunal décidait.

Avec la loi du 26 Juillet 2005, il y a eu un changement, sans doute involontaire. Il en est résulté un changement du droit positif. Le tribunal n’a plus le pouvoir qu’il avait auparavant.Com – 15 Décembre 2009 est venu confirmer cela : le tribunal ne possède plus ce pouvoir. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation prend partie, et affirme que le tribunal ne peut imposer au repreneur la cession d’un contrat dont l’exécution aggraverait les engagements qu’il a souscrit au cours de la préparation de son offre, et ne mentionnerait pas la reprise de ce contrat.

Le tribunal n’a pas le droit d’aggraver la situation du repreneur sauf pour les contrats avant 2005. Désormais, on ne peut pas aggraver la situation, en incluant les contrats.On pourrait donc aussi considérer que s’il veut reprendre tel contrat, le juge peut-il lui refuser ? Si c’est de nature à aggraver ses engagements, le tribunal pourrait refuser.

b) Les contrats transférables

On ne peut transférer que des contrats conclus par le débiteur en difficulté.On ne peut que transférer des contrats que s’ils sont en cours.

Les textes disent que les contrats transférables sont ceux en cours au jour du jugement d’ouverture, les contrats qui ont pu être conclus après le jugement d’ouverture, qu’en est-il ? Si on regarde la lettre des textes, c’est non, mais la raison économique pousse à dire oui. > Incertitude.

Quelle est la nature des contrats que l’on peut transférer ? On peut transférer les contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures de biens et services. Avec cette formule, cela est très large.

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Qu’en est-il pour les contrats intuitu personae ? La réponse est plutôt oui, sauf quand il y a vraiment une intensité particulière de l’intuitu personae.

Ces contrats doivent être nécessaires au maintient de l’activité, ce qui veut dire que les contrats relevant de la vie domestique ne sont pas dans la cession d’entreprise, et ne peuvent être transférés.

Enfin, certains contrats sont de par la loi hors du champ, et ne sont pas transférables. Ce sont les contrats de travail qui ne sont pas transférables par l’application de L. 642-7 du Code de Commerce. La loi pose dans la cadre d’une reprise, que les contrats de travail sont transférés au repreneur.Enfin, cela n’est pas possible pour le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté sans dépossession.

c) Effets de la cession des contrats

Comment doit-on exécuter les contrats ? Le contrat doit être exécuté aux conditions existantes au jour du jugement d’ouverture.Désormais, les contrats doivent être exécutés aux conditions qui sont les leurs.

A partir de quel moment le repreneur devient-il cocontractant ? Le jugement adoptant le plan emporte cession, mais cela est trompeur.La jurisprudence a considéré que lorsque le tribunal arrête le plan, c’est le principe de la cession qui est acquis, mais ensuite il faut exécuter, il y a la réalisation. La jurisprudence a décidé que cela ne se fait que lors de la passation des actes qui concrétisent la cession, que le transfert produit ses effets.

Pendant tout ce temps là, le repreneur attend. Toutes les créances naissant pendant ce temps là seront postérieures et seront à la charge du débiteur.Quand les actes sont finalisés, le repreneur reprend à sa charge les contrats et devient débiteur.

Comme cela est long, et que cela est mauvais pour l’entreprise, la jurisprudence a admis que l’on puisse anticiper et mettre en jouissance le repreneur avant même d’avoir finalisé les actes, avec l’autorisation du tribunal. Quand le repreneur reprend un contrat, avec un cocontractant auquel on devait de l’argent, il devient débiteur des sommes dues pour l’avenir, mais pour le passé ? Le repreneur ne doit pas les payer, c’est le passif du débiteur. S’il le veut dans son offre, il peut proposer de reprendre le passif, mais ce n’est pas obligé.

(Exception pour le crédit-bail).

E) Jugement arrêtant le plan de cession d’entreprise

Avant de faire le choix, le tribunal doit entendre le débiteur, le liquidateur judiciaire, l’administrateur judiciaire, les contrôleurs, et les représentants du personnel.Pour le Ministère Public, son avis doit être recueilli et il faut savoir que tous les débats à propos de l’adoption d’un plan de cession de l’entreprise doivent se dérouler en sa présence dès lors qu’on a une entreprise avec plus de 20 salariés, ou un CA supérieur à 3 millions d’euros.

Les candidats repreneurs ne sont pas cités.

Si des licenciements pour motif économique sont prévus, le tribunal ne pourra statuer tant que l’on n’aura pas eu une information et une consultation des représentants du personnel, ainsi que de l’autorité administrative compétente.

Sur quels critères le tribunal va-t-il choisir telle offre plutôt que telle autre ? La loi lui donne des critères, des éléments pour se diriger à l’article L. 642-4 et L. 642-5 du Code de Commerce. Le tribunal doit retenir l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi, le paiement des créanciers, et qui présente les meilleures garanties d’exécution.

Enfin, le tribunal ne peut modifier l’offre. Soit il la prend, soit il rejette.Ce jugement est opposable à tous, et doit être signifié aux personnes qui peuvent former un recours en appel.

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Sur les recours possibles contre le jugement adoptant le plan, quels sont les recours possibles ? On trouve l’appel, ainsi que le pourvoi en cassation mais également la tierce opposition.Il faut également prendre en compte les recours nullités.

Rappel, en Droit des Entreprises en Difficulté, le principe est que les recours sont restreints. On ne peut exercer un recours que si la loi le dit. Cela étant, comme dit précédemment et cela vaut pour le jugement adoptant le plan, l’évolution est dans le sens d’un élargissement des recours.

Pour l’appel, les seules personnes admises à interjeter appel sont d’une part le débiteur, d’autre part le Ministère Public, le cessionnaire/le repreneur, et enfin le cocontractant cédé.En outre, le cessionnaire et le cocontractant peuvent faire appel, mais pas de façon générale. En effet, pour le repreneur, celui-ci ne peut faire appel que sur le fondement d’une augmentation de ses charges par rapport à l’offre qu’il a faite (le jugement lui impose des charges non-souscrites dans son offre). Quant au cocontractant cédé, il ne peut faire porter son appel que sur la partie du jugement qui emporte transfert.Il y a un délai de 10 jours pour faire appel.

Pour le pourvoi en cassation, il n’est pas possible de se pourvoir, sauf pour le Ministère Public selon l’article L. 661-7 alinéa 2 du Code de Commerce.

Pour la tierce opposition, celle-ci n’est pas ouverte. Elle est exclue contre les jugements arrêtant le plan.

Pour les recours-nullités¸ ce sont des recours qui ont une origine prétorienne, où la jurisprudence a reconnu la possibilité de faire un recours lors même que la loi ne le prévoyait pas. La jurisprudence s’est arrogé ce pouvoir parce qu’on est dans des hypothèses dans lesquelles le jugement que l’on admet comme critiquable, est entaché d’un vice très grave au point qu’on peut se demander si on est en présence d’un vrai jugement.

