1 Histoire et enjeux des dispositifs de formation en alternance Philippe Meirieu.
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Histoire et enjeux des dispositifs de formation en
alternance
Philippe Meirieu
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Introduction :• L ’histoire de la formation professionnelle
témoigne de l ’impossibilité d ’une formation par l ’immersion totale dans le système de production.
La logique de la production s ’impose
toujours, au bénéfice du « client » et au
détriment de l ’apprenti.
La logique de la formation émerge dès
lors que l ’on parvient à suspendre la pression
du système de production.
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• L ’histoire de la pédagogie est faite de tensions entre le principe de formalisation et le principe de finalisation.
Principe de finalisation :
« On n’apprend bien que si l’on est mobilisé par une activité complexe qui fait
sens… »Célestin Freinet
Priorité au programme Priorité au projet
Principe de formalisation :« On n’apprend bien que si l’on respecte les principes
d’obligation, de progressivité et d ’exhaustivité… »
Jean-Amos Comenius
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• C ’est à partir de la tension entre formalisation et finalisation qu ’ont été élaborées la plupart des propositions pédagogiques :– La « ruse de pédagogique » de Rousseau,– La « pédagogie des intérêts » dans le courant de
l ’Éducation nouvelle,– La « pédagogie de projet » chez Dewey et ses
successeurs,– La « pédagogie des situations-problèmes » dans
la recherche pédagogique et didactique issue du constructivisme piagétien.
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La tension entre formalisation et finalisation travaille au cœur de toute
formation en alternance...
1) Quels modèles pour penser l ’alternance ?
2) Quels principes pour mettre en œuvre cette alternance ?
3) Quels outils pour accompagner cette mise en œuvre ?
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1) Quels modèles pour penser l ’alternance ?
• Ce que la formation par alternance n ’est pas...
- la juxtaposition d’apports théoriques et de stages pratiques,- le moyen de faire émerger dans des situations concrètes des problèmes auxquels la formation théorique va apporter des réponses,- la stricte application, dans la pratique, de modèles théoriques préexistants...
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le modèle mimétique,
le modèle humaniste,
le modèle béhavioriste,
le modèle constructiviste,
le modèle anthropologique.
L ’alternance comme mise en dynamique des différents modèles qui ont été utilisés pour
penser la formation professionnelle :
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Quel modèle pour penser l ’alternance ?
le modèle mimétique• La mimesis fondatrice :
Toute activité professionnelle a besoin de se référer à un « modèle » qui l’inscrit dans une histoire et lui fournit des repères.
• La mimesis en échec :La mise en œuvre d ’une activité professionnelle ne peut
se limiter à la reproduction d’habiletés standardisées, dès lors qu’elle s’inscrit dans une évolution largement imprévisible.
• La mimesis mortifère :Cf. René Girard : Quand un sujet parvient à en imiter un
autre, il devient son rival… La rivalité mimétique engendre alors la violence.
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Quel modèle pour pour penser l ’alternance ?
le modèle humaniste
• Un principe fondateur : « Vivre est le métier que je veux lui apprendre. En sortant de mes mains, il ne sera, j ’en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre. Mais tout ce qu ’un homme doit l ’être il saura l ’être, tout aussi bien que qui que ce soit. Et la fortune aura beau le faire changer de place, il sera toujours à sa place. » Rousseau, Émile ou de l ’Éducation.
C ’est l ’homme qui fait la place, formons l ’homme, il saura toujours occuper sa place : priorité à la « formation humaine » et à la « culture générale ».
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Quel modèle pour penser l ’alternance ?
le modèle humaniste
• Un principe en échec dans l ’histoire des hommes… « J ’ai découvert qu ’à la conférence de Wannsee, sur les quinze hommes qui se sont assis autour de la table pour mettre sur pied la bureaucratie qui allait massacrer les Juifs d ’Europe, huit avaient des doctorats. » Chaïm Potok, Le Maître de trope
• Un principe qui se trouve contrecarré par la complexification considérable des tâches et la spécialisation qu ’elle impose.
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Quel modèle pour pour penser l ’alternance ?
le modèle béhavioriste
• Un impératif technique : la complexification des savoirs professionnels impose l’analyse précise des tâches imposées par le métier et la construction de référentiels.
• Un outil heuristique : l ’identification des différentes composantes du métier est un outil d ’exploration efficace et un moyen de lutter contre la complicité culturelle et sociale et ses effets sélectifs.
