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VRS / décembre 2015 / 1

Histoire et enjeux de la logistique La formalisation progressive d’une doctrine logistique militaire

La période historique allant du XIXème siècle à la seconde guerre mondiale a été marquée par la transformation des moyens de transport (chemin de fer, moteur à explosion…) et des armements (blindés…) et par une doctrine logistique et stratégique de plus en plus élaborée.

Si les guerres de l’empire ont très largement inspiré les grands auteurs en stratégie (Clausewitz), seul Jomini perçut très vite le « rôle caché » de la logistique, sans vraiment être écouté par les États-majors qui furent, par contre, fascinés par le développement des réseaux de chemins de fer, poten-tiellement capables de contribuer à la résolution de leurs insurmontables problèmes d’« intendance ».

DU XIXÈME SIÈCLE À LA SECONDE GUERRE MONDIALE

• Le chemin de fer, une solution miracle pour des approvisionnements de masse

Les armées sont désormais très nom-breuses, susceptibles de mobiliser des millions d’hommes qu’il faut nourrir, équiper et déplacer. Elles sont dotées de matériels de plus en plus nombreux et complexes1 qui, pour être mis en œuvre, nécessitent des moyens logis-tiques considérables en termes de transport pour eux-mêmes et pour tout ce qui est nécessaire à leur fonc-tionnement2. Les flux nécessaires à une armée moderne changent de nature, tant du point de vue des volumes à

1 Artillerie à forte cadence de tir, matériels de siège, génie, engins motorisés au début du XXème siècle, puis aviation, etc.2 Munitions, pièces de rechange et carburants pour les engins motorisés.

traiter que de leur diversité croissante. La logistique passe alors par le recours systématique à un réseau de chemin de fer, disponible ou à créer, pour trans-porter des flux massifs entre le com-plexe militaro-industriel d’un pays3 et des dépôts logistiques avancés proches des frontières, mais mobiles et suscep-tibles de « suivre » une progression de l’armée. Cela implique alors de prolon-ger et/ou de réparer le réseau de che-mins de fer pour continuer à desser-vir ces dépôts qui alimentent, par des moyens « tactiques » d’abord hippo-mobiles, puis automobiles, un « front » en mouvement.

Le chemin de fer revêt alors une dimen-sion stratégique : cela explique l’adop-tion par les russes et les espagnols, qui ont conservé un très mauvais souvenir des invasions françaises pendant les guerres napoléoniennes, d’un écarte-ment des rails différent du « standard » européen, de sorte à lourdement péna-liser une éventuelle invasion étrangère, comme l’éprouvèrent les allemands à partir de 1941. La guerre devient au moins autant un affrontement indus-triel qu’une affaire militaire, comme le montre, lors de la guerre de Séces-sion, la victoire du Nord industriel sur le Sud doté, à l’origine, d’une meilleure armée. Bien sûr, les meilleurs plans

3 Usines, arsenaux, dépôts de matériel, de carburant et de munitions, etc.

connaissent des défaillances et poussent les armées à recourir alors aux solu-tions du passé. Ainsi, pendant la guerre de 1870, lorsque l’armée prussienne réussit à envahir le territoire français plus vite que prévu, l’« intendance ne suivit plus » et l’armée fut alors obli-gée de ralentir, puis de s’arrêter devant Paris. L’armée d’invasion, en attendant que ses dépôts puissent être réapprovi-sionnés par le réseau de chemin de fer français, notamment coupé par le siège de Belfort, fut obligée de trouver, sur place, tout ce qui lui était nécessaire pour simplement survivre avant d’en-treprendre le siège de Paris.

• La timide apparition du moteur à explosion et du camion

Le premier conflit mondial connut, lui aussi, des mécomptes et des succès logistiques. La défaite allemande de la Marne s’explique largement par l’es-soufflement logistique des allemands et de leur incapacité à approvisionner, notamment en munition d’artillerie, une armée trop éloignée de ses bases logistiques. La résistance des français à Verdun est largement due au main-tien d’un flux logistique continu vers la ville assiégée, grâce à une noria de camions automobiles « tactiques »4, empruntant le corridor maintenu

4 Une innovation majeure qui ne se généralisera que beaucoup plus tard, à la fin du second conflit mondial.

Jacques Colin Professeur émérite en sciences de gestion, Université Aix Marseille, Centre de recherche sur le transport et la logistique (CRET-LOG)

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ouvert de la « Voie sacrée ». Au plan général, la longueur et l’ampleur du conflit permirent de systématiser et de stabiliser un « modèle logistique » reposant sur le chemin de fer pour les longues distances et les flux massifiés, des dépôts avancés et des transports tactiques locaux très majoritairement hippomobiles, bien adaptée à une guerre statique qui se prolonge.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE, UNE PREMIÈRE PHASE MARQUÉE PAR DES APPROCHES LOGISTIQUES CLASSIQUES ET DES IMPROVISATIONS LOGISTIQUES