Les causes de recours-nullités sont l’excès de pouvoir, et la violation d’un principe fondamental de procédure. Etant précisé que l’évolution de la jurisprudence a été de restreindre les recours-nullités (qui sont d’origine accepté de manière restrictive), pour ne conserver que l’excès de pouvoir.Dans une décision, la Cour de Cassation dit qu’il y a excès de pouvoir alors qu’il y a violation d’un principe fondamental de procédure, ce qui nous ramènerait à l’état du droit précédant l’évolution.

F) Modification et inexécution du plan de cession

ModificationL’article L. 642-6 du Code de Commerce permet de revenir devant le tribunal pour obtenir une modification substantielle soit dans les objectifs soit dans les moyens du plan. Il faut saisir le tribunal, et cette demande ne peut être faite qu’à la demande du cessionnaire.

Le tribunal doit appeler un certain nombre d’acteurs et « toute personne intéressée ». Il faut entendre le liquidateur, l’administrateur judiciaire s’il existait, les contrôleurs, les représentants du comité d’entreprise, les délégués du personnel… En outre, le Ministère Public est sollicité puisque son avis est recueilli.

Il doit s’agir d’une modification substantielle.Le cessionnaire peut-il revenir devant le tribunal en disant que c’est trop cher ? Non cela n’est pas possible. Le montant du prix de la cession ne peut être modifié.

Le repreneur peut-il dire qu’il n’y arrive pas, et substituer quelqu’un à sa place qui donnera satisfaction ? Dans le jugement d’origine adoptant le plan de cession, on peut prévoir une substitution de repreneur.Si on ne l’a pas fait ou si l’on veut substituer une autre personne que celle prévue, le Code de Commerce l’accepte. La modification substantielle peut porter sur la personne du repreneur.Cela étant, se faire substituer, cela n’est qu’un soutien.

En réalité, même si le repreneur d’origine se fait substituer, l’article L. 642-9 alinéa 3 du Code de Commerce indique que le repreneur d’origine reste garant solidaire de l’exécution des engagements souscrits.

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Inexécution du planC’est l’article L. 642-11 du Code de Commerce qui nous indique que lorsqu’on s’est portés repreneur, tant que l’on n’a pas payé le prix de cession, il y a une aliénabilité des biens corporels et incorporels des biens acquis.Le même texte précise que s’il vend, en violation de cette interdiction, l’acte peut être annulé de façon absolue (à la demande de tout intéressé).

Ce texte prévoit la possibilité de résoudre le plan. Le texte ne distingue pas selon l’obligation inexécutée. La résolution est envisageable qu’il y ait un problème de paiement de prix, ou pour tout autre problème. Mais, le tribunal qui sera saisi de la demande de résolution judiciaire (comme en droit commun), a un pouvoir d’appréciation. Autrement dit, s’il estime que certes il y a inexécution mais qu’elle n’est pas suffisamment grave pour justifier la résolution du plan, il ne la prononcera pas.

Qui peut demander la résolution du plan ? Qui peut se plaindre d’une inexécution du plan ? Le texte est très large, puisqu’il vise le Ministère Public, le liquidateur, un des créanciers, ou d’office, ainsi que de tout intéressé.

Quels sont les effets de la résolution ? Il y a une particularité, qui dit résolution dit rétroactif.Mais l’alinéa 3 de l’article L. 642-11 du Code de Commerce nous dit que le tribunal peut prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan résolu. La résolution est à géométrie variable. On a un principe de résolution du plan de cession, mais au cas par cas, les actes qui ont pu être faits ne seront pas forcément anéantis. Qui plus est, le tribunal peut prononcer la résiliation de certains des actes, c'est-à-dire que cela ne vaudra que pour l’avenir et cela n’aura pas d’effets rétroactifs. Celui qui demande la résolution doit préciser les actes dont il demande la résolution.

Qu’en est-il du prix payé ? Si on applique les règles classiques de la résolution, le prix devrait être restitué au repreneur. Tel n’est pas le cas en Droit des Entreprises en Difficulté, le prix payé par le cessionnaire reste acquis.

Section II – Le règlement du passif

Il est quasiment impossible de donner des règles qui vaudraient dans tous les cas.Les règles sont tellement complexes, que le liquidateur procède au règlement selon les règles qui lui paraissent les meilleures.

Quelques observationsLa première chose, c’est que lorsqu’on a une vente d’un immeuble de manière isolée (pas dans le cadre d’une cession d’entreprise), on va en connaître le prix. Sur cette somme, on va d’abord payer les super-privilèges, les frais de justice… Lorsqu’on est en présence d’une cession d’entreprise, si la cession est faite à forfait c'est-à-dire que le repreneur paye un prix général ; le liquidateur doit prévoir une quote-part du prix.Le prix certes forfaitaire, va contenir pour une partie qui sera représentative de la valeur de l’immeuble x, de l’immeuble y, du meuble z… Afin de pouvoir payer les meubles et immeubles sur lesquels il y a des hypothèques ou garanties.

La deuxième chose, c’est que lorsque la liquidation judiciaire est prononcée du fait même du jugement d’ouverture, il a un effet qui est de rendre exigible toutes les créances. Cette règle ne joue pas lorsqu’on a une cession d’entreprise qui est envisageable : les dettes ne deviennent exigibles que lorsque le plan est arrêté par le jugement.S’il n’y a pas de plan de cession finalement, dans ce cas là, les créances deviennent exigibles lorsque l’activité cesse.

Les liquidateurs ne sont pas toujours aussi efficaces que souhaités. En cas d’inertie du liquidateur, lorsque le liquidateur n’a pas entrepris la liquidation des biens grevés d’une sûreté/d’un privilège dans un délai de 3 mois à compter du jugement de la liquidation judiciaire, le créancier bénéficiant de la sûreté, recouvre ses droits de poursuite individuels.

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Qu’advient-il si on se trompe dans le sens des rangs ? La jurisprudence fait une distinction selon qu’on est en présence d’un créancier chirographaire ou un créancier muni d’une sûreté.Pour un créancier chirographaire, la Cour de Cassation admet que l’on peut agir contre lui, en répétition de l’indu. Pour un créancier privilégié, on ne lui applique pas la même règle, et lui peut garder ce qu’il a touché.

