Dossier Lieux chargés · 2016-04-13 · depuis le mont des Oliviers, en-dessus du Jardin de...

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Parution 10 fois par an N o 138 Octobre 2001 Fr. 3.- le numéro Dossier Lieux chargés Ils vivent, nous survivent. Nous disent les drames, les bonheurs qu’ils ont vus et dont ils ont constitué le décor. Réalité objective ou projection humaine? Qu’importe... Un artiste imprégné de religiosité Dürrenmatt Le jeu de gestes Découverte

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DossierLieux chargés

Ils vivent, nous survivent. Nous disent les drames, les bonheursqu’ils ont vus et dont ils ont constitué le décor.

Réalité objective ou projection humaine? Qu’importe...

Un artiste imprégnéde religiosité

DürrenmattLe jeu de gestesDécouverte

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3VP/NE No 138 OCTOBRE 2001

éditoPar Laurent Borel

Chuuut! Et vous les entendrez respirer...Une pierre brute est et reste à toutjamais une pierre. Soit, objective-ment, un bloc de matière inerte.Mais, par-delà les critères scienti-fiques, la même pierre ne serapas pareille selon qu’elle auraservi à construire un temple, uneprison ou un barrage. Les pierresde la Grande Muraille de Chine«disent» ainsi autre chose quecelles qui composent le TajMahal ou que celles qui ont étéamenées de la lune.

Il en va des lieux comme despierres: ils parlent. D’un point devue strictement sonore et terre-à-terre, ils sont certes parfaitementmuets. N’empêche qu’ils parlent,malgré tout. Et qu’il n’est pasnécessaire d’être savant pourcomprendre leur langage. Demême qu’une brique arrachée àfeu le mur de Berlin racontel’indécence, la révolte contenueet le bruit des bottes militaires,l’exploration, par exemple, de lagrotte de Lascaux, fut-elle un fac-similé, évoque le miracle de lacréation et notre désir fou de nousinscrire de façon indélébile dansl’immense chaîne du temps.Les lieux, comme les objets,comme tout ce qui relève de

immortelle notre ap-partenance à une viedont nous voulonstant qu’elle ait dusens. L’âme des lieuxne s’explique pas, nes’analyse pas: elle se sent, se vit.Foin de théories donc, c’est à lavisite de quelques-uns de cesendroits chargés que notre dossiervous convie, avec la seule préten-tion, qui sait, de vous donnerpeut-être envie de poursuivre larecherche...

l’affect, les lieux ont une âme.Qui s’enrichit de la substanceémotionnelle dont les humains,avec leur propre âme, l’alimen-tent en écho aux événements, tan-tôt tragiques, tantôt attendrissantsou plus simplement significatifs,dont ils ont été le théâtre. Cetteâme est vivante, tenacementvivante. Les autorités de la villede Zurich ont récemment pu lemesurer, lorsqu’il s’est agi pourelles de tuer celle du tristementcélèbre Letten. Aujourd’hui, plusla moindre trace, plus le plus petitcentimètre carré pour rappelerl’ancienne scène ouverte de ladrogue. Balayées, gommées: les«latrines du désespoir et de ladéchéance» ont été rayées de lacarte. Mais elles ont exigé laforce des bulldozers, la naissanced’une piscine et de terrasses debistrots avant de basculer dans lesoubliettes de l’Histoire. Les crisenjoués des enfants, le batifolagedes badauds ont été nécessairespour étouffer l’odeur d’immondi-ce qui s’accrochait à cet espacemaudit.Les lieux ont donc une âme:nombre d’adultes ont une fois oul’autre pu en faire l’expérience enredécouvrant, au terme de décen-nies d’absence, la maison, le jar-din, ou l’école, la rue qui les ontvus grandir. L’âme des lieux naîtde notre besoin, sans doute fon-damental, de sacraliser, de rendre

Maî t res-mots” Nous sommes trois,Elle, lui, moi,Moi, lui, elle,Et je tiens la chandelle.Et pourtant, j’me sens mûrPour la belle aventure.Et j’irai à CythèreMalgré le mal de mer.Je me dis qu’un de ces jours,Je passerai le flambeau.Et j’prendrai le paquebotPour la belle vie d’amour...”

Thomas Fersen, La chandelle

«N’empêche qu’ils par-lent, malgré tout. Et qu’iln’est pas nécessaired’être savant pour com-prendre leur langage»

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Ici se trouve le «nombril du monde»

D’où peut bien me venir cettesoudaine envie de pleurerquand je pense à Jérusalem?

Dès que je l’aperçois, soit en venant dela mer, par les collines de Judée, soiten remontant le désert déchiqueté ducôté de Jéricho, ça me prend égale-ment. Quand je la contemple d’en face,depuis le mont des Oliviers, en-dessusdu Jardin de Gethsémané, mes larmeset mon émotion sont associées à cellesde Jésus qui pleura à cette vue. Carl’esplanade du temple construite parHérode le Grand est une merveille. Lesdeux bâtiments principaux qui l’occu-pent, le dôme bleu saphir et l’immense

mosquée, fascinent mon regard. Je meperds à regarder la vieille ville et à côtéles fouilles qui révèlent où fut la villepremière de David et les palais de

Salomon. J’aperçois des oliviers millé-naires sous lesquels Jésus a peut-êtredormi et prié. Là, c’est l’église duSaint Sépulcre qui marque le lieu de lacroix et du tombeau vide du matin dePâques.Jérusalem, ce «nombril du monde» desmonothéistes, porte en elle une triplesacralisation: juive, chrétienne etmusulmane. Elle est «Ville Sainte».Son histoire commence il y a 3000 ansavec la décision du roi David de quitterHébron pour investir Jébus, qui n’étaità l’époque qu’une petite ville cana-néenne. Il crée à Jérusalem sa capitalepolitique et religieuse. C’est le début

«Abandonner ses propresjustifications religieuses,son envie d’exister parses œuvres ou ses identi-tés religieuses. La récon-ciliation passe par cetteremise en question fon-damentale»

Jésus y a délivré une partie de son message, il y est mort. Cette ville constitue en outre le centrenévralgique de trois religions. Impossible d’entamer un dossier sur les lieux chargés autrementqu’avec Jérusalem. Incontournable Jérusalem! Alexandre Paris, pasteur à Boudry, y est allé plusieursfois. Son récit, teinté de beaucoup d’émotion.

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d’une histoire longue et difficile entreles Juifs du monde entier et cette ville.En exil à Babylone, après la chute deleur Ville Sainte en 587 avant J.-C., lespremiers psaumes sur Jérusalem sontécrits et priés. Après la destruction duTemple, en 70 après J.-C., les Juifs necesseront de penser à Jérusalem et deprier pour elle. Les vingt siècles de dia-spora en sont une preuve constante.

Détonateurs de la guerreMais aujourd’hui, deux nations secombattent pour cette même VilleSainte. Pour l’Islam, la première sacra-lisation se produisit vers 700 quand un

«anticalife» interdit l’accès à LaMecque et à Médine. La dynastieomeyade de Damas fait alors construi-re le dôme du rocher à l’emplacementdes anciens temples de Salomon etd’Hérode. Mais une fois conquise etparée, Jérusalem fut abandonnée politi-quement. Elle eut son heure de gloireavec Saladin en 1187 pour retomberdans l’indifférence jusqu’en 1919. LesMusulmans en reparlent alors parceque les Juifs veulent revenir y fonderun foyer national. Depuis, c’est la riva-lité, exacerbée par chaque conflit.Aujourd’hui, les lieux saints sont deve-nus l’épine dorsale du conflit. On a pu

le constater avec la montée d’ArielSharon à l’esplanade des Mosquées enseptembre dernier. Jérusalem et leslieux saints sont l’objet de convoitisepolitique pour les deux camps.Quel rôle peuvent jouer les chrétiensdans ce conflit? Une communion d’ungenre unique nous lie à Israël. Dans lafoi, nous savons que Dieu aime lesJuifs d’un amour irrévocable (Romains9, 4-5 et 11, 28-29). Nous regrettons etnous condamnons toutes les manifesta-tions d’antisémitisme. Il est urgent demieux faire apparaître le lien profondde la foi chrétienne avec le judaïsme, etde soutenir la coopération judéo-chré-tienne. Nous pouvons également parlerde la foi au Dieu unique et clarifier lesens des droits de l’homme avec lesmusulmans. Il importe d’aller à leurrencontre avec une attitude d’estime, etde travailler avec eux à des objectifscommuns.

Du pain sur la planche...Mais si je pleure sur Jérusalem, c’estque je suis déchiré entre un amour bienterrestre et ma foi: celle-ci déplace leproblème et affirme avec force quepour celui qui est en Christ, il n’y aplus de «Terre sainte», de «Lieuxsaints» ou de «Ville sainte». Il estcitoyen de la «Jérusalem d’en haut»,lieu de liberté (Gal. 4, 26). Car Jésusbrise les frontières entre sacré et profa-ne (Marc 7, 19) et conteste tout «lieusaint» à la samaritaine. Paul révoqueles particularismes religieux et natio-naux au nom de la seule foi au Christcrucifié: en Lui, il n’y a plus ni Juifs…ni Palestiniens, ni Arabes (Gal. 3, 28).Voici l’issue du conflit de Jérusalem:abandonner ses propres justificationsreligieuses, son envie d’exister par sesœuvres ou ses identités religieuses. Laréconciliation passe par cette remise enquestion fondamentale. Mais l’Evan-gile conteste en premier lieu ceux quis’en réclament et les chrétiens ont pasmal de chemin à faire, avant d’allerdonner des leçons aux autres.O Jérusalem, dans ta lumière dorée, tunous parles du Dieu Vivant qui déran-ge les vivants…

Alexandre Paris ■

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musulmans à cause de sa mosquée,sacré pour les catholiques à cause des«lieux saints de Jésus Christ». Et çacontinue. A cause de cette notion deterre sainte, chaque jour nous apporteson quota de sang.

Un titre usurpéMalheureusement, ces régions si char-gées d’histoire ont été détournées deleur fonction humaine – des lieux oùse recueillir, se souvenir, comprendre

les leçons du passé, inventer en évi-tant les mêmes pièges - pour devenirprétexte à assouvir la soif de conquêtedes uns et des autres, d’où une déna-turation du sacré en objet de pouvoir.Ça ne date pas d’hier. Jésus déjà a dûse battre contre la sainteté des règlesdu sabbat et leur redonner leur justevaleur: «Le sabbat a été fait pour lebien de l’homme et non l’homme pourle sabbat.» Rien n’est sacré, saint,intouchable si ce n’est l’homme, le

Lieu de mémoire, oui. Terre sainte, non!

Qu’il existe des endroits plus marqués que d’autres par les soubresauts de l’histoire, personne ne songe àle nier. Que les hommes, de tout temps, aient souhaité les protéger et y faire acte de mémoire, quoi de plusnaturel? Mais que l'on en vienne à les rendre saints au point de tuer, d'exclure, de chasser? Non! Réflexion.

La destruction de Jérusalem parles Romains, les Croisades, lesinvasions successives du Mo-

yen-Orient jusqu’à la création del’Etat d’Israël. Combien de morts, dedrames au nom de Dieu, d’Allah oude Yahvé? Et pour quoi? Pour la pos-session exclusive, sans partage, d’uncoin de terre chargé de la mémoiredes uns et des autres: sacré pour lesJuifs, c’est le Haaretz Israël, «pays oùcoule le lait et le miel»; sacré pour les

Photo: L. Borel

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vivant. Hélas, les innombrables mortspour la conquête de ladite «Terre sain-te» démontrent qu’il n’a pas étéentendu.A cela s’ajoute le syndrome du pro-priétaire de droit divin, prétentieux,archaïque, infantile et flatteur: «C’està moi: mon pays, ma femme, ma mai-son, mes enfants, mon sanctuaire, mareligion.» De là à lier la notion deterre sainte à celle de peuple élu, iln’y a qu’un pas. D’où forcémentexclusion: il y a les Juifs et les«goys», les chrétiens et les «païens»,les catholiques et les «frères égarés»,les musulmans et les non-musulmans,bref les ayant-droit et les autres. Maisquand chacun veut s’approprierl’exclusivité du sacré, cela se gâte.Exemple: à Jérusalem, deux lieuxsacrés sont au même endroit. Dans lalogique de ce qui précède, il fautdétruire celui de l’autre pour préser-ver le sien dans sa pureté. Au nomd’Allah ou de Yahvé, peu importe, lebut est le même: l’anéantissement del’autre au profit d’un sanctuaire,d’une terre.

J’ai le droit, j’ai beaucoup souffertCertes, pour les Juifs exilés du mondeentier, Jérusalem a été pendant dessiècles le lieu mythique du retour, lesymbole du «chez soi» retrouvé. Est-ce une raison suffisante pour vouloirle garder pour soi tout seul? Certes, ilsont souffert la mort, les persécutions,l’exil et la Shoah. Mais toute cettesouffrance n’a-t-elle servi à riend’autre qu’à recréer une autre souf-france, qu’à passer de persécuté à per-sécuteur au nom de mêmes préten-tions à la possession, au droit du sol, àla sainteté des lieux? Qu’à perpétuerle mal subi en l’imposant à d’autres?La souffrance indicible d’un peuplen’excuse pas tout. Elle ne peut en

aucun cas justifier le refus de cohabi-ter, la colonisation forcée, la volontéde répondre à la violence par la vio-lence, même au nom d’une terre.Pourtant, cette souffrance, ainsi que ledroit légitime d’Israël à l’existencesont devenus à ce point tabous quetoute critique de la politique du gou-vernement israélien, que la moindreremarque aux défenseurs du «GrandIsraël» sont taxées d’antisémitisme.De quoi décourager les volontés lesplus pacifiques d’entamer un dia-logue!

Des lieux chargés d’espoir?N’y a-t-il pas eu assez de gâchis?N’est-il pas temps de briser le cerclemortel lié à l’idée de Terre Sainte, enlui redonnant sa vraie dimension, plusmodeste: celle d’un lieu chargé d’his-toire, d’émotions, d’expériences?D’un lieu qui sert à se souvenir, com-prendre et changer, et non pas à per-pétuer la haine, avec une fonctionéducative incitant les visiteurs à gran-dir en humanité. Ni plus ni moins.Entre mépris et vénération, il y aplace pour le respect, le bien de cha-cun, le droit à la différence. Celapasse obligatoirement par le renonce-ment à la possession exclusive, à lasanctification, et par l’acceptationd’un partage. Des textes de l’AncienTestament eux-mêmes nous rappellentque nous ne sommes que des loca-taires de la Terre, que nos maisons,nos terres, nos enfants, nos Eglises,notre pays, notre vie même ne nousappartiennent pas. «Même bienvivant, l’homme n’est qu’un souffle. Ilva, il vient mais ce n’est qu’un mira-ge; il s’agite, mais ce n’est que duvent. (…) Car je ne suis chez toiqu’un étranger, un homme sans droitscomme tous mes ancêtres.» Ce simpletexte du psalmiste devrait nous rendre

tous, ici et là-bas, assez humbles pouressayer de cohabiter en paix. Mais ilne suffit pas de le dire. Hélas, mêmerelayées par des personnes de bonnevolonté israéliennes et palestiniennesqui aspirent sincèrement à la paix, cespetites voix-là ne sont pas encoreassez fortes pour éteindre cette hainequi n’en finit pas. Il faudra encore dutemps pour que les fanatiques de tousbords admettent qu’à ce jeu-là, il n’ya que des perdants. Qu’ils compren-nent qu’il n’y pas de terre plus oumoins sainte qu’une autre, etqu’aucun objet, lieu, rite, si beau, siimportant soit-il, ne vaut qu’on luisacrifie une seule vie.