• La logistique improvisée de la surprise stratégique allemande de 1940

La victoire allemande de mai-juin 1940 est le fait d’une manœuvre inattendue et très risquée, menée par six divisions blindées et quatre divisions mécanisées allemandes, entièrement motorisées (plus de 40 000 véhicules) et dotées d’une « logistique sac au dos ». Elles étaient suivies, loin derrière, par des unités d’infanterie, encore très majori-tairement hippomobiles et adossées à leurs bases logistiques avancées et seu-lement chargées d’occuper le terrain conquis, soit au plus 20 % de l’armée allemande pour l’ensemble de ce dis-positif. Ce modèle « logistique sac au dos » rappelle étrangement celui d’une escadre navale au XVIIIème siècle, sauf qu’il n’est, en rien, le résultat d’une anti-

cipation et d’une planification rigoureuse. Il repose sur la totale autonomie de fonction-nement en matière de muni-tions, de carburant, de pièces de rechange, de nourriture etc. pendant une dizaine de jours, de dix divisions blindées et mécanisées. Ces unités, très mobiles, ont pour objectifs de percer le front adverse, consti-tué d’unités plutôt statiques, puis d’avancer rapidement pour disloquer et encercler

les forces de l’adversaire. Ces divisions, dotées de leur propre logistique opéra-tionnelle « de l’avant », n’étaient donc pas tributaires de lignes d’approvision-nement les connectant à une logistique « de l’arrière » aux performances incer-taines. Elles devaient, par contre, impé-rativement atteindre très rapidement leurs objectifs, ce qu’elles réussirent parfaitement, avant d’être contraintes de s’arrêter, faute d’être réapprovision-nées et de devenir, alors, très vulné-rables.

• Les errements et les échecs de la logistique allemande

Le mythe de la guerre-éclair, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Karl-Heinz Frieser, signifie que cette manœuvre purement tactique mais aux conséquences stratégiques décisives fut, en fait, conçue dans l’improvisation en quelques mois par des généraux de terrain (Guderian, von Kleist et Rom-mel). Elle fut acceptée avec réticence, et non pas planifiée de longue date, par l’État-major allemand, beaucoup plus traditionnel, timoré et réservé vis-à-vis d’une manœuvre aussi auda-cieuse que contraire aux principes classiques de la logistique. D’ailleurs, le plan allemand d’invasion de la Grande Bretagne (« Seelöwe »), tout aussi improvisé au début de l’été 1940, buta sur la totale incapacité logistique de l’armée allemande à transférer, dans ce pays, son écrasante supério-rité matérielle et en effectifs ; il dut être abandonné dès la fin de l’été. Les allemands prirent acte qu’ils ne dis-

posaient pas des moyens absolument nécessaires à un débarquement de vive force sur les plages anglaises, pourtant faiblement défendues, et savaient par-faitement que les anglais n’auraient jamais livrés leurs ports intacts. Les allemands, pour faire céder la Grande Bretagne très dépendante de flux d’ap-provisionnements massifs venus des États-Unis, se lancèrent alors, à partir de l’automne 1940, dans une guerre purement logistique, la « Bataille de l’Atlantique », visant à rompre les lignes d’approvisionnement indispen-sables à la résistance de leur ultime adversaire en Europe. Après la décla-ration de guerre des États-Unis en décembre 1941, ils amplifièrent leur tentative de briser le « pont logis-tique » établi entre le complexe mili-taro industriel américain et la Grande Bretagne, base avancée du futur débar-quement en Normandie et base d’en-vol des raids aériens alliés massifs sur l’Allemagne. Ils échouèrent aussi à interrompre les livraisons destinées à l’URSS, aux prises avec l’Allemagne sur le front Est, mais dépourvue de certains approvisionnements ou maté-riels indispensables, dont des camions.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE, UNE SECONDE PHASE QUI RÉVÈLE LA CONTRIBUTION ESSEN-TIELLE DE LA LOGIS-TIQUE AU SUCCÈS D’UNE MANŒUVRE STRATÉGIQUE AUDACIEUSELe prélude au débarquement allié de Juin 1944 en Normandie revêtit aussi un caractère logistique évident, mais finalement encore très classique. Le bombardement systématique d’in-frastructures de transport (voies ferrées, ponts, routes, carrefours rou-tiers, aéroports) et de communication (stations radar et antennes), mais aussi de bases logistiques (dépôts de carburant, de munitions, de matériel, etc.), cherchait à paralyser l’appro-visionnement régulier et les mou-vements des troupes allemandes déployées en France.

Transfert de patients d'une ambulance vers le train « hôpital », Le Tréport, France, 1917.