Chapitre III – La clôture de la liquidation judiciaire

Section I – Etude générale (L. 643-9 du Code de Commerce)

Le tribunal intervient pour rendre un jugement de clôture, qui fait l’objet d’une publicité, notamment au BODACC. Il convient de préciser que le législateur de 2005 a eu à cœur de mettre en place soit certaines règles, soit certains dispositifs pour accélérer les dispositifs de liquidation judiciaire pour en arriver le plus vite possible à la clôture (Cour Européenne des Droits de l'Homme a condamné de nombreuses fois la France du fait de la longueur des procédures judiciaires).

Le législateur a imposé au tribunal de fixer une date, un délai au terme duquel la clôture sera examinée (Cela ne veut pas dire qu’elle sera prononcée. Le tribunal peut d’ailleurs se saisir d’office, ou par le liquidateur, le débiteur et le Ministère Public.

Si deux ans se sont écoulés depuis le jugement de liquidation judiciaire, la loi indique que tout intéressé peut saisir le tribunal aux fins de clôture.

Cela met également fin aux pouvoirs du liquidateur. Si le débiteur en liquidation judiciaire est une société, celle-ci est dissoute, et la publicité du jugement de clôture emporte disparition de la personnalité juridique.Si le débiteur est une personne physique, la clôture de la liquidation judiciaire emporte aussi fin du dessaisissement dont il était frappé, sauf si c’est un débiteur qui a commis des fautes graves au point que le tribunal le sanctionne (Voir Deuxième titre, avec la faillite personnelle).

Si on a pu tout payer, l’actif a permis de payer l’ensemble des créanciers. Il y aura donc clôture pour extinction du passif. Dans ce cas, la procédure s’achève donc normalement.

Section II – Etude spéciale : la clôture pour insuffisance d’actif, selon L. 643-11 modifié par l’ordonnance de 2008

C’est l’hypothèse dans laquelle l’intégralité des dettes ne pourra pas être payée, car l’actif n’est pas suffisant. On trouve une règlementation particulière sur ce point.

Si on a un jugement de clôture pour insuffisance d’actif rendu par erreur (il y a des actifs qu’on a oublié), alors l’article L. 643-13 du Code de Commerce précise qu’il y a reprise de la procédure collective. Tout créancier intéressé peut la demander.

§1- Le principe de l’extinction du droit de poursuite des créanciers imposés

La règle est donc que l’on n’a pas été payé. La liquidation judiciaire n’a pas permis de payer la créance dont je suis titulaire. Dans ce cas, le créancier ne recouvre pas pour autant la possibilité d’agir contre le débiteur. S’il s’agit d’une personne morale, le débiteur n’existe plus.

En revanche, les personnes physiques existent toujours, le jugement de clôture protège le débiteur. Le droit de poursuite reste en principe paralysé. Cette règle très protectrice des débiteurs personnes physiques est d’inspiration américaine, lui-même inspiré du droit anglais. L’idée est de permettre à ces débiteurs personnes-physiques de rebondir, d’embrasser une nouvelle vie professionnelle, et de se relancer dans les affaires. Ils ne seront pas complètement débarrassés des créanciers. La créance existe toujours, et n’est pas éteinte, mais le créancier ne peut agir contre le débiteur (obligation naturelle à l’égard du créancier). Si le débiteur paye, il ne paye pas l’indu.

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Le domaine d’application de cette règle selon laquelle on ne peut agir contre le débiteur doit être précisé. Ne sont interdites que les actions en paiement ou sommes d’argent, et pour les actions en résolution d’un contrat pour défaut du paiement d’une somme d’argent.

Il y a des créanciers qui échappent à cette règle. Celle-ci ne s’adresse qu’aux créanciers antérieurs. Elle ne s’adresse pas aux créanciers postérieurs privilégiés.

§2 – Exceptions au principe de l’extinction du droit de poursuite des créanciers impayés

Elles ont été modifiées avec la loi de 2005. S’agissant des exceptions, la loi de 2005 en a augmenté le nombre. Il y a trois grandes séries d’exceptions :

- Les garants et coobligés Ceux qui ont payé à la place du débiteur peuvent agir contre le débiteur.

- Les cas dans lesquels on estime que le créancier mérite une protection particulière Comme les créances résultant d’une condamnation pénale du débiteur, ainsi que les créanciers d’aliments…

- Les cas où le débiteur ne mérite pas la protection Ces exceptions sont fondées sur un comportement répréhensible du débiteur. Il s’agit d’exceptions qui vont profiter à tous les créanciers.

Le débiteur a commis sciemment une fraude à l’égard d’un ou plusieurs créanciers. Cela va permettre à tous les créanciers d’agir contre le débiteur.

Le débiteur est frappé de la faillite personnelle (Voir Second Titre). Le débiteur est un récidiviste, il a déjà bénéficié d’une clôture pour insuffisance d’actif…

Sous-Titre II-II – Le débiteur est en liquidation judiciaire simplifiée (LJS)

L. 641-2 du Code de Commerce, L. 641-2-1 du Code de Commerce, et L. 644-1 et suivants du Code de Commerce.

IntroductionSous l’empire de la loi de 1985, il existait un redressement judiciaire simplifié, mais il n’y avait pas de liquidation judiciaire simplifiée. Aujourd’hui, on n’a plus de redressement judiciaire simplifié mais il existe quand même certaines dispositions (Articles L. 627-1 et suivants du Code de Commerce).

Cela a été considéré comme l’une des innovations majeures de la loi de 2005. En pratique, cela beaucoup moins été. En tout cas, c’est quelque chose de très nouveau sur le papier. Volonté d’en finir en un an.

Autre indication, dans d’autres pays, il existe également des dispositifs particuliers pour les petites entreprises. Le droit français s’en est inspiré, notamment du système allemand, mais en revanche, en Allemagne, lorsqu’on est dans une telle situation, c’est l’administration qui est compétente. En droit français, la liquidation judiciaire simplifiée demeure judiciaire.

La LJS va être appliquée à des petites entreprises, et la loi a fixé des seuils.Or en 2005, les seuils fixés auraient permis de soumettre la moitié des entreprises en liquidation judiciaire à la LJS. Cela n’a pas été utilisé par les praticiens. D’abord, parce que cette LJS était à l’époque purement facultative et parce qu’elle présentait des défauts dont certains ont été corrigés par l’ordonnance de 2008, mais pas tous.

Chapitre I – Conditions d’application

Section I – Les conditions de fond

La LJS peut être appliquée aussi bien aux débiteurs personnes physiques qu’aux débiteurs personnes morales.Dans certains cas, la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire, et dans d’autres elle est facultative. Les conditions diffèrent donc.

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Quand la liquidation judiciaire simplifiée sera obligatoire, ce sera pour les plus petites entités. Il y a trois conditions cumulatives :

- Il ne faut pas de biens immobiliers (pas de liquidation judiciaire simplifiée d’ailleurs qu’elle soit facultative ou obligatoire).