Corinne Baumann ■

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Photo: P. Bohrer

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Région de montagnes située ausud-est du Massif central, lesCévennes attirent les touristes

par leurs possibilités de dépaysementet de détente. Mais il y a davantage.Les Cévennes sont une région demémoire. Pendant plus d’un siècle(1685-1787), la grande majorité desCévenols ont résisté pacifiquementaux hautes autorités françaises pourgarder leur foi protestante. La «Révoltedes camisards» (1702-1705) en estl’épisode le plus connu. Aujourd’hui,beaucoup de protestants reviennentdans ces montagnes pour se souvenirde ce petit peuple qui tenait à la libertéde conscience comme au sens de laresponsabilité plus qu’à tout autre

notamment, en utilisant ses jambes.Alors, poussé à y voir de plus près, à lafaveur d’une crête élevée, d’une combelointaine ou d’un mas retiré, le prome-neur pourra découvrir des lieux oùsemblent se conserver les traces du jar-din d’Eden. Le paradis terrestre estperdu. Certes! Mais s’il existait tou-jours, et malgré tout, simplement cachéderrière les apparences…En Cévenne, il y a si peu à voir qu’onpourrait croire la région destinée àl’élevage des corbeaux. C’est un paysde désert. Submergé par son travail,mais aussi par ses loisirs innombrables,l’homme moderne n’a plus une minuteà lui. Dans la solitude du désert céve-nol, là où plus rien ne vient nous diver-tir, une petite voix parvient à s’impo-ser: «Ne t’occupe pas des choses quipassent; vous, les hommes, n’avez pasassez de temps pour cela.» Dans cedésert, les Huguenots persécutés duXVIIIe siècle ont eu la convictionqu’ils vivaient une expérience sem-blable à celle des Hébreux au Sinaï.Comme le peuple de l’Exode, ils sesavaient très démunis, mais aussi pro-tégés et conduits par une force quin’est pas de ce monde.

L’appel du videDans la solitude cévenole d’aujour-d’hui, il est possible de vivre l’expé-rience du prophète Elie au mont Sinaï(1 Roi 19). Le fracas du tonnerre, lesflammes de l’incendie ou les torrentsde l’inondation (Gardonnade) peuventaussi s’y déchaîner. Dieu n’est pasdans ces manifestations violentes.Mais, perchés au sommet du MontBougès, alors qu’une brise vous cares-se le visage, il se pourrait que cesouffle, ce doux murmure nous parlede Dieu.Dans chaque paroisse, il existe unepersonne qui pense que la religion est

chose. Près d’Anduze, le masSoubeyran, ancienne maison natale duchef camisard Roland La Porte, abriteun musée qui retrace cette période derésistance. Cette année, quelque 10'000protestants s’y sont encore réunis pourcultiver la mémoire des assembléesclandestines de cette époque de persé-cution.

SubtilitéLes lieux de mémoire sont chargés despiritualité; ils nous apportent une cer-taine compréhension de la vie. En cesens, on ne parle plus des Cévennes,mais de la Cévenne. Dans la Cévenne,la coexistence du schiste, du mouton etde la Bible dit quelque chose d’unespiritualité et d’un art de vivre particu-liers. Le relief cévenol est fait deschistes. Les rochers escarpés et lapierraille partout présente donnent aupaysage ses teintes grises, vertes,bleues ou noires. C’est avec cette pier-re que l’homme construit les maisons.Le mouton, quant à lui, l’habille et lenourrit. Enfin, la Bible rappelle à l’êtrehumain que sa présence sur cette terrea un sens.Pour comprendre la Cévenne, il faut sedonner la peine d’observer et d’analy-ser cette atmosphère. A mille lieuesdes exubérances trop évidentes dubaroque, l’état d’esprit cévenol ne selaisse pas si facilement saisir. Cette spi-ritualité, tout intérieure, demande uneffort de réflexion. Il faut l’apprivoiser,

La Cévenne: terre de questionnement spirituel

Chaque année, plusieurs paroisses de la région prennent la route des Cévennes avec leurs catéchu-mènes. Pourquoi ce long voyage à la découverte d’une terre réputée pour ses randonnées, la fraî-cheur de ses torrents et sa nature encore préservée? Bon connaisseur de la région, Erich Brunner,pasteur à Bévilard, nous explique son attachement pour ce coin de «désert».

«Le paradis terrestre estperdu. Certes! Mais s’ilexistait toujours, et mal-gré tout, simplementcaché derrière les appa-rences…»

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un assemblage de demi-mensonges:Dieu serait comme un bouton malplacé qu’il faut régulièrement gratter.A ce paroissien, j’aurais envie de dire :«Arrête de t’attaquer à des ombres,arrête de t’en prendre à Dieu. A lalongue, il pourrait s’intéresser à toi ettu ne pourrais plus lui échapper. Vaplutôt dans les Cévennes. Dans cedésert, tu feras table rase de tes idéestoutes faites.» En fin de compte, on vapeut-être jusque dans les Cévennespour prier, ou pour s’enfoncer dans cevide que Dieu crée dans notre cœur etnotre esprit. En tout cas, on y va pourétaler devant soi les questions qui necessent de se poser et essayer de lestrier.

Erich Brunner ■

- Voilà mes amis où s’est déroulée lagrande danse de la guerre de 14: vingtkilomètres carrés d’une bataille quasiininterrompue de seize mois.Monsieur Vexo prononce ces motsavec un brin de fierté. Non qu’ils’enorgueillisse d’être le guide dequelque quinze jeunes, une stagiaire etdeux pasteurs, mais parce que la visitedemandée sort des normes. Nous nevoulions pas de musées, ou plutôt plusde musées, mais du concret. Voir où ças’était passé: marcher dans ce qui pou-vait rester de tranchées, de galeries dela Grande guerre à Verdun! Assez peucourant, avait-il dit avant le départ surle perron de l’office du tourisme.Sentiment renforcé par la pluie battan-te qui nous accompagne depuis notreréveil et qui le fera le long de nosquatre heures de marche.- Dis donc, vous êtes sûr que ça vaaller, Monsieur le Curé?, me demandet-il en voyant quelques filles essayerdéjà d’ôter la boue de leurs chaussures.- On verra, répondis-je. Avant de corri-ger: Monsieur le pasteur!- Allez, comme en 40!, scanda haut etfort notre ancien sous-officier de car-

rière reconverti enguide de l’officedu tourisme deVerdun. Commequoi, il n’y a pasque les pasteursqui le sont touteleur vie… - Les bochesavaient pour euxla hauteur du ter-rain; ils se sonttoujours mis dansles hauteurs afinde pouvoir mieuxnous canarder.Mais figurez-vous, les jeunes,s’arrêta-t-il soudain, l’œil plus vif etplus piquant, leur canon de 77 nevalait pas notre 75! Emballé sans doute par l’attention desgarçons très vigilants en entendant par-ler d’armes, Monsieur Vexo nousexplique les différences des canonsd’artillerie des deux infanteries. Puison apprend que c’est ici que le mortieret la grenade gagnent leur définitiveefficacité parce qu’il faut que les

armes puissent faire sortir l’adversairedu trou dans lequel il s’enterre pourpouvoir tenir.

Des chiffres qui étourdissentNous en dépassons un, de ces trousjustement; je regarde, j’avance, et mepenche, comme attiré instinctivementpar ces terriers humains. Un cri stoppenet mon élan. Monsieur Vexos’approche de moi.

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Vingt petits kilomètres carrés...Une petite ville de la Meuse, comme la France en compte des quantités. On y vit paisiblement.Personne, par-delà ses environs immédiats, ne connaîtrait son nom si elle n’avait été le théâtre de laplus sanglante bataille de la Première Guerre mondiale. Un siècle, ou presque, plus tard, Verdun n’apas oublié. Parce que ce qui s’y est déroulé est inoubliable.

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- Attention, monsieur le curé, cetteforêt est un véritable gruyère, si voustombez dans l’un de ces trous, il n’estpas sûr que nous puissions aller vouschercher! Voilà pourquoi, reprend-il àl’adresse des jeunes, la préfectureinterdit formellement aux randonneursde s’aventurer dans cette forêt.- Monsieur le Pasteur, précisais-je enme relevant agacé!Je prends conscience soudain du cime-tière qui est sous mes pieds, les gre-nades n’ont pas réussi à faire sortir lescombattants de leur trou puisqu’ils sesont battus pendant plus d’une année.Elles n’ont fait que les enterrer en lesdéchiquetant. Entre 400 et 500 millemorts sur ce périmètre de vingt kilo-mètres carrés, où se dressaient jadisneuf villages. Impensable, inimagi-nable. Soudain me vient à l’esprit unede ces questions stupides qui vous tra-versent la tête! Mais combien a-t-ilfallu d’obus pour massacrer tout cemonde?- 60 millions! Les enfants tonnent unpeu plus haut la voix de l’adjudant-chef en retraite Vexo: 60 millionsd’obus!Je ne me sens pas bien, mais alors pasbien du tout. D’autant plus que la pluiene s’arrête pas et qu’il fait de plus enplus froid. J’ai envie d’un café avec descroissants pour faire le point sur tout ceque j’entends… De toute façon, c’estimpensable, irraisonnable: commentpeut-on réfléchir l’horreur extrême, lemal absolu? Il n’y a aucun discours quipuisse dire ou expliquer les raisonsd’un tel carnage, si ce n’est l’engrena-ge, le tournis, pas même la folie, puis-qu’elle finit par se concevoir. Rienqu’une Totentanz qui enchaîne ceuxqui par malheur ou par bonheur met-tent le pied là.Moins une! La pierre sur laquelle jemets le pied n’a aucune adhérence,quel merdier! Pourquoi ai-je voulu tra-vailler ce thème en camp de catéchis-me? Ça n’a rien à voir avec un pro-gramme catéchétique! Le visage plusque dubitatif de mes collègues, lorsquej’évoquais l’idée de travailler la guerrede 14, me revient à l’esprit, toutcomme celui de certains parents lorsde notre réunion d’information. Ilsavaient sans doute raison…

Qu’aurions-nous fait?...Maintenant qu’on y est, il faut tenir ettrouver en soi la force de remplir toutce terrain d’une présence, en l’occur-

bien ça le pire: sous mes pieds, s’entre-mêlent pour la plupart des hommes quiont donné pleinement leur vie, et jeleur dois quelque chose, mais quoi? Laliberté ou l’imbécillité? L’opulence oula décadence? L’exemple ou le contre-exemple? Impossible de trancher… àVerdun!Enfin, nous arrivons au lieu où le busdoit nous prendre. Le calvaire n’est pas

encore terminé, on doit attendre troisquarts d’heure sous la pluie. Chosecurieuse, je suis presque soulagé, vain-cu peut-être par ce terrain et les rafalesde ces harassantes questions. Il y en aune pourtant qui n’est plus un mystère:et moi, si j’avais été là, qu’aurais-jefait? Je le sais maintenant… Je me serais battu sans me poser toutesces questions, je n’aurais pas été diffé-rent des autres. J’avais besoin de savoirque le loup n’est pas à l’extérieur de

moi, de l’autre côté de la frontière,mais en moi-même. Certes, comme lesautres, je n’aurais pas pu entendre cediscours que bien peu tenaient. Le seulqui le tenait, Jean Jaurès, est assassinépeu avant le début des hostilités. Peuimporte, je sais maintenant que condi-tionné, manipulé, endoctriné, je peuxfaire n’importe quoi, et aujourd’huiencore… Que Dieu nous garde !- Alors, Monsieur le Curé, ça vous aplu?- Oui, mon général, il a plu!, rétor-quais-je, libéré et presque joyeux!

Guy Labarraque ■

rence la nôtre, puisque nous sommesles seuls. C’est la seule chose à fairesur ce champ macabre. Même avectous ces arbres, toute cette verdure, leterrain ne cache pas son caractère deplus grand charnier de l’histoire.Démontrer pourtant en marchant quela vie, par je ne sais quel miracle, esttoujours là. Péguy ne disait-il pas, enparlant de Jésus qu’il n’était pas venuexpliquer le mal mais le remplir de saprésence? Monsieur Vexo depuis quelque tempsne cesse de se baisser à terre et de don-ner, en veux-tu en voilà, des débrisd’obus aux jeunes, ravis de toucher cesfunestes reliques.- On ne risque pas de se couper?, lan-çais-je à la cantonade?- Mais non, Monsieur le Curé! Ça nerisque rien, on en trouve absolumentpartout, vous en voulez un?- Pourquoi pas, répondis-je vaincu parl’aplomb du sous-officier!

- A propos, c’est Monsieur le P…- Oui?, me dit-il. - Non rien…Je suis curé, il faut s’y faire, j’auraibeau dire ou médire, rien ne changera,et je n’ai pas le courage de lui expli-quer les différences qu’il y a entrecatholiques et protestants, surtoutlorsque, sous nos pieds, gisent indis-tinctement les corps de soldats alle-mands et français. Ces hommes qui se sont acharnés lesuns contre les autres parce qu’ilscroyaient juste de le faire. Tout lemonde, du simple manœuvre au plusintellectuel, quasiment tous se trou-vaient unis pour vivre ce carnage.Péguy justement, dont on évoquel’incroyable sens spirituel, dit aussiavant de partir au front: «Si je nereviens pas, gardez-moi un souvenirsans deuil. Ce que nous allons faire enquelques semaines ne vaut pas toutesles années d’une longue vie.» Il nereviendra effectivement pas, il est tué àVilleroy le 5 septembre 1914 lors de lacontre-offensive de la Marne. C’est

«Soudain me vient àl’esprit une de ces ques-tions stupides qui voustraversent la tête: com-bien a-t-il fallu d’obuspour massacrer tous cemonde? - 60 millions!!!»

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dossier: Lieux chargés

11VP/NE No 138 OCTOBRE 2001

L’horizon se charge de brouillard, alorsque de lourds nuages s’agrippent surles hauts de la paroi rocheuse qui sur-plombe l’abbaye de Saint-Maurice. Ala recherche d’un «lieu chargé», c’estdéjà un ciel chargé ( !) qui m’accueilleen ce 1er mai. Une date chargée d’his-toire d’ailleurs.... «Bibe viator ex fontibus abbatiaeaquam vivam», chante l’eau de la fon-taine à gauche des escaliers. La porteest ouverte. J’entre. Gravats, feuilles deplastique sur le sol, et bruit sourd: unepartie de l’église est en chantier. Jepénètre donc dans un lieu chargé... depoussière. Espace imposant où la pier-re grise domine; la nef de l’abbatialeest traversée de lourds piliers. Dans cetunivers sobre et austère, les vitraux lan-cent d’exubérantes flammes de clartérouge violent et bleu nuit sur le sol. Decette église, je ne sais rien ou presque:sous l’édifice actuel, on a découvertdes fondations beaucoup plusanciennes. Cela fera bientôt 1500 ansque l’on vient prier dans ce lieu. Et cecisans interruption, contrairement àd’autres lieux, où souvent la présencede moines ou de religieux a été inter-rompue plus ou moins longtemps enraison de faits de guerres, révolutions,etc. Une telle constance rend cetendroit probablement unique danstoute l’Europe.

pettes dans un joli patio, le gazon vertprofond rivalise d’éclat avec les mar-guerites, tandis que le pépiement d’unefontaine égaie les vieilles pierres.