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• Le débarquement, une chef d’œuvre d’anticipation

Le débarquement en Normandie fut d’abord une prouesse logistique d’anticipation de tous les besoins à satisfaire lors d’opérations de débar-quement de vive force sur une côte fortifiée et dépourvue d’infrastruc-tures portuaires, puis de poursuite de l’ennemi. L’objectif assigné à la logis-tique fut de débarquer sur les plages, puis, plus tard, dans les ports conquis, une très large supériorité quantita-tive en effectifs comme en matériels (de l’ordre d'au moins quatre contre un) face à un adversaire plus aguerri et doté de matériels aux performances très souvent supérieures à celles des matériels des alliés.

Le seul 6 juin, 150 000 hommes furent débarqués, appuyés par 13 000 hommes parachutés ou acheminés par 900 planeurs, l’ensemble étant appuyé par près de 12 000 avions, sachant que le taux de motorisation des Alliés était d’un engin motorisé pour quatre hommes. Dès le 6 juin, un aérodrome fut établi sur une plage pour éviter à des avions de faire d’inutiles allers retours entre la France et la Grande Bretagne. Au second semestre de l’année 1944, les plages normandes devinrent le premier « port » mondial, loin devant New York, avec un trafic de cent cinquante navires par jour…

• Le débarquement, un chef d’œuvre de planification

Il est clair que les Alliés réalisèrent une prouesse logistique de planifica-tion, sans moyens informa-tiques, qui réussit à mobili-ser leur immense potentiel industriel et technologique, principalement localisé aux États-Unis, pour équiper une

armée largement improvisée, puis pour la transférer par bateau sur le continent européen. Cette armée de conscription, intégralement motori-sée, était à l’évidence totalement tri-butaire d’une logistique ininterrom-pue et mobile face à un adversaire plus aguerri mais structurellement très vulnérable du fait d’une logis-tique restée peu mobile, car large-ment restée hippomobile, et systé-matiquement attaquée. Les besoins à satisfaire étaient colossaux, comme le montrent quelques chiffres : un tank américain « Sherman » de trente-deux tonnes consommait, sur route, quatre cents litres aux 100 km et le double en tout terrains. A J+90, les besoins quotidiens des Alliés furent évalués à 50 000 tonnes (33 500 tonnes réellement débar-qués), dont 25 % pour le carburant (Aubin, 2014).

• Le débarquement, une organisation réactive et flexible qui a su s’affranchir de procédures paralysantes

Le débarquement en Normandie fut, enfin, une prouesse logistique de réactivité pour faire face à tous les aléas d’une opération d’aussi grande ampleur qui perturbent considéra-

Le débarquement de 1944Cette opération mobilisa une flotte de 7 000 navires, dont plus de 4 000 navires spécialisés à fond plat et de toutes dimen-sions (de la barge d’assaut au cargo chargé d’équipements lourds), capables de « beacher » pour débarquer directe-ment sur la plage un matériel toujours motorisé et roulant sans avoir besoin de quais et de matériel de manutention portuaire. Ces moyens furent complétés par des camions amphibies (en fait des camions GMC transformés, de 2,5 tonnes de charge utile) chargés de faire la navette entre des cargos conventionnels « Liberty Ships », dotés de leurs propres moyens de manutention ancrés au large et la plage pour débarquer des munitions ou des médicaments directement, voire pour les livrer directement aux troupes sur le front. Avant de pouvoir s’emparer de ports sur le continent, les Alliés conçurent aussi deux ports artificiels (les « Mulberries ») et les construisirent en Angleterre. Ils les ache-minèrent devant les plages normandes pour les y assembler et les ancrer, de sorte à pouvoir recevoir et décharger le long de leurs quais équipés de grues, des navires conventionnels et reliés à la plage par des chaussées flottantes. Ces ports furent très vite mis en service, huit jours après le 6 juin, avant qu’une tempête ne détruise l’un d’entre eux.

Les plages du débarquement, avec la position des navires de ligne.Source : The National Archives.

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blement la planification, fusse-t-elle la plus minutieuse qui soit. Ainsi, par exemple, la large destruction du réseau de chemins de fer français, sur lequel comptaient les Alliés pour acheminer leurs flux massifs entre les côtes et leurs dépôts logistiques avancés, les a obligés à faire aussi appel à des moyens de transport rou-tiers et aériens, ce qu’ils n’avaient nullement prévu, en attendant le rétablissement des chemins de fer.

• La logistique, une science ou un art ?