- 0 salarié ou 1 salarié au maximum au cours des 6 mois précédant la liquidation judiciaire simplifiée.- Un CA HT inférieur à 300 000€ à la clôture du dernier exercice comptable.

Cette liquidation judiciaire simplifiée obligatoire a aussi été qualifiée de « super-simplifiée ».

Les praticiens ont trouvé que les seuils fixés par l’ordonnance de 2008, et estiment qu’ils ne sont pas appropriés, puisque cela brasse trop large.

Pour la liquidation judiciaire simplifiée facultative, le tribunal va pouvoir ouvrir une liquidation judiciaire simplifiée mais il n’y est pas contraint. Les conditions sont :

- Pas de bien immobilier.- Maximum 5 salariés.- Un CA HT de maximum 750 000€.

Si les conditions évoquées ne sont pas remplies, la liquidation judiciaire simplifiée est interdite.

Section II – Les conditions procédurales

Lorsque le tribunal est saisi, il peut déjà avoir toutes les données sur les conditions, et peut donc décider d’ouvrir ou non une liquidation judiciaire simplifiée qu’elle soit obligatoire ou facultative.C’est le cas notamment lorsque c’est le débiteur qui demande la liquidation judiciaire simplifiée.Cela peut également être le cas lorsqu’il y a d’abord eu un redressement judiciaire.

Si le tribunal ne possède pas les informations nécessaires (lorsqu’on a une assignation d’un créancier), alors le tribunal ne peut pas ouvrir tout de suite une liquidation judiciaire simplifiée puisqu’il n’a pas les données et ouvrira donc une liquidation classique. Le liquidateur nommé devra établir un rapport dans un délai d’un mois à compter de sa désignation.Grâce à ce rapport, le cas échéant, la décision d’utiliser le régime simplifié devra/pourra être prise par le président du tribunal par ordonnance. (C’est une mesure d’administration judiciaire [qui n’est pas susceptible de recours]).

Chapitre II – Spécificités du régime

Cette procédure de liquidation judiciaire simplifiée n’est pas une procédure de liquidation à part, dans la mesure où l’article L. 644-1 du Code de Commerce est par principe soumise aux règles de la liquidation judiciaire. Le principe est que l’on a un droit commun qui est celui de la liquidation judiciaire, et ce droit commun à vocation à régir la liquidation judiciaire classique, que la liquidation judiciaire simplifiée.

Section I – Le déroulement de la liquidation judiciaire simplifiée

§1 – Des dispositions particulières en ce qui concerne la vérification des créances

Dans le régime général, le droit commun, le liquidateur va pré-vérifier les créances puis le juge-commissaire intervient et décide. Le liquidateur doit s’attacher à faire un contrôle de toutes les créances nées avant le jugement. Il faut vérifier tout le passif antérieur.

La loi a fait preuve de pragmatisme puisque dans la LJ de droit commun, il n’y aura pas de vérification des créances chirographaires, s’il apparaît que celles-ci ne peuvent pas être réglées. Le liquidateur vérifie donc tout le passif privilégié.

En liquidation judiciaire simplifiée, la procédure de vérification peut encore être allégée pour le liquidateur, puisque la loi indique que le liquidateur n’est tenu de vérifier que les créances susceptibles d’être payées. Ce qui veut dire qu’il peut être amené à ne vérifier qu’une partie du passif privilégié, avec une réserve toutefois des créances salariales qui font l’objet d’une procédure particulière.

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L’allègement qui existe en liquidation judiciaire simplifiée est très louable. Le problème est qu’en pratique, pour savoir ce qui va devoir être payé, il faut faire un ordre… Il va donc falloir procéder à une vérification des frais de justice, de telle sorte que cette simplification risque d’être parfois un allègement illusoire selon les praticiens.

§2 – Des dispositions particulières concernant la vente des biens (réalisation des actifs mobiliers)

Dans le droit commun de la liquidation judiciaire, les ventes de meubles sont régies par l’article L. 641-19 du Code de Commerce, et c’est le juge-commissaire qui ordonne la vente des biens mobiliers, en choisissant entre les enchères publiques et les ventes de gré à gré.

Or, en liquidation judiciaire simplifiée, la loi de 2005, et l’ordonnance de 2008 ont posé des règles particulières selon que la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire (super-simplifiée) ou selon qu’on est en présence d’une liquidation judiciaire simplifiée simplement simplifiée, c'est-à-dire facultative.

Avec une liquidation judiciaire simplifiée obligatoire, il n’y a pas d’intervention du juge-commissaire. Celui-ci existe, mais s’agissant de la cession des biens mobiliers, il n’y a pas d’intervention de sa part ou du tribunal. C’est donc le liquidateur qui a la main, et qui va choisir quels meubles vendre, ainsi qu’entre les modalités. C’est également lui qui va déterminer le prix.

Première observation, en pratique, on se rend compte que l’autorisation du juge-commissaire a normalement pour objet de protéger les intérêts des créanciers (le juge-commissaire fait en sorte de retirer le meilleur prix), mais les délais s’écoulant pour obtenir l’autorisation du juge-commissaire sont longs et les frais de gardiennage vont la plupart du temps absorber l’intégralité du bien vendu. C’est la raison pour laquelle on a simplifié.

Seconde observation, le choix entre le gré à gré et les enchères publiques est fait par le liquidateur. C’est prendre une décision et le risque de contestation. D’autant que dans le cadre de la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire, on n’a pas à prendre l’avis des contrôleurs ou du débiteur. Le liquidateur doit donc choisir entre ces deux possibilités, et a trois mois pour le faire. Ce délai est très court, parce que le point de départ du délai de 3 mois est, selon l’article L. 644-2 du Code de Commerce, le jugement de liquidation judiciaire, et non à compter de la décision ordonnant la liquidation judiciaire simplifiée.

Cela veut dire que dans les cas où on a d’abord une liquidation de droit commun qui est ouverte, ce qui est le cas à chaque fois que le tribunal ne dispose pas des éléments pour déterminer si l’entreprise remplit les conditions de la liquidation judiciaire simplifiée. Le liquidateur nommé doit également faire un rapport sur le fondement duquel le président du tribunal statuera pour transformer en liquidation judiciaire simplifiée, et le liquidateur a un mois pour faire ce rapport.On a donc déjà perdu un mois sur les trois mois en question.

A l’expiration du délai de trois mois, la vente se fera nécessairement aux enchères publiques.

Avec une liquidation judiciaire simplifiée facultative, c’est toujours l’article L. 644-2 alinéa 3 du Code de Commerce qui indique que la décision qui opte pour la liquidation judiciaire simplifiée (Jugement ou ordonnance) détermine les biens pouvant faire l’objet d’une vente de gré à gré.