Inoubliable Au fond, un écriteau annonce: «Trésorde l’abbaye». Parmi les métaux pré-cieux et les objets sculptés, un guidejongle entre le français, le suisse alle-mand et le tessinois. Très affairé, ilm’envoie au premier étage en réponseà ma question: «Où ce trouve le lieu leplus ancien de l’abbaye?» Déception:entre les plans et les photos aériennesdes fouilles archéologiques, je meperds dans les explications techniques,et confonds le nord et le sud. «Vousn’aviez qu’à être à l’heure pour la visi-te guidée»: encore fallait-il savoir qu’ily avait des visites guidées!Dehors, les gouttes commencent àtomber... C’est là que je rallume monnatel et... apprends que je suis marrainedepuis une heure déjà! A défaut de melaisser une impression vraiment forte,ce lieu sera désormais chargé du plusbeau des souvenirs: bienvenue, petiteLouise!

Marianne de Reynier ■

Chaud-froid Milieu de l’après-midi: à part lesouvriers, invisibles mais que l’onentend, peu de monde. Des ombres fur-tives se glissent entre de longs bancs debois; leur ballet est ponctué dequelques chuchotements. Grincementde la grille que je pousse, me voicidans les fonts baptismaux, une oasisblanche: au centre, une vasque d’eau àtrois lobes coule paisiblement. Desbribes de fresques courent au-dessus dela porte et sur le haut des murs. L’atmo-sphère est claire, tendre, chargée depureté et de légèreté.Je ressors de cette petite chapelle dansl’espoir de trouver quelqu’un quim’explique, réponde à mes questions....Au détour d’un mur, saisissement: unlong couloir, qui semble s’enfoncerdans la paroi de la montagne, mehappe! Je me trouve sans transitionplongée dans les catacombes. Devantmoi, des tombes à moitié sous l’eau.Des lampes lancent des reflets étrangessur les murs et l’eau, il plane icicomme une menace... Vite, je ressors etme retrouve dans la nef. Une porte estouverte sur ma droite. Je m’y engouffresans plus attendre. Paradis ou miniaturepersane? Le printemps fait des gali-

Là où la prière ne s’éteint pasLa louange perpétuelle y a été inaugurée en l’an 515. Cela signifie qu’on y prie au quotidien sans dis-continuer depuis près... d’une millénaire et demi! Dans une époque - la nôtre! - en proie à l’agitationpermanente, l’abbaye de Saint-Maurice, à l’entrée ouest du Valais, apparaît comme un îlot ancré dansses liens avec le passé. Notre reporter y a fait d’étranges découvertes...

Photos: P. Bohrer

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dossier: Lieux chargés

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Le Boéchet, un de ces noms biendu coin, aux consonances com-me seules «les Franches» ont su

en inventer. Un hameau rattaché à lacommune des Bois. Une grappe demaisons aux façades blanc calcairequ’on traverse presque sans s’en aper-cevoir. Ici, le sapin est omniprésent, etse partage l’horizon avec des pâturagesqui n’en finissent pas de dérouler leurschatoyantes robes ondulées. Ici, la terremêle ses senteurs fraîchement humidesà celles du bétail, des baies sauvages etdu bois coupé. Ici est le seuil du royau-me du cheval.Une ébauche de route qui se faufileentre deux fermes, mince cordon debitume qui semble partir se perdre aufond de nulle part. Le paysage, parbeau temps, est si riant et si harmo-nieux qu’on a peine à croire qu’il puis-se offrir un autre visage que celuid’une douce indolence. Et pourtant!Cette contrée, en apparence tellement

sereine, a souffert mille maux dans lepassé. Prenez ainsi l’an 1636. Troisfléaux faisaient simultanément gémirla région en cette période noire: des«Suédois», mi-sauvages mi-merce-naires, qui pillaient, massacraient etdétruisaient tout ce qui leur tombaitsous la main; une famine, épouvanta-blement tenace, si cruelle qu’elleconduisit des mères à manger leurspropres enfants; et puis, LA maladie,bubonique, comme jetée telle un sortpar le diable, une horreur qui frappaitau hasard, faisant agoniser ses victimesdans une souffrance imprégnée de ter-reur. La Grande Peste, c’est son nom,expédia de vie à trépas, en ce tempsmaudit, des populations entières d’uneextrémité à l’autre de l’Europe.Mais revenons à notre petit bout deroute, qui bien vite s’essouffle, contrai-gnant le voyageur à poursuivre à piedà travers champs. En point de mire, ungroupe d’arbres, donnant l’impression

d’être soudés troncs contre troncs.L’approche révèle un muret de pierresplates formant une sorte d’enceintechargée de rendre ce microcosmequasi impénétrable et de protéger dumême coup le secret inavouable qu’ilrecèle. Ici, au cœur de cet espace enmarge du monde, les siècles s’écoulentdans un mutisme recueilli.Il y a encore peu, les branchagesétaient si denses qu’aucun rayon desoleil ne parvenait à plonger jusqu’ausol. Il a fallu la violence de l’ouraganLothar, voici une poignée d’années,pour qu’un pan entier de cette citadellene s’effondre, inondant brutalement delumière les entrailles d’un lieu qui,pudiquement, par essence, aurait dûdemeurer tapi dans l’ombre. Mais déjàune végétation renaissante s’emploie àcautériser les plaies béantes infligéespar la tempête. Le ciel, ouvert à la ver-ticale, sait qu’il devra bientôt restituerla trouée qu’il s’est appropriée. Lesarbres qui ont résisté à la fureur desrafales veillent tels des sentinelles;leurs silhouettes longilignes, campéesen rangs serrés, composent une figurede cathédrale au toit percé. Plantée enson milieu, une stèle surmontée d’uncrucifix de métal rouillé, monumentérigé en mémoire du curé de l’époque:Thibaud Ory. Courageux petit hommede Dieu qui, au mépris de la férocité del’épidémie, n’eut de cesse de réconfor-ter ceux que l’indécente tueuse fau-chait lors de ses accès de rage. Ils repo-sent ici, tous; anonymes, dépourvus detombes. Un gros tiers de ce que la val-lée comptait à ce moment-là defemmes, d’hommes et d’enfants. Faitessilence, et, non sans un frisson, vouspercevrez dans la gravité ambiantel’écho figé, inextinguible de leursplaintes, vous vacillerez à l’odeur de lachaux vive versée sur leurs corps rava-gés. Faites silence: toute autre attitudes’apparenterait à une erreur.

Laurent Borel ■

Faites silencePeut-être, au gré d’une balade dans les Franches-Montagnes, êtes-vous passés tout près. Sûrementsans le savoir, car rares sont ceux, en-dehors des autochtones, qui connaissent son existence.Sûrement aussi, par conséquent, ne vous y êtes-vous pas arrêtés, aucun écriteau n’en faisant men-tion. Pourtant, l’endroit est impressionnant, et justifierait largement une halte. Bienvenue au cimetièredes pestiférés du Boéchet, unique du genre en Suisse.

Photos: L. Borel

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13VP/NE No 138 OCTOBRE 2001

Cela commence à Stans. Vous nesavez pas pourquoi ni comment,c’est presque imperceptible,

mais vous réalisez que quelque chosede difficilement définissable a soudainchangé. Un climat particulier, ou plutôtl’émergence d’un esprit régnant sur ceterritoire qui se livre désormais avecpudeur et parcimonie. Avant, une poi-gnée de kilomètres plus au nord, c’estencore Lucerne qui prévaut, et dansson sillage, la Suisse dans ce qu’ellerecèle d’international, d’industriel et definancier. Ici, par delà l’agitation, lebruit qu’engendre la civilisation ditemoderne, sous la protection des som-mets tutoyant le ciel, aux arêtes aigui-sées plongeant vers le lac, cette Suisseque d’aucuns qualifient péjorativementde «primitive», cette Suisse a un goûtd’originel.Cela commence à Stans, pour ne ces-ser de croître au fur et à mesure quevous approchez d’Altdorf. Altdorf, lit-téralement le «vieux village», centrenévralgique d’une culture qui se rit dutemps et de la mode, cœur d’un foyerde résistance active au cœur d’une

1er août surgissent à la surface de votremémoire. C’est donc ça... Oui, c’est là,sur ce modeste coin d’herbe «perdu» àl’abri d’une forêt qui semble impéné-trable, c’est là qu’«ils» ont juré,qu’«ils» ont implicitement, voici plusde 700 ans, fait de vous un des héritiersde cette terre. Vous pouvez ne pas ycroire, trouver tout cela anecdotique,désuet, voire dérisoire: un immenserespect cependant vous envahit. Quifera écho, un peu plus tard, à celui quivous saisira sur la place principaled’Altdorf. Aux pieds de la statue deGuillaume Tell, pris par la solennitéque dicte ce lieu mythique, vous saurezavoir, à cet instant précis, atteint le ber-ceau d’une foi dont la portée dépasseles mots.

Laurent Borel ■

Suisse elle-même au cœur d’un conti-nent auquel elle refuse de brader ce surquoi elle s’est toujours reposée. Ici, lapatrie fait l’objet d’un culte célébréjusque dans les gestes du quotidien.Dans la vénération d’une nature vouéeà une pureté éternelle, dans laconscience d’appartenir à une commu-nauté fondée sur des valeurs séculaires,chaque habitant de ce morceau de paysrend grâce du sentiment d’enracine-ment qui l’anime, le soutient et le sécu-rise.

Cela commence à Stans. Et cela nevous lâche pas. Et, malgré vous, infini-ment plus fort que vos haussementsd’épaules, que vos doux ricanements àpropos d’une Suisse qui n’existeraitqu’en théorie, cela met subrepticementà nu l’âme d’Helvête qui sommeille,enfouie au fond de vos entrailles. Vousquittez l’autoroute, cette injure à lapaix, à la révérence que réclame cepaysage majestueux, pour gagnerSeelisberg, autre charnière, autre pointvital porteur de la charge émotionnellecontenue dans cette région. Seelisberg,formidable balcon sur une eau émerau-de qui se déhanche avec sensualité, quichante son plaisir à tendrement cares-ser la berge constituant l’ourlet de lamontagne. Pour peu, vous pleureriez.D’une joie irrépressible. Votre regardse délecte, refuse de lâcher prise: c’estbeau à mourir! Et puis, loin en contre-bas, îlot au milieu d’une infinitude desapins qui forment bloc, le Rütli. Vousne parvenez pas à empêcher le batte-ment accéléré qui secoue votre poitri-ne. En un éclair, tous les manuelsd’histoire de votre enfance, tous les«monts quand le soleil...», les feux du

Il était une foi(s)...Uri, Schwyz, Unterwald... Et puis, le Pacte de 1291, Guillaume Tell... D’un coup, sur la rive sud du Lacdes Quatre-Cantons, les syllabes qui composent les bribes presque folkloriques d’histoire nationalequi somnole à l’arrière-plan de nos souvenirs scolaires, ces mots abstraits s’«incarnent». C’est ici,dans cette région chargée, qu’est né le pays auquel nous appartenons. Impressionnant!

«Pour peu, vous pleure-riez. D’une joie irrépres-sible. Votre regard se dé-lecte, refuse de lâcher pri-se: c’est beau à mourir!»

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Photo: L. Borel

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On y vient parfois de loin, mais àdéfaut d’une très bonne carte degéographie, mieux vaut encore

avoir un bon guide, qui, connaissant leslieux, vous mènera au bon endroit. Lelundi matin, cela évitera aux organisa-teurs des téléphones de gens frustrésd’avoir entendu les bruits du rassem-blement sans avoir pu véritablement lesituer, et par conséquent le rejoindre.En fait, les cultes qui sont célébrés làchaque année, en pleine nature, regrou-pent des membres des communautésmennonites suisses, presque toujoursrejoints par quelques frères et sœurs duPays de Montbéliard ou de l’Alsace, etpar des coreligionnaires du continentnord-américain de passage en Europepour des vacances.

RappelsDans ces lieux, la grotte, non loin deSornetan, le pont, sur les hauteurs sudde Corgémont et Cortébert, où les ana-baptistes, nos ancêtres, avaient trouvérefuge. Dès la fin du XVIIe et au débutdu XVIIIe siècle, chassés et expulsésdu canton de Berne, le prince-évêqueles avait accueillis – d’autres diraient«tolérés» - à plus de 1000 mètres, dansl’ancien évêché de Bâle. Pour être enpaix et vivre leur foi sans être inquié-tés, ils se retrouvaient à l’écart, dansune grotte, entre autres, et sous un pontqui a pris leur nom. Aujourd’hui, ceslieux de mémoire, au milieu de laforêt, dans la roche ou dans une gorge,portent des plaques en bronze, qui trèsdiscrètement et avec un certain clind’œil, rappellent ce que ces pierres ontvu et entendu quelques siècles plus tôt.Au pont, on trouve le verset bibliquepréféré de Menno Simon, ce prédica-teur hollandais qui au XVIe siècle avaitrassemblé les anabaptistes pacifiquesaprès le drame de Münster enWestphalie: «Car personne ne peut

poser un autre fondement que celui quia été posé, savoir Jésus-Christ (1Corinthiens 3, 11)». A la grotte, ledébut du Psaume 24 rappelle que laterre, en-dessus comme en-dessous de1000 mètres, appartient à Dieu: «Al’Eternel la terre et ce qu’elle renfer-me, le monde et ceux qui l’habitent!»

Une mémoire pour maintenantCes lieux continuent de nous question-ner, de nous interpeller, car les persé-cutions et les lieux de refuge n’ont pasdisparu à notre époque: ils se sontdéplacés. Des être humains continuentd’être expulsés, chassés, sans défense,sans papiers, ils cherchent un espacede sécurité. L’histoire se répète, sesmiroirs, malgré les siècles qui ontpassé, nous renvoient de mêmesimages: celles d’hommes, de femmes,d’enfants qui pleurent, qui souffrentd’être partout des étrangers, personanon grata d’autres personnes à quisemble appartenir le monde. Il y a plusde dix ans, ironie ou miroir de l’histoi-re, les autorités suisses déployaient desmoyens totalement démesurés etinconsidérés – par le voie des airs et lavoie terrestre - pour renvoyer dans sonpays une famille africaine qui avaittrouvé refuge dans une ferme non loinde la grotte des chèvres. Dans ce casconcret, avec la mémoire qui est lanôtre, on n’était pas arrivé à se mettred’accord entre ceux qui voulaient enpremier lieu obéir à Dieu et venir enaide à cette famille et ceux qui ne vou-laient pas désobéir aux autorités. La mémoire, les miroirs, sont finale-ment d’une grande utilité, car ilsdevraient nous empêcher de refaire lesmêmes erreurs. Dans notre traditionmennonite, il y a un miroir qui aaccompagné des générations decroyants, «Le miroir des martyrs», lemiroir des témoins du Christ, dans leur

temps. Une première édition française,abrégée, devrait voir le jour prochaine-ment en Afrique avant d’être diffuséeen Europe. Ce pont, cette grotte, constituent desmiroirs d’une histoire qui continue etqui, espérons-le, sera davantage cellede témoins du Christ, dignes représen-tants de sa paix que de martyrs vic-times de l’arrogance et de la violencede certains qui croient posséder la terreet ce qu’elle renferme, le monde etceux qui l’habitent!