C.Newell, dans Logistical Art, cité par Aubin (2014, page 66), écrit fort jus-tement que la logistique est un art et non pas une science car elle implique la capacité à s’accommoder de l’im-prévisible. Ceci nous permet de clai-rement distinguer l’« intendance » de la « logistique ». Le rôle de l’inten-

dance est de « suivre » passi-vement les opérations pour les rendre possibles, en mobilisant les moyens opérationnels qui leur sont nécessaires et qu’elle a, bien sûr, très normativement et bureaucratiquement consti-tués à l’avance. La logistique, qui englobe bien sûr les dimensions opérationnelles de l’intendance, revêt aussi, comme l’a si bien noté Jomini, une dimension stra-tégique. En effet, elle anticipe les besoins, planifie la disponibilité des ressources nécessaires à ces besoins et peut aller jusqu’à dic-ter son rythme aux campagnes militaires, en cela elle pourrait relever d’une approche scien-tifique. Mais, comme elle doit aussi faire face aux innombrables aléas d’une guerre qui démentent souvent les anticipations les plus rationnellement établies, la logistique se doit alors de savoir aussi mobiliser ses ressources en faisant preuve de créativité opé-rationnelle, de réactivité et de flexibilité. En sachant combiner dans sa démarche une capacité à scientifiquement produire des anticipations et une capacité à

prendre des décisions pragmatiques en réaction aux modifications de son envi-ronnement, la logistique relève bien de l’art du management.

• L’essor progressif de la logistique dans l’après-guerre

Une question essentielle se pose à l’issue du second conflit mondial : pourquoi le retour à la vie civile de tous ces officiers, pour la plupart des civils en uniforme, qui avaient su concevoir et mettre en œuvre la logistique alliée, ne s’est-il pas rapidement traduit par la mise en place d’une démarche logistique dans l’entreprise ? Celle-ci ne distribue-t-elle pas des flux de produits finis, ne gère-t-elle pas des flux de biens en cours de production, ne s’approvisionne-elle pas en flux de matières premières ? Nous pensons tout (trop ?) simplement que

des compétences logistiques comme la planification des flux ou des techniques d’optimisation de flux logistiques, comme la recherche opérationnelle, largement développées pendant la guerre, ne correspondaient pas encore aux préoccupations de l’entreprise. Les problèmes de nature logistique qu’elle avait à résoudre pouvaient encore l’être sans recourir à une démarche logis-tique élaborée et formalisée, au moins jusqu’au milieu des années soixante.

La diffusion, dans le monde écono-mique, d’une sensibilité à la logistique, d’abord aux États-Unis puis, très vite, en Europe, nous semble largement due à une double influence. Le monde académique, constitué de chercheurs rompus à une réflexion théorique éven-tuellement déconnectée du quotidien, a joué un rôle pionnier en s’intéressant aux arrangements organisationnels originaux issus de la logistique mili-taire, mais aussi de quelques entre-prises avant-gardistes dans ce domaine. Des sociétés savantes en logistique, comme la SOLE (Society of Logistics Engineers, créée à l’initiative de l’ingé-nieur allemand W. von Braun, le patron du programme lunaire américain) de sensibilité plutôt ingénierique, ou le NCPDM (National Council of Physical Distribution Management), de sensibilité plutôt managériale, ont su rassembler des experts logistiques issus de l’ar-mée, des cadres d’entreprise confrontés prématurément à la résolution de pro-blèmes logistiques et des académiques. Ils ont d’abord échangé des expériences et, plus tard, ont commencé à élaborer un cadre conceptuel et formel pouvant aller jusqu’à la formulation de normes prescriptives.

Le rôle des camions

Comme ils ne disposaient pas d’une flotte de camions gros porteurs, considérée comme non prioritaire dans la conception de leur outil logistique, les Alliés impro-visèrent la mobilisation de leur flotte de camions tactiques tout terrains (les fameux GMC d’une charge utile de 2,5 tonnes en terrain difficile), initialement conçus pour assurer des transports à courte distance entre des dépôts logistiques avancés et le front (les « derniers kilomètres »), ser-vie par 50 000 hommes, à 80 % d’origine afro-américaine. Ils surent très vite s’affran-chir de leurs procédures contraignantes en concevant le système « Red Ball Express » en août et septembre 1944 pour acheminer, quotidiennement, sur longue distance, près de 10 000 tonnes (Aubin 2014, page 104) par des camions GMC, surchargés jusqu’à 10 tonnes. Ces camions parcouraient une rocade, qui leur était exclusivement réser-vée, constituée de deux routes parallèles, l’une dédiée à l’aller et l’autre au retour. Ces routes étaient régulièrement jalonnées de bases de maintenance équipées de pièces de rechange et d’équipes de mécaniciens pour réparer, sur place, des camions pré-maturément usés par leur usage intensif.

Bibliographie

Aubin Nicolas, 2014, Les routes de la Liberté, Histoire & collections, Paris

Pour en savoir plus

Frieser Karl-Heinz, 1995, Le mythe de la guerre-éclair, Édition fran-çaise Belin en 2003.