• Une réduction intolérable : un métier est toujours irréductible à la somme des compétences nécessaires pour l ’exercer… Il suppose « un projet », « une prise sur le monde ».
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Quel modèle pour pour penser l ’alternance ?
le modèle constructiviste
• Un acquis fondateur : les compétences professionnelles se construisent en élaborant des solutions à des problèmes identifiés.
• Une théorie particulièrement « coûteuse », qui nécessite une approche interdisciplinaire de la complexité des situations et néglige l ’importance de la construction de nécessaires « routines ».
• Une approche qui se heurte toujours à l ’existence du « reste »...
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Quel modèle pour penser pour penser l ’alternance ?
le modèle anthropologique
• Le retour permanent du « refoulé » : « Il y a toujours un “je-ne-sais-quoi” ou un “presque-rien” qui fait toute la différence… » Vladimir Jankélévitch
• Dès lors qu’on tente d’identifier ce « je-ne- sais-quoi », il semble toujours se réfugier ailleurs…
• La reconnaissance de la dimension symbolique du métier d ’enseignant.
• La reconnaissance de la dimension symbolique du métier d ’enseignant :
« le projet d ’enseigner »
TRANSMETTRE INSTITUERL ’ECOLE
FAIRE ADVENIRL ’HUMANITE
DANS L ’HOMME
Projet culturel:
Assurer le lien entre les
générations
Projet politique :
Construire un espace public
dévolu à la recherche de la
vérité
Projet philosophique :
Rendre chacun capable de « penser par lui-
même »
L ’alternance au cœur des modèles de formation
modèle mimétique :
imitation /reproduction
modèle béhavioriste :
analyse des tâches et apprentissages ciblés
modèle constructiviste :
vision globale et pluridisciplinaire / résolution
de problèmes professionnels
modèle humaniste :
culture générale / distance critique
Modèle anthropologique : articuler savoir-faire et savoirs au « projet d ’enseigner »
Savoir-faire pragmatiques Savoirs modélisés
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2) Quels principes pour mettre en œuvre l ’alternance ?
Une formation qui écarte les oppositions stériles entre :– théorie et pratique,– disciplinaire et transversal,
Une formation centrée sur une véritable alternance et permettant de penser l’interaction « décisions » / « enjeux ».
Une formation du jugement.
Action : prise de décisionAction : prise de décision
Enjeux de l ’action :Enjeux de l ’action : - au niveau des apprentissages,
- au niveau du projet culturel,
- au niveau des modèles sociaux,
- au niveau éthique et politique.
Décisions concrètes
Modèles théoriques
Quels principes pour mettre en œuvre l ’alternance ?
Une formation du jugement
Aller-retour
Ajustements progressifs
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Le travail sur le rapport entre les décisions et les enjeux est d ’autant plus efficace que l ’on s ’astreint
à des « changements de focale »
Travail à distance sur le long terme (mémoire). Travail de préparation pédagogique et didactique. Travail d ’analyse de pratiques. Travail de reprise immédiate (visites).
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Quels principes pour mettre en œuvre l ’alternance ?
Une formation du jugement
• Aristote : la phronesis et le kaïros,
• La casuistique et les jésuites,
• Le « tact » dans la philosophie allemande (Helmholtz)
• L ’habitus chez Bourdieu,
• La « théorie de l ’occasion » chez Michel de Certeau.
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3) Quels outils pour mettre en œuvre l ’alternance ?
• Permettre à la personne en formation d ’accéder aux cinq dimensions constitutives de l ’alternance,
• favoriser la cohérence des activités en les vectorisant par une tâche (mémoire),
• partir et revenir toujours au « métier réel »… faire son deuil du « métier idéal », sans renoncer, pour autant, à le transformer.
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L ’alternance doit permettre l ’exercice quotidien du « métier réel »...
... comme combinaison de routines nécessaires, de réglages possibles et
d ’inventions régulées.
routines nécessaires
réglages possibles
inventions régulées
pour assurer la stabilité
nécessaire à l ’exercice du
métier.
pour permettre de trouver les
équilibres entre des logiques
contradictoires.
pour faire du métier une occasion de gratification
intellectuelle et narcissique.
+ +
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Quels outils théoriques pour mettre en œuvre l ’alternance ?
• La mise en place de routines efficaces suppose une observation et un entraînement soutenus par une réflexivité.
• Les « réglages fins » supposent l ’identification des contradictions, la capacité à anticiper les conséquences anticiper les conséquences possiblespossibles d’une action, à la réguler et à l’évaluer.