Michel Ummel ■

Ce pont, cette grotte, ces miroirsd’une histoire qui continue

Chaque premier dimanche du mois d’août, chaque année, les anabaptistes se retrouvent. Alternativement,une fois à l’entrée d’une grotte dite «des chèvres», une fois près d’un pont dit «des anabaptistes». A cesendroits, on n’y passe pas forcément, il faut vouloir s’y rendre et encore faut-il les trouver. Pourquoi de telsrassemblements? Quel sens ont-ils encore aujourd'hui? Analyse de Michel Ummel, ancien (pasteur) dans lacommunauté mennonite du Sonnenberg (Tramelan et environs).

Photo: P. Bohrer

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Former

bonjour voisin: les formateurs de l’EREN

Il y a comme ça des modes. Des lubies. Desobsessions, presque. La formation en faitpartie. C’est dans l’air du temps. Tout le

monde en parle. C’est le leitmotiv des spécia-listes de l’emploi: «Pour pouvoir changerd’employeur relativement facilement, pour évi-ter l’accident de carrière, il vous faut dévelop-per votre «employabilité» tout au long de votrevie professionnelle. (…) Miser sur la formationest une évidence. (…) Qui n’apprend plus, recu-le. Vous devrez donc vous former continuelle-ment» (publié par Expo02 Job Center sur inter-net http://www.expojobcenter.ch/F2100a.html).Dans les entreprises, la formation est salutaire, àla fois pour l’employé qui joue là son avenir -en tout cas, on le lui dit - et pour l’employeurqui, malgré le prix à payer, augmente le capital-compétences de son entreprise. Salutaire, oui.C’est dans l’air du temps. Le temps qui passeavec ses nouvelles exigences.L’air du temps souffle où il veut et aussi surl’Eglise. Mais en même temps, celle-ci seméfie de ce qui est «salutaire», surtout quandça coûte. Car si, dans les entreprises, ce qui est salutairecoûte toujours très cher, dans l’Eglise, c’est l’inverse: cequi est salutaire est gratuit; c’est le reste qui coûte cher.Le défi est posé: comment l’Eglise relève-t-elle le défide la formation sans se livrer à la mode idéologique du«salut par la formation»?La réponse est nuancée. Parce que le Collège des forma-teurs, mandaté par les autorités de l’Eglise, est convaincude l’urgence d’une réflexion renouvelée sur les forma-tions à offrir aux membres de l’Eglise. Le Collège estdonc à la limite de l’idéologie. Il se frotte, par moments,à l’idée que la formation est salutaire pour l’institution«Eglise».Mais c’est la lecture de cette urgence qui devra dirigernos travaux. Car la formation, dans l’Eglise, ne sera pasau service d’une idéologie, d’une quelconque «employa-bilité», mais au service d’un Evangile donné. Or, celui-ciest exigeant. De plus en plus. Ça aussi, c’est l’air dutemps et il est urgent de le mesurer. L’Evangile ne se pré-

sente pas comme un bloc dont on a mesuré les limites,mais comme un appel dynamique, c’est-à-dire qui bougeaussi vite que l’air du temps. Peut-être plus vite encore.Former, c’est permettre au plus grand nombre de faireréférence à l’Evangile, d’en mesurer la pertinence pourrespirer aujourd’hui, dans nos relations, un air du tempsqui fasse du bien.

Pour le Collège des formateurs, Gabriel Bader ■

L’air du temps

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bonjour voisin: les formateurs de l’EREN

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Ce qui vousest proposé

«Une assemblée importante? Une séance où tousvoudraient s’exprimer sur le fond? Vous définis-sez l’objectif de l’événement et son cadre, nousnous chargeons de l’animer…» Ont ainsi eu lieu: une présentation d’EREN 2003 auxhabitants de la commune, une réflexion sur le sens etla forme de la vente de paroisse lors d’une assembléegénérale…«… et de vous transmettre le goût de l’animation!»Un stage de formation à l’animation suivi, pour ceuxqui le désirent, d’un accompagnement sur le terrainpermet aux acteurs de la vie de l’Eglise de toujoursmieux animer leurs rencontres.

«EREN 2003 – l’Eglise de demain se construit,celle d’aujourd’hui rêve, analyse et planifie. Lesformateurs accompagnent le processus dansdivers groupes de travail.»

«Creuser des textes bibliquesavec des données littéraireset archéologiques, par l’é-change et la prière, pourdécouvrir le panorama de laBible et pour s’y ressourcer»– le parcours biblique œcumé-nique avec le COC pour lescatéchètes et personnes intéres-sées a dû être dédoublé.

«Accompagner et soutenir les550 conseillers et conseillèresparoissiaux du canton quisont le nerf de l’Eglise auniveau local.» C’était le but dedifférents modules: «Structureset fonctionnement de l’EREN»«S’exprimer en public», «Gé-rer un conflit en Eglise». Enpréparation: «Rôle public del’Eglise», «L’équilibre entrespiritualité et administrationau conseil paroissial».

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bonjour voisin: les formateurs de l’EREN

19VP/NE No 138 OCTOBRE 2001

«Vous avez une idée, un projet – si besoin, nous vous offrons les outils etl’accompagnement nécessaires pour les réaliser.»Ainsi ont vu le jour des rencontres pour les «moins de 40 ans intéressés à la vie del’Eglise», des offices méditatifs du dimanche soir, une journée cantonale sur lesEglises de maison…

«Une personne neutre, sans enjeuxdans les négociations, différends ouconflits, est parfois nécessaire pourtrouver des sorties adéquates à dessituations délicates.» Sur demande, leformateur intervient en médiateur. Plusles aspects problématiques sont abordéstôt dans leur évolution, plus les coûtsémotionnels, affectifs et relationnelssont réduits.

«La formation d’adultes – une profession. Lesformateurs mettent leurs compétences etconnaissances à votre disposition pour réaliservos demandes en formation d’adultes.»En collaboration avec la région de Boudry-Ouest etle COC, le service de formation a, par exemple, missur pied un cycle comparant la création de filmsavec celle des textes bibliques (angle d’approche,choix de séquences, symboles…).

«La supervision est une mesure d’hygiè-ne pour équilibrer profession et vie pri-vée.» Rencontrer quelqu’un qui permet dedéposer ce qui doit l’être, d’élaborer desprojets, de clarifier ce qui mobilise oupèse, de repartir plus clair dans ses enga-gements. La supervision est destinée àaccompagner dans leur ministère les per-sonnes engagées par l’EREN.

Service de formation de l’EREN

Jean-Marc NoyerPéage 4 1786 SugiezTél. 026/ 673 16 [email protected]

Béatrice Perregaux AllissonTemple-Allemand 252300 La Chaux-de-FondsTél. 032/ 969 20 [email protected]

Présidente du collège des formateurs :Nicole Humbert-DrozCh. du Coteau 22022 BevaixTél. 032/ 846 25 76

www.louverain.ch/f/formation

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31VP/NE No 138 OCTOBRE 2001

la page du CS

Le Conseil synodal atoujours accordé uneattention toute parti-

culière à la jeunesse. Eneffet, les jeunes d’au-jourd’hui seront les adultesde demain. Affirmation évi-dente, certes! Mais nousvivons dans un monde qui aparfois malheureusementtendance à oublier quel’avenir de notre sociétédépend justement de notrejeunesse.Le ministère de l’ERENauprès des jeunes a pour butde les amener à se forgerdes convictions personnellesconcernant les grandsthèmes de la foi chrétienneet leur implication dans lavie quotidienne. Il a égale-ment pour but de favoriserl’expression personnelle desjeunes, leur intégration dansun groupe et la prise de res-ponsabilité de chacund’eux. Ce ministère auprèsdes jeunes se développe tantsur un plan local, grâce autravail catéchétique notam-ment, que cantonal, grâce àl’Aumônerie cantonale dejeunesse.Le travail de l’Aumôneriecantonale de jeunesse con-cerne les jeunes de 15 à 20ans. Il revêt deux aspects etest accompli d’une part parle pasteur Werner Habeggeret d’autre part par le théolo-gien Emmanuel Schwab.Le premier aspect consisteen une formation à la res-ponsabilité: des jeunes desparoisses qui ont terminéleur catéchisme s’engagentà suivre une année de for-mation pour devenir moni-teurs de catéchisme et decamps de catéchisme, ani-mateurs dans des groupesde jeunes. En devenanttémoins de la foi pour leurs

camarades, les jeunes vontainsi continuer leursrecherches spirituelles. Ilsvont s’interroger, se docu-menter et approfondir leursconnaissances, leur caté-chisme. Ils apprennent éga-lement à animer un groupetout en respectant les opi-nions des autres, à débattredes convictions de chacun, àétablir et respecter les règlesde vie communautaire, àconduire un moment derecueillement, à organiserun camp et à assumer destâches pratiques.Le second aspect du travailde l’Aumônerie cantonalede jeunesse se déroule dansles écoles secondaires supé-rieures. Les directionsd’école – en particuliercelles des écoles profession-nelles – ont montré ungrand intérêt à l’égard despropositions de l’EREN. L’aumônier propose ainsides animations dans lesclasses abordant différentsthèmes tels que l’éthiqueéconomique, la préventioncontre les sectes, l’évalua-tion de son parcours de vie

superficiel et agité, l’Au-mônerie cantonale de jeu-nesse non seulement permetà des jeunes de se former àla responsabilité, mais leuroffre en outre le tempsd’une réflexion plus appro-fondie afin de favoriserchez eux un mieux-vivre enharmonie avec eux-mêmes,avec les autres et avec Dieu,bref de les préparer à deve-nir véritablement adultes etresponsables.

Pour le Conseil synodal:Christine Mauler ■

ou l’interruption volontairede grossesse. Il rencontreenviron 200 jeunes chaqueannée. C’est toujours l’oc-casion de discussions en-richissantes et passionnéessur des questions éthiques etspirituelles. Les jeunes sontencouragés à définir uneposition de vie tenant comp-te des autres. Ils apprennentà s’exprimer de manièreconstructive, à se fairereconnaître, mais aussi etsurtout à accepter quel’autre ait un avis différent.Dans un monde hyper-médiatisé, toujours plus

Une Aumônerie cantonalede jeunesse… dans quel but?

Pho

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AAnnttooiinneettttee SStteeiinneerrPasteure suffragante à

Corcelles-CormondrècheUne colère récente- Contre la suppression de l’arrêt des trainspour La Chaux-de-Fonds en gare de Corcelles-Peseux. C’est fou ce que c’est utile des trainsqui, pour gagner du temps, ne s’arrêtent plusnulle part...L’autre métier que vous auriez aimé exercer?- Sage-femme.Le personnage avec qui vous passeriez volon-tiers une soirée?- Georges Brassens. Un projet fou que vous souhaitez réaliser?- Voir la forêt tropicale sans la déranger, mêmeun petit peu. Ce que vous détestez par-dessus tout?- Entre autres, le «jelly», ce pudding anglaistransparent vert ou rouge.Qu’est-ce qui est important?- Les relations vraies et la capacité d’émer-veillement. Qu’est-ce qui vous fait douter?- Lorsque je sens que l’indifférence s’installe(chez moi ou chez les autres).Votre recette «magique» quand tout va mal?- L’ironie, je crois.Trois mots que vous voudriez dire à Dieu?- Je suis trop bavarde pour me contenter de troismots. Je lui dirais au moins deux phrases:«Merci pour la vie» et «Merci pour ta patiencetoutes ces fois où je ne te comprends pas».Si vous étiez un péché?- Quelle question! Bon... Si l’impatience estun péché, je serais l’impatience. Votre principal trait masculin?- Le désordre.

Sans phrases

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l’avis protestant

Au retour de vacances, les bronzages rivalisent entre eux et la questionfuse: avez-vous bronzé idiot? Non, pensez-vous; personne ne bronze idio-tement. Sachez-le bien, sur la plage, on lit, on bouquine, on papote avecdes amis, on se repose et on se protège du soleil, mais bronzer pour bron-zer, jamais ou… si peu!Les conséquences en tout cas ne sont pourtant pas les mêmes pour leshommes que pour les femmes.À quoi peut faire penser un homme bronzé? A un travailleur, qui sue,torse nu au soleil, ou à un aventurier qui a sur lui les traces concrètes deses lointaines pérégrinations. Cuir tanné par le soleil, Messieurs, vousincarnez le séducteur par excellence, qui au détour d’une rue, emballetoutes les belles jambes qui passent. Mâles déambulant dans les rues deSaint-Trop ou de Sainte-Maxime, vous êtes derrière vos lunettes noires,un simulacre de celui qui œuvre, jouant à plein pot la référence, la vedette.Mais vous n’avez que la peau pour paraître, et en plus de cela sans être.D’un autre côté, vous facilitez considérablement la tâche en donnant àmerveille la distance qui sépare les modèles de l’émule.A quoi peut faire penser une femme bronzée? A une minette! A la femmemoderne, qui a laissé navet, côte de blette ou endive dans les cuisines depeur d’être contaminée par leur blancheur immaculée. Cette femme, quicraint par-dessus tout de faire fuir le mâle zébron vers de nouveaux cuirstannés à la crème bronzante indice 60 en rupture de stock dans tous lesdiscounts. Bilan des courses: plus personne n’est à l’intérieur, et bébé a intérêt à êtreun spécimen très précoce pour avoir un repas différencié en glucides,lipides et protides au cours de sa semaine. Eh oui, maman bronze et papatravaille en déambulant devant maman ou… les amies de maman! Voilà où s’est joué le loft de l’été 01 où pour être vaillant, il faut paresserau masculin ou au féminin. Finalement, le loft ne nous a rien appris quenous ne savions déjà! Il fut un temps pourtant où le bronzage était un symbole important; onbronzait le métal à l’huile de coude pour donner à l’objet un aspect étince-lant. Voltaire parlait de bronzage à propos des voyages des marinsqu’accomplissaient les hommes! On parlait même de bronzer les âmespour signifier la splendeur de celui qui devenait maître de lui. Il ne seraitpas complètement idiot de réintroduire ce genre de bronzage. Seulementvoilà, les candidats à ce loft-là seront-ils aussi nombreux?

Guy Labarraque ■

Neuchâtel

Au bronzage! Prêts? Feu!

L'Eglise réformée de langue française en Argoviemet au concours le poste de

diacreEntrée en fonction: date à convenirLieu de travail: ArgovieEngagement: 50–75 %Renseignements et candidatures:M. Béat Gretener, Signalstrasse 35, 5000 Aarau, tél.: 062 824 04 06www.ref.ch/eglise-argovie/eglise.html

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«Afin de protéger la sécurité et lebien-être général de la ville et deses habitants, chaque chef defamille est tenu de posséder unearme à feu chargée.» Telle estl’ordonnance publiée par la villede Virgin, Utah (US), début sep-tembre. On connaissait l’engoue-ment douteux du bon peuplericain pour le droit inaliénable àl’autodéfense. On savait les auto-rités laxistes, noyautées qu’ellessont par l’incontournable lobbydes armes. On a vu et revu la têtede cow-boy Marlboro de «dob-bleyou», l’homme-le-plus-puis-sant-du-monde. Mais de là à exi-ger le flingue sous l’oreiller… onreste perplexe. Et lorsqu’un boncitoyen nous dit: «Quand, à uneheure du matin, vous entendez dubruit dans votre maison, il est ras-surant d’avoir son arme à portéede main, on ressent une certaineprotection», on a envie de luiconseiller plutôt de sucer sonpouce et de serrer bien fort sonours en peluche: c’est moins dan-gereux… pour lui !