Un juge-commissaire dans le droit commun, doit pour chaque bien rendre une ordonnance, tandis qu’ici on a une liste, facteur de simplification et d’accélération. Les biens qui ne sont pas listés par la décision doivent être vendus aux enchères, et pour ceux qui peuvent être vendus de gré à gré, on retrouve le délai de 3 mois à l’issue duquel on retournera vers les enchères publiques.

§3 – Des dispositions particulières concernant la répartition des deniers

C’est la création d’une procédure spécifique en liquidation judiciaire simplifiée.L’ordonnance de 2008 a concentré les formalités. En simplifiant un peu, les étapes sont les suivantes :

- Le liquidateur procède à une pré-vérification des créances, et transmet la liste au juge-commissaire avec ses propositions d’admission ou de rejet.

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- Le juge-commissaire rend sa décision. Il y a une innovation ici, puisque l’état des créances, c'est-à-dire le document où figurent toutes les créances (admises et rejetées), le liquidateur va faire figurer ses propositions de réparation.

Ce document est déposé au greffe selon l’article R. 644-2 du Code de Commerce où tout intéressé peut prendre connaissance dudit document. On a également un avis du dépôt de ce document au BODACC. L’insertion de cet avis fait courir un délai d’un mois pour contester les propositions de répartition. Ce délai ne vaut que sur la partie du document qui est proposition de répartition.Ce recours est porté devant le juge-commissaire, et si on veut contester l’ordonnance du juge-commissaire, on a dix jours pour aller devant le tribunal qui statue en dernier ressort.

Section II – La clôture de la liquidation judiciaire simplifiée

La loi elle-même fixe un délai à l’issue duquel la liquidation judiciaire simplifiée doit être achevée.En droit commun, on a rien de tel. C’est le tribunal qui doit fixer un délai à l’issue duquel la question de la clôture sera examinée.

La loi de 2005 a posé que la clôture de la liquidation judiciaire simplifiée devait intervenir un an après l’ouverture de la procédure collective. C’était très mal rédigé puisqu’il y avait une ambigüité quand le débiteur était passé par un redressement judiciaire avant.

L’ordonnance de 2008, l’article L. 644-5 du Code de Commerce change le texte, et nous dit que c’est un an à compter de la décision ordonnant la liquidation judiciaire simplifiée.

Ce délai d’un an est illusoire.Ce dans une moindre mesure, parce que le texte posant le délai d’un an nous dit qu’on peut proroger le délai de trois mois de plus (15 mois), avec l’exigence d’un jugement spécialement motivé du tribunal. Le problème est posé par l’article L. 644-6 du Code de Commerce nous dit qu’à tout moment de la liquidation judiciaire simplifiée, le tribunal peut décider de ne plus faire application de la liquidation judiciaire simplifiée par un jugement spécialement motivé, qui ruine donc tout le système.

Pour les petites entreprises, on nous dit que la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire, mais à tout moment le tribunal peut décider d’en sortir. C’est un petit peu contradictoire.

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Titre II – Le sort du débiteur personne physique et des dirigeants de la personne morale débitrice : étude des mesures et sanctions civiles et pénales

Chapitre I – Mesures et sanctions civiles

Section I – Mesures d’élimination

Ces mesures d’élimination visent à écarter en toute ou en partie de la vie des affaires des personnes que l’on considère comme incompétentes ou pire malhonnêtes, sources de dangers pour les tiers et la vie des affaires. On parle également de mesures d’assainissement.

On trouve deux grandes mesures qui sont la faillite personnelle et l’interdiction de gérer. Ces sanctions ne peuvent être prononcées que si on est en présence d’une procédure collective, et qui plus est, uniquement un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire.

Puisqu’il s’agit de sanctions civiles, les règles du droit pénal n’ont pas vocation à s’appliquer en principe. Par exemple, en cas de réforme, la loi nouvelle plus souple ne s’appliquera pas. Puisque c’est une sanction civile, c’est le juge civil ou le juge commercial qui a compétence pour prononcer ces sanctions (le tribunal de la procédure), cependant elles peuvent aussi être prononcées par le juge pénal à titre de peines complémentaires du délit de banqueroute.

§1 – Contenu et durée des mesures d’élimination

A) Contenu

Tout d’abord, s’agissant de la faillite personnelle, le texte est très large, c’est ce qu’on appelle une sanction-bloc. C’est la mesure la plus grave comparée à l’interdiction de gérer.

C’est l’article L. 653-3 du Code de Commerce qui indique quelles en sont les conséquences. Cela emporte interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale, exploitation agricole et entreprise ayant tout autre activité indépendante et toute personne morale. L’exclusion est donc très large.

Au-delà, on va aussi selon l’article L. 643-11 III du Code de Commerce, être poursuivi par les créanciers, alors qu’il y a eu clôture pour insuffisance d’actif (En principe, les créanciers ne peuvent pas reprendre les poursuites).

Autre effet de la faillite personnelle, le tribunal peut s’il le veut, prononcer une incapacité d’exercer une fonction publique élective. On trouve des textes qui interdisent l’accès à certaines professions comme notaire, courtier, administrateur et mandataire judiciaire…

Autre effet, le tribunal peut enjoindre au dirigeant ou à certains d’entre eux de céder leurs actions ou leur sparts sociales dans la personne morale en liquidation judiciaire.

En ce qui concerne l’interdiction de gérer, c’est un diminutif de la faillite personnel. C’est une sanction sur mesure. Le tribunal, lorsqu’il choisit cette sanction, va faire du sur-mesure et interdire à l’intéressé uniquement les activités commerciales, mais il pourra être agriculteur… ou bien de diriger des sociétés… L’interdiction de gérer n’entraîne pas la reprise des poursuites par les créanciers.

B) Durée

La loi de 1985 change les choses et nous dit que cela ne peut plus être à vie, il faut que le tribunal fixe une durée, mais la loi ne fixait pas de maximum : Le tribunal pouvait donc dire « 30 ans ». Le minimum était de 5 ans.

La loi de 2005 enlève le minimum, et pose un maximum qui est de 15 ans.

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Il est possible de demander un relèvement avant l’expiration de la durée du délai fixé par le tribunal. L’intéressé peut demander au tribunal de le relever en tout ou en partie des déchéances qui le frappent. Le tribunal pour relever l’intéressé doit fonder sa décision sur le fait que le débiteur a apporté une contribution suffisante au passif.

§2 – Domaine d’application des mesures d’élimination

Dans quels cas une faillite personnelle ou une interdiction de gérer peuvent-ils être prononcés ?Pour fixer le domaine d’application, il faut d’abor de déterminer les personnes qui peuvent être frappées par ces mesures et ensuite déterminer les actes susceptibles d’emporter sanction.