• L ’inventivité consiste à utiliser, en les perfectionnant, des modèles acceptables et acceptables et provisoiresprovisoires.
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Quels outils théoriques pour mettre en œuvre l ’alternance ?
IL FAUT DONC DISPOSER DE GRILLES DE LECTURES PERMETTANT DE REPERER LES ENJEUX DES ACTES QU ’ON POSE :– dans le domaine de l’activité pédagogique,– dans le domaine de la mise en œuvre
didactique.
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Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de l ’activité pédagogique ?
Principe de finalisation :
« On n’apprend bien que si l’on est mobilisé par une activité complexe
qui fait sens… »Célestin Freinet
Principe de formalisation :
« On n’apprend bien que qui l’on respecte les
principes d’obligation, de progressivité et d ’exhaustivité… »
Jean-Amos Coménius
Priorité au projet Priorité au programme
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Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de l ’activité pédagogique ?
Principe de l ’apprentissage
endogène :
« On n ’apprend bien que ce que l’on a appris
soi-même. » Carl Rogers
Nous devons tout reconstruire nous-mêmes.
Principe de l ’apprentissage
exogène :
« Tout autodidacte est un imposteur »
Paul Ricoeur
Nous ne pouvons pas tout réinventer tout seul.
Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de l ’activité pédagogique ?
Principe de continuité :
« On n’apprend et on ne grandit que si ce que l ’on
fait s ’inscrit dans la continuité de ce qu ’on
sait déjà faire. »
Édouard Claparède
Principe de rupture :
« On n ’apprend et on ne grandit que si l’on rompt avec ce que l’on est, ce que l ’on pense, ce que
sait et sait faire. »
Gaston Bachelard
Attention au déjà-là. Attention à ce qui peut ouvrir de nouvelles perspectives.
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Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de l ’activité pédagogique ?
Principe de la prise de risque :
« On ne progresse que si l’on décide de faire ce qu ’on
ne sait pas faire pour apprendre à le faire, sans
savoir le faire… »
Aristote
Principe du sursis critique :
« On ne progresse que si l’on sait surseoir au passage à l’acte et à l’immédiateté
de l’action… »
Sigmund Freud
Apprentissage de la décision Apprentissage de la retenue
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Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de l ’activité pédagogique ?
Principe de l’homogénéité :
« On ne peut aider des sujets que si l’on prend en compte leurs besoins spécifiques par des
groupements adaptés… »
Adolphe Ferrière
Principe de l’hétérogénéité:
« On ne peut aider les sujets que si on crée de
l’interaction à partir de leurs différences… »
Jean Piaget
Pédagogie différenciée Pédagogie interactive
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Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de l ’activité pédagogique ?
Principe d ’éducabilité :
« Tout élève est apte à étudier toute les matières et je n’ai jamais le droit
de désespérer de quiconque. »
Les enfants de Barbiana
Principe de liberté :
« Il n’y a rien que ne fasse un sujet qui ne mobilise sa
liberté et ne requière de lui un engagement que nul
ne peut effectuer à sa place. »
Carl Rogers
« Je peux tout pour toi… » « Toi seul peut t ’en sortir »
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Quelles grilles de lecture pour repérer les enjeux des actes qu’on pose dans le domaine de la mise en œuvre didactique ?
Un projet global qui donne sens à une activité et permet qu ’elle soit portée par une intentionnalité.
Des objectifs généraux nécessaires pour finaliser l ’activité… mais difficilement opérationnalisables.
Des indicateurs de réussite, comportant toujours un caractère aléatoire.
Un ancrage et une symbolisation facilitant l’accès à l’activité.
Un cadre structuré.
Un étayage exigeant...
Des connaissances multiples dont la maîtrise est nécessaire mais risquent de faire perdre le sens.
Des objectifs opérationnels dont la totalité ne permettent pas de se représenter l ’objectif général.
Des critères observables mais à la portée limitée pour évaluer la réalité de la progression.
Une rétention dans l’immédiat qui bloque le passage à l ’abstraction.
Un accompagnement individualisé.
Un désétayage indispensable...
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Conclusion
L ’alternance nécessaire à la formation pour...
• un métier d ’expertL ’expert est dans la capacité d ’articuler le « détail » et les
« modèles », les « décisions » et les « enjeux ». • un engagement citoyen
Le « professionnel citoyen » est celui qui refuse la réduction bureaucratique de sa mission à ses compétences et se
revendique partie prenante de son institution.