Il s’appelait Julio AntonioElicegui, et on le surnommait«L’express d’Irun». Cet Espagnolde 91 ans vient de rendre l’âme.Son titre de «gloire»: il fut, en1933, le footballeur le plus cherde la planète. L’Athletico deMadrid l’avait alors acquis pourl’équivalent de... 480 francssuisses, et son salaire mensuels’élevait à... 15 de ces mêmesfrancs! Certes, c’était il y a sep-tante ans, et le coût de la vie arégulièrement augmenté depuis.De là à intégrer que les petits-enfants des Madrilènes del’époque viennent de débourser...130 millions de francs pour lebrave Zidane, il y a un bond quemême l’inflation la plus galopan-te ne saurait expliquer! Le poidsdes maux, le choc des chiffres...

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l’avis protestant

Le Locle

La maquette et la vieMoi qui suis un enfant de Boudry, quand je passe par là ces temps-ci, jesuis impressionné: j’ai joué dans ces forêts où se creuse maintenant lanouvelle route. Ces terrains en chantier, c’étaient nos territoiresd’Indiens, nos étendues sauvages. Pour moi, la grande route, c’est lepont actuel; jamais je n’aurais pu imaginer un autre tracé, aussi auda-cieux. Mais dans cinq ans, les mômes de la région auront intégré ce quibouleverse mon entendement.Je compare EREN 2003 à cette nouvelle route: une nouvelle organisa-tion d’Eglise, de nouvelles façons de travailler ensemble; pour une cir-culation d’Evangile fluidifiée. La maquette de cette EREN 2003, ceque cela donnera, comment on y arrivera: nous avons voulu vous laprésenter, à vous paroissiens de notre district. Et nous avons invité laprésidente du Conseil synodal, Madame Isabelle Ott-Baechler, à venirrépondre à vos questions. Ce sera lundi 5 novembre, à 20h au collège de La Chaux-du-Milieu.Réservez cette date, importante pour la formation de votre opinion surnotre Eglise en route.

René Perret ■

Entre-deux-lacs

Manger à l’égliseOn mange à l’église!!! Mais qu’y mange-t-on? La paroisse duLanderon, de par les cours Alphalive, aura bientôt la médaille d’or can-tonale en matière d’organisation des repas. Qu’est-ce qu’on mange!C’est tellement convivial et générateur d’amitié et de nouveauxcontacts. Dans notre paroisse, on ne peut pas mourir de faim, tellementon mange.Mais il existe un autre repas assez particulier, très modeste, qui meubleles menus paroissiaux. C’est le repas du Seigneur. La sainte cène. Lepain rompu et la coupe de vin distribués à chacun. En tant que croyant,le repas du Seigneur est vital pour notre harmonie spirituelle. C’estvraiment dommage de s’en priver ou d’en abuser. Jésus dit: «Je suis lepain vivant venu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pourtoujours. Le pain que je donnerai, c’est ma chair; Je le donne afin quele monde vive» (Jean 6, 51). La sainte cène est: un repas de l’alliance;un repas de communion, un repas de proclamation, un repas d’espéran-ce; un repas de puissance.- Buon appetito! Guten Appetit!Réfléchir à la sainte cène, c’est en vue de sa revalorisation, de sameilleure compréhension. C’est une invitation à la Table du Seigneurqui préfigure une cène sans cesse dans la présence de Dieu. En effet,dans le royaume de Dieu, la réalité de la cène est accomplie. Nous pou-vons voir sa permanence et son éternité.Pour nous aujourd’hui, il est capital de discerner toujours le corps et lesang de Christ. La sainte cène ne saurait être un acte religieux ou mys-tique, mais un acte de bénédiction. Mettons-nous à table et mangeons ensemble le repas du Seigneur pourne pas mourir de faim spirituelle.

Guillaume Ndam Daniel ■

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«Pourquoi est-ce que celam’arrive à moi? Commenten suis-je arrivé là?»: quid’entre nous, confronté àune difficulté de l’existence,ne s’est pas posé ces ques-tions, un jour ou l’autre?Une série d’autres interroga-tions suit alors, traduisanttantôt notre révolte, notresentiment d’impuissance oude culpabilité, tantôt unerecherche plus profonde,plus essentielle: «Qu’est-ceque cela signifie pour moi?La vie, ma vie a-t-elle unsens? Ou quel sens prend-elle?» Devant la perte d’unproche par exemple, ou enaffrontant soi-même unemaladie grave, invalidante,un tel questionnement surgitpresque immanquablement.Mais ce sont aussi des inci-dents de la vie quotidiennedont l’addition suscite lesmêmes interrogations: cesgrains de sable qui coincentnos relations, ces événe-ments qui se répètent surnotre chemin, ces schémasde comportement («Je nepeux pas m’empêcherde…») qui se révèlent ineffi-caces. Ces incidents, toutcomme les questions qu’ilssoulèvent, doivent être com-pris comme des impulsionsqui nous poussent sur le che-min de notre croissance per-sonnelle. Arrivés à l’âgeadulte, des tâches de déve-loppement restent à tra-vailler si nous voulons assu-mer la responsabilité denotre vie personnelle, etdevenir qui nous sommes en

tion. Dans chacune de nosexpériences, on l’oublie tropsouvent, c’est le corps quiest d’abord concerné. Mêmesi nous n’en sommes pastoujours conscients, il est aupremier plan dans notremanière de communiquer etd’être en relation, et il réagitinstantanément à toute solli-citation physique, psychiqueet émotionnelle. Si nous ysommes attentifs, il se révèleêtre le premier informateurde tout ce qui nous arrive.Nos modes de vie et notre

trouver ce qui lui convient,ce qui sera de bons outils,c’est-à-dire les instrumentsd’un changement authen-tique, et non des placebosservant à conforter nos habi-tudes, à fixer notre percep-tion du monde et des autres.C’est dire aussi s’il faut ducourage et de la persévéran-ce, car la transformation estlente, les résistances bienancrées… L’intérêt du jeu degestes est qu’il allie un tra-vail d’expression du corps etune recherche d’explicita-

réalité, plutôt que de resterconditionnés par nos désirset les injonctions de lafamille, du milieu profes-sionnel ou de la mode.

Se laisser interpeller«Mais pourquoi est-ce quecela m’arrive? Commentcela s’est-il passé?»: pren-dre ces questions au sérieuxplutôt que de se laisser en-traîner dans le cercle vicieuxde la «victimisation», c’estdéjà se mettre en route verssoi-même. De même, consi-dérer une expérience extra-ordinaire avec objectivité,c’est se laisser interroger parla petite voix de l’être essen-tiel, selon K.G. Dürckheim,la voix du Soi, pour Jung.Cette petite voix de nosremises en question, de nosrêves et de nos intuitionsnous engage sur le cheminde notre individuation. Quenous dit-elle? Que nous nedevons pas nous laisserréduire à ce que le monde etles autres veulent que noussoyons, que nous pouvonsne pas nous laisser déprimerpar des relations conflic-tuelles, que nous pouvonsvraiment nous relier à ce quinous dépasse, et qu’il faut«ne jamais cesser de cher-cher à devenir ce que detoute éternité en Dieu, nousavons toujours été» (MaîtreEckhardt).

Se mettre en cheminIl y a de multiples moyensde travailler à devenir soi-même, et c’est à chacun de

ouverture

Le jeu de ggeesstteess, une approche globale du développement personnel

A un moment ou à un autre, «quelque chose» pousse en nous. Il peut s’agir d’un agaçement, d’une souf-france, d’un mal-être, d’une vraie difficulté dans notre relation à quelqu'un ou à quelque chose. Il peuts’agir aussi d’une expérience extraordinaire, d’ordre spirituel, qui nous donne, l’espace d’un instant, uneouverture sur le divin en nous. Simple, accessible à tous, le jeu de gestes favorise la prise de consciencede nos travers relationnels, mais surtout de cette parcelle divine présente en chacun de nous.

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éducation nous ont malheu-reusement amenés à séparercorps et pensée, et nousnous retrouvons ainsi sépa-rés de nous-mêmes. Ce tra-vail corporel spécifiquenous réunifie en nous récon-ciliant avec nos contraires etnos contradictions.

Le divin en soiLe jeu de gestes a été élabo-ré par Silvia Ostertag qui aété l’élève puis l’assistante

de Karlfried Graf Dürck-heim. Les diverses tech-niques de travail corporelqu’il a développées (assiseen silence, Leibtherapie)dans son Centre de Rütte(Allemagne) ont tout natu-rellement influencé le jeu degestes. Il s’agit d’un langageuniversel composé de sixgestes originels que nousutilisons dans la vie couranteet que nous pouvons recon-naître partout. Avec le jeu degestes, chacun des six gestesa un caractère clair, tradui-

sant une attitude aussi bienphysique qu’intérieure, com-me par exemple le refus,l’attente ou l’ouverture.Dans leur mouvement, ilsdémontrent comment sedéveloppe notre rapport àquelqu’un, à quelque chose,à un événement, à notreenvironnement; chacun deces six gestes peut égale-ment exprimer l’émergenced’un comportement inté-rieur. Ces gestes à caractère

originel nous viennent del’Antiquité grecque. Audébut du XXe siècle, RudolfSteiner, Margaret Morris ouIsadora Duncan ont retrouvéces techniques corporelles;ils les ont alors développées,chacun à sa manière, dans lamouvance liée à la nouvelleprise de conscience del’importance d’un corpsbridé et carapaçonné par lesrègles bourgeoises de labienséance du siècle précé-dent.Entreprendre un développe-

ment personnel avec le jeude gestes permet donc desexpériences nouvelles, d’au-tres possibilités d’être etd’agir dans des situationshabituelles. Par ce travail surles obstacles et les souf-frances amenant à la re-cherche du divin en soi, ondéveloppe également saconscience. C’est en celaque ce travail est initiatique(au sens de initiare: condui-re vers), parce qu’il amènevers le secret de soi-même,vers cette part de nous quenous aspirons toujours plusou moins consciemment àretrouver. L’aspect ludiquefait encore la différence:jouer, c’est entrer vraimentdans ce que l’on fait commel’enfant vit son jeu, c’estaussi rire, s’amuser, et aprèsavoir identifié les schémasde comportement qui fontobstacle, on peut s’essayer à

de nouvelles manières d’ê-tre, expérimenter qui noussommes réellement. A cha-que fois, c’est notre corpsqui le manifeste, puis onexplique ce qu’on a vécu,ressenti.Avec le jeu de gestes, il nes’agit pas de trouver uneréponse définitive à notrequestionnement intérieur.Par le processus de transfor-mation dans lequel il nousengage, ce travail corporelspécifique permet d’élargiret d’approfondir la compré-hension de ce qui nous arri-ve. Il augmente aussi sensi-blement la perception quenous avons de notre langagenon-verbal (et de celui denos interlocuteurs). Il est unsupport dans notre dévelop-pement en tant que person-ne, et nous rend plus vivants,créatifs, authentiques.

Elisabeth Robert ■

ouverture

Et si vous essayiez?Le centre du Louverain vous propose de découvrir active-ment le jeu de gestes en compagnie d’Elisabeth Robert.Pour cet hiver, un cycle de trois rencontres est prévuautour des principaux thèmes de l’année liturgique. 24 novembre 2001: Attachement - détachement. Ap-prendre à abandonner ce qui nous encombre affective-ment et émotionnellement pour être dans l’instant, etaccueillir ce qui vient.26 janvier 2002: Naître, vivre et mourir. Éprouver ethonorer les forces de la vie, pour affronter consciemmentles craintes, les révoltes et les tristesses liées à la mort.23 mars 2002: Se quitter. La plupart des séparations sontdouloureuses, mais pourquoi? Il est possible de se quitterpour un moment ou pour toujours, sans blesser, sans êtredéchiré.Indications pratiques: chaque session peut être suivie individuellement; horai-re: 9h30-17h; prix: 100.- par rencontre, repas compris;forfait pour les trois journées: 270.-Renseignements: tél. 021 646 58 56; e-mail: [email protected]: Centre du Louverain, 2206 Les Geneveys-sur-Coffrane; fax: 032 857 28 71; e-mail: [email protected]

Envie d’en savoir davantage? Consultez également le site: www.jeu-de-gestes.ch

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le savez-vous?

«Au camp, je ne pleurais plus»

La Vie protestante:Auschwitz, Dachau, Buchen-wald... Qu’évoquent cesnoms pour vous?Léon Reich: J’ai vécu laréalité des camps de concen-tration. Mais le pire pourmoi, c’est un épisode vécuen avril 1942 avec ma mèreet ma nièce de deux ans etdemi. Nous étions cachésdepuis plusieurs jours dansune mansarde avec plus devingt personnes juives,quand un commando alle-mand est arrivé pour fouillerla maison. Nous étions pétri-fiés, craignant que l’enfantne se mette à pleurer et révè-le notre refuge. Alors, mamère a dû décider d’étoufferelle-même sa petite-filleavec un coussin. Je revoisencore ses yeux. Aucun mot

ne peut exprimer l’horreurd’un tel moment. Heu-reusement, les soldats sontrepartis et nous avons puréanimer la petite Sarah.Pour moi, cette image d’unegrand’mère qui doit étouffersa petite-fille, comme cellesde la séparation des enfantsde leurs parents, est pire quecelle des chambres à gaz.VP: Vous diriez que tout estrelatif!L.R.: Dans la vie, je me disque cela peut toujours allerplus mal. Une situation dif-ficile peut toujours ressem-bler au paradis en regard dupire. Le camp de concentra-tion de Blechhammer étaitun «paradis» par rapport àce que nous avons vécu àcelui de Seibersdorf. Au-jourd’hui, les gens devraient

prendre conscience du bon-heur que c’est de vivre dansun pays libre où chacun peutdonner le meilleur de soi.VP: Comment avez-vous étéarrêté?L.R.: Comme enfant enPologne, j’ai toujours vécul’antisémitisme. A l’écolepublique, je dois à mescamarades d’avoir fait debons résultats: comme ilsme battaient chaque jourparce que j’étais juif et quej’avais «tué Jésus», j’ai sur-passé ma faiblesse physiquepar le travail de la tête. En1938, la famille de mononcle a débarqué: ilsfuyaient Berlin! Dès ledébut de la guerre, lesrumeurs sur l’attitude del’envahisseur provoquèrentle départ des familles juivesdu village. Nos maisons et lasynagogue ont été incen-diées quelques jours plustard. Des lois discrimina-toires ont été progressive-ment introduites contre lesjuifs: port obligatoire del’étoile jaune, enrôlementpour les travaux de déblaie-ment de la neige, interdic-tion d’utiliser les transportspublics... et finalement lesghettos. Nous vivions dansla peur. Les razzias ont com-mencé, prétenduement pournous enrôler dans des campsde travail. Mon père a étéembarqué dans un camionfin 1942 et emmené vers«l’inconnu»: un être humainnormalement constitué nepeut pas imaginer l’extermi-

nation par le gaz. Ce furentmes dernières larmes. Enmars 1943, j’ai été arrété àmon tour et expédié encamp de travail: j’avais 17ans. Au camp, je ne pleuraisplus. Cette fonction naturellene me reviendra qu’aumoment de la libération.VP: Voyez-vous aujourd’huiquelque chose de positifdans ce que vous avez vécu?L.R.: Je vous donne encoreun souvenir: vers la fin de laguerre, les bombardementsalliés avaient creusé unimmense cratère juste à côtédu chemin où nous passions.Un jour, malgré tout, unepetite pousse s’est mise àgermer en quête de lumière.Puis d’autres plantes sontapparues. Pour moi, c’étaitun signe et je ne passaisjamais par là sans jeter uncoup d’œil au cratère.J’ai appris à chercher lepositif dans ce que je vis.Même une souffrance peutêtre positive. En fait, toutdépend de la manière donton entreprend sa vie. Laguerre m’a empêché de fairedes études. En arrivant àBuchenwald, j’étais inca-pable de signer le papierd’entrée. Quand je pense àtout ce que j’ai réussi à fairepar la suite, c’est incroyable.Aujourd’hui, mon entreprisecommercialise des produitshigh-tech dans le mondeentier.VP: Les camps n’ont pasruiné votre vie?L.R.: Pour répondre à cette

Le 11 avril 1945, Léon Reich a été libéré du camp de Buchenwald par les troupes américaines.Emprisonné à Blechhammer, camp de concentration fusionné à celui d'Auschwitz en 1943, il survivra auxtravaux forcés et à la «marche de la mort» menée par les nazis pour vider les camps. Après ces annéesde captivité, il ne pesait plus que 29 kilos. Aujourd'hui, cet industriel de 75 ans dirige une usine à Ipsach,près de Bienne: sous une bonhomie évidente transparaît l'énergie d'un entrepreneur inventif. Mais aussila sagesse de ceux qui ont vécu l'inconcevable. Léon Reich parle posément de ce qu'il a vécu, avec rete-nue. En bras de chemise, il raconte... Sur son bras, les chiffres «178453» restent imprimés dans la chair:cela fait cinq ans qu’il accepte de parler.