A) Les personnes

Cela ne peut être qu’une personne physique.Ce sont tout d’abord les entrepreneurs individuels, qui sont soumis à une procédure collective : ceux qui développent une activité commerciale, agricole, ou artisanale. Cependant, il y a des entrepreneurs individuels qui aujourd’hui peuvent être soumis à une procédure collective que sont les professions libérales.

La loi indique que si le professionnel libéral est soumis à des règles disciplinaires, il échappe au risque de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer selon l’article L. 653-1 du Code de Commerce. Cela vise tous les professionnels libéraux soumis à un ordre professionnel comme les avocats ou les architectes.Cette disposition est tout à fait étonnante, car les sanctions infligées par un ordre vont seulement concerner le fait d’exercer la profession en question (Plus gentil donc).

Il ne faut pas oublier l’EIRL, qui est compris par la procédure.

On trouve également les dirigeants des personnes morales, et le texte nous dit que ce soient des dirigeants de droit ou de fait, peu importe qu’il s’agisse de dirigeants qui ont été rémunérés ou bénévoles. Le membre du Conseil de Surveillance n’est pas un dirigeant. Par contre, un administrateur l’est.Un dirigeant personne morale ne peut pas être atteint. En revanche, le représentant permanent de la personne morale pourra l’être.

B) Les faits répréhensibles

En principe, il s’agit nécessairement de faits commis avant l’ouverture de la procédure collective. Il existe une exception ajoutée par la loi de sauvegarde, cela concerne celui qui a fait obstacle au bon déroulement de la procédure.

Au-delà de cela, il ne s’agit pas de fautes en général. Les comportements sont listés.A chaque fois, il s’agit de fautes caractérisées, de comportement très répréhensibles.L’article L. 653-3 du Code de Commerce nous dit dans quels cas, il peut y avoir faillite personnelle, et l’article L. 653-8 du Code de Commerce nous dit que dans ces cas, le tribunal peut décider qu’il y aura interdiction de gérer. On vise :

- Le fait d’avoir abusivement exploité une exploitation déficitaire qui ne pouvait que conduire à la cessation des paiements.

- Le fait d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif, ou frauduleusement augmenté son passif.

L’article L. 653-4 du Code de Commerce vise :- Le fait d’avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt social de

celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne… ABS.

L’article L. 653-5 du Code de Commerce vise :- Le fait d’avoir exercé une activité économique ou une fonction de direction alors qu’on n’en avait pas

le droit.- Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure, fait des achats…

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En revanche, certains agissements ne peuvent donner lieu qu’à une interdiction de gérer, c’est spécialement le cas du débiteur qui n’a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, selon l’article L. 653-8 du Code de Commerce. On trouve également le fait de ne pas avoir remis aux organes de la procédure, notamment la liste des créanciers et la liste des biens susceptibles d’être revendiqués.

Pour ce qui est de l’EIRL, l’article L. 653-3 du Code de Commerce a été modifié, et prévoit que la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer peuvent être prononcées à l’égard d’un entreprise – EIRL qui n’a pas respecté la séparation des patrimoines.

§3 – Saisie et prononcé des mesures d’élimination

En ce qui concerne le moment de la saisine, il faut lire l’article L. 653-7 du Code de Commerce qui indique qu’à toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer.Ce texte a été interprété comme le fait que la saisine du tribunal et le prononcé de la sanction doivent intervenir au cours de la procédure. La clôture de la procédure est un obstacle au prononcé de ces sanctions civiles.

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement d’ouverture.

Qui peut saisir le tribunal ? On est en présence d’actions attitrées, ce qui veut dire que certains acteurs seulement peuvent saisir le tribunal, afin d’obtenir la sanction de l’entrepreneur individuel ou des dirigeants.L’administrateur ne peut saisir le tribunal.Le liquidateur, le Procureur de la République peuvent saisir le tribunal, mais le tribunal ne peut plus se saisir d’office. Enfin, avec la loi de 2005, on a une ouverture. S’il y a inertie du liquidateur, la majorité des créanciers nommés contrôleurs, peut exercer l’action en vue du prononcé de ces mesures d’assainissement.

Le tribunal compétent est celui de la procédure.La mesure prononcée fait l’objet de publicités, dans le registre où était inscrit le débiteur (RCS, répertoire des métiers), une inscription au casier judiciaire au bulletin n°2, et une insertion au BODACC ainsi que dans un JAL.

Section II – Mesures pécuniaires

L’obligation aux dettes sociales a été créé en 2005, et a été abrogée en 2008.

Sous-Section I – L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif social (L. 651-1 à L. 651-4 du Code de Commerce)

Le débiteur en procédure collective est une personne morale.On veut faire payer les dirigeants. Autrement dit, on tente d’atteindre les dirigeants afin qu’ils payent tout ou partie du passif, en enlevant le rideau « personne morale ». La logique générale entre 1985 et 2005 est la même, mais il y a eu une modification importante avec l’ordonnance de 2008. Désormais, cette action ne peut être intentée que lorsque la procédure collective est une liquidation judiciaire.

§1 – L’action

A) Nature de l’action

L’action ne peut être intentée que si le dirigeant est fautif. Une faute doit avoir été commise par un dirigeant de la personne morale. Le résultat sera de mettre tout ou partie les dettes de la personne morale à la charge du dirigeant fautif.La jurisprudence qualifie cette action d’action en responsabilité. On peut considérer que le dirigeant amené à payer une partie des dettes a commis une faute, et donc action en responsabilité.

Il reste que cette action a des particularités qui montrent qu’elle a un caractère partiellement répressif.

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Illustration : Dès lors qu’on a une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux, le tribunal doit condamner l’auteur de la faute à réparation. Or, ici, le tribunal peut condamner le dirigeant à payer tout ou partie, ce qui signifie que le tribunal a un pouvoir d’appréciation, et il se peut parfaitement qu’il soit en présence d’un dirigeant incompétent dont les fautes liées à son incompétence provoquent l’insuffisance d’actif, et que le tribunal condamne ou ne condamne pas.

Evidemment, le tribunal va avoir un regard sur l’ensemble du comportement du dirigeant en question, sa bonne foi, les circonstances ayant jouées…

Il reste qu’en droit positif, c’est considéré comme une action en responsabilité.Il y a une concurrence avec d’autres textes susceptibles de servir de fondement aux actions en responsabilité. La jurisprudence a décidé que le droit spécial du livre VI déroge au droit commun, et au droit général de la responsabilité. On ne peut pas engager la responsabilité d’un dirigeant en se fondant sur les articles 1382 et suivants du Code Civil qui n’exigent qu’une faute, un préjudice et un lien de causalité sans pouvoir d’appréciation du tribunal.