Photo: P. Bohrer

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le savez-vous?

question, je vous racontel’histoire d’un chômeur enquête de travail. Un jour, laparoisse lui refuse l’emploide sacristain parce qu’il nesait pas écrire. A la sortie del’entretien, déçu, il cherche àacheter des cigarettes. Etvoilà qu’il tombe sur unpetit magasin désaffecté. Ilparvient à le reprendre poury vendre à son tour des ciga-rettes et des bonbons.L’affaire lui rapporte quel-ques sous, puis prospère aupoint qu’un jour, le directeurde la banque lui propose defaire travailler son argent.Au moment de signer lespapiers, notre homme avouene pas savoir écrire. Le ban-quier interloqué lui demandealors: «Mais qu’est-ce quevous seriez si vous saviezécrire?» Il lui répond: «Ehbien, je serais sacristain!»A cause de la guerre, je nesuis pas devenu ingénieur,mais j’ai acquis d’autresqualités dont j’ai pu profitertout au long de ma vie.VP: Est-ce que vous avezmis longtemps à pensercomme cela?L.R.: C’est allé très vite.C’était pour moi assezlogique. Je trouve que lesgens réfléchissent finale-ment trop peu. Ce qui m’asauvé la vie plus d’une fois,c’est une certaine capacité àanalyser les situations, àobserver. A Buchenwald,j’étais dans une baraque des-tinée aux malades. Les nazissélectionnaient chaque jourcinquante détenus pour leurfaire des injections, qui serévélaient mortelles. Enobservant le stratagème, j’aipu échapper à la mort. Latragédie nazie a montré àquel point il est dangereuxd’obéir sans se poser dequestions. On suit les ordressans analyser par soi-mêmece qui est juste et ce qui estfaux: c’est tout le drame!VP: Vous avez pu redémar-rer tout de suite à la sortiedu camp?L.R.: Oh non! Nous étions

incapables de la moindrevolonté. Longtemps, noussommes restés dans unesprit de servilité totale. J’aiété longtemps malade. Cen’est qu’après deux ans quej’ai repris ma formationd’horloger. En une année,j’ai absorbé le programmede quatre ans. J’avais telle-ment soif d’apprendre!VP: Est-ce que vous êtesretourné sur place?L.R.: Oui, avec ma femme.Auschwitz m’a laissé com-plétement froid. Buchen-wald aussi. On n’arrive plusà imaginer ce qui s’est passélà-bas. Les baraques sontdétruites, tout est vide...Certains camps, commeBergen Belsen, ont mêmeété rasés après la guerrepour des raisons futiles desécurité sanitaire. On dit quesix millions de juifs ont ététués. Mais que veut dire cechiffre? On ne peut pas ima-giner ce que cela représente.Six millions... Représentez-vous six millions de photo-graphies qu’on regarde dixsecondes à raison de huitheures par jour: il vous fau-dra cinq ans et neuf moispour les voir toutes. Est-cequ’en dix secondes, on peuts’imaginer ce qu’il y a der-rière une image? Voilà pour-quoi les survivants ont craintde parler aussi longtemps:comment raconter l’incon-cevable?...VP: Cela pose le problèmede la mémoire. Commentaujourd’hui garder unetrace de ce qui s’est passé?L.R.: On aurait dû beau-coup mieux conserver ceslieux, voire même lesreconstruire pour montrercomment c’était réellement.Des endroits comme YadVashem, en Israël, sontextrêmement utiles. Il fautque le mémorial prévu àBerlin se fasse. L’êtrehumain a peu d’imagination.Nous-mêmes, nous avionstellement de peine à imagi-ner que le peuple allemand,si cultivé, si avancé scientifi-

quement et techniquement,soit capable d’une chosepareille. Il est incroyable quepar l’éducation et l’endoctri-nement, on puisse faire croi-re que le pire peut être unebonne chose... Malheureu-sement, je constate quel’humanité n’a rien apprisdu passé: quand, parexemple, des parents accep-tent de sacrifier leurs enfantscomme bombe humainedans des actes de terrorisme.Parfois, je doute que leshumains aient un véritableintérêt à savoir la vérité. Lesgens se laissent encore telle-ment manipuler...VP: Les camps sont des

lieux d’horreur. Pour vous,qu’est-ce qui représente àl’inverse, un lieu de libertéet de paix?L.R.: Pour moi, c’est lafamille. C’est là qu’unesociété de justice et de liber-té peut se construire. L’êtrehumain est bien davantagebon que mauvais: le reste estquestion d’éducation.

Propos recueillis par Cédric Némitz ■

Photo: L. Borel

Photo: P. Bohrer

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le savez-vous?

Passage de témoin aux GBEULes GBEU, acronyme de Groupes bibliques des Ecoles et Universités, vous connaissez? Nombre d’actuelsadultes en ont fait partie au moment de leur jeunesse; et nombre de jeunes continuent aujourd’hui à les ani-mer. Le siège de la section romande de cette organisation est à Neuchâtel. Frédéric Siegenthaler en a été lesecrétaire durant près d’une décennie; Janine Bueche vient de lui succéder. Rencontre.

La Vie Protestante: Dequelle initiative, dans quelsbuts, et avec quels moyenssont nés les GBEU?Frédéric Siegenthaler:Partis d’Angleterre à l’entre-deux guerres, les GBEUsont nés en 1932 à Genèveet Lausanne à l’initiatived’étudiants qui avaient enviede créer par eux-mêmes desgroupes ouverts à tous. Leurbut était de se retrouverentre étudiants de différentesdénominations autour de laBible et d’y confronter leurfoi à l’enseignement reçudans leurs écoles. En carica-turant, on peut dire que lesétudiants de tradition réfor-mée y apportaient leursérieux intellectuel et recher-chaient plus de dynamismeet de fraîcheur dans leur viespirituelle, alors que les étu-diants de sensibilité évangé-lique venaient y poser lesquestions trop dérangeantesdans leur milieu, mais enri-chissaient les discussionspar leurs connaissances

besoins de la jeune généra-tion et d’une stratégieconsciemment pensée: nousavons émondé ce qui n’étaitplus adéquat et affermi lecœur de notre ministère, àsavoir les groupes dans lesécoles, la prière, la forma-tion et la responsabilisationdes étudiants. J’ai constatéqu’il vaut la peine de faireconfiance à des jeunes lors-qu’ils sont bien formés, et aiété impressionné par leurmotivation et leur dynamis-me qui compensent large-ment leur immaturité. VP: Les GBEU ont-ils unavenir? Lequel?Janine Bueche: Oui! Sinonnous ne devrions pas enga-ger de personnel! L’augmen-tation des sectes de tousbords est le reflet de la quêtede sens toujours plus répan-due en réaction au matéria-lisme et à l’hédonisme ré-gnant sous nos latitudes. Lajeune génération actuelle vitsans but ni avenir. Sous leursallures souvent arrogantes,les jeunes cherchent à êtreaimés, à trouver des adultescapables de leur communi-quer des valeurs crédibles etdignes d’être vécues. Unefoi chrétienne plausible ettraduite dans des actesconcrets fait partie de ce quipeut leur redonner espoir etgoût à la vie.VP: Quels sont les pointssur lesquels vous allezconcentrer votre attention?J. B.: Mon premier défi estde trouver des nouveauxcollaborateurs compétents etmotivés, de leur offrir unsoutien personnel et de lesformer à leur tâche tout encréant un esprit positif dans

l’Eglise catholique jus-qu’aux Eglises pentecôtisan-tes, en passant par les ortho-doxes: une sorte d’œcumé-nisme de base pour ap-prendre le respect mutuel etla complémentarité desEglises! Pour former les ani-mateurs de groupes et soute-nir cette dynamique, uneéquipe de huit collaborateursà temps partiel couvre laSuisse romande. Notre prin-cipal projet actuel est ledéveloppement de notre pré-sence parmi les jeunes pro-fessionnels, justement pourfavoriser le passage de la vieestudiantine au monde dutravail. Nous participonségalement depuis deux ans àla rédaction d’un magazinepour les jeunes de 15 à 25ans du nom de «Just 4U».VP: Quel bilan tirez-vous dela décennie que vous avezpassée à la tête des GBEU?F. S.: C’était une préparationidéale au ministère pastoralque je vais entreprendredans l’Eglise réformée fri-bourgeoise. Il y a chez lesétudiants d’aujourd’hui à lafois plus d’intérêt pour unedémarche spirituelle chré-tienne et pour la découvertede la Bible, et plus deméfiance pour tout ce quiest religion trop organisée,que ce soit celle des Eglisesofficielles comme celle dessectes. Les GBEU, avec leurpetit côté «provoc et under-ground», sont peut-être plusaccessibles aux jeunes.D’ailleurs, deux fois plusd’étudiants fréquentent nosgroupes qu’il y a dix ans!Cette croissance n’est pas lefruit du hasard mais celuid’une évolution dans les

bibliques et la foi de tous parleur enthousiasme. Une heu-reuse complémentarité...quand tout se passait bien!Evidemment de tels groupessont difficilement contrô-lables de l’extérieur et vitesuspects de dérapages. Maisla motivation était coriace etla formule dure toujours.VP: Les GBEU, pratique-ment, cela signifie quoiaujourd’hui?F. S.: Présents dans toute laSuisse romande (sauf leValais), les GBEU comptentenviron 600 étudiants,apprentis ou jeunes filles aupair se réunissant hebdoma-dairement dans une cinquan-taine de groupes, surtoutdans les lycées et les univer-sités. C’est un complémentbienvenu aux groupes dejeunes paroissiaux et auxaumôneries. Ce qui nousdistingue, c’est que ce sontles étudiants eux-mêmes quiassument l’animation deleur groupe. D’autre part, lesparticipants sont issus de

Photo: L. Borel

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le savez-vous?

notre équipe de huit collabo-rateurs. Je veillerai aussi à ceque l’ouverture interconfes-sionnelle soit préservée dansles différents groupes et queles objectifs principaux desGBEU, à savoir l’évangéli-sation, la formation et laréflexion, soient toujours ànouveau mis en œuvre. Jechercherai à encouragerl’établissement de pontsentre les générations «aufront» et celles soutenant lesGBEU. Le projet de parrai-nage lancé par Foi en Débat,notre ministère parmi lesprofessionnels, fournit unetelle occasion de développerdes liens: jeunes et moinsjeunes se rencontrent par lebiais d’un accompagnementoffert par des professionnelsexpérimentés à de fraisdiplômés. Je m’attacheraiaussi à entrer en contactavec différentes Eglises etcommunautés pour les infor-mer de notre travail et déve-lopper des relations ouverteset constructives.VP: Y a-t-il des projets pré-cis que vous allez tenter deréaliser?

18 et 14 ans, je suis sensibleà leurs questions et à cellesde leur génération. Cela memotive à m’investir dans uneorganisation dont je suisconvaincue qu’elle répond àde réels besoins dans lesmilieux scolaire, universitai-re et professionnel. Je meréjouis aussi des collabora-tions qui prendront forme àl’avenir avec les aumônerieset les paroisses qui le sou-haiteront. Nos ministèressont complémentaires et enaucun cas concurrents. Etantmoi-même fille de pasteurréformé, j’y tiens beaucoupet je veillerai à ce que celasoit bien le cas.

Propos recueillis par Laurent Borel ■

Nous sommes aussi mem-bres d’un mouvement àl’échelle mondiale, l’IFES,présent dans 140 pays, etcertains projets internatio-naux (des camps parexemple, ou des parrai-nages) verront sans doute lejour ces prochaines années.VP: Qu’est-ce qui vous amotivée à poser votre candi-dature pour ce poste?J. B.: De retour à Neuchâtelaprès 18 ans passés enSuisse allemande, j’étais à larecherche d’un emploi quisoit plus qu’un simplegagne-pain. J’ai été moi-même très engagée auxGBEU durant ma vie d’étu-diante puis j’ai continué àsoutenir ce mouvement dediverses manières. Etantmère de deux adolescents de

J. B.: Etant en phase de«démarrage» de mon minis-tère, il m’est difficile de son-ger déjà à de nouveaux pro-jets. Je souhaite assurer unecertaine continuité à la viedu mouvement en poursui-vant dans la mesure du pos-sible ce qui se fait déjà. Jesuis très intéressée par leministère de Foi en Débatqui est encore en phasepionnière, et j’appuierai lesefforts du collaborateur etdes volontaires qui s’yinvestissent sans compterdepuis quelque temps déjà.Je suis ouverte à de nou-velles collaborations au furet à mesure qu’elles se pré-senteront. Par exemple, jeme tiens au courant du pro-gramme des Eglises «Unange passe» à Expo.02 etverrai dans quelle mesuredes étudiants des GBEUpourraient y apporter leursoutien bénévole par leurprésence sur le stand. Je suiségalement à l’écoute de cequi se passe dans le corps duChrist en Suisse romandeainsi que chez notre parte-naire alémanique, les VBG.

Petit lexique des abréviations mystérieuses que vous trouverez dans cet article:

* les GBE, c’est - des groupes qui se réunissent réguliè-rement dans leurs écoles pour partager leur foi et leursquestions autour de la Bible, qui vivent des temps dedétente, des week-ends ou des camps (ski ou autres);* les GBU, c’est - des groupes qui se réunissent réguliè-rement dans leurs universités ou leurs écoles supérieurespour étudier la Bible en relation avec leurs études, quivivent des temps de détente, des week-ends ou desvoyages;* Foi en Débat, c’est - la continuation de ce qui précèdesous forme de réflexion sur des thèmes d’actualitécomme pour cet automne le «mobbing», des week-endsde ressourcement ouverts à toutes les professions et unprogramme de parrainages de jeunes professionnels pardes aînés expérimentés;* Les VBG, c’est - l’organisation sœur des GBEU enSuisse alémanique (Vereinigte Bibelgruppen in Schule,Universität und Beruf) remplissant le même ministèredans les milieux scolaire, universitaire et professionnel;* L’IFES, c’est - l’organisation faîtière réunissantquelque 140 mouvements dans le monde (InternationalFellowship of Evangelical Students);* Le Rachy, c’est - un super chalet de 27 places à loueraux Diablerets: qu’on se le dise!