L’article 267 du CPF prévoit une responsabilité à part, en faveur de l’administration fiscale contre les dirigeants d’une personne morale, ayant commis des manœuvres frauduleuses. Les dirigeants sont tenus solidairement avec la personne morale des impôts et pénalités dus. Les deux règles spéciales peuvent être exercées cumulativement.

Enfin, au cas où un créancier parvient à établir un préjudice particulier spécial différent de la collectivité des créanciers, alors le créancier peut agir en se prévalant des règles du droit des sociétés.

Dans un arrêt Com – 9 Mars 2010 – Godriot, une personne morale en liquidation judiciaire où les dirigeants avaient donné des informations erronées sur la situation de la société. Les comptes eux-mêmes étaient erronés, et les Commissaires aux Comptes avaient émis des réserves dont les dirigeants n’avaient pas fait état.En l’occurrence, un certain nombre d’actionnaires ont agi en responsabilité des dirigeants en se prévalant d’un préjudice personnel distinct de l’intérêt collectif, en disant que sinon ils n’auraient pas achetés les actions, ni gardés.

Alors que, généralement, la jurisprudence fait preuve de beaucoup de rigueur pour admettre l’existence d’un préjudice personnel distinct de la collectivité des créanciers, la Cour de Cassation a considéré que ces actionnaires étaient dans une situation particulière, puisqu’ils ont été incités à conserver leurs titres à raison des fausses informations fournies.

C’est un exemple exceptionnel, mais qui pourrait avoir un champ d’application pratique assez important.Sur le terrain du droit des sociétés, cela a un autre intérêt : lorsqu’on engage la responsabilité d’un dirigeant, il faut prouver sa faute. Mais si on est un tiers à la société, il faut une faute détachable des fonctions.

La question s’était posée de savoir si les actionnaires étaient des tiers. Une décision de la Cour d’Appel de Versailles a considéré qu’ils étaient des tiers. Ici, la Cour de Cassation lève tout doute : ils ne sont pas des tiers, et n’ont pas à partir dans le problème lié au caractère détachable de la faute.

Enfin, concernant cet arrêt, la Cour d’Appel concernant le préjudice, avait considéré qu’il était égal au montant investi par les actionnaires. La Cour de Cassation a considéré qu’on ne pouvait estimer le préjudice comme cela, mais comme une perte de chances.

B) Conditions de fond

On retrouve des choses que l’on connaît.

1. Une faute de gestion commise par un dirigeant ou un représentant permanent

Il faut une faute de gestion commise par un dirigeant ou un représentant permanentConcernant la faute de gestion, la Cour de Cassation a une compréhension assez large et admet volontiers l’existence d’une telle faute.

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Exemples : un dirigeant de droit qui laisse la direction de la personne morale à un dirigeant de fait. Le fait d’avoir omis ou tardé à déclarer la cessation des paiements.Le fait d’avoir conclu des contrats de vente avec les acheteurs dont la solvabilité était douteuse…Le fait de s’octroyer une rémunération excessive.

Au-delà de ces exemples, la faute peut aussi bien être de commission que d’abstention, et il importe peu que le dirigeant soit malhonnête ou seulement incompétent.

La preuve de la faute doit être rapportée, et cela est une nouveauté de la loi de 1985.Antérieurement, dès lors qu’on avait une insuffisance d’actif, il y avait une présomption de faute et de lien de causalité.

Pour que l’action d’insuffisance d’actif puisse jouer, il doit s’agir de fautes qui doivent être commises avant le jugement d’ouverture. Pour les fautes qui peuvent éventuellement être commises par les dirigeants, qui restent en fonction, après le jugement d’ouverture, alors c’est le retour au droit commun.

Concernant l’auteur de la faute, cette action est nécessairement dirigée contre les dirigeants qu’ils soient de droit ou de fait, mais ils doivent être dirigeants.Un administrateur fait partie de la catégorie des dirigeants, mais un membre du conseil de surveillance n’en fait pas partie.

Le dirigeant peut être une personne morale de droit public, et on a vu des communes s’immiscer dans la gestion de certaines associations, et être considérées comme dirigeants de fait.

Peu importe que le dirigeant soit rémunéré ou bénévole. Le texte précise encore que les représentants permanents des personnes morales dirigeantes peuvent être poursuivis.

2. Préjudice

C’est l’insuffisance d’actif, il en faut une. Il faut un passif supérieur à l’actif de la personne morale débitrice.Le patrimoine de la personne morale a à l’actif des biens, dont la cession ne permettra pas d’honorer toutes les dettes de la personne morale. On tient compte du passif antérieur.Depuis la loi de 2005, les créanciers postérieurs non(-privilégiés étaient assimilés à antérieurs, mais avec la rédaction des textes, il ne semble pas qu’on doive les inclure.

Dans un arrêt Com – 18 Mars 2008, on ne sait pas très bien si on les intégrer ou non…

Il faut procéder à une vérification des créances, mais cela ne va pas porter sur toutes les créances.Or, lorsqu’une action pour insuffisance d’actif peut être envisagée, il faut vérifier tout le passif.

Il est important en pratique d’agir assez rapidement, or le préjudice n’est connu que tardivement parfois, mais il existe des risques de prescription.

3. Lien de causalité

Si on reprend l’article L. 651-2 du Code de Commerce, on découvre que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif….

Cela ne veut pas dire « ayant causé. Avec l’utilisation de « ayant contribué », il faut comprendre qu’il n’est pas nécessaire que la faute soit la cause exclusive du dommage. C’est une dérogation au droit commun de la responsabilité.

Le juge peut condamner le dirigeant ou le représentant permanent de la personne morale à supporter la totalité de l’insuffisance d’actif, même si sa faute n’est à l’origine que d’une partie des dettes que la société n’a pu payer.

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C) Conditions procédurales

1. Action attitrée

Article L. 651-3 du Code de Commerce détermine les acteurs, qui vont pouvoir initier l’action pour insuffisance d’actif. On compte le Ministère Public, le liquidateur.Il y a quand même une ouverture avec le contrôleur, nouveauté de la loi de 2005, en cas de carence c'est-à-dire d’inertie du liquidateur judiciaire. Les contrôleurs pourront alors mettre en demeure d’exercer l’action, et s’il ne le fait pas à l’issue d’un délai de deux mois, ces contrôleurs (la majorité) pourront entamer une action en insuffisance d’actif contre les dirigeants.

Le dirigeant peut-il appeler en garantie un autre dirigeant ? Non, car c’est une action attitrée (il ne fait pas partie des personnes désignées).

2. Tribunal compétent

C’est le tribunal de la procédure (qui a ouvert la procédure collective).(+ Souvent voir par rapport au tribunal du siège de l’entreprise).

Peu importe la qualité du dirigeant ou son lieu d’habitation.