Si vous désirez en savoir plus sur les GBEU, n’hésitezpas à les contacter! Ils sont établis à la Rue des Sablons32, à Neuchâtel; leur téléphone est: 032 725 20 50.

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le savez-vous?

D ü r r e n m a t t e t l a f o i p r o t e s t a n t eFriedrich Dürrenmatt, l’écrivain suisse alémanique qui a habité de 1952 à 1990 dans les hauteurs deNeuchâtel, s’est constamment confronté aux questions religieuses. Que ce soit dans ses pièces dethéâtre, ses romans ou ses écrits théoriques, sans cesse surgissent des réflexions sur Dieu, sa grâceet sa colère, sur l’être humain et sa religiosité, sur les tensions entre la foi et le doute, sur la culpabili-té, l’expiation et le pardon, etc. De même, dans ses tableaux et dessins, les motifs bibliques (de la tourde Babel à l’Apocalypse, en passant par la crucifixion et la résurrection du Christ!) figurent en bonne etdue place à côté des multiples scènes de la mythologie grecque. Comment faut-il comprendre cetteomniprésence des thèmes religieux chez Dürrenmatt, lui qui s’est parfois présenté comme un athéedans ses dernières années? Qu’est-ce qui le pousse à reprendre sans cesse ces questions?

Dès le départ, ce queDürrenmatt souligne,c’est la difficulté de

croire. Dans son tout pre-mier petit récit, intitulé Noël,un homme marchant à tra-vers une grande plaine gla-ciale tombe sur un enfantJésus mort. Après l’avoirgoûté et constaté qu’il est devieux massepain, il le jette etcontinue sa route. Quelquesannées plus tard, dans sanouvelle Pilate, Dürrenmattnous raconte la passion, lamort et la résurrection deJésus, mais vues par lesyeux de Pilate, d’un Pilatequi voit et qui pourtant nepeut pas comprendre, quidonc, au lieu d’être sauvé,vient se briser contre ce dieuqui lui demeure incompré-hensible.

Humains trop humainsSi Dürrenmatt nous présentedes croyants ou des in-croyants, ce n’est pas pouren faire des héros, dessaints, mais bien plutôt desêtres humains comme luiet... comme nous. Car,comme il le dira dans sapièce Le mariage deMonsieur Mississippi, ce quil’intéresse, c’est «d’exami-ner ce qui se produit auchoc de certaines idées pré-cises avec des hommes quiprennent vraiment ces idéesau sérieux et tendent à lesréaliser avec une énergietéméraire, une folie furieuse

et une avidité inépuisable deperfection».C’est le cas, par exemple, ducomte Bodo von Übelohe-Zabernsee, qui représentedans cette pièce le chrétien,un «dernier chrétien», selonl’expression de Dürrenmatt.Il est le seul à aimer pleine-ment Anastasia, une femmeimprévisible figurant lemonde, un monde que per-sonne ne parviendra à chan-ger. Fort de sa foi, il veutaccepter ce monde tel qu’ilest et l’aimer, risquer sa viedans l’aventure de l’amour.Mais le croyant Übelohe seretrouvera renié et humiliépar le monde, et donc placédans la position du vaincu.Tel est le creuset de la comé-die que l’auteur réserve àson personnage, pour leconfronter à la question desavoir «si dans cette créa-tion finie, la grâce de Dieuest vraiment infinie, notredernier espoir».

Une grâce inattendueS’il est si difficile auxcroyants de croire, c’estparce que la grâce divinedans laquelle se fonde leurfoi est une grâce inattendue,scandaleuse, qui surgit là oùon ne l’attend pas. Ainsi,dans Un ange vient àBabylone, l’ange apporteaux humains, dans la per-sonne de la jeune filleKurrubi, un cadeau embar-rassant. En effet, elle est la

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grâce que les dieux desti-nent au plus pauvre deshumains. Par une inadver-tance de l’ange, elle est don-née au roi Nebucadnetsarqui s’était justement déguiséen mendiant pour confondrele dernier mendiant de sonroyaume. La jeune filletombe amoureuse de lui,mais ne pourra l’aimer quecomme ce mendiant, ce queNebucadnedsar ne veut pasêtre, lui, le roi le plus puis-sant de la terre. Ainsi, lagrâce du ciel sera finale-ment rejetée par toute laville de Babylone et elledevra s’en aller dans ledésert avec Akki, le derniermendiant, le seul à larecueillir.De même, dans Grec cher-che Grecque, on nous racon-te le miracle de l’amourentre Archilochos, vieuxgarçon célibataire et mal-adroit, et la ravissante Chloéqui se présente à lui un beaudimanche matin suite à uneannonce matrimoniale. MaisArchilochos verra son mon-de s’effondrer, car lui qui estmoraliste jusqu’au bout desongles, qui vit selon unordre moral rigoureux, de-vra découvrir qu’il est aimépar la plus grande courtisa-ne de la ville!

Un «étrange protestant»C’est ainsi que Dürrenmattse désigne lui-même dansson essai sur Israël. Ilmarque ainsi ses origines, lafoi de ses parents, de sonpère pasteur et de son filspasteur, une foi à laquelle iln’a cessé de se confronter àtravers son œuvre. Maisc’est aussi cette foi qu’ildécouvre en lisant régulière-ment Karl Barth, et surtoutSören Kierkegaard. Pré-cisons toutefois que, commeil le dira dans ce mêmeessai, il n’a que faire del’Eglise en tant qu’institu-tion transformant la religionen une idéologie. Mais la foien tant que passion de vie,en tant que vérité subjective

sens, qu’il s’agit d’un«athéisme protestant», pro-testant contre la foi tropfacile, trop immédiate, desconvaincus de tous bords. Etil y a bien là quelque chosede fondamentalement pro-testant: celui qui se saitimpuissant face à la grâceinattendue de Dieu ne lais-sera tomber de sitôt sondoute, mais en fera la pierrede touche constante de safolle foi.

Pierre Bühler ■

renmatt a pu se désignerparfois comme un athéiste.Ce qui frappe d’emblée,c’est qu’il ne s’agit guèred’un athéisme qui prétendsavoir que la foi est nulle etnon avenue et qui pourraitdonc la laisser derrière soi.Il en va plutôt de l’aveu dene pas pouvoir croire, luttantencore et encore avec ce«croire». Alors que partoutgerment des fanatismes etdes fondamentalismes, Dür-renmatt formule ainsi un«devoir d’athéisme». Onpourrait donc dire, en un

d’un homme, voilà quil’intrigue! D’autant pluslorsque ce croyant se dé-couvre atteint par une grâcequi le surprend, l’arrache aucours normal de la vie et luifait même perdre pied.«Scandale pour les Juifs,folie pour les Grecs», disaitl’apôtre Paul. Fort de cettecertitude, dans une lettre dudimanche de la Réformation1948 (exposée au CentreDürrenmatt de Neuchâtel),Dürrenmatt résiste aux invi-tations pressantes d’un amià se faire catholique. Il luidit son attachement au pointde vue protestant, même sicelui-ci devait s’avérer êtreun poste perdu. Il se saitmarqué par cet enracine-ment dans son travail: «Lesdifficultés posées à un pro-testant par l’art du dramesont exactement celles de safoi.» Et il lui arrivera égale-ment de le revendiquer, nonseulement comme un pointde vue religieux, mais aussicomme une protestationéthique et politique: «Je suisprotestant, et je proteste.»

Et l’athéisme?Dans certains textes de sesdernières années, Dür-

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U n b i e n b e l e t n o b l e e n d r o i tLe Centre Dürrenmatt à Neuchâtel, propriété de la Confédération, fait partie de la Bibliothèque nationalesuisse. Ce centre de recherche est devenu incontournable dans le paysage helvétique. Présentation.

Dédiée à Friedrich Dürrenmatt, cette «jeune institu-tion», inaugurée en septembre 2001 dans le trèsbucolique Vallon de l’Ermitage, accueille depuis un

an un public très enthousiaste. Jusqu’ici, environ 25’000visiteurs ont découvert l’exposition consacrée à FriedrichDürrenmatt, écrivain et peintre. L’architecture de MarioBotta ainsi que le site dont la vue est exceptionnelle sédui-sent et fascinent les hôtes du Centre.Neuchâtel, ville et canton aujourd’hui réputés pour leursefforts dans le monde culturel, peut s’enorgueillir d’avoirsoutenu concrètement la construction du CentreDürrenmatt. L’établissement n’est pas un mausolée, et lesactivités qui s’y déroulent le prouvent: lieu de réflexion et deprovocation, imprégné de l’esprit de l’écrivain, ce centre derencontres est animé par des débats, des conférences, descolloques et des concerts pour que la vie y soit dominante.Le Centre Dürrenmatt est probablement un exemple uniquequi réunit sur un site grandiose à la fois un géant de la litté-rature alémanique et un architecte de renom international.

R e p è r e s b i o g r a p h i q u e sFriedrich Dürrenmatt est né le 5 janvier 1921 à Konolfingen(Be). Il passe sa jeunesse à Berne où il étudie la littératureallemande et la philosophie. Très tôt passionné par l’écritureet la peinture, il hésite à se consacrer entièrement à l’une deces disciplines. En 1946, il interrompt ses études, épousel’actrice Lotti Geissler et choisit le métier d’écrivain tout envouant à la peinture une passion qui ne le quittera plus. Sesromans policiers Le Juge et son Bourreau (1951) ou LeSoupçon (1952), d’abord publiés sous forme de feuilletons,représentent une importante source de revenus pour le jeuneécrivain. «Il se pourrait que de nos jours, seule la comédiesoit encore à la hauteur de la situation. Qui désespère perdla tête, qui écrit des comédies, l’utilise», écrit Dürrenmattqui, tout comme son compatriote Max Frisch, a profondé-ment marqué de son empreinte le théâtre de langue alleman-de à partir de la fin des années quarante jusqu’aux annéessoixante. Ses pièces, dont les plus connues sont La Visite dela vieille dame (1956), Le Mariage de Monsieur Mississippi

(1952) et Les Physiciens (1962), constituent un miroir dumonde et combinent des questionnements sur la théorie dela connaissance, les sciences physiques et naturelles et laphilosophie de l’existence. C’est en lien avec des projetscinématographiques que Dürrenmatt compose en 1958 LaPromesse, Justice (1959/60), et La Mission (1986). Dans laseconde partie de sa vie, Dürrenmatt publiera La Mise enœuvres et L’Edification, qui sont des textes autobiogra-phiques.En 1952, Friedrich Dürrenmatt s’installe à Neuchâtel, ilvivra près de quarante ans dans le vallon de l’Ermitage.Son œuvre pictural a longtemps été ignoré. Ses dessins àla plume ou ses caricatures lui permettent une grandespontanéité, un passage rapide de l’écriture au dessin.Les huiles et les gouaches très colorées représentent dessujets historiques, mythologiques ou littéraires. A la finde sa vie, Dürrenmatt s’intéresse à la technique de lalithographie. Il meurt d’une crise cardiaque le 14décembre 1990.

O r i g i n e d u p r o j e tQuelques années avant sa mort, Friedrich Dürrenmatt a faitdon de son héritage littéraire à la Confédération, démarchequi a conduit en 1992 à la création des Archives LittérairesSuisses, département de la Bibliothèque nationale. Selon lavolonté de Friedrich Dürrenmatt de rassembler et de rendreaccessible son œuvre pictural au public, sa seconde épouse,après la disparition de l’auteur, a posé les bases de la créa-tion d’un Centre qui lui soit dédié en faisant don à laConfédération de la première maison acquise par l’auteur(en 1952) et d’un terrain attenant de plus de 4’000 m2.Mario Botta a été choisi pour la construction de ce projetdont les travaux ont débuté en mai 1999 et se sont terminésen juillet 2000. La Confédération, le canton et la ville deNeuchâtel et de nombreux sponsors privés ont financière-ment rendu la réalisation de ce projet possible.Le Centre Dürrenmatt est un pont entre les régions linguis-tiques francophones et germanophones, un lieu vivant favo-risant les échanges, la réflexion ainsi qu’une approche cri-

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tique de l’œuvre de Friedrich Dürrenmatt et des pensées quecelle-ci engendre. C’est aussi un centre de recherchepuisque les étudiants ont la possibilité d’accéder à la biblio-thèque personnelle de Friedrich Dürrenmatt, conservée dansson intégralité.

L ’ a r c h i t e c t u r eNé en 1943 à Mendrisio (TI), Mario Botta, un des archi-tectes suisses les plus réputés, est aussi concepteur demusées (San Francisco), de banques, d’églises (cathédraled’Evry) et de maisons privées. Ce grand admirateur deFriedrich Dürrenmatt conçoit le Centre Dürrenmatt en déve-loppant une architecture proche de la pensée du célèbre dra-maturge suisse. Refusant de construire un musée, un espaceneutre, Mario Botta décide au contraire d’être plus agressif,comme l’écrivain qui n’était pas un personnage classique,serein, bien au contraire… Pour symboliser le travail deDürrenmatt qui «fouille et creuse l’âme humaine», MarioBotta estime que «la partie consacrée aux expositions sedoit d’être souterraine et sombre, avec cependant suffisam-ment de contact avec l’extérieur pour être illuminée en suffi-sance». C’est ainsi qu’il a créé cette nef, véritable noyau deson œuvre, située en dessous de la terrasse en arc de cerclequi surplombe le lac de Neuchâtel et le Jardin Botanique.

Janine Perret-Sgualdo et Catherine Odiet ■

P r o g r a m m e d e s a c t i v i t é sPour animer et donner vie au Centre Dürrenmatt, des activités littéraires et musicales sont régulièrement organisées.

SeptembreMercredi 26 à 19h Concert Résonance, par Fritz Hauser, percussionniste

Création unique inspirée d’une œuvre de F. Dürrenmatt

OctobreVendredi 26 dès 10h Colloque universitaire sur le thème du Minotaure

Le Minotaure dans l’œuvre de Dürrenmatt, dans une perspective psychanalytique, dans son interprétation dans la peinture et la littérature et sa signification originelle.

Samedi 27 à 11h Débat public «Texte-Image»: Le Minotaure (en français)à 13h (en allemand)

Mercredi 31 à 19h Concert Résonance, par Franziska Baumann, chantCréation unique inspirée d’une œuvre de F. Dürrenmatt

NovembreSamedi 24 à 11h Débat public «Texte-Image»: La Tour de Babel

DécembreMardi 4 à 19h30 Lecture publique «Swiss Made»

A l’occasion de la parution d’une anthologie consacrée à de jeunes écrivains suisses alémaniques.

Mercredi 19 à 20h Lecture publique «Textes Polaroïds»Daniel de Roulet – Monique Laederach – Jean-Bernard Vuillème – Anne-Lise Grobéty

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cinécure

La Lanterne Magique brille pour tout le monde

«Il ne parlait pas quand ilest né, après il est devenutrès bavard»… «Il a d’a-bord été longtemps en noiret blanc, et puis il a pris toutplein de couleurs»… «A unmoment, l’écran s’est mis àgrandir à cause de l’arrivéede la télé»… «Ça ne faitplus du tout peur, quand onsait comment c’est fait»…Mais de quoi s’agit-il? Decinéma bien sûr! Ces petitesphrases merveilleuses (ettrès sensées), on peut lesentendre aujourd’hui un peupartout en Suisse et enEurope. Eh oui, grâce à LaLanterne Magique, des mil-liers d’enfants découvrent et

lité à tous les enfantsd’adhérer à ce club de ciné-ma dont la démarche s’op-pose résolument à la con-sommation passive desimages.