Lorsque le dirigeant de fait est une personne relevant du droit public, que se passe-t-il ? Une décision TC – 1999 nous dit que le tribunal de la procédure reste compétent, sauf si la faute a été commise dans l’accomplissement d’une mission de service public administratif.

§2 – La condamnation

Le tribunal peut ne pas condamner s’il le souhait, même si les conditions de fond sont réunies (la faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif), le juge a un pouvoir d’appréciation. La bonne foi du dirigeant peut interférer.

S’il y a condamnation, quel est le montant ?Le maximum est celui de l’insuffisance d’actif, que l’on ne peut dépasser. Pour le chiffrer, il faut avoir effectué la vérification des créances. Une fois cette borne posée, le juge a un pouvoir d’appréciation du quantum.

Si le liquidateur agit contre plusieurs dirigeants, l’article L. 651-12 du Code de Commerce prévoit qu’ils peuvent être tenus avec ou sans solidarité, selon l’appréciation du juge.

Le jugement de condamnation est exécutoire de plein droit. Il existe un délai d’appel de 10 jours à compter de la signification de la décision, et l’appel est toujours possible de la part du Ministère Public même s’il n’était pas présent en instance selon l’article L. 661-11 du Code de Commerce

Que deviennent les sommes en question ? Il existe une règle particulière à l’article L. 651-2 alinéa 4 du Code de Commerce qui nous dit que les sommes sont réparties au marc le franc, c'est-à-dire sans qu’il y ait lieu d’accorder de rang prioritaire aux créanciers privilégiés, ni même aux super-privilégiés.

L’ordonnance de 2008 a pensé à un cas de figure particulier lorsque le dirigeant condamné est lui-même créancier de sa société. Il ne pourra pas participer à la réparation du capital.

Si le dirigeant ne règle pas la condamnation, c’est une cause de faillite personnelle.

Sous-Section II – L’action en obligation aux dettes sociales, abrogée par l’ordonnance de 2008

On ne la verra donc pas.

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Chapitre II – Sanctions pénales : étude de la banqueroute selon L. 654-1 du Code de Commerce

Pendant très longtemps, le Droit des Entreprises en Difficulté était très fortement répressif, et le débiteur était traité comme un délinquant d’une manière générale. Jusqu’en 1958, il y avait deux types de banqueroute : la simple, et la frauduleuse. Cette dernière était un crime.

A partir de 1958, les deux banqueroutes sont devenues des délits.En 1985, on a supprimé la distinction. Il n’existe désormais qu’un seul délit de banqueroute.C’est une illustration de plus de la dépénalisation de la vie des affaires.

La banqueroute ne peut intervenir que lorsque la procédure collective est une liquidation ou un redressement judiciaire. Pour les autres infractions que la banqueroute, des délits peuvent être commis même en sauvegarde (L’article L. 654-6 du Code de Commerce concernant le paiement des créances antérieures…).

Il existe une condition préalable. Le délit de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire ne peut être reconnu que si l’une de ces deux procédures est ouverte selon l’article L. 654-2 du Code de Commerce. Cela rompt avec la jurisprudence de la Chambre Criminelle, aujourd’hui abandonnée, qui faisait application de la théorie de la faillite virtuelle, selon laquelle un tribunal correctionnel pouvait lui-même constater la cessation des paiements.

Une particularité demeure, il est important de déterminer la date de cessation des paiements. Or aujourd’hui encore, le tribunal correctionnel conserve une liberté qui est celle de fixer une date de cessation des paiements différente de celle retenue par le tribunal de la procédure collective. C’est une solution qui contraire à la loi, et qui est très critiquée, mais jusqu’à présent maintenue.

Section I – Personnes visées et faits répréhensibles

§1 – Personnes visées

Les personnes qui sont susceptibles d’être poursuivies pour banqueroute sont désignées par l’article L. 654-2 du Code de Commerce : les personnes physiques entrepreneur individuel (à titre personnel). En ce qui concerne le débiteur personne morale, la loi vise ses dirigeants de droit ou de fait, ainsi que les sociétés en liquidation amiable, et le liquidateur amiable est également visé.

Le dirigeant de la personne morale en liquidation judiciaire peut lui-même être une personne morale.

Enfin, les personnes morales elles-mêmes qui peuvent être poursuivies qu’elles aient une activité économique ou non (sauf Etat).

On trouve également les complices. Dès lors qu’ils peuvent être poursuivis, cela signifie qu’une personne n’exerçant pas une activité commerciale, artisanale, ou agricole… qui n’est pas une personne morale… pourra être poursuivie.

§2 – Faits répréhensibles

L’article L. 654-2 du Code de Commerce en énumère cinq catégories, qui reposent toutes sur un comportement volontaire. L’imprudence de permet pas l’incrimination.Ces catégories sont toutes communes à la liste des agissements qui peuvent donner lieu à une faillite personnelle.

On compte :- Avoir fait des achats en vue d’une revente au dessus du cours ou avoir employé des moyens ruineux

pour se procurer des fonds, et ce dans le but d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure. L’emploi de moyens ruineux est celui le plus fréquemment utilisé. Les moyens ruineux sont souvent procurés auprès d’un banquier, qui peut se retrouver complice mais pour que le banquier puisse être condamné pour complicité de banqueroute, il faut qu’il connaisse les difficultés de l’entreprise.

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- Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif. C’est le débiteur qui organise son insolvabilité.La jurisprudence admet que cela soit produit avant ou après la cessation des paiements.

- Le fait d’avoir frauduleusement augmenté le passif. - Avoir une comptabilité inexistante, ou avoir fait disparaître des documents comptables. - Avoir une comptabilité irrégulière.

Section II – Saisine du tribunal correctionnel et sanctions

§1 – Saisine du tribunal correctionnel

En ce qui concerne la saisine, il faut respecter le délai de prescription de 3 ans à compter du jugement d’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire pour les faits commis avant cette date (L. 654-16 du Code de Commerce).Pour les agissements postérieurs à la procédure collective, les auteurs retiennent la révélation des faits.

Le tribunal correctionnel peut être saisi par le Ministère Public, l’administrateur ou le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l’exécution du plan, le liquidateur, et en cas d’inertie et après une mise en demeure par les contrôleurs selon l’article L. 654-17 du Code de Commerce.

§2 – Sanctions du délit de banqueroute

Pour les personnes physiques, l’amende est de 75 000€ et 5 ans d’emprisonnement selon L. 654-3 du Code de Commerce. Toutefois, si la personne physique est le dirigeant d’une entreprise prestataire d’investissement, on passe à 100 000€ d’amende et 7 ans d’emprisonnement, selon L. 654-4 du Code de Commerce .

Il existe des peines complémentaires facultatives que l’on trouve à l’article L. 654-5 du Code de Commerce, avec notamment la faillite personnelle.

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