L’histoire vivante du ciné-maDurant sa «saison» (d’oc-tobre à juin), La LanterneMagique présente trois cy-cles de trois films: «Lesfilms qui font rire», «Lesfilms qui font rêver» et, enalternance d’une année àl’autre, soit «Les films quifont un peu peur», soit «Lesfilms qui font pleurer»(parce qu’ils sont tristes).Les trois films de chaquecycle sont à chaque fois pro-posés dans l’ordre chronolo-gique, de manière à ce queles enfants prennent cons-cience de la dimension his-torique du ciné et qu’ilsconstatent par eux-mêmes

apprennent à aimer le ciné-ma en s’amusant.

Apprendre à regarder lesfilms autrementDe plus en plus tôt, lesenfants sont livrés sans yêtre préparés à des images età des sons de toutes sortes.La Lanterne Magique pro-pose aux plus jeunes unesensibilisation au cinémaqui leur permet d’acquérirun véritable sens critique,tout en leur faisant partagerle plaisir de découvrir sur legrand écran du cinéma desfilms adaptés à leur âge. Leprix très modeste de la cartede membre offre la possibi-

Mode d’emploiLancée à Neuchâtel en 1992, présente dans soixantevilles de toute la Suisse et, désormais, dans plusieurspays d’Europe, La Lanterne Magique est un club de ciné-ma pour enfants de 6 à 11 ans qui montre neuf films parannée dans une vraie salle de cinéma. Chaque séance estprécédée d’un petit spectacle aussi amusant que didac-tique. La carte de membre coûte 30 fr. (20 fr. pourchaque autre enfant de la même famille); elle donne droitau journal du club et aux neufs projections. Dans le can-ton de Neuchâtel, les séances de La Lanterne Magiqueont lieu à Couvet, au cinéma Colisée, prochaine séancele 24 octobre (renseignements: 863 27 29); à La Chaux-de-Fonds, au cinéma Plaza, prochaine séance le 31octobre (renseignements: 078/ 600 11 71); au Locle, aucinéma Casino, prochaine séance le 24 octobre (rensei-gnements: 931 81 17); et, bien sûr à Neuchâtel, au ciné-ma Les Arcades, prochaines séances les 3 et 24 octobre(renseignements: 725 05 05). (V.A.)

Fin de l’été oblige, notre meilleur produit d’exportation cinématographique (dixit le directeur de l’Officefédéral de la culture, section cinéma) reprend ses séances.

que le cinéma est un artvivant qui évolue avec letemps. Ce mode de pro-grammation réserve parfoisde beaux «étonnements»:accompagnés au piano etflanqué d’un commentairefait en direct dans la salle(comme cela se faisait àl’époque), les «vieux muetsen noir et blanc» sont sou-vent, ô surprise, les filmspréférés des plus jeunes!En découvrant des films detoutes les époques, prove-nant de tous les pays, tousles membres de La LanterneMagique, entre leur sixièmeet onzième année, sont enmesure d’acquérir une véri-table culture cinématogra-phique… De Charlot àZazie (dans le métro) enpassant par Jacques Tati etE.T. l’extraterrestre, sansoublier les films iraniens,chinois ou africains!

Vincent Adatte ■

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trois mois pour la f in del’année (selon certainesconditions, pour la fin dupremier semestre). Lorsquela nouvelle prime est renduepublique, quelque soit sonaugmentation, le délai estramené à un mois. Vousaurez donc trente jours pourrésilier votre contrat pour le31 décembre.Sous un graphisme sobre etlumineux, le site Comparispermet une navigation toutesimple et réserve bien d’au-tres bons plans: trouvez lacompagnie de téléphone laplus adaptée à vos habitudesou destinations d’appel; dé-nichez l’opérateur le meil-leur marché pour votre por-

table; comparez les assu-rances sur la vie, pour l’auto,le ménage, etc. Et tout lesconseils pour éviter d’êtresurassurés.

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L’automne s’annonce, avec son brouillard, ses feuilles mortes, et bien sûr les augmen-tations de primes des assurances maladie. Il est parfois fastidieux de calculer sesprimes, décourageant de devoir écrire plusieurs lettres, pour se renseigner, s’inscrire,résilier… Et l’on laisse alors passer les délais. Le Net peut pourtant nous donner dansce domaine un sérieux coup de main.

Laurent Borel

Pour cliquer plus loin…Quelques sites permettent d’af-finer vos changements d’assu-reurs. Un magazine pourconsommateurs, www.bonasa-voir.ch, offre un service prochede celui de Comparis. Voustrouverez nombre d’informa-tions directement sur le site del’OFAS, Off ice fédéraldes assurances sociales, àwww.bsv.admin.ch. Si vous êtesintéressés à approfondir vosconnaissances en médecine,consultez www.medpict.comqui donne un éclairage trèsattrayant sur le sujet.

A découvrir sur le NetUn salut cordial à notreconsœur de l’Eglise Berne-Jura. La VP se présente sur leNet depuis le début du moisde septembre à l’adressewww.laVP.ch. Vous y trouvezles articles du dossier, en gé-néral rédigés avec La VP neu-châteloise, ainsi que diversesrubriques qui seront peu à peudéveloppées.

Vider la corbeilleVous aimez de temps en tempsvous confronter au mauvaisgoût? La VP vous présentera icides sites où tout est à jeter. Cessites que l’on regarde quandmême, juste pour en rire,comme un enfant qui se paie aukiosque un immonde bonbonau goût chimique, ou en pleurerquand l’humanité nous interro-ge... Et si on commençait par lesite people www.actustar.com ?

Fabrice Demarle

comparez vos primes,

comparez les prix

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entre les lignes

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D’abord, il y a Actes Sud. Une maison d’édi-tion comme on en fait peu. Des gens quiaiment leur travail et qui le font bien. Un livreproduit par eux équivaut pratiquement à lagarantie d’une littérature de qualité. C’estaussi un bel objet, doté d’une certaine nobles-se. Ensuite (et surtout!), il y a Paul Auster, unécrivain, un vrai. Certes, il ne signe pas direc-tement le présent ouvrage, mais il l’im-prègne, dans l’esprit comme dans le style, dela première à la dernière ligne. «Je pensaisque mon père était Dieu» - c’est le titre - estconstitué de près de 200 brefs récits qui sontautant de d’histoires de vies condensées. Lasource de cette anthologie: une émission deradio, aux Etats-Unis, au cours de laquelleAuster lit à l’antenne des textes que le publiclui a envoyés. Pas n’importe quels écrits; ilsdoivent relater des faits authentiques qui ontmarqué la trajectoire de leurs auteurs. Pour le

reste, carte blanche: pas de sujet ou de genre imposé. Bientôt, le courrier afflue, alimenté par Monsieur etMadame tout-le-monde, ces êtres que l’on croise quotidien-nement dans la rue sans imaginer que l’anonymat de leursvisages cache parfois/souvent des trésors de vécu et de sen-timents. Tantôt émouvants, poétiques, interpellants, tantôtcharmants, insolites, drôles, ces infimes tranches de vie, cesperles de vérité contenue, grâce aussi à la patte d’Auster qui,sans trop le laisser paraître, les a mis en forme, composentune mosaïque fascinante, reflet de la réalité, indicible dansson intégralité, qui nous englobe tous. Concédons-le: unedizaine de ces récits, par trop semblables dans leur trame àceux qui les précèdent ou les suivent, auraient sans domma-ge pu être supprimés ou remplacés. Mais, cette toute petiteréserve mise à part, ce livre, à déguster au compte-goutte,est tout simplement extraordinaire.

Laurent Borel ■Je pensais que mon père était Dieu,

anthologie composée par Paul Auster, Ed. Actes Sud, 2001

Philippe Delerm, gentil Philippe Delerm. Sa«Première gorgée de bière», parue fin 1997, aconnu un succès retentissant qui l’a sorti del’anonymat. Facile à lire (c’est un euphémis-me), certes élégant, tout mignon-tout chou, cepetit recueil lançait en quelques lignes unesérie de coups de flash sur des sujets très ordi-naires (nouvel euphémisme): lire sur la plage,aller aux mûres, écosser des petits pois... Letout mêlait légèreté, tendresse et un brin denostalgie pas trop épicée. Mais bon, pourquoipas!?! Cela n’avait d’autre prétention que defaire passer une heure sans encombrementcérébral. De là toutefois à l’élever au rang debest-seller...Cela ne devait cependant pas suffire au bon-heur pécuniaire des Editions de L’Arpenteur.

Et Philippe Delerm, notre brave et si gentil «poète pourdames», qui aurait si bien cadré avec le XIXe siècle, d’enremettre une couche. Avec cette fois-ci, «La sieste assassi-née». Dans la mesure où l’on se garde bien de modifier unerecette si avantageuse, le sieur Delerm s’est contenté de ceque l’on appelle en informatique un «copier-coller». En-tendez par là qu’en dehors du thème - ici, les pivoines, lapoubelle ou le coiffeur ont pris la place du couteau dans lapoche, du pull d’automne et de la bicyclette du précédentopuscule - qui sert de support à chaque petit texte, le tonlégèrement mielleux, le regard posé sur les choses sontrigoureusement demeurés les mêmes. Avec toujours unesorte de quête d’universalité: Delerm remplace systémati-quement le «je» par un «on», opération qui confine rapide-

ment au truc un rien agaçant. Le résultat est certes tout guilleret - Dieu que cela ne déran-ge ni ne surprend pas! -, et pourrait offrir aux enseignants detrès jolies dictées pour leurs élèves. Le gentil PhilippeDelerm n’a strictement rien à dire, mais ça, sans le vouloir,il le dit très bien. Et nous sommes prêts à parier qu’il nes’arrêtera pas en si bon chemin...

Laurent Borel ■Philippe Delerm,

La sieste assassinée, Ed. de L’Arpenteur, 2001

Quelques suggestions de lecture

- Rohinton Mistry, L’équilibre du monde, Ed. Livre depoche. La vie à Calcutta dans les années 70-80, vue à tra-vers deux intouchables. D’une force peu commune. 800pages avalées d’un coup.

- Bill Bryson, American Rigolos, Ed. Payot. Une série detout petits textes sur les Américains par un des leurs,revenu au pays après 25 ans. A mourir de rire!

- Donald Westlake, Le couperet, Ed. Rivages/ Noir. Lesamateurs de polars seront ravis. L’histoire d’un chômeurqui tue pour avoir des chances de trouver du boulot. Trèscynique, voire décapant, mais pas choquant.

Vous reprendrez bien un peu de sirop?!?...

Ces histoires qui font l’Histoire

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poivre et sel

47VP/NE No 138 OCTOBRE 2001

Vous l’aurez remarqué comme moi,nombreux sont les gens autour denous qui, à maintes reprises, fontappel à leur foi. En effet, que vousmarchiez en forêt avec des amis, quevous soyez dans le bus ou sur votrelieu de travail, il ne se passe pas long-temps avant que vous n’entendiez un«ma foi» de toute sorte… Géné-ralement c’est un «Ma foi, c’estcomme ça» ou encore «Ah, ma foi!» –pour ne citer que les plus courants. Jeveux bien que cette expression soittrès répandue et que, comme danspresque toute expression populaire,les termes qui la composent aientperdu beaucoup de leur force. Maisquand même, trop c’est trop! Alorspermettez-moi de vous proposer, àcôté de «Ma foi!», l’expression «Mafoi?».Vous me direz peut-être qu’elle estinconnue au bataillon et que le termed’expression lié à ces deux mots estprobablement illégitime. D’accord,mais oublions cela un instant. Ce quime frappe dans ces deux expressions,c’est que seul le signe de ponctuationfinal les distingue. Mais quelle diffé-rence! Par la première, vous exprimezune sorte de fatalité, une situation qui

de toute manière ne changera pas. Onvoit d’emblée vos bras qui retombentle long de votre corps. Comme si lafoi ne servait qu’à exprimer l’impasseou l’indifférence, c’est vraiment uncomble! La seconde, au contraire,exprime l’étonnement: on vient devous interroger au sujet de votre foi.Là, votre regard marque la surprise,votre tête se relève, le dialogue estpeut-être amorcé.Le 4 novembre aura lieu le dimanchede la Réformation et deux attitudess’offrent alors à nous, réformés de cecanton. Soit nous disons: «Ma foi,c’est comme chaque année!», soitnous saisissons cette occasion pournous interroger sur notre foi, cette foichrétienne qui traverse les âges.Le petit comité qui, au sein de l’ERENet en lien avec toutes les autres Eglisesréformées de Suisse, œuvre pour lapromotion du Dimanche de laRéformation espère qu’un grand «Mafoi?» retentira le 4 novembre etqu’une belle générosité se manifeste-ra pour aider une paroisse desGrisons à construire son église afinqu’elle puisse, elle aussi, avoir un lieuoù vivre et penser sa foi.

Frédéric Hammann ■

4 novembre: dimanche de la Réformation

«Ma foi!» contre «Ma foi?»

Photo: L. Borel

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Ils ont dit ou écritA propos des lieux chargés

Paraphe

- «Les lieux meurent comme les hommes,quoiqu’ils paraissent subsister», Joseph Jaubert,moraliste français. - «Une gare est le plus bel endroit pour desretrouvailles, parce que c’est normalement le lieu

des séparations. En se retrouvant dans une gare,on a l’impression de conjurer le mauvais sort»,Daniel Poliquin, écrivain français.- «L’attribut le plus important d’un temple, c’estque c’est un endroit où les hommes pleurentensemble», Karl Kraus, écrivain autrichien.- «La pierre n’a point d’espoir d’être autre choseque pierre. Mais de collaborer, elle s’assemble etdevient temple», Saint-Exupéry, écrivain français. - «Ce ne sont pas les lieux, c’est son cœur qu’onhabite», John Milton, poète anglais.- «Il n’y a pas de plus grande émotion qued’entrer dans le désert», Le Clézio, écrivain fran-çais- «Quand on tient à ses souvenirs, on devrait fuircomme la peste les endroits où l’on a étéheureux», Paule Saint-Onge, écrivain canadien.

BiblioIl existe, vous l’imaginez bien, une foule d’ouvrages qui traitent de lieux chargés.En voici trois qui nous ont semblé sortir du lot par leur originalité.

- Monique Cabré et Pierre Dhombre, Les Refuges de l’âme, Ed. Lebaud.C’est un guide de toute une série de lieux de calme et de paix, autant decentres gérés par des laïcs qui assurent l’accueil de personnes en quête derecueillement et d’enrichissement intérieur. Loin du Michelin ou du Gault-Millau... - Jean-Claude Maillard, Rue Gainsbourg: ici cogitait une âme slave, Ed.Alternatives. A Paris, Jim Morrisson n’est plus seul à inspirer un «pèlerinage».Sur le mur de la Rue Verneuil où habitait Serge Gainsbourg, se bousculenttags, messages et dessins de ses admirateurs. Maillard a photographié au quo-tidien l’apparition de ces témoignages de tendresse et de fidélité. Emouvant.- Perry Ogden, L’atelier de Francis Bacon: 7, Reece Mews, Ed. ThamesHudson. Une très belle expérience offerte au photographe Ogden. Qui a pupasser plusieurs jours dans la maison-atelier du peintre Francis Bacon, àLondres, après sa mort. Ses images sont «habitées» d’actes suggérés.

Photo: P. Bohrer